les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

La Catalogne sur la pente de la désobéissance civile

Friday 7 November 2014 at 04:00

Petit point sur la crise catalane qui commence à devenir TRÈS inintéressante sur le plan des principes démocratiques en Europe…

La Catalogne sur la pente de la désobéissance civile, AFP, 5/11

Madrid (AFP) – Le leader nationaliste catalan Artur Mas a confirmé mercredi qu’il maintenait un vote sur l’indépendance de la région contesté par Madrid, une décision relevant de la désobéissance civile qui déclenche une crise politique sans précédent en Espagne depuis la mort de Franco.

“Nous sommes en train de défendre un droit naturel (…) Tous les peuples ont le droit de décider de leur avenir”, a déclaré le chef de l’exécutif catalan Artur Mas avant d’annoncer que le “processus de participation” serait maintenu.

Cette décision prise au nom de la “liberté d’expression”, intervient au lendemain d’un arrêt du tribunal constitutionnel suspendant justement ce vote, à la demande de Madrid.

Dans les faits, selon les spécialistes consultés par l’AFP, il s’agira alors de “désobéissance civile”. “Ouvrir les écoles (publiques) pour le vote et tout acte de fonctionnaires qui collaborera en ce sens” peut tomber sous le coup de la désobéissance civile, un délit pénal entrainant potentiellement une interdiction d’exercer. C’est très complexe et délicat”, explique Eduardo Virgala, enseignant en droit constitutionnel à l’université du Pays basque.

“Quel que soit le nom donné au vote: processus, fête publique ou sardane, il y a mise en place d’urnes et on pose une question sur un sujet qui n’est pas de la compétence” de la Catalogne, estime aussi l’universitaire Yolanda Gomez, également spécialiste en droit constitutionnel: “Il y a désobéissance à l’autorité de la part des personnes détenant des mandats publics”.

Artur Mas, leader du parti CiU (Convergencia i Unio, nationaliste conservateur) s’était engagé en décembre 2013 à organiser un référendum sur l’indépendance le 9 novembre.

La Catalogne, représentant environ 20% du PIB de l’Espagne et où vivent 7,5 des 47 millions d’Espagnols, jouit d’une large autonomie, lui permettant de gérer sa police ou encore son système éducatif et sanitaire. A partir de 2006 elle était même régie par un “Statut” (Estatut) lui reconnaissant, entre autres, le titre de Nation.

Mais en 2010 ce statut a été amendé par le tribunal constitutionnel. Le gouvernement dirigé par le Parti populaire (conservateur) à partir de 2012 a en outre commencé à rogner sur certains domaines dont Madrid ne se mêlait plus, comme l’enseignement de l’espagnol dans ses écoles.

Un contexte tendu, associé au mécontentement face à la crise et à la corruption galopante, a donné des ailes aux indépendantistes, qui, selon un sondage récent, seraient suivis par la moitié des Catalans.

D’où l’importance pour eux du référendum consultatif sur l’avenir de la région devenu “9-N”, comme un “Jour-J”.

Face à cet élan Madrid n’a rien cédé, se bornant à une application stricte de la Constitution ne permettant pas de telles consultations car l’ensemble des Espagnols doit pouvoir se prononcer.

Le gouvernement a donc saisi le tribunal constitutionnel qui a suspendu le référendum, le 29 septembre. M. Mas, poussé par ses alliés radicaux d’Esquerra Republicana de Catalunya (gauche indépendantiste), en tête dans les sondages et dont il a besoin pour rester au pouvoir, a alors décidé d’organiser un vote alternatif baptisé “processus participatif”.

Objet de moqueries de Madrid, il s’est avéré au fil des jours très semblable au premier. Il s’agit des mêmes questions: “Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat “? Et si oui, “Voulez-vous que cet Etat soit indépendant” ?”

Le vote, mis en place en grande partie par quelque 41.000 bénévoles, sans recensement initial ni commission électorale, est organisé avec l’aide et le financement de l’exécutif catalan et sera encadré par les Mossos d’Esquadra (la police catalane), autant d’éléments constitutifs d’une “désobéissance civile”.

Madrid a donc saisi une nouvelle fois la justice pour faire suspendre ce “processus”, entraînant un conflit sans précédent entre pouvoir central et région depuis la fin de la dictature de Franco (1939-1975).

Le président de la Catalogne, qui joue aussi son avenir, a pour sa part tout fait pour obtenir un maximum de participation, ouvrant le vote aux étrangers et aux jeunes de 16 ans mininum espérant ainsi que 5,4 des 7,5 millions de Catalans voteront.

Même s’il est juridiquement dans son droit, “le 10 novembre, le chef du gouvernement Mariano Rajoy aura encore un problème politique et de premier ordre”, analyse Eduardo Virgala, qui comme d’autres spécialistes considérait mercredi que seule “une solution politique” passant sans doute par une réforme de la Constitution de 1978, amendée deux fois, était envisageable.

Source : Nouvel Obs

Casse-tête juridique en Catalogne, Le Point, 5/11

Que se passera-t-il dimanche prochain en Catalogne ? Depuis 2013, les nationalistes au pouvoir régional ne parlent que de cela : le “9-N”, c’est-à-dire le 9 novembre 2014, jour tant annoncé du référendum d’autodétermination devant décider si, oui ou non, une majorité des 7,5 millions de Catalans est favorable à une sécession avec l’Espagne. En décembre 2013, une large majorité des députés du parlament (le parlement autonome catalan, à Barcelone) ont approuvé cette consultation ; dix mois plus tôt, ils avaient voté une sorte de “déclaration de souveraineté”, histoire de proclamer haut et fort que le “droit de décider du peuple catalan” est supérieur à toutes les lois espagnoles réunies. D’après de récents sondages, environ 70 % des Catalans soutiennent cette consultation, et entre 40 et 55 % se disent indépendantistes.

Sauf qu’aujourd’hui, à quelques jours du supposé grand jour, la situation est plus inextricable que jamais. À la différence de Londres vis-à-vis de l’Écosse (le “non” l’a emporté lors d’un référendum en septembre), Madrid voit rouge lorsque les nationalistes catalans évoquent la possibilité d’une consultation. L’argument est simple : la Constitution de 1978 ne reconnaît qu’une seule souveraineté, celle du “peuple espagnol” ; pour que les Catalans puissent se prononcer, l’accord préalable du Parlement national est donc indispensable. Et impensable.

Sur plainte du gouvernement du conservateur Mariano Rajoy, cet argument a été confirmé une première fois, le 29 septembre, par le Tribunal constitutionnel, le TC. Celui-ci vient de nouveau de “suspendre” cette consultation, considérant que, depuis des semaines, le nationaliste Artur Mas multiplie les déclarations en ce sens, inonde la page web de son exécutif d’appels à voter le 9-N et a demandé à environ 6 000 fonctionnaires catalans de veiller au bon déroulement de ce référendum qui ne veut pas dire son nom. Pour ne rien gâter, les juges du TC brandissent la menace de l’article 161.2 : si les Catalans en venaient malgré tout à sortir les urnes ce dimanche, Madrid pourrait d’autorité prendre les rênes de la région Catalogne. Rien de moins.

En face, il y aurait donc de quoi renoncer, abdiquer. Mais non : le porte-parole de l’exécutif catalan, Francesc Homs, a maintenu le défi – inédit – bien haut : “Tout est prêt pour le 9-N. Il aura lieu pour garantir la liberté d’expression. Nous allons poursuivre en justice le gouvernement de Madrid pour enfreindre les droits de nos citoyens.” Habiles, les nationalistes n’emploient pas le terme de “référendum” ou de “consultation”, ce qui pourrait leur valoir un châtiment judiciaire immédiat. Le leader Artur Mas préfère une litote : “processus participatif”. Selon lui, il aura bel et bien lieu ce dimanche, et ce, malgré les dénégations, les remontrances et les intimidations de Madrid. Le suspense reste entier sur un bras de fer sans merci.

Source : Le Point

“Le vote est une arme politique”, le Point, 06/11

INTERVIEW. Délégué de la Catalogne en France, Martí Anglada explique au Point.fr pourquoi son gouvernement ne reculera pas devant Madrid.

C’est la plus grave crise entre Madrid et Barcelone depuis la mort de Franco. En décidant de maintenir le vote populaire sur l’indépendance de la région prévu dimanche, le président de la Catalogne Artur Mas a outrepassé la décision du Tribunal constitutionnel suspendant le scrutin et s’est attiré les foudres du gouvernement espagnol. C’est la première fois que la population est ainsi sollicitée. Sans valeur juridique, ce scrutin pourrait néanmoins ouvrir la voie à un futur “vrai” référendum. Délégué de la Catalogne en France et en Suisse, Martí Anglada explique au Point.fr pourquoi son gouvernement ne reculera pas.

Le Point.fr : Que représente pour vous le scrutin de dimanche ?

Martí Anglada : C’est un moment historique. Nous n’avons jamais eu, en Catalogne, la possibilité d’organiser un vrai référendum à l’écossaise. En 2006, Madrid a accepté d’accorder davantage d’autonomie à la Catalogne (la région bénéficie du statut d’autonomie depuis 1979, NDLR), mais le Tribunal constitutionnel est revenu sur ce statut en 2010. L’attitude de Madrid a entraîné une grosse crise de confiance chez beaucoup de Catalans. Et le nombre d’indépendantistes a doublé.

Quelle est la principale pomme de la discorde avec Madrid ?

Au cours des trente dernières années, la Catalogne (qui représente 20 % du PIB de l’Espagne) a payé 24 % des impôts du pays. Or, nous n’avons reçu pendant cette même période que 9 % des investissements budgétaires de l’État. Ce n’est pas normal. Nous avons alors demandé un pacte bilatéral fiscal avec l’État, sur le modèle du Pays basque, mais Madrid a refusé. Ainsi, en septembre 2012, 1,5 million de Catalans ont manifesté pour quitter l’Espagne. Cela nous a conduits à convoquer des élections anticipées, où les partis favorables au référendum sont arrivés en tête.

Mais l’organisation d’un référendum n’est-elle pas illégale selon la Constitution espagnole ?

La Constitution comporte en effet un article stipulant que les décisions de souveraineté appartiennent exclusivement au peuple espagnol. Mais il existe un autre article selon lequel les compétences du gouvernement central peuvent être déléguées à une communauté autonome si le Parlement l’approuve. Il existe donc bel et bien une voie. Démonstration en a d’ailleurs été faite le 8 avril dernier, lorsque le Parlement a soumis à un vote la possibilité de convoquer un référendum en Catalogne.

Et qu’a décidé le Parlement espagnol ?

Le non l’a emporté à 80 %. Mais ce n’est pas le plus important. Le fait que les députés espagnols aient été amenés à trancher prouve bien qu’il existait une possibilité légale d’organiser ce référendum. La décision n’est donc pas juridique, mais politique.

Le vote de dimanche n’est-il pas en réalité un référendum qui ne porte pas son nom ?

Il ne s’agit effectivement pas d’un référendum à l’écossaise. Après le 8 avril, nous nous sommes dit que la seule chance de réaliser notre objectif était de mener une consultation du peuple catalan, sans que le résultat ait de valeur légale. C’est une arme politique, sans conséquence juridique. Or, le gouvernement espagnol a immédiatement saisi le Tribunal constitutionnel qui a invalidé cette consultation. Nous avons donc décidé d’organiser un “procès participatif”. Il s’agit d’une enquête, d’un grand sondage, sur la population.

Mais le Tribunal constitutionnel ne l’a-t-il pas une nouvelle fois jugé illégal ?

Il a interdit au gouvernement catalan d’y participer. Or, ce n’est pas l’exécutif qui a convoqué ce scrutin, mais la société civile, qui s’est massivement mobilisée. L’organisation de cette consultation, pardon, de cette enquête de dimanche, est assurée par des volontaires.

Comment le scrutin va-t-il concrètement se dérouler ?

La population va pouvoir voter dans plus de 1 240 points de vote, des mairies et des lycées. Deux questions seront inscrites sur le bulletin, avec pour chacune la possibilité de répondre “Oui” ou “Non”. La première : “Voulez-vous que la Catalogne devienne un État ?” Si la réponse est affirmative, on demandera alors : “Voulez-vous que cet État soit indépendant ?” Les résultats préliminaires tomberont dès lundi, mais le vote sera ouvert pendant 15 jours.

Le “oui” n’est-il pas assuré de l’emporter ?

D’après les sondages, le “oui” devrait recueillir la majorité des suffrages. Maintenant, il faudra distinguer le “oui-non”, c’est-à-dire la volonté d’établir un État fédéral ou confédéral, du “oui-oui”, qui signifie un État indépendant. Cette différence sera le principal enjeu du scrutin.

Et après ?

Si les résultats sont positifs, la seule chose démocratique et juridique que nous pourrons faire sera de convoquer des élections anticipées en Catalogne, avec un caractère plébiscitaire. Il s’agira d’un scrutin législatif, mais avec deux listes distinctes rassemblant les différents partis, selon un seul slogan : le “oui” ou le “non” au référendum sur l’indépendance de la région. Le président Artur Mas a déjà indiqué qu’il était prêt à convoquer ces élections si les autres partis étaient d’accord. Ce sera une façon d’organiser un référendum. Sans doute pas la meilleure.

Madrid ne pourra alors pas l’interdire ?

Ce n’est pas possible, ou alors l’Espagne deviendra la Russie de Poutine.

Que voulez-vous vraiment obtenir de Madrid ?

Si la liste du “oui” obtient plus de 50 % des suffrages lors de ces plébiscites, je pense que nous proclamerons notre indépendance. Si elle obtient moins de la majorité, alors il faudra trouver un nouveau statut pour notre région. En fonction de ces résultats, nous pourrons analyser si l’alternative est l’indépendance ou la négociation. Certainement pas le statu quo. Il faut respecter la singularité de la Catalogne. Nous devons trouver un point d’équilibre. Tout cela nous a déjà été accordé en 2006, avant que Madrid ne revienne dessus.

Mais un État catalan serait-il viable économiquement ?

[OB : Il est con ce journaliste : tout le monde sait qu'un État n'est viable économiquement qu'à partir de 800 millions d'habitants !!!! C'est même pour ça qu'on fait l'Eurôôôôpe !]

Les derniers rapports des agences de notation affirment que la Catalogne est déjà pleinement viable en tant qu’État. Nous comptons 7,5 millions d’habitants – soit plus que le Danemark -, nous possédons un PIB supérieur à la moyenne européenne, nous sommes des donateurs de l’Union européenne, alors que nous ne recevons rien. Il ne faut pas se tromper. Le problème de la viabilité se pose davantage pour une Espagne sans la Catalogne que l’inverse.

Justement, Madrid n’a aucun intérêt à se séparer de la Catalogne

Cela fait trente ans qu’ils ont l’occasion de doter la Catalogne de plus de subventions. Mais ils n’ont rien fait. Si tu penses qu’une région est la machine économique de ton État, alors, il ne faut pas l’étrangler. Or, pour des raisons politiques, le Parti populaire (conservateur) au pouvoir continue à privilégier d’autres régions, au détriment de la nôtre. En s’obstinant à tout nous refuser, Madrid est en train de sombrer dans l’impasse. À mesure que le gouvernement central rejette toutes nos demandes, le camp des indépendantistes augmente.

Source : Le Point

Le tribunal suprême rejette la requête de la Catalogne, L’Indépendant, 06/11

Le Tribunal suprême a rejeté l’appel interjeté par la Generalitat de Catalogne contre la décision du Conseil des Ministres espagnol de ne pas autoriser la consultation du 9 novembre.

Les Catalans avaient saisi le Tribunal Suprême pour dénoncer l’”atteinte au droit de participation, à la liberté d’expression et à la liberté d’opinion” par le gouvernement de Madrid.

Avec la décision du Tribunal Suprême ce sont les voies légales qui ont été épuisées pour maintenir ce processus de remplacement au référendum pour l’auto-détermination de la Catalaogne.

Source : L’indépendant

En Catalogne, un « vote » pour rien, Le Monde, 06/11

Editorial du Monde. Pourquoi au juste les Catalans vont-ils voter, dimanche 9 novembre ? La tentative de référendum promise par le chef de l’exécutif catalan, Artur Mas, a été bloquée par le Tribunal constitutionnel espagnol le 29 septembre. Le président catalan, qui avait promis de n’organiser de consultation que conforme à la loi, en a finalement décidé autrement. Sous la pression de la gauche indépendantiste, M. Mas a maintenu un projet de scrutin… que le Tribunal constitutionnel a à nouveau suspendu !

Alors, dimanche, ce ne sera pas un « référendum ». Les Catalans participeront à un « processus participatif », en répondant aux mêmes questions, prévues dans le projet de référendum initial : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat ? » En cas de oui : « Voulez-vous que cet Etat soit indépendant ? » C’est une idée bien discutable.

Le scrutin aura la couleur et la forme d’un référendum, mais ce sera surtout un scrutin contesté. Au risque de passer pour de la désobéissance civile…

[Je n'ai pas la fin, mais ce n'est pas utile à ce stade]

Source : Le Monde

OB : J’adore de plus en plus le Monde, ce journal est fascinant, c’est vraiment la voix du Système !!!!

On va vite voir si c’est “pour rien” que les Catalans voteront – ça ne marche pas toujours aussi bien qu’en 2005…

Laissez voter les Catalans (APPEL)1

Une majorité de catalans a exprimé à de nombreuses reprises et de ce de manières différentes, leur volonté d’exercer leur droit démocratique à voter leur avenir politique.

Cette forte demande de vote est le résultat de dissensions de longue date entre les gouvernements de la Catalogne et de l’Espagne au sujet du degré d’autonomie culturelle, politique et financière dont peuvent disposer les Catalans, malgré plusieurs tentatives pour arriver à une solution acceptable.

Comme nous l’avons vu au Québec et en Écosse, la meilleure manière de résoudre les conflits internes et légitimes est d’utiliser les outils de la démocratie. Empêcher les Catalans de voter semble contredire les principes qui inspirent les sociétés démocratiques.

C’est pourquoi nous appelons le gouvernement espagnol et ses institutions et leurs équivalents catalans à travailler ensemble afin de permettre aux citoyens de Catalogne de voter leur avenir politique et de négocier en toute bonne foi en se basant sur les résultats.

Source

[Historique] La (délirante) partie d’échecs catalane expliquée aux non-Catalans, Rue89, 1er octobre

« Volem votar ! » (Nous voulons voter !) Pour protester contre la suspension, lundi soir, du référendum en Catalogne, les indépendantistes ont manifesté par milliers mardi soir à Barcelone et dans d’autres villes.

Entre le gouvernement (la « Generalitat ») de Catalogne et Madrid s’engage une partie à haut risque sur l’échiquier juridico-politique. Il y aura des perdants, voire des drames si cette partie tourne mal.

Les règles du jeu


Un pochoir pro-indépendance

Les deux principaux joueurs s’appellent Artur Mas et Mariano Rajoy.

Le premier, de centre droit, issu de la fédération de partis Convergence & Union, est le président de la Generalitat de Catalogne, l’une des régions les plus riches d’Espagne. Le second est le premier ministre espagnol, chef du Parti populaire (PP, droite).

En surface, ils s’opposent frontalement sur la question de l’indépendance ; mais pour compliquer la donne, ils ont aussi des intérêts convergents. L’un et l’autre ont en effet intérêt à garder bien vivants les partis nationalistes en Catalogne :

Mas est de centre droit et défend l’indépendance de sa région de 7,5 millions d’habitants. Une fois indépendante, elle se situerait au septième rang européenen termes de richesse par habitant. Il prévoit depuis longtemps d’organiser un référendum et ce qui s’est passé en Ecosse, avec l’assentiment de Londres, l’encourage à tenir bon.

David Cameron ne croyait pas aux chances du « oui » en Ecosse (il a eu une suée, mais finalement, le scrutin lui a donné raison). Mariano Rajoy, lui, estime possible une victoire du « oui » (les sondages aussi). Un tel référendum, s’il était organisé, risquerait de conduire à un affaiblissement de l’économie espagnole, à la mort de la Constitution de 1978 et même, pour peu que les Basques ou d’autres emboîtent le pas des Catalans, à la fracturation du pays en divers morceaux. Explosif, donc.

Artur Mas pousse un décret


E2-E4 (Wikimedia Commons/CC)

En septembre, Artur Mas a fait voter au parlement régional (à 80%) une loi régionale autorisant la tenue de référendums.

Samedi, il avancé sa première pièce : lors d’une cérémonie au gouvernement régional, il a signé un décret prévoyant de consulter les électeurs catalans lors d’un référendum le 9 novembre.

Juridiquement, a argué Madrid, il ne peut y avoir de consultation de ce type qu’au niveau national. Ce à quoi Mas répond que rien, sur le plan du droit, ne pèse très lourd face à la « volonté d’un peuple ».

Il a pris son temps pour signer ce décret : le temps de s’assurer que les municipalités de Catalogne le suivaient et de laisser bouillonner un peu la ferveur indépendantiste. Mais il a laissé ouverte la discussion avec Madrid :

« Comme toutes les nations du monde, la Catalogne a le droit de décider de son avenir politique. Nous sommes ouverts aux négociations sur les conditions du référendum jusqu’au dernier moment. »

Son équipe a laissé planer l’idée que, en attendant l’ouverture de telles négociations, la date du référendum serait maintenue.

« Chicken » !


« Chicken » !

Pour préparer les coups suivants, Artur Mas a constitué une sorte de conseil de guerre, peuplé de hauts fonctionnaires et d’intellectuels, le Conseil consultatif pour la transition nationale.

Au Wall Street Journal, l’un des membres, le sociologue Salvador Cardus, a expliqué que la stratégie consistait désormais à préparer l’élection comme si de rien n’était, et à attendre que le gouvernement central commette « une grosse bêtise politique » :

« Il s’agit de savoir quel camp sera calme et gardera son sang-froid jusqu’au 9 novembre. »

La partie d’échecs devait dans l’esprit de nombreux indépendantistes tourner au « chicken game », le jeu de la poule mouillée qui se dispute à deux voitures fonçant vers une falaise (cf. « La Fureur de vivre »).

Madrid saisit le Tribunal constitutionnel

Mais jouer à un tel jeu avec Mariano Rajoy n’est pas une mince affaire. Ce dernier a la réputation d’être aussi coriace qu’un édredon : calme, il aime temporiser en évitant les « grosses bêtises politiques ». Il manie parfaitement l’inertie.

« Il pourrait faire sien l’adage d’Henri Queuille selon lequel il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout », résume l’historien Benoît Pellistrandi, spécialiste de l’Espagne.

Rajoy s’est contenté lundi matin de saisir le Tribunal constitutionnel espagnol, en vue de faire annuler la loi sur laquelle s’appuie le décret pris par Mas.

Le Tribunal constitutionnel est composé de douze magistrats choisis par le parlement espagnol, dominé par le PP et le PSOE. Actuellement, ce sont plutôt des juges conservateurs qui le dominent, peu ouverts aux velléités indépendantistes catalanes. Il avait déjà partiellement annulé, en 2010, le nouveau statut de la Catalogne qui la reconnaissait comme une « nation ».

Avantage Madrid

Le Tribunal constitutionnel a accepté lundi soir de se saisir de l’affaire, ce qui implique la suspension du décret organisant le référendum. Une rapidité inhabituelle aux yeux de Artur Mas qui s’est fait ironique :

« Ils ont franchi le mur du son. Ils n’ont pas attendu un seul jour. »

Mais dans le jeu du « chicken », Mas a canné : mardi, la campagne référendaire a été suspendue.

Le président du gouvernement de Catalogne n’a pas osé jouer avec le feu :l’article 155 de la constitution espagnole autorise Madrid à suspendre l’autonomie d’une région qui ne respecterait pas ses obligations… Et personne n’a envie de prendre le risque de rejouer octobre 1934, avec une mobilisation de l’armée contre la Catalogne.

Mariano Rajoy a pris l’avantage, donc. Et les indépendantistes sont furieux. La gauche républicaine et catalane appelle le gouvernement catalan à désobéïr. La présidente du parlement catalan, Nuria de Gispet, a annoncé qu’elle allait faire appel contre la suspension du référendum décidée par le Tribunal constitutionnel.

La partie se déplace dans la rue

Des manifestations devraient se succéder. L’indépendance est une cause qui mobilise : des manifestations ont déjà réuni 1,5 million de personnes, dans une région qui en compte 7,5 millions.

Dès mardi soir, sous la pluie, des milliers de Catalans ont défilé pour que soit maintenu le vote du 9 novembre, sur le thème : « Ni la pluie, ni un tribunal ne nous arrêtera. » Des heurts ont eu lieu avec la police.

« NOUS VOULONS VOTER ! », MANIF À BARCELONE

Le Tribunal constitutionnel a cinq mois pour statuer. Les chances pour qu’il le fasse avant le 9 novembre sont quasi-nulles : il doit livrer une décision très argumentée, et il prendra son temps.

D’ici là, les indépendantistes les plus déterminés devraient donc s’organiser pour qu’une consultation « sauvage » ait lieu le 9 novembre dans de nombreuses municipalités, bravant le Tribunal constitutionnel.

En cas de « oui » massif, même si la carte de la Catalogne n’est pas entièrement couverte, ce vote renforcerait la revendication d’indépendance. Mais il n’aura pas la légimité suffisante pour déclencher un processus devant mener à celle-ci. Selon les sondages, seul un Catalan sur cinq est prêt à voter à un référendum qui n’aurait pas été autorisé par le Tribunal constitutionnel.

La partie de Chicken redémarre

Mercredi 1er octobre, le parlement catalan passe outre la décision du Tribunal constitutionnel et décide de la création d’une commission électorale pour le référendum d’autodétermination. Deux jours plus tard, Artur Mas publie un décret mettant en place la commission. La date du 9 novembre revient dans le paysage. La partie de « Chicken » redémarre.

Le gouvernement espagnol annonce qu’il saisir de nouveau le Tribunal constitutionnel contre la création de cette commission.

Quels coups suivants ?


Artur Mas condamné à « faire tapis »

Selon Benoît Pellistrandi, Artur Mas n’est pas dans la meilleure position. Il s’est mis dans une situation telle qu’il doit chaque fois « aller plus loin etfaire tapis, comme on dit au poker » :

« Son seul coup à jouer est maintenant de dissoudre le parlement catalan pour le transformer en vote plébiscitaire en faveur de l’indépendance. »

Il se heure à un problème de calendrier. Quand jouer ce coup ? Pour faire le plein de voix nationalistes, Artur Mas n’a pas intérêt à lier l’élection au parlement régional à d’autres scrutins. En mai auront lieu des élections municipales, en novembre des élections nationales. S’il veut éviter un télescopage, sa fenêtre de tir est étroite : « janvier ou février 2015 », suggère Benoît Pellistrandi.

Par ailleurs, il n’est pas du tout certain qu’Artur Mas réussira ce coup-là. Il est affaibli par le scandale touchant son prédécesseur, Jordi Pujol. Issu du même parti que lui, ce dernier a dirigé la Catalogne de 1980 à 2003 ; père du nationalisme catalan, il est soupçonné d’avoir touché des dizaines, voire des centaines de millions d’euros de pots de vin.


L’hebdomadaire Directa appelle à la désobéissance

Selon les sondages, en cas d’élections anticipées, ce sont certes des nationalistes qui l’emporteraient, mais plutôt ceux, plus radicaux, de laGauche républicaine de Catalogne. Pour réussir, Artur Mas doit négocier une coalition avec eux, évidemment AVANT de procéder à la dissolution.

De son côté, Mariano Rajoy continuera à faire l’édredon. Mais selon Pellistrandi :

« Cela fonctionne quand les enjeux ne sont pas considérables, pas quand ils le deviennent. Or, les Catalans aujourd’hui demandent quelle est leur place dans l’Espagne, et personne ne leur répond. »

Trois scénarios possibles

Ceux qui pourraient avoir la clé permettant de résoudre cet imbroglio, ce sont les socialistes, estime le chercheur. Ils proposent d’aller vers une Espagne fédérale, ce que refuse jusque-là la droite. Mais jusque là, le PSOE est le grand perdant de toute cette affaire.

Pellistrandi imagine trois scénarios pour l’élection nationale de novembre 2015 :

Le sac de nœuds, on le voit, est bien compact. Au point que si vous avez l’impression d’avoir compris la situation politique catalane, c’est sans doute que je l’ai mal expliquée.

Source : Rue89 

Source: http://www.les-crises.fr/la-catalogne-sur-la-pente-de-la-desobeissance-civile/