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[J-1] Quid de la stratégie de Tsipras ?

Saturday 11 July 2015 at 11:20

La trahison de Tsipras?

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Les propositions soumises par Alexis Tsipras et son gouvernement dans la nuit de jeudi à vendredi ont provoqué la stupeur. Elle reprennent largement, mais non totalement, les propositions formulées par l’Eurogroupe le 26 juin. Elles sont largement perçues dans l’opinion internationale comme une « capitulation » du gouvernement Tsipras. La réaction très positive des marchés financiers ce vendredi matin est, à cet égard, un signe important.

On sait par ailleurs qu’elles ont été en partie rédigées avec l’aide de hauts fonctionnaires français, même si cela est démenti par Bercy. Ces propositions résultent d’un intense travail de pressions tant sur la Grèce que sur l’Allemagne exercées par les Etats-Unis. La France a, ici, délibérément choisi le camp des Etats-Unis contre celui de l’Allemagne. Le gouvernement français n’a pas eu nécessairement tort de choisir d’affronter l’Allemagne sur ce dossier. Mais, il s’est engagé dans cette voie pour des raisons essentiellement idéologique. En fait, ce que veut par dessus tout M. François Hollande c’est « sauver l’Euro ». Il risque de voir très rapidement tout le prix qu’il a payé pour cela, et pour un résultat qui ne durera probablement que quelques mois. Car, ces propositions, si elles devaient être acceptées, ne règlent rien.

Les termes de la proposition grecque

Ces propositions sont donc proches de celles de l’Eurogroupe. On peut cependant noter certaines différences avec le texte du 26 juin, et en particulier la volonté de protéger les secteurs les plus fragiles de la société grecque : maintien du taux de TVA à 7% pour les produits de base, exemptions pour les îles les plus pauvres, maintien jusqu’en 2019 du système d’aide aux retraites les plus faibles. De ce point de vue, le gouvernement grec n’a effectivement pas cédé. De même, le gouvernement a inclus dans ce plan des mesures de luttes contre la fraude fiscale et la corruption, qui faisaient parties du programme initial de Syriza. Mais, il faut bien reconnaître qu’il s’est, pour le reste, largement aligné sur les demandes de l’Eurogroupe. Faut-il alors parler de capitulation comme le font certains ? La réponse est pourtant moins simple que ce qu’il paraît.

En effet, le gouvernement grec insiste sur trois points : un reprofilage de la dette (à partir de 2022) aboutissant à la reporter dans le temps de manière à la rendre viable, l’accès à 53 milliards sur trois ans, et le déblocage d’un plan d’investissement, dit « plan Juncker ». Mais, ce « plan » inclut largement des sommes prévues – mais non versées – par l’Union européenne au titre des fonds structurels. Surtout, le gouvernement grec insiste sur unengagement contraignant à l’ouverture de négociations sur la dette dès le mois d’octobre. Or, on rappelle que c’était justement l’une des choses qui avaient été refusées par l’Eurogroupe, conduisant à la rupture des négociations et à la décision d’Alexis Tsipras de convoquer un référendum.

De fait, les propositions transmises par le gouvernement grec, si elles font incontestablement un pas vers les créanciers, maintiennent une partie des exigences formulées précédemment. C’est pourquoi il est encore trop tôt de parler de capitulation. Une interprétation possible de ces propositions est qu’elles ont pour fonction de mettre l’Allemagne, et avec elle les autres pays partisans d’une expulsion de la Grèce de la zone Euro, au pied du mur. On sait que les Etats-Unis, inquiets des conséquences d’un « Grexit » sur l’avenir de la zone Euro, ont mis tout leur poids dans la balance pour amener Mme Merkel à des concessions importantes. Que l’Allemagne fasse preuve d’intransigeance et c’est elle qui portera la responsabilité du « Grexit ». Qu’elle se décide à céder, et elle ne pourra plus refuser au Portugal, à l’Espagne, voire à l’Italie, ce qu’elle a concédé à la Grèce. On peut alors considérer que ce plan est une nouvelle démonstration du sens tactique inné d’Alexis Tsipras. Mais, ces propositions présentent aussi un grave problème au gouvernement grec.

Le dilemme du gouvernement grec

Le problème auquel le gouvernement Tsipras est confronté aujourd’hui est double : politique et économique. Politiquement, vouloir faire comme si le référendum n’avait pas eu lieu, comme si le « non » n’avait pas été largement, et même massivement, majoritaire, ne sera pas possible sans dommages politiques importants. Le Ministre des finances démissionnaire, M. Yannis Varoufakis, a d’ailleurs critiqué des aspects de ces propositions. Plus profondément, ces propositions ne peuvent pas ne pas troubler non seulement les militants de Syriza, et en particulier la gauche de ce parti, mais aussi, et au-delà, l’ensemble des électeurs qui s’étaient mobilisés pour soutenir le gouvernement et Alexis Tsipras. Ce dernier prend donc le risque de provoquer une immense déception. Celle-ci le laisserait en réalité sans défense faces aux différentes manœuvres tant parlementaires qu’extra-parlementaires dont on peut imaginer que ses adversaires politiques ne se priveront pas. Or, la volonté des institutions européennes de provoquer un changement de gouvernement, ce qu’avait dit crûment le Président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz, n’a pas changé. Hier, jeudi, Jean-Claude Juncker recevait les dirigeants de la Nouvelle Démocratie (centre-droit) et de To Potami (centre-gauche). Privé d’un large soutien dans la société, ayant lourdement déçu l’aile gauche de son parti, aile gauche qui représente plus de 40% de Syriza, Tsipras sera désormais très vulnérable. Au minimum, il aura cassé la logique de mobilisation populaire qui s’était manifestée lors du référendum du 5 juillet et pendant la campagne. Il faut ici rappeler que les résultats de ce référendum ont montré une véritable mobilisation allant bien au-delà de l’électorat de Syriza et de l’ANEL, les deux partis du gouvernement. Cela aura, bien entendu des conséquences. Si les députés de la gauche de Syriza vont très probablement voter ces propositions au Parlement, il est néanmoins clair que les extrêmes, le KKE (les communistes néostaliniens) et le parti d’Extrême-Droite « Aube Dorée », vont pouvoir tirer profit de la déception que va susciter ces propositions.

Au-delà, la question de la viabilité de l’économie grecque reste posée, car ces propositions n’apportent aucune solution au problème de fond qui est posé. Certes, cette question de la viabilité sera posée dans des termes moins immédiatement dramatiques qu’aujourd’hui si un accord est conclu. La crise de liquidité pourra être jugulée sans recourir aux mesures radicales que l’on a évoquées dans ces carnet. Les banques, à nouveau alimentée par la BCE, pourront reprendre leurs opérations. Mais, rien ne sera réglé. Olivier Blanchard, l’ancien économiste en chef du Fond Monétaire International signale que les pronostics très négatifs réalisés par son organisation sont probablement en-deçà de la réalité. Après cinq années d’austérité qui l’ont saigné à blanc, l’économie grecque a désespérément besoin de souffler. Cela aurait pu passer par des investissements, une baisse de la pression fiscale, bref par moins d’austérité. Ce n’est pas le chemin vers lequel on se dirige. Cela aurait pu aussi passer par une sortie, et non une expulsion, hors de la zone Euro qui, en permettant à l’économie grecque de déprécier sa monnaie de -20% à -25%, lui aurait redonné sa compétitivité. On ne fera, à l’évidence, ni l’un ni l’autre. Dès lors, il faut s’interroger sur les conditions d’application des propositions soumises par la Grèce à ses créanciers. Même en admettant qu’un accord soit trouvé, la détérioration de la situation économique induite par l’action de la Banque Centrale Européenne, que M. Varoufakis a qualifiée de « terroriste », venant après cinq années d’austérité risque de rendre caduques ces propositions d’ici à quelques mois. Une chute des recettes de la TVA est aujourd’hui prévisible. Une nouvelle négociation sera donc nécessaire. En ce sens, ces propositions ne règlent rien.

L’Euro c’est l’austérité

Il faut, alors, s’interroger sur le sens profond de ces propositions. Si elles sont tactiquement défendables, elles correspondent très probablement à une erreur de stratégie. Alexis Tsipras a déclaré ce vendredi matin, devant le groupe parlementaire de Syriza, qu’il n’avait pas reçu mandat du peuple grec pour sortir de l’Euro. Le fait est aujourd’hui débattable, surtout après l’écrasante victoire du « non » au référendum. Il est clair que telle n’était pas l’intention initiale du gouvernement, et ne correspondait pas au programme sur lequel il avait été élu. Mais, on peut penser que mis devant l’alternative, refuser l’austérité ou refuser l’Euro, la population grecque est en train d’évoluer rapidement. En fait, on observe une radicalisation dans les positions de la population, ou du moins c’est ce qui était observée jusqu’à ces propositions. Les jours qui viennent indiqueront si cette radicalisation se poursuit ou si elle a été cassée par ce qu’a fait le gouvernement.

En réalité, ce que l’on perçoit de manière de plus en plus claire, et c’est d’ailleurs l’analyse qui est défendue par l’aile gauche de Syriza et un économiste comme Costas Lapavitsas[1], c’est que le cadre de l’Euro impose les politiques d’austérité. Si Tsipras a cru sincèrement qu’il pourrait changer cela, il doit reconnaître aujourd’hui qu’il a échoué. L’austérité restera la politique de la zone Euro. Il n’y aura pas « d’autre Euro », et cette leçon s’applique aussi à ceux qui, en France, défendent cette fadaise. Dès lors il faut poser clairement le problème d’une sortie de l’Euro, qu’il s’agisse d’ailleurs de la Grèce ou de nombreux autres pays.

[1] Voir son interview, http://therealnews.com/t2/index.php?option=com_content&task=view&id=31&Itemid=74&jumival=14181

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 10 juillet 2015.

Grèce : le gouvernement Tsipras a-t-il vraiment refusé de réformer ?

Le gouvernement grec a-t-il entamé des réformes ?

Le gouvernement grec a-t-il entamé des réformes ?

Les créanciers justifient leur dureté avec Athènes par un manque de volonté de réformer du gouvernement grec. Mais qu’en est-il exactement ?

Un des arguments les plus fréquemment utilisés ces derniers jours pour justifier la violence avec laquelle la Grèce et son gouvernement sont traités par les créanciers européens est l’incapacité du gouvernement d’Alexis Tsipras à réformer. La charge a été menée notamment par l’ancien premier ministre belge, le libéral flamand Guy Verhofstadt en réponse au discours du premier ministre hellénique le jeudi 8 juillet.

L’arrestation de Leonidas Bobolas

Qu’en est-il exactement ? Evidemment, il y a loin de l’ambitieux programme de Syriza à ce qui a été fait sur le terrain. Affirmer que rien n’a été fait n’est cependant pas vrai. Du reste, qui connaît la Grèce ne peut que s’en convaincre quand il songe à cette image d’un des hommes les plus puissants du pays, Leonidas Bobolas, arrêté par la police pour évasion fiscale et contraint de payer 1,8 million d’euros pour sa libération. Personne n’aurait pu imaginer une telle scène, car Leonidas Bobolas, président d’une puissante société de construction et président des sociétés d’autoroutes de l’Attique était connu pour ses « amitiés politiques. » C’était l’exemple de l’oligarque lié au pouvoir politique.

Des mesures contre l’évasion fiscale

Une action symbolique ? Bien sûr et sans doute trop isolée. Mais pas uniquement. Depuis cette arrestation, plusieurs riches contribuables demandent à régulariser leur situation fiscale pour éviter le sort de Leonidas Bobolas. La fameuse « liste Lagarde » des évadés fiscaux, après avoir été mise au rebus par les précédents gouvernements, commence à porter ses fruits. Du reste, le gouvernement grec a entamé des pourparlers avec les autorités suisses – gelés au cours des dernières années – pour conclure un accord fiscal. Il a aussi demandé et obtenu la coopération du gouvernement régional de Rhénanie du Nord-Westphalie en Allemagne, qui a été en pointe dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Le long travail préalable

Mais le gouvernement grec doit repartir de zéro dans des conditions difficiles. D’abord, une partie de la hiérarchie intermédiaire administrative, issue du clientélisme, est hostile au gouvernement et « protège » certains contrevenants. Ensuite, il convient de reprendre entièrement les méthodes de travail. Il a donc fallu réorganiser les agences de contrôles. Un nouveau ministère de la Transparence a été mis en place pour unifier ces contrôles. Ce travail, s’il est peu visible des médias ou de Guy Verhofstadt, est cependant essentiel et constitue une « réforme structurelle » majeure.

Quelques fruits

Ces nouvelles méthodes commencent cependant à porter leurs fruits. Deux listes ont déjà été publiées et sont traitées directement par les services fiscaux : une liste d’évadés fiscaux le 2 mars et une liste de fraudeurs fiscaux (ayant déclaré en tout 70,5 millions d’euros de moins que la réalité) le 6 mai. Par ailleurs, un travail de vérification des données fiscales de près de 1,3 millions de contribuables déclarant plus de 300.000 euros au cours des dix dernières années est en cours. Le gouvernement a aussi mis en place un « registre des fortunes », sorte d’embryon de cadastre notamment, qui est en cours d’élaboration. Il s’agit d’avoir une vision la plus précise possible de la richesse de chaque contribuable, y compris foncière.

Inspections du travail renouvelées

De même, une nouvelle équipe d’inspecteurs du travail, la Sepe, a été mise sur pied et a effectué de nombreux contrôles, notamment dans les banques et les médias. Ainsi le groupe de télévision privé Skai a été inspecté pour la première fois depuis 17 ans. De plus, le 11 mai, le gouvernement a établi que le travail dissimulé dans la société de livraison Raptopoulos a conduit à un manque à gagner de 193 millions d’euros pour l’Etat. Dire que le nouveau gouvernement n’a rien fait est donc faux.

La tentative de numérisation des paiements

La détermination du gouvernement a également lancé un projet important concernant la numérisation des paiements le 13 mai dernier. Le président de l’industrie touristique, Andreas Andreadis s’en félicite et rappelle que c’est une mesure qu’il a de nombreuses fois demandé en vain aux précédents gouvernements et aux représentants de la troïka. Mais comment mettre en place cette numérisation dans un contexte de fuite des dépôts, puis de course aux guichets bancaires ? Alors que le gouvernement grec voulait réduire l’utilisation du liquide, la stratégie du « nœud coulant » de la BCE et des créanciers l’a renforcée.

La responsabilité des créanciers

Du reste, les créanciers ont beau jeu aujourd’hui de prétendre s’offusquer de l’immobilisme de Syriza en matière de réformes. Ils oublient encore leur part de responsabilité. En effet, le 20 février, dans l’accord signé avec les créanciers, Athènes s’est engagée à ne pas « prendre de mesures budgétaires unilatérales. » « Toute mesure d’envergure sur les questions importantes devait, dans le programme qui s’est achevé le 30 juin, être approuvée par les institutions pour ne pas être considéré comme une action unilatérale », explique un responsable gouvernemental hellénique. Cette décision était donc un piège tendu au gouvernement grec, le paralysant pour mieux pouvoir l’accuser d’inertie.

Des « listes de réformes » rejetées

Du reste, dans les nombreuses « listes de réformes » envoyés par Athènes aux créanciers, il y avait toujours un aspect « structurel » concernant le fisc et la numérisation des paiements. Toutes ces listes ont été rejetées comme « insuffisantes » ou « peu sérieuses. » Dans la proposition du 22 juin dernier, le gouvernement avait proposé une taxe relevée sur les entreprises réalisant plus de 500.000 euros de bénéfices en Grèce. Un moyen de mieux répartir l’impôt et donc de le faire mieux accepter. Mais le FMI et l’UE ont biffé cette proposition en rouge. Au point que l’on se demande si ces réformes structurelles étaient alors jugées utiles par les créanciers.

Contexte très défavorable

Reste un point : l’équipe gouvernementale débutante a dû mener des réformes dans un contexte d’asphyxie économique, de retraits massifs des dépôts, de développement du numéraire dans l’économie en raison des actions de la BCE et de recherche désespérée de ressources pour payer les créanciers. Quel gouvernement, fût-il le plus aiguisé aurait pu changer l’administration et les habitudes d’un pays en six mois dans de telles conditions ? Encore une fois, on exige des Grecs ce que l’on ne saurait exiger de nous-mêmes. Le « blame game » joue à plein. Mais la réalité, c’est que les Européens ont peut-être ici perdu une chance historique de réellement réformer la Grèce.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 9 juillet 2015.

Grèce : où Alexis Tsipras veut-il en venir ?

Que cherche le premier ministre grec avec sa proposition ?

Que cherche le premier ministre grec avec sa proposition ?

En acceptant les anciennes propositions des créanciers, le premier ministre grec tente un coup de dés. Quelles sont ses ambitions ?

Avec la reprise des propositions des créanciers qui s’apparente à une victoire par procuration du « oui » au référendum du 5 juillet, Alexis Tsipras donne l’impression de renoncer à beaucoup de ses objectifs. Mais dans quel but le premier ministre hellénique a-t-il accepté ces concessions majeures ?

1. Faire repartir l’économie

L’objectif premier de l’hôte de Maximou, le Matignon grec, c’est évidemment de mettre fin à l’asphyxie économique et financière dont son pays est victime. La Grèce est presque coupée désormais du reste du monde en termes économiques. Les importations deviennent presque impossibles et les exportations très difficiles. Le règne de l’argent liquide menace par ailleurs les recettes publiques. La situation ne pouvait continuer. Un accord rapide vise à rétablir le fonctionnement normal du système bancaire. Si la Commission accepte de débloquer les 35 milliards d’euros bloqués pour « raison politique » en en faisant un usage massif et rapide, Alexis Tsipras peut compter sur une bonne dynamique d’ici à la fin de l’année qui s’accompagnera d’un effet « rattrapage » après 6 mois de gel de l’activité économique. Ceci pourrait faire passer en partie les premières mesures d’austérité.

2. Gagner du temps pour les “vraies” réformes

En laissant mourir le programme du 30 juin et en demandant un troisième plan, la Grèce sort de la politique des « plans à court terme. » Jusqu’au 30 juin, on négociait des financements de quelques mois au mieux, cette fois, le gouvernement grec demande un plan de trois ans. Ceci couvre une grande partie du mandat d’Alexis Tsipras et permet de réaliser les « vraies » réformes, celles pour lesquelles les Grecs ont porté ce gouvernement au pouvoir : amélioration des recettes fiscales, meilleure justice sociale et lutte contre l’oligarchie. S’il réussit à mettre en place ces réformes, les éléments « punitifs » du plan ne seront alors plus forcément nécessaires. Alexis Tsipras sera alors celui qui aura mis fin à la logique purement comptable de la troïka. On comprend alors mieux l’importance du référendum : il a permis de mettre fin à ce « nœud coulant » financier lié au maintien depuis février d’une logique de court terme.

3. Mettre les créanciers face à leurs responsabilités

En reprenant les mesures des créanciers, Alexis Tsipras les contraint en réalité à accepter sa proposition de restructuration de la dette à long terme. Si les créanciers refusent, leur intransigeance éclatera au grand jour et il sera difficile de tenir le discours habituel fustigeant des Grecs pas sérieux. Dès lors, la sortie de la zone euro, si elle a lieu, sera une expulsion politique et sa gestion sera justifiée face aux Grecs. S’ils acceptent, alors Alexis Tsipras pourra se vanter d’avoir réussi là où le gouvernement Samaras a échoué : obtenir une remise de dette à partir de 2022 qui va permettre de redonner de la visibilité aux investisseurs et aux agents économiques grecs. Il pourra aussi renforcer ainsi sa stature d’homme d’Etat travaillant pour la Grèce à long terme en étant celui qui a fait céder en Europe, pour la première fois Angela Merkel et Wolfgang Schäuble.

4. Renforcer sa position politique

Le référendum du 5 juillet a été une défaite politique cuisante pour l’opposition centriste et conservatrice qui sont apparues comme des forces aveuglément suivistes des ordres des créanciers. Aujourd’hui, Alexis Tsipras les prend au piège à nouveau en reprenant le texte pour lequel ils avaient fait campagne. Il détruit donc toute opposition sur sa droite. Sur sa gauche, c’est évidemment plus délicat, mais là encore, la victoire au référendum a tellement renforcé la position d’Alexis Tsipras et la tension économique est si forte, que la gauche de Syriza ne peut prendre le risque de renverser le gouvernement. Sans doute y aura-t-il de la mauvaise humeur, mais il est actuellement très difficile de prétendre faire campagne contre Alexis Tsipras. Comme Angela Merkel en Allemagne, le premier ministre grec renforce donc sa position politique avec cette proposition. Il serait donc parvenu, grâce au référendum, à échapper au « coup d’Etat financier » souhaité par Bruxelles et Berlin. Face à l’opinion, il peut prétendre incarner à la fois la rupture avec l’austérité unilatérale du passé, la résistance face à la dureté des créanciers et la responsabilité. C’est finalement le cœur de son mandat du 25 janvier : infléchir la politique sans sortir de l’euro.

5. Garantir les acquis

Si la proposition grecque est une capitulation au regard du « non » du référendum et même des propositions grecques du 1er juillet. Mais ce n’est pas une capitulation au regard de la situation de départ du gouvernement. Il est faux d’affirmer que le gouvernement grec aurait obtenu la même chose sans lutter. D’abord, parce que, comme on l’a dit, on parle désormais d’un plan de trois ans. Ensuite, parce que le gouvernement a obtenu de vrais succès : acceptation d’une réforme du marché du travail conforme aux standards de l’OCDE et de l’OIT, pas de baisses de salaires ni de réductions d’effectifs dans la fonction publique, des retraites en partie préservées, un effort socialement mieux réparti en dépit de la hausse de la TVA (mais l’électricité reste à 13 %). Alexis Tsipras a estimé qu’une sortie de la zone euro aurait mis en danger ces acquis.

Au final, le plan d’Alexis Tsipras semble plus élaboré qu’il n’y paraît au premier regard. La fonction du référendum ne semble pas non plus si futile qu’on pourrait le croire. Mais le premier ministre grec prend néanmoins un risque majeur, car les Grecs vont à nouveau devoir accepter des sacrifices importants et douloureux. Le risque, c’est aussi que le gouvernement Tsipras ne soit dépendant des « revues » de la troïka et ne devienne qu’un fondée de pouvoir des créanciers comme ses prédécesseurs. Au-delà de l’accord, son application sera donc un élément à surveiller de près…

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 10 juillet 2015.

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11/07 : Le Parlement grec valide à la proposition d’accord soumise aux créanciers par Alexis Tsipras

Le Parlement grec a donné dans la nuit son feu vert à la proposition d’accord soumise aux créanciers du pays par le gouvernement d’Alexis Tsipras. Le vote a cependant été marqué par les défections de plusieurs députés de Syriza, selon le décompte de l’assemblée.

Le Premier ministre, qui avait fait de ce vote un choix de “haute responsabilité nationale”, a recueilli 251 votes positifs sur un total de 300 députés pour aller négocier samedi avec les créanciers du pays (UE, BCE, FMI) sur la base de la proposition qu’il a mise sur la table jeudi soir. Mais il a enregistré les défections de dix députés de son parti de gauche radicale Syriza qui se sont abstenus ou, pour deux d’entre eux, ont voté contre ce plan d’accord.

Parmi les huit abstentionnistes figurent trois personnalités de sa majorité : le ministre de l’Energie Panagiotis Lafazanis et le ministre délégué aux caisses d’assurance sociale Dimitris Stratoulis, de l’aile eurosceptique de Syriza, ainsi que la présidente du Parlement Zoe Konstantopoulou, troisième personnage de l’Etat.

Plusieurs députés Syriza étaient par ailleurs absents pour le vote, dont l’ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis, si bien que le texte a été adopté avec les voix de l’opposition, socialistes et conservateurs notamment, puisque la majorité gouvernementale compte 149 députés Syriza ainsi que 13 députés du petit parti de droite souverainiste Anel, ces derniers ayant voté pour la proposition d’accord.

Les commentateurs politiques estimaient samedi que ces défections au sein de la majorité pourraient entraîner des changements politiques, peut-être sous la forme d’un remaniement ministériel.

Alexis Tsipras, tout en défendant le paquet de mesures proposé par le gouvernement, avait admis, face aux parlementaires, qu’elles étaient “difficiles” et loin des promesses électorales de la gauche radicale.

(avec AFP)

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Source: http://www.les-crises.fr/j-1-quid-de-la-strategie-de-tsipras/