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[U3-4] L’invasion nazie en 1941 et la guerre

Friday 20 June 2014 at 01:24

Suite du billet précédent sur l’Histoire des Juifs en Galicie.

Index de la série

Le 22 juin 1941, l’opération Barbarossa est déclenchée : l’Allemagne envahit l’Union soviétique dans la plus grande invasion de l’histoire militaire. Au total, ce sont près de 4 millions de soldats de l’Axe qui pénètrent en Union soviétique, mobilisant 600 000 véhicules et 600 000 chevaux.

Le 22 juin 1941, l’opération Barbarossa est déclenchée -

Panzer III avec infanterie

Ce même jour, les leaders de l’OUN se rencontrent à Cracovie et établissent un plan pour créer un État ukrainien. Ils envoient une lettre à Adolf Hitler lui proposant une entière coopération en échange de l’indépendance de l’Ukraine.

Bien entendu, au vu de sa proximité géographique de la frontière, Lvov est aux avant-postes, et voit les soldats allemands arriver dès le 30 juin 1941.

Le front Est en 1941

Hitler libérateur

L’accueil des troupes nazies est très contrasté suivant les zones.

A l’Ouest de l’Ukraine, dans les territoires polonais annexés en 1939 par l’URSS (anciennement autrichiens puis polonais), l’accueil est enthousiaste et on construit des arcs de triomphe à la gloire des Allemands, vus comme des libérateurs. Cette arrivée est perçue comme un retour à l’ancien régime, plus favorable aux aspirations nationales ukrainiennes par opposition à l’attitude russe refusant de reconnaître les spécificités de l’Ukraine.

Accueil des allemands en Ukraine en 1941

Ukrainiens éminents accueillent les Allemands dans l’ouest de l’Ukraine en 1941

Arrivée des Allemands à Lviv en Juin 1941

Le bataillon Nachtigall dans les rues de lviv en Juin 1941

L’accueil est au contraire très mauvais dans le centre et l’Est de l’Ukraine (territoires anciennement russes, et restés soviétiques), où rien de semblable ne se produit. L’attitude de la population ukrainienne varie entre l’apathie et une haine dissimulée.

Ainsi, au moment où, dans les rangs des districts de l’Ukraine occidentale, la population locale continue à traquer et à capturer, dans les bois, « des opposants, communistes et des Juifs », dans la partie soviétique de l’Ukraine orientale, les nazis fusillent des habitants de la région qui aident ou cachent les partisans et les opposants.

Par ailleurs, le 30 juin 1941, le bataillon Nachtigall est arrivé quelques heures avant les nazis ; l’OUN-B proclama alors à Lviv l’indépendance de l’Ukraine.

Acte de Proclamation de l’Indépendance de l’Ukrainien

1. De par la volonté du peuple de l’Ukraine, l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens, sous la direction de Stepan Bandera, proclame la formation de l’Etat ukrainien, pour lequel ont combattu des générations entières des meilleurs fils de l’Ukraine.

L’Organisation des Nationalistes Ukrainiens, qui, sous la direction de son fondateur et chef Yevhen Konovalets a mené au cours des dix dernières années, une bataille sanglante contre les esclavagistes moscovito-bolcheviques dans une combat énergique pour la liberté, appelle tous les Ukrainiens à ne pas baisser les armes avant que toutes les terres ukrainiennes ne soient unies pour former un gouvernement ukrainien souverain.

Le gouvernement ukrainien souverain garantira au peuple ukrainien l’ordre, le développement unilatéral de toutes ses énergies et tous ses besoins.

2. Dans les terres occidentales de l’Ukraine, un gouvernement ukrainien est formé, qui est subordonné au Gouvernement National Ukrainien qui sera formé dans la capitale de l’Ukraine – Kiev.

3. Le nouvel État d’Ukraine collaborera étroitement avec la Grande Allemagne national-socialiste, sous l’autorité de son leader Adolf Hitler, qui est en train de mettre en place un Nouvel ordre Européen et Mondial, et qui est en train d’aider le peuple ukrainien à se libérer de l’occupation moscovite.

L’armée populaire révolutionnaire de l’Ukraine qui a été formé sur les terres ukrainiennes, continuera à se battre aux-côtés de l’armée allemande alliée contre l’occupation moscovite et pour un État souverain et uni et un nouvel ordre mondial.

Vive l’Ukraine Souveraine et Unie ! Vive l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens ! Vive le leader de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens et du peuple ukrainien – Stepan Bandera.

GLOIRE À UKRAINE !

“Source : Wikipedia
Un décret signé de Stepan Bandera nomme le même jour Yaroslav Stetsko comme chef de l’État.

Le 30 juin 1941 les habitants de lviv attendent la proclamation d’indépendance

Proclamation d’Indépendance de l’Ukraine , 1941

Convoqué le 2 juillet par les Allemands, qui lui expliquent que seul Hitler pouvait décider de la création d’un État à l’Est, Bandera leur répond obstinément qu’une telle décision n’a pas besoin du consentement des Allemands, car la seule chose qui importait était la volonté du peuple ukrainien.

Stetsko écrit le 4 Juillet à Hitler : « Votre Excellence. Je vous exprime la sincère gratitude et l’admiration des Ukrainiens pour votre armée héroïque, qui se couvrit d’une gloire immortelle sur les champs de bataille de l’Europe avec le pire ennemi – le bolchevisme moscovite. Nous vous envoyons, ô grand Führer, au nom du peuple ukrainien et de son gouvernement, qui a été créé dans Lemberg libérée, nos félicitations et nos souhaits chaleureux de voir finir ce combat dans la victoire complète.

La victoire des armées allemandes vous permettra d’étendre la création de la nouvelle Europe à ses territoires de l’Est. Ainsi, le peuple ukrainien espère qu’il aura l’occasion de participer activement à la mise en œuvre de cette grande idée, en tant que membre à part entière de la famille européenne des nations libres, uni dans l’Etat ukrainien souverain. Pour le Gouvernement ukrainien, le chef de l’État Yaroslav Stetsko »

Stetsko

Andrei Melnyk

Le 6 juillet 1941, Melnyk écrit pour sa part au Führer : « Le peuple ukrainien comme aucun autre, lutte pour sa liberté, l’âme imprégnée des idéaux de la nouvelle Europe. Le désir du peuple ukrainien est de participer à la mise en œuvre de ces idéaux. Nous, vieux combattants de la liberté des années 1918-1921, vous demandons de nous faire l’honneur d’accepter la participation de la jeunesse ukrainienne à la croisade contre la barbarie bolchevique. Nous demandons de nous permettre de marcher coude à coude avec nos libérateurs de la Wehrmacht et d’établir pour cela une force de combat ukrainien. »

Beaucoup pensèrent donc que cette proclamation avait la bénédiction allemande – ce qui n’était pas le cas. Ce nouvel État n’est pas reconnu par Hitler et le 4 juillet 1941, la déclaration d’indépendance de l’Etat ukrainien est annulée par les Allemands. Devant le refus de Bandera de revenir sur cette déclaration, les nazis l’arrêtent le 5 juillet et le conduisent à Berlin, puis ils arrêtent le 12 juillet Yaroslav Stetsko. Les deux passeront la guerre en détention dans un camp de prisonniers politiques. Environ 1 500 membres de l’OUN-B furent arrêtés par la Gestapo.

En novembre 1941, les consignes nazies sont durcies : « Le mouvement de Bandera est en train de préparer un soulèvement dans le Reichskommissariat dans le but ultime d’établir une Ukraine indépendante. Tous les cadres du mouvement de Bandera doivent être arrêtés sur le champ, et doivent, après interrogatoire poussé, être liquidés. » En décembre 1942, Hitler lui-même demande d’utiliser « les procédés les plus brutaux » contre les soutiens de l’OUN, « même contre les femmes et les enfants ».

Début 1942, l’OUN-M, qui collaborait toujours avec les Nazis, est à son tour réprimée par ceux-ci, son activité nationaliste étant vue comme préjudiciables aux projets nazis de transformer les territoires de l’Est en simples colonies allemandes.

La politique nazie des Allemands d’occupation du territoire est orientée vers l’affaiblissement de tous les facteurs potentiels d’indépendance nationale, qui peuvent devenir les bases de mouvements d’indépendance. Cela apparaît, par exemple, dans l’organisation de l’ensemble de l’enseignement général vers une étroite spécialisation professionnelle pratique, la fermeture des institutions scientifiques, des musées et bibliothèques, leur pillage, l’infantilisation du niveau de la culture dans la presse, le théâtre… L’affaiblissement des possibilités de la population est atteint par la faim, par l’ensemble des services médico-sanitaires, par les conditions inhumaines de travail imposées aux Ukrainiens envoyés en Allemagne et aux prisonniers de guerre soviétiques. Mais, aussi, par des exécutions massives de différents groupes de populations, pour des prétendus soutiens de mouvements de résistants.

En 1943, mécontente de la politique nazie en Ukraine, l’OUN-B entame la lutte armée contre les Allemands, contre les partisans ukrainiens pro-soviétiques, contre les partisans polonais et, à l’occasion, contre ses rivaux nationalistes de l’OUN-M, qui sont de facto obligés de se rallier ou de cesser leurs activités. L’OUN-B forme pour cela l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) qui compta jusqu’à 100 000 soldats. Bandera s’y oppose d’abord, car il croit qu’une armée clandestine ne peut pas gagner la guerre. Cependant, lorsque l’UPA devient réalité, Bandera lui donne son appui. Ses hommes ont mené des raids sur des centaines de stations de police allemandes et des convois militaires. Vers la fin de 1943 et au début de 1944, l’UPA contrôlait la majeure partie du territoire de Volhynie, en dehors des grandes villes. En mai 1944, l’OUN envoya une instruction pour « basculer complètement d’une lutte, menée contre les Allemands, vers une lutte totale contre l’URSS ».

Drapeau de l’UPA

l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA)

l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA)

Cependant, avec l’avancée soviétique, les choses changent. Le début des discussions et de l’établissement de liens entre les Allemands et l’OUN-UPA a lieu à la fin de 1943. Début 1944, l’Obergruppenführer SS Hans Prützmann signale : « Dans les territoires ennemis occupés, l’UPA envoie systématiquement les résultats de ses reconnaissances au Département du Ier groupe d’armée du front Sud. ». De mars à mai 1944, à Lviv, des discussions ont lieu entre les représentants de l’OUN et des Allemands à propos des accords sur les modalités pratiques de coopération. Le 9 mars 1944, une ordonnance du groupe UPA–Nord déclare : « Aujourd’hui il subsiste un ennemi au moins. Luttons contre l’impérialisme moscovite, contre les partis, le NKVD et ses valets, qui sont prêts à aider tous les ennemis du peuple ukrainien ! ».

En avril 1944, Bandera est approché pour discuter de plans de sabotages contre l’Armée Rouge. Les banderistes sont tous libérés en septembre 1944 ; Bandera est autorisé à fixer son quartier général à Berlin. Les Allemands équipent l’OUN-B et l’UPA en matériel. Encore début 1945, des leaders de l’OUN-B sont évacués par avion par les Allemands.

Après la reconquête soviétique, l’OUN-B continue son action armée contre les Soviétiques, et maintient une activité politique et militaire clandestine en Ukraine jusque dans les années 1950 : les combats ne cessent qu’en 1953-1954.

En 2010, après la reclassification de milliers de pages d’archives sur la Guerre, les Archives nationales américaines publièrent un document intitulé Hitler’s Shadow : Nazi War Criminals, U.S. Intelligence, and the Cold War, par Richard Breitman et Norman Goda, qui incluait un compte-rendu détaillé sur la collaboration de Bandera avec les nazis et leur rôle dans les exécutions de masse de Juifs et de Polonais – dont son tirées les informations suivantes.

“Source : the National Archives
“Source : CIA

Après la guerre, Bandera resta en RFA, où il créa en février 1946, la Section des Affaires étrangères de l’OUN, branche en exil du groupe Bandera, dans laquelle il a maintenu « une ligne ferme sur toutes les questions, l’éducation politique, l’unité idéologique et politique, et la discipline de ses membres. » Bandera avait pour but de créer une dictature en exil, qu’il pourrait transférer ensuite dans une Ukraine libérée. Selon des observateurs du service contre-espionnage de l’armée américaine CIC, la Section des Affaires étrangères OUN utilisait régulièrement l’intimidation et même la terreur contre ses ennemis politiques. Les rapports du CIC classent Bandera comme « extrêmement dangereux » car il était prêt à recourir à la violence contre des rivaux ukrainiens en Allemagne. Il était « constamment en déplacement, souvent déguisé » avec des gardes du corps prêts à « en finir avec toute personne qui pourrait être dangereuse pour [Bandera] ou son parti. »

Une querelle éclata en 1947 entre Bandera et Stetsko d’une part, et Hrinioch et Lebed (l’ancien assistant de Bandera qui dirigeait sur le terrain la police secrète du groupe) de l’autre. Bandera et Stetsko insistaient pour aboutir à une Ukraine indépendante avec un parti unique, l’OUN, dirigé par un seul homme, Bandera. Hrinioch et Lebed déclarèrent que les résistants dans le pays avaient créé le gouvernement clandestin UHVR, et qu’ils n’accepteraient jamais Bandera comme dictateur. Ces derniers furent alors expulsés de l’OUN.

Bandera fut recruté en avril 1948 par les services secrets britanniques – la liaison fut arrangée par Gerhard von Mende, un ancien nazi de haut niveau, qui travaillait pour les Britanniques à travers une société écran, qui recrutait en grande majorité des rebelles musulmans à l’intérieur de l’Union soviétique. Cet ancien dignitaire nazi joua ainsi un rôle déterminant dans la mise en place d’une plate-forme d’opérations des Frères islamiques à Munich et à Genève.

Grâce à von Mende, le MI-6 entraîna des agents de l’OUN-B qui étaient ensuite envoyés en Union soviétique pour y commettre des actes de sabotage et des assassinats entre 1949 et 1950. Un rapport du MI-6 de 1954 fait l’éloge de Bandera en tant qu’« agent professionnel muni d’une expérience terroriste et de notions impitoyables concernant les règles du jeu ». Il a ensuite eu des contacts avec les services secrets italiens.

Les forces de police voulurent ensuite démanteler l’organisation de Bandera, en raison de crimes allant de la contrefaçon au kidnapping. Mais Von Mende, qui était alors devenu un officiel du gouvernement de la RFA la protégea. En avril 1959, Bandera sollicita l’aide des services secrets allemands pour mener des opérations clandestines en Ukraine. Ils acceptèrent de soutenir au moins une mission sur la base du fait que « Bandera et son groupe avaient cessé de trancher des gorges ». Une équipe formée et financée par le BND a traversé la Tchécoslovaquie à la fin juillet, et le BND a promis à Bandera de le soutenir pour des opérations futures, si celle-ci devait être couronnée de succès.

Cette dernière décision lui fut fatale. À l’évidence, les Soviétiques ne pouvaient tolérer une nouvelle alliance entre les services secrets allemands et les fanatiques ukrainiens. Stepan Bandera fut alors assassiné par le KGB en octobre 1959.

La CIA et le Département d’État américain refusèrent catégoriquement de travailler avec Bandera. Un rapport de la CIA indiqua que : « Par nature, Bandera est un dirigeant politique intransigeant, doté d’une grande ambition personnelle, qui s’est opposé depuis avril 1948 à toutes les organisations politiques de l’émigration qui favorisent une forme de gouvernement représentatif en Ukraine, défendant l’idée d’un parti unique, le régime OUN / Bandera. […] Bandera est aussi un assassin condamné. » À partir de 1951, Bandera fit des déclarations anti-américaines, car ceux-ci ne soutenaient pas l’idée d’une Ukraine indépendante.

En revanche, comme par rapport à Bandera, Hrinioch et Lebed représentaient un groupe plus modéré, stable, sécurisé et opérationnel avec des connexions solides avec les nationalistes ukrainiens clandestins en URSS, la CIA décida de les soutenir. Et ce, même si un rapport du CIC américain de juillet 1947 qualifiait Mikhaïl Lebed de « leader fasciste ukrainien » et de « sadique bien-connu et de collaborateur des Nazis ». On constate ainsi que de telles qualités n’embarrassaient nullement la Maison blanche – pas plus que les penchants pronazis des dirigeants actuels à Kiev…

La CIA n’a pas cessé pendant la guerre froide de coopérer avec Lebed. Celui-ci recruta les agents de l’OUN-B qui n’avaient pas suivi Bandera au MI-6 et participa à de nombreux programmes de sabotage derrière le Rideau de fer, incluant l’« Opération Cartel » et l’« Opération aérodynamique ». Lebed fut ensuite envoyé à New York pour le protéger, où il établit une société écran pour le compte de la CIA, Prolog Research Corporation. Prolog fut actif jusqu’au cours des années 1990, après avoir obtenu un fort soutien de la part de Zbigniew Brzezinski qui était alors le conseiller du président Jimmy Carter en matière de sécurité nationale.

En 1985, le département de la Justice ouvrit une enquête sur le rôle de Lebed dans le génocide en Pologne et en Ukraine au cours de la Deuxième Guerre mondiale, mais la CIA fit de l’obstruction et l’enquête fut étouffée. Lebed mourut impuni en 1998 à 89 ans…

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/l-invasion-nazie-en-1941/