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Produits dérivés : la BCE au pied du mur

Monday 16 March 2015 at 00:01

Très bon papier du grand Jean-Michel Naulot…

Il montre la folie de l’organisation de Bruxelles, qui refuse à la BCE le droit de demander que d’importantes opérations en euros aient lieu dans la zone euro – pour qu’elle puisse aider en cas de problème… Ces talibans causeront ainsi la perte du système financier qu’ils chérissent tant…

La BCE s’est vue refuser le droit par la Cour de justice européenne d’imposer la localisation en zone euro des chambres de compensation qui traitent des opérations en euro. Cette décision pose le problème du rôle de la Banque centrale dans la maîtrise du risque systémique sur les produits dérivés.

En donnant récemment raison aux britanniques au sujet de la localisation des chambres de compensation, la Cour de justice européenne a jugé que la BCE allait au delà du droit existant. La BCE n’a pas le droit d’imposer la localisation en zone euro des chambres de compensation qui traitent des opérations en euros. Derrière ce débat d’apparence commerciale dans lequel les banques et la BCE ont fait cause commune pour des raisons différentes – renforcement des places financières européennes pour les banques, meilleur contrôle du  risque pour la banque centrale – il y a une question d’une extrême importance : comment va-t-on maîtriser le risque systémique en cas de difficultés majeures, de détresse, d’une chambre de compensation ?

Londres capte l’essentiel des produits dérivés

Les G20 de 2009 avaient décidé de faire obligatoirement transiter les produits dérivés réputés liquides par ces institutions financières destinées à assurer la bonne fin des opérations, donc de concentrer le risque systémique autour d’elles. Les encours de dérivés ont représenté en 2014 près de 800.000 milliards de dollars, un encours supérieur à celui qui existait avant la crise, plus de dix fois le produit mondial. Lorsque le chantier en cours sur l’encadrement des produits dérivés sera achevé, environ 40% des produits dérivés passeront par des chambres de compensation. Or en zone euro, la plus grande partie des produits dérivés est traitée à Londres … Il devient vraiment urgent, sept ans après la crise, de préciser comment l’accès à la liquidité en euros de ces chambres londoniennes sera possible ! Concentrer le risque systémique est une bonne idée, encore faut-il pouvoir le gérer !

La solution de localisation des chambres proposée par la BCE avait l’avantage pour la banque centrale de permettre de maîtriser le risque systémique tout en laissant planer un  doute sur l’automaticité de son intervention. La BCE avait la possibilité en cas de difficultés d’une chambre d’apporter la liquidité nécessaire ou de laisser la chambre mettre en place un plan de redressement, voire son plan de résolution. Comme les banques, les chambres de compensation en difficulté doivent en effet – en théorie – pouvoir faire faillite, ne pas systématiquement miser sur l’aléa moral. En théorie…

Probabilité d’aggraver le risque systémique

Actuellement, toute l’attention des acteurs financiers est mobilisée autour des textes que la Commission doit présenter d’ici l’été sur les plans de résolution. Comme ceux des banques, ces plans de résolution seront utiles et rassurent les contribuables. Mais ils ne sont pas l’essentiel. Chacun sait qu’en cas de crise, le risque systémique doit être géré dans l’urgence et le secret, avec l’appui de la Banque centrale. Qui peut imaginer que l’on mette alors immédiatement à contribution les actionnaires et les clients de la chambre de compensation pour organiser la liquidation ? Il n’y aurait rien de tel pour aggraver la propagation du risque ! Dès aujourd’hui, les clients des chambres de compensation ont-ils même une idée des risques qu’ils prennent en traitant avec ces institutions censées leur apporter la sécurité ? Ils ont plutôt  le sentiment que ces institutions qui concentrent le risque systémique bénéficient des protections nécessaires… En cas de crise d’une chambre, n’en doutons pas, l’aléa moral sera bien là, ne serait-ce que parce qu’il existe toujours une zone grise pendant laquelle il faut évaluer, comme pour les banques, les chances de redresser l’institution en difficulté. Mais encore faut-il que cela soit techniquement possible…

La décision de la Cour pose donc très clairement le problème clé du rôle de la banque centrale dans la maîtrise du risque systémique sur les produits dérivés, problème que la BCE a jusqu’à présent évité de traiter trop ouvertement, préférant vivre dans l’ambiguïté. Etre là sans avoir à le dire… Après la décision de la Cour, sauf à prendre des risques considérables, la BCE ne peut rester silencieuse. La logique serait qu’elle prenne directement en charge la supervision des grandes chambres de compensation de la zone euro comme elle l’a fait pour les banques. Mais cela ouvrirait une fois de plus un débat nourri avec les britanniques et le temps presse. Alors comment fait-on ? Un chantier intéressant pour le nouveau Commissaire Jonathan Hill, britannique, qui a fait de la liberté de circulation des capitaux son objectif central et semblait rêver d’une pause en matière de régulation financière !

Source : Jean-Michel Naulot, ancien membre du collège de l’Autorité des Marchés Financiers, pour Les Echos, le 13 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/produits-derives-la-bce-au-pied-du-mur/