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Paul Moreira donne une vision déformée du conflit ukrainien, par Benoît Vitkine

Thursday 4 February 2016 at 03:15

Source : Le Monde, Benoît Vitkine, 31-01-2016

Tomber les masques, révéler au grand jour ce que les médias auraient passé sous silence  : le rôle de l’extrême droite dans la révolution de Maïdan et son emprise sur l’Ukraine post-Maïdan. Voilà l’ambition affichée par le film de Paul Moreira, Ukraine, les masques de la révolution, qui part d’un constat ou plutôt, dit-il, d’« une légère sensation de [s’]être fait avoir ». Il va donc lever le voile.

Mais, au lieu de faire tomber les masques, le documentariste chausse des lunettes déformantes. Pravy Sektor, Azov, Svoboda… Moreira fait de ces groupes d’extrême droite les artisans de la révolution, lorsqu’ils n’en étaient que l’un des bras armés. Il les présente comme une force politique majeure, quand leurs scores électoraux sont dérisoires.

Odessa en Ukraine. PREMIÈRES LIGNES

Il en fait également les nouveaux maîtres de la rue ukrainienne, qui ne tardent pas à se transformer – sans qu’on comprenne bien pourquoi – en milices lourdement armées. Moreira nous emmène, par exemple, dans « un hangar où l’on fabrique une nouvelle génération de chars ». Il s’agit, en réalité, d’un atelier où l’on retape les rares blindés, vieux et cabossés, que Kiev a fini par ­offrir sur le tard à différents ­bataillons de volontaires, après qu’ils ont subi de lourdes pertes au front.

Le documentaire élude aussi toute analyse nuancée du nationalisme ukrainien et de ses ressorts, amalgamant nationalisme, extrême droite et néonazisme. Au sein même des groupes que ­Moreira étudie, les néonazis constituent une minorité.

Allusions mystérieuses

Il y a surtout une grande absente : l’agression russe contre l’Ukraine. Il faut attendre le milieu du film pour que soit évoquée, en quelques minutes, la guerre dans le Donbass. Celle-ci explique pourtant la radicalisation d’une partie de la population ukrainienne et le fait que Kiev ait dû se résoudre à armer des bataillons de volontaires. L’annexion par la force de la Crimée est, elle, balayée d’une phrase  : « Après la révolution ukrainienne, sa population a massivement voté par référendum son allégeance à la Russie. »

A la place, en guise d’analyse géopolitique, des allusions mystérieuses aux petits pains distribués sur Maïdan par la sous-secrétaire d’Etat américaine, ­Victoria Nuland, ou à la présence à Kiev, à l’occasion d’une conférence organisée depuis de longues années, de responsables de la CIA ou de militaires américains. Le propos se fait elliptique, mais le tableau prend forme. Pour Moreira, si Washington a fermé les yeux sur l’installation d’un nouveau fascisme en Ukraine, c’est au nom de la lutte contre la Russie de Vladimir Poutine, et pour installer au pouvoir « des ministres pro-business” ».

Dans cet océan de partis pris idéologiques, d’inexactitudes et de distorsions, une séquence sonne à peu près juste : celle consacrée aux événements du 2 mai 2014 à Odessa, au cours desquels 42 manifestants prorusses moururent brûlés vifs en marge d’affrontements avec les pro-ukrainiens. Même s’il surestime le rôle de Pravy Sektor et distribue de façon un peu trop péremptoire les responsabilités dans le drame, le film fait œuvre salutaire en s’étendant longuement sur cet épisode souvent négligé de l’après-Maïdan.

Pour le reste, le rôle de chevalier blanc que s’arroge Paul Moreira, en prétendant dévoiler des vérités passées sous silence, ne tient pas. L’expérimenté documentariste s’est attaqué à un sujet réel. Il a choisi de « regarder par lui-même », nous dit-il. Mais n’a vu que ce qu’il voulait voir, remplaçant les ­masques par des œillères.

Source : Le Monde, Benoît Vitkine, 31-01-2016

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Du coup, les Ukrainiens se croient autorisés à faire comme chez eux :

 

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Réponse à Paul Moreira

Source : Blog Mediapart, Anna Colin Lebedev, 1-02-2016

Paul Moreira a réagi dans son blog à certaines des critiques faites à son film « Ukraine, les masques de la révolution » par Benoît Vitkine dans Le Monde, dans le billet du Comité Ukraine sur le site de Libération et ici même sur ce blog. Voici notre réponse et, nous l’espérons, quelques éclairages sur les sujets déformés par le documentaire.

Paul Moreira a réagi  dans son blog à certaines des critiques faites à son film « Ukraine, les masques de la révolution » par Benoît Vitkine dans Le Monde, dans le billet du Comité Ukraine sur le site de Libération et ici même sur ce blog.

Nous le remercions pour sa réponse qui se place sur le terrain constructif de la discussion sur les faits et les sources, plutôt que sur celui, stérile, de la dénonciation. Nous sommes prêtes à passer sur l’oubli de l’une des coauteures dans son commentaire ; nous sommes même prêtes à passer sur la qualification de « blog militant », destinée à discréditer, au nom de sa soi-disant politisation excessive notre argumentaire en faisant l’impasse sur un travail de recherche de plusieurs années sur le terrain ukrainien. Notre réponse aura donc la lourdeur d’un texte universitaire, mais c’est le prix à payer pour ne pas s’en tenir à des analyses taillées à coup de hache.

Si Paul Moreira éprouve tant de difficultés à répondre à nos critiques, c’est bien en raison de sa méconnaissance de l’Ukraine, au-delà des clichés. Nous répondrons en donnant quelques éléments d’éclairage sur le drame d’Odessa, la question ethnique et linguistique dans le conflit, les bataillons armés et la menace qu’ils représentent pour l’Etat ukrainien.

Le drame d’Odessa était-il un massacre de Russes d’Ukraine par des milices nationalistes ?

Alors que l’enquête est inachevée, le journaliste nous en donne déjà le verdict au terme de son investigation. « 45 Ukrainiens d’origine russe sont morts dans l’incendie d’un bâtiment provoqué par les cocktails Molotov de milices nationalistes ukrainiennes ».

Non, ce ne sont pas des « Ukrainiens d’origine russe », des « Russes d’Ukraine » ou des « russophones » qui ont été les victimes de la tragédie d’Odessa (qu’on ne qualifie effectivement pas de massacre, car seule l’enquête pourra juger de l’intentionnalité meurtrière).

Noooooooon, M. Moreira, c’était tous des Guatémaltèques !!!

Odessa est une ville plutôt russophone, avec une population mélangée depuis des siècles et un fort sentiment de spécificité, irréductible à l’allégeance à l’Ukraine ou à la Russie. L’affrontement de 2014 consécutif  au Maïdan kiévien a opposé des partisans de la révolution (majoritairement russophones) et ses adversaires (majoritairement russophones). Les victimes auraient été des Russes, clame Moreira dans sa réponse, et c’est ce qui expliquerait l’omerta dont l’enquête ferait l’objet. Pour lui répondre, laissons une fois de plus la parole à Tatiana Guerassimova, dirigeante du « Groupe du 2 mai », ONG odessite qui milite pour une enquête indépendante sur le drame et dont les membres sont des journalistes présents sur les lieux au moment du drame, des intellectuels, des universitaires et mêmes des anciens de la police scientifique. Interrogée par Ioulia Shukan, elle répond : « C’est une drôle de manière de poser la question. En Ukraine, l’appartenance ethnique n’apparaît pas dans les papiers d’identité et nous ne savons pas à quel groupe ethnique appartenaient les victimes. Nous n’avons pas et n’avions pas de conflit ethnique et des personnes très différentes étaient présentes dans la Maison des syndicats [où les victimes ont péri]. Par exemple, Anatoli Kalin [l’une des victimes] était un adepte fervent des chemises brodées ukrainiennes et sa femme joue de la bandura [instrument traditionnel ukrainien] dans un groupe de musique. Alors que Igor Ivanov, l’un des [ultranationalistes de] Pravy Sektor n’est pas Ukrainien ».

Paul Moreira persiste aussi à ignorer les conclusions de deux enquêtes dont le sérieux ne fait guère de doute.

A l’évidence, elle n’a pas vu le reportage….

Il s’agit tout d’abord de l’enquête du « groupe du 2 mai » mentionné plus haut et qui a réalisé de nombreuses expertises à la Maison des syndicats, conduit des heures d’entretiens avec des représentants des deux côtés, des témoins, des familles de victimes, collecté et analysé des centaines de vidéos professionnelles et d’amateurs. La seconde enquête est celle du Conseil de l’Europe qui s’appuie, elle aussi, sur des matériaux réunis sur place.

Les deux enquêtes restituent avec finesse le contexte qui précède l’incendie, en pointant l’usage des armes à feu, dès les débuts des affrontements, par les deux camps. Elles soulignent que ce sont bien les tirs de l’un des membres des groupes armés pro-russes — Vitaliï Boudko alias Botsman— qui ont fait les premiers morts dans les rangs des pro-Ukrainiens, Igor Ivanov, évoqué précédemment, et Andreï Biroukov. Du côté des pro-Russes, trois personnes sont tombées dans ces affrontements de rue.

Très drôle, c’est exactement ce qu’a montré Moreira, dans une enquête sur Odessa remarquable !

Les deux enquêtes mettent en exergue l’inaction des responsables policiers qu’il s’agisse des hauts gradés qui ont refusé de mettre en œuvre un plan anti-émeute pour séparer les parties en présence,  ou des agents de police déployés sur le terrain qui ne sont pas intervenus pas et ont laissé faire. Elles mettent également en évidence l’inaction des services de pompiers dont le standard a enregistré les alertes téléphoniques au sujet des incendies à la Maison des syndicats sans cependant y donner suite.

Les deux enquêtes sont enfin très explicites sur la qualification de l’incendie : il s’agit d’un accident dont les responsabilités sont partagées. À la page 13 du rapport du Conseil de l’Europe, on peut ainsi lire que « l’expertise médico-légale a établi cinq foyers de feu répartis entre le hall, dans les escaliers de gauche et de droite entre le rez-de-chaussée et le 1er étage, dans une pièce du 1er étage, ainsi que sur le palier entre le deuxième et le troisième étage. À l’exception du foyer dans le hall, les départs de feu dans d’autres endroits ne pouvaient résulter que des activités de personnes réfugiées à l’intérieur du bâtiment. L’expertise ne permet pas d’affirmer que ces départs de feu aient été causés de manière intentionnelle. Les portes fermées et l’effet d’aspiration dans la cage d’escalier ont contribué à une rapide propagation du feu à des étages supérieurs et surtout à l’augmentation extrême des températures à l’intérieur du bâtiment ». Au final, 42 personnes — et non 45 comme Paul Moreira s’entête à l’affirmer — ont péri à cause de l’incendie. 34 ont été asphyxiées à l’intérieur du bâtiment et 8 sont mortes des suites de leur chute alors qu’elles cherchaient à échapper aux flammes.

Le drame d’Odessa n’a sans doute pas reçu l’attention médiatique qu’il méritait. Les 43 morts de la Maison des syndicats sont sortis pendant longtemps du viseur médiatique, ajoutés à la longue liste des quelques 9000 victimes de ce conflit armé. Si les victimes d’Odessa auront toutes un nom et une histoire, des milliers de civils tués dans le conflit n’auront jamais ce privilège.

Civils tués pour la grande majorité par l’armée ukrainienne du nouveau pouvoir démocrate, mais chuuuuuuuuuuuuut

Un affrontement ethnique et linguistique ?

Le conflit ayant conduit au drame n’était pas ethnique ou linguistique mais politique, ce que ce blog a souligné à plusieurs reprises dès 2014. « Pour comprendre le conflit, il faut savoir une chose, explique le film. En Ukraine, il n’y a pas que des Ukrainiens, il y une énorme population russe. » Non, contrairement à ce qu’affirme d’une manière abrupte Paul Moreira, cela ne nous aide pas à comprendre le conflit. Si la société ukrainienne est effectivement diverse dans sa composition ethnique et ses préférences linguistiques, aucun signe de sécessionnisme ou de conflits interethnique n’était perceptible avant l’instrumentalisation par le pouvoir russe de l’argument du « soutien aux populations russes » pour justifier son intervention et dresser le Donbass contre Kiev. La confusion entre Russes et russophones est soigneusement entretenue par Moscou et le film se laisse facilement prendre à ce piège.

Avant surtout que des milices d’extrême-droite chassent le président démocratiquement élu, surtout par les ukrainiens de l’Est, et que le pouvoir les chatouille en voulant supprimer le statut de leur langue – il y a des symboles qui se payent cash…

La question linguistique a effectivement été utilisée dans le conflit, ainsi que Paul Moreira le souligne justement dans sa réponse. Oui, le vote par le parlement ukrainien du retrait au russe et à toutes les autres langues minoritaires de leur statut de langues régionales (pouvant être utilisées par les instances étatiques en parallèle de l’ukrainien) a été interprété par les populations de l’Est du pays comme une attaque contre eux. La loi n’a jamais été promulguée par le président, mais le mal était fait. La réputation d’anti-russophones a collé au pouvoir issu du Maïdan… une révolution en grande partie russophone et un gouvernement comptant plusieurs ministres ne parlant pas ukrainien. « A l’Est du pays, une grande partie de la population ne parle que le russe », dit le film. C’est faux : les enquêtes comme celles du Centre Razumkov et les travaux de chercheurs montrent que l’Ukraine est un pays bilingue, où plus de 90% de la population comprend les deux langues, mais où la majorité a une langue de préférence. De plus, le clivage n’est pas seulement régional mais bien plus complexe : les campagnes de l’Est sont souvent plus ukrainophones que les villes ; les jeunes souvent beaucoup plus ukrainophones que leurs aînés. Depuis le dernier billet de ce blog sur la question, la situation n’a pas beaucoup changé.

Les groupes armés pro-ukrainiens : de quoi parlons-nous ?

Paul Moreira se dit, dans sa réponse, préoccupé du devenir des groupes armés ultranationalistes après la fin du Maïdan. Comme nous l’affirmions dans notre premier billet, c’est une question fondamentale et un objet d’investigation majeur pour les chercheurs comme pour les médias. Cependant, cette question ne peut être analysée en dehors du contexte du conflit armé qui a donné naissance aux bataillons et donné une légitimité nouvelle à des discours patriotiques et à tous leurs avatars.

En effet, l’Ukraine que Paul Moreira a découverte avec le Maïdan a profondément changé au cours de ces deux dernières années. Une société qui n’a pas connu de conflit armé sur son territoire depuis la fin de la deuxième guerre mondiale s’est retrouvée agressée sur son territoire par la Russie, puis plongée dans un conflit dans lequel le Kremlin a nourri les peurs, puis encouragé, armé et dirigé une insurrection armée à l’Est. Aucune étude sérieuse ne conteste aujourd’hui le poids déterminant du pouvoir russe dans l’insurrection et la guerre du Donbass. L’Ukraine n’est pas devenue russophobe pour autant, contrairement à ce que prétendent les analyses simplistes ; elle est en revanche clairement kremlinophobe.

Des groupes armés issus du Maïdan ou des mouvements pro-révolutionnaires locaux ont commencé à s’organiser un peu partout dans le pays pour empêcher la propagation des insurrections anti-Kiev nourries par la Russie. A l’automne 2014, on comptait déjà une grosse trentaine de bataillons volontaires, composés d’hommes et de femmes de toutes les régions, de toutes les origines et de toutes les obédiences politiques. Azov et Pravy Sektor étaient de ces batillons ; Svoboda ne s’est par contre jamais rattaché à un bataillon spécifique, mais il semble que beaucoup de ses membres aient rejoint les bataillon Kyiv-2 ou Sych dont l’un des membres a lancé une grenade sur le parvis du Parlement fin août 2015. La relation à l’idéologie dans ces bataillons mériterait une étude spécifique : tous les observateurs pointent ainsi une très grande diversité des appartenances politiques et des opinions au sein d’un même bataillon. Ainsi, témoigne Stéphane Siohan au cours d’une enquête auprès du bataillon Aidar en février 2015, un antisémite virulent et un Juif étudiant la Torah le soir se sont ainsi retrouvés voisins de chambrée sur le front; des situations comparables pouvaient être observées dans d’autres bataillons.  Cette insensibilité idéologique ne peut être comprise que dans le contexte de la révolution et de la guerre où ces préférences idéologiques ont pu être reléguées au second plan dès lors qu’il s’agissait de faire face à un ennemi commun. De fait, ce sont les bataillons volontaires, équipés et nourris par les bénévoles et les milieux d’affaires, qui ont remplacé l’armée officielle dans les premiers mois de la guerre. Oui, « ils ont abandonné bâtons et boucliers en bois et manipulent maintenant de vrais fusils ». Encore faut-il expliquer pourquoi. Paul Moreira dit bien dans le documentaire que si les bataillons ont acquis cette importance, c’est du fait de la faiblesse et de la désorganisation de l’armée ukrainienne, mais il ne s’attarde pas sur le contexte spécifique de la guerre et ses conséquences. Si les bataillons « n’ont jamais rendu les armes », comme l’affirme à juste le titre le journaliste, c’est parce qu’une guerre est toujours en cours.

Les bataillons, quelle menace pour l’Etat ukrainien ?

Sommes-nous ici en train de chercher des excuses aux mouvements ultranationalistes, de pinailler sur les nuances allant du « néo-nazi brun-foncé au beige clair du nationalisme », comme le suggère Paul Moreira dans sa réponse ? Bien au contraire.

Dès l’été 2014, l’Etat ukrainien a cherché à reprendre contrôle des bataillons volontaires en les intégrant aux forces armées régulières. En effet, ces bataillons que l’Etat ne finançait pas et ne contrôlait pas vraiment commençaient à constituer une menace pour son autorité et une gêne pour la conduite stratégique de la guerre dont ils représentaient pourtant la force principale. L’essentiel des bataillons a rejoint le Ministère de la Défense ; le bataillon Azov n’a pas été intégré à l’armée mais à la Garde Nationale qui relève du Ministère de l’Intérieur (encore une erreur factuelle du film) et Pravy Sektor est le seul à s’être maintenu comme un électron libre. Ses combattants ne sont aujourd’hui ni reconnus, ni soutenus, ni financés par l’Etat.

Les bataillons sont composés, depuis janvier 2015, de soldats sous contrat (dont beaucoup d’anciens combattants volontaires, mais aussi de nouvelles recrues) et de soldats mobilisés au cours de plusieurs vagues de conscription.   Même intégrés dans les forces armées étatiques, ces bataillons continuent pourtant à poser problème à l’Etat. Si ce dernier est effectivement parvenu à reprendre le contrôle du recrutement et de la gestion des combattants, le ravitaillement des corps armés reste encore en partie dépendant des financements privés, des dons et du travail des bénévoles et la question du degré de contrôle étatique reste toujours ouverte, notamment lorsque des commandants charismatiques (Biletski mentionné dans le film, mais aussi d’autres) restent en fonction. L’enquête de Paul Moreira échoue, hélas, à nous apporter des réponses à ce sujet.

Reste aussi à solder les arriérés des premiers mois d’une guerre conduite par des combattants mal formés et souvent livrés à eux-mêmes. Une  question a fait ainsi couler beaucoup d’encre des deux côtés de la ligne de front : celle des exactions et violations des droits de l’homme commises par certains bataillons. Le sujet n’est plus tabou en Ukraine, en dépit du grand respect que la population a pour ses combattants, et a été abordé dans plusieurs rapports des organisations des droits de l’homme. Tout en soulignant que l’échelle et la nature violences rapportées côté ukrainien sont sans commune mesure avec les exactions commises par les pro-séparatistes, un rapport conjoint Centre de Libertés Civiques (CCL)-FIDH 2015 fait le point sur les cas aujourd’hui recensés.  De nombreuses poursuites en justice ont été lancées contre les combattants ukrainiens soupçonnés de violence à l’égard des civils. Ce ne sont toutefois pas les bataillons idéologiquement les plus orientés qui sont principalement dans le viseur de la justice, mais d’autres moins « marqués », comme Aïdar ou Tornado dont plusieurs dizaines de membres ont été accusés d’enlèvements, d’extorsion ou de torture. Aucun fait de haine raciale n’a été mis à jour. Aveuglement de l’Etat qui épargne ses éléments les plus extrémistes dans cette guerre ? Pourquoi pas et c’est une hypothèse, mais le film de Paul Moreira n’apporte aucun élément tangible qui nous permette d’en savoir plus.

Il ne dit rien non plus de la place du nationalisme dans la société ukrainienne contemporaine, au-delà du cliché de la révolution ultranationaliste. La pluralité idéologique du Maïdan – de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par un éventail de préférences et d’indifférences politiques, – est passée sous silence et donne l’impression d’une révolution dont le bras armé serait exclusivement néonazi. Nos enquêtes de terrain, tout comme celles de nos collègues, donnent pourtant une image bien différente qui sans nier l’implication des groupes extrémistes, leur redonne leur juste place : des groupes tolérés, minoritaires mais non insignifiants, unités parmi d’autres unités sur le Maïdan. Leur visibilité est en partie le résultat d’une stratégie de communication : ainsi, dans les manifestation pro-Kiev en 2014, Svoboda et Pravy Sektor étaient parmi les rares groupes à sortir des drapeaux, rendant moins visibles les groupes politiques plus modérés. Cette analyse est d’ailleurs partagée par des chercheurs critiques du Maïdan comme Volodymyr Ishchenko. Découvrant le Maïdan sur son écran de télévision et sur la chaîne Youtube, Paul Moreira a confondu l’abondance des images avec l’échelle réelle des actions.

Le postulat de la contamination automatique qui sous-tend le raisonnement de Paul Moreira ne semble pas validé en Ukraine : la présence de groupes d’extrême droite sur la place n’a pas eu pour effet de « diffuser » leur idéologie dans le milieu des révolutionnaires et dans la société ukrainienne, comme en attestent la faiblesse des scores obtenus par les candidats d’extrême droite lors des élections présidentielles et législatives. Aucun des partis ultranationalistes n’a en effet réussi à franchir le seuil minimum permettant d’entrer au parlement. Les scores obtenus sont en nette diminution par rapport au parlement précédent, même si une dizaine d’ultranationalistes ont été élus à titre individuel. Non, les groupes ultranationalistes n’ont pas pris le pouvoir en Ukraine. L’une des raisons de cette relative faible diffusion réside sûrement dans l’abondance de propositions politiques nationalistes modérées dans la société ukrainienne. La question de l’acceptation large d’un nationalisme réactif en Ukraine mérite, elle aussi, toute notre attention critique.

Pourquoi cette réaction vive au documentaire de Paul Moreira ?

Le lecteur de ce billet pourra sans doute se dire que Paul Moreira a eu raison de se lancer dans une enquête sur les groupes armés, tant ceux-là semblent poser question dans l’Ukraine contemporaine. Nous le pensons également. Nous pensons aussi que les changements profonds qu’un conflit armé ou une préoccupation sécuritaire entrainent dans une société sont un sujet de préoccupation majeur, y compris chez nous en Europe de l’Ouest. Cependant, jouer sur les peurs et la diabolisation n’est pas le meilleur moyen de comprendre et de faire comprendre. Ce que nous regrettons, c’est que forte d’une intention initiale louable, l’enquête de Paul Moreira ait à ce point manqué de rigueur, s’appuyant sur des sources peu fiables et se laissant entrainer sur la pente glissante du sensationnalisme et du complotisme. Dans ce conflit elle est devenue, hélas, une arme de guerre.

Source : Blog Mediapart, Anna Colin Lebedev, 1-02-2016
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L’ambassade d’Ukraine veut faire interdire un docu sur Canal+

Back in USSR ?

Source : Causeur, Marc Cohen, 1-02-2016

 

Ce soir Canal+ devrait diffuser dans le cadre de « Spécial investigation » un documentaire de Paul Moreira qui évoque la question très controversée du rôle des milices néonazies en Ukraine, avant, pendant et après Maïdan. J’ai utilisé le conditionnel « devrait » parce que d’intenses pressions sont exercées actuellement sur la chaîne pour qu’elle déprogramme purement et simplement le doc de Moreira.

Dans un communiqué officiel, l’ambassade s’en prend violemment au réalisateur qui, bien sûr, « donne au spectateur une représentation travestie et mensongère de la situation en Ukraine. »

En vertu de quoi, explique l’ambassade d’Ukraine, « la version de M. Moreira des événements en Ukraine, y compris l’annexion illégale de la Crimée, est une douce musique aux oreilles des partisans des théories du complot et des propagandistes pro-russes. Cela fait de ce reportage un pamphlet à la hauteur des pires traditions de désinformation. »

Suite logique du raisonnement officiel ukrainien : « L’auteur a créé un film qui génère des préjugés et induit les téléspectateurs en confusion sur les événements tragiques que l’Ukraine a subi ces derniers temps. » L’adjectif « ukrainophobe » n’a pas été utilisé, mais c’est tout juste…

Mais le meilleur est pour la fin, le gouvernement de Kiev aurait pu tout à fait légitimement demander un droit de réponse ou un débat contradictoire sur la chaîne. Mais pas du tout, ce que demande l’ambassade à la chaîne, c’est la censure pure et simple, l’interdiction. Jugez par vous-même : « Ce n’est pas du pluralisme dans les médias, mais de la tromperie, et Canal+ serait bien avisé de reconsidérer la diffusion du film. Vous le savez, sans doute, ce genre de journalisme déloyal est une arme très puissante qui peut en effet être utilisé au détriment de vos téléspectateurs… »

Alors, cher ambassadeur d’Ukraine, j’ai deux ou trois petites choses à vous dire.

Primo : dans cette longue lettre, vous ne contestez concrètement aucun des « mensonges » et autres « désinformations » ou procédés « conspirationnistes » dont vous accusez Moreira. Pourquoi ? Pourquoi ne pas argumenter factuellement si par exemple la contre-enquête sur le massacre de 45 civils russophones à Odessa, dans l’incendie de la maison des Syndicats, relève de la propagande téléguidée par le Kremlin ?

Secundo : merci de nous faire prendre à tous un coup de jeune : on croirait vraiment que cette lettre a été écrite en URSS aux pires temps de Brejnev.

Tertio : on a bien sûr le droit d’être en désaccord, total ou partiel, avec Paul Moreira. Perso, ça m’est arrivé plus d’une fois, et parfois très rudement. Mais on n’a pas le droit de criminaliser son travail ou sa réflexion et encore moins d’exiger sa censure.

On note dans que dans cette campagne, le lobbying de l’ambassade a été efficacement relayé par certains de nos confrères, notamment Benoît Vitkine, le très engagé spécialiste de l’Ukraine au MondeCelui-ci reproche notamment à Moreira « d’éluder aussi toute analyse nuancée du nationalisme ukrainien et de ses ressorts, amalgamant nationalisme, extrême droite et néonazisme. Au sein même des groupes que Moreira étudie, les néonazis constituent une minorité. » Avouez qu’on a connu le quotidien du soir plus offensif contre le nationalisme radical, et moins sourcilleux de trier le bon grain de l’ivraie entre « extrême droite et néonazisme ». Nuance, nuance…

Pas de nuance, en revanche, pour le bilan globalement très négatif du doc, pour Vitkine, qui conclut ainsi : « Le rôle de chevalier blanc que s’arroge Paul Moreira, en prétendant dévoiler des vérités passées sous silence, ne tient pas. L’expérimenté documentariste s’est attaqué à un sujet réel. Il a choisi de “regarder par lui-même”, nous dit-il. Mais n’a vu que ce qu’il voulait voir, remplaçant les masques par des œillères. »

Des attaques auxquelles Moreira fait une réponse fort argumentée sur son blog : « Benoît Vitkine insinue, sans rien citer à l’appui, que mon propos serait de mettre en lumière “l’installation d’un nouveau fascisme en Ukraine.” Vitkine doit être sacrément en colère pour écrire des choses pareilles. Je n’ai jamais dit que le fascisme s’était installé en Ukraine. La phrase clé de mon doc est : “La révolution ukrainienne a engendré un monstre qui va bientôt se retourner contre son créateur.” Puis je raconte comment des groupes d’extrême droite ont attaqué le Parlement et tué trois policiers en août 2015. Jamais je n’ai laissé entendre qu’ils étaient au pouvoir. Même si le pouvoir a pu se servir d’eux. »

Il est un argument dont Moreira n’use pas, sans doute par timidité confraternelle. Il a tort. A mes yeux, il aurait du mettre en demeure Vitkine d’expliquer pourquoi il ne parle à aucun moment de la volonté de censure de l’ambassade d’Ukraine alors que son papier a été publié 48 heures après le communiqué de l’ambassade, et republié 72 heures après. La censure, c’est peanuts, au Monde en 2016 ?

Ce silence regrettable de mon confrère du Monde appelle un dernier commentaire de ma part. On n’a pas le droit de rester neutre face à une tentative honteuse de censure. Ici, c’est la France, pas le Qatar ou la Corée du Nord.

*Photo : SIPA.00676237_000010

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Une journaliste télé de l’Obs, Ingrid Sion, a eu un comportement normal quand on regarde le reportage :

Rencontre avec les leaders des nationalistes radicaux dans un pays déchiré entre pro-Russes et pro-Ukrainiens.

Nous avons encore en mémoire les images des Ukrainiens manifestant contre le pouvoir corrompu et autoritaire de leur président Viktor Ianoukovitch, pro-Russe. C’était en février 2014, et le mouvement entraîna la chute du régime de Kiev. Mais, deux ans après, les promesses de liberté du nouveau gouvernement pro-occidental ont-elles été tenues ? Non, à en croire la remarquable enquête de Paul Moreira : car “la révolution a armé et installé tout près du pouvoir” du président Petro Porochenko des groupes d’extrême droite. Avec le soutien de Washington.

Dans une Ukraine déchirée entre pro-Ukrainiens (à l’ouest) et pro-Russes (à l’est), le reporter a rencontré les leaders des nationalistes radicaux : l’ex-porte-parole des ultranationalistes du Secteur droit, Igor Mosiychuk, élu député. Andriy Biletsky, chef du bataillon néonazi Azov. Le leader du parti fasciste Svoboda, Oleg Tiagnibok, actuellement dans l’opposition, a refusé, lui, l’interview. La police semble dépassée par les agissements de ces bandes armées. Ce n’est pas elle mais la milice du Secteur droit qui contrôle la frontière avec la Crimée, annexée par Poutine, et bloque tous les camions de ravitaillement.

L’enquête de “Spécial investigation” revient aussi sur le massacre à Odessa, le 2 mai 2014, de 42 militants pro-Russes, pour la plupart brûlés vifs dans l’incendie de la Maison des Syndicats. Commentaire du chef de la milice locale : “Ces bâtards ont essayé de nous imposer cette saloperie de monde russe. Ils ont mérité cette mort.”

Source : L’Obs

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Mais les chiens de garde ont vite réagi, en meute, pleins de leur morgue habituelle :

Lettre ouverte à Paul Moreira après “Ukraine, les masques de la révolution”

 Le documentaire diffusé lundi soir dans Spécial Investigation sur Canal+, suscite de nombreuses réactions. 18 journalistes, tous connaisseurs du dossier pour avoir travaillé sur place, adressent une lettre ouverte au réalisateur.

Nous sommes des reporters travaillant régulièrement en Ukraine. Certains sont correspondants permanents à Kiev et dans la région, d’autres sont des envoyés spéciaux très réguliers. Par écrit, radio, télévision et photo, nous avons tous couvert sur le terrain la révolution de Maïdan, l’annexion de la Crimée et la guerre du Donbass.

Nous cumulons des dizaines de paires d’yeux, d’oreilles, de carnets, de stylos, de caméras et de boîtiers photos. Nous sommes russophones pour une grande partie, russophiles et ukrainophiles sans distinction, et journalistes avant tout.

C’est vrai que tous ces journalistes russophiles qu’on entend à longueur de journée, ça commence à être pénible non ?

Lundi 1er février, nous avons été choqués par le documentaire de Paul Moreira “Ukraine – Les Masques de la Révolution“, diffusé par Canal+, sur Spécial Investigation. Non pas par la thèse défendue par le film. Nous décrivons et analysons l’extrême-droite en Ukraine de longue date. Nous démontrons dans nos travaux que la guerre l’a rendue plus virulente, lourdement armée, et qu’elle constitue un danger pour l’avenir du pays.

Non. Ce qui nous a mis profondément mal à l’aise dans ce film, c’est l’absence de mise en perspective d’une question complexe, inscrite dans les profondeurs de la relation russo-ukrainienne. La confusion qui s’ensuit est entretenue par une série d’erreurs factuelles, des informations non recoupées, mais aussi des raccourcis et des manipulations de montage.

Comment passer sous silence l’utilisation d’images YouTube non datées de marches aux flambeaux néo-nazies, ultérieures à Maïdan, insérées dans le montage de façon à les faire passer pour un épisode de la révolution ? Ou bien les approximations sur les affiliations partisanes de personnages-clé de la démonstration ?

Nous déplorons, entre autres, un traitement extrêmement grossier de la question linguistique en Ukraine. Elle peut certes s’avérer délicate en certaines occasions. Mais le pays n’en est pas moins l’un des plus bilingues d’Europe. Par manque de connaissances de ce pays, Paul Moreira commet un raccourci dramatique lorsqu’il qualifie de “Russes” ou d’“Ukrainiens d’origine russe” les habitants d’un pays où, en 2016, l’identité ne se définit certainement pas selon le seul facteur ethno-linguistique.

Ah, donc pas UN journaliste n’emploiera l’expression “pro-russe” pour des Ukrainiens, tout va bien.

L’opposition entre ukrainophone et russophone tient-elle la route, quand de nombreux représentants des mouvements nationalistes ukrainiens répondent aux questions de Paul Moreira dans la langue de Pouchkine? La plupart des Ukrainiens manient indifféremment les langues ukrainienne et russe. Et, depuis 2004, le clivage est/ouest du pays n’est plus une grille de lecture complètement opérante. Nous sommes inquiets de constater que Paul Moreira reproduit un phénomène qu’il prétend dénoncer dans un entretien publié dans l’Humanité: écrire une histoire “en noir et blanc”.

Ainsi, nous sommes atterrés de la présentation binaire de l’annexion de la Crimée. 

alors qu’eux, c’est sans arrêt la subtilité, les points de vue équilibrés…

“Après la révolution, la population [de la Crimée] a massivement voté par référendum son allégeance à la Russie”, se contente d’affirmer Paul Moreira. Tout en éludant soigneusement le contexte particulier dans lequel s’est tenu le vote, à savoir le déploiement méthodique des forces militaires russes sur la péninsule. Pour ne citer que cet élément.

Le grand tour de passe-passe de ce film est de faire de groupes extrémistes paramilitaires le vecteur principal de la révolution ukrainienne. Ils ont été le bras armé d’une mobilisation populaire qui avait sa propre justification citoyenne. Ils se sont renforcés et développés a posteriori, en réaction à l’invasion de la Crimée par la Russie, et à l’apparition de phénomènes séparatistes dans l’est du pays.

C’est rigolo qu’au 20/02/2014, 1130 policiers aient été blessés par l’action du Saint-Esprit.

La guerre du Donbass, guerre hybride qui a fait près de 10.000 morts depuis avril 2014, explique la quasi-totalité des phénomènes décrits par Paul Moreira. Et pourtant, elle est évacuée comme un fait secondaire au milieu du film. L’éluder est une faute majeure. Les bataillons volontaires ukrainiens, extrêmement diversifiés sociologiquement, sont composés pour partie d’une composante nationaliste radicale. Ce n’est plus un secret pour personne. Hétérogènes, complexes à analyser, ces formations sont le miroir d’une société ukrainienne confrontée à la guerre.

Et oui, oh, de la subtilité pour analyser des fascistes en armes qui combattent, après avoir chassé un président démocratiquement élu et resté assez populaire, enfin !

Ils inquiètent par le manque de contrôle de l’Etat-major militaire sur eux. Ce problème a été soulevé par plusieurs rapports d’ONG internationales, et de nombreux reportages dans la presse française. Bien qu’il prétende s’intéresser à ces bataillons, le film de Paul Moreira n’aborde jamais les efforts du gouvernement ukrainien vis-à-vis des bataillons de volontaires, qui ont presque tous été désarmés ou intégrés aux forces étatiques au cours de l’année 2015.

Contrairement à ce qu’affirme haut et fort Paul Moreira, nous avons en permanence traité de cette question dans notre couverture des événements en Ukraine.

Eh oui, comme chacun des citoyens français a pu s’en rendre compte… On se demande me^me ce que nous apprend Moreira du coup…

Nous considérons qu’il s’agit d’un phénomène qui n’est pas saisi à bras le corps, voire instrumentalisé par les autorités ukrainiennes. Mais par l’épreuve des faits, nous rejetons vivement la théorie d’un renversement du pouvoir en février 2014 par des groupes paramilitaires d’extrême-droite.

Au fou ?

Mais un Président élu qui détient toujours la police et l’armée, de quoi a-t-il assez peur pour fuir ?

Un passage de ce film peut-être, sans doute le plus important, aurait pu nous réconcilier : celui consacré à la journée terrible du 2 mai 2014 à Odessa, lorsque des affrontements sanglants entre manifestants pro-ukrainiens et manifestants pro-russes ont abouti à la mort atroce, dans un incendie, de 42 victimes, principalement pro-russes. Près de deux ans après, la justice ukrainienne n’a pas fait la lumière sur la tragédie d’Odessa. Contrairement à ce que la narration de Paul Moreira peut laisser croire, ce drame n’est pas le seul de ces deux dernières années qui reste non-élucidé.

Oui, s’ils pouvaient parler des 100 morts de Maidan et du pouvoir qui a fait disparaitre toutes les preuves, ce serait sympa…

Mais ce que la thèse à charge de M. Moreira, défendue depuis le premier jour de son tournage, l’empêche de voir,

Pour qui a vu le reportage, il y a de quoi rire, Moreira ne défend aucune “thèse”, il rapporte des faits, et pose une inquiétude sur le futur des milices fascisantes, basta…

c’est que contrairement à ce qu’il avance, tous ces événements ont été reportés, étudiés, documentés, par les médias français et le reste de la presse internationale. Depuis deux ans, nous étudions les transformations d’un pays majeur et méconnu en Europe.

J’aime comme les chiens de garde se frottent le nombril pour la très haute qualité de leur travail à chaque naufrage éthique…

Nous devons faire face, dans le même temps, à la couverture d’une guerre ouverte entre deux pays.

Bien sûr… Aucun Ukrainien ne combat à l’Est, c’est bien connu

Beaucoup d’entre nous sont des téléspectateurs de la première heure des documentaires de Paul Moreira, qui ont parfois forgé notre vocation. Nous saluons confraternellement le travail le plus souvent sérieux et nécessaire de la société de production Premières Lignes. C’est pourquoi il nous a tant surpris et peiné de le voir céder, sur le dossier ukrainien, à une si dangereuse paresse intellectuelle.

C’est beau les clowns…

Signatures :

Ksenia Bolchakova, Yves Bourdillon, Gulliver Cragg, Marc Crepin, Régis Genté, Laurent Geslin, Sébastien Gobert, Paul Gogo, Emmanuel Grynszpan, Capucine Granier-Deferre, Alain Guillemoles, James Keogh, Céline Lussato, Elise Menand, Stéphane Siohan, Olivier Tallès, Elena Volochine, Rafael Yaghobzadeh.

Des noms à retenir, donc.

Source : l’Obs

Source: http://www.les-crises.fr/paul-moreira-donne-une-vision-deformee-du-conflit-ukrainien-par-benoit-vitkine/