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Les anciens du renseignement US à Merkel : “Nous ne voyons aucune preuve crédible d’une invasion russe” (+ Câble confidentiel de 2008 “Niet, c’est Niet”)

Sunday 7 September 2014 at 04:00

Le groupe VIPS d’anciens du renseignement américain, que nous avons déjà accueillis pour leurs propos sur l’Irak, la Syrie, l’Ukraine et le MH-17,  mettent cette fois en garde directement Merkel (RIP François Hollande)

Alarmés par l’hystérie anti-russe qui s’est emparée de Washington – et par le spectre d’une nouvelle guerre froide – d’anciens membres des services de renseignement américains ont pris l’initiative inhabituelle d’envoyer ce 30 août à la chancelière allemande Merkel une note qui remet en cause la fiabilité des médias ukrainiens et américains concernant une « invasion » russe.

MEMORANDUM POUR :  Angela Merkel, chancelière d’Allemagne

DE: Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS – Les vétérans du renseignement pour un comportement sensé)
OBJET : Ukraine et OTAN

Nous soussignés sommes des vétérans chevronnés du renseignement américain. Nous faisons la démarche inhabituelle de vous écrire cette lettre ouverte pour nous assurer que vous êtes bien au fait de notre point de vue avant le sommet de l’OTAN les 4 et 5 septembre.

Vous devez savoir notamment que les accusations d’une « invasion » russe majeure de l’Ukraine ne reposent pas sur des renseignements fiables. En fait, ces « renseignements » semblent être aussi douteux et « arrangés » à des fins politiques que ceux utilisés il y a douze ans pour « justifier » l’attaque menée par les États-Unis contre l’Irak.

Nous n’avons pas vu de preuve crédible d’armes de destruction massive en Irak à l’époque ; nous ne voyons aucune preuve crédible d’une invasion russe aujourd’hui.

Il y a douze ans, l’ancien chancelier Gerhard Schröder, conscient de la fragilité des preuves de l’existence d’Armes de Destruction Massive en Irak, a refusé de se joindre à l’attaque contre l’Irak. À notre avis, vous devriez considérer avec un grand scepticisme les accusations lancées par le Département d’État américain et par des officiels de l’OTAN, selon lesquels la Russie a entrepris d’envahir l’Ukraine.

Le président Barack Obama a tenté le 29 août de calmer la rhétorique de ses propres diplomates et des médias grand public, lorsqu’il a publiquement décrit l’activité récente en Ukraine comme « une continuation de ce qui a lieu depuis des mois maintenant…ce n’est pas vraiment un changement ».

Obama, cependant, n’a qu’un contrôle limité sur les décideurs politiques de son administration – qui, malheureusement, manquent beaucoup de sens de l’histoire, connaissent peu de choses de la guerre, et font des invectives anti-russes une politique. Il y a un an, des officiels va-t-en-guerre du Département d’Etat et leurs amis dans les médias ont failli obtenir d’Obama qu’il déclenche une attaque majeure contre la Syrie, fondée une fois de plus sur des « renseignements » pour le moins douteux.

Principalement à cause de la place de plus en plus grande faite à des renseignements que nous croyons erronés, et de la confiance qui leur est apparemment accordée, nous pensons que la possibilité que les hostilités dépassent les frontières de l’Ukraine a augmenté ces derniers jours de façon considérable. Plus important encore, nous pensons que cette éventualité peut être évitée, mais cela dépendra du degré de scepticisme judicieux dont vous et les autres dirigeants européens ferez preuve au sommet de l’OTAN la semaine prochaine.

L’expérience du mensonge

Nous espérons que vos conseillers vous ont rappelé le bilan pour le moins suspect du Secrétaire Général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, en matière de crédibilité. Il nous apparaît que c’est Washington qui continue à préparer les plans des discours de Rasmussen. C’était tout à fait clair à la veille de l’invasion de l’Irak menée par les Etats-Unis, quand, en tant que Premier ministre danois, il a dit à son Parlement : « L’Irak a des armes de destruction massive. Ce n’est pas quelque chose que nous croyons seulement. Nous le savons. »

Des photos peuvent valoir mille mots ; elles peuvent tromper aussi. Nous possédons une expérience considérable dans la collecte, l’analyse et le signalement de toutes sortes d’imageries (satellitaire ou autre), ainsi que dans d’autres types de renseignements. Il suffit de dire que les images publiées par l’OTAN le 28 août ne constituent qu’une base très faible pour accuser la Russie d’envahir l’Ukraine. Il est triste de constater qu’ elles ressemblent beaucoup aux images montrées par Colin Powell à l’ONU le 5 février 2003, qui, de la même façon, ne prouvaient rien du tout.

Le jour même, nous avions averti le président Bush que nos anciens collègues analystes étaient « de plus en plus affligés par la politisation du renseignement » et nous lui avions dit catégoriquement que « la présentation de Powell était très loin » de justifier la guerre. Nous avions recommandé avec insistance que M. Bush « élargisse la discussion [...] au-delà du cercle de ces conseillers ouvertement favorables à une guerre qu’aucune raison n’imposait à nos yeux, et dont nous pensions que les conséquences imprévues auraient toutes les chances d’être catastrophiques ».

Regardez l’Irak aujourd’hui. Pire que catastrophique.

Bien que le président Vladimir Poutine ait jusqu’à maintenant fait montre d’une réserve considérable sur le conflit en Ukraine, il nous incombe de nous souvenir que la Russie, elle aussi, peut « choquer et stupéfier » [“shock and awe.”] . À notre avis, s’il y a la moindre chance pour que ce genre de choses puisse se produire en Europe à cause de l’Ukraine, des dirigeants sensés doivent y réfléchir avec la plus grande prudence. Si les photos que l’OTAN et les États-Unis ont publiées représentent les meilleures « preuves » disponibles d’une invasion de la Russie, nous pensons de plus en plus qu’un effort majeur est en cours pour conforter des arguments destinés à faire approuver par le Sommet de l’OTAN des actions dont il est sûr qu’elles seront considérées comme provocatrices par la Russie. Caveat emptor [« Que l'acheteur soit vigilant »] est une expression qui vous est sans doute familière. Ajoutons simplement qu’on devrait être très prudent sur ce que M. Rasmussen ou même le Secrétaire d’Etat John Kerry colportent. 

Nous sommes sûrs que vos conseillers vous tiennent régulièrement informée sur la crise ukrainienne depuis début 2014, et sur le fait que l’éventualité d’une entrée de l’Ukraine dans l’OTAN serait inacceptable pour le Kremlin. Selon un câble du 1er février 2008 de l’ambassade des États-Unis à Moscou (publié par WikiLeaks), adressé à la Secrétaire d’État Condoleeza Rice, l’ambassadeur des États-Unis William Burns a été appelé par Sergey Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, qui lui a signifié l’opposition ferme de la Russie à l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN.

Lavrov a mis ostensiblement en avant ses « craintes que cette question puisse potentiellement diviser le pays en deux, menant à la violence ou même, selon certains, à une guerre civile, ce qui forcerait la Russie à décider si elle doit intervenir ». Burns a donné un titre surprenant à son câble, « NIET C’EST NIET : LES LIGNES ROUGES RUSSES SUR L’EXPANSION DE L’OTAN », et l’a envoyé à Washington en priorité IMMÉDIATE. Deux mois plus tard, lors de leur sommet à Bucarest, les dirigeants de l’OTAN ont publié une déclaration officielle selon laquelle « la Géorgie et l’Ukraine feront partie de l’OTAN ».
Le 29 août, le Premier ministre ukrainien Arseny Iatseniouk a prétendu sur sa page Facebook qu’avec l’approbation du Parlement qu’il avait requise, le chemin vers une entrée dans l’OTAN est ouvert.

Iatsenyuk était, bien sûr le premier choix de Washington pour devenir Premier ministre après le coup d’Etat du 22 février à Kiev.

« Yats est le bon », a dit la secrétaire d’Etat adjointe Victoria Nuland quelques semaines avant le coup d’Etat, dans une conversation téléphonique interceptée avec l’ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt. Pour mémoire, il s’agit de la même conversation au cours de laquelle Nuland a dit: « Fuck the EU » [que l'Union Européenne aille se faire foutre].

Timing de « l’invasion » russe

Selon la version conventionnelle promue par Kiev il y a encore quelques semaines, les forces ukrainiennes avaient le dessus dans le combat contre les fédéralistes anti-putschistes dans le Sud-Est de l’Ukraine, dans ce qui était en grande partie présenté comme une opération de nettoyage. Mais cette image de l’offensive provenait presque exclusivement de sources officielles gouvernementales de Kiev. Il y avait très peu de rapports en provenance du terrain, dans le Sud-Est de l’Ukraine. Il y en a tout de même eu un qui citait le président ukrainien Petro Poroshenko, et qui soulevait des doutes sur la fiabilité de la représentation faite par le gouvernement.

D’après le « service de presse du président d’Ukraine », le 18 août, Poroshenko a appelé à un « regroupement d’unités militaires impliquées dans le coup de force dans l’Est du pays. [...] Aujourd’hui nous devons réorganiser les forces qui défendront notre territoire et la poursuite de nos offensives armées a dit Poroshenko, ajoutant : « Nous devons envisager une nouvelle opération militaire au vu des nouvelles circonstances. »

Si les « nouvelles circonstances » signifiaient le succès des progressions des forces du gouvernement ukrainien, pourquoi serait-il nécessaire de se « regrouper », de « réorganiser » les forces ? Presque au même moment, des sources sur le terrain ont commencé à rapporter une série d’attaques menées avec succès par les fédéralistes anti-putschistes contre les forces du gouvernement. D’après ces sources, c’était l’armée gouvernementale qui commençait à subir de lourdes pertes et à perdre du terrain, en grande partie à cause de son incompétence et d’un commandement défaillant.

Dix jours plus tard, alors qu’ils se faisaient encercler et/ou qu’ils avaient battu en retraite, une excuse toute faite pour l’expliquer était trouvée dans « l’invasion russe ». C’est à ce moment précis que des photos floues ont été publiées par l’OTAN, et que des reporters comme Michael Gordon du New York Times ont eu le champ libre pour répandre la nouvelle suivante : « les Russes arrivent ». (Michael Gordon a été l’un des propagandistes les plus extrêmes de la guerre en Irak.)

Pas d’invasion – Mais beaucoup d’autres soutiens russes

Les fédéralistes anti-putschistes dans le Sud-Est de l’Ukraine bénéficient d’un soutien local considérable, en partie à cause des frappes d’artillerie du gouvernement sur des centres urbains importants. Et nous pensons que le soutien russe passe probablement la frontière et inclut, de façon significative, un excellent service de renseignements de terrain. Mais à ce point de la situation, il est loin d’être évident que ce soutien inclut des chars et de l’artillerie, principalement parce que les fédéralistes, mieux dirigés, ont été victorieux, de façon étonnante, quand il s’est agi d’acculer les forces du gouvernement.

En même temps, il y a peu de doutes sur le fait que, quand et si les fédéralistes en auront besoin, les chars russes arriveront.

C’est précisément pour cette raison que la situation exige un effort concerté pour un cessez-le-feu que, comme vous le savez, Kiev n’a jusqu’à présent fait que retarder. Que peut-on faire à ce point ? À notre avis, il faut dire franchement à Porochenko et Iatseniouk que l’adhésion à l’OTAN est hors de question – et que l’OTAN n’a pas l’intention de mener une guerre par procuration contre la Russie – et sûrement pas en soutien de l’armée ukrainienne en lambeaux. Il faut dire la même chose aux autres membres de l’OTAN.

Pour le groupe de pilotage, Veteran Intelligence Professionals for Sanity
William Binney, ancien directeur technique, analyste pour la géopolitique mondiale et les questions miliaires, NSA ; co-fondateur du SIGINT centre de recherche sur l’automatisation (ret.)
Larry Johnson, CIA & Département d’Etat (ret.)
David MacMichael, National Intelligence Council (ret.)
Ray McGovern, ancien officier de l’US Army d’infanterie/renseignement & analyste à la CIA (ret.)
Elizabeth Murray, officier adjoint pour le renseignement national pour le Moyen-Orient (ret.)
Todd E. Pierce, major, juge-avocat, US Army (ret.)
Coleen Rowley, Division Counsel & agent spécial, FBI (ret.)
Ann Wright, colonel, US Army (ret.); officier affaires étrangères (a démissionné)

Source : consortiumnews.com, 01/09/2014 ; traduction par les lecteurs du site www.les-crises.fr (à diffuser dans modération…).

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 Je vous propose aussi la traduction du saisissant câble confidentiel Wikileaks du 1er février 2008 de l’ambassadeur américain en Ukraine, évoqué par les VIPS :

CONFIDENTIEL MOSCOU 000265, 01/02/2008

SIPDIS

E.O. 12958: DECL: 01/30/2018

TAGS: PREL NATO UP RS
SUJET : NIET C’EST NIET: LES LIGNES ROUGES DE LA RUSSIE SUR L’EXPANSION DE L’OTAN
REF: A. MOSCOU 147
¶B. MOSCOU 182

Confidentiel par : ambassadeur William J. Burns. Reasons 1.4 (b) and (d).

1. (C) Sommaire. Après une première réaction tempérée vis-à-vis de la volonté ukrainienne d’entrer dans le Plan d’action pour l’Adhésion à l’OTAN (MAP) au sommet de Bucarest (ref A), le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov et d’autres officiels de haut rang ont réitéré leur forte opposition, insistant sur le fait que la Russie verrait une expansion plus à l’est comme une menace militaire potentielle. L’expansion de l’OTAN, en particulier à l’Ukraine, reste un problème “émotionnel et névralgique” pour la Russie, mais des considérations de politique stratégique sous-tendent aussi une forte opposition à l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie. En Ukraine, ces considérations comprennent des craintes que cette question puisse potentiellement diviser le pays en deux, menant à la violence ou même, selon certains, à une guerre civile, ce qui forcerait la Russie à décider si elle doit intervenir. De plus, le gouvernement russe et certains experts continuent à soutenir que l’adhésion ukrainienne à l’OTAN aurait un impact majeur sur l’industrie de défense russe, sur les liens familiaux russo-ukrainiens et sur les relations bilatérales générales. En Géorgie, le gouvernement russe craint une instabilité prolongée et des “actes de provocation” dans les régions séparatistes. Fin du sommaire

Ministère des affaires étrangères : élargissement de l’OTAN “menace militaire potentielle pour la Russie”
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2. (U) Lors de son compte-rendu annuel sur la politique étrangère russe, les 22 et 23 Janvier (ref B), le ministre des Affaires étrangères russe Lavrov a souligné que la Russie devait considérer l‘expansion de l’OTAN vers l’est, particulièrement vers l’Ukraine et la Géorgie, comme une menace militaire potentielle. Bien que la Russie puisse croire les déclarations de l’Occident selon lesquelles l’OTAN ne serait pas dirigé contre la Russie, si l’on observe les récentes manoeuvres militaires dans des pays membres de l’OTAN (mise en place de bases d’opérations américaines avancées, etc), on constate que celles-ci doivent être évaluées non à travers les intentions officielles proclamées, mais bien à travers leur potentiel. Lavrov a souligné que le maintien de la “sphère d’influence” de la Russie dans son voisinage était anachronique, et a reconnu que les Etats-Unis et l’Europe avaient des “intérêts légitimes” dans la région. Cependant, il a fait remarquer que malgré la liberté des pays à prendre leurs propres décisions en matière de sécurité et à rejoindre les organisations politico-militaires qu’ils souhaitent, ceux-ci devaient garder à l’esprit l’impact sur les pays voisins.

3. (U) Lavrov a insisté sur le fait que la Russie était convaincue que l’expansion n’était pas fondée sur des raisons de sécurité, mais sur un héritage de la Guerre Froide. Il a contesté l’argument selon lequel l’OTAN est un mécanisme approprié pour aider à renforcer des gouvernements démocratiques. Selon ses propos, la Russie a compris que l’OTAN se cherche une nouvelle mission, mais qu’il y a une tendance croissante chez les nouveaux membres de faire et dire n’importe quoi, du fait même de la protection que leur accorde l’OTAN (par exemple : les tentatives des nouveaux pays membres de “réécrire l’histoire et de glorifier les fascistes“).

4. (U) Durant une conférence de presse du 22 janvier en réponse à une question portant sur la demande de l’Ukraine à faire partie du Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN (MAP), le ministre des Affaires étrangères a répondu : “une nouvelle expansion radicale de l’OTAN pourrait apporter une modification politico-militaire sérieuse, qui affectera inévitablement les intérêts de la sécurité de la Russie”. Le porte-parole a continué en soulignant que la Russie était liée à l’Ukraine par des obligations bilatérales établies par le Traité d’Amitié Coopération et Partenariat, signé en 1997, où les deux parties s’engagent à “se retenir de participer ou de soutenir des actions capables de nuire à la sécurité de l’autre partie”. Le porte-parole a noté que “l’intégration probable de L’Ukraine dans l’OTAN compliquerait sérieusement les multiples aspects des relations russo-ukrainiennes”, et que la Russie “devrait prendre des mesures appropriées”. Il a ajouté : “on a l’impression que les dirigeants ukrainiens actuels voient généralement le rapprochement avec l’OTAN comme une alternative à de bons liens de voisinage avec la fédération de Russie”.

Opposition Russe névralgique et concrète
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5. (C) Les aspirations à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie non seulement heurtent la sensibilité de la Russie, mais engendrent également de sérieuses inquiétudes sur les conséquences pour la stabilité dans la région. Non seulement la Russie perçoit son encerclement et les efforts menés pour saper son influence dans la région, mais elle craint aussi des conséquences imprévisibles et incontrôlables qui affecteraient sérieusement ses intérêts en matière de sécurité.

Les experts nous disent que la Russie est particulièrement inquiète sur les fortes divisions en Ukraine quant à l’adhésion à l’OTAN. Une majorité de la communauté russe ethnique étant opposée à cette adhésion, elles pourraient provoquer une scission entraînant des violences, voire au pire, une guerre civile .

Dans cette éventualité, la Russie devrait décider si elle doit intervenir ; une décision à laquelle elle ne souhaite pas être confrontée.

6. (C) Dmitri Trenine, Directeur Adjoint du Carnegie Moscow Center, a exprimé sa préoccupation sur le fait que l’Ukraine soit, à long terme, le facteur potentiellement le plus déstabilisant dans les relations américano-russes, étant donné le degré d’émotion et de malaise provoqué par son souhait d’adhésion à l’OTAN. La lettre demandant de prendre en considération sa candidature pour le Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN a été une “mauvaise surprise” pour les officiels russes, qui pensaient que les aspirations à l’OTAN de l’Ukraine étaient en veilleuse. Avec cette lettre ouverte, le sujet s’est “ravivé”. Parce que l’adhésion à l’OTAN demeurait une source de discorde dans la politique intérieure ukrainienne, elle a créé une ouverture pour une intervention russe. Trenine s’est dit inquiet, parce que certains éléments de l’élite russe seraient ainsi encouragés à intervenir dans cette affaire et à stimuler le soutien des États-Unis à des forces politiques antagonistes, laissant ainsi les États-Unis et la Russie dans une posture de confrontation classique. L’ironie de cette situation, a déclaré Trenine, c’est que l’adhésion de l’Ukraine affaiblirait l’OTAN, mais ni l’opinion publique, ni l’élite russe ne sont prêts à accepter cet argument. Le virage progressif de l’Ukraine vers l’Ouest était une chose, son statut préventif d’allié militaire en droit des États-Unis en était une autre. Trenine a fermement mis en garde : il ne faudrait pas laisser une lutte interne pour le pouvoir en Ukraine, où le MAP n’est qu’un outil de politiques internes, compliquer encore plus les relations actuelles entre les États-Unis et la Russie.

7. (C) Une autre question qui entraîne l’opposition russe à l’adhésion ukrainienne est l’importante coopération des deux pays dans le domaine de l’industrie de la défense, y compris nombre d’usines dans lesquelles des armes russes sont fabriquées. Alors que des efforts sont en cours pour fermer ou déménager la plupart de ces usines en Russie, et de relocaliser la flotte de la mer Noire de Sébastopol à Novorossiysk avant la date butoir de 2017, le gouvernement a clairement établi que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN exigerait que la Russie apporte d’importantes (et coûteuses) modifications à sa coopération dans l’industrie de la défense.

8. (C) De même, le gouvernement russe et les experts notent qu’il y aurait aussi un impact significatif sur les relations russo-ukrainiennes dans l’économie et l’emploi, et notamment un effet sur des milliers d’Ukrainiens vivant et travaillant en Russie et vice versa, du fait de la nécessité d’imposer un nouveau régime de visas. Selon Aleksandr Konovalov, directeur de l’institut d’évaluation stratégique, cela deviendrait un bouillon de culture de colère et de rancune parmi les populations locales.

9. (C) En ce qui concerne la Géorgie, la plupart des experts ont dit que, bien que son statut ne soit pas aussi névralgique pour la Russie que l’Ukraine, le gouvernement russe jugeait la situation là-bas trop instable pour résister aux divisions qu’une adhésion à l’OTAN pourrait entraîner. Selon Aleksey Arbatov, directeur adjoint du Carnegie Moscow Center, les aspirations à l”OTAN de la Géorgie ne seraient qu’une façon de résoudre ses problèmes en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Il a averti que la Russie serait mise dans une situation difficile si cela en résultait.

Réponse de la Russie
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10. (C) Le gouvernement russe a clairement indiqué qu’il devrait “sérieusement réévaluer” l’intégralité de ses relations avec l’Ukraine et la Géorgie dans le cas où l’OTAN les inviterait à adhérer. Cela pourrait avoir des impacts majeurs sur l’engagement en matière énergétique, économique et politico-militaire, avec des répercussions possibles partout dans la région, jusqu’à l’Europe Centrale et Occidentale. La Russie réviserait aussi probablement ses propres relations avec l’Alliance et ses activités dans le Conseil OTAN-Russie, et envisagerait des mesures supplémentaires dans le contrôle de l’armement, comme la possibilité d’un retrait complet des traités CFE [Traité sur les forces conventionnelles en Europe] et INF [Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire], ainsi que des menaces plus directes contre les systèmes américains de défense antimissile.

11. (C) Isabelle François, directrice du bureau d’information de l’OTAN à Moscou, a dit qu’elle croyait que la Russie avait accepté que l’Ukraine et la Géorgie finissent par adhérer à l’OTAN et qu’elle était s’engagée dans un plan à long terme pour reconfigurer ses relations avec les deux pays et avec l’Alliance. Cependant, la Russie n’était pas encore prête à faire face aux conséquences d’une expansion de l’OTAN vers son côté sud. Elle a ajouté que même si la Russie appréciait la coopération avec l’OTAN au sein du conseil OTAN-Russie, la Russie éprouverait la nécessité d’insister sur une refonte de la relation OTAN-Russie, voire d’un retrait complet du conseil OTAN-Russie dans le cas où l’Ukraine et la Géorgie adhèreraient à l’OTAN.

Commentaire
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12. (C)
L’opposition de la Russie à une adhésion de l’Ukraine à l’Otan est à la fois d’ordre affectif et fondée sur leur perception des intérêts stratégiques de la Russie dans la région. Le fait de dépeindre les USA et l’OTAN comme des adversaires de la Russie est également un atout politique, la main tendue de l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie servant à rallier les nationalistes russes. L’opposition russe à l’expansion de l’OTAN, au milieu des années 90, était déjà forte. Aujourd’hui, la Russie se sent capable de répondre plus fermement à ce qu’elle perçoit comme des actions contraires à ses intérêts nationaux.

Source : Wikileaks

Source: http://www.les-crises.fr/vips-merkel-invasion-russe/