les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

[Reprise] Paris Match Ukraine : Révélations sur la tuerie de Krasnoarmeïsk

Friday 22 August 2014 at 01:27

Des éléments du groupe ultra-nationaliste ukrainien Pravy Sektor ont participé à une opération commando contre le référendum du Donbass, tuant deux civils désarmés dans la bourgade de Krasnoarmeïsk dimanche, selon une enquête de Paris Match.

La rumeur circulait dans les rangs séparatistes depuis plusieurs semaines : il y aurait, parmi les forces loyales au gouvernement de Kiev, des radicaux de Pravy Sektor (ou «Secteur Droit»), cherchant à tout prix à créer des incidents sanglants dans les régions pro-Russes de l’est ukrainien. Quoique minuscule politiquement, Pravy Sektor a joué un rôle relativement significatif lors des combats de rue qui menèrent à la chute de l’ex-président Viktor Ianoukovitch en février pendant la Révolution de la Place Maïdan. Cette coalition de groupuscules d’extrême droite, rassemblés sous l’étendard rouge-noir, est décrite comme «fasciste» par les habitants des zones pro-Russes de l’est, qui l’accusent constamment de fomenter des troubles. Elément important de la guerre de désinformation que se joue en Ukraine, cette accusation a été reprise en boucle par les médias russes proches du Kremlin. Mais toujours sans preuve, au point d’en paraître parfois presque ridicule et d’être tournée en dérision sur le web

La rumeur est pourtant vraie, selon des images irréfutables prises par des photographes de Paris Match. Ces clichés montrent en effet Andreï Denisenko, l’un des chefs de Pravy Sektor, parmi le mystérieux groupe de miliciens en armes qui a saccagé le bureau de vote dans la ville de Krasnoarmeïsk pendant le référendum de dimanche, à une soixantaine de kilomètres de Donetsk, la «capitale» séparatiste. Quittant les lieux au bout de plusieurs heures, les miliciens ont blessé à bout portant un homme et tué deux autres résidents, tous désarmés.

Retour sur l’événement :

Le groupe d’une quinzaine de miliciens est arrivé à Krasnoarmeïsk vers 14h30 dimanche dernier, chassant de la mairie tous les organisateurs du référendum sécessionniste qui s’y tenait.

Le groupe s’est ensuite enfermé durant plusieurs heures dans la mairie de cette petite ville industrielle, perdue sur la plaine du Donbass, tout près de la frontière entre la région de Donetsk et celle, loyale à Kiev, de Dniepropetrovsk. «Ils sont arrivés en affirmant qu’ils étaient de la Garde Nationale, mais on savait que c’était faux» affirme Vitalik Naïdiomov, un des témoins de la scène. «On a tous reconnu qu’ils arrivaient dans des camionnettes de la PrivatBank». Cette banque, dont les locaux ont été saccagés un peu partout dans l’est du pays, appartient à l’oligarque Igor Kolomoisky, un des principaux soutiens de l’actuel gouvernement de Kiev. Kolomoisky est justement le gouverneur de la région voisine de Dniepropetrovsk. On l’accuse d’avoir créé ces dernières semaines une nouvelle milice pro-Kiev : le «Bataillon du Dniepr». Plusieurs témoins de la tuerie affirment en outre, mais sans apporter de preuve formelle, avoir reconnu certains de ses hommes parmi les miliciens débarqués dimanche à Krasnoarmeïsk. Kolomoisky n’a pour l’instant fait aucun commentaire sur l’incident. Le gouvernement, pour sa part, a publié un communiqué pour déclarer l’opération illégale et nier catégoriquement que la Garde Nationale ou toute autre force régulière y ait pris part. Les autorités transitoires ont en outre indiqué qu’elles ouvraient une enquête criminelle pour meurtre.

Une mystérieuse milice :

Si rien ne permet pour l’heure d’établir la structure de commandement du mystérieux groupe de miliciens, Paris Match a pu constater qu’il comptait bien une des figures de proues de Pravy Sektor dans ses rangs. Andreï Denisenko, chef de Pravy Sektor pour la région de Dniepropetrovsk et directeur adjoint du parti, apparaît sur les images d’un photographe de Match, debout à la tribune lors d’un rassemblement de Pravy Sektor à Kiev en Mars pour annoncer sa participation à l’élection présentielle.

Il apparaît aussi sur Internet lors d’une conférence de presse annonçant la formation de son groupe. Enfin, il apparaît surtout le 11 Mai sur le parvis de la mairie Krasnoarmeïsk.

Homme barbu

Les images de Paris Match le montrent en train de tirer en l’air avec sa Kalachnikov, juste au dessus des têtes des résidents furieux qui commencent à vouloir encercler les miliciens. Plusieurs témoins ont par ailleurs affirmé, sans pour autant apporter de preuve, que l’homme barbu visible sur la gauche de la même image serait l’un des chefs du «Bataillon du Dniepr» (Photo ci-contre).

Plusieurs témoins assurent avoir entendu certains des miliciens parler avec un fort accent de l’ouest ukrainien. Ils ont aussi remarqué plusieurs hommes venus du Caucase, possiblement des mercenaires Tchéchènes. D’autres, ne parlant jamais, sembleraient étrangers à la région. Le photographe de guerre Jérôme Sessini a passé près d’une heure à côtoyer ces miliciens avant qu’ils n’ouvrent le feu.

Hommes Masqués

«Ce n’est pas une certitude, mais à leur attitude générale et à leurs gestes très précis, j’ai eu la nette impression – disons à 95% – qu’il y avait des mercenaires américains ou formés par les Américains parmi eux» explique Sessini, qui a côtoyé pendant plusieurs années les hommes des sociétés de sécurité privée américaines lors de ses reportages en Irak et en Afghanistan.

Plusieurs de ces hommes étaient masqués, ou drapés dans des keffiehs (Photo ci-contre), ce qui rend difficile de pointer qui parmi eux a tiré les coups mortels.

Des civils sous le choc :

C’est vers 17 heures que la petite foule, chassée de la mairie par la milice, a voulu les dégager du lieu à mains nues. Une vidéo, confiée à Paris Match par un habitant, montre comment le ton est progressivement monté jusqu’à ce que les miliciens reculent sous la pression de la foule.

L’un des meneurs est Rouslan Sergueïvitch Pilipenko. Ce solide gaillard de 32 ans travaille dans une des mines proches de Krasnoarmeïsk.

Ukraine 4

Rouslan, la cheville déchiquetée par une balle de Kalachnikov. © DR/PARIS MATCH

On voit sur les images qu’il est furieux. Un des miliciens finit par le repousser à coups de crosses, mais Rouslan continue d’avancer, un canon pressé contre son ventre. Puis le milicien tire, Rouslan s’affaisse, la cheville déchiquetée par une balle de Kalachnikov à bout portant (Photo ci-dessus). La foule se presse pour l’aider, sans se rendre compte du drame qui vient de se jouer.

 

Ukraine Vadim

Vadim Khoudich, plombier, 38 ans, gît mort sur l’herbe. © DR/PARIS MATCH

En effet, quelques mètres en arrière, Vadim Khoudich vient de s’effondrer, projeté en arrière par une balle qui l’a frappée en pleine face. «Il n’était pas armé, ne faisait rien, et n’était même pas menaçant», explique son ami et voisin Vitalik Naïdiomov. Il nous montre la vidéo, où l’on voit clairement un des tireurs masqué, debout dans l’embrasure d’une fenêtre du premier étage. «Le médecin légiste nous a dit qu’il avait tiré directement pour tuer».

Ukraine 5

Youri Nikolenko, 48 ans, au centre, en tee-shirt bleu, jette une pierre au moment où les miliciens se replient dans leurs camionnettes. © DR/PARIS MATCH

 

Devant la mairie, on peut en effet voir le trou laissé dans le goudron par le tir fichant. Vadim est mort sur le coup, d’une seule balle dans le menton, qui lui a sectionné la moelle épinière en ressortant. Les autres habitants l’ont porté sur l’herbe, impuissants, tandis que les miliciens remontaient dans leurs camionnettes pour s’enfuir. De rage, Youri Nikolenko, 48 ans, leur a jeté une pierre (Photo ci-dessus). Ils ont riposté avec leurs balles, le blessant mortellement à l’épaule.

Ukraine !

Touché à l’épaule par une balle, Youri Nikolenko s’effondre, au pieds du cadavre de Vadim Khoudich. © DR/PARIS MATCH

On le voit qui s’effondre, presque aux pieds de Vadim. Le plombier de 38 ans laisse une fille de 14 ans, Valeria, et une autre de deux ans et demi, Vlada. «Il m’a prévenu par téléphone qu’il y avait du grabuge à la Mairie et m’a dit de ne pas venir voter», nous explique sa femme Natacha, effondrée tandis que les voisins défilent dans son misérable petit appartement HLM pour rendre hommage à sa dépouille. «Juste après, il était mort», poursuit Natacha, une frêle petite brune à la voix tremblante, qui cache ses larmes derrière de grosses lunettes noires. «Certains cherchent à comprendre ce qui s’est passé. Mais moi, il ne me reste que la douleur, poursuit-elle. Vous pouvez le comprendre, ça?». Natacha ôte un instant ses lunettes pour planter son regard noir dans le notre. «Non, ça vous ne pouvez pas le comprendre.» Elle reprend son souffle. «Ni vous ni personne…»

 

Source : http://www.parismatch.com/Actu/International/Ukraine-Revelations-sur-la-tuerie-de-Kransnoarmeisk-564090

Source: http://www.les-crises.fr/revelations-sur-la-tuerie-de-krasnoarmeisk/