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Léonarda contre Hollande, le match retour

Tuesday 15 July 2014 at 00:23

Je suis tombé sur ça, et c’est tellement éloquent, que je ne résiste pas au plaisir de reprendre.

P.S. tout commentaire xénophobe sera comme toujours censuré.

Le père de Leonarda : «Attention, j’arrive en France !»

Leonarda se trouve actuellement avec sa mère et trois de ses frères en Croatie, pays membre de l’Union européenne. Munis de passeports croates, les Dibrani pourraient revenir prochainement en France.

«Attention, j’arrive en France!». Resat Dibrani, le père de Leonarda, est encore plus déchaîné qu’à l’ordinaire. La lycéenne rom expulsée de France l’an dernier, explique-t-il au Figaro, se trouve actuellement, avec sa mère et trois de ses frères, en Croatie, pays membre de l’Union européenne. Munis de titres de voyages fournis par l’ambassade de Croatie à Pristina, Leonarda, sa mère Xhemila et trois de ses frères séjournent depuis jeudi chez le frère de Resat Dibrani, à Sisak, à 60 km au sud-est de Zagreb. «Lundi, ils auront les passeports, jubile le père. Et dans une semaine, quinze jours, on partira, toute la famille ensemble! Comme ça, ma femme – enceinte de huit mois et demi – accouchera à l’hôpital de Pontarlier, là où est née Medina (la fille cadette des Dibrani, Ndlr)».

Mme Dibrani et cinq de ses six enfants détenaient des passeports croates dont la validité avait expiré. De surcroît, selon l’AFP, Mme Dibrani possède un certificat de citoyenneté croate dit «domovnica» délivré le 17 janvier 1973 à Vinkovci (est de la Croatie), sous son nom de jeune fille, Braimi. Fin mai, la famille avait demandé à l’ambassade de Croatie au Kosovo de nouveaux passeports croates.

«On va leur montrer à Hollande et à Valls qui est le chef!»

Quant à Resat Dibrani, qui possède un passeport kosovar, il est encore à Mitrovica avec sa plus jeune fille Medina, 2 ans, et Maria, 17 ans, qui possède un passeport croate mais est restée s’occuper de sa petite sœur. La famille va désormais s’atteler à obtenir un passeport croate pour la plus jeune des Dibrani et, d’un autre côté, à légaliser le mariage entre Resat et Xhemila, ce qui permettrait au père de famille d’obtenir lui aussi le précieux document. «On ne change pas de nationalité: on est croates! Les enfants sont nés en Italie, s’égosille le père de Leonarda. On va leur montrer à Hollande et à Valls qui est le chef! On va leur dire en face! Ils ne me croyaient pas quand on disait qu’on était européens. Ils nous ont renvoyés au Kosovo comme des animaux, avec de faux papiers. Ah, le préfet du Doubs, il va être bien dans la merde!»

Et les Dibrani, poursuit le père, ne s’arrêteront pas là… «Il faut que toute l’Europe sache ce qu’a fait la France, tonne-t-il. Nous allons aller à la Cour de Strasbourg (la Cour européenne des droits de l’homme, Ndlr), pour demander des dommages et intérêts. La France, maintenant, on va la faire payer!»

Source : Le Figaro

Bercoff : «Léonarda à l’Élysée»

Magnifique Europe, magique Schengen, c’est la lutte finale, accueillons et demain, le regroupement familial fera le genre humain. On croyait en avoir fini avec le feuilleton Dibrani qui fit, il n’y a guère, les délices des écrans et des gazettes. L’on se rappelle la séquence poétique où le président de la République expliquait que Léonarda pouvait rentrer seule sans sa famille, pendant que, sur l’autre moitié de l’écran, l’héroïne kosovare affirmait qu’il n’en était pas question, gagnant ainsi, l’espace d’une nouvelle chute dans les sondages, ses galons de chef de l’opposition anti-Hollande. Eu égard à la crise de l’UMP, il paraît difficile que la jeune Dibrani en prenne la tête, encore que son efficacité médiatique n’est plus à démontrer.

Mais voici que commence le second round: le père de Léonarda, Resat Dibrani, contre-attaque en expliquant que les quatre-cinquièmes de sa famille sont Croates, que lui-même va obtenir cette nationalité en épousant la mère de ses enfants, et qu’ainsi toute sa tribu pourra rentrer triomphalement en France, puisque la Croatie fait partie de l’Union Européenne. Et le glorieux géniteur n’y va pas de main morte: «On va leur montrer, à Hollande et à Valls, qui est le chef. La France, on va la faire payer. Nous irons jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme».

Les Dibrani sont exemplaires: ils ont compris les règles du jeu. Ils y vont franco de port, défiant un président de la République et un chef de gouvernement qui, du temps où il était ministre de l’Intérieur, s’était vivement opposé à leur retour. Dilemme cornélien. Ruses de la raison. Le fondement du pouvoir entre deux chaises: respecter les sacro-saintes règles européennes d’un côté, se faire respecter de l’autre. Est mis en lumière le piège qui semble se refermer sur les socialistes, qui doivent obéir à l’Europe et qui, dans le même temps, essayent de limiter au maximum les arrivées massives en douce France. Double peine pour l’Elysée-Matignon: de la main droite, on démantèle les camps de Roms, on expulse à Calais et ailleurs ; de la main gauche, on clame sa générosité et sa solidarité avec les damnés de la terre. Schizophrénie utile quand on est dans l’opposition, irritante, voire ruineuse quand on tient le gouvernail.

Rien n’est joué. Mais si les Dibrani réussissent à revenir légalement dans le Doubs, Hollande se devra de les accueillir à l’Elysée. Il convient en effet, devant pareil exploit, que l’ordre des choses permet aujourd’hui, de se montrer beau joueur.

Droit européen : Leonarda peut-elle vraiment revenir en France ?

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Reviendra, reviendra pas ? Alors que la famille Dibrani multiplie les provocations, certaine de son retour prochain en France, Henri Labayle nous explique pourquoi ce retour est légal, et comment l’Etat pourrait s’y opposer.

Henri Labayle est professeur agrégé des facultés de droit françaises, en poste à la faculté de Bayonne, à l’université de Pau. Il dirige le CDRE, laboratoire de recherches spécialisé en matière européenne et notamment en matière de droits fondamentaux, d’immigration et de sécurité intérieure. Il est également membre du réseau Odysseus et directeur du GDR «Droit de l’espace de liberté, sécurité, justice».

FigaroVox. – Le père de Leonarda a déclaré au figaro.fr que sa famille et lui sont à deux doigts de revenir en France. Un retour de Leonarda et de sa famille est-il possible? Par quel procédé?

Henri LABAYLE.- C’est le «buzz» du printemps, puisque, quelques jours avant les élections européennes, M. Resat Dibrani avait affirmé que sa famille sollicitait des passeports croates auprès de l’ambassade de Croatie à Pristina. Ils les auraient apparemment obtenus, sachant que, d’ores et déjà, une partie de la famille (la mère et cinq des six enfants) disposait de tels documents, dont la durée de validité avait simplement expiré.

Leur stratégie est d’une simplicité biblique: elle consiste à se placer sous le statut d’un citoyen européen pour bénéficier de l’une de ses principales conséquences, le droit à circuler librement dans l’Union. Il semblerait d’ailleurs que les intéressés envisageaient également une démarche similaire en direction de la Serbie. Devenus croates, les membres de la famille Dibrani seraient de ce fait des citoyens de l’Union susceptibles de circuler librement dans l’espace européen y compris en France, puisque la Croatie fait partie de l’Union depuis le 1er juillet 2013. Hier kosovars, ils ne pouvaient pénétrer librement en France; demain croates, ils sont parfaitement en droit d’exercer cette prérogative…

En fait comme en droit, les choses sont un peu plus complexes. Il faut distinguer ce qui relève de la libre circulation et ce qui relève du droit au séjour d’un citoyen européen.

Pour ce qui est de la première, elle peut être exercée pendant une période ne dépassant pas trois mois sans aucune formalité particulière, à la simple condition de disposer de documents d’identité valides. Ce serait ici le cas.

Pour ce qui est du séjour, outre le fait que les ressortissants croates ne sont pas admis à accéder librement au marché du travail français jusqu’en 2015, la législation de l’Union, et plus précisément la directive 2004/38, cherche à «éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant une première période de séjour». Concrètement, cela signifie que les personnes économiquement non actives comme le serait la famille Dibrani n’ont le droit de séjourner dans un autre Etat membre pour une durée de plus de trois mois que s’ils disposent, pour eux et pour les membres de leurs familles, d’une assurance maladie complète et de ressources financières suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil. Au vu du dossier, on peut aisément conclure que le séjour sera compliqué à obtenir…

C’est donc bien d’un retour de la famille Dibrani en France au titre de la libre circulation qu’il serait question. A ce stade, il paraît parfaitement légitime. Disposant de documents d’identité en règle, les Dibrani peuvent revendiquer l’exercice de cette liberté fondamentale. Soyons bien clairs pour ne donner prise à aucune déformation politique: durant ces trois premiers mois, le droit de l’Union n’oblige pas l’État membre d’accueil à accorder une assistance sociale aux citoyens de l’UE qui ne sont pas économiquement actifs. Il suffit de lire l’article 24 de la directive 2004/38 pour s’en convaincre.

L’Etat français peut-il légalement empêcher ce retour? Par quels moyens?

A priori, et dans un cas normal, je suis tenté de vous répondre immédiatement non, car ce droit est un élément central du statut de la citoyenneté européenne, auquel la Cour de justice accorde une protection particulière. Pourtant, vu le cas d’espèce, la détermination des autorités françaises à s’y opposer me semble fondée.

Cette construction européenne d’ensemble repose évidemment sur la bonne foi de ses destinataires. La maladresse ostentatoire avec laquelle les Dibrani s’en prennent aux autorités françaises risque en réalité de se retourner contre eux puisqu’ils revendiquent ouvertement leur volonté de contourner l’éloignement dont ils avaient été l’objet en instrumentalisant leur nouvelle nationalité.

Les États membres peuvent en effet adopter, de façon proportionnée, les mesures nécessaires pour refuser tout droit conféré par la directive 2004/38 «en cas d’abus de droit ou de fraude». On vise ici généralement les mariages de complaisance, mais les questions de nationalité peuvent parfaitement s’inscrire dans cette logique.

Les autorités françaises vont donc vraisemblablement avancer que la nouvelle identité de la famille Dibrani prête à caution. Acquise de façon assez curieuse après qu’ils ont déjà invoqué une nationalité italienne lors du premier éloignement, elle pourrait être révélatrice d’un «abus de droit», plutôt que d’une fraude, comme M. Fabius l’a évoqué, si ces passeports ont été justement acquis. L’«abus de droit» est parfaitement connu du droit de l’Union. Il consiste en un comportement artificiel, adopté dans le seul but d’obtenir le droit de circuler et de séjourner librement en vertu du droit de l’Union, malgré un éventuel respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’UE.

Dans ces conditions, soit les autorités françaises s’opposeront à l’entrée de la famille sur le territoire soit elles procèderont à un éloignement.

Cette atteinte grave au droit fondamental à la libre circulation est évidemment susceptible d’être plaidable par les Dibrani, sans garantie absolue de succès, loin de là de mon point de vue. La Commission elle-même, d’ordinaire très pointilleuse sur ces questions, reconnaissait ainsi récemment que «dans les cas où le droit à la libre circulation est exercé de manière abusive ou obtenu de manière frauduleuse, les personnes pourront être considérées comme une menace grave pour l’ordre public, justifiant un éloignement et, dans certains cas, une interdiction de réadmission, en fonction de la gravité de l’infraction».

La publicité que se donne le père de Leonarda Dibrani, ajoutée à la sensibilité extrême des Etats membres concernant le «tourisme social» dans l’Union, me conduit à penser que la fermeté prévaudra, y compris dans le prétoire.

Existe-t-il d’autres cas de fraude à la nationalité dans l’Union européenne?

Hélas oui, et l’on a déjà cité les mariages de complaisance qui sont utilisés ici comme en matière d’immigration normale, même si cela est très réduit. La Commission a réalisé une étude, à laquelle la France n’a pas daigné répondre, qui démontre que le phénomène existe même s’il est résiduel.

Plus surprenant, un certain nombre d’Etats à la recherche de subsides ont même imaginé séduire des investisseurs au moyen de titres de séjour ou vendre des passeports entraînant possession de la citoyenneté européenne. Malte s’est ainsi attiré justement les foudres de la Commission et du Parlement européen pour avoir mis la barre à 650.000 euros (http://www.gdr-elsj.eu/2014/01/27/elsj/les-programmes-nationaux-de-vente-de-passeports-la-citoyennete-europeenne-a-lencan/). Que cet Etat membre ait reculé en fin de compte ne change rien à la réalité prévalant dans près d’une dizaine d’Etats, qui offrent des «visas gold» sous forme de titre de séjours aux investisseurs fortunés ou créateurs d’emplois.

Le cas Leonarda est-il révélateur d’un mauvais fonctionnement de l’Union européenne et plus généralement de failles du droit européen?

Sincèrement, je ne le pense pas. Il faut relativiser les choses en assumant le fait que toute règle de droit provoque malheureusement des comportements de transgression, en Europe comme ailleurs, même si le pragmatisme de ma remarque n’est guère politiquement correct. Aller passer un diplôme médical ou paramédical en Belgique pour contourner la difficulté ou le numerus clausus français relève-t-il d’une inspiration fondamentalement différente de la chasse au passeport de complaisance? Cela mérite débat …

L’exposition médiatique franco-française de l’affaire alliée à son caractère délibérément provocateur explique son retentissement. Quelques remarques de bon sens et constats chiffrés l’éclairent.

D’abord, c’est un fait mesuré par Eurostat, l’Office européen des statistiques, la libre circulation des citoyens de l’Union est beaucoup moins importante que l’immigration ordinaire, moins de 3% de la population de l’Union. Elle est très majoritairement le fait de personnes exerçant une activité professionnelle, et, pour ce qui est des citoyens européens non actifs, les 600.000 étudiants séjournant dans un autre Etat que le leur occupent une place importante, sans parler des retraités.

Dans la plupart des cas, les citoyens européens sont des contributeurs nets au régime de protection sociale du pays d’accueil, c’est-à-dire qu’ils paient davantage de taxes et de cotisations de sécurité sociale qu’ils ne reçoivent de prestations.

Ensuite, la vieille histoire de la poutre et de la paille se vérifie ici une fois encore. Se pencher sur les fraudes et abus divers suscités en matière sociale par les propres citoyens de chaque Etat confirme que la fraude n’a rien de propre au droit européen. L’accusation est ici réelle mais elle ne doit pas faire de l’Europe un bouc émissaire tant elle est circonscrite, tout simplement en raison du faible nombre de personnes concernées. Ce qui ne rend en rien excusables les comportements révélés dans l’affaire Dibrani, qui sont dévastateurs auprès des opinions publiques nationales.

Enfin, et là la réflexion est plus sensible, le lien entre ces pratiques et les élargissements successifs de l’Union est révélateur. La Croatie choisie par M. Dibrani est entrée il y a quelques mois dans l’Union. Qui se souvient de l’esquisse d’un débat public à ce propos? Par ailleurs, la facilité avec laquelle les législations nationales peuvent octroyer des nationalités de complaisance est revendiquée par ces Etats et fondée sur les traités qu’ils ont négociés…

Aussi, comment se plaindre dans le même temps d’un «trop d’Europe» et en fustiger les insuffisances?

Source : Le Figaro

P.S. Voilà ce qui arrive quand on ne fait plus de référendums pour élargir l’UE…

Source: http://www.les-crises.fr/leonarda-contre-hollande-le-match-retour/