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La loi “Anti-Amazon”

Thursday 17 July 2014 at 03:36

(Billet du 10 octobre 2013)

Nous allons aujourd’hui nous intéresser à l’actualité législative du prix du livre et à sa reprise par les médias – bonne façon d’analyser la qualité de l’information…

I. Les faits

En juin 2013, les députés UMP Gaymard, Kert et Jacob ont déposé une proposition de loi visant à modifier la loi Lang de 1981, afin d’interdire aux sites Internet de cumuler l’avantage de la baisse de 5 % du prix éditeur et la gratuité des frais de port.

Il faut savoir que seuls Amazon et la Fnac cumulent ces avantages quel que soit le montant de l’achat, alors que Chapitre, Decitre ou Gibert accordent toujours les -5 % mais la gratuité seulement à partir d’un seuil (de 18 à 35 €). Rue du Comemrce (ex Alapage) accorde le -5 %, mais jamais la gratuité du port, et Cultura n’accorde pas les -5 %, mais offre la gratuité de la livraison quel que soit le montant… pour un retrait dans ses magasins (merci !), et au delà de 20 € sinon.

La rédaction initiale de la proposition de loi n°1189 était assez lapidaire :

Après le quatrième alinéa de l’article premier de la loi n° 81–766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La prestation de livraison à domicile ne peut pas être incluse dans le prix ainsi fixé. »

Bref, il faut facturer le port à part. Mais à combien ? Mystère et boule de gomme, 0,01 € ça semble passer… Bref, des spécialistes du sujet rédigent mal la proposition, chapeau !

Ces députés s’en sont rendus compte (bravo aux 70 députés signataires…), et ont déposé un amendement pour réécrire complètement leur propre proposition ainsi :

« Le coût de la livraison à domicile, à l’adresse choisie par l’acheteur, est ajouté par le détaillant au prix effectif de vente au public. ».

C’est mieux – c’est bien le coût qu’il faut rajouter -, mais enfin, ce n’est toujours pas d’une clarté extrême, et sans doute contournable…

La ministre a résolu le problème en déposant un amendement réécrivant la proposition de loi UMP, qui a été voté à l’unanimité des députés. Il indique désormais :

« Lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur. Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit. »

Ainsi aujourd’hui un livre de 20 € est vendu :

Demain, si le projet est adopté par le Sénat en l’état, il coûtera 20 € en ligne, et le commerçant pourra déduire 1 € sur les frais de port qu’il facturera (ou pas).

Dans cette rédaction, l’histoire de la remise sur les frais de port est du n’importe quoi absolu : le marchand étant libre de les facturer comme il veut, il ne sert à rien qu’une loi prévoit qu’il peut les diminuer jusqu’à un certain de montant : il pouvait les diminuer sans limite, et il pourra continuer.

Le texte voté, sous sa rédaction stupide et alambiquée signifie simplement la fin de la remise de 5 % pour les ventes sur Internet – et donc une hausse de 5,3 % des prix à venir sur ce circuit.

Quand la ministre déclare à l’Assemblée :

“Pour simplifier, cette rédaction dont nous avons veillé à garantir la sécurité juridique, n’empêche ni le rabais de 5 % ni la gratuité des frais de port, en raison de la décision de la Cour de cassation de 2008 ; elle interdit seulement le cumul de ces deux avantages.”

c’est faux ! Si vous achetez 200 € de livres en ligne, le libraire ne peut diminuer le prix de vente, il peut juste diminuer de 10 € au maximum le montant des frais de port qu’il vous facturera – et vous paierez donc au moins 10 € de plus qu’aujourd’hui, dans tous les cas…

Voyons comment cela a été reproduit par les médias.

II. L’information par les médias

Bon article de Claire Planchard dans 20 minutes, sauf :

«Il y a aujourd’hui deux hypothèses: soit les opérateurs vont garder le rabais de 5% et supprimer les frais de port gratuits, soit ils conserveront la gratuité mais renonceront à appliquer le rabais de 5%. Dans les deux cas, cela va augmenter le coût pour le consommateur d’environ 5% et cela fera entrer plus d’argent dans les caisses des opérateurs et surtout celles d’Amazon», analyse Mathieu Perona, coauteur de Le prix unique du livre à l’heure du numérique

“soit les opérateurs vont garder le rabais de 5% ” : ben non, c’est écrit dans les 2 petites phrases de la loi “Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit”, il ne peut donc plus les déduire du prix public !

Je reproduis la fin, pour exposer les arguments du syndicat des libraires – que je commenterai demain :

« Devoir payer des frais de port pour un livre sera, il est vrai, un peu dur pour le consommateur mais c’est vrai aussi pour tous les autres produits vendus en ligne, y compris les CD ou les DVD vendus par Amazon. Les facturer aussi pour les livres n’est donc pas injuste, mais juste», réagit le président du Syndicat de la librairie française (SLF) Matthieu de Montchalin, qui rappelle qu’Amazon facture également les frais de port des livres dans d’autres pays qui n’ont pas de prix unique.

Côté « diversité culturelle », le SLF estime aussi que cette nouvelle réglementation va permettre de « rétablir une équité sur le marché », et éviter par là même « des destructions d’emplois, la disparition de libraires et de maisons d’édition ».

« A mon avis cette mesure ne va pas apporter davantage de ventes aux libraires eux-mêmes », modère toutefois Mathieu Perona. « La force d’Amazon restera la disponibilité immédiate d’un nombre de titres énorme sans se déplacer. Le service rendu par cette plateforme n’est pas le même service rendu par les libraires », estime ce spécialiste.

Un bel article dans Libération (signé AFP, mais bon, c’est clairement retouché par le journal…) : Les députés adoptent à l’unanimité une mesure anti-Amazon

“Ils veulent mettre fin aux pratiques de «dumping» du géant américain et ainsi protéger les librairies françaises. Amazon dénonce une mesure discriminatoire, la Fnac est dubitative.” [...]

Selon Amazon, la proposition de loi adoptée – fait rare – à l’unanimité de l’Assemblée nationale «risque également de ne pas être neutre sur la diversité culturelle», en pesant notamment sur les maisons d’édition de moindre envergure. «Son impact sera le plus important à la fois sur le fonds de catalogue et pour les petits éditeurs, pour qui internet peut représenter une large part de leur activité», estime Amazon. [...]

Les députés ont été unanimes pour soutenir le réseau «unique au monde» de librairies en France. Droite et gauche ont dénoncé de concert les pratiques de «dumping» d’Amazon qui «détourne» l’esprit de la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre, érigé en «patrimoine national» par le rapporteur UMP du texte Christian Kert. [...]

Ces frais de port gratuits proposés par Amazon, qui détient 70% du marché de la vente en ligne, sont en effet jugés comme de la concurrence déloyale par les librairies qui sont déjà souvent en mauvaise situation financière, comme le démontre encore l’annonce lundi de la mise en vente des 57 librairies du réseau Chapitre. [...]

Les uns après les autres, les députés sont montés au créneau pour défendre avec lyrisme le réseau «unique» de librairies en France, d’une «importance majeure pour l’animation culturelle des petites villes». La France compte quelque 3 500 librairies (dont 600 à 800 «indépendantes», n’appartenant pas à un éditeur, une chaîne ou une grand surface) contre à peine 1 000 en Grande-Bretagne.

«En passant le seuil d’une librairie, le lecteur cherche la vie et les conseils. Qui mieux qu’un amoureux des mots et de la pensée, du papier et des reliures, peut nous orienter ? Si les librairies continuent à fermer, alors où pourrons-nous trouver cette odeur du papier si caractéristique ?» s’est ainsi enflammé le député de la Mayenne Yannick Favennec (UDI). Mais ces librairies «sont en situation tendue du fait du poids des loyers, des charges de personnel et du coût des stocks», a souligné Christian Kert, même si elles vont bénéficier d’un plan de soutien du gouvernement annoncé début juin.

D’autant plus que «la vente en ligne est désormais le seul segment du marché du livre en progression (13,1% de ce marché en 2011) et que les librairies indépendantes ont du mal à y trouver leur place du fait d’un retour sur investissement très faible», a-t-il ajouté. Outre la concurrence sur les prix, les libraires français souffrent d’une «concurrence fiscale déloyale», selon lui.

Certes, l’avantage sur la TVA, dont bénéficie Amazon installée au Luxembourg (3% contre 5,5% en France) devrait disparaître avec le temps puisqu’à partir de 2015 les entreprisses seront assujetties non dans le pays d’implantation mais dans le pays où le bien est consommé. Mais le «GAFA» (l’acronyme qui désigne Google, Apple, Facebook et Amazon) «qui dégagerait entre 2,2 et 3 milliards de chiffre d’affaires en France, ne verserait pour chaque entreprise en moyenne que 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés du fait d’une politique d’optimisation fiscale systématique», a dénoncé Christian Kert, en citant une étude de la Fédération française des télécommunications.”

Les Echos relaient l’information, La loi « anti-Amazon » va provoquer des dégâts collatéraux, avec des erreurs :

“la mesure toucherait tous les sites, Amazon, mais aussi les autres « pure players » comme Price Minister, par exemple”

Ben non, le prix unique, ce n’est pas pour l’occasion, donc PriceMinsiter n’est pas concerné sur le fond de son business, et pour les libraires dessus, je n’ai guère vu de livraison gratuite !

“Autre difficulté, selon un professionnel : la mesure serait difficilement applicable car, pour contrôler son application, il conviendrait d’examiner de près la façon dont les e-commerçnats calculent leurs frais de port. ”

Ben non, c’est vite contrôlé, puisque c’est + 5 % pour Amazon et la Fnac dans tous les cas, inutile de s’intéresser aux frais de port ! (heureusement que le projet ne fait que 2 phrases !)

Enfin, j’y reprends la vision de la FNAC (dont je parlerai demain…)

 « L’objectif des députés est louable, explique Laurent Glépin, directeur de la communciation [sic.] de la Fnac, mais cela ne résout pas le problème de distorsion de concurrence que pose Amazon pour des raisons fiscales. »C’est-à-dire l’optimisation que réalise le géant américain en opérant en France depuis le Luxembourg.

On lit dans Le Figaro : “Les députés votent une mesure anti-Amazon

«Cela fait six ans que l’on se bat contre ces pratiques déloyales qui freinent la croissance des ventes en ligne des plus de 500 librairies qui le proposent, indique Guillaume Husson, le président du SLF. Les libraires indépendants se félicitent que les pouvoirs publics cherchent enfin à remettre de l’équilibre dans les conditions de concurrence.» C’est en effet un vieux combat des libraires qui anime le secteur de l’édition avec encore plus d’acuité depuis qu’Amazon est dans le même temps accusé d’évasion fiscale. «Le sujet était sur la table depuis longtemps, mais il y a aujourd’hui une conjonction favorable, eu égard notamment au problème d’évasion fiscale de certains opérateurs numériques», ajoute le député UMP de Savoie Hervé Gaymard.

La Croix reprend la dépêche AFP (qui structure presque tous les articles, les journalistes la complétant plus ou moins, comme ici le NouvelObs ou ici, FranceInfo, Ouest France, RTL, TF1…). Prix du livre : les députés adoptent à l’unanimité une mesure anti-Amazon

Amazon a répondu dans un entretien au Figaro :

Très clairement mis en accusation, Amazon se défend. Romain Voog, président d’Amazon France SAS, estime que ces dispositions «iraient avant tout à l’encontre de l’intérêt des consommateurs, en renchérissant de facto le prix des livres achetés sur Internet par rapport à ceux achetés en magasins. De nombreux consommateurs habitent loin de toute librairie et apprécient de pouvoir acheter leurs livres en ligne». Il ajoute: «si les projets de loi passent, cela aura un impact mineur sur Amazon mais en revanche, cela pénalisera les consommateurs et menacera la diversité culturelle en France, car Amazon offre le plus large choix de livres neufs ou d’occasion en France».

«Il est évident que nous ne vendons pas les livres à perte car c’est illégal ! Si Amazon perd de l’argent, ce n’est pas parce qu’il fait du dumping sur les prix mais parce qu’il investit massivement dans des entrepôts. En France, nous avons ouvert quatre entrepôts dans lesquels nous stockons 800.000 titres différents pour pouvoir servir au mieux les lecteurs». Romain Voog insiste sur le fait qu’Amazon ne fait pas de concurrence directe aux libraires mais propose plutôt une offre complémentaire. «Nous réalisons 70% de nos ventes sur des livres de fond de catalogue qui ont plus d’un an. Au contraire, les libraires se concentrent sur les nouveautés et ne peuvent pas servir les clients qui demandent des ouvrages plus anciens car ils ne les conservent pas en stock. Nous sommes donc parfaitement complémentaires. Par ailleurs, si l’on regarde les parts de marché, la vente en ligne de livres ne représente que 10% du marché de l’édition. Les grands vendeurs de livres sont les grandes surfaces alimentaires (20% du marché) qui réduisent leurs offres aux best seller, et les grandes surfaces spécialisées dans la culture, qui disposent d’un quart du marché. Les librairies indépendantes conservent encore 20% du marché».

Il avait aussi déclaré aux Echos :

“Chez Amazon, l’analyse de la situation des librairies indépendantes n’était évidemment pas la même. «  Amazon n’est pas responsable de la hausse des charges, notamment celle des loyers », se défendait hier Romain Voog, président d’Amazon France. Le géant américain aux 31 milliards de dollars de chiffre d’affaires mondial au premier semestre (+ 22 %) – les données ne sont pas communiquées pour la France, mais le groupe dit y avoir collecté 158 millions d’euros de TVA l’an dernier – est parti en guerre contre cette proposition de loi. Il a adressé une lettre aux parlementaires pour leur dire tout le mal qu’il en pensait, touchant notamment le point sensible du pouvoir d’achat des Français. «  Nous sommes opposés à une loi dont l’objectif est de renchérir le prix d’accès aux livres sur Internet. C’est une loi discriminatoire », expliquait hier encore Romain Voog. Des propos réitérés par le groupe ce jeudi.

Pour Amazon, cette proposition va aussi à l’encontre de la diversité culturelle : le site met en avant ses 800.000 références en stock, le poids qu’il représente dans le chiffre d’affaires de certains petits éditeurs, qui ont un accès moindre aux réseaux traditionnels de distribution, et les freins que cette disposition ne manquera pas de créer pour le commerce en ligne. «  Je suis surpris de voir des lois contre des acteurs qui ont une démarche positive pour le secteur culturel », concluait Romain Voog. Une certitude, la bataille est encore loin de s’achever.”

III. Des analyses vraiment intéressantes sur Internet

C’est sur Internet qu’on trouve les meilleures analyses, écrits par des non-journalistes – ce qui en dit long sur les soucis de la presse (les journalistes étant pressurés et payés au lance-pierres, ils n’ont pas le temps de bosser et bricolent souvent simplement les dépêches AFP – mais les journalistes finiront comme les libraires à ce rythme…)

Commençons par ce très bon article du site ActuaLitté (en lien avec le secteur, et qui apporte de vraies informations) : Loi Amazon : Supprimer la concurrence de la vente de livres sur Internet Pas anti-Amazon, attention !

On comprend qu’Amazon peste. Et peste deux fois. Selon nos informations, les lobbyistes d’Amazon auraient obtenu une audience auprès du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, pour tenter de plaider leur cause – et notamment la question du cumul. Le premier ministre aurait renvoyé tout ce joli monde à ses études, évoquant le manque de transparence de la firme américaine sur le territoire français. Et tant que les représentants d’Amazon ne feraient pas d’effort sur ce point, pas question d’écouter ni requêtes, ni doléances.

Surtout que lors de l’examen de la loi Consommation, l’amendement du ministère de la Culture n’était pas passé, du fait de l’intervention d’Arnaud Montebourg, assez proche d’Amazon.

Aurélie Filippetti, bon petit soldat de la librairie

La ministre de la Culture, qui se trouvait dans l’hémicycle ce matin, a pour sa part salué, dans un communiqué, cette décision, comme l’une des « mesures attendues de son plan en faveur de la librairie ». Ce n’est pas tout à fait exact, puisque le plan en faveur de la librairie, tel qu’exposé au Salon du livre de Paris, ne contenait pas de mention à cette question du cumul de frais de port et des 5 %, mais il n’est jamais trop tard pour réécrire l’histoire.

Fin de la concurrence déloyale… vraiment ?

Or, parmi les autres réactions récoltées, le Syndicat de la librairie française, qui en 2008 avait perdu le procès intenté à Amazon, concernant la gratuité des frais de port, évoque « un dispositif équilibré qui va dans le bon sens. L’objectif n’est pas de réduire les ventes d’Amazon, mais qu’il n’y ait pas de concurrence déloyale ». Il serait intéressant que les différents acteurs impliqués dans ces questions cessent de pratiquer l’euphémisme à outrance, et parlent enfin de législation visant à empêcher toute forme de concurrence tarifaire. Mais sur ce point, il y a bien plus que des progrès législatifs à réaliser.

La députée Europe Écologie les Verts, Isabelle Attard, a été la seule qui ce matin, à l’Assemblée nationale, qui ait tenté de faire prendre un peu de hauteur aux débats en évoquant la question de la fiscalité. Son analyse de la situation mérite d’être reproduite :

Quels sont aujourd’hui les avantages des librairies en ligne ? Selon vous, le principal serait la livraison gratuite. Selon moi, il ne s’agit là que d’un avantage parmi d’autres. Prenons le cas du leader, Amazon. Il dispose d’au moins six avantages stratégiques sur les librairies physiques.

On a aussi un article recherché chez Rue89 : Livres : la loi anti-Amazon, fausse bonne idée ?

Avec leur loi visant Amazon, les députés sont-ils en train de sauver le livre ou d’accélérer sa disparition ?

Une réaction de bon sens d’un blogueur : Loi anti-Amazon : acheter des livres sur le web coûtera plus cher, merci les députés !:

L’objectif des députés est donc de freiner le “méchant” Amazon qui nous fait l’affront d’être plus innovants que nous. [...] Objectif affiché : gêner Amazon et sauver les libraires, qui ferment leurs magasins les uns après les autres parce que les amoureux de la lecture trouvent plus pratique de commander leurs livres sur le web. Salauds de lecteurs… [...]

En attendant, acheter un livre va coûter plus cher. C’est peut-être la “faute” d’Amazon si les Français préfèrent acheter leurs livres sur internet, mais enfin, c’est surtout parce que c’est plus pratique. [...]

Bref, Messieurs les allumeurs de réverbères, si les librairies sont menacées, la lecture a de l’avenir. Je comprends que l’on ait envie d’aider une profession en déclin, mais il y a certainement d’autres moyens que de pénaliser les lecteurs. Notamment les moins fortunés d’entre eux.

Quelques pensées importantes d’un contributeur Atlantico : La loi “anti-Amazon” ou l’étrange défaite de la pensée des élites françaises

C’est une loi injuste : oui, évidemment. Qui est mis à mal par cette loi ? Amazon, un peu. Mais surtout, le pouvoir d’achat des Français, sachant que les augmentations de prix des biens de grande consommation touchent particulièrement les plus pauvres, puisque l’impact proportionnel sur leur budget est plus important. Et aussi, la culture, c’est-à-dire l’accès à la culture : en rendant les livres plus chers, on rend plus difficile l’accès à la culture pour les Français. Lorsqu’on parle de l’exception française, on tend en général deux concepts : la solidarité et l’exception culturelle. Voilà une loi qui va à l’encontre de ces deux concepts dont on nous dit qu’ils sont particulièrement structurants pour la France et qui a été votée à l’unanimité des députés de la République française. [...]

Que c’est une loi qui traîne l’intérêt général dans la boue ? A coup sûr. Cette loi, c’est avant tout la victoire des intérêts particuliers sur l’intérêt général. L’objectif est de défendre les libraires de la concurrence d’internet. Pas la culture. Pas le livre. Les libraires. C’est-à-dire des commerçants. C’est-à-dire une catégorie particulière.

Que c’est une loi qui montre l’alliance de la gauche et de la droite pour prolonger la maladie de la société française ? Oui, bien sûr. La droite veut protéger les intérêts des privilégiés (dont les libraires, en tant que petits commerçants, en France, font assurément partie) ; la gauche, par inculture économique, pense qu’elle protège “la culture” en protégeant les libraires. Et donc les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent et la France s’enfonce.

On pourrait dire tout ça, mais la chose la plus frappante sur cette loi fut le vote à l’unanimité. Pas un juste pour racheter l’Assemblée nationale et la République.

On a là l’exemple frappant du mélange d’ignorance et de lâcheté qui caractérise la démission complète de nos élites politiques.

Je termine par un très très bon article, drôle, d’un contributeur sur Slate : La loi «anti-Amazon», une loi Maginot qui protège les commerçants, pas les lecteurs

Quel est l’enjeu de la proposition adoptée jeudi avec des trémolos dans la voix? Préserver des boutiques, certes sympathiques, ou favoriser la lecture? Préserver quelques gros éditeurs ou favoriser la diversité culturelle?

[...] Pour un peu, les députés nous auraient parlé de l’odeur du livre frais contre l’immonde bouquin surgelé arrivant par la Poste (qui, peut-être, se trouve fort bien d’avoir Amazon pour client avec son modèle économique qui pue la mort à moyen terme).

Eriger une ligne Maginot contre Amazon est évidemment inutile. Pour la simple raison que c’est trop tard. [...]

La Ligne Maginot des 5% est dérisoire. L’achat d’un livre est bien souvent impulsif. Je le vois, j’en ai envie, je l’achète. Je ne vais pas comparer les prix d’une boutique à l’autre ni attendre les soldes parce que, loi Lang oblige, le prix est le même partout. Si c’est trop cher, je tente le bouquiniste ou, plus sûrement, le Bon Coin, eBay… Sinon, je l’achète dès que je le trouve: à Auchan, dans une gare, chez un libraire ou sur Internet.

Or, manque de bol pour nos maginotistes, Internet c’est le mal absolu: en, trois clics, je peux trouver et acheter un livre, tout le temps, même le dimanche. Je peux l’acheter sur mon smartphone, je peux payer en robe de chambre ou à poil, de chez moi, au bureau, en vacances à Kuala-Lumpur. Toutes choses impossibles chez mon libraire (que j’aime beaucoup par ailleurs) et qu’Amazon a rendues simples. Alors, c’est dire si cette grotesque histoire de 5%, les clients d’Amazon s’en fichent comme de leur première connexion 56 kbits. [...]

Un texte à côté de la plaque

Malheureusement, il y a plus grave. Non seulement ce texte est inutile, mais il est nuisible. Car, comme souvent, de plus en plus, le législateur détourne l’attention. Une fois dénoncé le vilain Amazon, croit-on un instant que cela va changer quelque chose pour les libraires? De quoi souffrent-ils? D’une rentabilité en berne, la plus faible des commerces de proximité avec les marchands de journaux (tiens!). Ils ont beau aimer leur métier, il faut aussi qu’ils fassent de l’argent.

Peut-être faut-il s’attaquer aux questions réelles: le partage de la valeur ajoutée entre éditeurs et diffuseurs? Le coût des loyers en centre ville? Si les députés voulaient vraiment défendre les libraires, ils les imposeraient en centre ville, avec un loyer réduit en taxant, tiens pourquoi pas, les opticiens à la rentabilité scandaleusement élevée, ou en restreignant le nombre de boutiques de fringues. Si on veut montrer ses muscles et réguler à tout prix, autant faire preuve d’imagination.

La concurrence déloyale d’Amazon? Elle fait rigoler tout le monde. Il serait temps aussi d’expliquer aux libraires que le papier disparaîtra peut-être, et que si c’est effectivement le cas, il vaut mieux s’y préparer. Que le livre numérique, non, ce n’est pas sale. C’est peut-être moche, ami libraire, mais c’est pratique et, si les éditeurs cessent de s’en mettre plein les poches, bientôt le livre numérique sera vendu trois fois rien. Ton business model est là ami libraire: ta boutique te coûte cher, tu vends les livres cher, ça tient à peu près. Demain, tes clients achèteront des livres numériques, plein, ils liront encore plus. Et les 5%, personne n’y pensera plus.

Et le prix unique du livre, dont on se gargarise tant? Mais il est cher, le livre! Il est sacrément cher! 12, 15, 18 euros pour une nouveauté! 13 euros une BD! Une fois payé le loyer, le chauffage, l’essence, la bouffe, les impôts… il vous reste de quoi acheter combien de livres ?[...]

Car si la représentation nationale voulait vraiment bloquer Amazon, elle s’y prendrait autrement. Elle s’interrogerait sur l’optimisation fiscale. Ou serait imaginative. [...]

A mon grand regret car j’aime bien les libraires, je dois admettre que la réaction d’Amazon est fondée [...]

On protège donc des commerçants, pas des consommateurs. Quel est l’enjeu? Préserver des boutiques, certes sympathiques, ou favoriser la lecture? Préserver quelques gros éditeurs ou favoriser la diversité culturelle ?”

Après ça, le contre-exemple du témoignage-propagande de cette (sympathique) libraire pèse peu (plus c’est gros, plus ça passe…) : Loi anti-Amazon : une bonne nouvelle pour nous, libraires, mais aussi pour les lecteurs.

Comme quoi, l’information existe, mais il faut 2 heures de recherche pour avoir les différents arguments, chose qu’aucun journal n’a hélas été possible de produire…

Demain, dernier billet sur la situation économique des libraires et de ma vision de la loi…

Source: http://www.les-crises.fr/la-loi-anti-amazon/