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The Winmail.dat Syndrome

Monday 4 February 2013 at 14:14

emails

For more than a decade, Microsoft Outlook has been acting in a weird way, sometimes sending email content or attachments in a file called “winmail.dat”. Most mail clients were unable to open that strange file.

The logic behind this behaviour is not trivial but the point is that Microsoft was sending mail in a non-standard format. They were guilty of breaking the mail standard and the only sane solution was, obviously, for them to fix MS Outlook.

But it didn’t happened. And people not using MS Outlook received winmail.dat files while Outlook users could exchange information without problems.

Even if it was nothing but a faulty implementation in MS Outlook, some webmails started to transparently convert winmail.dat to a normal mail format: Hotmail, Yahoo and even GMail. It’s not a standard, it’s the sender fault but the receiver is the one who ends complaining. As such, it was fixed on the receiver side. A really bad and disgusting hack.

The result is that a lot of people are now able to receive badly sent MS Outlook emails. If one of your contacts sends such an email to a bunch of friends, only a tiny minority will actually complain.

And because they are a minority, it will be considered that the fault is theirs. “Oh but you are using that strange mail provider/your own server. You are the geek, you do strange things, fix the issue on your side”.

Worst: if you run a business and offer mail services to paying customers, they will complain and get angry at you. They can’t read an email from a potential customer! They are loosing business opportunities because of you! And no, it’s not Microsoft fault : according to the sender, they are the first to complain. And even if it’s Microsoft fault, they don’t care, they just want to read their emails. Which is a perfectly understandable answer.

I call this anecdote the “Winmail.dat Syndrome“. In the Free Software community, we are eager to support standardisation. To blame people who don’t follow a written standard.

But, sometimes, we are blind to the real de facto standard. A standard that might be a piece of shit, a pure accident. A standard that was chosen by nobody. We try to educate people to the fact that their standard is not good, not a “real” one. But, in reality, nobody cares. They just want to use anything that works, even if suboptimal under the hood.

By being picky about using a true written-by-experts standard, we are sometimes only excluding ourselves from the party. We are doing exactly what we are blaming: not acting as everybody else and doing our own protocol that nobody can understand. The fact that our protocol is open and could be implemented by anyone doesn’t matter for the end users. Nobody understands it and we are the troublemakers.

Does it means that we should accept everything and forget about standardisation? Of course not! But shouldn’t we sometimes admit that we’ve lost a battle and that staying “pure” actually harm our end users instead of helping them?

I tend to think that when a project is hurting its users instead of helping them, even with good intentions, something is very wrong about that project.

flattr this!

Source: http://ploum.net/post/winmail-dat-syndrome


Rencontre avec John Doe, créateur du service BlackMa.il

Friday 1 February 2013 at 00:34

silent_angel

Available in English

Si BlackMa.il fut le buzz de l’automne 2014, la startup n’en reste pas moins très discrète. Un simple panneau au nom de CrowIT sur une boîte au lettres, un couloir, un ascenseur et nous voilà dans l’antre. Ici, nulles balles multicolores jonchant le sol, nuls accessoires : quelques bureaux et une dizaine d’employés devant leurs écrans qui ne se retournent même pas à mon passage.

Avec une ironie contenue, le bureau de la direction annonce « John Doe ». Il est vrai que le créateur de cette entreprise londonienne préfère garder l’anonymat. Ce fut d’ailleurs la condition sine qua non à notre entrevue.

L’homme est grand et a le crâne dégarni. Jovial, il se lève de son fauteuil pour me saluer. Il est simple et me met tout de suite à l’aise tandis que je sors mon dictaphone. J’ai l’impression d’être face à un sympathique grand-père patron d’une petite épicerie familiale.

Bonjour Mr Doe. Merci de me recevoir. Je pense que vous n’accordez pas beaucoup d’interviews.

Pour tout vous avouer, c’est même la première fois qu’un journaliste pénètre dans nos bureaux. Mais je suppose que c’est la rançon du succès…

Le succès, parlons-en. Après seulement six mois d’existence, BlackMa.il affiche déjà plusieurs dizaines de millions d’euros de bénéfice. Et cela avec un investissement sur vos fonds propres. Comment expliquez-vous ce succès ?

Contrairement à la majorité des sociétés de l’ère du web social, je n’ai pas essayé de faire un service à la mode ni d’attirer des millions d’utilisateurs. Je me suis juste posé la question : pour quoi les gens seraient-ils prêts à payer ?

La réponse m’est apparue clairement en cette période où chacun voit son intimité dévoilée sur Google ou sur Facebook. Avant, on payait pour diffuser de l’information. De nos jours cette information est publique par défaut. Le corollaire est évident : on paiera pour garder des informations confidentielles.

Et quelle est la solution pratiquement mise en œuvre par BlackMa.il ?

Plutôt que de partir à la chasse aux informations, nous avons préféré laisser cela à nos utilisateurs et partager nos bénéfices avec eux à hauteur de 50%. Ce sont nos utilisateurs qui trouvent les informations cachées et nous les proposent.

Mais qui paie dans ce cas ?

Ceux qui souhaitent garder une information secrète. Prenons un exemple : je suis témoin du fait que vous trompez votre mari. Je prend une photo avec mon téléphone lors d’un de vos rendez-vous galant. J’envoie cette photo sur BlackMa.il avec la somme que j’exige, disons 1000€ et l’adresse email de votre mari.

À partir de ce moment, vous avez un mois pour réagir. Si au bout d’un mois BlackMa.il n’a pas de réaction de votre part, la photo et le texte original est envoyé à votre mari. Nous l’appelons le destinataire dans notre jargon. Si vous payez 1000€, l’affaire est classée et la photo n’est pas envoyée. Vous pouvez également acheter du temps de réflexion à hauteur de 10% du prix par mois. Dans notre cas, chaque tranche de 100€ vous achète un mois. Au bout d’un an, nous considérons l’affaire comme conclue. Vous ne payez donc que 2 mois supplémentaire pour étaler le paiement.

50% de la somme va directement à notre informateur, que vous ne connaîtrez jamais. Nous prenons même le soin de cacher toutes les informations cachées dans les photos ou les vidéos.

N’est-ce pas illégal ?

Cela dépend fortement des pays et de l’affaire traitée. C’est pourquoi la société qui gère le business de BlackMa.il est installée sous des cieux plus cléments. Les bureaux dans lequel vous vous trouvez sont ceux de CrowIT, la société de consultance qui fournit l’expertise informatique à BlackMa.il.

D’ailleurs, nous n’avons pas encore eu la moindre menace de procès.

Comment expliquez-vous cela ? Cela ne doit pourtant pas être de gaieté de cœur que les bourses se délient !

Tout d’abord, les gens préfèrent éviter autant que possible le scandale. BlackMa.il ne fait que l’intermédiaire. Si vous refusez de payer, BlackMa.il n’aura fait que transmettre un mail de manière entièrement automatique avec un délai d’un mois. C’est très difficile à attaquer, surtout étant donné le caractère international. Nous avons mis tout cela en place avec l’aide de plusieurs experts.

Enfin, nous offrons des garanties. Nous expliquons qu’en cas de refus nous ne sommes plus responsable de rien. Par contre, nous avons des engagements : nous n’acceptons pas de faire payer la même personne plusieurs fois pour la même information. Une fois que vous avez payé 1000€ pour votre liaison extra-conjugale, si vous recevez une nouvelle demande, vous pouvez la réfuter en nous donnant le numéro du dossier précédent et nous annulerons la transaction.

Bien que 100€ soit le paiement minimal, nous encourageons les informateurs à faire des demandes raisonnables qui ont plus de chance de recevoir une réponse positive.

Nous essayons d’être un partenaire, un intermédiaire qui ne prend pas parti.

Qu’est-ce qui empêche l’informateur de réclamer une seconde fois de l’argent  mais sans passer par Blackma.il cette fois ?

En effet. Mais dans ce cas, pourquoi utiliser Blackma.il la première fois ? Blackma.il offre un risque nul d’être identifié et facilite le paiement. De plus, nous avons acquis une solide réputation : nous nous engageons à effacer toute information relative à l’informateur à la clôture de chaque affaire. De cette manière, il devient impossible de retracer l’identité d’un auteur.

Il y a un mois, un concurrent meilleur marché est apparu en Russie. Il s’est avéré qu’après la clôture de chaque affaire, les informateurs de ce site se voyaient menacés de voir leur identité révélée si il ne payait pas une somme régulière.

Je sais que Blackma.il est souvent mal perçu mais nous avons une éthique. C’est ce qui nous différencie.

Justement, comment justifiez-vous la moralité d’une telle entreprise ?

Nos vies sont de plus en plus transparentes. Nous cachons certaines facettes de notre personnalité pour de simples conventions morales dépassées. Pourquoi une femme comme vous ne pourrait-elle pas avoir plusieurs amants ? La contraception a pourtant rendu obsolète la nécessité de la monogamie.

D’une certaine manière, BlackMa.il tente d’encourager les gens à s’assumer. Nous avons par exemple beaucoup d’affaires où l’informateur prétend rendre publique l’homosexualité du sujet. Et bien près de la moitié restent lettre morte. La menace financière pousse ces personnes à faire leur coming out, à assumer leur homosexualité. Je pense que c’est une très bonne chose.

Dans certains pays, l’adultère et l’homosexualité sont encore des délits. Ne prenez-vous pas de mesures d’exception ?

Forcer les gens à cacher leur homosexualité est de l’homophobie. C’est cela qui doit être dénoncé. En reportant une partie de la culpabilité sur le messager, on justifie l’homophobie et le rejet. Chacun doit être libre de dire qu’un autre est homosexuel comme on dit qu’il a les cheveux blonds.

Il ne doit pas y avoir que des affaires d’homosexualité.

Plus de 80% de nos affaires sont liées au sexe : infidélité, consommation de pornographie, homosexualité, enfants illégitimes, fréquentation de prostituées. La réalité est que le sexe est resté un énorme tabou.

Sur Google Images, vous pouvez trouver des images de morts, des images à caractère violent ou raciste, des armes, des horreurs sans nom. Mais, par contre, les images de corps nus sont filtrées par défaut. La mort, oui. La violence, le rejet, oui. Le sexe, non !

De manière indirecte, BlackMa.il force les gens à assumer leur sexualité. Consulter un site pornographique ne fait pas de vous un monstre mais c’est pourtant l’image que nous en avons. Jusqu’au jour où nous réalisons que 75% des adultes consomment de la pornographie.

Comment justifiez-vous les affaires à caractère non-sexuel ?

Je le répète, le sexe est notre principal fournisseur. Le second sujet récurrent est l’argent. Tout particulièrement au sein des entreprises. Un employé qui a compris que son patron détournait une partie du budget. Ou une personne qui a compris qu’une de ses connaissances a été arnaquée et qui veut sa part.

Ces affaires sont nettement moins nombreuses mais elles sont beaucoup plus lucratives. Les sommes moyennes sont multipliées par mille.

Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Je ne souhaite pas en dire trop. Mais sachez que si quelqu’un détourne beaucoup d’argent, 10% est le plus rentable. Au dessus, le destinataire hésite à payer. Or il n’est pas rare, dans certaines sphères, d’être témoin du détournement de plusieurs millions voire dizaines de millions. Il suffit de menacer d’envoyer l’information à un journaliste.

Ici BlackMa.il joue un rôle moral comparable à WikiLeaks : il décourage les actions malhonnêtes plus sûrement que la menace d’un procès en préservant l’anonymat de l’informateur.

Et BlackMa.il prend 50% sur ces sommes ?

Le fait que nous soyons fortement intéressé assure que nous souhaitons avant tout la réussite de l’affaire. Nous éduquons nos informateurs en ce sens. Et c’est pourquoi nous autorisons l’étalement du paiement. Une affaire non-payée est une perte sèche pour BlackMa.il. Ce n’est pas dans notre intérêt.

Je préfère dire qu’il s’agit d’un partenariat équitable avec l’informateur, surtout lorsqu’on considère que tous les frais sont à notre charge.

N’avez-vous jamais de demandes de négociation ? De cas particuliers ?

C’est une des grandes forces de BlackMa.il : le destinataire ne peut pas nous contacter autrement que par un formulaire. Il peut juste répondre qu’il n’accepte pas de payer, qu’il paie (par mois ou au forfait) ou demander d’assimiler cette affaire à une autre précédemment payée. Nous ne rentrons pas dans le dialogue. D’ailleurs, le processus est entièrement automatisé. Le sujet le sait et a un mois pour prendre sa décision.

Éprouvez-vous parfois des remords ?

La grande majorité des affaires que nous traitons sont en fait déjà publiques. Ainsi, la discussion en ligne de ce mari infidèle avec son amante peut être trouvée sur Google dans les archives d’un forum. Cet homme à qui on menace de révéler sa fréquentation d’un salon de strip-tease est déjà fan dudit salon sur Facebook. Pourtant, il paie pour que le mail ne soit pas envoyé à sa femme.

Nous entrons dans une société transparente. Nous pouvons soit faire les hypocrites et cacher nos différences. Ou bien s’accepter comme nous sommes et accepter les autres.

Que faîtes-vous du droit à la vie privée ?

Mais nous le respectons tout à fait. Nous ne rendons pas publiques les affaires que nous recevons. L’information n’est jamais envoyée qu’à un ou plusieurs destinataires. La vie privée c’est pour nous comme aller aux toilettes : tout le monde le fait et pourtant nous n’apprécions pas le faire en public. Cependant, si j’envoyais une photo de vous sur le cabinet à votre mari, il ne s’en offusquerait pas. Cela n’aurait aucun intérêt. Sauf si vous avez toujours prétendu à votre mari que vous n’alliez jamais à la toilette. Mais BlackMa.il n’aura rien rendu de public.

Un mot pour conclure ?

BlackMa.il est fortement décrié. Publiquement, tout le monde s’insurge et le voue aux gémonies. Pourtant nous avons des centaines de milliers d’utilisateurs. Parmi lesquels certains de nos plus ardents détracteurs.

Mais BlackMa.il aura sur la morale mondiale le même effet d’électrochoc que Wikileaks a eu sur le monde politique. L’homme s’assumera et arrêtera de porter un jugement sur les autres. Les truands craindront de s’associer de peur de devoir s’acheter le silence l’un à l’autre. BlackMa.il a donc réellement un rôle positif et pacificateur.

Merci pour cet entretien Mr Doe.

Tout le plaisir était pour moi.

Alors qu’il me raccompagne jusqu’à l’ascenseur, une idée me vient soudainement.

Que se passerait-il si je menaçais de publier votre vrai nom. Quelle somme seriez-vous disposé à payer ?

Cette affaire a déjà été traitée. Il vous faudra trouver autre chose. Mais je suis heureux de voir en vous une partenaire potentielle. Vous avez bien compris tout le potentiel de BlackMa.il.

D’un délicat mouvement du bras, il m’aide à monter dans l’ascenseur. Les portes d’acier se referment sur son sourire tandis qu’il me fait un geste de la main. Machinalement, je lui rend son sourire, comme à un vieil ami.

 

Photo par Marynka Egremy

Available in English

Mise-à-jour du 5 février : ajout d’un paragraphe sur la concurrence

flattr this!

Source: http://ploum.net/post/rencontre-avec-john-doe-createur-du-service-blackma-il


Paying for the web?

Sunday 27 January 2013 at 18:24

Virtual-Tip-Jar

Disponible en français

I know it sounds crazy but I want you to give a try to this little experiment. During one year, you will pay for the content you consume on the web: blog posts, music, videos, nice pictures, news and even single tweets! You will pay for everything!

What? Paying for the web? Yes but…

There are two catches. The first one being that you will pay only after consuming the content and only if you liked it/found it worthwhile. It’s like going out to a movie and deciding, afterward if it worth to pay the ticket.

The second catch is that you will always spend 2€ per month, whatever content you may have consumed. At the end of the year, this experiment will then cost you only 24€. Interesting enough if you can afford it.

How to get started?

It is easy. Create an account on Flattr and send them 24€.

flattr

Once registered on Flattr, try to find the little green button each time you appreciate some content. If you don’t find it, don’t hesitate to contact the author and ask for one.

flattrbuttons

But Flattring is often possible without an explicit button. Install the Flattr extension for Chrome or Firefox and the Flattr logo will be displayed in your browser each time you will be on a “Flattrable” page. That way, you can flattr individual tweets on Twitter, videos on Vimeo, music on Soundcloud and Grooveshark, pictures on  Flickr500px, Instagram and software projects on Github. Yes, you can even flattr a single github commit!

flattr_extension

If the author of that content doesn’t have a Flattr account yet, your Flattr is marked as pending. The money will be transferred from your account to the author account only when he will claim his pending Flattrs.

You can even set automatic Flattering on Grooveshark. Artists you listened to during a given month will automatically receive a Flattr that month. An external service called FlattrStar allows you to automatically Flattr content you starred in Google Reader, Readability, Instagram, Pocket and many more. It is even possible to Flattr someone in the street with your smartphone! But let’s keep that for later.

Receiving Flattrs

You are supporting the content you like. But maybe are you a content publisher yourself? Your content may be Flattered on any of the aforementioned website. If you have a blog, don’t hesitate to make each post Flattrable.

And if you comment on this very own blog, don’t hesitate to add your Flattr ID. A comment is content, after all. It might be considered useful, interesting or funny by someone else and worth a Flattrs.

The downside

If I’m a huge Flattr fanatic but there are two main critics that you should be aware of.

Firstly, Flattr is a proprietary centralized model. You have to trust them. If Flattr becomes one day extremely popular, it would have an awful lot of power. I hope to see some competitions, some distributed alternatives (using Bitcoin?). But, in the mean time, Flattr is a functional and very interesting solution.

Secondly, Flattr takes 10% on each Flattr. During your experiment, 2,4€ will then go directly to Flattr. If it makes sense to have some fee, some would like to see it lowered.

Conclusion of the experiment

Take one year to make the test. In the worst case, you only lose 24€. Losing is not a very appropriate word when you know that 21.6€ will go to the maker of content you appreciate. You can even test for only 6 months by sending 12€.

But if everything goes well, you will discover the simple pleasure of supporting what you like on the web. You will subscribe to some content in order to Flattr them during 3 or 6 months. You will find yourself raising the monthly limit to 3€, 5€ or even, if you are very rich, the maximum of 250€.

And what if the goal of earning as much as you are spending on Flattr gives you the motivation to create a blog, to publish picture on Flickr, music on SoundCloud or videos on Viméo? Don’t be ashamed: if a few euros give you the motivation, why not using that to unleash you creativity?

Disponible en français

flattr this!

Source: http://ploum.net/post/paying-web


Et si vous testiez le web payant ?

Saturday 26 January 2013 at 00:01

Virtual-Tip-Jar

English version

Je vous propose une expérience. Pendant toute l’année 2013, vous allez payer 2€ par mois pour le contenu que vous consommerez sur le web : les billets de blog, les photos que vous appréciez, la musique, les articles de la presse en ligne et même les commentaires ou les tweets. Tout deviendra payant !

Quoi ? Rendre le web payant ? Oui mais…

La première subtilité c’est que c’est vous qui allez choisir a posteriori le contenu pour lequel vous payerez. C’est un peu comme aller au cinéma et, à la fin de la séance, choisir si le film était assez valable pour mériter que de payer le ticket.

La seconde subtilité c’est que vous ne dépenserez que 2€ par mois, quoiqu’il arrive. Aucun risque d’avoir une mauvaise surprise. Au final, cette expérience ne vous coûtera donc que 24€ pour toute l’année. Si vous êtes d’un naturel curieux et que vous pouvez vous permettre cette dépense, pourquoi ne pas tenter ?

Comment se lancer dans cette expérience ?

C’est très simple : il suffit de se créer un compte sur Flattr et de leur verser 24€ par carte de crédit ou par virement IBAN.

flattr

Une fois votre compte activé, à chaque fois que vous appréciez du contenu, essayez de trouver le bouton vert afin d’envoyer un « Flatt ». Si vous n’en trouvez pas sur votre site préféré, n’hésitez pas à contacter l’auteur et lui conseiller d’en rajouter un.

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Mais même sans bouton vert, vous pouvez souvent soutenir l’auteur. Si vous installez l’extension Flattr pour Firefox ou Chrome, le logo Flattr s’affichera en haut de votre navigateur à chaque fois que la page que vous êtes en train de consulter sera « Flattable ». Il est ainsi possible de Flatter les tweets sur Twitter, les vidéos sur Vimeo, la musique sur Soundcloud et GrooveShark, les images sur Flickr, 500px et Instagram, les projets et même les commits sur Github.

flattr_extension

Dans le cas où un auteur n’a pas encore de compte Flattr, votre Flatt est mis en attente et ne deviendra effectif que lorsqu’il aura été réclamé. L’argent des Flatts en attente reste bien entendu sur votre compte.

Il est même possible d’automatiser : GrooveShark propose l’option de Flatter les artistes que vous avez écouté durant le mois. Le service externe FlattrStar permet de Flatter automatiquement le contenu que vous marquez comme favori dans Google Reader, Readability, Instagram, Pocket et bien d’autres. Il est même possible de Flatter les artistes dans la rue avec son smartphone ! Mais chaque chose en son temps, gardons tout cela pour plus tard.

Recevoir des Flatts

Vous soutenez donc le contenu que vous appréciez. Mais, après tout, si vous publiez sur n’importe lequel de ces sites, vous êtes également éligible pour recevoir des Flatts. Peut-être votre production est-elle appréciée. Si vous avez un blog, n’hésitez pas à faire en sorte que chacun de vos billets soit Flattables.

Et si vous postez un commentaire sur ce blog, n’oubliez pas de renseigner votre identifiant Flattr. Qui sait d’autres le jugeront suffisamment pertinent pour mériter un Flatt !

Le revers de la médaille

Si je suis très enthousiaste sur le principe, il faut reconnaître que Flattr a deux gros défauts.

Le premier c’est qu’il s’agit d’un service propriétaire centralisé. Il faut donc leur faire entièrement confiance. Ayant des contacts assez réguliers avec l’équipe, je leur accorde la mienne mais j’avoue que j’aimerais voir l’émergence d’alternatives décentralisées (basées sur bitcoin ?) ou d’une réelle concurrence. En attendant, Flattr est une solution particulièrement intéressante.

Le second défaut est que Flattr prend 10% sur chaque don. Au cours de votre expérience, 2,4€ iront donc à Flattr. Si il est raisonnable de payer une commission, le pourcentage peut sembler élevé.

Conclusion de l’expérience

Prenez un an pour tester. Dans le pire des cas, vous aurez dépensé 24€ dont 21,6 auront été directement aux contenus que vous avez apprécié. Et vous en resterez là. Vous pouvez même limiter l’expérience à 6 mois en ne virant que 12€.

Mais si tout se passe bien, vous découvrirez le plaisir de soutenir le web que vous appréciez, vous vous abonnerez aux productions particulièrement intéressantes afin de les Flatter durant 3 ou 6 mois et vous vous surprendrez à augmenter la limite mensuelle à 3€, 5€ ou, si vous êtes très riche, 250€ qui est le maximum.

Peut-être que la volonté de rentabiliser votre compte Flattr vous motivera à créer un blog, à publier des photos sur Flickr, de la musique sur SoundClound ou des vidéos sur Viméo. C’est un peu honteux de l’avouer mais, si quelques euros vous motivent et vous poussent à vous exprimer, pourquoi s’en priver ?

 

English version

flattr this!

Source: http://ploum.net/post/si-vous-testiez-le-web-payant


Lorsque l’industrie fait son deuil

Tuesday 22 January 2013 at 12:54

Une vieille industrie

Confronté à une évolution de la société ou un progrès technologique qui la met en péril, une industrie doit faire le deuil de son business model. Le deuil est une étape nécessaire avant de pouvoir construire un nouveau modèle, de s’adapter.

Au cours de ce deuil, les industriels et les clients vont, sans le savoir, suivre les étapes décrites par Elisabeth Kübler-Ross : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et pour finir l’acceptation. Au plus ces étapes seront longues, au moins l’acceptation sera facile.

Le déni

Confronté à la nouveauté, les premières réactions vont être de l’ignorer ou de la minimiser. On reconnait très bien cette étape au fait que les industriels ne savent donner aucun argument concret pour justifier la continuation de leurs affaires. À la place, ils se rabattent sur de l’impalpable : « Nos clients nous sont fidèles », « Notre clientèle fait confiance à nos années d’expérience », « Chez nous il y a le service et la qualité » voire « Les clients ne vont pas acheter ce produit concurrent, ce n’est pas dans leurs habitudes » ou « Il y a des cas où notre produit est meilleur ».

Les clients eux-mêmes justifieront leur fidélité à l’ancien modèle avec ces arguments. Remarquons la difficulté de trouver du concret ou l’utilisation d’une situation existante pour justifier des ventes futures sans tenir compte de l’évolution probable. « Tout le monde n’a pas Internet ».

Aujourd’hui, ce stade est très visible chez les fabricants d’ordinateurs portables « Une tablette n’est pas un outil de travail » ou de GPS « Mais tout le monde n’a pas de smartphone ». On le retrouve également dans l’industrie automobile « Du pétrole, on en trouvera toujours » ou « Il est illusoire de vouloir se passer de la voiture ».

D’autres arguments de déni portent sur la fourniture de services annexes présentés comme indispensables : « Les gens vont continuer à acheter des CDs. Ils ont besoin de toucher, de consulter le livret. »

La colère

Les chiffres de vente sont en baisse, on ne peut plus le nier. Parfois, ce n’est pas une réelle baisse mais une croissance éhontée du concurrent. L’industrie passe alors par une phase de colère. Cette colère se marque par une moralisation appuyée de ce qui n’était que de la vente et de la consommation. L’évolution devient « mauvaise ». On fait peser sur les anciens clients infidèles une culpabilité morale.

C’est Steve Ballmer qui traite Linux de Cancer, ce sont les usines nationale qui s’insurgent contre les produits étrangers, c’est l’industrie du disque qui présente le spectre des musiciens mourants de faim et réduits à mendier.

Les clients fidèles intègrent cette moralité et elle donne un côté éthique à leurs achats. Acheter ces produits procure une gratification morale intense. Cela devient d’ailleurs l’unique valeur ajoutée de l’achat : on paie plus cher pour s’acheter une bonne conscience. Les clients ayant abandonné le navire sont pointés du doigt. Souvent, il est également fait appel à la fibre patriotique ou éthique.

Le marchandage

Il devient évident que la compétitivité et la rentabilité économique font désormais partie du passé. En échange de cette reconnaissance, l’industrie négocie la poursuite de ses activités mais, cette fois-ci, subventionnées par le gouvernement ou par des transactions tout à fait artificielles.

Les arguments deviennent la préservation des emplois et le fait que la société ne peut pas se passer de l’industrie concernée. Contrairement aux étapes précédentes, les arguments ne sont plus destinés aux clients mais bien uniquement au pouvoir politique. On met également au défi les clients infidèles de trouver un nouveau business model mais sans changer un iota des intérêts existants. L’impossibilité flagrante de s’adapter sans rien changer  est pris comme une justification de la continuation actuelle.

Typiquement, on trouve les industries lourdes qui ne tournent que grâce au financement public ou les journalistes qui souhaitent faire payer Google pour combler la perte de leurs revenus.

Dans une grande majorité des cas, le pouvoir politique saute à pieds joint et finance des emplois de toutes façons condamnés.

La dépression

Dans la dépression, toutes les barrières sautent. L’industrie n’hésitera pas à recourir à des moyens à la limite de la légalité pour tenter d’inverser le cours de destin : corruption, attaques en justice de ses anciens clients qui ont eu le malheur de l’abandonner, lobby politique pour faire passer des lois iniques dans son unique intérêt.

L’industrie du disque attaquant des citoyens pour téléchargement de MP3 et tentant de faire passer l’accord SOPA est un exemple particulièrement illustratif : toute moralité, toute humanité a été abandonnée. On est dans la rage destructrice : le monde disparaîtra avec moi !

Les grèves contre la fermeture d’une usine sont une autre illustration. Face à une menace de ne plus pouvoir travailler, les employés arrêtent le travail en signe de protestation et vont, dans certains cas, jusqu’à la destruction physique du matériel. L’apparente absurdité est en fait la manifestation d’un profond désespoir.

La dépression mène aux licenciements en masse voire à la faillite totale. La responsabilité n’est que rarement assumée. Le monde entier et principalement les anciens clients sont accusés de tous les maux.

L’acceptation

Le nouvel ordre est accepté. De nouvelles entreprises apparaissent. Les anciennes qui n’ont pas fait faillite se restructurent soit en ciblant un marché particulier soit en adaptant leur offre.

On notera par exemple la transformation radicale d’IBM qui est passé en quelques années d’une société produisant des ordinateurs à une pure société de logiciels, de services et de conseils. Devant la pression du marché, il était en effet évident que les marges sur le matériel n’allaient faire que baisser. IBM a anticipé et accepté ce fait pour s’adapter. D’autres, comme HP, éprouvent aujourd’hui les plus grandes difficultés pour être resté dans le déni (et y être toujours ?).

Différence par rapport à un deuil classique

Il est important de remarquer que, contrairement à un deuil classique, une industrie devant faire face à la disparition de son business model va faire l’expérience des étapes décrites sur une longue période et va les mélanger allègrement. En effet, les étapes concernent les individus. Les travailleurs, les dirigeants, les clients et les politiques. Chaque individu va passer à travers les étapes selon son propre rythme.

Ainsi, un groupe de dirigeant peut être dans la phase de marchandage et convaincre un politicien de rester dans le déni en lui disant qu’il ne s’agit que d’une situation temporaire. Dans le même temps, on tentera de garder les clients dans l’état de la colère afin qu’ils fassent pression sur le politicien. Si l’industrie de la musique est clairement entré dans la phase de dépression, ses clients fidèles et ses employés (les musiciens) oscillent pour la plupart entre la colère et le marchandage.

Au sein d’une même entreprise, des employés peuvent être en train de suivre des cours du soir et d’envoyer déjà des CV (acceptation) alors que d’autres manifestent (dépression) et que certains préfèrent ne même pas y penser (déni).

Conclusion

Un point important est l’inéluctabilité. Dès qu’une entreprise ou un pan entier d’une industrie rentre dans le déni, la fin est annoncée. La résistance peut retarder la chute finale mais la rendra également plus violente. Plus les différentes étapes sont prolongées, moins il y a de chance d’avoir une acceptation douce avec une adaptation plutôt qu’un drame.

Il faut cependant relativiser sur le fait qu’une fin annoncée peut parfois prendre des années pour devenir perceptible. L’aspect lointain renforcera le déni, posant les bases d’une chute finale violente en lieu et place d’une reconversion négociée.

Photo par Holger Eilhard

 

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Source: http://ploum.net/post/lorsque-lindustrie-fait-son-deuil


An Open Letter To Pirated Artists

Friday 18 January 2013 at 00:08

Pelican et drapeau pirate

Également disponible en français.

Dear artists,

A year ago, in order to support the blackout against SOPA, I wrote a blog post explaining why I was pirating your work. A few hours later, the sudden closure of Megaupload gave an unexpected popularity to my text. In the weeks that followed, nearly 100,000 people read it on this blog, not to mention the numerous translations.

With Flattr, I earned a total of € 34.70 for that post and its French translation. If I had a 1€ paywall, this post alone would worth € 100,000. Even considering that only 10% of readers would pay, it would still be around € 10,000. Not bad, isn’t it?

But if I charged visitors, nobody would have read that text in the first place. It would never have become viral and I would not have earned a single euro on Flattr. This seems obvious, isn’t it? It is nevertheless exactly what the entertainment industry makes you believe when they say that pirates steal. Pirates steal your art as much as readers stole mine when reading my blog post.

The fundamental error is to consider art as a commodity. Even selling MP3 or eBooks follows the principle of hardware. Buyers keep their “MP3s” as a collection of records. DRM attempts to mimic physical constraints in the virtual world.

But what is your goal as an artist? Selling records, books and paintings? Or to be read, listened to and admired? Hopefully, money put aside, you would choose the second. Discs and books are only physical mediums that allow you to broadcast  your art.

Many of you can not make a living out of art. It is a sad but perfectly normal situation. Personally, I also consider myself as an artist. After all, I blog and I write fiction. I would like to make a living out of it in order to devote myself full time to writing. This is obviously not the case. Either I did not found the right business model or I don’t have enough talent. Is it the fault of people who read my blog for free? Definitely not : they spread my writings and give me sometimes small donations. Yet again, this is exactly what the industry makes you believe: that your fans are your enemies, those that prevent you from living from your talent.

You want to broadcast your art, and if possible, earn money. We want to enjoy your art, and if possible, contribute financially to your talent.

However, when we buy your art “legally”, we know that over 95% of our money goes to intermediaries. We consider most of them unnecessary and harmful to society. All the sweat, all the talent that you put in your art is vampirized at 95% by these parasites. We are also reluctant to pay the same price for a fun song that we will listen to once or twice or a hymn that will resonate for every morning of our lives.

We are ready to invest in the launch of your projects, eg on Kickstarter. But we do not want to pay to “own” a file. It does not make any sense. We do not imagine paying a fixed price each time we “consume” a piece of art. Your hardcore fans would be ruined. Not to mention those who listen to background music while working. It would be a barrier to your success. My personal solution is to  give, every month, a fixed amount through Flattr. On Grooveshark, an artist is Flattred if I listened to one of his song at least once during the month. I’d like to see similar automatism for ebooks or web pages I read within Pocket.

If we generalize such a system, your interest as an artist would become to be heard, read, admired. Even if it is years later, allowing you to focus on the long term. On the opposite, mixing a work with its physical support encourages quick consumption, aggressive marketing and ephemeral success before falling into oblivion.

In order to preserve its own obsolete interests, the entertainment industry has lied to you pretending that we were your worst enemy, they benefited from the vast majority of your earnings, they threatened your fans as criminals, they perverted our laws, our politicians and our educational system, they standardized our culture and creativity.  Simple tactics: they oppose us and benefit. However, we share a common interest: that you could devote yourself to your art without having to flip burgers. While their own is to earn money, regardless of your accomplishment.

Dear artists, would you embark on a pirate ship bound for the new world where fans and artists cooperate? Everything has to be discovered yet. Flattr is anecdotal and, moreover, might be more an experiment than a solution. Same for online donations. Many problems have to be solved. This is why we need you and your creativity. But not those leeches on your back.

Hoping for a positive answer from you,

A pirate fan.

 

Picture by Jason Barnette.

Également disponible en français.

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Source: http://ploum.net/post/open-letter-pirated-artists


Lettre ouverte aux artistes piratés

Friday 18 January 2013 at 00:07

Pelican et drapeau pirate

English translation available.

Chers artistes,

Il y a un an, en solidarité avec le blackout de protestation contre SOPA, j’ai écrit un billet expliquant pourquoi je piratais vos œuvres. Quelques heures plus tard, la fermeture soudaine de MegaUpload suscitait une vague d’indignation sur le web, donnant à mon billet une visibilité inattendue. Dans les semaines qui ont suivi, près de 100.000 personnes ont lu mon billet, sans compter les nombreuses traductions.

Grâce à Flattr, j’ai gagné un total de 34,70€ pour ce billet et sa traduction anglophone. N’aurais-je pas du rendre la lecture payante à 1€ ? Ce billet à lui seul m’aurait alors rapporté 100.000€. Même en considérant que seulement 10% des lecteurs auraient payé, cela ferait toujours 10.000€. Pas mal non ?

Mais si j’avais rendu l’accès à mon texte payant, personne ne l’aurait lu, il ne serait jamais devenu viral, je n’aurais pas eu le moindre euro sur Flattr. Cela doit vous sembler évident. Pourtant, c’est exactement ce que les industriels du divertissement vous font croire quand ils vous disent que les pirates vous volent. Les pirates vous volent autant que les lecteurs de mon billet m’ont volé en le lisant.

L’erreur fondamentale est de continuer à considérer l’art comme un bien matériel. Même la vente de MP3 ou de livres électroniques suit ce principe de matérialisation. Les acheteurs gardent « leurs MP3 » comme une collection de disques. Les DRM tentent d’imposer les contraintes matérielles au monde virtuel.

Mais vous, artistes, quel est votre objectif ? Vendre des disques, des livres et des planches ? Ou être lu, écouté et admiré ? J’ose espérer que, toute considération pécuniaire mise à part, vous préférez la seconde solution. Les disques et les livres ne sont que des supports matériels à votre art.

Beaucoup d’entre vous n’arrivent pas à en vivre. Même si c’est dommage, c’est entièrement normal. Personnellement, je me considère également comme un artiste : je blogue et j’écris de la fiction. J’aimerais en vivre pour pouvoir m’y consacrer pleinement. Pourtant, ce n’est pas le cas. Soit que je n’aie pas trouvé le bon business model soit que je n’aie tout simplement pas le talent nécessaire. Est-ce de le faute des gens qui consomment mon blog gratuitement ? Non, au contraire vu que certains me font même des dons ou répandent mes écrits. Pourtant, encore une fois, c’est exactement ce que les producteurs vous font croire : que vos fans sont vos ennemis, ceux qui vous empêchent de vivre de votre talent.

Vous voulez diffuser votre art et, si possible, gagner de l’argent. Nous voulons profiter de votre art et, si possible, contribuer financièrement à votre talent.

Cependant, lorsque nous achetons votre art « légalement », nous savons que plus de 95% de notre argent ira à des intermédiaires que nous considérons inutiles et nocifs pour la société. Toute la sueur, tout le talent que vous avez mis dans votre expression est vampirisé à 95% par ces parasites. Nous sommes également réticents à payer le même prix pour une chanson amusante que nous écouterons une ou deux fois ou un hymne qui résonnera chaque matin de nos vies.

Nous sommes prêts à investir dans le lancement de vos projets, par exemple via Kickstarter. Mais nous ne voulons pas payer pour « posséder » un fichier informatique. Cela n’a plus de sens. Nous n’imaginons pas non plus payer un prix fixe à chaque fois que nous vous écoutons ou lisons. Cela ruinerait vos fans et ceux qui écoutent de la musique en arrière plan toute la journée. Ce serait un frein à votre succès. À la place, personnellement, je donne tous les mois une somme fixe via Flattr. Sur Grooveshark, un artiste est Flattré si je l’ai écouté au moins une fois durant le mois. J’aimerais que cela soit également automatique quand je lis un ebook ou une page web dans Pocket.

En généralisant un tel système, votre intérêt d’artiste serait d’être écouté, lu, admiré. Et cela même des années plus tard, vous autorisant à miser sur le long terme. À l’opposé, lier une œuvre à un support encourage le marketing aggressif, la consommation éphémère et le succès bref avant de retomber dans l’oubli total.

Afin de préserver ses seuls intérêts et son obsolescence, l’industrie du divertissement vous a menti en nous faisant passer comme vos pires ennemis, vous a exploités en vous soutirant l’énorme majorité de vos gains, a traité vos fans comme des criminels, a perverti nos lois, nos politiciens et notre système éducatif, a uniformisé la culture et la créativité. Leur technique est simple : nous opposer l’un à l’autre. Pourtant, notre intérêt est commun : que vous puissiez vous consacrer pleinement à votre art sans faire les nuits dans un fast-food pour survivre. Alors que le leur est d’engranger un maximum d’argent, sans considération aucune pour l’art.

Chers artistes, voulez-vous embarquer sur le navire pirate à destination de ce nouveau monde où les fans et les artistes coopéreront ? Certes, tout reste encore à découvrir. Flattr n’est pour le moment qu’anecdotique et, d’ailleurs, c’est peut-être plus une piste de réflexion qu’une solution réelle. Tout comme les dons en ligne. Il y a beaucoup de problèmes à résoudre. C’est pourquoi nous avons besoin de vous et de votre créativité. Mais pas de ces sangsues que vous avez sur le dos.

En espérant une réponse positive de votre part,

Un admirateur pirate.

 

Photo par Jason Barnette.

English translation available.

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Source: http://ploum.net/post/lettre-ouverte-aux-artistes-pirates


La conséquence inattendue du libre : la politique

Wednesday 16 January 2013 at 17:12

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Dernièrement, j’ai partagé avec vous trois éléments que je trouve cruciaux pour l’informatique de demain et qui, je pense, ont été très mal négociés par le monde du logiciel libre. Tellement mal négociés que je doute que le logiciel libre puisse jamais rattraper son retard. Il s’agit de l’expérience utilisateur, de la décentralisation et du respect de la vie privée.

À certains égards, les libristes comme moi font de plus en plus penser à une tribu de Papous vivant à l’écart, n’ayant que très peu de contacts avec le reste du monde. Ainsi, à l’heure où plus personne n’utilise Flash, le projet prioritaire de la Free Software Foundation reste l’implémentation d’un lecteur Flash libre. Le FOSDEM, grand messe des libristes, possède des salles réservées aux discussions des développeurs ADA ou Smalltalk mais aucune n’a pour sujet les réseaux sociaux libres ou HTML5 et Javascript.

Soyons réalistes : si le libre est partout, on cherchera à trouver plus d’une poignée de produit grand public et libres au sens de la FSF. Les plus grands succès du libre comme Android et, dans une moindre mesure, Ubuntu, sont rejetés des puristes.

Le libre devrait-il toujours s’associer avec le propriétaire pour réussir ? A-t-il donc échoué ? Est-il mort ? Faut-il renier toutes ces années ?

Non car, pour réussir, le propriétaire n’est-il pas désormais obligé de s’associer avec le libre ? Les deux ne sont-ils pas intrinsèquement liés ? La pureté est-elle essentielle au succès ?

Mais au-delà de l’informatique, le libre a étendu son influence dans un domaine où peu l’attendaient : la politique. Si le libre n’a pas su gérer techniquement la décentralisation et la vie privée, les idées sous-jacentes ont fait leur chemin dans la conscience collective. Au point d’envahir la place publique.

Dernièrement, les chemins de fer belges ont diffusé par accident les données personnelles de plus d’un million d’utilisateurs, prenant complètement au dépourvu une classe politique ne sachant même pas s’il s’agissait d’un fait grave ou pas. Ce sont les citoyens qui ont répondus les premiers, qui ont géré la crise et qui ont mis en place l’information nécessaire. Là où le libre n’a pas su apporter une solution technique, il a néanmoins préparé le terrain pour que les citoyens puissent faire face.

Si beaucoup de sociétés privées ne voient que le court terme ou le prix, de plus en plus d’administrations découvrent la nécessité de l’intéropérabilité et financent des projets comme LibreOffice. Le modèle même de collaboration du libre s’invite de plus en plus souvent au sein des collectivités, afin de mettre en commun les ressources comme on peut le voir notamment avec CommunesPlone.

Le libre n’a pas su tenir toutes ses promesses techniques. Mais il a finalement apporté beaucoup plus que de la technique. Il change le monde. Son influence se fait sentir dans les conférences et jusque dans les partis politiques existants (citons Ecolo en Belgique, chez qui c’est particulièrement visible). Cet univers libriste a même été le terreau d’un nouveau mouvement politique : le Parti Pirate.

Car si tous les libristes sont loin d’adhérer à la philosophie du Parti Pirate, force est de constater que celui-ci rejoint souvent les préoccupations du libre : liberté individuelle, respect de la vie privée et transparence de la politique, le code source de notre société. À tel point que beaucoup de pirates passent au logiciel libre suite à leur engagement politique !

On pourrait y voir une idéologie libriste à l’œuvre. J’y vois surtout un pragmatisme. Une génération a découvert, à travers tous les projets libres, les bienfaits de la collaboration à l’échelle planétaire, l’efficacité de la gestion transparente. Une génération biberonnée à la mixité culturelle, maternée au débat technique et à la remise en question permanente sans a priori de race, de sexe, d’apparence physique.

Cette génération qui ouvre les yeux et qui se dit : « Si on a réussi à le faire pour des projets techniquement ultra-complexes, pourquoi est-ce que cela ne marcherait pas avec la gestion de la chose publique ? ».

Peut-être que la plus grande conséquence du libre n’est pas à chercher dans les milliards de lignes de code ni dans les millions de pages Wikipédia mais là, parmi ceux qui, ayant fait l’expérience de l’ouverture, de la transparence et de l’égalité ne peuvent plus concevoir un état obscur, complexe et trop souvent inique.

Peut-être que le libre est avant tout un modèle de société, une école de vie.

 

Photo par Lyudagreen.

PS: Comme mon blog prend une connotation de plus en plus politique, certains lecteurs du Planet Libre se plaignent, par mails ou dans les commentaires, qu’il s’agit de contenu qu’ils n’ont pas envie de lire sur le Planet. Bien que je me souvienne pas avoir forcé qui que ce soit à me lire, je ne souhaite pas entrer dans ce débat à chacun de mes billets et j’ai donc demandé la suppression de mon blog du Planet Libre. J’invite ceux qui souhaitent continuer à me lire à me suivre directement par RSS ou Twitter.

 

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Source: http://ploum.net/post/la-consequence-inattendue-du-libre-la-politique


Pourquoi je suis contre l’homosexualité

Sunday 13 January 2013 at 01:05

gaypride « Es-tu homosexuel ou hétéro ? » À cette question, ma réponse est déjà préparée : je suis amoureux d’une femme. Faut-il en déduire que je suis hétéro ? Rien ne dit que, dans le futur, je ne tomberais pas amoureux d’un homme. Suis-je bi ? N’ayant, jusqu’à présent, jamais été attiré par un homme, je ne me reconnais pas plus dans cette définition.

Je suis donc contre le concept d’homosexualité. Tout comme je suis opposé à celui d’hétérosexualité. Et je me pose la question de l’utilité du mariage. Il n’existe pour moi que des êtres humains dont, parfois, on tombe amoureux. Souvent pas. Ou pas réciproquement. Mais ceci est une autre histoire.

Devrais-je déduire de la chevelure de ma compagne que je suis blondosexuel ? Devrais-je en être fier ? Les brunosexuels ne sont-ils pas des tafioles, des sous-hommes ? Quand au chauvosexuels, quelle rigolade !

Je suis bien conscient que certains sont profondément dégoûtés à l’idée d’avoir des relations sexuelles avec une personne de leur sexe. Tout comme certains hommes ont un haut-le-cœur à l’idée de manger du hareng saur ou des choux de bruxelles. Si vous êtes dans l’un de ces cas, J’ai une bonne nouvelle : vous n’êtes pas obligés. Mais au cas où vous changeriez d’avis, personne ne vous jugera.

Homophobia-Sucks

Ces derniers temps, la France est en émoi. À la télévision et dans la rue, le débat fait rage sur l’opportunité d’autoriser ou non le mariage entre personnes du même sexe. Comme la télévision française est fort regardée dans la partie francophone de mon pays, elle réveille parfois une homophobie latente que l’on croyait endormie, donnant lieu à des situations particulièrement cocasses :

— Tu sais, moi, je suis contre.
— Contre quoi ?
— Ben tu sais, le mariage des homos.
— En même temps, ça ne fait que dix ans qu’il est autorisé chez nous.
— Comment ? Dix ans ! Ce n’est pas possible !
— Si. Et cela montre bien à quel point c’est dramatique. Depuis dix ans, ta vie est un enfer, la natalité s’est effondrée, les sauterelles mangent les récoltes, toussa.
— On ne nous a même pas consulté !
— Comme tu ne comptais pas te marier à une personne de ton sexe, on a dû estimer que tu n’étais pas vraiment concerné.
— Mais à la télé ils disent que…
— On parle bien du pays qui a misé sur le minitel plutôt que sur Internet et qui fait un calcul complexe à chaque fois qu’il faut compter jusque nonante ? Faut les comprendre, ils aiment bien faire les réactionnaires rétrogrades de temps en temps.
— …
— Au fait, Bernard et Adrien se marient le mois prochain.
— Quoi ?!
— Je te rassure tout de suite, tu n’es pas invité.

 

Photo par Guillaume Paumier

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Source: http://ploum.net/post/pourquoi-je-suis-contre-lhomosexualite


I don’t care about your business model

Thursday 10 January 2013 at 00:51

Old CD

Une traduction en français est disponible.

The world is changing and that’s a good thing. A little bit every day, gradually. Sometimes for the worst, often for the best. One consequence is that some businesses are no longer profitable. Or do not answer adequately to the market. They must adapt or fail. This is normal, it is called the evolution of society.

There are countless examples. The candle industry was marginalized by electricity. In my country, thousands of coal miners became unemployed because of the petroleum and nuclear energy. Ice sellers disappeared completely when refrigerators became widespread.

But let’s take some modern cases. What happened to those women who responded to overtaxed erotic phone lines which had ads in the local newspaper during my childhood? And that date-by-phone service for which I still have the radio advertising in mind, twenty years later? How did the printing of maps deal with the GPS?

Speaking about GPS. While it was initially an option for luxury cars, costing between 2000 € and 5000 € only a few years ago, portable GPS such as Tomtom and Garmin changed the game. A small compact GPS, more efficient at tenth of the price! Less than 5 years ago, it was a revolution.

But would you buy Garmin or Tomtom shares now that any 150€ phone is also a GPS? With updated maps, real-time traffic information and integration of your online address book?

We look at this evolution from a distance. It even makes sense until the day your own job is on the hot seat. After the denial, “Consumers will not follow, it’s only about a minority”, you will end on the typical argument: “Every work deserves a salary, we have to make a living”.

Is making a living of your current job really an immutable natural law? You earned money as long as you provided something for which customers were willing to pay. However, this does not give you the moral right to do the same forever. If nobody wants to pay for your work or if clients have the same result without paying you, it is up to you to reinvent yourself. Or switch off the lights and close the door.

You will then probably look at the public institutions, imagining how you and your industry could live out of public money. If your service is essential, like education, culture or health care, the state must actually take it in charge without any need for profitability. But if it is not, it will only exist as long as a large enough customers base is willing to pay. Should the state subsidize candles, maps or deliquescent GPS?

At this point of the discussion, you will certainly challenge me to find another way to make money with your work, to create a new business model for you. As if not finding one was the ultimate proof that nothing should change.

You know what? I do not even want to think about it. It is your job, not mine. If I have an idea of a ​​business model, I would create a company, I would be an entrepreneur. And if I can not find one, we can not draw any conclusion anyway. Maybe is there no more possible business model in your case? Like ice sellers? I wish you the opposite.

As a counter argument, your will focus on the costs of your business and detail the number of hours spent on your work. As if it were a justification of value. But nothing forces you to do this particular work. Nobody is requiring you to continue. You think you are paid for your work. In reality we work to get paid. Do not confuse cause and effect.

In last resort comes the blackmail argument: if you are not paid, your work will disappear. You will go as far as calling the evolution a threat for your entire industry. Well, let’s try. If your work is essential, a threat should open wallets. But do not count on it: the cemeteries are filled with irreplaceable people.

In the end, you will be shut me up by simply telling that I’m wrong. But whatever your work is, it will soon be obsolete. In a year or ten. The world is changing. Some people do not realize it because they adapt continuously. Other reinvent themselves periodically. Some put all their power to prevent the evolution instead of questioning themselves. Trying to erect their own venality as an universal morality.

I think we all agree that people in this last category do not deserve our money.

 

Picture by MKFautoyère

Une traduction en français est disponible.

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Source: http://ploum.net/post/care-business-model