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La Chine et la Russie mettent en scène leur lune de miel

Sunday 4 October 2015 at 01:24

Un petit reminder en passant – la conséquence de notre haute diplomatie…

Source : Olivier Bories, pour L’Obs, le 2 septembre 2015.

Pour commémorer les 70 ans de la capitulation japonaise dans la Seconde Guerre mondiale, la Chine organise un gigantesque défilé militaire à Pékin. La présence de Vladimir Poutine est l’occasion pour les deux régimes de vanter l’axe sino-russe.

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping, le 8 mai 2015 au Kremlin. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / POOL / AFP

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping, le 8 mai 2015 au Kremlin. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / POOL / AFP

Ces mercredi 2 et jeudi 3 septembre, les célébrations chinoises des 70 ans de la Victoire du peuple chinois contre l’agression japonaise comptent un invité de marque. Non il ne s’agit pas d’Omar el-Béchir, le président du Soudan, au ban de la communauté internationale et recherché par la Cour Pénale Internationale pour génocide, qui sera pourtant bien présent. Non, symbole de la fierté et de la puissance retrouvées de la Chine, l’immense défilé militaire sur la place Tiananmen va surtout se dérouler sous les yeux de celui que la Chine présente comme son meilleur allié : Vladimir Poutine, le président de la Russie.

Le président Poutine sera sans doute l’invité le plus honorable du peuple chinois lors de ces célébrations. Il sera accueilli avec le plus haut niveau d’hospitalité.”

Cette pompeuse citation du vice-ministre chinois des Affaires étrangères Chen Gopin est ainsi rapportée par le média officiel russe Sputnik News. Depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping en Chine, les deux hommes s’échangent amabilités et gestes de courtoisie. En 2013, pour son premier voyage officiel hors de Chine, c’est en Russie que Xi Jinping s’était rendu. Les rencontres bilatérales se sont ensuite multipliées entre les deux hommes, bien plus qu’avec tous les autres chefs d’Etat. Au point que Vladimir Poutine a qualifié récemment les relations sino-russes comme ayant “probablement atteint leur plus haut niveau dans l’histoire”.

Une relation au beau fixe

Après mars 2014 et l’annexion de la Crimée, la Chine a encore gagné en importance pour la Russie. Isolée sur la scène internationale, frappée de sanctions économiques, Vladimir Poutine a choisi de se tourner vers l’Asie. Les deux pays y voient l’occasion de défendre un monde multipolaire, où l’Occident doit céder son pouvoir aux pays émergents, et en particulier aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Le 9 mai dernier, le dirigeant chinois avait ainsi participé au défilé militaire russe pour commémorer les 70 ans de la capitulation de l’Allemagne. La plupart des dirigeants occidentaux avaient eux décliné l’invitation, ne voulant pas cautionner une démonstration de force russe.

Cette relance de l’axe sino-russe ne consiste pas qu’en de bonnes paroles. Sur le plan économique, de nombreux chantiers ont été lancés. Un contrat gazier géant d’une valeur de 400 milliards de dollars sur trente ans a par exemple été signé en mai 2014. Des investisseurs chinois vont également participer à la construction de ligne de train à grande vitesse entre Moscou et Kazan dans le centre de la Russie. Les échanges commerciaux ont beaucoup progressé ces dernières années, à tel point que la Chine est devenue le deuxième partenaire commercial de la Russie après l’Union Européenne. A l’issue des cérémonies à Pékin, 22 contrats bilatéraux supplémentaires seront signés.

Des réticences chinoises

Pourtant, cette lune de miel entre la Chine et la Russie n’est pas aussi idyllique qu’elle n’y paraît, notamment en raison de son déséquilibre : les Russes ont plus besoin des Chinois que l’inverse. Le contrat gazier, pilier de la stratégie de pivot vers l’Est, est loin d’avoir trouvé une application concrète. La Chine se montre en effet peu pressée d’avancer les dizaines de milliards nécessaires pour mener à bien les travaux. De plus, les dirigeants chinois ne semblent pas intéressés par le projet russe d’un second trajet de gazoduc rejoignant directement la Sibérie occidentale. Le sujet ne sera d’ailleurs probablement pas discuté lors de cette rencontre, admet l’ambassadeur russe en Chine Andreï Denissov.

Enfin, la situation économique des deux pays inquiète. Alors que le yuan chinois a récemment montré sa faiblesse avec des dévaluations successives, l’économie russe se porte mal. Dépendante du prix des hydrocarbures, la Russie s’enfonce dans une profonde récession. Effet secondaire de cette situation, le commerce sino-russe a plongé de 29% sur la première moitié de l’année, selon les calculs de l’agence Bloomberg. Pour la première fois depuis cinq ans, la Russie ne fait ainsi plus partie des 15 premiers partenaires commerciaux de la Chine. Autant de nouvelles qui peuvent gâcher la grande fête de Pékin.

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Intervention de l’ambassadeur de Russie en France 
au colloque «Chine – Russie: quelles stratégies? »

28 août 2015

Monsieur le Premier-ministre, Mesdames et messieurs,

Je trouve profondément symbolique que ce colloque se tienne au “Futuroscope” – ce parc du Futur. Car parler de la Russie et de la Chine, c’est parler,  non seulement du présent, mais aussi de l’avenir – de l’ordre mondial de demain.

Nous comprenons tous que la portée des relations russo-chinoises dépasse largement le cadre bilatéral. Elles constituent un facteur puissant de formation d’un monde multipolaire.

Oui, notre monde est en passe de devenir multipolaire. C’est un processus objectif et irréversible. On peut toujours essayer de le ralentir, mais personne n’est désormais en mesure de l’arrêter.

De fait, dans l’ambition d’assurer leur hégémonie, de maintenir la domination unipolaire, les Etats-Unis suivent le cap de l’endiguement de nouveaux pôles d’influence – avant tout la Russie et la Chine.

A l’égard de la Russie, cette politique d’endiguement prend une forme ouvertement agressive. On inflige à mon pays des sanctions chaque fois nouvelles – et ce, sans plus aucun lien avec la situation en Ukraine. Des bases militaires américaines et de l’otan poussent sur ses frontières tels des champignons, on y construit le bouclier antimissile américain. On lui livre une guerre médiatique, psychologique et économique.

Pour la Chine, cette même politique d’endiguement revêt un caractère latent, voilé. C’était d’ailleurs pareil pour la Russie, jusqu’à ce que la crise en Ukraine ne fasse tomber les masques.

La tactique utilisée est pourtant la même. Pour justifier cette politique d’endiguement, on impose à l’opinion publique toutes sortes de mythes – sur la “menace” russe ou chinoise ou sur “l’antagonisme idéologique” entre l’est et l’ouest.

Mais en réalité, ni ces menaces imaginaires, ni l’antagonisme idéologique, propres à l’époque de la guerre froide, n’existent. Il n’y a que l’ambition américaine de domination universelle. De la géopolitique à l’état pur.

Il faut bien comprendre que, malgré toute la diversité des systèmes politiques ou des valeurs, la multipolarité moderne n’est pas de nature idéologique. Au contraire, elle résulte en grande mesure du fait que le modèle du développement capitaliste né en Europe Occidentale et aux Etats-Unis s’est enraciné dans d’autres régions du monde.

Tout espoir de bloquer l’émergence d’un monde multipolaire est illusoire. Toute tentative d’empêcher ce processus porte un grave préjudice au système de  sécurité universelle et sape le développement économique global.

On a beau s’y accrocher, le modèle unipolaire restera immanquablement dans le passé. Il ne correspond plus au monde moderne, qui est bien trop varié et bien trop complexe. Aucun pays, aucun groupe, aussi puissant soit-il, n’est capable aujourd’hui de résoudre les problèmes universels à lui-seul.

De plus, les Etats-Unis ont échoué dans le rôle de leader universel dont ils se réclamaient. Ils se sont comportés tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ils ont piétiné le droit international – en Yougoslavie, en Irak, en Lybie ou au Yémen. Ils ont poussé le Moyen Orient dans le bourbier du chaos et des guerres civiles, ils ont libéré de sa bouteille l’esprit de l’islamisme radical. Ils ont trahi la confiance de leurs alliés les plus proches, car eux-mêmes ne faisaient confiance à personne, les considérant comme des Etats satellites ou des vassaux, d’où l’espionnage et l’ingérence dans les affaires intérieures, y compris par l’application extraterritoriale des décisions de justice américaine.

Pour beaucoup d’Occidentaux l’émergence d’un nouveau monde multipolaire apparait comme chaotique, mais c’est parce que les vielles méthodes unipolaires de prise de décisions et de règlement des conflits ne fonctionnent plus. Nos partenaires occidentaux n’ont toujours pas appris, ou ne veulent tous simplement pas apprendre à travailler d’une façon nouvelle – par le compromis. Ainsi ils associent la fin de l’ordre unipolaire à la fin de l’ordre tout court, à l’arrivée du chaos universel.

Je tiens à souligner que la Russie, aussi bien que la Chine, j’en suis certain, sont sincèrement intéressés à développer avec les États-Unis, qui étaient et restent une grande puissance mondiale, des relations étroites et mutuellement avantageuses. Pourtant, le vrai partenariat ne serait possible que lorsque Washington et les milieux atlantistes d’Europe abandonneront l’idée de leur exclusivité et leur droit à la domination globale.

Le monde multipolaire – c’est une lourde responsabilité.

Car il peut devenir un monde de confrontation de blocs, de lutte pour les sphères d’influence, d’hostilité.

Mais il peut aussi bien être un monde de coopération et d’intégration. Telle est la philosophie des nouveaux formats universels initiés par la Russie et la Chine. Je parle des BRICS et de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai). L’égalité des membres, la culture du compromis, toute décision comme dénominateur commun des intérêts nationaux de chacun, voici ce qui distingue ces forums du fonctionnement d’alliances économiques ou politico-militaires traditionnels avec leur subordination et leur discipline de bloc.

Les états des BRICS ou de l’OCS se rassemblent non pas “contre” quelqu’un, mais pour un ordre mondial plus juste et plus démocratique, qui serait fondé sur le droit international et le rôle central de l’ONU. Nos pays mettent au centre de leurs préoccupations le principe de sécurité égale et indivisible à tous les niveaux – aussi bien global que régional. Cela signifie que la sécurité des uns ne doit pas être assurée en dépit de celle des autres. Cette vision du monde est aux antipodes de la mentalité des blocs propre à l’OTAN.

En juillet dernier la ville d’Oufa a accueilli les Sommets des BRICS et de l’OCS sous la présidence de la Fédération de Russie. Ces rencontres, qui ont réuni les représentants de plus d’une moitié de la population globale, n’ont pas seulement détrôné le mythe de “l’isolement de la Russie”, n’ont pas seulement confirmé la similitude des approches des pays-membres aux grands problèmes politiques et économiques du monde. Elles ont avant tout démontré, une fois de plus, la viabilité du modèle de prise de décisions collectives qui, j’en suis fermement persuadé, sera la base du monde multipolaire.

Les relations russo-chinoises se présentent aujourd’hui comme “un partenariat tous azimuts et une coopération stratégique”. C’est bien cette définition qui figure dans la déclaration commune des deux chefs d’états adoptée en mai 2014, lors de la visite du Président Poutine à Pékin.

Nous évitons sciemment le terme “allié” ou “alliance” car ils reflètent la logique des blocs, incluent l’idée d’identification “friend-or-foe” – ami/ennemi. Encore une fois: les relations Moscou-Pékin ne sont pas “contre” qui que ce soit. Car ni la Russie, ni la Chine (du moins, pour autant que je sache) ne revendiquent la domination globale. Notre coopération se développe sur une base pragmatique, tenant compte des intérêts des deux peuples et des réalités du monde multipolaire en gestation.

Il faut reconnaître pourtant que les intérêts russes et chinois ne coïncident pas forcement. Nous pouvons avoir une vision différente sur certains problèmes internationaux. Il existe entre nous une concurrence rude en ce qui concerne les marchés régionaux. Les Chinois, il faut le reconnaître franchement, sont des partenaires difficiles et des négociateurs redoutables lorsqu’ils défendent leurs priorités. Mais les principes de base de nos relations – l’égalité et le respect de chacun, permettent toujours de trouver des solutions mutuellement acceptables.

Entre la Russie et la Chine il n’y a pas, et j’espère qu’il n’y aura jamais, de lutte pour les sphères d’influences – comme celui que les Etats-Unis et l’Union Européenne nous ont imposé ces dernières années, notamment sous la forme du “Partenariat oriental”.

C’est l’Union Européenne qui a placé l’Ukraine devant le choix – “être avec nous ou avec la Russie”. Ce choix artificiel qui a fracturé le pays et l’a poussé dans une guerre civile qui dure toujours. Ni la Russie ni la Chine n’ont jamais imposé à leurs voisins ce choix – être “avec” ou “contre” nous.

Au contraire, en dépit de leur concurrence économique (qui est naturelle), nos deux pays voient le continent eurasien comme un espace de coopération prometteuse, capable d’assurer la synergie des ressources humaines et en matières premières, des potentiels économiques, industriels et scientifiques de différents pays.

L’Union économique eurasienne et l’initiative chinoise de la “Ceinture économique de la Route de la Soie” nous paraissent parfaitement complémentaires et ouvrent d’excellentes opportunités pour la Chine comme pour la Russie. En tant qu’espace économique commun, donc – sans frontières douanières, l’Union économique Eurasienne offre de façon objective le meilleur tracé possible pour cette nouvelle “Route de la soie”.

La concurrence russo-chinoise pour les marchés de l’Asie Centrale ne change rien sur la donne principale: nos deux pays ont un intérêt commun – la prospérité de cette région. Le “Grand Jeu” pour l’Asie Centrale, que menaient au XIX-ème siècle la Russie et la Grande Bretagne, n’a pas sa place dans les relations entre Moscou et Pékin. Au contraire, nous cherchons à joindre nos efforts et nos capacités dans la réalisation de grands projets économiques et industriels, et aussi pour contrer la menace de l’islamisme radical qui vient du Sud. Autrement dit – plus nos pays-voisins seront (..) riches et stables, mieux ce sera pour la Russie et pour la Chine.

En même temps, la Russie a des raisons de croire que l’idée de déstabiliser l’Asie Centrale selon le scénario moyen-oriental – c’est-à-dire sur le fond de discours sur les ”transformations démocratiques” et sous les drapeaux de l’islamisme radical, – peut être envisagée aux Etats-Unis comme une des “options” en vue d’affaiblir la Russie et la Chine, de créer sur leurs frontières des foyers permanents de tension, de semer la discorde entre eux. Nous devrons, ensemble, contrecarrer ces tentatives.

Aujourd’hui, l’économie russe traverse une période difficile, due à la baisse du prix du pétrole et aux sanctions occidentales, et l’économie chinoise tourne elle-aussi au ralenti. Apparemment, la tâche de renforcer les liens commerciaux et d’investissements entre nos pays revêt dans ces conditions une importance particulière.

La multipolarité possède des dimensions différentes – politique, économico- financière et culturelle.

La Russie et la Chine attachent une attention particulière à la réforme du système monétaire global. Il nous parait évident que le monopole du dollar constitue désormais une source de risques de plus en plus importants, qui sont de nature non seulement financière, mais aussi politique. L’affaire de “BNP-Paribas” – est un exemple par excellence de où peut mener un tel monopole, qui va de pair avec l’application extraterritoriale de la justice américaine. Cela vaut la peine de rappeler que la France avait proclamé la réforme du système monétaire global comme une des priorités de sa présidence au G-20 en 2011. Pourtant, rien n’a bougé depuis.

Moscou et Pékin comptent élargir progressivement l’utilisation de leurs monnaies nationales dans les échanges commerciaux bilatérales ainsi que dans le commerce régional. A cet égard, les décisions des BRICS sur la création d’un pool de réserves monétaires propres et de la Nouvelle banque de développement, constituent un pas important vers une nouvelle architecture monétaire internationale. Il est important qu’une grande partie des projets de la Nouvelle banque de développement soit financée en monnaies nationales. La Russie a rejoins également La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (Asian Infrastructure Investment Bank) créée sur l’initiative de la Chine.

Ces nouvelles institutions ne représentent pas une alternative au FMI ou à la Banque mondiale, mais un complément nécessaire et attendu aux institutions de Bretton Woods, qui ne répondent plus aux besoins de l’économie mondiale. Nous estimons que le FMI et la BM ont besoin d’être réformés – ils ne doivent plus rester les outils politiques de Washington.

Autre domaine prioritaire de coopération entre la Russie et la Chine qui contribue à un ordre mondial plus juste et plus sûr : les technologies informatiques. Les Etats-Unis abusent de leur monopole dans ce secteur, ce qui engendre des risques pour la sécurité et la souveraineté de nos pays. Ce n’est pas par hasard que la déclaration finale du sommet d’Oufa évoque la nécessité de créer un mécanisme de gestion d’Internet “basé sur un processus transparent, qui ne serait pas soumis à l’effet des décisions unilatérales”.

D’une manière générale, les sanctions occidentales à l’encontre de la Russie – sont un signal lancé à tous les pays, qui devraient réfléchir sur leur indépendance financière, technologique et informatique face aux Etats-Unis qui usent sans scrupules de leur supériorité pour exercer la pression politique et le chantage.

Ces derniers temps, on entend souvent que la Russie s’est détournée de l’Europe pour se tourner vers la Chine.

C’est faux. La Russie ne se détourne de personne, encore moins de l’Europe. De Saint-Pétersbourg à Vladivostok, la Russie était, reste et restera une partie inaliénable et importante de la civilisation et de la culture européennes. On ne peut pas se détourner de soi-même.

En même temps la Russie est une puissance Eurasienne. Il est donc logique et important qu’elle ait de bonnes relations avec ses voisins à l’Est comme à l’Ouest. Regardez nos armoiries – L’aigle bicéphale qui y est représenté regarde bien des deux cotés.

Il faut reconnaître pourtant que le grand potentiel de nos relations avec la Chine est longtemps resté inexploité. Quoique le besoin de se tourner vers l’Asie-Pacifique était évident bien avant la crise actuelle dans nos relations avec l’Occident, jusqu’à ces derniers temps une partie majeure de nos liens économiques, commerciales et en matière d’investissements était orientée vers l’Union Européenne. Apparemment, avions nous trop confiance en nos partenaires européens, et espérions naïvement avancer vers un espace économique et humain communs. Les sanctions se sont révélées être une douche froide, confirmant une fois de plus la vielle sagesse populaire – il ne faut pas mettre tous ses œufs dans un même panier.

La Russie a pris le cap de diversification de ses liens économiques, mais elle ne se détourne néanmoins pas de l’Union Européenne. Au contraire, c’est l’Europe, docile à une volonté étrangère, qui cherche en dépit de ses propres intérêts à se démarquer de la Russie. Ce qui pousse naturellement notre pays à chercher des partenaires et des débouchées dans d’autres régions du monde.

Ceux qui veulent “l’isolement” de la Russie paraissent avoir oublié que nous ne sommes plus au XIX-ème siècle, et que depuis longtemps, la “communauté mondiale” ne se limite plus à l’Europe et à l’Amérique du Nord. La nature a horreur du vide. D’autres pays, dont la Chine, n’attendaient que cela pour élargir leur présence sur le marché russe et prendre la place occupée jadis per nos partenaires occidentaux, au détriment de ces derniers.

En tout cas, la coopération avec la Chine ne contredit pas mais complète nos liens traditionnels avec l’Union Européenne. C’est un complément nécessaire, attendu, et riche en perspectives en matière d’échanges commerciaux et technologiques, d’investissement et de développement des territoires.

La question de savoir si la Russie doit choisir dans ses relations l’axe européen ou asiatique est purement artificielle. La France – doit-elle choisir entre l’Espagne et l’Allemagne?

Autre idée préconçue – se retournant vers la Chine, la Russie est condamnée au rôle auxiliaire de son fournisseur de matières premières.

Jusque là nous avons vécu une expérience de rapprochement avec l’Union Européenne qui effectivement réduisait la Russie au rôle de fournisseur de l’Occident. Apparemment c’était la seule place qu’on nous réservait.

Certes, nous allons utiliser toutes les opportunités qu’offre le marché chinois pour le commerce de matières premières et d’hydrocarbures. Un accord a été signé sur la construction du gazoduc “la Force de la Sibérie” (ainsi est nommé le tracé oriental), et des négociations sont en cour pour le gazoduc “Altaï” (ainsi est nommé le tracé occidental). Il s’agit de dizaines de milliard de mètres cubes de gaze.

Ces projets d’envergures permettent à la Russie de diversifier les débouchées de ses hydrocarbures, ce qui n’est pas sans importance, surtout sur fond d’appels politisés à renoncer à notre gaz, qui résonnent de plus en plus fort en Union Européenne. En limitant la coopération énergétique avec notre pays, l’UE se tire une balle dans le pied et scie la branche sur laquelle elle est assise. Elle réduit ainsi elle-même sa compétitivité.

Néanmoins, – et c’est capital, – la coopération russo-chinoise ne se limite pas au commerce des matières premières. Elle s’étend aussi sur les secteurs et les industries de pointe. La Russie garde et renforce ses positions sur le marché chinois notamment en ce qui concerne la coopération militaire et le commerce d’armes modernes, mais aussi dans le secteur nucléaire, dans l’industrie aérienne (avions et hélicoptères), la pétrochimie, les transports… Autre volet important – la coopération spatiale. Ainsi, nous travaillons sur l’inter-connectivité de nos systèmes de navigation par satellite GLONASS et “Beidou”

Mais le principal – est que notre partenariat avec la Chine s’appuie sur le respect mutuel des intérêts de chacun, tandis que l’Union Européenne cherchait toujours à nous imposer des conditions unilatérales, en dépit des intérêts de la Russie mais “en application du règlement européen”. La troisième directive énergétique en est un exemple par excellence.

Notre colloque porte dans son nom la question “quelles stratégies?”. Et bien, les stratégies, on pourrait en inventer de toutes sortes, mais le critère de leur efficacité restera toujours le même – le réalisme.

Certains préfèrent vivre dans un monde imaginaire – se croire exceptionnels; inventer des mythes sur les “menaces” russes et chinoises; alimenter en armes et en argent l’inexistante “opposition modérée” en Syrie; croire que des tribus moyenâgeuses peuvent en un jour se transformer en démocraties de type occidental; se persuader que les Criméens ont voté leur réunification avec la Russie sous la menace des armes… Mais le monde réel revient toujours et le dégrisement peut être amer. Le carrosse de Cendrillon se change en citrouille, les “opposants modérés” en djihadistes, les “démocrates ukrainiens” en nationalistes agressifs…

Sauf qu’en se battant contre des moulins à vent, on risque de laisser passer les vraies menaces. Je suis persuadé que la stratégie de la communauté internationale doit consister à se mobiliser pour résoudre les vrais problèmes et faire face aux réelles menaces, dont la plus dangereuse est aujourd’hui l’islamisme radical.

Alexandre Orlov

Source: http://www.les-crises.fr/la-chine-et-la-russie-mettent-en-scene-leur-lune-de-miel/