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L’urbanisme et la loi Macron, par Olivier Soria

Saturday 24 October 2015 at 00:01

Par Olivier Soria, Professeur de droit à KEDGE, pour le site www.les-crises.fr

Loi du 12 août 2015 Loi n°2015-990 du 6.8.15 : JO du 7.8.15  (art. 111 / CU : L.480-13)


Le Code de l’urbanisme réglemente les conditions de l’action en démolition consécutive à l’annulation d’une autorisation de construire par le juge administratif (CU : L.480-13). Jusqu’à présent, il prévoyait que, lorsqu’une construction était édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne pouvait être condamné par le juge judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis avait été annulé par la juridiction administrative.Or, lorsqu’une autorisation d’urbanisme était contestée, l’existence d’un recours en annulation était susceptible de faire craindre une démolition ultérieure à l’ensemble des acteurs de la construction. Bien que juridiquement rien ne s’oppose à la poursuite des travaux, le contentieux contre les autorisations de construire avait un effet paralysant, et ce, quelle que soit la nature du projet (construction d’une maison individuelle ou opération immobilière comprenant plusieurs logements). D’ailleurs, les banques n’autorisaient le déclenchement des prêts que sous la condition que le permis soit purgé de ses voies de recours.Dorénavant cet article n’autorise une action en démolition à la suite de l’annulation d’un permis de construire que sur certaines zones à risques ou particulièrement sensibles du point de vue patrimonial ou environnemental. Désormais, l’article L.480-13 du CU liste les zones concernées de manière exhaustive.Ainsi, cette liste comprend notamment :

  • certains espaces vulnérables : les réserves naturelles et leur périmètre de protection (Code de l’environnement : L.332-1), la bande littorale de cent mètres (CU : L.146-4, III), les espaces, paysages et milieux du patrimoine naturel et culturel montagnard (CU : L.145-3, II) ou encore les sites désignés Natura 2000 (Code de l’environnement : L.414-1).
  • un ensemble de sites sensibles : les zones figurant dans les Plans de Prévention des Risques Technologies (PPRT) dans lesquelles les aménagements, constructions ou extensions sont interdits ou subordonnés au respect de certaines prescriptions (Code de l’environnement : L.515-16, I), ou encore les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) lorsque les servitudes instituées comportent une limitation ou une suppression du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages (Code de l’environnement : L.515-8).
  • certaines zones ou périmètres de protection au titre de la préservation du patrimoine architectural et urbain : les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (Code du patrimoine : L.642-1), ou encore les périmètres de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques (Code du patrimoine : L.621-30, alinéas 4 et 5).

L’action en démolition doit toujours être engagée dans un délai, au plus tard de deux ans suivant la décision devenue définitive de la juridiction administrative annulant le permis de construire.

En fait, le problème qui se posait pour le gouvernement était comment assurer les investissements des promoteurs sans pour autant mettre en cause le pouvoir des Maires dans le cadre de l’élaboration des SCOT et des PLU ?

En réalité si nous regardons de plus près, toutes les zones de protection spéciales, comme les EBC (Espace boisé à conserver), les zones Natura 2000 ou encore les zones agricoles et naturelles etc restent protégées, seules les zones U ou AU sont concernées par cette réforme. En effet, ces zones sont des espaces dévolus à la construction ou à des futures constructions et ne sont plus protégées, sauf, celles concernant le patrimoine architectural et urbain. Dès lors, un promoteur qui ferait construire un immeuble non conforme à la réglementation de la zone, par exemple une hauteur de façade, ou encore un éco-quartier ne verra plus son immeuble démoli, malgré l’annulation de son permis de construire. De même, un particulier pourra déposer un permis bidon, avoir l’autorisation de sa Mairie et construire tout autre chose, par exemple augmenter les surfaces de construction, faire des lots dans sa propriété, alors que c’est interdit par une réglementation de zonage, même mieux construire un immeuble dans une zone consacrée à l’habitat individuel et avoir un certificat de conformité avec le permis, si la Mairie ne fait pas d’objection dans un délai de 3 mois. Comme les Mairies n’ont pas le temps et le personnel pour vérifier la conformité, le projet deviendra légal. Impressionnant, d’un point de vue juridique c’est tout simplement un déni de justice. C’est-à-dire que quelle que soit la décision de justice, elle ne s’appliquera pas, et c’est un gouvernement dit « socialiste » qui fait voter cette loi, sans que le C. Constitutionnel ait à redire de quoi que ce soit sur la constitutionnalité d’une telle mesure ??? On mesure sur cet exemple les limites d’un C. Constitutionnel bien plus politique que juridique.

Certes les possibilités des requérants qui souhaiteraient interrompre la construction demeurent sur le papier puisqu’ils peuvent toujours agir par voie de référé suspension. Dès lors qu’elle a un intérêt à agir, toute personne peut déposer dans les deux mois suivant la délivrance et l’affichage du permis de construire, un référé suspension devant le juge des référés. Ce dernier statue dans un délai de quinze jours. Cependant, c’est oublier la pratique jurisprudentielle des tribunaux à leur sujet. En effet, il faut soit démontrer l’urgence, soit préciser qu’il y a une violation manifeste du droit. Dans la réalité, très rare sont les décisions de référé suspendant l’action. De plus, la pratique des tribunaux judiciaires de condamner à la démolition d’un immeuble est très rare en France. En général, et tous les défenseurs de la nature le savent, une fois la bâtisse construite, elle n’est quasiment jamais détruite. Nous avons de quoi nous inquiéter pour l’avenir de notre cadre urbain, car cette réforme est la porte ouverte à de nombreux abus de la part des promoteurs  qui aboutiront à une explosion des contentieux privés pour troubles anormaux du voisinage…Cela pourrait induire de même une augmentation des demandes d’indemnités de la part des requérants au titre de l’article L.480-13 du CU en lieu et place de la démolition. Ces indemnités pourraient être reportées sur les maires auteurs des autorisations d’urbanisme.

Enfin pour finir et constater le grand n’importe quoi, il suffit d’aller faire un tour sur les questions écrites déposées par les députés. C’est éloquent, personne ne sait comment appliquer cette loi. De nombreux députés s’inquiètent qu’en cas de construction sans permis de construire, le Maire en temps normal a la possibilité de régulariser après coup le permis de construire et ceci au mépris des règles d’urbanisme, mais un particulier ou une association pouvaient demander la démolition de l’immeuble devant les tribunaux, qu’en sera-t-il demain ?

Hé bien nous pouvons en douter…

Source: http://www.les-crises.fr/lurbanisme-et-la-loi-macron/