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“Moi, censuré par la France pour mes opinions politiques”

Thursday 19 March 2015 at 00:25

L’excellent site Numerama publie aujourd’hui la lettre ouverte du créateur d’Islamic-News.info, censuré par le gouvernement.

Ceci n’implique évidemment aucun soutien de fond aux propos du site, mais seulement à un principe de forme : la liberté d’expression (Charlie toutçatoutça) ne peut être limitée que par la loi, et seul un juge peut déterminer si la loi a été respectée ou non.

Cette affaire montre donc les problèmes soulevés par la loi de 2014, largement dénoncée à l’époque, en particulier sur ce site.

Depuis le début de semaine et l’annonce du blocage du site Islamic-News sur ordre du ministère de l’intérieur, Numerama s’interroge sur la réalité de l’accusation qui vaut au média d’être bloqué pour apologie du terrorisme. Même la presse la mieux informée ne fournit pas d’explication à ce qui pourrait bien être un abus de pouvoir portant atteinte à la liberté d’expression. Un sentiment renforcé par la longue lettre ouverte communiquée en exclusivité à Numerama par le créateur d’Islamic-News.info, et que nous avons choisie de publier telle qu’elle, sans en changer une virgule.

Quelle réponse donner au blocage administratif décidé par le gouvernement français ? Dois-je me lancer dans une diatribe stérile contre cet Etat qui se veut le défenseur de la liberté d’expression lorsqu’il s’agit d’insulter le christianisme et l’islam mais place les verrous lorsqu’il s’agit de s’opposer à sa politique extérieure ? Le choix a été vite fait : je laisse tomber un combat perdu d’avance tout en contestant fermement les accusations. Mais je n’abandonne pas pour autant mon esprit critique.

Pour que mon message soit le plus clair possible, je vais l’articuler en plusieurs points. D’abord lever le voile sur islamic-news.info, ensuite expliquer en quoi la censure est politique.

Le projet Islamic-News

Le site islamic-news.info a été fondé en mai 2013. Je l’ai créé quelques mois après ma sortie de l’université, mon diplôme de droit international public, diplomatique et consulaire en poche. Si j’utilise la première personne pour écrire, ce n’est pas pour rien. Islamic-News.info repose depuis le tout début sur une seule personne. J’ai écrit moi-même la totalité des articles, du premier jusqu’au dernier. Je suis donc le seul responsable et le seul à qui parler pour évoquer islamic-news.info. Aucun groupe, aucune organisation, aucun mouvement n’est derrière le site. Cette précision a toute son importance car elle démontre le mensonge de Bernard Cazeneuve.

En effet, dans un article de FranceTVinfo, Bernard Cazeneuse revenait sur les censures mises en place et déclarait :  « Les cinq premiers sites (dont Islamic-news.info – c’est moi qui cite) sont tous animés par des groupes répertoriés par les services de renseignement et font tous l’apologie du terrorisme. »

Et non monsieur Cazeneuve, aucun groupe n’animait le site islamic-news.info. Aucun groupe ni organisation proche de l’Etat islamique ou d’Al-Qaïda ne l’animait, ni ne le finançait. Le site était dirigé par un seul homme, qui vit en Europe et qui est inscrit légalement sur les registres d’OVH et qui paie avec son propre compte en banque le serveur qu’il loue auprès du numéro 1 français. Aucun cryptage de données n’est utilisé, aucune combine, absolument rien, tout est transparent car il n y a rien à cacher. Je n’avais besoin que de 50 euros par mois pour faire tourner le site et lui donner une allure professionnelle, avec un certain succès d’ailleurs. Des journalistes professionnels m’ont même contacté pour me proposer des articles. Un photojournaliste palestinien de Gaza m’avait offert ses services lors de l’offensive israélienne sur la bande de Gaza, durant l’été 2014. Le nouvel Observateur a cité l’un de mes articles comme source dans la rédaction de l’un de ses billets sur la Syrie. Wikipedia a indexé plusieurs de mes articles comme « références sérieuses ». Bref, pendant près de 2 années, il n y a avait rien à redire. Personne ne trouvait le moindre argument pour démontrer notre illégalité. En 2 ans, j’ai attiré près d’un million de visiteurs uniques. Aucun n’a jamais trouvé élément à contester.

La pertinence des accusations de l’Etat français :

1. Site qui provoque au terrorisme :

Dois-je rire ou pleurer ! Imaginez-vous deux secondes. Un site internet créé en Europe, hébergé en Europe, financé en utilisant mes coordonnées bancaires officielles, avec ma carte d’identité à disposition de l’hébergeur, bref un site totalement transparent qui inciterait ou provoquerait à des actes de terrorisme. Je ne suis pas spécialiste du droit français, mais je sais ce qu’est la provocation au terrorisme, même s’il est difficile de déterminer les limites juridiques du concept. L’incitation ou la provocation au terrorisme n’a aucun sens pour moi, aucun intérêt. Je suis convaincu que mille mots sont plus efficaces que tout acte de violence. C’est ma conviction personnelle. Je n’ai pas étudié 5 années dans l’une des meilleures universitaires européennes pour en sortir « radicalisé » et « assoiffé de sang ». La meilleure manière de prouver cela est de citer un article que j’ai écrit début 2014. J’avais vivement dénoncé les propos d’un combattant en Syrie qui encourageait à commettre des attentats en Europe. J’avais souligné le danger de ce genre de message et ses conséquences néfastes sur la population musulmane en Europe, qui n’a vraiment pas besoin de ça en ces moments. Et cet article je l’ai écrit par conviction personnelle. Bref, appeler les lecteurs à commettre des attentats est impensable, cela dépasse tout bon sens.

2. Le site fait l’apologie du terrorisme :

L’apologie du terrorisme c’est d’abord et avant tout la volonté de montrer « sous un jour favorable » des actes de terrorisme, de les présenter comme « légitimes », voire « nécessaires ». En résumé, c’est défendre les actes de terrorisme commis et se féliciter de leur survenance. Rien, absolument rien, dans ce que j’ai écrit ne fait passer les actes terroristes sous un jour favorable ni ne les légitime. Et puis de quels actes de terrorisme parle-t-on ? Je n’ai pas écrit un mot sur la tuerie de Charlie Hebdo, pas un mot sur les décapitations de l’Etat islamique, pas un mot sur le jordanien brûlé vivant, pas un mot sur les soldats alaouites et chiites massacrés. Bref, j’ai sciemment évité les sujets polémiques qui pourraient être mal interprétés.

En outre, et contrairement à ce qu’avance le ministre de l’intérieur, je n’ai jamais diffusé la moindre vidéo de l’Etat islamique sur mon site. Je ne suis pas idiot. Si je publiai leurs vidéos officielles, je me ferai complice de sa diffusion. Serais-je inconscient à ce point ? Je sais distinguer le légal de l’illégal et je sais où s’arrête la liberté d’expression.

J’aimerai également attirer votre attention sur l’un des articles les plus influents que j’ai écrit. J’avais abordé la question des jeunes européens qui s’engageaient en Syrie pour mener le djihad. J’avais fait un appel public pour qu’ils n’aillent pas se faire tuer pour rien en Syrie dans une guerre qu’ils ne comprennent pas. Mais je ne leur ai pas conseillé d’oublier la Syrie. Au contraire, je leur ai rappelé que 10 millions de réfugiés syriens crèvent de faim et qu’ils feraient mieux d’aider ces réfugiés en récoltant des dons, par exemple, car ce sont eux qui ont le plus besoin de leur aide et non pas les militants de l’Etat islamique. Je crois fermement que les jeunes européens n’ont pas à s’engager militairement en Syrie. Je l’ai écrit, non pas pour faire plaisir aux autorités, mais simplement parce que c’est ma conviction profonde.

Mais alors sur quoi le gouvernement français a-t-il fondé son blocage ? Je pense que la raison est politique. Ma position peut choquer à partir du moment où je vise davantage les opposants de l’Etat islamique plutôt que lui-même. Le fait que je ne critique pas ce groupe constitue pour certain un indice de soutien. Mais cela reste une supposition. D’abord parce que l’Etat islamique n’a certainement pas besoin de moi pour leur propagande. Qu’il se débrouille tout seul, je ne suis pas prêt à me sacrifier pour lui. Et puis je considère que le principal danger en Syrie et en Irak ce n’est pas cette organisation mais c’est l’ingérence iranienne chiite qui profite du chaos pour répandre son influence. Les dirigeants occidentaux sont complices de cette ingérence mais elle les arrange volontiers puisque les Iraniens sont les seuls à accepter d’envoyer des soldats affronter au sol les hommes de l’EI. Que l’on se comprenne bien. L’Etat islamique constitue une menace certaine pour l’occident mais, selon moi, elle n’est rien comparée à l’Iran. En ressort de mes articles une charge sévère contre les chiites iraniens, contre les Kurdes, mais également contre la coalition occidentale en Syrie et en Irak. Autrement dit, je suis davantage « anti » que « pro ». Pour l’Etat français, « les ennemis de mes amis sont mes ennemis », visiblement.

Le journaliste David Thompson m’accuse d’être favorable aux djihadistes qui combattent en Syrie et en Irak. En fait, ma position de départ est simple : je suis radicalement opposé à Bachar al-Assad. Et comme dit plus haut, je suis davantage « anti » que « pro ». Mon opposition viscérale anti-Bachar laisse entendre un soutien à ses opposants, ce qui n’est pas nécessairement vrai. Je m’attaque uniquement à Bachar, et non pas à ses opposants.

Je pense donc que j’ai payé mon engagement politique à la fois contre l’interventionnisme militaire arabo-occidental et chiite dans la région et contre les groupes armés soutenus par les acteurs précités. Ce qui a fait dire au Monde que je suis contre la « propagande chiito-occidentale ». Absolument, je me décris comme un opposant de la propagande chiito-occidentale et il me semble que cela est mon droit de l’être, quitte à ulcérer certains. Être contre cette propagande n’est pas illégal. C’est même la règle du jeu. Cela ne signifie pas non plus un anti-occidentalisme primaire. Les va-t’en guerre aux commandes des Etats occidentaux ne représentent pas l’occident dans sa globalité.

Je suis parfaitement conscients que mes articles ont pu déranger voire même choquer mais il y a une exagération dans ce blocage. Savez-vous qu’il existe des sites qui diffusent du contenu de l’Etat islamique et qui sont toujours libre d’accès en France ? On dira qu’ils sont maintenus ouverts pour les surveiller. Mais je pense que cela cache surtout une autre réalité : l’Etat français ne peut pas s’attaquer aux gros sites par un simple blocage administratif. Il sera pointé du doigt par tout le monde et sera attaqué en justice par les hébergeurs. Mais en revanche bloquer un petit site comme le mien, il l’a fait directement car il savait pertinemment que personne ne s’en rendra vraiment compte et que je n’aurai pas les moyens de leur tenir tête. De plus, personne ne s’indignera. Il a eu raison.

Comme dit en préambule, islamic-news.info c’est fini. Le mal est déjà fait. L’étiquette du « terrorisme » a été déposée et personne ne pourra l’enlever même pas la décision d’un juge. La page Facebook a été supprimée sans aucune raison. Mon compte Facebook personnel est vide, je n’ai jamais rien publié et pourtant il a été supprimé. J’ai fait un appel auprès de Facebook. J’attends leur réponse.

Pour finir, un aspect technique. Le site n’est pas supprimé. Le serveur est simplement down car je n’ai pas réglé à temps la facture. Aussi simple que cela.

Source : Numérama

Quand Le Monde explique pourquoi 5 sites sont bloqués

Ah, Le Monde, toute une histoire…

Le Monde constate que 5 sites ont été bloqués, mais n’a obtenu des explications que pour quatre d’entre eux. Le cinquième est-il censuré uniquement parce qu’il est un “média de contre-information anti-kurde”, selon les termes du quotidien ?

Doit-on considérer comme un fait acquis que les cinq sites internet dont le ministère de l’intérieur a ordonné le blocage sont effectivement des sites “dont le contenu provoque à des actes de terrorisme ou fait publiquement l’apologie d’actes de terrorisme“, comme l’affirme la page officielle vers laquelle sont redirigés leurs visiteurs ? En l’absence d’ordonnance publique ou de jugement sur lequel apparaîtraient les motifs de la décision, l’internaute en est réduit soit à faire confiance aux services de police sur la qualité de leur jugement, soit à vérifier par eux-mêmes en contournant le blocage. Soit à faire confiance aux médias qui tentent de comprendre pourquoi un site de presse est censuré sur ordre de la police française, fut-ce un média islamique engagé.

Par souci d’exercer le rôle de contre-pouvoir reconnu à la presse en démocratie, Numerama a tenté de comprendre pourquoi Islamic-News.info figurait parmi les sites censurés. Mais nous n’avons rien trouvé de probant sur la prétendue apologie d’actes de terrorisme, ni dans les archives publiques du site internet, ni sur la page Facebook censurée à son tour.

Hélas, et à notre grand étonnement, il semble que nous soyons à peu près les seuls à nous préoccuper d’une éventuelle censure abusive, qui confirmerait nos craintes sur les dérives du dispositif placé dans les mains de l’administration au mépris de la séparation des pouvoirs, et en l’absence de toute validation par le Conseil constitutionnel.

Ce mardi, Le Monde apporte des bribes d’explication sur le blocage des cinq sites internet (jihadmin.com, mujahida89.wordpress.com, is0lamnation.blogspot.fr, alhayatmedia.wordpress.com et islamic-news.info). Mais il le fait d’une bien étrange manière. Ainsi le quotidien rapporte que les cinq sites sont “deux portails d’audience nationale et internationale (qui) côtoient deux blogs amateurs, dont un déclaré inactif par son auteur depuis début mars, et un média de contre-information anti-kurde“. Ce dernier est bien Islamic-News.info. Mais à la question “que leur reproche le ministère de l’intérieur”, voici la réponse du Monde : “Essentiellement d’héberger du contenu djihadiste. L’un de ces sites publie la traduction d’un discours d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’Etat islamique. Deux autres sites permettent de télécharger le magazine d’Al-Qaida, Inspire. Le quatrième relaie des vidéos de propagande de l’EI“. Aucune explication n’est fournie sur le cinquième site censuré.

Il faut espérer que ce ne soit pas uniquement parce qu’il s’agit d’un “média de contre-information anti-kurde“, ce qui serait un cas flagrant de censure politique. Mais hélas, personne à notre connaissance n’a su pour le moment présenter la moindre preuve de ce que Islamic-News.info diffusait effectivement du contenu qui “provoque à des actes de terrorisme ou fait publiquement l’apologie d’actes de terrorisme”. 

Faut-il donc fermer les yeux et accepter cette accusation comme un fait établi ?

Voir l'image sur Twitter

Source : Numérama

Islamic-News perd aussi sa page Facebook. Mais pourquoi ?

Ayant été classé par le ministère de l’intérieur parmi une première liste de sites faisant l’apologie du terrorisme, Islamic-News.info a été bloqué par les FAI, sans décision de justice. Mais le média islamique a également perdu son hébergeur OVH, son compte Twitter et sa page Facebook. Sans qu’aucune preuve des accusations ne soit apportée. Un site polémique ? Oui. Choquant ? Probablement. Illégal ? C’est moins sûr.

Il aura donc suffi d’un ordre de la police française, sans passer par l’avis d’un juge indépendant, pour faire disparaître tous les moyens de communication en ligne du site Islamic-News.info, qui disait publier “l’essentiel de l’actualité dans le monde musulman“. Selon nos constatations, la page Facebook du site qui avait réuni plus de 40.000 “j’aime” a été supprimée mardi, alors qu’elle était toujours ouverte (mais inactive) après la décision du ministère de l’intérieur d’exiger le blocage du site d’information islamique, accusé de faire l’apologie d’actes de terrorisme ou de provoquer à des actes de terrorisme (une accusation grave que nous n’avons pas réussi à confirmer).

Auparavant, le compte Twitter et l’hébergement du site sur OVH avaient également été suspendus, les plateformes et intermédiaires techniques craignant certainement d’être accusés de complicité d’apologie du terrorisme s’ils continuaient à fournir à Islamic News les moyens de s’exprimer. Personne ne répond par ailleurs ce mardi à l’adresse e-mail hébergée par Outlook (donc Microsoft), peut-être à son tour désactivée.

Dans les publications que nous avons pu consulter sur la page Facebook d’Islamic News, encore visibles en cache au moment où nous écrivons ces lignes, aucun message ne fait explicitement l’apologie du terrorisme ou appelle les lecteurs à commettre des attentats.

Dans leurs commentaires des conflits arabes, les animateurs du site se montrent sans ambiguïté d’une grande véhémence contre ce qu’ils appellent les “terroristes kurdes” du YPG (Unités de Protection du peuple kurde), qui combattent les forces de l’Etat Islamique, et ils dénoncent “la barbarie de ces criminels racistes envers les civils arabes sunnites“. Le site affiche aussi ses positions pro-palestiniennes et s’en prend donc à Israël, qu’il appelle “l’entité sioniste”, reprenant ainsi une terminologie employée par l’Iran.

CENSURE LÉGALE OU ACTE DE GUERRE ?

Mais même s’il ne condamne pas leurs exactions, jamais dans ce que nous avons pu lire Islamic News n’appelle quiconque à tuer les forces opposées à l’Etat Islamique, et encore moins à abattre des civils. La frontière qui sépare l’opinion politique choquante mais légale, et l’apologie illicite du terrorisme, a-t-elle réellement été franchie par Islamic News ? A cet instant, à notre connaissance, rien ne nous permet de le confirmer.

Or si réellement Islamic News est accusé à tort et ne bénéficie pas de la protection d’un juge (procédure administrative oblige), nous serions là en présence d’une forme moderne de censure politique ordonnée par intérêt stratégique et patriote, et non d’une censure légitime fondée sur l’état de droit. C’est exactement ce que nous avions redouté en écoutant l’ouverture des débats parlementaires sur la loi anti-terrorisme de 2014, où les mots “nous sommes en guerre” avaient été répétés à l’envi pour justifier des mesures d’exception.

Il n’est pas de guerre sans propagande de guerre, où chaque camp défend sa conviction d’être dans celui du bien et de combattre le camp du mal. Il faut mobiliser ses troupes et faire accepter à son peuple les efforts de guerre. Les pertes de libertés en font partie“, avions-nous prévenu. “Il n’est pas non plus de propagande de guerre sans contre-propagande. Il faut répondre avec force à la propagande de l’adversaire. Or au 21ème siècle, cela consiste notamment à contrôler les réseaux sociaux que peut utiliser l’ennemi, et à bloquer l’accès aux sites web qui leur permettent de faire connaître non seulement leurs actes de guerre les plus atroces, mais aussi leurs motivations qui peuvent apporter des nuances que le manichéisme d’une guerre ne saurait tolérer.”

Source : Numérama

10 problèmes posés par la censure d’Islamic-News.info

En ordonnant la censure d’Islam-News.info sur simple décision administrative, le Gouvernement a donné raison à ceux qui craignaient que le dispositif introduit par la loi anti-terrorisme de 2014 soit utilisée abusivement.

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  1. Ce blocage, que nous voulons ciblé et limité au strict nécessaire“, avait promis Bernard Cazeneuve lors de l’ouverture des débats parlementaires le 15 septembre 2014. Mais est-ce vraiment “ciblé et strictement nécessaire” que de bloquer sans jugement contradictoire l’accès à un site internet de presse ainsi accusé de faire l’apologie du terrorisme, ce qu’il dément ? Nos quelques recherches dans le cache de Google ou sur la page Facebook du site n’ont pas permis de trouver de contenus mis en en ligne par Islamic-News qui appelleraient à commettre des actes terroristes ou se féliciteraient d’attentats commis ou projetés.
  2. Cela ne veut pas dire que des contenus illicites n’existent pas, mais la démocratie ne devrait pas imposer de faire confiance à la police sur la qualité de ses propres jugements. La démocratie impose la transparence. Chaque citoyen doit pouvoir vérifier le bien-fondé des décisions prises en son nom, or en l’espèce le blocage n’est pas motivé par la moindre décision publique. Il est affirmé sur la page de redirection que le contenu d’Islamic-News “provoque à des actes de terrorisme ou fait publiquement l’apologie d’actes de terrorisme“, mais sans que le moindre début de preuve soit apporté. Or l’internaute ne peut pas lui-même vérifier, sauf à contourner le blocage qui l’empêche de vérifier le bien-fondé de l’accusation.
  3. Lors des débats parlementaires, le ministre avait affirmé que les sites bloqués seraient des sites dont l’illégalité ne ferait aucun doute. Or l’illégalité de Islamic News ne semble pas être de la première des évidences. C’est bien pour cela que le rôle du juge est primordial, et que l’on craint que ce soit aussi pour cela que le juge est contourné. Garant des libertés, il aurait peut-être jugé que le site exerçait son droit à la liberté d’expression, fut-ce pour proférer des opinions choquantes qui déplaisent au Gouvernement, ou qui sont contraires à ses intérêts stratégiques.
  4. Pour justifier le recours aux ordres de police plutôt qu’à la justice, le Gouvernement avait argué de la nécessité d’aller vite pour contrer la propagande lorsqu’elle apparaissait sur Internet, sans subir la lenteur judiciaire. Mais Islamic News était en ligne depuis 2013. Où était l’urgence de faire fermer ce site en particulier, en se passant y compris d’une procédure de référé, accomplie en quelques jours à peine ?
  5. Rappelons que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) estime que “l’essence de la démocratie tient à sa capacité à résoudre des problèmes par un débat ouvert” et que “des mesures radicales de nature préventive visant à supprimer la liberté de réunion et d’expression en dehors des cas d’incitation à la violence ou de rejet des principes démocratiques – aussi choquants et inacceptables que peuvent sembler certains points de vue ou termes utilisés aux yeux des autorités, et aussi illégitimes les exigences en question puissent-elles être – desservent la démocratie, voire, souvent, la mettent en péril“. Tout le problème est de savoir si Islamic News incitait effectivement à la violence, ce qui n’est pas publiquement démontré.
  6. Dans son étude d’impact, le Gouvernement justifiait la nécessité d’un blocage administratif par le fait que “la grande majorité des sites faisant l’apologie du terrorisme et provocant à une radicalisation, à l’instar des sites pédopornographiques, sont hébergés à l’étranger“. En l’espèce, Islamic-News était hébergé en France par OVH. L’hébergeur n’a pas été sollicité, faute pour Islamic-News d’avoir signalé publiquement dans des mentions légales qu’il était hébergé chez ce prestataire (ce qui pouvait néanmoins se vérifier très facilement, le ministère de l’intérieur ayant préféré ne pas diligenter la moindre enquête).
  7. Le recours gracieux ou le recours hiérarchique seront réputés rejetés en l’absence de réponse dans les deux mois. Il suffira donc que les services du ministère de l’intérieur gardent le silence pour conserver le blocage sans avoir à s’en expliquer. La seule possibilité pour le site en cause sera d’attendre l’expiration des deux mois pour introduire un recours au fond devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ou de tenter une procédure de référé-liberté.
  8. Le blocage administratif des sites d’apologie du terrorisme a été imposé dans la loi sans vérification par le Conseil constitutionnel, alors que l’examen de sa jurisprudence ne permet absolument pas de prédire son approbation. S’il a validé le blocage des sites d’images pédophiles sur ordre policier, c’est sur la base d’un constat objectif : la présence d’images pornographiques impliquant des enfants. L’apologie du terrorisme est en revanche un sujet beaucoup plus subjectif, qui impose certainement l’examen judiciaire.
  9. Sur le fond, le blocage du site est un signe de faiblesse de la part de la France, qui n’a pas suffisamment foi dans la force de conviction de ses propres arguments, et se sent obligée à la fois de payer Google pour faire connaître ses arguments, et de censurer les sites de ses adversaires. Or ce n’est certainement pas en démontrant ainsi sa faiblesse que l’on combat le mieux le terrorisme, qui puisera de la force dans cette censure.
  10. En redirigeant les internautes vers une page d’accueil sous son contrôle, le ministère de l’intérieur se donne les moyens de connaître les adresses IP de tous les internautes qui demandent à visiter ces sites, potentiellement au mépris de la liberté d’opinion. Nous attendons des précisions du Gouvernement sur la politique de conservation des données de connexion, et leur éventuelle exploitation.

Source : Numérama

“Nous sommes en guerre”, ou comment légitimer la censure de l’ennemi

Lundi soir lors de l’ouverture des débats sur le projet de loi de lutte contre le terrorisme, qui prévoit notamment la censure sur ordre de l’Etat des sites faisant l’apologie du terrorisme, les députés ont justifié la mesure par l’état de “guerre” dans laquelle la France serait plongée. Ou comment le blocage doit servir à la contre-propagande de guerre. 

Nous sommes en guerre“. Lors de la discussion générale à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de lutte contre le terrorisme présenté par Bernard Cazeneuve, l’expression est revenue lundi soir à de nombreuses reprises, pour justifier les mesures d’atteintes aux libertés prévues par le texte. Si la formule a surtout été prononcée par la droite de l’hémicycle, le gouvernement et la majorité ne l’ont pas contestée, loin s’en faut. Les débats doivent donc reprendre ce mardi soir, dans une inquiétante ambiance belliqueuse de renoncement à nos propres valeurs, signe ultime de la victoire du terrorisme qui, par la peur, parvient à faire reculer les libertés.

Monsieur le ministre, notre pays est en guerre“, entama ainsi le député UMP Eric Ciotti. “Notre pays est en guerre contre le terrorisme et contre l’expression qu’il revêt aujourd’hui : celle du fanatisme religieux et de l’extrémisme, celle qui arbore le visage de l’État islamique. (…) Face à cette situation de guerre, nous devons manifester notre unité“.

Pierre Lellouche (UMP) jugeait en effet la situation similaire à la première guerre mondiale. “Seule s’impose, comme ici même il y a un siècle, l’union sacrée de toute la représentation nationale, de tous les républicains, face à ce qu’il faut bien appeler une guerre. Cette guerre nous est imposée par une frange fanatique du monde musulman“. “Il nous faut prendre conscience que nous n’en sommes qu’au début de cette guerre“, a-t-il même ajouté.

On vient de nous déclarer la guerre. La France, unie autour de son président et de son gouvernement, unie autour de son assemblée, saura y répondre“, promettait à son tour Alain Tourret, député radical du Calvados.

Des formules similaires ont été prononcées par les députés UMP Guillaume Larrivé (“Un ennemi nous a déclaré la guerre. Cet ennemi, il faut le nommer, il faut le regarder pour ce qu’il est, il faut le combattre : c’est l’islamisme radical armé, le djihadisme, qui veut détruire, par la terreur la plus barbare, nos sociétés démocratiques“), Jacques Myard (“La réalité est simple et tragique, comme l’Histoire : nous sommes en guerre“), Thierry Mariani (“La France peut considérer qu’elle est en guerre contre le terrorisme“), ou encore Xavier Bertrand (“Nous sommes en guerre. Nous sommes en guerre contre le terrorisme, nous sommes en guerre contre le terrorisme djihadiste“).

“SAVOIR SUSPENDRE LES LIBERTES DEMOCRATIQUES”

Ainsi les choses sont claires. Il n’est pas de guerre sans propagande de guerre, où chaque camp défend sa conviction d’être dans celui du bien et de combattre le camp du mal. Il faut mobiliser ses troupes et faire accepter à son peuple les efforts de guerre. Les pertes de libertés en font partie.

Il n’est pas non plus de propagande de guerre sans contre-propagande. Il faut répondre avec force à la propagande de l’adversaire. Or au 21ème siècle, cela consiste notamment à contrôler les réseaux sociaux que peut utiliser l’ennemi, et à bloquer l’accès aux sites web qui leur permettent de faire connaître non seulement leurs actes de guerre les plus atroces, mais aussi leurs motivations qui peuvent apporter des nuances que le manichéisme d’une guerre ne saurait tolérer.

Alain Tourret l’expliquait très bien lundi soir, en convenant qu’il fallait “suspendre des libertés démocratiques” au nom de cette guerre contre les terroristes. “Je n’ai pas dit « supprimer », j’ai dit « suspendre » ! Nous avons su, dans notre histoire, suspendre à un moment donné les libertés démocratiques. Celles-ci, en effet, ne peuvent pas avoir le même contenu en temps de paix et en temps de guerre. Or la guerre nous a été déclarée.”

C’est aussi l’avis de Philippe Goujon (UMP). “Puisque la guerre a lieu aussi sur internet, la responsabilisation des hébergeurs de sites quant aux contenus publiés ainsi que la procédure de blocage prévue par ce projet de loi démontrent qu’internet ne saurait constituer une zone de non-droit (…) Ne laissons subsister aucune faille dans notre arsenal juridique pour gagner la guerre contre le terrorisme et la barbarie“.

C’est le député Alain Marsaud (UMP) qui laissa le plus éclater la franchise, dans un discours qui a gêné jusqu’à son propre camp. Il reprocha au ministre Bernard Cazeneuve d’avoir cherché à expliquer “que vous n’étiez pas en train de vous asseoir sur les libertés individuelles et les libertés publiques“, alors que “ce n’est pas là le procès que nous vous ferons, bien au contraire !“.

Vous m’invitez à m’asseoir sur les libertés pour faire en sorte que la sécurité soit assurée dans notre pays. Tant que ce gouvernement sera en situation de responsabilité et que je serai ministre de l’intérieur, ce ne sera jamais le cas“, lui répondit Bernard Cazeneuve. En ne convaincant que les quelques députés présents dans l’hémicycle.

Source : Numérama, 09/2014

Source: http://www.les-crises.fr/moi-censure-par-la-france-pour-mes-opinions-politiques/