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[Réparations 1] Les réparations allemandes de la première guerre mondiale

Monday 26 October 2015 at 01:32

Début d’une grande série Histoire aujourd’hui (qu’on peut d’ailleurs relier à l’actualité) : les réparations financières allemandes liées à la première guerre mondiale, et leurs conséquences…

Le traité de Versailles de 1919

Tout d’abord, je vous propose une version complète du traité de Versailles (cliquez sur l’image ou le lien) :

Téléchargez ici le traité de Versailles en pdf  (version en ligne ici)

Rappelons que ce traité de paix entre l’Allemagne et les Alliés à été signé le 28 juin 1919 à Versailles :

Pour l’anecdote, l’original a été perdu durant la seconde guerre mondiale…

Il prévoit de nombreuses dispositions territoriales, militaires et économiques – que vous pouvez consulter ici sur Wikipédia.

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Elles sont prises sur le fondement de l’article 231, qui a causé tant de problèmes par la suite, étant en effet assez rude (la Russie tsariste n’a pas été non plus que blanche dans cette affaire…)  :

Article 231.

Les Gouvernements alliés et associés déclarent et l’Allemagne reconnaît que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les Gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre, qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés.

En conséquence, le traité prévoit :

Article 232.

Les Gouvernements alliés et associés reconnaissent que les ressources de l’Allemagne ne sont pas suffisantes en tenant compte de la diminution permanente de ces ressources qui résulte des autres dispositions du présent traité, pour assurer complète réparation de toutes ces pertes et de tous ces dommages.

Les Gouvernements alliés et associés exigent toutefois, et l’Allemagne en prend l’engagement, que soient réparés tous les dommages causés à la population civile de chacune des puissances alliées et associées et à ses biens pendant la période où cette puissance a été en état de belligérance avec l’Allemagne [...]

Article 233.

Le montant desdits dommages, pour lesquels réparation est due par l’Allemagne, sera fixé par une commission interalliée qui prendra le titre de commission des réparations [...] .

Les conclusions de cette commission, en ce qui concerne le montant des dommages déterminés ci-dessus, seront rédigées et notifiées au Gouvernement allemand le 1er mai 1921 au plus tard, comme représentant le total de ses obligations.

La commission établira concurremment un état de payements en prévoyant les époques et les modalités de l’acquittement par l’Allemagne de l’intégralité de sa dette dans une période de trente ans, à dater du 1er mai 1921. Au cas cependant où, au cours de ladite période, l’Allemagne manquerait à l’acquittement de sa dette, le règlement de tout solde restant impayé pourra être reporté aux années suivantes, à la volonté de la commission, ou pourra faire l’objet d’un traitement différent, dans telles conditions que détermineront les Gouvernements alliés et associés, agissant suivant la procédure prévue à la présente partie du présent traité.

Article 235

Afin de permettre aux puissances alliées et associées d’entreprendre dès maintenant la restauration de leur vie industrielle et économique, en attendant la fixation définitive du montant de leurs réclamations, l’Allemagne payera, pendant les années 1919 et 1920 et les quatre premiers mois de 1921, en autant de versements et suivant telles modalités (en or, en marchandises, en navires, en valeurs ou autrement} que la commission des réparations pourra fixer, l’équivalent de 20.000.000.000 (vingt milliards) marks-or à valoir sur les créances ci-dessus ; sur cette somme les frais de l’armée d’occupation après l’armistice du 11 novembre 1918 seront d’abord payés, et telles quantités de produits alimentaires et de matières premières, qui pourront être jugées, par les Gouvernements des principales puissances alliées et associées, nécessaires pour permettre à l’Allemagne de faire face à son obligation de réparer, pourront aussi, avec l’approbation desdits Gouvernements, être payées par imputation sur ladite somme. Le solde viendra en déduction des sommes dues par l’Allemagne à titre de réparations.

John Maynard Keynes était le représentant officiel du Trésor anglais à la conférence de paix de Paris, avant d’en démissionner.  Il écrivit, en 1919, un ouvrage basé sur ses objections Les Conséquences économiques de la paix. Il ajouta qu’il croyait « que la campagne pour faire payer l’Allemagne, l’ensemble des frais de la guerre était l’un des actes les plus graves manquant de sagesse politique que nos hommes d’État eut déjà été responsable » et qualifia le traité de « paix carthaginoise » qui affecterait économiquement toute l’Europe ». Keynes déclara que les sommes des réparations du traité « dépassaient généralement la capacité de l’Allemagne » à payer et affirma que 10 milliards de dollars était le « chiffre maximal » (environ 40 Milliards de marks-or), mais même alors, il ne « croyait pas que [l'Allemagne pouvait] payer autant »

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Le mythe du “coup de poignard dans le dos”

L’évaluation des dommages : 1919-1921

La constitution de Weimar fut adoptée ne 1920. Rompant avec la tradition de décentralisation de l’Allemagne impériale, elle concentrait les pouvoirs fiscaux entre les mains du gouvernement central. Les nouveaux barèmes élargissaient l’assiette fiscale et prévoyaient des taux d’imposition nettement plus élevés que par le passé.

Si ceci a été possible, c’est que les Allemands pensaient que le coût des réparations serait élevé, mais supportable. Ils tablaient sur un montant équivalent à l’indemnité française de 1871, additionnée d’une fraction de la dette interalliée – espérant que les États-Unis annuleraient une grande partie de cette dette. Il tablaient donc sur 20 milliards de marks-or, et on fait une première offre de 10-15 MdMo. Mais les alliés étaient bien loin de ce chiffre…

L’évaluation de la réparation des dommages posait évidemment de gros problèmes.

Le ministre français des Régions Libérées d’alors, Charles Reibel, indiqua dans un rapport, que la France avait à reconstruire 280 147 maisons et 4084 établissements industriels, à réparer 422 736 maisons, 53 976 km de routes et 1112 km de voies navigables en plus d’avoir à remettre en valeur 3337000 hectares de terres de culture. Les coûts reliés à ce nécessaire effort de reconstruction, en plus des pensions à verser aux Français victimes de la guerre, étaient estimés à 170 milliards de marks-or.

On a ici une évaluation générale desdits dommages (Vogelgsang, 2014) :

On arrive ainsi à un coût de 145 Md$ pour les alliés – soit environ 600 milliards de marks-or. On note aussi les 63 Md$ pur les empires centraux.

Lors des conférences préparatoires de San-Rémo, Lympne, Boulogne, Bruxelles permirent d’avancer. L’idée d’un paiement fixe minimal annuel en marks-or prit forme.

La conférence de Spa fit alors suite en 1920 au traité de Versailles « pour discuter l’application pratique du chapitre des réparations ». On y décida de la répartition des réparations – non encore fixées. Les indemnités de guerre seraient ainsi versés à :

Lors de la conférence, les Français estiment que le montant total des dommages subis par les Alliés s’élève à 226 milliards de marks-or, chiffre refusé par l’Allemagne. En conséquence, la France occupa le 8 mars 1921 Dusseldorf, Duisburg et Ruhrort.

Lors de la conférence de Londres de mars 1921, les Allemands estimèrent que leur pays pourrait payer 50 milliards de marks-or, pour eux 20 ayant déjà été versés à cette date.

La Conférence de Londres d’avril-mai 1921

La commission des réparations ne l’entendait évidemment pas de cette oreille…

En février 1921, elle consolida les demandes des Alliés :

On arrivait à 213 MdMo (milliards de marks-or).

Ceci étant, elle se rendit compte que les demandes de la Roumanie, de l’Italie et d’autres pays étaient irréalistes.

Elle prit donc le chiffre France+Royaume-Uni+Belgique, soit 144,3 MdMo, et utilisa une bonne vieille règle de trois, vu que ces pays avaient 82 % de la créance d’après les accords de Spa. Elle arriva à 176 MdMo :

De nouveau réunis à Londres, en avril 1921, les Alliés eurent une discussion de marchands de tapis à propos du montant total des dommages de guerre (Vogelgsang, 2014) :

Finalement, la commission se fixa sur un compromis suggéré par les Belges, et fixa la facture à 132 milliards de marks-or. le 27 avril 1921.

Les Alliés lancèrent alors un ultimatum à l’Allemagne le 5 mai :

Grosse précision, la série C ne serait honorée que si la Commission le juge possible en fonction des capacités de l’Allemagne.

En fait, ceci a fait dire à certains historiens, comme Sally Marks, que ces bons C étaient “chimériques”, que les 50 MdMo des séries A+B correspondaient à l’estimation que les Alliés faisaient de la capacité réelle de l’Allemagne à payer. Ces obligations fictives visaient à tromper l’opinion pour lui faire croire que les 132 MdMo seraient bien payés… Le montant réel des réparations était donc de 50 MdMo.

On peut rapprocher ce montant de l’indemnité due par la France en 1871 : 5 milliards de francs-or, à payer en 3 ans, soit 4 milliards de marks-or. Le montant facial du traité de Versailles était donc 33 fois plus élevé que l’indemnité de 1871, et 12,5 fois plus en pratique. L’indemnité de base, hors prêts interalliés, était égale à 4 fois celle de 1871.

Les difficultés de paiement

Au vu du montant astronomique des réparations, il y eu un début de révolte fiscale en Allemagne, l’État n’arrivant plus à faire rentrer correctement les impôts – et n’acceptant pas en pratique les paiements attendus des réparations. Il s’en suivit un financement par la Banque centrale, déclenchant une poussée d’inflation, qui a paralysé le système financier dont dépendait le transfert régulier des réparations.

Quand la Banque centrale faisait les fins, moyens puis débuts de mois de l’État… (Orléan)

L’été 1921, l’Allemagne paya le milliard convenu – principalement car ses postes de douane et la région de Düsseldorf était sous occupation alliée depuis le mois de mars.

Par la suite, l’Allemagne paya une petite partie de l’indemnité due en novembre 1921, puis effectua quelques autres petits paiements début 1922, puis cessa ses paiements en espèces, demandant un moratoire de deux ans et demi. Elle continua à réaliser des versements en nature (charbon, machines…), mais ils ne correspondaient jamais entièrement à ses engagements.

À ce moment, l’Allemagne entrait dans une spirale de dépréciation du mark. Les Allemands arguaient que c’était le montant des réparations qui détruisait leur monnaie, alors que les experts français et britanniques s’accordaient pour expliquer que l’Allemagne ruinait délibérément le mark, en partie pour éviter de douloureuses réformes budgétaires et monétaires, mais principalement pour échapper aux réparations.

La plupart des historiens estiment désormais que les experts alliés avaient raison ; en effet, l’inflation a commencé à surgir entre l’été 1921 et la fin 1922, alors que Allemagne payait très peu en réparations. De même, une période de basse inflation a accompagné la fin des années 1920, période où les plus forts paiements ont été effectués – les Allemands avançant même dans les années 1930 que les réparations causaient de la déflation… En fait, les archives de la chancellerie pour 1922 et 1923 montrent que les leaders allemands ont choisi de différer des reformes fiscales et monétaires pour obtenir une réduction substantielle des réparations. [Marks, 1973]

Le 16 avril 1922 fut signé en Italie le Traité de Rapallo entre l’Allemagne et l’URSS – deux pays placés jusque-là en “quarantaine diplomatique”. Traité par lequel ces pays renoncent aux réparations de guerre qu’ils se doivent l’une à l’autre, et rétablissent des relations diplomatiques et commerciales. Ce traité créa une psychose sécuritaire en France, ramenant la question rhénane au premier plan.

Les délégations allemande et soviétique à Rapallo

En réponse aux difficultés de paiement, la Commission des Réparations déclara le 22 décembre 1922 l’Allemagne en défaut pour ses livraisons de bois, puis le 9 janvier 1923 pour ses livraisons de charbon. Dans ce dernier vote, elle vota l’occupation de la Ruhr sous la pression française (France, Belgique, Italie votant pour – le Royaume-uni votant contre).

Dans notre prochain billet, nous nous intéresserons à l’occupation de la Ruhr

Source: http://www.les-crises.fr/les-reparations-allemandes-de-la-premiere-guerre-mondiale/