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L’armement américain transforme la Syrie en champ de bataille par procuration avec la Russie par Anne Barnard et Karam Shoumali

Saturday 7 November 2015 at 01:50

Source : The New York Times, le 13/10/2015

Par Anne Barnard et Karam Shoumali

Des soldats syriens attaqués dimanche dans la province de Hama. Les forces gouvernementales y ont fait une avancée lundi, soutenues par la force aérienne russe. Crédits : Alexander Kots/Komsomolskaya Pravda, via Associated Press

Beyrouth, Liban – Les chefs des insurgés affirment recevoir pour la première fois d’importantes livraisons de missiles antichars de fabrication américaine, depuis que la Russie a entamé ses frappes aériennes pour soutenir le gouvernement syrien.

Avec l’accroissement de la puissance de feu des rebelles, et avec une Russie intensifiant progressivement ses frappes aériennes contre les opposants au gouvernement, le conflit syrien est à deux doigts de se transformer en guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie.

Ce niveau de soutien accru a rehaussé le moral des deux camps, élargissant les buts de guerre, radicalisant les positions politiques, et rendant un accord diplomatique de moins en moins envisageable.

Les missiles antichars américains TOW ont commencé à arriver dans la région en 2013, par le biais d’un programme clandestin des États-Unis, de l’Arabie Saoudite et d’autres alliés en vue de soutenir des groupes insurgés entraînés par les États-Unis pour combattre le gouvernement syrien.

Les armes sont acheminées sur le terrain par les alliés des Américains, mais ce sont les États-Unis qui valident leur destination. Ce qui suggère a minima que les renforts actuels bénéficient de l’approbation tacite des Américains, à présent que le président Bachar el-Assad bénéficie du soutien aérien russe.

« Nous avons obtenu ce que nous demandions en très peu de temps », a déclaré dans une interview l’un des commandants [rebelles], Ahmad al-Saud. Il a ajouté qu’en seulement deux jours, son groupe, Division 13, avait détruit sept chars et véhicules blindés avec sept TOWs : « sept sur sept ».

Vidéo d’un groupe rebelle syrien tirant un missile TOW sur un char dans la province de Hama, le 7 octobre. Vidéo de Division 13

Le moral est également en hausse du côté gouvernemental. L’armement comme le moral ont « monté en flèche », selon une source gouvernementale, du fait du renouveau de l’alliance entre la Russie, l’Iran et la milice libanaise chiite du Hezbollah qui se bat pour le compte de Damas.

Au lieu d’une pâle lumière au bout du tunnel, selon la même source gouvernementale, évoquant la situation militaire sous couvert de l’anonymat, l’alliance envisage ce qui ressemble davantage à une victoire. Le but consiste à regagner le terrain qui jusqu’alors avait été considéré comme définitivement perdu, écarter définitivement la possibilité de l’éviction de M. Assad, et obtenir une résolution politique de la situation bien plus avantageuse, une fois que « de nouveaux faits auront été obtenus sur le terrain ».

Mais si les frappes russes contre les insurgés syriens se sont intensifiées, il en a été de même des attaques de ces mêmes insurgés, observables sur des vidéos en ligne. Les missiles TOW remplissent les airs avec leur traînées brillantes, à la recherche des véhicules made in Russia utilisés par les forces gouvernementales, et les réduisant en cendres.

Au moins 34 vidéos de ce genre ont été publiées dans les cinq derniers jours depuis les champs de bataille dans les provinces de Hama et d’Idlib, où des TOW ont aidé à amortir la première attaque au sol des forces gouvernementales syriennes appuyées par la puissance aérienne russe.

Le groupe rebelle syrien Fursan al Haq a diffusé une vidéo de ses combattants lançant un TOW sur un tank gouvernemental dans le nord de la province de Hama le 7 octobre. Vidéo par ShaamNetwork S.N.N.

Un officiel d’un groupe rebelle combattant à Hama a qualifié l’approvisionnement de “carte blanche”.

“Nous pouvons en avoir autant que nous en avons besoin et dès que nous en avons besoin”, a-t-il dit, demandant à ne pas être identifié pour éviter les représailles des groupes insurgés islamistes rivaux qu’il a critiqués. “Il suffit de demander.”

Il a dit croire que l’entrée de la Russie dans le conflit a fait la différence.

“En nous bombardant, la Russie bombarde les 13 pays ‘amis de la Syrie’”, a-t-il dit, faisant référence au groupe formé par les États-Unis et leurs alliés qui ont appelé à l’éviction de M. Assad après sa répression contre les manifestations politiques en 2011.

Le programme de la CIA qui a fourni les TOW (acronyme pour “missile filoguidé à suivi optique lancé par tube”) est distinct – et significativement plus important – du programme raté du Pentagone à 500 millions de dollars qui a été annulé la semaine dernière après avoir seulement formé une poignée de combattants. Ce fut un échec en grande partie parce que peu de recrues acceptaient son but de combattre seulement l’organisation militante de l’État Islamique et non M. Assad.

Les commandants rebelles ont tiqué à la demande de rapports sur la fourniture de 500 TOW depuis l’Arabie saoudite, disant que c’était un nombre insignifiant comparé avec ce qui était déjà disponible. En 2013 l’Arabie saoudite en a commandé plus de 13 000 exemplaires. Étant donné l’obligation pour les contrats d’armement américains de révéler l’”utilisateur final”, les insurgés déclarent qu’ils ont été fournis avec l’approbation de Washington.

De même, des vidéos crues montrant la nouvelle puissance de feu russe ont été diffusées par des combattants pro-gouvernementaux et des journalistes évoluant à leur côté.

Les hélicoptères de combat russes volent à basse altitude au-dessus des champs, apparemment assez près pour toucher le sol, puis prennent de l’altitude pour éviter les barrages de roquettes, fusées éclairantes et les tirs de mitrailleuse lourde. Des explosions touchent des villages éloignés, avec des colonnes de fumée s’élevant sur des blocs de maisons, déclarent des témoins qui narrent les progrès contre les « terroristes ».

Il semble que ce soit des techniques perfectionnées en Afghanistan, où l’armée d’occupation soviétique a combattu les insurgés fournis en missiles anti-aériens par les États-Unis. Ce sont certains de ces insurgés qui ont formé plus tard Al-Qaïda.

Les soldats syriens et les forces pro-gouvernementales dans le village de Atshan, province de Hama, dimanche. Crédit SANA, par l’intermédiaire de l’Agence France-Presse – Getty Images

Ce spectre plane sur la politique américaine, et a empêché les insurgés syriens de recevoir ce qu’ils désirent le plus : des missiles antiaériens pour arrêter les frappes aériennes de l’État, l’une des plus grandes causes de morts civils de cette guerre.

Maintenant il veulent les utiliser aussi contre les chasseurs russes.

M. Saud, de la Division 13, a dit que lui et d’autres officiers ont renouvelé leur demande d’armes antiaériennes il y a dix jours auprès des officiers de liaison travaillant avec eux dans un centre opérationnel en Turquie.

“Ils nous ont dit qu’ils transmettraient nos demandes dans leur pays”, ajoute-t-il. “Nous comprenons que ça n’est pas une décision facile lorsqu’il s’agit d’armes antiaériennes ou d’une no-fly zone, surtout maintenant que l’espace aérien syrien est rempli de chasseurs venant de différents pays.”

La Russie et les États-Unis ont tous deux déclaré qu’ils combattent l’État Islamique, aussi connu sous le nom de Daesh ou ISIS, mais les deux grandes puissances soutiennent les camps opposés de la bataille opposant M. Assad et les Syriens rebellés contre son autorité.

Avec le soutien aérien russe, le gouvernement de M. Assad essaie de reprendre le territoire gagné dans les provinces Idlib et Hama par les insurgés, dont le front Al-Nosra affilié à Al-Qaida et les groupes soutenus par les États-Unis, se désignant eux-mêmes comme l’Armée Syrienne Libre – mais pas Daesh dont les principales forces sont dans le nord et l’est de la Syrie jusqu’en Irak, mais n’a qu’une présence discrète dans l’ouest du pays.

Au lieu de cela, les progrès sur place, qui ont généré la menace la plus immédiate pour M. Assad, sont venus d’une coalition d’insurgés islamistes appelée l’Armée De Conquête, comprenant le Front Nosra, mais s’opposant à l’État Islamique.

Progressant aux côtés des groupes islamistes, en les aidant parfois, un certain nombre de groupes relativement laïques, comme l’Armée Syrienne Libre, ont acquis une nouvelle importance et un nouveau statut en raison de leur accès aux missiles TOW.

Même en plus faibles quantités, les missiles jouent un rôle majeur dans l’avancée des insurgés, ce qui a engendré une menace pour le pouvoir de M. Assad. Alors que cela peut ressembler à un développement intéressant pour les décideurs politiques états-uniens, en pratique cela pose un nouveau dilemme, étant donné que le Front Nosra a été parmi les groupes bénéficiant de cette puissance de feu renforcée.

Il s’agit d’une alliance tactique que les commandants de l’Armée Syrienne Libre décrivent comme un mariage de raison inconfortable, car ils ne peuvent pas opérer sans le consentement de l’inévitable front Al-Nosra. Assad et ses alliés prennent cet arrangement pour preuve qu’il n’y a que peu de différences entre les groupes d’insurgés, les appelant tous terroristes, et les désignant donc pour cibles légitimes.

De toute façon, l’Armée Syrienne Libre nouvellement renforcée, restée longtemps un acteur marginal alors que les groupes islamistes montaient en influence, joue maintenant un rôle plus important.

“Les groupes islamiques nous ont toujours étiquetés agents, infidèles et apostats à cause de nos accords avec l’Ouest,” déclare Mr Saud. “Mais maintenant il se rendent compte combien nous sommes efficaces grâce à nos accords avec l’Ouest.”

Plusieurs unités soutenues par les Américains ont été sous le feu direct des Russes. Mais ils affirment avoir conservé leur territoire, avec l’aide de missiles TOW, mieux que leurs homologues islamistes.

Dans un des derniers envois d’aide américaine aux groupes armés évoluant en Syrie, des avions-cargos américains ont largué dimanche pour la première fois des munitions d’armes légères aux combattants arabes syriens en lutte contre l’État Islamique, a déclaré lundi un porte-parole militaire, le colonel Steve Warren.

Il a refusé d’identifier les groupes ou leurs emplacements, mettant en avant la sécurité opérationnelle, mais a indiqué que des responsables américains les avaient contrôlés. Les destinataires probables étaient une coalition de groupes kurdes et arabes qui étaient aux prises avec des combattants de l’État Islamique dans le nord la Syrie aux côtés des milices kurdes, qui se fait appeler désormais la Coalition Arabe Syrienne.

Les troupes gouvernementales syriennes ont progressé lundi vers une autoroute d’importance stratégique tenue par les insurgés, en prenant plusieurs villages dans la province de Hama avec l’aide de frappes aériennes russes, selon les médias officiels syriens et russes, des activistes anti-gouvernementaux et des combattants.

Mais les lignes de front sont restées fortement disputées, selon les militants, chaque partie faisant large usage de ses nouvelles armes.

Anne Barnard témoignait depuis Beyrouth, et Karam Shoumali d’Istanbul. Maher Samaan a contribué à la rédaction depuis Beyrouth, et Eric Schmitt depuis Washington.

Source : The New York Times, le 13/10/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/larmement-americain-transforme-la-syrie-en-champ-de-bataille-par-procuration-avec-la-russie-par-anne-barnard-et-karam-shoumali/