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La Haye condamne la Russie à payer 50 milliards de dollars dans l’affaire Ioukos

Wednesday 30 July 2014 at 17:10

Un bel exemple encore, outre le fond du sujet, permettant de comparer l’information Médias Mainstream et Blogs…

50 Md$, c’est environ 70 % de l’impôt sur le revenu en France

LES ECHOS : La Haye condamne la Russie à payer 50 milliards de dollars dans l’affaire Ioukos

La Russie condamnée pour spoliation des actionnaires de l’ex-pétrolier. C’est le plus gros jugement arbitral de tous les temps.

C’est historique. Rendant le plus gros arbitrage international de tous les temps, le tribunal de La Haye a condamné l’Etat russe à payer 50 milliards de dollars aux actionnaires de l’ex-premier groupe pétrolier russe, Ioukos, démantelé , entre 2004 et 2007 pour des raisons dénoncées à l’époque comme politiques. Après vingt mois de délibérations, la cour a jugé qu’il s’agissait bien d’une expropriation au profit du pétrolier étatique Rosneft, qui avait hérité des actifs.

A l’époque, Vladimir Poutine avait présenté la manœuvre comme l’annulation d’une privatisation. Une de celles restées dans la mémoire collective russe comme une braderie au profit d’oligarques mafieux. Et Rosneft, bien qu’en majorité publique, est devenu par son volume de production le plus gros pétrolier coté au monde.

Mikhail Khodorkovski, le fondateur de Ioukos lors des grandes privatisations russes, ne touchera rien : il avait cédé ses intérêts à son partenaire Leonid Nevzlin. C’est la holding GML, regroupant quatre actionnaires majoritaires (60 %) de Ioukos, qui recevra les 50 milliards. Leonid Nevzlin, qui vit maintenant en Israël, possède 70 % de GML, le solde appartenant à parts égales à Platon Lebedev, Mikhail Brudno, Vladimir Dubov et Vasily Shakhnovsky.

Remporter cette victoire

Le cabinet d’avocats Shearman, qui a remporté cette victoire après dix ans de procédure (et touchera 75 millions de dollars d’honoraires) avait demandé 114 milliards… Néanmoins, « c’est une bonne valorisation, estime Emmanuel Gaillard, patron mondial de l’arbitrage chez Shearman et fer de lance du dossier. Le montant accordé est fondé sur la valeur de marché la plus récente des sociétés comparables, à commencer par Rosneft », valorisé 65 milliards de dollars, hier, à la Bourse de Londres.

Emmanuel Gaillard ne doute pas que la Russie paiera. Soit l’Etat russe se soumet à la sentence (ce qu’il n’a pas fait dans le passé pour d’autres condamnations), soit ses actifs à l’étranger seront saisis. « Il existe deux types d’actifs possibles, explique-t-il. Les actifs de l’Etat russe non couverts par l’immunité souveraine, c’est-à-dire ceux à but commercial, ou les actifs appartenant à des émanations de la Russie », en particulier des entreprises étatiques comme Gazprom et Rosneft, qui détiennent des actifs en direct mais aussi des participations dans des sociétés.

La décision de la cour arbitrale est directement exécutoire au niveau des pays mais des recours contre les saisies sont à prévoir (si la Russie refuse de payer). Auquel cas, comme il n’existe pas de droit international pour les actifs émanant d’un Etat, l’affaire Ioukos sera l’occasion d’affiner les jurisprudences nationales… ce qui servira aux futurs litiges, maintenant que le tabou sur la mise en cause des grandes nations est tombé.

Une autre échéance

Les 50 milliards de dollars devront être payés d’ici mi-janvier 2015, date à partir de laquelle des intérêts de retard courront, et il existe peu de possibilités d’appel à la sentence, hormis auprès des tribunaux hollandais sur des fondements techniques. N’importe : la Russie, qui était représentée à la Haye par le cabinet américain Cleary Gottlieb Steen & Hamilton, tempête. Moscou « va contester les décisions de la Cour d’arbitrage devant les tribunaux des Pays-Bas et espère y obtenir un résultat équitable », selon un communiqué du ministère russe des Finances. Il estime par ailleurs que le tribunal arbitral n’était « pas compétent pour étudier la question qui lui a été soumise ».

Moscou a aussi une autre échéance : la Cour européenne des droits de l’homme s’apprête à juger la demande de 38 milliards de dollars de dédommagement déposée par l’ancien management de Ioukos contre la Russie au profit de l’ensemble des actionnaires…

Source : Les Echos

LIBERATION / AFP : La Russie devra verser de 50 milliards de dollars aux ex-actionnaires de Ioukos, la holding de l’opposant Mikhaïl Khodorkovski.

La Russie a été condamnée par la cour d’arbitrage de La Haye à payer une indemnité record de 50 milliards de dollars aux ex-actionnaires majoritaires de la compagnie pétrolière Ioukos, démantelée par Moscou il y a dix ans dans le cadre d’un procès controversé visant l’oligarque et opposant politique Mikhaïl Khodorkovski.

«Le tribunal a de façon unanime et spécifique confirmé que l’offensive de la fédération de Russie contre Ioukos, ses fondateurs, dont Mikhaïl Khodorkovski, et ses employés, était motivée par des raisons politiques», s’est réjoui Tim Osborne, directeur de GML, l’ancien actionnaire majoritaire.

La Russie a annoncé dans la foulée qu’elle ferait appel, tout en estimant que le tribunal arbitral «n’est pas compétent» pour rendre une telle décision. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a prévenu que Moscou utiliserait «toutes les options juridiques disponibles» pour défendre sa position.

Cette décision sans précédent intervient dans une période déjà tendue pour le pouvoir en Russie, qui fait l’objet de sanctions croissantes des Occidentaux pour son implication dans la crise en Ukraine. Bien que le Kremlin ait adopté ces derniers mois une attitude de défi dans l’affaire ukrainienne, des experts ont souligné qu’il serait difficile pour la Russie d’ignorer cette décision judiciaire sans appel. «Elle sera appliquée, que ce soit avec ou sans l’accord de la Russie. Ses avoirs à l’étranger peuvent être saisis», a averti le juriste Konstantin Loukoïanov, cité par l’agence de presse russe Itar-Tass.

«MAFIA LIÉE À L’ETAT»

Il s’agit donc d’une victoire pour les représentants de GML, dont deux filiales avaient porté plainte contre Moscou aux côtés d’un fonds de pension des ex-salariés de la compagnie pétrolière. Ils estimaient avoir été floués par le dépeçage de Ioukos, l’ex-numéro un du pétrole en Russie accusé par Moscou de fraude fiscale et escroquerie à grande échelle il y a une dizaine d’années.

Ioukos avait été placé en liquidation judiciaire en août 2006, à l’issue d’un procès retentissant largement considéré comme inspiré par le Kremlin pour contrecarrer les ambitions politiques affichées par son patron Mikhaïl Khodorkovski. Le principal objectif de Moscou dans cette procédure «n’était pas de récupérer des impôts mais de précipiter la banqueroute de Ioukos au profit de l’Etat», a souligné Tim Osborne, ravi que la cour d’arbitrage permanente de La Haye ait donné raison à GML.

Cette holding basée à Gibraltar appartenait à Mikhaïl Khodorkovski, oligarque milliardaire jeté en prison à l’époque avant d’être gracié à la surprise générale en décembre dernier par le président russe Vladimir Poutine, après une décennie passée derrière les barreaux.

Khodorkovski a salué lundi la décision de la cour de la Haye, «premier tribunal indépendant à s’être penché de façon pleine et entière sur le cas Ioukos»«Du début à la fin, l’affaire Ioukos a constitué un cas exemplaire du pillage sans réserve d’une entreprise brillante par une mafia liée à l’Etat», a-t-il ajouté sur son site internet. L’oligarque a toutefois cédé ses actifs dans GML dès 2005 à son ex-partenaire d’affaires et homme de confiance Leonid Nevzline et a réaffirmé lundi qu’il ne tirerait aucun profit financier du verdict.

L’avocat des actionnaires majoritaires de Ioukos, Emmanuel Gaillard, a salué une décision «historique et unanime» de la cour d’arbitrage de La Haye après «dix ans de bataille»: l’indemnité fixée représente 20 fois le montant le plus élevé jamais exigé par cette instance.

AFP

Une source difficile à trouver : Mikhaïl Khodorkovski sur Wikipédia !

Acquisition du groupe Ioukos

Sa première expérience dans la vie économique est la création, dans le cadre du Komsomol, d’un Centre d’innovation technique, pratiquant essentiellement des activités de conseil aux entreprises d’État, ainsi que du commerce de matériel technique (ordinateurs) occidental. Selon certaines sources, il aurait également créé un café coopératif vers 1985, en pleine perestroïka. Il aurait profité de ces structures pour faire de l’importation et de la revente de faux cognac et d’autres produits occidentaux. Ce trafic lui aurait permis d’amasser assez d’argent pour fonder, en 1988, Menatep, la banque qui deviendra par la suite le holding de son groupe.

Sympa le gars…

En 1995, lors de la privatisation des entreprises russes par distribution de parts aux habitants puis ventes aux enchères, Khodorkovski rachète le groupe Ioukos (en russe : Юкос) pour 360 millions de dollars lors d’une vente critiquée : les deux seuls acheteurs autorisés par le pouvoir de Boris Eltsine à participer aux enchères étaient des compagnies détenues à 51 % par la Menatep. En 2004, la valeur de Ioukos est estimée à 27 milliards de dollars, soit une multiplication par 75 par rapport au prix d’achat lors de cette vente controversée.

Ah, une bonne privatisation conforme aux “valeurs européennes”

Influence politique

Dans les années 1990, Mikhaïl Khodorkovski fait partie d’un groupe de sept oligarques, appelé Semibankirchtchina, qui aide et finance la réélection de Boris Eltsine en 1996.

Il finance le Président qui lui a fait faire fortune donc ? Ah comme on regrette le bon vieux temps d’Eltsine…

Affaire Ioukos

Investissements américains dans Ioukos

Au début des années 2000, Khodorkowski se rapproche des Etats-Unis. Il siège au conseil d’investissement du groupe Carlyle, groupe d’investissement américain dans lequel siègent entre autres la famille Bush, la famille Ben Laden et George Soros.

A la même époque, le groupe Ioukos noue des alliances avec le groupe américain Exxon Mobil.

En 2003, Exxon Mobil et Chevron Texaco étaient supposés racheter la majorité des parts de Ioukos. Cette vente de parts de Ioukos à hauteur de 20 milliards de dollars aurait mis l’une des plus importantes compagnies de ressources naturelles russe sous contrôle d’investissements américains.

Accusations de malversations financières

Durant l’été 2003, l’entreprise Ioukos est soupçonnée de malversations financières. Le numéro 2 de l’entreprise pétrolière, Platon Lebedev (en), est arrêté par la justice le 2 juillet 2003. Suite à cette arrestation, Khodorkovski est entendu comme témoin. Trois mois plus tard, le 25 octobre 2003, il est arrêté à l’aéroport de Novossibirsk, en Sibérie.

L’avocate de Platon Lebedev, associé de Khodorkovski, déclare qu’il est une victime politique pour s’être opposé au président Vladimir Poutine.

En particulier, le chef de la sécurité de la banque Menatep puis de Ioukos, Alexeï Pitchouguine, est condamné en 2005 à 20 ans de réclusion pour le meurtre de Sergueï Gorine, un dirigeant de la banque Menatep, et de sa femme Olga. En 2007, cette sentence est commuée en peine de prison à vie après qu’il eut été reconnu coupable de trois autres meurtres :

Vladimir Poutine a estimé que le chef de la sécurité de Khodorkovski n’avait sûrement pas agi de sa propre initiative, concluant que ce dernier avait « du sang sur les mains » et avait « tué des gens pour protéger les intérêts économiques de sa compagnie ». Dans les faits, il n’est jugé coupable que de délits financiers (blanchiment, évasion fiscale notamment) et condamné à quatorze années de prison. Les avocats de Khodorkovski ont critiqué l’ingérence et les pressions du président dans le procès.

Le 1er novembre, les agences de presse Reuters et AFP annoncent que le tribunal de Moscou venait de prolonger de trois mois l’enfermement de Khodorkovski, ce qui repoussait sa détention jusqu’au 14 février. Jugé au printemps 2005, il est condamné le 31 mai 2005 à 9 ans de prison. Il fait appel, et le tribunal de la ville de Moscou le 22 septembre de la même année, ramène sa peine à 8 ans fermes.

En décembre 2010, Khodorkovski est condamné à 6 ans de prison supplémentaires pour « vol de pétrole » et « blanchiment d’argent », puis à 5 ans en appel. Début août 2013, sa peine de onze ans de prison a été réduite de deux mois par la Cour suprême russe ; Khodorkovski dénonce alors à nouveau un procès honteux, selon lui motivé politiquement.

Source : Wikipedia

Donc on rappelle ses propos dans la dépêche AFP qui sert de sous titre : Du début à la fin, l’affaire Ioukos a constitué un cas exemplaire du pillage sans réserve d’une entreprise brillante par une mafia liée à l’Etat» .

Tout va bien, le peuple russe va apprécier…

Le verdict Yukos, ou l’inversion de la loi : l’“esprit de TAFTA”, par Philippe Grasset

Je m’étonnais de n’avoir lu nulle part ce lien évident avec TAFTA…

a Cour Internationale d’Arbitrage de La Haye a statué sur les plaintes (en 2004) d’actionnaires de l’ancienne société pétrolière russe Yukos et ordonné à la Russie de payer autour de $50 milliards. L’un des actionnaires principaux parmi les trois sociétés plaignantes est l’oligarque russe Khodorkovski, emprisonné pour fraudes diverses après le démantèlement (équivalent à une nationalisation) de Yukos en 2004 et récemment gracié par le pouvoir russe (voir le 24 décembre 2013). Depuis, le cas général a été l’objet de diverses procédures et batailles légales, au cours desquelles la position russe a été en général favorisée, – y compris pour le cas personnel de Khodorkovski, effectivement considéré par la Cour Européenne de Strasbourg comme un délinquant majeur et non pas comme une victime d’un pouvoir politique soi-disant oppressif comme lui-même a argué après sa libération, avec l’appui de tout l’appareil de communication-Système du bloc BAO. L’affaire fleure donc la politique et si la décision tombe aujourd’hui (hier), en pleine crise ukrainienne et peu après l’affaire du vol MH17, on sera pardonné de n’y pas voir qu’un coïncidence ; par contre, il est recommandé d’y voir un cas remarquable par sa pureté absolue de l’inversion totale de la notion de justice.

Dans tous les cas, la Russie est condamnée au nom de l’article 26 de la “Charte énergétique” européenne, dans le cadre du traité de la CNUDCI que la Russie des années Eltsine a signé, mais a eu le réflexe salvateur de ne pas ratifier. Elle n’est donc pas légalement tenue d’appliquer les décisions prises dans ce cadre. Sur son siteRussiaPolitic, la juriste française résidant en Russie Karine Bechet-Golovko commente cette affaire le 28 juillet 2014. Elle reproche à la Russie d’avoir participé à ce procès, fait selon les normes anglosaxonnes, totalement manipulé dans ce sens, avec cabinets d’avocats anglosaxons, en langue anglaise, selon les habituelles procédures labyrinthiques US, etc., – c’est-à-dire, d’avoir complètement “joué le jeu” de ses adversaires anglosaxons sans avoir aucun moyen de le faire, sans détenir aucun atout à cet égard. On reconnaît là une critique qui s’adresse à l’obsession légaliste de la Russie poutinienne, et à sa tendance (peut-être en cours de révision avec la crise ukrainienne) à vouloir s’intégrer dans le système occidental du bloc BAO, tout en maintenant avec une grande force la souveraineté russe. Les deux, constate Bechet-Golovko, ne sont tout simplement pas compatibles : qui veut jouer le jeu anglosaxon, c’est-à-dire américaniste, c’est-à-dire le jeu du Système, celui-là laisse les principes au vestiaire, et notamment celui de la souveraineté.

«Sans entrer dans le fond de l’affaire, quelles leçons peuvent-être tirées ? Tout d’abord, si la Russie veut jouer selon les règles anglo-saxonnes, elle doit former ses propres juristes à cela. Quand une affaire est technique, il est possible de la “sous-traiter”. Ici et maintenant c’est du suicide. La preuve en est faite.

»Il est peut-être temps pour la Russie de sortir de sa traditionnelle position défensive pour être plus offensive. Pour cela aussi, elle a besoin d’avoir ses spécialistes à l’intérieur du pays. Mais elle doit surtout faire un choix. Car elle ne peut pas laisser jouer “les grands occidentaux” sur son dos, sans maîtriser ni le processus, ni les règles. C’est un renoncement de souveraineté et cela contrevient totalement à sa politique et à son discours souverainiste. Les effets s’annulent donc les uns les autres et entraînent une certaine confusion, notamment à l’intérieur.

»Les réactions peuvent être de contester en justice, mais en attaquant réellement cette fois-ci. Ou alors le moment est peut-être venu de sortir de certains organismes internationaux dont les processus sont de plus en plus politisés. Rappelons que les Etats Unis sont particulièrement réticents à reconnaître la juridiction internationale.»

Une autre intervention est intéressante à lire, qui est celle d’un gestionnaire de fonds énergétiques résidant à Moscou, Eric Kraus. Interviewé par Russia Today le 28 juillet 2014, il prend l’affaire du point de vue technique mais selon un arrière-plan politique marqué, et aussi développe le contexte politique et les conséquences politiques de cette affaire. Selon Kraus, la Russie ne payera pas, et aucun mécanisme juridique n’existe qui puisse l’y obliger. Mais au-delà, Kraus voit dans ce jugement, d’abord un acte d’agression indirect mais puissant du bloc BAO, spécifiquement les USA, contre la Russie, et d’autre part un point de rupture supplémentaire, et peut-être majeur, entre la Russie et le susdit bloc BAO.

Russia Today : «The International Arbitration Court in the Netherlands has ended a decade long case against Russia brought by shareholders in the defunct Yukos oil company. Why after so many years [did it crop up] today?»

Eric Kraus : «I think the timing is extremely suspicious. The entire judgment is rotten. Mr. Khodorkovsky was found guilty not only in Russian courts, but that guilty sentence for tax evasion and fraud was upheld by the European Court of Human Rights. It is an outrage that anyone should imagine that Russia is going to pay 50 billion dollars to these criminals.»

Russia Today : «How will the situation develop? Will Russia pay this sum?»

Eric Kraus : «How it is going to develop? Basically this is a judgment which is going to have no real consequences. The Russian state will never pay. The Russian Duma never ratified the treaty under which this judgment has been made. It is not a legally binding judgment. To get settlement from the Russian state is impossible. I would invite you to look at the attempts that have been made to enforce judgments against Argentina, which have failed.

»But this judgment is significant as it marks a true divorce between Russia and the West. I personally have been working for 17 years to build economic relations between Russia and the West and we have failed. Russia must now turn away from Western powers and look to the rising world, to the rising countries of the East.»

Russia Today : «Is there somebody behind such a sudden arbitration decision? Or the International Arbitration Court in the Netherlands has just finally examined the case to pronounce judgment?

Eric Kraus : «Personally I would put the responsibility with Washington, not with Europe. Europe is the tail, Washington is the dog. Europe has not been able to articulate a reasonable foreign policy response, and there are people in Washington who make very good careers out of creating trouble with Russia, out of portraying Russia as the enemy. Russia is not the enemy, but Russia is an independent state with its own needs, its own foreign policy and this obviously does not please Washington.»

Russia Today : «Is it a fair decision meaning how much fraud was conducted by the ex-Yukos and Menotep officials?

Eric Kraus : «It strikes me as a very political decision. The West manages to create this illusion of fair play, of rule of law, of fairness in the judicial process, and this is a bad joke. Russia will appeal it but even if they lose an appeal, there is essentially no way to enforce the judgment unless the Russian state decides to pay it, and I do not see the Russian state paying money to a group of murderers and fraudsters. The people who ran Menotep were the worst old-type oligarchs, and Russia is simply not going to pay. There is no mechanism that I am aware of for enforcing payment.»

Cette affaire Yukos-Russie apparaît comme archétypique, comme exemplaire des conditions nouvelles, post-postmodernes de l’affrontement en cours. Le Système (les USA) y tient une place essentielle, en utilisant tous les artifices des structures financières et juridiques étendues au niveau international d’une part, en utilisant ses alliés, les élites-Systèmes internationales corrompues, et, nouvel allié qui prend une place privilégiée avec tout ce qui gravite autour du centre de fusion ukrainien, le crime organisé du monde ex-communiste, les oligarques profiteurs de l’effondrement de l’URSS devenus internationalistes, etc. De ce point de vue, l’affaire Yukos est un acte de guerre, d’une guerre menée contre tout ce qui est structurant, contre les principes organisant cette structuration, dont le principe de la souveraineté d’abord. Il y est bien sûr question de la souveraineté des nations, de la légitimité des gouvernements, attaquées par la poussée de surpuissance-autodestruction du Système, ce qui nous ramène à l’affrontement Système versus antiSystème. Encore une fois, il est impératif, pour bien situer l’enjeu et les modalités de son opérationnalité, d’établir un lien serré entre ces divers événements, éléments d’une même crise, et, pour le cas qui nous intéresse ici, entre la crise ukrainienne et cette affaire du jugement sur le cas Yukos. Nous voulons dire par là que l’affrontement n’est pas d’essence géopolitique, même s’il emploie ici (en Ukraine) l’outil de la géopolitique, – mais aussi, on le voit bien, l’outil de la communication. Derrière les outils, c’est la lutte suprême du Système contre l’antiSystème, une lutte à mort qui se fait sans nécessité de savoir ce qui pourrait en résulter, y compris en cas de “victoire” de l’antiSystème, puisque tout tourne autour d’une seule question, d’un seul enjeu dont tout dépend et à partir duquel, si c’est l’issue de l’affrontement, tout sera différent, – dito, la destruction du Système et rien de moins.

D’autre part, on a pu voir à l’œuvre, avec ce jugement, un avant-goût extrêmement prononcé de l’“esprit TAFTA”, ou de ce que deviendrait la situation des pays européens en cas de réalisation du monstrueux accord de libre-échange transatlantique TAFTA (TTIP en anglais). L’essentiel de cet accord ne porte pas sur le libre échange, sur le commerce, etc., mais sur la destruction assurée des principes de souveraineté et de légitimité, avec la réduction totale des gouvernements pour l’administration et le contrôle des pays qu’ils sont censés conduire, puisque ces gouvernements seraient à la merci de l’attaque permanente des grands groupes industriels transnationaux, souvent avec des organismes de “justice” absolument acquis à leur cause. Là aussi, le raccourci est saisissant, à partir de la crise ukrainienne, de la poussée hystérique de russophobie, et du lien véritable qu’il faut établir avec l’accord TAFTA/TTIP en cours de négociation. C’est dire également, avec ce dernier cas, combien le désordre est grand, puisqu’on voit qu’au jugement fondé de Kraus sur l’affaire Yukos («a true divorce between Russia and the West») se substitue une perspective plus complexe, également fondée, où l’“Ouest” lui-même se trouve agressé par ses propres productions-Système, – justifiant l’énoncé surpuissance-autodestruction de sa dynamique. (On peut même ajouter, pour renforcer encore la complexité, que TAFTA/TTIP est considéré avec une extrême méfiance, sinon avec hostilité par une grande partie du public US, et une partie importante de la représentation législative, notamment les démocrates du Sénat, et particulièrement le leader de cette majorité démocrate, Harry Reid. TAFTA/TTIP est bel et bien une production du Système.)

Source ; Dedefensa (pensez à soutenir ce site aussi, il a besoin de quelques euros d’ici demain)

Affaire Yukos: la Russie vient de s’offrir une leçon à 50 milliards de dollars, par Karine Bechet-Golovko

Il est des leçons qui coûtent cher, mais il peut être encore plus risqué de ne pas en tirer toutes les conséquences, aussi désagréables soient-elles. La Russie vient d’être condamnée en arbitrage international à payer plus de 50 milliards de dollar de compensation à trois actionnaires offshore de Yukos en violation des dispositions de la Charte européenne de l’énergie du 17 décembre 1994 dans le cadre de la CNUDCI, la Commission de l’ONU pour la mondialisation de la réglementation commerciale, qui s’est également trouvée dotée d’un mécanisme d’arbitrage international. Or, la Russie n’a pas ratifié cette Charte. Plusieurs questions se posent donc. Pourquoi la Russie a nommé un arbitre auprès d’un tribunal arbitral dont elle ne reconnaît pas la compétence? Pourquoi un tribunal arbitral peut être compétent dans une affaire quand l’Etat visé ne reconnait pas sa compétence? Pourquoi la Russie recours-elle à des cabinets d’avocats américains ? Quelles sont les conséquences? Peut-on réellement dire que la décision est politique?

Le 2 novembre 2004, trois compagnies offshores situées à Chypres, Hulley, YUL et UPL, qui sont trois actionnaires de la OAO Yukos Oil Company, s’adressent au Président russe pour contester ce qu’ils considèrent être l’expropriation illégale de Yukos faite par l’Etat russe au profit de compagnies étatiques. La procédure amiable échoue et ces trois actionnaires s’adressent à l’arbitrage institué auprès de la CNUDCI.
En effet, cette procédure a la particularité, par rapport aux autres procédures d’arbitrage, de prévoir la possibilité, grâce à l’article 26 de laCharte énergétique, de permettre aux investisseurs – ici aux actionnaires – de défendre leurs intérêts en arbitrage, sans que l’Etat ne donne son consentement inconditionnel. C’est un pas phénoménal dans la lutte contre la justice étatique, ressentie comme un mécanisme de soumission du business à la souveraineté des Etats. Par ce renversement des valeurs, l’on met des compagnies internationales au-dessus des lois nationales, quasiment au même niveau que les Etats.
Or, si la Russie des années 90 a eu la faiblesse de signer cette Charte, elle a eu le réflexe de ne pas la ratifier. Cette Charte, quelle que soit son appellation, est un simple traité international. Il ne peut donc être opposable qu’après ratification, dans le cas contraire il ne peut produire aucun effet juridique envers l’Etat qui ne l’a pas ratifié.
Donc comment apprécier la compétence de la juridiction? Et en effet, la Russie a contesté pendant 4 ans cette question. Le 15 octobre 2005, elle rejette la compétence du tribunal arbitral, qui finira quand même par se reconnaître compétent lui-même en 2009. En effet, les investisseurs peuvent le saisir sans le consentement de l’Etat visé. C’est plus simple.
Etant dans une impasse, comprenant qu’elle peut de toute manière se faire condamner sans même avoir un arbitre pour la défendre, elle en nomme un, un américain. Donc concernant le droit russe, pour une affaire qui touche une société russe, qui se trouve en Russie, les règles de la Charte énergétique non ratifiée par la Russie seront appliquées contre elle par des “arbitres” dont aucun n’est russe.
Pour achever le tableau, la Russie recourt aux services de deux cabinets américains, Cleary Gottlieb Steen and Hamilton et Baker Botts LLP. La langue “choisie” est exclusivement l’anglais et le règlement se fait à La Haye.
Donc, la Russie accepte de jouer le jeu de cet arbitrage qu’elle ne reconnaît pas, selon des règles qu’elle ne maîtrise pas et sans reconnaissance de sa langue nationale comme langue de procédure.
Toutefois, si la Russie estime qu’une telle procédure est apte à être équitable, à respecter les intérêts légitimes de la Russie, pourquoi ne recourt-elle pas aux services de cabinets juridiques russes? Peut-on réellement penser qu’un grand cabinet d’avocats américains va réellement se battre pour la Russie dans une affaire aussi politique au risque de perdre en image? C’est absurde et naïf. Pourquoi aussi avoir choisi un arbitre américain? En définitive, l’affaire se joue “entre soi”, dans une logique exclusivement anglo-saxonne, à laquelle la Russie s’est alors pliée, soit par naïveté, soit par incompétence.
Ensuite, le déroulé du procès est intéressant. La personnalité des témoins-experts. D’un côté, l’on appelle, notamment, des personnalités à caractère politique en tant que témoins ou experts. Par exemple, Leonid Nevzlin, le numéro deux de Yukos qui est parti en Israel ou Andreï Illarionov, l’ex-conseiller du Gouvernement et l’un des symboles de l’opposition anti-Poutine. De véritables experts, en effet, d’une objectivité incontestable.
Face à cela, la position russe cherchant des experts juristes n’émettant qu’un avis “défensif” totalement décalé du contexte politique.
Résultat, la Russie est très lourdement condamnée. La somme est historique. L’agence Reuters affirme même que cela tombe dans une période de grande stabilité financière de la Russie et qu’il est possible qu’elle prenne fin. Surtout si l’on pense que dans quelques jours la CEDH va rendre une décision qui pèse également plusieurs milliards. La décision tant attendue apparaît juste après le crash du Boeing et dans le contexte de tension internationale que nous connaissons. Ce peut être le moyen de faire plier la Russie, si elle ne veut pas détruire son économie et renoncer à sa politique.
De plus, elle a 10 jours à compter du prononcé de la décision pour faire appel. Et comme le tribunal arbitral se trouve à La Haye, l’appel se ferait devant les juridictions nationales hollandaises. Après le crash, peut-on garantir une réelle impartialité?
Sans entrer dans le fond de l’affaire, quelles leçons peuvent-être tirées.
Tout d’abord, si la Russie veut jouer selon les règles anglo-saxonnes, elle doit former ses propres juristes à cela. Quand une affaire est technique, il est possible de la “sous-traiter”. Ici et maintenant c’est du suicide. La preuve en est faite.
Il est peut-être temps pour la Russie de sortir de sa traditionnelle position défensive pour être plus offensive. Pour cela aussi, elle a besoin d’avoir ses spécialistes à l’intérieur du pays. Mais elle doit surtout faire un choix. Car elle ne peut pas laisser jouer “les grands occidentaux” sur son dos, sans maîtriser ni le processus, ni les règles. C’est un renoncement de souveraineté et cela contrevient totalement à sa politique et à son discours souverainiste. Les effets s’annulent donc les uns les autres et entraînent une certaine confusion, notamment à l’intérieur.
Les réactions peuvent être de contester en justice, mais en attaquant réellement cette fois-ci. Ou alors le moment est peut-être venu de sortir de certains organismes internationaux dont les processus sont de plus en plus politisés. Rappelons que les Etats Unis sont particulièrement réticents à reconnaître la juridiction internationale.

Source : Russie Politics

Pourquoi la Russie doit-elle payer 50 milliards de $ de dommages-intérêts ?, par Kiergaard

e me propose dans cet article d’offrir une présentation un peu plus juridique que ce qu’on pourra en lire de la sentence rendue publique aujourd’hui par la Cour Permanente d’Arbitrage de la Haye.

 

Les trois juges qui ont rendu les sentences. De gauche à droite : M. le juge Stephen M. Schwebel (États-Unis), L'Honorable L. Yves Fortier (Canada),  Dr Charles Poncet (Suisse)

Les trois juges qui ont rendu les sentences. De gauche à droite : M. le juge Stephen M. Schwebel (États-Unis), L’Honorable L. Yves Fortier (Canada), Dr Charles Poncet (Suisse)

Voici une version PDF de l’article : Russie – Cour Permanente d’Arbitrage – 50 milliards de $.pdf

Communiqué de la Cour Internationale d’Arbitrage : 

Le 18 juillet 2014, les Tribunaux arbitraux constitués en vertu du Traité sur la Charte de l’Énergie ont rendu leurs sentences finales dans trois affaires impliquant des anciens actionnaires de OAO Yukos Oil Company (« Yukos ») et la Fédération de Russie.

Les arbitrages ont été introduits en 2005 par les anciens actionnaires de Hulley Enterprises Limited (Chypre), Yukos Universal Limited (île de Man) et Veteran Petroleum Limited (Chypre) («demanderesses »).

Les parties se sont accordées pour que les affaires soient entendues ensemble devant des Tribunaux arbitraux identiques. Les Tribunaux arbitraux étaient composés de L’Honorable L. Yves Fortier PC CC OQ QC du Canada (président), Dr Charles Poncet de Suisse et M. le juge Stephen M. Schwebel des États-Unis d’Amérique.

Dans les sentences finales, les Tribunaux arbitraux ont décidé à l’unanimité que la Fédération de Russie avait adopté des mesures ayant un effet équivalent à une expropriation des investissements des demanderesses dans Yukos et, par conséquent, violé l’article 13(1) du Traité sur la Charte de l’Énergie. En conséquence, le Tribunal arbitral a ordonné à la Fédération de Russie de verser aux demanderesses des dommages-intérêts à titre d’indemnisation.

Parallèlement, les Tribunaux arbitraux ont constaté certaines fautes secondaires de la part des demanderesses, ce qui a conduit les Tribunaux à réduire le montant des dommages-intérêts accordés.

Sentences du Tribunal d’Arbitrage

Sentence concernant Ioukos

Sentence concernant Hulley Enterprises Limited

Sentence concernant Veterand Petroleum Limited
N.B : Les analyses qui suivent ne peuvent pas reprendre l’intégralité du processus et du raisonnement du juge, les trois sentences font 1800 pages au total (3 fois la même de 600 pages). Cependant, j’essayerai d’être précis.

  • Un point central de procédure : Pourquoi la Russie est-elle condamné pour un traité qu’elle n’a pas ratifié ? 

C’est un fait, la Russie a signé le Traité sur la Charte de l’Énergie (texte - informations synthétiques sur l’accord) en 1994 (contrairement aux États-Unis et au Canada, l’une des raisons pour laquelle ce sont un juge américain et canadien je pense) mais ne l’a jamais ratifié. Cela a d’ailleurs parfois été une pomme de discorde entre l’UE et la Russie, pomme de discorde jugée superficielle dans un rapport d’information sénatorial de 2006 d’ailleurs.

Pourquoi donc est-elle concernée par cette décision ?

L’interprétation des dispositions de l’article 45 a constitué le point central lors de l’examen de la recevabilité de la requête (page 88 à 145), le premier examiné par le Tribunal. En vertu de l’article 45.1 du Traité (Application provisoire) : « Les signataires conviennent d’appliquer le présent traité à titre provisoire, en attendant son entrée en vigueur pour ces signataires conformément à l’art. 44, dans la mesure où cette application provisoire n’est pas incompatible avec leur Constitution ou leurs lois et règlements ». Le point 2. de l’article prévoit un second cas Le point 3. a), b) et c) de cet article dispose également que : «a) Tout signataire peut mettre un terme à son application provisoire du présent traité en notifiant par écrit au dépositaire son intention de ne pas devenir partie contractante au présent traité. La fin de l’application provisoire prend effet, pour tout signataire, à l’expiration d’un délai de 60 jours à compter du jour où le dépositaire reçoit la notification écrite du signataire. – b) Lorsqu’un signataire met fin à son application provisoire en vertu du point a), l’obligation qu’il a, en vertu du par. 1, d’appliquer les parties III et V à tout investissement réalisé dans sa zone au cours de l’application provisoire par des investisseurs des autres signataires reste néanmoins valable, en ce qui concerne ces investissements, pendant vingt ans à compter de la date effective de fin d’application, sauf disposition contraire du point c). - c)  Le point b) ne s’applique pas aux signataires énumérés à l’annexe PA. Tout signataire est retiré de la liste figurant à cette annexe dès qu’il a adressé une demande à cet effet au dépositaire ». 

La Russie n’a pas eu le nez creux lors de la signature de l’accord et n’a pas suivi le même régime juridique que l’Allemagne, la République-Tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Lituanie qui ont refusé de se voir appliquer l’article 45, point 3, b). Concernant la Russie, cela signifie que les parties III (Promotion et Protection des Investissements), IV (Dispositions Diverses) et V (Règlements des Différends). Concernant la Partie V, c’est l’article 26 qui règle la question des différends entre investisseurs et états.

Concernant l’interprétation de l’article 45, le Tribunal écarte le moyen, invoqué par les requérants,  tiré du lien automatique entre la déclaration exigée à l’article 45.2 et la protection potentiellement offerte à l’État à l’article 45.1. Il écarte ensuite l’argument tiré de la nécessité d’une déclaration formelle pour que l’état estime que l’application provisoire de certaines dispositions est incompatible avec sa Constitution, ses lois ou ses réglements. Tout le débat s’est donc focalisé sur l’interprétation de la portion de phrase suivante : “Les signataires conviennent d’appliquer le présent traité à titre provisoire, en attendant son entrée en vigueur pour ces signataires conformément à l’art. 44, dans la mesure où cette application provisoire n’est pas incompatible avec leur Constitution ou leurs lois et règlements“. Le Tribunal a estimé que cette phrase devait se lire, non pas comme s’il fallait interpréter chaque article du traité pour voir si l’application provisoire de telle ou telle disposition était compatibles avec les règles nationales, mais comme si le principe de l’application provisoire de l’ensemble du Traité était compatible avec les règles nationales. Cette approche “tout ou rien” est défavorable aux états. Cette interprétation étant posée, la Russie s’est retrouvé relativement démunie pour contester que l’application de l’ensemble du traité pouvait être en soi contraire à ses règles nationales. On le voit clairement à partir de la page 122 de la sentence sur la recevabilité. In fine, on renvoyait uniquement à la question de savoir si la Russie avait bien signé le traité.

Le tribunal a néanmoins pris la peine de préciser que le fameux article 26 n’était pas incompatible avec les règles nationales russes dans le contexte de l’affaire. La conclusion (page 146) était que le Traité s’appliquait à la Fédération de Russie en entier en ce qui concerne les investissements réalisés en Russie. (Dans la foulée de cette décision elle a cessé l’application  provisoire des dispositions du traité).

  • Quelles ont été les autres points pour conclure à la recevabilité de la demande ?

Je passe rapidement :
- Le Tribunal a conclu que les requérants étaient des “investisseurs protégés” qui “possédaient ou contrôlaient” un “investissement” au sens du Traité sur la Charte de l’Énergie.

- Concernant l’interprétation de l’article 17 (Non application de la partie III dans certaines circonstances). Le Tribunal adopte tout d’abord une interprétation du point 1 de cet article s’opposant à une application rétroactive par la Russie. Ensuite elle estime que la détention du demandeur (la société) par des trusts de Gibraltar et Guernesey les rattache au Royaume-Uni et ne permet pas de le considérer comme un “ressortissant d’un pays tiers” au sens de l’article 17, point 1. De même, la Russie n’était pas un état tiers.

- Le Tribunal écarte rapidement les autres moyens ou renvoi au stade ultérieur de l’arbitrage.

N.B : À la dernière page de la décision sur la recevabilité, on trouve un schéma de la structure de la Holding Ioukos qui n’est pas inintéressant.

  • Quel verdict ? 

La Russie est accusée d’avoir reconnu coupable d’avoir violé ses obligations au titre de  l’article 13 du Traité sur la Charte de l’Énergie, notamment le point 1 qui prévoit que : « Les investissements d’un investisseur d’une partie contractante réalisés dans la zone d’une autre partie contractante ne sont pas nationalisés, expropriés ou soumis à une ou plusieurs mesures ayant des effets équivalents à une nationalisation ou à une expropriation, dénommées ci-après «expropriation», sauf lorsque cette expropriation:

a) est effectuée pour des motifs d’intérêt public;
b) n’est pas discriminatoire;
c) est effectuée avec les garanties prévues par la loi, et
d) est accompagnée du prompt versement d’une compensation adéquate et effective.

Cette compensation équivaut à la valeur marchande équitable de l’investissement exproprié au moment qui précède immédiatement celui où l’expropriation ou l’annonce de l’expropriation a été officiellement connue et a affecté la valeur de l’investissement, ci-après dénommé «date d’estimation» (…) ».

En conséquence, la Russie doit (hors coûts judiciaires) verser 40 milliards de dollars à Hulley Enterprise Limited, 8 milliards de dollars à Veterand Petroleum Limited et 1.8 milliards à Yukos Universal Limited (arrondi).

  • Quelle motivation des juges ?

Je vais à nouveau la faire brève :

La Tribunal estime que les requérants (Ioukos et actionnaires etc…) ne pouvaient pas s’attendre à une telle réaction de la Russie dans l’application de sa législation fiscale, même au regard de l’incertitude pesant sur la légalité de nombreuses opérations de l’entreprise. Les arrestations et le montant des amendes ne pouvait pas être anticipé par les requérants (point 1578).

- Le Tribunal estime, comme d’autres tribunaux avant lui, que “l’objectif premier de la Fédération de Russie n’était pas de collecter des taxes, mais plutôt de mettre en faillite Yukos et de s’approprier ses actifs précieux“. Cette conclusion est déduite du traitement judiciaire infligé aux requérants. On ne parle pas ici des conditions de détention ou autre, mais principalement du montant de recouvrement de TVA infligé à YNG (Yugansneftegaz) (13 milliards de dollars) et de sa mise aux enchères à un prix minime. Cependant, le tribunal relève que pour ses actions, justifiées ou non, Yukos aurait été en mesure de payer sans avoir à être mise en faillite et liquidée.  Le tribunal précise entre parenthèses : “à moins que la Fédération de Russie ait eu pour but sa liquidation et ait trouvé de nouveaux motifs supplémentaires pour parvenir à cette fin, ce que le second procès criminel de Messieurs Khodorkovski et Levedev suggère en effet“.

- Le Tribunal estime que les mesures prises par la Russie s’analyse comme des mesures ayant un “effet équivalent à une expropriation” au sens de l’article 13 du Traité sur la Charte de l’Énergie.

- Les 4 conditions cumulatives prévues à l’article 13 ne sont pas remplies :
1° L’intérêt public de la “destruction” de la première compagnie pétrolière russe est “profondément questionnable”.
2° Le traitement de Yukos aurait pu être discriminatoire eu égard au traitement des autres compagnies, mais aucune des parties n’a pu prouver ou infirmer de manière satisfaisante cette assertion.
3° Les mesures prises par la Russie n’ont pas été effectuées avec “toutes les garanties prévues par la loi” notamment eu égard au traitement des accusés et au fait qu’il semble que le tribunal se soit plié à la volonté du Kremlin en mettant en faillite la compagnie, en assignant ses actifs à une entreprise contrôlée par l’état et en incarcérant un homme qui donnait des signes de devenir un opposant politique.
4° Il n’y a pas eu de compensation juste et équitable.

La responsabilité de la Russie est donc établie. 

Le Tribunal a cependant reconnu des fautes secondaires de la part des requérants. Fautes secondaires dont le Tribunal a néanmoins estimé qu’elles ont contribué à 25% du préjudice qu’ils ont éprouvés du fait de la destruction de Yukos (point 1637). Proportion qualifiée de juste et raisonnable par le Tribunal (le mode de fixation étant laissé à l’appréciation des juges).

  • Mode de calcul du dommage subi

Le mode de calcul exact du dommage est relativement complexe au niveau des estimations (voir annexes), mais assez simple dans sa logique :

Pourquoi la Russie doit-elle payer 50 milliards de $ de dommages-intérêts ?

Le cadre général de détermination du dommage est fixé par l’article 26, point 8 du Traité sur la Charte de l’Énergie et par les articles 34 à 39 de la Résolution 56/83 de l’AG de l’ONU sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite. Plusieurs experts ont été engagés pour discuter de la fixation des montants, les juges ont appréciés plusieurs travaux de la doctrine etc… La méthode retenue à été d’appliquer au montant de titres détenus par les requérants un intérêts égal à la moyenne des taux à 10 ans des Bons du Trésor américain (c’est un peu plus compliqué en réalité, le montant des dividendes perdus etc… est pris en compte).

Le Tribunal laisse à la Russie une période de grâce de 180 jours avant que des intérêts supplémentaires ne soient appliqués en cas d’absence du paiement. 

Le montant du dommage et donc des dommages-intérêts aurait pu être diminué de près de la moitié sans la pratique habituelle des tribunaux d’arbitrage de laisser le requérant choisir entre la valorisation boursière à la date de l’expropriation ou celle à la date de la décision (division par 2 du montant). 

Pour simplifier, le montant total est le suivant : Montant des titres détenus par les requérants estimés à la date de la décision (30 milliards de dollars) + Montant des dividendes et intérêts sur dividendes qui aurait été payé sur la période (36 milliards de dollars !). Cette somme totale étant minorée de 25% en raison de la reconnaissance d’une responsabilité dans le préjudice subi par la victime de 25% = 50 milliards de dollars.
La Russie doit rembourser également près de 60 millions de dollars en frais de procès sur toute la période (!) soit 75% du montant total mobilisé. 

Conclusion 

On pourrait dire que les détails d’un accord juridique international ont mené la Russie à perdre un procès en raison d’agissements relevant de ses affaires intérieures. C’est très probablement ce que l’on doit penser en ce moment même à Moscou en se maudissant de ne pas avoir pris plus de précautions au moment de la signature de cet accord jamais ratifié. 

On peut également s’inquiéter de cette nouvelle démonstration de la puissance des investisseurs privés au sein des tribunaux arbitraux qui n’hésitent pas à s’appuyer sur les clauses les plus techniques des traités internationaux pour mettre en difficulé des états-souverains. Dans le contexte de la négociation du TTIP et de la discussion sur les mécanismes de règlement des différends investisseurs-états, la question va se poser surtout quand on connaît la puissance financière des holdings américaines. 

L’affaire étant couverte par les articles 1049 et 1050 du Netherlands Arbitration Act de 1986, un appel est possible devant un second tribunal arbitral (il me semble)

P.S : Contrairement à la dépêche AFP, la Russie n’a pas été condamnée à une “amende” mais à indemniser des parties. 

Source : www.points-de-vue-alternatifs.com

 

Source: http://www.les-crises.fr/la-haye-condamne-la-russie-a-payer-50-milliards-de-dollars-dans-laffaire-ioukos/