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Que peuvent les fakes ? Par François-Bernard Huyghe

Saturday 23 December 2017 at 05:00

Source : François-Bernard Huyghe, 08-12-2017

L’idée que des techniques de désinformation et fake news peuvent déstabiliser les démocraties est devenue un mantra, renforcé chaque matin par la découverte d’une fausse déclaration, d’une rumeur ou d’une tentative de manipulation. Pour ne prendre que des exemples récents, lors de son passage à Paris, Obama stigmatisait l’impact des intoxications en rappelant que des millions d’usagers de Facebook y avaient été exposés lors de la campagne présidentielle US de 2016. Ou encore : il y a quelques jours, le Monde titrait sur les interférences russes via les réseaux sociaux et leur attribuait une bonne part de resposabilité dans le Brexit, l’élection de Trump et le résultat du referendum en Catalogne (en attendant sans doute que l’on apprenne que Moscou a manipulé le prix Goncourt et l’élection de Miss France). Les fakes ou assimilés (on mêle souvent la notion à d’autres évoquées sur ce site, comme celle de désinformation, complotisme, propagande éhontée, faux comptes, astroturfing, fuites massives de données confidentielles, action des bots et des trolls, hoaxes, « pièges à clics », hacking, etc.) et de façon générale toutes les informations en ligne) sont crédités d’un pouvoir étonnant. Et souvent par ceux-là mêmes qui , lors du printemps arabe, chantaient les Google et Twitter révolutions, l’Internet non censurable et les réseaux sociaux répandant la vérité et la démocratie depuis la base.

Or la question du pouvoir « démocraticide » du faux mérite des réponses plus nuancées . D’autant plus que l’argument de l’interférence étatique 2.0 ou de la propension des réseaux à la « post-vérité », se prêtent à des usages eux-mêmes douteux ou complotistes (tout est de la faute des Russes et des populistes). C’est typiquement un argument idéologique servant à expliquer les malheurs du temps (mauvais votes, par exemple) par l’intervention de manipulateurs, par la stupidité des classes populaire ou par la perversité des médias sociaux où chacun s’isole avec sa communauté pour partager des fantasmes. Bénéfice collatéral : la crainte d’être contaminé ou de répandre des faux, comme l’inhibition de tenir des discours de stigmatisation, de discrimination, de phobie, etc., sont d’excellents moyens de discréditer des protestations et de favoriser l’auto-censure. Du coup, on rajeunit une thèse qui faisait sourire pendant la guerre froide – l’hypothèse que l’antiaméricanisme, l’anti-impérialisme et communisme s’expliquaient par la manipulation de masses les plus naïves et par une simple mensonge – : dénonçons, fact-checkons, rassurons et ramenons le peuple au cercle des idées raisonnables (« basées sur les faits »). Affaire de communication…

Bien entendu, il n’est pas question de nier que les mensonges, les fabrications, les rumeurs et les délires ne prolifèrent en ligne (nous avons nous-même écrit sur la démocratisation du faux et son développement depuis une quinzaine d’années). Il existe des listes entières de fausses nouvelles défavorables à Hillary Clinton -et dont la plus folle est l’affaire du Pizzagate – dont se sont délectés les partisans de Trump (qui lui-même a été victime d’infiniment moins de fausses nouvelles). Tout cela existe et répond à des stratégies sophistiquées.
En revanche, il est permis de critiquer la notion naïve qu’un cerveau exposé à de fausses informations adopte mécaniquement des opinions erronées. Et quand bien même on admettrait que la séduction de la fausse nouvelle flatte nos fantasmes et est renforcée par son partage « entre pairs » à qui nous faisons confiance, resterait à expliquer le corollaire : la soudaine impuissance des médias, des experts et des élites à convaincre du vrai. Le fait que plus il y a de moyens de savoir et de démontrer ce qui s’est produit, moins ce discours a d’autorité.

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