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Quand, pour Calvi, rétablir des faits sur Alep, ce serait risquer le “révisionnisme”

Friday 23 December 2016 at 03:40

Je souhaite revenir sur un point très important de ce débat sur Alep : la critique des médias.

Je vous en propose un extrait :

Calvi : vous nous avez dit des choses très fortes et perturbantes en début d’émission, quant à la situation, au nombre de morts, et même je dirai, à la guerre de « communiquer », je ne sais pas comment il faut l’interpréter, et je me mets à la place d’un téléspectateur qui lui, est particulièrement ému par ces images et c’est normal,  et qui se demande ce qu’il se passe là-bas. Vous contestez les chiffres, vous pensez que la presse française n’a pas abordé ça de façon saine, enfin, comment vous répartissez les choses ? 

Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef adjointe au journal “La Croix”  : la difficulté à mon avis pour la presse française, sans jeter l’opprobre, c’est qu’on a été beaucoup suivistes par rapport à la diplomatie française, et que donc on a beaucoup suivit les rebelles, on a donné beaucoup d’informations sur eux et on a un peu oublié l’autre côté, et du coup, on ne s’est pas méfié d’une forme de manipulation de la part de ces gens-là et là c’est sûr, dans les images il y a du vrai mais il y a aussi du faux. De l’autre côté aussi d’ailleurs, et on a eu tendance à dire, voilà, c’étaient les bons,  il fallait qu’on soit à leurs côtés, etc…, sans toujours voir ce qu’il y avait de manipulation, y compris par exemple pour le gaz, alors on ne sait pas…

Calvi : vous diriez qu’il y a un aspect avec ce qu’on a connu dans les années 70 à Beyrouth, où on avait quatre immeubles qui étaient totalement détruits, et en effet, dans le pâté de maisons derrière, des gens qui avaient une vie normale ?

Isabelle de Gaulmyn : non…

Calvi : faut faire très attention à ce qu’on dit, prenons du temps, voilà, prenons du temps pour examiner les choses.

Isabelle de Gaulmyn : je ne suis pas tout à fait d’accord, parce que je ne pense pas qu’à côté, on buvait le champagne. Nous on a eu hier toute une conversation avec des gens qu’on connaît, qu’on suit depuis longtemps, un communauté de religieux là-bas qui s’occupe d’un hôpital, et qui sont dans côté ouest, et non, ils ne boivent pas du champagne, franchement, c’est super dur aussi pour eux.

Mais c’est vrai qu’ils n’ont plus de bombardements. Donc voilà, ce n’est pas aussi caricatural que ça, ce qui est peut-être effectivement un peu embêtant, c’est que la presse française dans son ensemble, a un peu pris parti tout de suite contre Bachar Al Assad, de fait, c’est un monstre, c’est un dictateur, etc…, mais du coup, peut-être en s’aveuglant sur ce qui était vraiment la force et les composants de l’autre camp, et du coup, on a été sans doute un petit peu, en tous cas, certains journaux ont sans doute trop donné des images données par ces gens-là, dont effectivement ils sont à Londres…

Calvi : (il lui coupe la parole), vous pensez par exemple au journal Le Monde qui fait référence, qui est très influent chez nous tous journalistes, voilà, avec ses Unes, est allé trop loin dans la couverture ou a été de parti pris dans la couverture de ce qu’il se passait ?

Isabelle de Gaulmyn : je pense qu’il y a des moments où il a été beaucoup de parti pris puisqu’il a beaucoup suivit la diplomatie française et donc, il était très anti-Bachar, voilà, et du coup, il a mis longtemps à voir que du côté des rebelles, ce n’était pas forcément aussi idéaliste que ce que l’on pouvait dire.

Calvi : donc vous nous dîtes aussi qu’il y a une faillite de la diplomatie française, dans ce qu’il vient de se passer ?

Isabelle de Gaulmyn : oh ben moi je crois, c’est quand même la preuve, c’est à dire qu’on s’est tout de suite coupés complètement avec le camp Bachar, dès le début de la révolution. Du coup, on a pas pu ensuite recoller les morceaux. Vous savez ce que l’on dit en diplomatie, des signes discrets, des signes lents, des signes sourds, et du coup, on a plus eu aucun moyen d’action.

Alors, je ne suis pas là du tout pour justifier l’action de la Russie, attention. Simplement, les choses ne sont peut-être pas aussi simples que ça. Bachar Al Assad, il y a eu un moment où ce régime, on était très proches d’eux, d’un seul coup, on s’est complètement coupés d’eux….On a une politique effectivement inspirée par les droits de l’homme qui est bien mais l’objectif de la diplomatie c’est d’abord de faire la paix, et c’est vrai que peut-être que pour faire la paix, il fallait arriver à un petit compromis. Une fois qu’il y aura la paix, Bachar Al Assad, à mon avis, il ne va pas durer, enfin, je l’espère.

Calvi : alors, la contestation des chiffres, et des images, elle est importante, on prend un tout petit peu de temps pour que vous nous expliquiez à quel titre vous la contestez.

M.Pons : tout simplement parce que cela a été dit par Isabelle, les médias dominants, Le Monde, Libération, et d’autres, ont d’emblée pris le parti du camp rebelle contre Assad, pourquoi pas ? Mais en prenant cette position très idéologique, les médias dominants se sont mis des oeillères, et se sont interdits  d’aller chercher d’autres sources d’information, que celles données à Alep-est par les rebelles, c’est à dire, par les islamistes, par les djihadistes, par des gens qui sont nos ennemis, et ces gens-là sont des experts en matière de communication politique c’est à dire de désinformation. Quand on sait que dans une guerre, l’adage est bien connu, la première victime c’est la vérité.  Cela s’est vérifié une fois de plus en Syrie, depuis 2011 et notamment sur Alep-est. Il n’est pas question de dire qu’il n’y a pas eu de bombardement de la ville, qu’il n’y a pas eu de victime, bien sûr qu’il y en a eu, et beaucoup trop.

Seulement, avec le recul que nous avons actuellement, avec l’expérience, en tous cas, des journalistes de terrain ; de ce que nous avons pu observer, notamment à Beyrouth, au Liban dans les années 80, on sait qu’après les premières semaines de guerre en ville, les populations apprennent à se protéger. Je me souviens très bien des bombardements syriens sur Beyrouth-est, sur les quartiers chrétiens de Beyrouth en octobre 78, j’y étais. Les grands journaux français annonçaient des dizaines de milliers de morts. J’étais là-bas, j’observais tout cela, et les chrétiens eux-mêmes, les organisations chrétiennes disaient, ce n’est pas vrai, il y a eu 1000-1500 morts, mais pas 10 000 ou 15 000 morts.

Les gens apprennent à se protéger, seulement, il y a l’effet de « perception ». La répétition de ses images où on voit des bombes qui tapent des immeubles, mais il n’y a personne dans les immeubles, ou s’il y a quelqu’un, il y a un sniper djihadiste, que les Russes ou les Syriens vont taper avec des obus.

Calvi : je voudrais juste qu’on ne fasse pas la première émission révisionniste de l’histoire récente en Syrie, vous comprenez.      

(Merci à Catherine pour les transcriptions)

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La dénonciation de la propagande du Monde par ses professionnels est sidérante (ça semble très gentillet, mais là on à 95 % de la capacité de dénonciation de ces gens-là…)

Illustration (09/08/2016) :

le-monde-alep

Incroyable : les “rebelles” appellent à l’aide al-Qaïda qui fait des attentats. Conclusion dans le suite : soutenons les rebelles !

Et je souhaite encore plus zoomer sur la réaction sidérante d’Yves Calvi, mais naturelle, qui est à mon sens TRÈS importante si on réfléchit sur la presse :

Le type OSE parler de “révisionnisme” si on veut baisser les chiffres du nombre de morts qui sortent de sources non fiables.

Ce qui est fascinant, c’est de voir que :
1/ on le voit comprendre que sa source principale, qui a toute sa confiance, Le Monde, a extrêmement mal rapporté les faits
2/ sa peur principale est qu’on dise qu’il y a 5000 morts au lieu de 100 000 morts et que ce soit faux (ce qui est mal, en effet) mais, a contrario, on se rend compte que pour lui dire qu’il y a 100 000 morts au lieu de 5000, ce n’est vraiment pas très grave – alors qu’on voit mal pourquoi…
3/ il trouve normal que le but principal de l’info soit de “tirer des larmes” aux gens, plutôt que les faire réfléchir…

On voit clairement le processus de propagande : ce type très influent s’informe à la va-vite en lisant le Monde, dont 80 % de la source est (les stagiaires de) l’AFP, et zou, tout roule ! Tu crois qu’il lirait l’ancien rédac chef de RFI, ou un grand spécialiste du moyen-orient ou Nassim Nicholas Taleb ? Que dalle ! (si quelqu’un peut lui faire suivre ces billets 🙂 )

Voilà comment les choses se passent, sans complot…

Je termine par cette recommandation fondamentale de Maurice Allais, qui parlait d’économie, mais ça marche pour tout (ici ce serait la géopolitique) :

« Si utiles et si compétents que puissent être les experts, si élaborés que puissent être leurs modèles, tous ceux qui les consultent doivent rester extrêmement prudents. Tout organisme qui emploie une équipe pour l’établissement de modèles prévisionnels ou décisionnels serait sans doute avisé d’en employer une autre pour en faire la critique, et naturellement de recruter cette équipe parmi ceux qui ne partagent pas tout-à-fait les convictions de la première. » [Maurice Allais, Conférence du 23/10/1967, « L’Économique en tant que Science »]

“L’ennui dans ce monde, c’est que les idiots sont sûrs d’eux alors que les gens sensés sont plein de doutes.” [Bertrand Russell]

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Source: http://www.les-crises.fr/quand-pour-calvi-retablir-les-faits-sur-alep-ce-serait-risquer-le-revisionnisme/