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[Journalisme ?] La fabrique du silence

Thursday 3 September 2015 at 02:15

La propagande, c’est évidemment des messages plus ou moins mensongers, mais c’est aussi une stratégie d’imposition du silence sur les éléments dérangeants. En voici un bel exemple…

Et c’est particulièrement dangereux chez nous, parce qu’un lecteur allemand des années 40 ou un lecteur soviétique des années 1970 savait bien qu’il ne pouvait pas trop compter sur sa presse, alors que ce n’est pas le cas en France…

Dernier point, sur ma vision, puisqu’on me demande souvent : il est à mon sens très peu utile de faire de la “politique” – au sens de vouloir défendre des options politiques alternatives, genre sortir de l’euro, de l’UE… – dans un tel contexte. Le premier combat à mener est un combat pour le droit à une information de qualité, honnête, pluraliste, donc digne d’une démocratie. Le reste viendra ensuite…

P.S. article pour TD en école de journalisme (naaaaon, je plaisante…)

“La vérité, c’est que la population occidentale s’est habituée à penser que ses médias sont dignes d’une grande démocratie. Même si nous savons que ce n’est pas le cas, nous persistons inconsciemment à croire que leur couverture de l’actualité est supérieure à ce qui se fait dans les autres régions du monde. [...] Permettez-moi d ‘affirmer que la télévision et les journaux chinois sont beaucoup plus critiques du système économique et politique de leur pays que nos chaînes le sont du nôtre. [...]

Les Occidentaux font preuve d’une crédulité ahurissante à l’égard de la propagande. Ayant grandi en Europe de l’Est, je suis à même de savoir qu’on ne croyait en rien les discours officiels du gouvernement. C’est pourquoi, d’une certaine façon les gens étaient très conscients de ce qui se passait dans le monde et dans leur pays. [...] Pour avoir vécu sur tous les continents, je peux affirmer que les “Occidentaux” forment le groupe le plus endoctriné, le moins bien informé et le moins critique de la Terre, à quelques exceptions près, bien sûr, comme l’Arabie saoudite. Mais ils sont convaincus du contraire : ils se croient les mieux informés, les plus “libres”.” [André Vltchek, L'occident terroriste avec Noam Chomsky, 2015]

Nos médias : la fabrique du silence

Voyons comment nos médias ont rapporté l’incroyable discours de Varoufakis à Frangy, véritable bombe, dont rien que les titres auraient mérité de sacrés débats (si évidemment on était en Démocratie) :

Festival !

Le Monde

Titre : Montebourg-Varoufakis, deux révoltés de la politique européenne à « Frangy-en-Grèce »

1ère phrase :

“Un groupe de musique répète sous le chapiteau planté en plein milieu du stade communal. “

Du lourd donc. Eh, on ne déplace pas pour rien l’envoyé spécial du “journal de référence” (arf)

Pour le reste : le journal parle de la rencontre avec Mélenchon à Paris le matin, puis de la réunion à Frangy, mais celle de 2014 !

Alors on va faire un peu de quantitatif, à la Chomsky.

L’article fait 1230 mots ; on commence à parler de Frangy 2015 à partir du 415e – au 2e tiers de l’article donc.

Enfin, “commence….” :

Le millésime 2015 de Frangy n’est pas à la fête. La pluie, qui tombe drue toute une partie de la journée, y est sans doute pour beaucoup

Du très très lourd donc… Le Monde, “station météo de la veille de référence.”

Et ça continue :

Les rangs militants sont aussi plus clairsemés que lors des rendez-vous précédents. Plusieurs élus socialistes du département n’ont pas fait le déplacement, refusant de participer à une réunion qui cible largement le gouvernement et l’exécutif français. Les « frondeurs » du PS ne sont pas venus non plus, sans doute embarrassés pour beaucoup de s’afficher avec M. Varoufakis, qui multiplie désormais les critiques contre le premier ministre grec, Alexis Tsipras.

Parmi les proches de M. Montebourg qui sont venus l’entourer figurent le sénateur socialiste de Saône-et-Loire Jérôme Durain, la députée PS de Moselle Aurélie Filippetti, ou le député MRC Jean-Luc Laurent. « Il y a une ligne gouvernementale qui existe, celle de François Hollande et de Manuel Valls, mais il n’est pas interdit de réfléchir à d’autres idées alternatives, c’est le rôle de Frangy, qui a toujours été un lieu de débats », explique M. Durain. Cécile Untermaier, la députée PS du cru, doit faire face à une situation délicate, devant à la fois marcher avec M. Montebourg, sans pour autant critiquer trop violemment le gouvernement. « François Hollande a eu raison de tenir bon » dans la négociation européenne, tente-t-elle d’expliquer à la tribune, provoquant les huées de la foule…

Passionnant tout ça, surtout dans un article de 1 200 mots…

Mais il y a mieux :

Non loin du stand où sont mis en vente les derniers ouvrages de MM. Montebourg et Varoufakis, un groupe de militants de la Convention pour la VIe République débat de la situation européenne. Le ton général est largement antiallemand. « La politique de Schäuble est inadmissible, d’ailleurs sa mère s’appelait Göhring, ça en dit long », s’emporte une femme contre le ministre des finances du gouvernement d’Angela Merkel, avant de proposer que « l’Allemagne sorte de l’Europe »« Il ne faut pas tout mélanger, notre problème ce n’est pas l’Allemagne, mais la droite allemande. Il y a Die Linke et une partie du SPD qui sont très fréquentables », tente de lui répondre son voisin plus mesuré.

Tactique simple : on trouve une crétine, et on rapporte ses propos dans le Monde donc, ce qui disqualifie assez facilement la réunion… Par chance, il n’y a en effet jamais de blaireaux dans le public dans les meetings PS et UMP.

On est déjà au 760e mot, le dernier tiers de l’article sur Frangy 2015 approche, on n’a toujours pas parlé des discours… – c’est un métier journaliste au Monde

830e mot : victoire, on parle de Varoufakis :

Le Grec [sic.] regrette, lui aussi, « l’impuissance » et « les silences » de la France lors des négociations au sein de l’Eurogroupe ces derniers mois. Ses mots sont durs contre le pouvoir français : « Cela me rappelle ce que m’a dit un jour à Paris Michel Sapin : La France n’est plus ce qu’elle était », raconte-t-il à propos du ministre des finances du gouvernement Valls. [...]

L’un comme l’autre fustigent l’absence, selon eux, de démocratie dans le fonctionnement des institutions européennes. [...] « Je suis là parce que notre printemps d’Athènes a été écrasé tout comme le printemps de Prague. Ce n’était pas par des chars, mais par des banques », ajoute M. Varoufakis. [...]

Mais le réseau des « progressistes européens » qu’appelle de ses vœux M. Varoufakis n’est guère plus détaillé.

Voilà, c’est tout… 130 mots dont 40 de Varoufakis sur 1 230 , pour un discours qui en faisait 10 600 – c’est un métier, journaliste au Monde

On dira que le journaliste a été plus honnête que la moyenne, et qu’il a repris la phrase la plus dure de Varoufakis. C’est vrai. Mais enfin, présentée comme ça, sans contexte, une phrase aussi dure a clairement tendance à ridiculiser son auteur.

Un peu comme certains grands sites, qui laisseront passer en commentaire d’incroyables “M. le journaliste est un crétin.” mais pas des commentaires polis mais argumentés expliquant et sourçant les erreurs dudit journaliste… Bref de la fausse liberté d’expression, dont l’outrance ne met pas en danger le média.

Au 1 090e mot, fin de l’analyse des discours. On passe au sérieux :

« Montebourg président ! », scandent quelques militants au passage du candidat à la primaire socialiste de 2011.

c’est un métier journaliste au Monde

Bravo donc à Bastien Bonnefous !

Libération

(bon, on va faire plus simple pour les autres… Mais c’est à peu près pareil.)

A Frangy, Montebourg et Varoufakis accueillis comme des rock-stars

1/ ça a l’air gentil, mais traiter des hommes politiques de “rock-stars” c’est évidemment les dé-crédibiliser dans leur fonction politique.

2/ la preuve en titre, les gens sont “éberlués”

Dictionnaire Larousse, être éberlué : Manifester un vif étonnement ; être ébahi

(on ne saura pas trop pourquoi mais passons…)

3/ mais bon, on ne saura pas si Frangy, c’était un flop ou si les gens étaient “en nombre” (mais tout va bien, c’étaient des “curieux” comme pour le tour de France, pas des militants / citoyens engagés)

Et ça continue…

Première phrase : “Accueillis comme des rock-stars. Sous une cohue invraisemblable de caméras et de photographes…”

Il faudra qu’on m’explique pourquoi, c’est la norme pour tout évènement qui intéresse la presse – c’est vrai que c’est une folie, mais c’est toujours comme ça pour tous… Ce n’était rien comparé à Valls arrivant à La Rochelle… Continuons :

Sous le regard éberlué des curieux venus en nombre, les «deux enfants terribles de l’Europe» ont mis une vingtaine de minutes pour parcourir une centaine de mètres et rejoindre la mairie, où l’édile de Frangy les attendait pour un «accueil républicain».

Eh oui, ce sont des enfants on vous le dit… Et terribles en plus…

Enfin, le scoop :

Plus tôt dans la journée les deux trublions ont été rejoints par Aurélie Filipetti, pour aller manger sous le chapiteau.

Du très  lourd… Les rock-stars enfants terribles sont aussi des trublions…

Dictionnaire Larousse, trublion : Individu qui sème délibérément le trouble, le désordre.

Il me semble que c’est justement la définition de l’action de l’Union européenne en Grèce, mais passons… Suite :

Denis Lamard, président de l’association des Amis de la rose a ensuite remis deux bouteilles de rouge et de blanc à Yanis Varoufakis, ainsi qu’un tablier et un jean «made in France». Avant que tous se lancent dans le rituel du ban bourguignon.

Du très très lourd on vous a dit…

L’article étant écrit à 14h00, avant le discours, on a une suite le soir du même envoyé spécial :

Fête de la rose : Frangy en Grèce

Accueillis comme des rock stars. Sous une cohue de caméras et de photographes, Arnaud Montebourg et Yánis Varoufákis ont fait leur apparition à midi, dimanche, dans la petite bourgade de Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire). Sous le regard des curieux venus en nombre, les deux anciens ministres ont mis plus de vingt minutes pour rejoindre la mairie, où l’édile de Frangy les attendait pour un «accueil républicain».

C’est toujours important de passer la deuxième couche rapidement…

Avec l’ancien ministre grec, Montebourg trouve un allié de poids dans sa lutte contre l’austérité. Les deux prônent une réorientation de la politique économique européenne. C’était le sens des discours tenus dans l’après-midi. Montebourg a tapé fort sur les institutions européennes

suivent quelques mots de Montebourg, avec surtout un important ” Mais malgré sa véhémence et son discours de plus en plus eurosceptique, il ne franchit jamais le pas d’une sortie de l’euro” (OUF !!!), et…

Rien.

RIEN ! Le journaliste ne parle même pas du discours de Varoufakis !!! Juste “une réorientation de la politique économique européenne.” – 7 mots encore mieux résumé que par le Monde ! Pour le prochain discours, je propose “il a parlé” – dur de faire en 2 mots sinon…

Bref, article incroyable…

C’est AUSSI un métier, journaliste à Libération. Bravo donc à Jérémie Lamothe !

P.S. on a aussi dans ce journal un remarquable :

Frangy : Montebourg «rock star» ou marchand de meubles

mais c’est juste une reprise de l’AFP…

P.P.S. : mais aussi un très beau Varoufakis, un «dandy un peu irresponsable» pour Le Guen

 

A écouter, c’est court :


Varoufakis, un «dandy un peu irresponsable…

«Je constate avec effarement de voir la gauche radicale courir après une sorte de dandy un peu irresponsable de l’économie grecque. […] Aujourd’hui, on vient soutenir celui qui fragilise Monsieur Tsipras, qui fragilise le redressement de la Grèce.» [Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement]

Dictionnaire Berruyer, irresponsable : 1. personne ne défendant pas le néo-libéralisme 2. Par extension, toute personne non aimée par le gouvernement. Synonyme : dictateur.

 

P.P.P.S. incise quand même, spécial Montebourg :

«Il y a eu un échec des stratégies d’austérité mise en place par la Commission européenne et quelques Etats, notamment l’Allemagne, a critiqué Arnaud Montebourg. Il n’y a pas une démocratie de l’Europe, il y a une Euro-oligarchie. Nous devons maintenant créer l’Euro-démocratie.»

Meuh non, comme il n’y aura jamais d’Euro-démocratie, ce qu’un enfant de 15 ans comprend, il faut détruire l’Euro-Oligarchie, et surtout l’instrument politique qui permet son existence et son influence…

«Aucun pays n’est porteur de l’intérêt général européen, a prévenu Arnaud Montebourg. L’Allemagne défend son intérêt national, nous n’avons pas le même. Il va falloir mettre tout ça sur la table à un moment donné.»

Idem. Tu mets tout ça sur la table, tu constates comme tu le dis qu’on a des intérêts nationaux divergents pour plein de raisons, tu remballes donc ce qu’il y a sur la table, vous vous claquez la bise, et vous vous quittez bon amis, chacun défendant son intérêt national de son côté comme 180 autres pays – ce qui est le rôle d’un politique…

Le Figaro

Un beau : Montebourg et Varoufakis, deux trublions en vedette à Frangy

Une analyse plus équilibrée, et un peu plus d’informations dans le Figaro :

La réunion du duo Montebourg – Varoufakis provoque des remous chez les socialistes. «Que les vedettes soient deux ministres virés de leurs gouvernements respectifs me pose question. Si c’est pour écouter le discours ultracritique de quelqu’un qui avait annoncé qu’il s’est retiré de la politique, très peu pour moi», dénonce dans Le Parisien le député PS de Saône-et-Loire Christophe Sirugue. «Les hauts responsables socialistes sont de plus en plus fades et ternes. Il n‘aiment pas ceux qui obligent à réfléchir et qui sont des poils à gratter», répond un proche d’Arnaud Montebourg, Patrice Prat. «Des personnalités fortes peuvent déranger car elles nous obligent à sortir de notre torpeur estivale», ajoute le député du Gard, estimant que Yanis Varoufakis est «une belle source d’inspiration pour réorienter l’Europe».

«Cela m’intéresse de savoir ce qu’une personne comme lui a à nous dire», estime de son côté Jérôme Durain, un autre fidèle soutien d’Arnaud Montebourg. Le sénateur de Saône-et-Loire préfère de son côté mettre en avant «le lieu de débat politique» offert par Frangy. «Sur le plan de sauvetage de la Grèce ou sur le fonctionnement de l’Eurogroupe, il y a des sujets de fonds». «Il n’est pas illégitime d’inviter Yanis Varoufakis. Ce sera un moment utile pour relancer le débat sur l’Europe», abonde le député frondeur de la Nièvre Christian Paul. L’ex-premier signataire de la motion B ne sera toutefois pas présent à Frangy dimanche, contrairement à son collègue Pouria Amirshahi, à Aurélie Filippetti, au président du MRC Jean-Luc Laurent et au porte-parole d’EELV Julien Bayou.

Pour ce premier billet, Julien Chabrout s’en sort mieux que les 2 précédents.

Pour le papier sur les discours, c’est Solenn de Royer qui s’y colle : Montebourg et Varoufakis, deux rock stars contre l’austérité européenne

Si François Hollande était sorcier, c’est un sort qu’il aurait pu jeter. Car, pour la fracassante rentrée politique de son ancien ministre et principal détracteur, Arnaud Montebourg, c’est une pluie battante qui s’est invitée dimanche, à Frangy-en-Bresse, gâchant en partie la journée. [...]

Assurément, c’est le rendez-vous de deux trublions, deux frondeurs, farouches adversaires de l’austérité. [...]

Dimanche, les deux hommes, qui se sont vus avec leurs compagnes cet été en Grèce, ont été accueillis comme des rock stars

Bon, ça commence mal…Mais on a un joli :

Montebourg explique qu’il est «fier» d’accueillir Varoufakis – lui, tout de noir vêtu - «qui s’est battu contre l’austérité». «Son témoignage de ce qui s’est passé à l’intérieur de l’Eurogroupe est fondamental pour nous. C’est un message à tous les dirigeants européens.»

Ah oui, en effet, évidemment que Varoufakis avait des choses importantes à dire ! C’est bien de piquer la curiosité du lecteur !

Après le traditionnel banquet (poulet de Bresse), agrémenté d’un ban bourguignon raté et d’un vibrant sirtaki, Montebourg et Varoufakis ont plaidé pour une réorientation de la politique économique en Europe

Grrrr…

L’enfant terrible d’Athènes, qui a évoqué son souhait de fonder un mouvement progressiste européen, s’est montré plus virulent à la tribune, accusant les créanciers de la Grèce d’avoir réprimé le «printemps d’Athènes», comme jadis le printemps de Prague. «Ce n’était pas avec des chars mais avec des banques.» Il a raconté les coulisses des négociations bruxelloises, sous le joug du «docteur Schäuble» et il s’en est pris au ministre français, Michel Sapin, à qui il a reproché son «silence assourdissant» à plusieurs moments clés des négociations. « Cela correspondait finalement à ce que Michel m’avait dit à Paris: “la France n’est plus ce qu’elle était” .»

Bon, elle a recopié le Monde apparemment… :)

Et c’est tout… :(

L’Obs

Varoufakis superstar à “Frangy-en-Grèce”

Première phrase : “Sur les tables de la Fête de la Rose à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), la “cuvée de l’Europe” a remplacé la “cuvée du redressement” ”

Suivent :

Aujourd’hui, la star s’appelait bien Varoufakis

Tout de noir vêtu, du costume cintré aux chaussures Doc Martens, le Grec que l’on dirait tout droit sorti d’une superproduction hollywoodienne fait la promotion de ses idées tous azimuts.

A Frangy, il a répété ses mantras pour le plus grand bonheur des supporteurs montebourgeois.

(Dictionnaire Larousse, mantra : Dans l’hindouisme et le bouddhisme, syllabe ou phrase sacrée dotée d’un pouvoir spirituel. (???))

C’est à la tribune qu’il s’est lâché, assurant que la Grèce avait toujours proposé à ses partenaires européens “des changements structurels en profondeur” lors de chaque réunion, distillant nombre d’anecdotes sur la fermeté allemande où l’impuissance française, comme ce constat qu’aurait dressé Michel Sapin devant lui : “La France n’est plus ce qu’elle était.”

Selon lui, ce n’est rien moins que la démocratie qu’on assassine.

Notre printemps d’Athènes a été écrasé comme le printemps de Prague, pas avec des chars mais par des banques”, a-t-il attaqué.

Avant d’ironiser : “Si les élections ne changent rien, pourquoi ne pas inscrire dans les traités une clause qui dirait que la démocratie est suspendue ?”

Débarqué mais pas désarmé, Varoufakis propose ses solutions. Sur la forme, une coalition des progressistes européens. Sur le fond, un plan d’aide pan-européen. L’auditoire n’en saura pour l’instant pas beaucoup plus mais, malgré la pluie et une traduction approximative, a applaudi chaque ébauche de proposition, chaque amorce de proposition. Ce dimanche, Montebourg l’a martelé, sourire aux lèvres, on était à “Frangy-en-Grèce”.

Bon, un peu mieux pour ce Julien Martin quand même…

Cette fois, c’est une «cuvée Europe Frangy 2015» qui est en vente sous les stands : 8 euros la bouteille, 40 euros la caisse de six.

Europe 1

Reportage photo du Lab Politique d’Europe 1.

Petite phrase piquante pas vue ailleurs :

Yanis Varoufakis, lui, se déclare en faveur d’une “alliance des Européens à travers tout le spectre politique”, “tant qu’ils partagent une idée radicale, c’est-à-dire la démocratie”. Et Montebourg de lancer : “Quand des institutions ne sont pas démocratiques, la démocratie ne risque pas de triompher. C’est le cas de la zone Euro. On vote, mais ça ne sert à rien. [...]

Vous votez pour la gauche française et vous vous retrouvez avec le programme de la droite allemande au pouvoir.”

et petite info cachée :

On apprend aussi (rapport à la suite) :

Le début du discours de ce dernier est toutefois *légèrement* perturbé par un problème technique, le volume sonore de la traduction n’étant pas assez fort. Dans l’assistance, certains s’époumonnent pour demander un réglage. Un petit moment de solitude interrompu grâce à l’intervention héroïque de Superman

Bon, Europe 1 sans grand intérêt (désolé Etienne Baldit), pas d’info sur le discours à part ça…

Oups, si, j’oubliais :

(y’a pas que la pelouse Adrien, le journalisme, la Démocratie et, accessoirement, moi, aussi…)

Le Point

À “Frangy-en-Grèce”, Varoufakis érigé en symbole de “liberté”, heureusement vite cadré par : “Les deux agitateurs anti-austérité se sont retrouvés sur les terres d’Arnaud Montebourg, martelant encore qu’une autre politique est possible.” (les fous !)

Hmmm, agitateur, c’est nouveau ça…

Début : “La fameuse « cuvée du redressement », dont Arnaud Montebourg voulait envoyer « une bonne bouteille au président » l’année dernière, est remplacée par « la cuvée de l’Europe ». Le soleil, qui tapait fort sur les convives, s’est retranché derrière des nuages gris. La pluie tombe par intermittence sur le stade de foot de Frangy-en-Bresse, où sont installés des stands vendant des produits « made in France »

Puis

“Les deux trublions se succèdent à la tribune, livrant une charge anti-austérité – Montebourg nuance le cas français, parlant « d’austérité light ». Mais Varoufakis sort l’artillerie lourde. Le Grec raconte longuement les négociations au Conseil européen avec la troïka sur le sort de la Grèce et résume ainsi ce qui s’est soldé par un accord : « Notre printemps d’Athènes a été écrasé comme le Printemps de Prague, pas avec des chars mais avec des banques. » Fustigeant l’inaction de la France, il livre cette confidence du ministre des Finances français Michel Sapin : « La France n’est plus ce qu’elle était. »”

Moi, il faudrait qu’on m’explique qui a demandé aux journalistes d’utiliser “trublions” pour parler de deux importants ex-ministres. Parce que là, ce n’est pas naturel… Ou sur qui ils copient… Parce que là, contrairement à l’habituelle recopie AFP, on a affaire à plusieurs envoyés sur place – et qui en rajoutent par rapport aux dépêches.

Bon, ok, là ça ressemble au papier du Monde… On a même droit au…

Les oreilles des dirigeants allemands ont dû siffler d’autant plus que la présence de Varoufakis a attiré des militants radicaux, bien au-delà du Parti socialiste. Résultats, à Frangy-en-Bresse, ce dimanche matin, au cours d’un débat organisé entre militants sur le thème « Quelle boussole politique pour les jeunes Européens aujourd’hui ? » une femme s’est emparée du micro pour déclarer : « La politique de Schäuble est inadmissible. Sa mère s’appelait Göhring (Gertrud Göhring, NDLR), ça en dit long. » La même d’enchaîner : « On parle de la Grèce, mais je propose que ce soit l’Allemagne qui sorte de l’Union européenne. » « Il ne faut pas tout mélanger, notre problème ce n’est pas l’Allemagne, mais la droite allemande », a dû recadrer l’animateur du débat.

=> brrrrr, c’étaient même des ouvriers si ça se trouve, pouarff

Bon, bref, pas très glorieux pour Charlotte Chaffanjon…

L’Express

MAIS j’ai gardé le meilleur pour la fin (il faut bien récompenser les 4 lecteurs intégraux de ce billet !). LA, pour être exacte : Marie Simon, envoyée spéciale de l’Express, qui nous a pondu ce bijou de journalisme du XXIe siècle :

“Frangy-en-Grèce”: le tandem Montebourg-Varoufakis peine à enthousiasmer ; A Frangy-en-Bresse, hellénisée en l’honneur de Yanis Varoufakis invité par Arnaud Montebourg, les deux “ex” ont appelé à l’édification d’une “nouvelle Europe” plus démocratique. Sans déchaîner les foules, et sous la pluie

Amusant, je ne classe pourtant pas dans la gauche radicale, mais il n’a cependant pas peiné du tout à m’enthousiasmer ce type…

Début :

“Plus fort! Non, moins fort! On n’entend rien!” Les quelque 1000 personnes réunies sur la pelouse détrempée située derrière la mairie de Frangy-en-Bresse, ce dimanche après-midi, n’ont pas compris un mot du discours de Yanis Varoufakis, emmêlé dans la traduction simultanée. Du moins au début. Il a fallu que son hôte, Arnaud Montebourg, intervienne pour mettre fin à ce moment de flottement. Brièvement, l’ex-ministre des Finances grec, s’exprimant en anglais, a dû se demander ce qu’il faisait là. Lost in translation…

A l’image de ce petit accroc sans conséquence,

Et ça continue :

Yanis Varoufakis a porté ses coups habituels. Contre le système bancaire, justement, mais aussi la zone euro, le “Docteur Schaüble”, son ancien homologue allemand dont il dénonce l’intransigeance. “Le printemps d’Athènes a été écrasé comme le printemps de Prague. Pas besoin d’envoyer des chars quand on a les banques…”, accuse-t-il encore, mettant Paris en garde. La France, qui “n’est plus ce qu’elle était”, est leur “prochaine cible”.

Encore un beau résumé – c’est vrai qu’il est lourdingue Varoufakis à vouloir défendre son pays qui crève…

Varoufakis trop professoral, Montebourg trop seul?
Mais le show annoncé n’a pas eu lieu. Les médias internationaux censés les suivre jusqu’au fin fond de la Bourgogne étaient discrets (ou absents), lors de ce rendez-vous champêtre. Peut-être Yanis Varoufakis avait-il déjà tout dit dans Le Monde Diplomatique, sur France 2, dans Le Monde, L’Obs, ou dans le Journal du Dimanche… Peut-être aussi le professeur d’économie d’Austin (Texas) préfère-t-il lancer ses piques sur son blog que depuis une tribune. Qui plus est quand la traduction simultanée ne l’aide guère. Arnaud Montebourg, lui, maîtrise l’art oratoire et sa parole est plus rare

T’ain, elle a fait Sciences-po Paris la fille, et voilà comment elle traite un très important discours !

Alors c’est vrai qu’il y a plus sexy comme discours, mais ceux-ci peuvent également avoir leur intérêt, plus que n’importe quel discours d’Hollande par exemple… Mais il est vrai que c’est bête, ce n’est pas avec ces discours qui font appel à l’intelligence et aux valeurs qu’on finit Président, et qu’on couche avec des journalistes…

Sinon pour les journalistes présents, vu sur Europe 1 donc :

La big loose quoi…

Yanis Varoufakis et Arnaud Montebourg n’ont rien promis. Mais leurs solutions, trop abstraites ou académiques sans doute, ont laissé l’auditoire dans l’attente.

Le “printemps de Frangy”, que le Grec appelait de ses voeux, n’a pas eu lieu.

Chapeau donc à Marie Simon !

Bonus :

(Et pareil, j’schuis sûr qu’il y a des ouvriers en jogging là-dedans… Alors oui, cool, on sent tout le mépris de la journaliste parisienne, inconsciente en plus de l’importance profonde de certains propos. Elle a peut-être une grand-mère journaliste qui se foutait bien de la gueule d’un colonel qui parlait sans arrêt dans le vide du problème des chars en 1937… )

Épilogue

Le très grand philosophe Bertrand Russell (dont nous reparlerons bientôt, père spirituel de Noam Chomsky, donc mon grand-père spirituel :) ) a joliment dit :

« Les hommes naissent ignorants et non stupides. C’est l’éducation qui les rend stupides. » [Bertrand Russell, (1872-1970)]

Je rajouterais : “ainsi que le journalisme moderne” – il me semble qu’on en a une jolie preuve ici…

Par chance, il faut des millions pour créer un journal, et je ne connais pas de milliardaire amoureux de la recherche de la Vérité… ;)

“Journaliste, je dépends de ceux qui possèdent les journaux. Attendre des représentants du capital qu’ils vous fournissent gracieusement des armes – c’est-à-dire en l’occurrence des journaux – pour s’élever contre une forme de société qui leur convient, et une morale qui est la leur, cela porte un nom : l’imbécillité. Mais la plupart de ceux qui travaillent dans les grands journaux sont, en gros, d’accord avec cette société et cette morale. Ils ne sont pas achetés ; ils sont acquis. La nuance est importante. Ceux qui ne sont pas achetés peuvent, en théorie, créer d’autres organes pour exprimer leurs vues. En pratique, les fonds nécessaires à la création d’une telle entreprise ne se trouvent pas dans les poches des révolutionnaires”. [Françoise Giroud]

 

P.S. Billet dédié à Noam Chomsky, qui a ouvert la voie… Ainsi qu’à la joyeuse équipe d’Acrimed, qui fait cet épuisant boulot (7 heures environ pour ces 2 billets pour info) au quotidien…

Source: http://www.les-crises.fr/journalisme-la-fabrique-du-silence/