Le traitement médiatique de la lutte contre la pauvreté fait souvent l’objet d’un certain nombre de biais, qui révèle le rapport hémiplégique à la réalité d’une large frange de l’opinion publique.
Source : Eric Juillot
Ambitieuse « une » de Télérama dernièrement : « La pauvreté : comment la faire disparaître ? ». Le magazine télé de l’élite culturelle du pays se donne donc pour objectif, dans un dossier de quelques pages, de passer en revue les principales pistes actuellement suivies pour lutter contre la pauvreté. L’idée d’une éradication de cette réalité sociale pourra sembler présomptueuse — et inatteignable d’un strict point de vue conceptuel [1] —, elle n’en est pas moins, bien sûr, très louable.
Ce qui peut paraître déroutant, en revanche, c’est la faible ampleur du champ balayé par les journalistes qui ont conçu le dossier. À en croire Télérama, la pauvreté ne serait qu’un phénomène psycho-social, sans grand rapport avec l’économie et la politique. Aussi le dossier vaut-il illustration — jusqu’à la caricature — des restrictions mentales spontanément pratiquées au centre de l’échiquier politique sur ce genre de sujet et notamment au centre-gauche ; les lecteurs de ce magazine sont issus des classes moyennes et supérieures largement fonctionnarisées évoluant dans le milieu du savoir, des arts et de la culture. Foncièrement modérés, car bénéficiaires de l’ordre en place -, ils débattent de la pauvreté à l’intérieur d’un cadre idéologique étriqué, d’où ont été évacués tous les domaines où des actions d’ampleur, potentiellement décisives, pourraient être conduites.