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Jeremy Corbyn : tremblement de terre ou suicide politique ? Par Caroline Fourest

Friday 2 October 2015 at 01:30

Encore du Très grand journalisme à la Fourest, sur le “sévice public”

Le Monde selon Caroline Fourest

Emission du 14.09.2015 – 07:19

Source : France culture,

- Journaliste : Bonjour Caroline, cette semaine vous revenez sur les engagements moins connus et parfois troubles de Jeremy Corbyn, élu à la tête du Parti Travailliste anglais à près de 60% ce week-end. Une nouvelle saluée par une grande partie de la gauche radicale européenne, d’autres y voient un suicide politique.

- Caroline Fourest : Tout dépend en fait de l’angle sous lequel on regarde Jeremy Corbyn. Si on le regarde sous l’angle économique uniquement, sa victoire signifie incontestablement qu’il existe encore une gauche capable de défendre l’état providence en Angleterre. Corbyn est fermement opposé aux politiques d’austérité, il prône même la renationalisation dans des secteurs comme l’énergie ou les chemins de fer. C’est très rafraichissant après tant d’années de dérégulation et de privatisation, que ce soit sous Margaret Thatcher ou sous Tony blair. Pour la gauche radicale, l’élection de Corbyn signifie donc la mort du « blairisme ». Le signe qu’après Syriza et Podemos, il est possible de rêver à une Grande-Bretagne qui ne pense pas qu’à torpiller l’Europe politique et favorise au contraire une vraie politique de relance européenne et ce serait réjouissant si c’était le cas.

Le problème, c’est que l’élection de Jeremy Corbyn ne va pas que tuer le « blairisme », elle risque aussi de plonger la gauche anglaise dans un très long, très long coma. Car avec lui à la tête des travaillistes, sitôt son vrai visage mieux connu, et bien les conservateurs ont de quoi régner très longtemps sur le 10 Downing Street.

- Journaliste : Vous pensez donc, Caroline, que l’enthousiasme pour Jeremy Corbyn ne va pas durer.

- Caroline Fourest : Non, les conservateurs se frottent déjà les mains à l’idée de l’affronter tellement l’homme a accumulé les prises de position douteuses au fil des années. Alors je ne parle encore une fois pas du tout de ses prises de position économiques, c’est une politique alternative et ambitieuse qui mérite d’être débattue, qui mérite même d’être défendue mais je parle de ses positions en matière de politique internationale, de liberté d’expression ou de terrorisme.

Des associations s’inquiètent par exemple de ses fréquentations complotistes et antisémites, comme cet écrivain niant la Shoah qui l’a financé, ou ceux qu’il appelle ses amis, des cadres du Hamas et du Hezbollah, avec qui il partage de nombreuses tribunes en expliquant à chaque fois que c’est un plaisir et un honneur. L’entourage de Corbyn s’est défendu en expliquant qu’il n’était pas bien au courant pour les convictions négationnistes de son ami écrivain et qu’il appelle un peu facilement tout le monde ses « amis ». Il soutient néanmoins l’association Kedge, créée par des islamistes ou des pro-islamistes, pour soutenir les victimes de l’anti-terrorisme – oui vous avez bien entendu, les victimes de l’anti-terrorisme et non du terrorisme, c’est une question de priorités. Il donne aussi volontiers des interviews à la télévision iranienne et à Russia Today, la chaine de propagande du régime russe, celle qu’il préfère, il la décrit comme « la chaine la plus objective du paysage audiovisuel » ce qui en dit long sur sa vision du monde. Il a également manifesté contre la publication des dessins de Mahomet en 2006 en compagnie d’intégristes anglais à côté de qui nos islamistes à nous ont l’air de soixante-huitards débridés et bien sûr il est tout à fait désolé pour ce qui s’est passé le sept janvier. Reste que Corbyn est un pur produit de cette gauche radicale flirtant volontiers avec les pires extrémistes de la planète par anti-américanisme primaire. Cela n’a peut-être pas joué un rôle au moment de l’élection interne aux travaillistes mais ça lui sera certainement fatal devant l’opinion publique anglaise lors d’une élection nationale.

- Journaliste : Vous ne pensez donc pas, Caroline, que Jeremy Corbyn a des chances de devenir premier ministre ?

- Caroline Fourest : Lui-même en doute et pour certains de ses sympathisants ce n’est d’ailleurs pas si grave. Quand est gauchiste dans l’âme et non progressiste, le but n’est pas de convaincre le plus grand nombre d’adhérer au progrès mais d’avoir raison seul contre tous et de pouvoir ainsi conserver sa pureté. Et dans ce domaine, ceux qui défendent une gauche radicale au niveau économique mais alliés aux intégristes ou aux tyrans au niveau international peuvent être tout à fait rassurés. Tant que la gauche radicale européenne ne saura pas proposer une alternative économique sans se défaire de cette forme d’indulgence, d’aveuglement envers les intégristes et les dictateurs, elle n’aura mais alors aucune chance de se salir les mains. Malgré la crise, malgré tout ce qui lui souffle dans les voiles, elle n’attirera pas la gauche qui sait douter, dans une décennie marquée par la menace terroriste, elle travaillera uniquement à faire monter l’extrême droite sans avoir aucune chance de peser réellement sur le sort de l’Europe.

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CORBYN ET SES “AMIS INTÉGRISTES” : FOUREST OU L’ART DU RACCOURCI

Par Justine Brabant ; Source : ArretSurImages, Le 15/09/2015

Coupable d’amitiés sulfureuses, Corbyn ? L’élection de Jeremy Corbyn à la tête du parti travailliste britannique a fait réagir, en France, l’essayiste Caroline Fourest, qui y a consacré sa chronique hebdomadaire sur France Culture lundi 14 septembre. Sa thèse : si son programme économique est défendable, le nouveau patron des travaillistes défend en revanche, sur le plan de la politique extérieure, des positions sulfureuses. Problème : les arguments avancés par Fourest pour appuyer sa thèse relèvent au mieux du raccourci maladroit, au pire du mensonge.

Un programme économique “très rafraîchissant” et même “défendable“, mais des “prises de position douteuses” en matière de politique internationale : lundi 14 septembre, Caroline Fourest a entrepris de dévoiler “le vrai visage” de Jeremy Corbyn, nouveau patron des travaillistes britanniques. Les exemples qu’elle cite ont de quoi interpeller, en effet :

Dans la foulée, Fourest poste une version écrite – plus étoffée – de son billet sur son blog. Son titre est clair : “Les amis intégristes de Jeremy Corbyn“. Intrigué par ce député dont le média “préféré” serait Russia Today, @si est parti à la recherche des sources de Fourest. Le résultat : pour quasiment chaque cas cité, l’essayiste déforme ou surinterprète les faits.

Affirmation n°1 : “C’est chez ses amis de la Mosquée de Finsbury, l’une des plus radicales d’Europe, reprise tout récemment aux djihadistes par les Frères musulmans, que Jérémy Corbyn a ses bureaux… Un “endroit merveilleux” à l’entendre.

• Corbyn n’a pas “ses bureaux” à la mosquée de Finsbury Park. Ses bureaux se trouvent au 86 Durham Road, indique son site, et pour cause : il est député du district d’Islington (qui comprend le quartier de Finsbury), et habite dans le quartier.

Fourest a raison… à 0,5 mile près :
les bureaux de Corbyn, à gauche ; la mosquée de Finsbury Park, à droite.

Source probable de la (grosse) confusion de Fourest : il lui est bien arrivé de “rencontrer des fidèles musulmans” à la mosquée, ou de participer aux journées portes ouvertes de celle-ci (activités mentionnées dans son agenda ici ou encore ici), qui est aussi un centre social et culturel où se tiennent des conférences, des séances de natation, de football, de gymnastique, ou encore des cours d’informatique. Le site de la mosquée indiquesimplement que Corbyn y tient souvent des “rencontres“.

Rencontrer des administrés dans une mosquée : une pratique surprenante vue de France, mais relativement fréquente outre-Manche. En quelques clics, @si a ainsi pu retrouver la trace de rencontres– régulières ou non– dans des mosquées (mais aussi dans des Eglises) par le député travailliste Jon Ashworth à Leicester, par la députée libérale-démocrate Lynne Featherstone à la Fatih Mosque de Londres, ou encore par le député conservateur David Lidington à Aylesbury. D’autres institutions britanniques utilisent les lieux de culte pour tenir des réunions et des permanences, dont la police.

• La mosquée de Finsbury Park est-elle “la plus radicale d’Europe“ ? C’était effectivement sa réputation à la fin des années 1990, lorsque l’imam radical Abu Hamza y prêchait. Mais depuis 2005, elle a changé de conseil d’administration, d’équipe et d’imams. À en croire la presse britannique, l’opération d’ouverture est plutôt réussie. Le Guardian assurait ainsi en juillet 2015 que la mosquée, “liée au prêcheur radical Abu Hamza à la fin des années 1990“, avait “lors de la dernière décennie cherché à en finir avec son passé extrémiste“. The Independent estimait de son côté, en mai 2014, que “cela fait neuf ans que le bâtiment a été repris et ses franges extrémistes détruites de l’intérieur“.

Affirmation n°2 : “Toujours au chapitre des positions douteuses, Corbyn donne volontiers des interviews à la télévision iranienne et à Russia Today, la chaîne de propagande du régime russe, celle qu’il préfère. Il l’a même décrite comme la chaîne la plus “objective” du paysage audiovisuel. Ce qui en dit long sur sa vision du monde.

En 2011, alors que le mariage royal sature les médias, occultant la révolution libyenne, Corbyn répond à un Twittos qui se plaint que “les infos vont être inregardables pour le reste de la semaine“ : “Essayez Russia Today. Sans mariage royal, et plus objective sur la Libye que la plupart“. Sous la plume de Fourest, une chaîne “plus objective sur la Libye que la plupart” des autres médias devient donc “la chaîne la plus objective du paysage audiovisuel“.

Affirmation n°3 : “Il soutient aussi l’association CAGE, créée par des islamistes pour soutenir les victimes de l’antiterrorisme. Oui, vous avez bien entendu les victimes de l’anti-terrorisme et non du terrorisme. Question de priorité.”

Seule forme de soutien apporté à CAGE par Corbyn : le 3 octobre 2014, le député a co-signé une lettre publiée dans le Guardian qui se félicite de la libération de Moazzam Begg, ancien prisonnier de Guantanamo et directeur de CAGE. Ce dernier venait d’être détenu sept mois par la justice britannique pour “délits de terrorisme liés à la Syrie“, avant d’être blanchi. Le texte, également signé par la députée du parti Vert britannique Caroline Lucas, s’inquiète des arrestations, détentions et accusations de terrorisme qui touchent des travailleurs de CAGE et d’autres organisation humanitaires musulmanes.

Affirmation n°4 : “Il y a ceux qu’il appelle “ses amis”: des cadres du Hamas et du Hezbollah, avec qui il partage de nombreuses tribunes en expliquant que c’est un plaisir et un honneur.

Corbyn a bien utilisé le mot “amis” lors d’une réunion publique, en 2009, pour désigner des représentants du Hezbollah et du Fatah. Mais il ne parle pas de “ses” amis, à la première personne du singulier, mais de “nos” amis, au pluriel. (Dans la suite de son discours, il utilise “friends” sans pronom). Le contexte ? Il participe à une réunion sur le Moyen-Orient, à la veille d’une rencontre sur le même sujet au parlement britannique, où des représentants du Hezbollah sont présents :

Corbyn a depuis assuré qu’il s’agissait de “langage diplomatique dans un contexte de dialogue“. Peut-être Corbyn est-il allé trop loin dans la diplomatie en présentant le Hamas comme une “organisation qui œuvre pour le bien des Palestiniens“, la “paix à long terme” et la “justice sociale“. Mais Fourest oublie de préciser que le député, interrogé ensuite à la télévision britannique, s’est affirmé “en désaccord” avec le Hamas :

@si n’a pu retrouver trace des autres “nombreuses tribunes” où il aurait dit son plaisir de siéger avec le Hamas ou le Hezbollah. D’où Fourest tient-elle cela ? Peut-être de la même réunion, au début de laquelle il dit “son plaisir et son honneur” d’organiser le lendemain un débat au parlement avec les mêmes représentants du Hamas. Un peu court pour évoquer de “nombreuses” tribunes.

Affirmation n°5 : ”En 2006, il manifestait contre la publication des dessins sur Mahomet. En compagnie d’intégristes anglais et à côté de qui nos islamistes à nous ont l’air de soixante-huitards débridés. À part ça, il est tout à fait désolé pour ce qui s’est passé le 7 janvier.”

Difficile de connaître le détail des manifestations auxquelles Corbyn a participé, et a fortiori l’identité de tous ceux aux côtés de qui il a marché. On retrouve toutefois trace de sa présence à un rassemblement anti-caricatures en 2006 grâce à un compte-rendu de la BBC. Un repaire d’intégristes ? Ce n’est pas exactement l’impression qu’a eu le reporter présent sur place, qui débute ainsi son article : “Il y avait des craintes que le rassemblement ne soit interrompu par des extrémistes, mais cela a finalement été un après-midi sans problèmes“. Il poursuit : “L’événement avait pour but d’expliquer l’opinion des musulmans modérés vis-à-vis des caricatures publiées dans un journal danois, qui ont conduit à des manifestations à travers le monde. Les organisateurs ont expliqué qu’ils voulaient dissocier la majorité de la communauté musulmane d’une « minorité d’extrémistes ».

Quant à Corbyn, il y a pris la parole pour demander que “les gens se montrent l’un l’autre du respect pour leur communauté, leur foi, et leur religion“. Les “soixante-huitards débridés” n’ont qu’à bien se tenir.

Affirmation n°6 (absente de la version écrite de sa chronique, mais présente dans sa chronique sur France Culture) :Certaines associations s’inquiètent par exemple des fréquentations complotistes et antisémites, comme cet écrivain, niant la shoah, qu’il a financé“.

La chroniqueuse fait ici référence à une polémique lancée le mois dernier par des médias conservateurs britanniques. Ceux-ci ont accusé Corbyn d’avoir été associé dans le passé à Paul Eisen, un négationniste anglais. En cause, un don de Corbyn à l’association Deir Yassin Remembered, fondée par Eisen et qui commémore le massacre de civils palestiniens en 1948, ainsi que la présence du travailliste à des commémorations du massacre organisées par la même association.

Suite à ces révélations, faites par Eisen lui-même, Corbyn s’est défendu en expliquant qu’Eisen ne tenait pas de propos négationnistes à l’époque des faits, rapporte le Guardian. “Il y a quinze ans, Eisen n’était pas négationniste. S’il l’était, je n’aurais eu absolument aucun lien avec lui. J’étais ému par le drame de ces personnes qui ont perdu leur village de Deir Yassin. […] Je n’ai plus aucun contact avec Paul Eisen et Deir Yassin Remembered, explique ainsi le travailliste. Le négationnisme est abominable. L’holocauste est une des parties les plus abominables de notre histoire. Les Juifs tués par les nazis sont les personnes qui ont le plus souffert au 20e siècle.”

Plus aucun contact” avec un homme qui a tenu des propos “abominables“ : encore des propos de Corbyn qui ont manifestement échappé à la chroniqueuse de France Culture, qui qualifie dans la suite de sa chronique Eisen “d’ami” du nouveau patron des travaillistes.

La chroniqueuse de France Culture avait déjà été épinglée par le CSA en 2014, pour avoir affirmé, sur la foi de sources peu fiables, que des para-militaires pro-Russes, en Ukraine, avaient ”arraché les globes oculaires” de militaires ukrainiens.

(avec Vincent Coquaz et François Rose)

FOUREST/CORBYN : UNE RÉPONSE (ENCORE) UN PEU RAPIDE ?

suivi du 19/09/2015 par Vincent Coquaz ; Source : arretsurimages

Corbyn et Fourest, acte 2, scène 1. Suite à notre article sur les nombreux raccourcis et approximations de Caroline Fourest sur le travailliste anglais Jeremy Corbyn, la journaliste a publié un “droit de réponse” sur son blog. Sans doute parce que dès le lendemain, Le Monde confirmait la version d’@si, estimant que “sans doute emportée par sa volonté de démontrer et de susciter l’indignation“, Fourest ne semblait “pas avoir vérifié toutes ses informations, ne cite pas ses sources, et projette ses propres hantises sur la réalité britannique“. “Est-il permis d’avoir vu juste sur Jeremy Corbyn ?” s’interrogeait-elle hier, ajoutant un soupçon d’éléments nouveaux et pas mal de confusion.

Dans sa  réponse à notre article et à celui du Monde, Caroline Fourest fait d’abord mine de confirmer un des points les plus problématiques de sa démonstration : le fait que, selon elle, Corbyn aurait “ses bureaux” dans la mosquée “radicale” de Finsbury. Mais, sur son blog cette fois, elle fait surtout un pas en arrière. Il n’est ainsi plus question que Corbyn ait “ses bureaux dans la mosquée“, comme elle l’indiquait sur France Culture. Désormais, Fourest estime que Jeremy Corbyn “possède des bureaux, une permanence électorale, à la Mosquée“. Comme le précisait déjà @si, il est abusif de dire qu’il possède des bureaux puisque Fourest fait en fait référence à une pratique courante des députés britanniques : des rencontres avec les électeurs organisées dans différents lieux de leur circonscription, y compris des lieux de culte (mosquées mais aussi églises par exemple). Quant à savoir s’il s’agit d’une mosquée intégriste, pour faire simple : selon la presse britannique, elle l’a été mais ne l’est plus.

Aucune réponse en revanche sur les cinq autres approximations de sa chronique qu’@si avait relevées (dont une citation fausse sur Russia Today ou des accusations de manifestation aux côtés d’islamistes). Peu importe, Fourest poursuit : “S’il avait su enquêter sur les liens existant entre Jeremy Corbyn et des intégristes, au lieu d’enquêter sur mes informations, [le journaliste du Monde] aurait pu trouver bien d’autres casseroles traînant aux basques du nouveau leader travailliste“.

La chroniqueuse cite ici, à raison, la participation de Corbyn, le 9 mai 2014, à une commémoration de la “victoire de la révolution islamique d’Iran” (la vidéo est disponible ici, en anglais, à partir d’1h15) organisée par le Centre Islamique d’Angleterre (organisation chiite). Invité par une association musulmane à Londres, Corbyn a rappelé lors de ce “séminaire” son engagement contre la prolifération nucléaire “quel que soit le pays“, son opposition aux guerres d’Afghanistan, d’Irak et de Libye qui ont, selon lui “déstabilisé” la région. Il y appelle également à la fin des sanctions contre l’Iran et au rétablissement de relations diplomatiques normales.

A noter que Corbyn ne fait qu’une timide référence aux droits de l’homme, en expliquant qu’il a assisté à des réunions du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève et qu’il s’en est entretenu avec les autorités iraniennes. Point particulièrement incriminant pour Corbyn (que Fourest ne relève pas, décidément) : c’est un ancien travailliste exclu de son parti pour antisémitisme un an plus tôt, Nazir Ahmed, qui donnait la conférence juste avant celle de Corbyn lors de l’évènement.

CORBYN ET AL JAZEERA

Mais même dans un droit de réponse censé clarifier les choses, Fourest relaie – une nouvelle fois – des informations approximatives et partielles. Selon elle, Corbyn aurait ainsi reçu “5000 livres de Press TV“, une chaîne publique iranienne anglophone, et “autant d’Al Jazeera“. La preuve (toujours selon elle) ? Un document que les députés sont obligés de rendre public, où ils consignent les paiements et les dépenses liées à leur mandat (on le retrouve sur le site du parlement ici).

Problème : le document en question ne permet pas de dire que Corbyn a touché 5000£ des deux chaînes citées… mais simplement qu’il a touché un montant inférieur à cette somme. Il suffit pour cela de prendre une autre déclaration, et l’on remarque que le “Up to 5 000£” (littéralement “jusqu’à 5000£”) que renseigne Corbyn ne correspond pas une somme réellement touchée, mais à une fourchette de rémunération, la plus basse en l’occurrence. En effet, d’autres députés ont indiqués ”Up to 5000£” pour des sommes bien inférieures (400£ à 1200£). Surtout, la catégorie où Corbyn a renseigné ces “gains” sert à indiquer des “sources de rémunération qui ne sont couvertes par aucune autre catégorie“, et peut donc inclure des formes très diverses de paiement. Pour connaître tant le montant que les raisons de ces sommes perçues via des médias étrangers, il faudrait donc demander plus de précision à Corbyn. Chose que, à notre connaissance, Fourest n’a jamais faite. Et si c’était au tour de Corbyn, de publier son droit de réponse ?

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Petit résumé de la vision de Corbyn et de ces “affaires”

Par Bertrand R., pour le site www.les-crises.fr

L’arrivée à la tête du parti travailliste britannique de Jeremy Corbyn, représentant historique de l’aile gauche du parti, a été pour le moins une surprise, tant elle était peu envisageable il y a encore quelques mois*. Déclaré candidat début juin, sur un programme anti-austérité, beaucoup de commentateurs pensaient qu’il ne parviendrait simplement pas à recueillir les 35 soutiens officiels de députés du parti, indispensables pour acter sa candidature.

Son ascension dans les sondages, tout au long de l’été, a été accompagnée de nombreuses attaques portées sur son programme (« manquant de crédibilité » pour Andy Burnham, l’un de ses adversaire pour l’investiture du parti), qui commencent d’ailleurs, comme on l’a vu sur ce site, à trouver des relais dans les médias en France chez les gardiens de l’orthodoxie économique http://www.les-crises.fr/il-est-peu-probable-que-jeremy-corbyn-puisse-devenir-un-veritable-chef-qui-rassemble-lelectorat/ . Mais ces attaques, nous allons le voir, ne sont pas restées sur le terrain politique, elles se sont même largement concentrées durant l’été sur la personne même de M. Corbyn dans une partie de la presse d’outre-Manche.

Avant d’en aborder le contenu en détail, il faut revenir clairement sur le programme en 10 points qu’il a défendu lors de l’élection, et sur lequel se sont portés 59, 5 % des suffrages du parti.

 En politique intérieure :

En ce qui concerne l’économie, c’est un partisan affirmé de la croissance économique, il prône la fin de l’austérité, la réévaluation des impôts pour les plus riches, le maintien et le renforcement de la protection sociale héritée de l’après Seconde Guerre Mondiale. Il est favorable au rééquilibrage du déficit du pays, mais pas au travers de coupes drastiques dans les budgets publics, comme le prodigue actuellement David Cameron. Côté législation du travail, il a dit réfléchir à l’idée de la fixation d’un « salaire maximum » dans les entreprises. Un séisme dans le pays de la City !

Plus surprenant, en ce qui concerne le domaine monétaire, il propose une poursuite de la pratique désormais répandue du QE (Quantitative Easing, ou impression de monnaie), mais veut la transformer en un « QE du peuple », dont l’objectif ne serait plus le financement des grands établissements financiers par le rachat public de créances, mais le financement de logements, transports, énergie et projets numériques à grande échelle. La volonté d’améliorer l’offre de logements décents est d’ailleurs au cœur de son programme, qui fixe un objectif dans ce sens pour 2025, avec des proposition précises, comme la mise en place de zones à loyer contrôlé, y compris dans le centre de Londres (Corbyn y est député depuis 1983).

Dans le secteur de la Santé, Corbyn compte essentiellement revenir sur les mesures de privatisation dans les services hospitaliers mises en place par T. Blair et G. Brown, qu’il qualifie de « foutoir ».

Les fameux contrats « zero heure » du gouvernement Cameron seraient supprimés, la négociation collective dans les entreprises privilégiée (il faut rappeler que le fonctionnement du New Labour reste très lié aux syndicats, dans la tradition de ce parti).

Avec le transport et l’énergie, on entre dans le vif du sujet, car Corbyn propose purement et simplement de re-nationaliser ces 2 secteurs, ce qui serait inédit en Grande-Bretagne depuis les années d’immédiat après-guerre, qui furent d’ailleurs celles du premier gouvernement travailliste majoritaire de l’histoire du Royaume-Uni.

L’Education constitue encore un point essentiel, tourné dans la même optique, avec une réévaluation des bourses sur critères sociaux, la suppression des frais d’inscription pour les étudiants, le financement de formations pour adultes… L’idée d’une « protection universelle de l’Enfant » est aussi évoquée, bien que peu détaillée. http://www.bbc.com/news/uk-politics-33772024

Militant de la première heure de la cause LGBT (dès les années 1980 en fait, il a accompagné des mouvements tels que LGSM, association Lesbienne-Gay qui soutenait les mineurs lors des grèves de l’hiver 1984 – 1985), son action est longtemps restée marginale dans son propre parti : il a été le seul député travailliste à voter pour un amendement des Libéraux-Démocrates rendant illégal toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle en 1998). https://en.wikipedia.org/wiki/Jeremy_Corbyn#LGBT_rights

Et pour terminer avec les mesures de politique intérieure, il est intéressant de noter que Jeremy Corbyn ne cache pas ses sympathies républicaines, mais qu’il ne compte pas mettre le sujet sur la table pour le moment (« ce n’est pas un combat que je compte mener, ce n’est pas celui qui m’intéresse »). http://www.bbc.com/news/uk-politics-33772024

 Politique étrangère

Une orientation « radicalement différente » serait donnée à la politique internationale, basée entre autre sur sur la recherche de solutions politiques et non militaires, et une volonté de discussion avec la mise autour de la table de tous les acteurs, en particulier au Moyen Orient, évoquant le Hamas et le Hezbollah comme des interlocuteurs parmi d’autres dans d’éventuelles négociations (on verra plus loin que ceci a été largement utilisé pour tenter de le décrédibiliser). Ce pragmatisme affiché en terme de relations internationales ne l’a cependant pas empêché de déclarer être favorable à des « conséquences diplomatiques et économiques » à l’encontre de pays qui s’opposeraient à la mise en place de droits LGBT sur leur sol.

M. Corbyn a clairement exprimé son opinion sur l’intervention de son pays en Irak en 2003 aux côtés des Américains : “Il est grand temps que le Labour présente ses excuses au peuple britannique pour l’avoir entraîné dans la guerre en Irak sur la base d’une tromperie et au peuple irakien pour les souffrances que nous avons contribué à causer”.

Il s’oppose donc de fait aux frappes aériennes sur la Syrie et l’Irak, et préconise même une sortie du Royaume-Uni de l’OTAN.

Il s’est pour l’instant peu étendu sur sa vision de la place du Royaume-Uni dans l’UE, faisant simplement connaître son souhait d’une « meilleure Europe ». Il n’a pas de position connue pour l’instant  sur le référendum de 2017 qui décidera s’il y aura ou non un Brexit. http://www.challenges.fr/europe/20150906.CHA9054/election-labour-les-principaux-points-du-programme-de-jeremy-corbyn.html

Il est opposé à la poursuite des négociations conduites par la Commission européenne sur le futur Traité de Libre-échange Transatlantique (TAFTA). Concernant la vague migratoire que connaît l’Europe, il est de ceux qui ont applaudi l’Allemagne lorsqu’elle a ouvert ses frontières, et s’est déclaré favorable à un accueil comparable en Grande-Bretagne.

Son programme prévoyait en outre que budget de la Défense britannique serait revu à la baisse, et que le système de missiles nucléaires Trident, pivot de la stratégie nucléaire britannique, ne serait pas renouvelé et modernisé comme cela est programmé pour 2016. Jeremy Cobyn est en effet très engagé dans la Campagne pour le Désarmement Nucléaire (CND), organisation qui prône un désarmement complet et volontaire des puissances nucléaires de la planète.

Il fait enfin part d’une volonté d’ « action sur le changement climatique », mais le grand flou laissé dans ce domaine peut laisser suggérer que cette question n’arrive certainement pas au premier rang des préoccupation du nouveau leader travailliste. http://www.jeremyforlabour.com/jeremy_corbyn_launches_standing_to_deliver

Un programme, donc, résolument ancré à gauche, et qui a séduit des militants bien décidés à tourner la page du blairisme, la candidate représentant ce courant étant arrivée dernière lors de l’élection du 12 septembre dernier, avec seulement 4,5% des suffrages. http://www.theguardian.com/politics/2015/sep/12/jeremy-corbyn-wins-labour-party-leadership-election

L’orientation anti-libérale portée par Corbyn dans sa campagne et ses nombreuses références à l’histoire du Labour (avant les années Blair-Brown) a déclenché des attaques en règle sur la faisabilité de ses propositions, et lorsque ce n’est pas Tony Blair qui prédit avec son élection un « anéantissement »http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/aug/12/even-if-hate-me-dont-take-labour-over-cliff-edge-tony-blair

du parti, d’autres lui reprochent d’avoir un programme destiné à renvoyer le Labour dans les années 1980. Ce à quoi il répond qu’il préférerait retourner une décennie avant, au moment des gouvernements travaillistes de Wilson, puis Callaghan.

http://www.bbc.com/news/uk-politics-33772024

Bien que ces saillies tentant de mettre en doute ses capacités à gouverner aient été particulièrement virulentes, elles sont pourtant peu de chose par rapport à la violente campagne qui a été menée contre sa personne même, en particulier par le Daily Mail, qui a consacré en août sa « Une »** aux prétendus liens « de longue date » du futur leader travailliste avec Paul Eisen, négationniste convaincu, utilisant ces thèses pour soutenir la cause pro-Palestinienne, avec notamment l’association Der Yassin Remember***. Dans l’article correspondant, le président de l’association des députés des Juifs britanniques faisait dès lors remarquer combien il « serait » alarmant « si » J. Corby avait effectivement des liens avec Eisen. Or cette information n’était basée que… sur un post de blog du même Paul Eisen, datant de 9 semaines, affirmant que le candidat travailliste l’avait soutenu financièrement, ainsi que son association DYR, à l’occasion de conférences données 15 ans auparavant, et auxquels J. Corbyn aurait été assidu. La réponse de l’équipe de campagne de Corbyn était mentionnée dans la dernière partie de l’article : « Paul Eisen n’est pas une personne avec laquelle le bureau de M. Corbyn est en relation […] P. Eisen soutien manifestement des vues extrêmes qui n’appartiennent qu’à lui, auxquelles Jeremy s’oppose et desquelles il se dissocie entièrement. » Toute cette histoire finit par révéler sa véritable nature : une tentative de compromission de celui qui est alors déjà, en tant que favori des sondages pour l’investiture travailliste, d’un potentiel futur Premier Ministre, trop porté à remettre en question l’habituel soutien britannique à l’Etat hébreux. Le rédacteur de l’article, J. Wallis Simon, proche du lobby israélien, est d’ailleurs un spécialiste du battage médiatique dirigé contre les personnalités critiques envers la politique israélienne.

https://www.middleeastmonitor.com/blogs/politics/20306-the-anti-corbyn-campaign-becomes-a-parody-of-itself

Cette attaque suggérant des penchants antisémites chez J. Corbyn n’était pas isolée, mais faisait suite à la diffusion en juin d’un extrait video https://www.youtube.com/watch?v=pGj1PheWiFQ

dans lequel il appelait ses « amis » du Hamas et du Hezbollah à discuter avec Israël. Puis c’est une rencontre avec Raed Salah, prêcheur islamique intégriste et citoyen israélien, invité par Corbyn au Parlement en 2012, qui a été utilisée par le Daily Mail pour alimenter les accusations de liens avec les complotistes (Salah défend l’idée que les Israéliens sont responsables des attentats du 11 septembre 2001). http://www.dailymail.co.uk/news/article-3191679/Jeremy-Corbyn-caught-video-calling-Muslim-hate-preacher-honoured-citizen-inviting-tea-terrace-House-Commons.html

La campagne sur ce thème a atteint son paroxysme lorsque le journal The Jewish Chronicle, reprenant toutes les accusations précédentes, le convainc tout simplement d’association avec « les négationnistes, les terroristes et certains antisémites d’extrême droite », dans un éditorial exprimant alors « de profondes inquiétudes à la perspective de l’élection de M. Corbyn en tant que leader du Labour ».http://www.thejc.com/news/uk-news/142144/the-key-questions-jeremy-corbyn-must-answer

La charge est relayée à l’international, par exemple par le magazine en ligne The Times of Israel,  outil notoire de promotion du soft power israélien à travers le Monde.

http://fr.timesofisrael.com/corbyn-critique-pour-ses-liens-avec-des-antisemites-et-des-extremistes/

Un démenti formel de J. Corbyn a été publié sous forme d’interview vidéo quelques jours plus tard par la chaîne Channel 4 News, où celui-ci dénonce des attaques « malveillantes et erronées »http://www.theguardian.com/politics/2015/aug/18/jeremy-corbyn-antisemitism-claims-ludicrous-and-wrong, niant les accusations de compromission avec Paul Eisen, disant regretter de lui avoir donné de l’argent s’il se trouvait déjà être négationniste à l’époque. Il s’y exprime en outre sur R. Salah, racontant l’avoir rencontré en toute légalité, rappelant que l’Etat israélien l’avait autorisé à se rendre à Londres, et aurait eu avec lui une longue conversation, où il n’aurait pas une fois été question d’antisémitisme. Refusant de reconnaître des « erreurs de jugement », comme on l’y pressait pourtant, il a cherché à couper court aux accusations en concluant que « toutes les formes de racisme sont mauvaises, la nécessité de parler avec les  peuples pour parvenir à un processus de paix est à n’en pas douter une bonne chose »http://www.huffingtonpost.co.uk/2015/08/17/jeremy-corbyn-rejects-association-holocaust-denier_n_8000722.html

La suite est connue : Corbyn, déjà favori des sondages, soutenu par la majorité des syndicats, est élu à la tête du Labour. Toute cette affaire, désormais quelque peu retombée en Grande-Bretagne, en particulier depuis que des voix se sont fait entendre pour dénoncer des attaques malhonnêtes https://electronicintifada.net/blogs/asa-winstanley/4-reasons-anti-semitism-attacks-jeremy-corbyn-are-dishonest, est finalement resté cantonnée aux journaux à sensation et aux organes des lobbies pro-israéliens, ses opposant à la candidature du parti n’ayant pas osé les utiliser contre lui.

Cependant, depuis son élection, une partie des allégations montées en épingle trouvent un certain écho en France, qui en reprennent le contenu et cherchent à distiller à nouveau dans l’opinion ces soupçons d’antisémitisme. http://www.huffingtonpost.fr/2015/08/14/jeremy-corbyn-socialiste-uk-parti-travailliste-tony-blair_n_7987672.html

http://www.huffingtonpost.fr/caroline-fourest/les-amis-integristes-de-jeremy-corbyn-_b_8133200.html

Jeremy Corbyn n’est décidément pas prêt de se débarrasser de cette image qu’on veut lui attribuer sans cesse et qui, tel un vieux chewing gum, se recolle à chaque pas sous sa chaussure…

* sa cote chez les bookmakers était de 200 contre 1 lau moment où il s’est déclaré candidat

** sobrement intitulée « Corbyn et le négationniste »
*** village arabe de Palestine où environ 120 personnes ont été massacrées par des miliciens Juifs lors de la guerre israélo-arabe de 1948.

Source: http://www.les-crises.fr/jeremy-corbyn-tremblement-de-terre-ou-suicide-politique-par-caroline-fourest/