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Printeurs 27

Saturday 13 September 2014 at 19:05

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Ceci est le billet 27 sur 28 dans la série Printeurs

Nellio s’est rappelé qu’Eva lui avait inséré une carte mémoire dans le dos de la main. Il l’extrait avec l’aide de Junior Freeman, le policier qui lui a sauvé la vie et lui fait découvrir le centre de contrôle des avatars.

D’un œil expert, Junior examine la carte mémoire sanguinolente. Machinalement, il l’essuie avant de l’insérer dans un lecteur tandis que je me masse le dos de la main.

— J’avoue que votre histoire est assez géniale. Ça vaut la peine de jeter un œil au contenu de cette mystérieuse carte mémoire. C’est hyper tripant !
Il pianote sur son clavier. Étrangement, les écrans sont tous éteints. Je ne vois rien mais lui ne semble guère y prêter attention. Concentré, il siffle entre ses dents :
— Incroyable ! Je ne connais pas ce type de fichier.
Tout en me tenant la main entaillée, je m’approche.
— Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais votre écran est éteint.
Il me lance un regard étonné avant d’éclater de rire.
— J’oubliais ! Vos lentilles ne sont pas autorisées dans le centre de contrôle.
Il se lève et fouille un instant dans le tiroir d’un bureau.
— Tenez, mettez ça ! C’est la paire de lunette de réserve de ma directrice. Normalement, les lunettes sont personnelles. Il est strictement interdit de les partager. Mais au point où nous en sommes…
À peine ai-je enfilé les lunettes qu’il se lance dans une explication détaillée.
— Il y a quelques années, on pensait qu’avoir un écran devant l’œil était pratique et sécurisé. Mais, en fait, on passe beaucoup de temps à regarder l’écran d’un autre, à tourner la tête pour éviter de voir son écran pendant quelques secondes. Du coup, la technologie a été considérée sans avenir commercial et abandonnée. Mais ces lunettes sont spécialement conçues pour les applications de haute sécurité. Elles créent un écran virtuel à l’endroit décidé, de la taille souhaitée. Un peu comme les publicités dans vos lentilles. D’un point de vue sécurité, c’est top car seuls ceux qui portent les lunettes ou les lentilles autorisées peuvent voir votre écran ou même savoir qu’il y a un écran. Et puis la taille d’affichage n’est plus limitée par la physique. J’ai programmé mes lunettes pour me créer un écran géant dans mon appart. C’est top pour mater des vieux films ou jouer à des vieux jeux, j’adore !
Effectivement. Sur son écran que je voyais éteint, des lignes défilent à présent. Instinctivement, je tente de les toucher. Mon geste ne lui échappe pas.
— Oui, par habitude, on a toujours des écrans physiques pour matérialiser l’endroit où sont programmés les écrans virtuels. Mais ce ne sont que des blocs de plastique noir inertes.
Joignant le geste à la parole, il retire l’écran éteint et le dépose sur un autre bureau. Comme par magie, l’image et le contenu du fichier continuent à flotter devant moi. Les lignes de code attirent mon attention.
— Bon sang, j’aurais du m’en douter !
— Quoi ?
— Il s’agit d’un fichier pour printeur. Un objet scanné. Eva a cherché à me transmettre un objet !
— Il n’y a pas moyen de savoir ce que c’est ?
— Non, il faudrait disposer d’un printeur pour l’imprimer. Nous n’avions pas prévu de méta-données descriptives. N’oublions pas que nous sommes encore à un stade très expérimental.
— En tout cas, le format est très propre. Je vois que chaque fichier différent est numéroté, ordonné afin de permettre, je suppose, d’imprimer chaque partie de l’objet différemment. Du beau boulot !
— Euh… Justement non ! Nous mettons tout de manière encore aléatoire dans un gros fichier. Le printeur peut, en théorie, lire le format multi-fichiers mais le scanner produit une bouillie infâme de code.
— Regardez ! Si ça ce n’est pas du code propre, je ne sais pas ce qu’il vous faut.
Il pointe son doigt sur l’écran virtuel qui flotte devant nos yeux. Je dois me rendre à l’évidence. Tout est parfaitement ordonné. D’un clic sur la tablette tactile posée sur le bureau, j’ouvre un fichier. Le contenu, incompréhensible, semble pourtant net, organisé. Pas du tout ce à quoi notre scanner m’a habitué.
— Mais bon sang, c’est quoi ce fichier ?
Le visage d’Eva danse devant mes yeux. Sa voix résonne dans les tréfonds de mon être.
— Eva ! Eva ! Qu’essayais-tu de me dire ? murmuré-je.
Retenant péniblement une larme, je déglutis bruyamment. Junior ne semble pas s’apercevoir de mon trouble.
— Dîtes, et si on allait l’imprimer ? Vous n’avez pas voulu me révéler l’emplacement du printeur secret mais peut-être est-ce le moment de me faire confiance ?
Je reste un instant interdit, hésitant.
— Allez quoi ! Je vous ai fait essayer les avatars, je vous donne les lunettes de ma chef. Je risque dix fois la prison. Et puis votre printeur, ça m’a l’air diablement cool. J’ai vraiment envie d’en voir un en action.
Je déglutis. D’un bond, il m’indique un écran géant qui emplit la pièce. Un plan de la ville sur lequel des dizaines de points en mouvements se déplacent.
— Alors, elle est où votre cachette secrète.
— Ici ! fais-je en pointant le quartier après une profonde inspiration.
— Et bien c’est marrant, on dirait que tous mes collègues convergent vers cet endroit.
— Hein ?
— Les icônes qui se déplacent représentent des avatars ou bien des collègues en chair et en os en mission.
— Mais que vont-ils faire là ? Et qui les y emmène.
Junior découvre ses dents mal alignées en un grand sourire.
— On va très vite le savoir. N’oublions pas que nous sommes dans le centre de contrôle et que je suis de garde.
Cliquant sur une des icônes, il lance un flux vidéo. Je comprends très vite qu’il s’agit de streaming depuis des lunettes. Devant la caméra se trouve… Georges Farreck ! Sa voix retentit.
— Nous sommes encore loin ?
— Encore plusieurs minutes. Vous n’avez pas voulu que nous utilisions les avatars alors, forcément, cela nous ralentit.
La voix qui vient de lui répondre me semble étrangement proche. Certainement le porteur des lunettes.
— Vous êtes vraiment certain que nous devons détruire complètement le bâtiment ?
— Oui, le comportement de Nellio depuis sa réapparition est étrange. Je pensais l’avoir convaincu de nous aider mais il semble avoir changé de camp. Je le soupçonne d’avoir accès à un printeur dont j’ignore l’existence. Si, comme je le crains, ses ambitions se sont réveillées, cela peut être dramatique pour nous. Cet éventuel printeur ne peut être que dans ce bâtiment. Avant la destruction, procédez à une fouille complète.
D’un geste, je coupe la vidéo et je me tourne vers Junior.
— Merde ! C’est quoi ce délire ? Georges Farreck veut détruire le dernier printeur ?
— Le dernier dont tu as connaissance. C’est très différent.
— Merde ! Merde ! Merde !
Mon esprit tourne à toute vitesse. Georges Farreck est un traître. Ou peut-être le suis-je moi-même ? Quelles sont ces ambitions qu’il me prête ?
— Il faut absolument arriver avant lui !
Junior me lance un clin d’œil énigmatique.
— C’est théoriquement possible. Nous avons des réserves d’avatars un peu partout dans la ville afin d’intervenir très rapidement. Ils en ont encore pour plus d’une dizaine de minutes et nous avons un hangar à moins de 2 minutes du bâtiment que tu m’as indiqué.
— Et le fichier ? fais-je en pointant la carte mémoire encore tâchée de mon sang.
— Il suffit de l’envoyer vers l’avatar. Nous avons un réseau d’un térabyte par seconde, ça ne devrait pas poser de problème.
Je n’hésite pas une seconde.
— Ok, allons-y ! Il faut absolument y arriver avant eux.
— Hola, hola ! Tout doux mon pote ! Te faire visiter, ça je voulais bien. Mais sortir un avatar illégalement, ça va me coûter cher.
— Mais c’est notre seul espoir !
— Notre seul espoir pour quoi ?
— Tu ne comprends donc pas ? Le printeur est une avancée incroyable. Il permet de s’affranchir de la plupart des contraintes matérielles. Mais il remet en question toute l’industrie du transport. Il expose au grand jour l’incompétence totale des politiciens qui ont investi dans l’intertube.
— D’ac. Mais moi je suis un policier d’élite. Pas un rebelle, pas un politicien. Pourquoi devrais-je prendre des risques ?
— Parce que…
Ma voix s’étrangle dans ma gorge.
— Tu as raison. Tu ne devrais pas le faire. C’est complètement irrationnel de ma part d’avoir essayé de te convaincre.
D’un geste rageur, je jette la carte mémoire sur le sol. Junior s’en saisit et la contemple d’un air songeur.
— Pourquoi me proposes-tu une solution ? Pourquoi me fais-tu miroiter d’utiliser les avatars si tu refuses ensuite de m’aider ?
— Tu sais… fait-il, je ne suis pas sûr de tout comprendre. Je ne sais pas exactement qui tu es ni si je peux te faire confiance. Mais parfois il faut se fier à son intuition. Et mon intuition me dit que ce qui se joue maintenant est plus important que ma petite sécurité personnelle.
Je n’en crois pas mes oreilles.
— Junior… je… tu n’es pas obligé !
— Non. C’est justement pour ça que j’ai le sentiment que c’est important. Par contre, même avec un avatar de la réserve, on va être très juste. Il faudrait pouvoir les retarder.
— Je crois que je connais quelqu’un qui pourrait nous aider !
— Et puis, entre nous, je trouve ça vachement trippant, me lance Junior avec un clin d’œil complice.

 

Photo par Laurent Alquier.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Pourquoi vous devriez viser Inbox 0

Thursday 11 September 2014 at 18:20

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Si vous n’êtes pas un adepte de la méthode inbox 0, il y a fort à parier que votre boîte mail soit actuellement bien remplie et que le nombre de mails dans votre inbox soit un chiffre sans aucune signification réelle.

Passer à l’inbox 0 représente un effort non négligeable et il est donc très important d’être intiment convaincu que cet effort soit nécessaire et rentable.

L’inbox 0 est comme un sport : si vous la pratiquez régulièrement, elle vous semble couler de source, vous procure un sentiment de satisfaction et vous semble indispensable pour être productif. Mais si vous ne l’avez jamais pratiqué, cela vous semble une montagne, un effort surhumain et une perte de temps sans réel bénéfice.

Décharger le cerveau

Un mail reçu n’a que deux résultats possibles : soit il nécessite une action de votre part, soit il n’en nécessite pas. C’est aussi simple que cela. Après avoir pris connaissance de l’email, vous devez soit agir, soit pas.

Si vous n’êtes pas adepte de la méthode inbox 0, votre boîte mail est donc remplie des deux types de mails, sans distinction. Vous allez donc inconsciemment construire dans votre cerveau la liste des emails sur lesquels vous devez agir.

Votre cerveau devient donc responsable de maintenir cette liste, ce qui implique un stress permanent et surtout un manque de fiabilité total.

Une astuce utilisée par beaucoup consiste à utiliser le marquer lu/non-lu. Cependant, ce marqueur repassera à “lu” à chaque fois que vous consulterez le mail. Vous aurez donc le stress de ne pas oublier de le remettre à non-lu.

En pratique, votre inbox deviendra donc la liste des emails “sur lesquels je dois peut-être faire quelque chose mais je ne suis pas sûr”. Après tout, imagineriez-vous laisser tout votre courrier dans votre boîte aux lettres en refermant les enveloppes de ce qui est important ?

L’incitant de la liste vide

À partir d’un certains nombre d’éléments, le cerveau humain ne distingue plus les individus mais parle d’un groupe. Nous parlons à Jean et Marie. Mais si il y a trente personnes, nous parlons à un groupe et non plus aux individus.

Si votre inbox est un groupe, votre cerveau le percevra comme tel. Chaque nouveau mail ne changera rien au fait que votre inbox est un groupe de mails. Il s’en suit que vous n’avez aucun incitant positif pour agir sur le mail. Le seul incitant qui vous pousse à agir est la peur de rater un email, la peur d’oublier.

Une fois la tâche accomplie et le mail archivé, vous n’éprouvez aucune réelle satisfaction. Votre inbox est passée de 102 à 101? Et alors ? Pire, l’incitant peut même être négatif : “À quoi bon ? De toutes façons, cela fait des mois que ces mails trainent”.

Pouvoir admirer une inbox vide, au contraire, offre une grande satisfaction et, en soit, est une motivation pour être productif et pour prendre des décisions.

Soyez actifs !

Lorsqu’on utilise pas la méthode inbox 0, il y a toujours un email où l’on se dit qu’il serait bien d’agir. Peut-être. Oui, ce serait bien.

Cependant, comme on est pas très sûr, on marque le mail comme lu en se disant qu’on s’en souviendra. Le mail est finalement enterré par pure passivité.

La méthode inbox 0 empêche la passivité : pour chaque mail, il est nécessaire de prendre une décision : vais-je agir, oui ou non ? Il n’y a pas de “peut-être” qui est finalement l’état dans lequel se trouvent les mails qui sont actuellement dans votre mailbox.

Un des secrets du bonheur est justement de ne pas être passif mais, au contraire, d’être pro-actif et de prendre le contrôle. Si vous souhaitez être aux commandes de vos communications et, par extension, de votre productivité, de vos projets, la méthode inbox 0 s’impose.

Minimisez vos efforts

Il est tout à fait possible d’être heureux et productif sans inbox 0. C’est juste beaucoup plus stressant et cela demande plus d’efforts et de discipline.

Certains prétendent qu’ils reçoivent trop de mails pour la méthode 0. Mais cet argument est un aveu même de passivité et du fait qu’ils sont surpassés. Si vous recevez trop de mails, c’est le cas que vous soyez à l’inbox 0 ou non. La différence est que l’inbox 0 permet de vous rendre immédiatement compte des périodes où vous êtes dépassé afin de prendre les actions qui s’imposent.

La méthode inbox 0 est un changement de paradigme. Elle demande effort et discipline uniquement le temps de la transition. Après, elle coule de source, elle devient un réflexe d’hygiène quotidien. Mais pour réussir cette transition, il est important que vous soyez intiment convaincu de sa nécessité.

Dans un billet suivant, je détaillerai mes astuces pour parvenir à l’inbox 0.

 

Photo par Denis Dore.

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Source: https://ploum.net/pourquoi-vous-devriez-viser-inbox-0/


Le transport parfait ?

Monday 8 September 2014 at 12:58

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“Madame la ministre, l’industrie des voitures intelligentes est actuellement l’une des plus grosses pourvoyeuses d’emplois. Dans un contexte où le chômage atteint les 50%, il serait déraisonnable de…

— Je sais très bien tout cela, Monsieur Nisoya. J’ai les chiffres sous les yeux. Tenez-vous en aux arguments concernant la concurrence déloyale.”

Mon voisin me donne un coup de coude et me chuchote à l’oreille :
— Le type qui vient de parler, c’est Nisoya. Le Nisoya de l’Automotive Corp. Il est venu exprès du Japon. Le mec à sa droite c’est Van Pientje, le directeur des chemins de fer européens. Tout au bout, c’est McKenzie, la CEO de la Compagnie.

Je le regarde d’un air étonné. Mais pour qui se prend-il ? Si je suis à l’audience de la Commission Européenne pour l’affaire InstantMoves, c’est que je ne suis pas le dernier des websurfeurs. Encore un de ces blogueurs qui a l’impression d’avoir la science infuse car il podcaste en direct depuis ses lunettes vers une chaîne à un million d’abonnés. Van Pientje vient justement de prendre la parole. Une goutte de sueur brille un instant avant de se glisser dans le col trop serré de sa chemise griffée et probablement hors de prix.
— L’industrie des chemins de fer constitue la colonne vertébrale économique de notre industrie avec une efficacité et une sécurité démontrée depuis plusieurs siècles. En cassant les prix, InstantMoves risque de créer une attente disproportionnée et dangereuse. Cette concurrence est non seulement déloyale, elle est malhonnête. Je pense qu’il en est de même pour le transport aérien.

Il se tourne vers une dame au regard sévère. C’est la célèbre McKenzie, en chair et en os. Ayant gravit un à un les échelons de l’industrie aéronautique, elle a été à la base de la fusion de Sky Team avec Star Alliance, devenant de facto la directrice de la seule et unique compagnie aérienne mondiale, désormais appelée “La Compagnie”. Le site Klout l’a classée comme la femme la plus influente du monde et la onzième personnalité d’un classement décidément encore trop masculin.

— Dans l’aérien, annonce-t-elle de sa voix grave et rocailleuse, nous avons travaillé durant des décennies pour améliorer la sécurité. Nous avons découvert que la moitié des incidents étaient d’origine humaine. C’est la raison pour laquelle nous avons remplacé les pilotes par des algorithmes sophistiqués et que toutes les maintenances au sol se font à présent sous la supervision de contrôleurs robotisés. Ce résultat est le fruit de plus d’un siècle de progrès et, malheureusement, d’accidents et de morts. Aussi, je vous pose une question : combien de morts sommes-nous prêts à accepter pour tout recommencer à zéro afin qu’InstantMoves devienne aussi fiable que le transport par avion, par train ou par voiture intelligente ? Combien de morts, de famille détruites ? Je vous le demande !

C’en est trop. Leur hypocrisie me débecte. Tant pis pour la fin, j’en ai assez entendu. D’un geste du doigt sur l’écran de ma montre, j’indique que je veux rentrer à la maison. Le temps de sortir du bâtiment et je m’engouffre dans une voiture intelligente. J’étends les jambes et je ferme les yeux. L’écran de la voiture me propose de continuer le visionnage du film que j’ai commencé à regarder hier soir. Mais je n’ai pas le cœur au divertissement. Sérieusement, dans quel monde vivons-nous ?

Bon sang ! InstantMoves est une startup d’une trentaine de personnes. Ils ont réussi à mettre au point la téléportation ! La vraie, la véritable téléportation ! Encore mieux que dans StarTrek ! C’est incroyable, c’est génial, c’est bon marché ! Toute imprimante 3D digne de ce nom peut réaliser une base de téléportation en quelques heures. Ces types sont des génies, des bienfaiteurs. On devrait tous sauter de joie, leur décerner des médailles. Et au lieu de ça…

Merde quoi, la téléportation ! Le transport parfait !

 

Quels seront les véhicules du futur ? Comment se transforme la mobilité ? Pour aborder ce domaine passionnant, je vous invite à la conférence ResearchTalks du 14 octobre à Bruxelles. 6 courts exposés par 6 experts afin de s’imprégner du sujet. Inscrivez-vous, la participation est gratuite. Rejoignez également l’événement Facebook.

Photo par Fredrik Linge.

 

 

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: https://ploum.net/le-transport-parfait/


Printeurs 26

Saturday 6 September 2014 at 14:36

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Ceci est le billet 26 sur 28 dans la série Printeurs

Le travailleur 689, devenu le gardien G89, s’est vu confier la mission d’embarquer avec le chargement afin de convaincre les commanditaires d’envoyer du ravitaillement. Aucun garde ni contre-maître ne souhaitant l’accompagner jusqu’au vaisseau, il a pénétré seul dans le sas.

 

Respirer ! Je dois respirer ! J’ai le souffle coupé comme lorsque je reçois des coups de pieds dans le ventre. Malgré mes paupières fermées, mes yeux scintillent et restent éblouis. Que se passe-t-il ? De quel incroyable mystère suis-je le témoin ? À ma gauche, le vaisseau de transport, tel que je l’imaginais. Des bras robotisés sont en train de le remplir de caissons. Ils contiennent certainement la marchandise que nous produisons. Sur ma droite, je m’appuie sur la paroi lisse et métallique qui prolonge le sas dont je viens de m’extirper. À travers les gants de ma combinaison, la solidité inébranlable me rassure.

Mais devant ! Devant !

Est-ce pour cette raison que les contre-maîtres ont peur du couloir ? Les arguties politiques afin de ne pas envoyer l’un d’entre eux n’étaient-elles que de simples excuses pour éviter d’être confronté à ce qui se dresse devant moi ? L’horreur, la joie ultime. La peur et le soulagement. L’infini. Le néant.

Je titube tout en tentant de m’approcher du vaisseau. La mission ! Je dois me concentrer sur la mission ! Mais cet infini, ce gigantesque univers peuplé d’une scintillante noirceur m’aspire, m’attire. J’ai peur. Je n’ai plus peur. Une onde traverse mon corps, un sentiment inconnu fait frissonner mes membres. Des images inconnues me traversent l’esprit, des souvenirs, des sensations. Je suis encore un enfant et 612, le vieux, raconte des histoires. Je n’en comprends pas un traître mot. Je ne sais pas de quoi il parle. Mais la base de ma nuque se détend, frémit. Mes yeux se plissent, les coins de ma bouche sont irrémédiablement attirés vers le haut. L’air qui sort de mes poumons me semble plus chaud, plus doux, enrobant, envoûtant.

Le vieux ! Il savait ! Il tentait de nous préparer. Il se tient à présent devant le vaisseau et me fait signe d’avancer d’un geste apaisant. Mais pourquoi me montre-t-il l’infini en souriant ? Pourquoi son doigt est-il dressé vers le vide angoissant ? Je ne comprends pas. Les images du passé et du présent s’entrechoquent.

Je tombe à genoux. Un mot du vieux me revient à l’esprit. Un mot bizarre, incompréhensible. Beau !
— C’est… c’est beau, articulé-je en rampant vers le vaisseau.
Le vieux me regarde. Il continue à parler mais aucun son ne me parvient. Ses lèvres s’agitent dans le silence absolu du vide. Il s’arrête et se tient immobile. Et puis, soudain, sa voix surgit de l’éther, résonnant à travers mes souvenirs, se mélangeant au bruit des machines et de l’usine, décor sonore immuable et inévitable de mon enfance.
— Nous ne sommes qu’une poussière dans un infini. Nous volons à travers l’espace sur une simple pierre. Cet espace est le plus beau spectacle qu’il ne m’aie jamais été donné l’occasion de contempler.
— 612, pourrons-nous aussi voir un jour ce fameux espace ?
— G89 ! G89 ! Je crois que nous avons perdu G89 !
— Oui, vous pourrez un jour le voir ! L’un d’entre vous vous libérera et vous ouvrira les portes de l’espace.
— G89 ! Je vous avais bien dit que c’était une mauvaise idée d’utiliser un ancien travailleur. Ils ne sont pas mentalement aptes.
— Mais, 612, cet espace infini, il doit être très effrayant, non ?
— Oui. Et beau à la fois. La liberté n’est belle et désirable que parce qu’elle est terrifiante.
— G89 !

En titubant, je m’appuie sur le vaisseau pour me relever. Dans le casque de mon scaphandre, mes oreilles grésillent.
— G89 ! Bon, il va falloir désigner l’un d’entre-nous !
— …
— G89 !
— Ou… oui, balbutié-je. Je… je suis arrivé au vaisseau.

À l’autre bout de la communication, un silence s’est installé. La voix reprend, incertaine, hésitant entre le soulagement et l’inquiétude.
— Vous… Tu es arrivé au vaisseau ?
— Ou… oui chef !
— Je… C’est bien G89 ! Maintenant embarque dans le compartiment de voyage.
— Il va étouffer ! Tout un voyage dans un espace aussi exigu !
— Très chère, pour un ancien travailleur, cet espace représente un luxe inimaginable. Ne vous inquiétez donc pas pour lui !
— Tu es installé G89 ?

À travers les tremblements de leurs voix, j’ai reconnu les accents familiers et encourageant de la peur. Ma chère et indispensable peur, mon guide, mon compagnon. J’ai senti la volonté et l’adrénaline affluer dans mes muscles. D’un pas assuré, j’ai franchi les derniers mètres qui me séparent de l’ouverture dans la coque du vaisseau. Grâce à un effort de volonté suprême, j’ai réussi à détacher mes yeux de l’espace et de l’infini. Le vieux a arrêté de sourire. Il a ébauché un geste dans ma direction mais je l’ai ignoré. Je ne l’ai même pas bousculé, je me suis contenté de continuer mon chemin, de nier son existence. Un vent de panique a soufflé dans son regard. Sa main s’est tendue. J’ai continué et il a disparu de ma conscience.

Suivant les instructions, j’ai refermé la porte du vaisseau derrière moi. Après m’être glissé avec difficulté dans l’étroit compartiment, je me suis sanglé contre une paroi. J’ai à peine assez d’espace pour respirer. Sans même tendre le bras, je peux toucher le hublot de verre qui s’ouvre devant mes yeux et qui plonge à travers l’espace. L’espace !
— Tu es sanglé G89 ?
— Oui chef !
— N’oublie pas ta mission ! Tu dois convaincre les commanditaires d’envoyer du ravitaillement. Il y va de leur propre intérêt !
— Oui chef !

Sans avertissement, un choc violent m’enfonce dans la paroi. Un grondement sourd agite la structure du vaisseau. Je suis parti ! Les moteurs me propulsent à travers l’espace. Une force d’attraction me fait glisser vers la gauche. Tournant la tête, je constate que le vaisseau est en train d’effectuer un demi-tour. En me contorsionnant, j’arrive à apercevoir sous mes pieds un informe et gigantesque caillou grisâtre. L’usine. Mon monde. Mon univers. Et encore, pensé-je, je n’ai jamais vécu que dans une toute petite partie. Cette grosse pierre contient des dizaines d’usines, chacune contrôlée par son propre contre-maître. Le vieux appelait l’ensemble “l’astéroïde”. L’astéroïde vient de disparaître sous moi et j’ai l’intime conviction que jamais je ne le reverrai.

Une boule brillante m’éblouit un instant. Après quelques secondes, je distingue du blanc, du bleu et du jaune se découpant sur sa surface. La voix du vieux me parvint, affaiblie.
— La Terre est la plus belle planète. Les humains s’évertuent à la détruire et à la quitter. Mais dès qu’ils en sont éloignés, ils n’aspirent qu’à y revenir. La Terre est belle ! Belle !

Je me frappe la tête et les écouteurs du casque pour éteindre ce dernier fantôme qui me rattache à l’astéroïde, à l’usine. Je me sens mal. Cette boule bleue et blanche brillante… Non, je ne dois rien éprouver ! Je dois me concentrer sur mon super-pouvoir, oublier tout le reste !
— L’un d’entre vous verra la Terre. Il la sauvera. L’Élu !
Je me tappe violemment la tête contre la paroi.
— Ta gueule le vieux ! Ta gueule ! Ta gueule !

 

Photo par European Southern Observatory.

 

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: https://ploum.net/printeurs-26/


La nuit du halo

Wednesday 3 September 2014 at 14:16

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D’une certaine manière, nous l’avons bien cherché. Nous sommes les seuls et uniques responsables de ce qui nous arrive. Nous avions confiance. Certes, nous savions que les erreurs et les actes de malveillance étaient toujours possibles et continueraient à exister. Mais n’ont-ils pas toujours fait partie de l’histoire de l’homme ?

En tant que technophile, j’étais moi-même un des plus chauds partisans du tout-au-numérique. Lorsque le gouvernement a définitivement aboli l’usage de documents papiers, j’ai applaudi des deux mains. Même les réactionnaires les plus conservateurs devaient bien admettre que les nouveaux smart papers procuraient la même facilité, la même simplicité tout en offrant une numérisation instantanée.

Le fait que chaque appareil, chaque paire de lunettes, chaque montre, chaque écran portatif enregistre en permanence le son, l’image, la position et les mouvements ? Je crois que c’était inéluctable. À quoi bon résister ? La lutte était perdue d’avance. L’histoire a prouvé que l’on n’inculque pas l’importance de la vie privée aux humains car ils n’en veulent pas. Ils sont exhibitionnistes ! Dès le début d’Internet, ils se mirent à poster des messages privés sur les murs publics Facebook. Ils choisirent volontairement d’installer Foursquare pour que le monde entier sache où ils étaient. Ils se sont battus pour remplir Instagram des photos de leur repas et Twitter de chaque pensée au petit coin.

Mais bon, tout cela c’était avant le halo. Peut-être que beaucoup regrettent, se disent que s’ils avaient su… Il est trop tard. Pourtant, on ne peut pas dire que nous n’avions pas prévu les conséquences. Mais ceux qui tentèrent de nous mettre en garde passèrent pour des prêcheurs, des prédicateurs un peu fous, des oiseaux de mauvaise augure.

Et puis il y a eu la nuit du halo. Inexplicable, soudain. Au début, nous avons tous cru à un piratage. Ou à une faille de sécurité exploitée massivement. Mais il a fallu se rendre à l’évidence. Le phénomène était général, planétaire : plus aucune information numérique n’était privée. On a parlé de rémanence du réseau, de sentience. La vérité est que personne ne comprend encore bien ce qui s’est passé cette nuit là. Et, au fond, cela a-t-il vraiment de l’importance ?

Il est désormais possible de retrouver n’importe quelle information, passée ou présente, ayant un jour transité par le réseau. En fait, il est probable que le halo existe depuis plusieurs mois voire plusieurs années. Mais ce n’est que lors de ce que nous avons appelé “la nuit du halo” qu’un hacker, qui avait observé le phénomène, publia un petit logiciel. Un moteur de recherche à la syntaxe incroyablement simple mais très puissant. Le logiciel étant open source, des versions successives virent le jour. Elles permettent de retrouver toutes les informations concernant un lieu, un endroit, une date précise, une personne ou un type de fichier. Vous voulez tout savoir concernant Untel dans la nuit du samedi à dimanche 21 février d’il y a 2 ans ? Voici toutes les vidéos de toutes les lunettes qui ont croisé sa route, y compris les siennes, toutes les caméras de sécurité, tous les drones, tous les textes qu’il a envoyé, les appels qu’il a reçu. Voici tous les documents qui étaient sur son téléphone à ce moment là. Le secret n’existe plus, c’est un fait.

Les stars, les personnes célèbres, les politiciens ont de suite vu leur vie mise à nu. Mais il n’a pas fallu longtemps avant que les conséquences se fassent sentir chez le commun des mortels. Des couples se sont brisés, des enquêtes furent clôturées prématurément, des affaires furent rompues et des bigots firent scandale au sein de leur propre paroisse. Dans les pays totalitaires, beaucoup d’opposants furent arrêtés et exécutés sommairement.

Puis, l’humanité a commencé à comprendre que l’entièreté de la population passait un temps non négligeable à dormir, déféquer, se masturber, se regarder nu et avoir des rapports sexuels. Et que regarder les autres réaliser ces activités banales n’était finalement pas si intéressant. Les tyrannies s’écroulèrent car tout le monde pouvait désormais surveiller le tyran. Les traitrises étaient irrémédiablement démasquées, impossibles. Et les dictateurs, les puissants ou les célébrités n’aspiraient plus qu’à regagner l’anonymat.

Il a fallu plusieurs millénaires, un progrès technologique hors du commun et un phénomène incompréhensible pour que les hommes acceptent que ce que nous faisons tous, sans exception, régulièrement au cours de notre vie n’a rien de honteux, rien de répréhensible.

La morale sur laquelle reposait notre société semble être détruite, rasée. Une partie de la population continue à vaquer à ses occupations machinalement, zombies fantomatiques sortant d’un mauvais cauchemar. Mais un ressort s’est cassé. L’économie ne s’est jamais portée aussi mal. Même ceux qui s’accouplaient de manière obscène dans les rues durant les premiers jours qui suivirent la nuit du halo se sont calmés. Au fond, la chaleur d’un matelas vaut bien le froid granuleux du macadam.

Quand je me promène en ville, j’ai parfois l’impression de me réveiller après une explosion nucléaire. Même si certains de mes concitoyens sourient. Ils n’ont que faire des apparences qui se sont définitivement révélées n’être que des paravents de papier. Ils sourient profondément, par delà la superficialité. Ils sont de plus en plus nombreux à sourire.

Parfois, au détour d’une discussion, je me remémore que j’avais soutenu cette numérisation à outrance. Que je n’avais rien dit face à cette invasion totale dans nos vies privées. Mon interlocuteur me réplique alors : “Si seulement on avait pu prévoir le halo !”

Je ne réponds rien. Mais en mon fort intérieur je sais très bien ce que je pense. Si c’était à refaire, si j’avais pu prévoir le halo, je ne changerais rien. Et je recommencerais.

 

Source photo.

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Les startupeurs, un nouveau webcomic

Monday 1 September 2014 at 14:53

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Ils ont un travail routinier. Ils ont l’impression de ne pas pouvoir laisser éclater leur talent. Ils ont découvert que la machine à café était en panne. Pour survivre, il ne leur reste qu’une solution :

Créer une startup !

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Bienvenue dans l’univers des Startupeurs, un nouveau webcomic imaginé par Roudou et votre serviteur. Alors que j’écrirai le scénario, Roudou, qui a déjà illustré le premier tome de Printeurs, s’occupera de donner formes et couleurs à nos intrépides wannabe entrepreneurs.

Leurs aventures, parfois entrecoupées d’illustrations indépendantes, seront hébergées sur BananaSlip.net grâce à l’accord de Banana, la première banane au monde à avoir fait du saut à l’élastique.

Car si Banana a engagé Roudou pour raconter ses aventures, elle accepte d’accueillir d’autres aventuriers. À la condition expresse de rester la star incontestée du site, bien entendu !

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BananaSlip, les Startupeurs et toutes les illustrations sont disponibles à prix libre et sur Flattr. Tout l’argent récolté sera utilisé par Roudou pour financer du matériel de dessin.

Bon, je vous laisse. C’est l’heure de la pause café. Bonne lecture !

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Contes et légendes

Sunday 31 August 2014 at 18:14

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Des ses voyages en d’étranges et lointaines contrées, le voyageur a ramené de mystérieuses histoires. Des récits qui se chuchotent autour d’un feu de camp, qui se partagent alors que les téléphones sont en mode avion et que les batteries de l’ordinateur portable sont à plat.

Des contes dont personne ne sait d’où ils viennent ni où ils vont. La seule certitude que nous avons c’est que, durant le bref instant où nous les racontons, ils existent, ils prennent corps.

Peut-être se nourrissent-ils de notre attention ?

Voici donc, compilées sous la plume du scribe, ces “Contes et légendes”, étranges histoires dont certaines sont entièrement inédites, d’autres s’étant déjà frayé un chemin dans les billets de ce blog. Bonne lecture !

Contes et légendes

Télécharger au format .epub – format .pdf

 

Ce mini-livre, comme son prix, est libre. Merci donc de le soutenir. Vous pouvez encourager la publication de ces mini-livres via une promesse de don sur Tipeee.

 

Photo par Alessandro Baffa.

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Printeurs 25

Friday 29 August 2014 at 20:21

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Ceci est le billet 25 sur 28 dans la série Printeurs

Alors qu’il explore le commissariat en compagnie de Junior Freeman, le policier qui lui a sauvé la vie lors de l’attaque des drones kamikazes, Nellio insiste pour rencontrer le mystérieux John, un homme dont le témoignage est tellement dangereux pour le monde de l’industrie que Georges Farreck l’a placé au secret sous protection rapprochée.

Je lève les yeux. L’homme m’est totalement inconnu. De taille moyenne, maigre, les cheveux épars, Monsieur John semble avoir enduré privations et souffrances. Son visage est constellé de plaques rouges. son crâne révèle des zones d’une calvitie chaotique et aléatoire. Je suis frappé par son regard noir, pénétrant. Naïvement, j’avais espéré que la vision de ce fameux John déchirerait le voile de mon amnésie. Mais l’homme m’est totalement inconnu. Cela ne semble pas être réciproque car John s’est figé dans un rictus de pur effroi. La terreur se lit sur ce visage dont la bouche est restée ouverte, laissant sa dernière phrase en suspens. Je décide de rompre le silence glacé qui s’est installé entre nous.
— Bonjour John, je suis Nellio, un ami de Georges. Je suis touché par une crise d’amnésie et j’espérais que vous puissiez m’aider. Nous connaissons-nous ?
Son visage semble se détendre progressivement, dessinant un sourire mielleux et faussement obséquieux.
— Enchanté Nellio. Non, malheureusement je ne vous connais pas. Je ne pense pas pouvoir vous aider.
Sa voix est rauque, rocailleuse. Il s’exprime dans notre langue avec difficulté, teintant son élocution d’un accent dégénéré. Pendant un fugace instant, j’ai la conviction qu’il ment. Sans pouvoir l’expliquer, je le sens, je le vois à travers tous les pores de sa peau.
— Qui êtes-vous ? Comment connaissez-vous Georges Farreck ?
Il me regarde étonné.
— Mais vous devriez le savoir. Je suppose que si vous avez accès à moi, vous êtes au courant. Demandez à Georges Farreck de vous raconter. Je ne suis qu’un modeste travailleur qui cherche à faire le bien de l’humanité.
— Pourquoi êtes-vous sous protection ?
— Monsieur Farreck prétend que ma démarche risque de m’attirer des ennuis. Que l’on voudrait taire les révélations que je suis en mesure de faire.
— Quelles révélations ?
— Et bien celles concernant mon travail. Mais je pense que le mieux est d’en discuter avec Monsieur Farreck.
Une main se pose sur mon épaule.
— Dîtes, honnêtement, je pense que les avatars sont beaucoup plus marrants que ce type. Et comme le règlement interdit aux étrangers d’accéder au centre de contrôle, j’aimerais vous le faire visiter avant que les autres ne reviennent.
Je regarde Monsieur John dans les yeux. Je ne pense pas que j’en tirerais quoi que ce soit. Il contourne, esquive et glisse comme une anguille. Il affiche à présent un air tellement innocent que mon impression initiale de roublardise s’est totalement dissipée. Je pousse un soupir.
— C’est bon mon vieux, je vous suis. Allons voir ces fameux avatars !
Tournant les talons, j’adresse un dernier regard à ce fameux John dont les révélations semblent si fracassantes. Il se tient modestement au milieu du salon et m’adresse un sourire gêné.
— Désolé de ne pas être d’une grande aide. Repassez me voir quand vous le souhaitez !

*

— Attendez, je vais allumer !
Junior tâtonne un instant avant d’activer un antique interrupteur mural. Le clignotement des néons résonne à travers le hangar.
— Et voilà les avatars ! me fait Junior avec fierté.
Comme un enfant à la fête de l’école, il m’attrape la main avec enthousiasme et m’emmène devant une rangée de policiers immobilisés dans un silencieux garde-à-vous.
— Et celui-là, c’est moi !
Je reconnais en effet le policier qui m’a tiré de la voiture. Le badge “J. Freeman” se détache sur la carapace de chitine artificielle. Incrédule, j’avance la main et je tâte les éclats d’obus et de balles.
— Oui, c’est vrai, il doit encore passer à l’entretien.
Je me retourne vers Junior :
— Ces policiers… Ce sont donc des robots ?
— Des avatars ! Pas des robots, des avatars !
— Quelle différence ?
Je tape sur le policier qui renvoie un son métallique.
— La différence est fondamentale ! Je vais vous montrer.
Nous ressortons aussitôt du hangar et Junior me conduit dans une salle bardée d’écrans et de matériel informatique. La pièce est constellée de zones circulaires entourées chacune d’une rampe sur laquelle pendent des câbles et des accessoires.
— Le centre de contrôle ! Le saint des saints !
— C’est d’ici que vous pilotez les robots ?
Il me jette un regard noir par dessus ses lunettes.
— Que nous incarnons les avatars !
Sans un mot d’explication, il pénètre dans l’un des cercle et m’invite à y prendre place.
— Enfilez ça ! fait-il en me tendant une paire de fins gants accrochée à la rampe.
Tandis que je m’exécute, il se saisit d’un casque intégral.
— Baissez la tête ! Fermez les yeux et attendez mon signal !
Noir ! Je suis dans le noir. Un noir total, étouffant. Le silence me prend à la gorge. Plongé dans une abysse de noirceur, j’entends la voix de Junior qui me parvient d’une hypothétique surface inhumainement lointaine, définitivement hors d’atteinte.
— Vous êtes prêt ? Go !
La lumière se fait. Les néons blafards du hangar m’éblouissent une fraction de seconde. Le hangar ! Je me retourne pour demander des explications à Junior. Un grincement métallique me parcourt le corps. Je baisse les yeux. Mon corps. Je manque de pousser un hurlement. Je palpe, je touche un corps de métal et de matériaux composites blindés avant de réaliser que ma main gantée est entièrement robotique. Je la porte à hauteur de mon visage. Pas de doute, je suis devenu un robot ! Je…
— Alors, vous avez compris la différence ?
Je suis dans le centre de contrôle face à Junior, la main toujours à hauteur de mes yeux. Il tient le casque qu’il vient de me retirer.
— Waw ! fais-je dans un souffle.
Son sourire s’élargit jusqu’aux oreilles, ouvrant une fente béante dans son visage ravagé par l’acné et le manque de soleil.
— Génial, non ? Les avatars ça ne s’explique pas, il faut les vivre. C’est pour ça que je voulais que vous testiez.
Tout en retirant mes gants, je cligne des yeux pour reprendre mes esprits.
— C’est hallucinant de réalisme, fais-je. J’avais l’impression d’y être.
— Mais vous y étiez ! Réfléchissez un instant : votre cerveau reçoit en permanence les informations de votre corps sous forme d’impulsions électriques. Il réagit par le même canal. Le casque permet d’envoyer au cerveau les impulsions perçues par l’avatar et de le contrôler. C’est comme si votre cerveau avait été mis dans l’avatar. Bref, vous étiez réellement l’avatar.
— Pas réellement, pinaillé-je. Moi j’étais toujours ici !
— Pourtant, lorsque vous faites de la vidéoconférence avec des personnes aux antipodes, vous dites “J’ai assisté à la réunion”. Votre moi ne se définit pas par votre corps physique mais bien par là où se porte votre attention.
Je tente de détourner la conversation.
— C’est donc cette espèce de drone sur pattes qui m’a sauvé la vie ?
Sous le coup de la colère, un bouton d’acné explose sur le front de Junior.
— Mais non ! C’est moi qui vous ai sauvé la peau ! Moi Junior Freeman, commando d’élite ultra-entraîné. Votre peau, c’est à moi que vous la devez !
Alors qu’il dit ces mots, je réalise que j’ai toujours la main levée, à hauteur de mes yeux.
— Ma peau ? Ma peau !
Un souvenir vient de fulgurer à travers mon esprit.
— Ma peau ! Vite, un couteau ! Donnez-moi un couteau ! Ou n’importe quel objet tranchant !
Junior me regarde d’un air dubitatif.
— Je suis pas sûr d’avoir envie de vous donner un objet tranchant.
À son regard, je devine qu’il me considère comme fou à lier. Mais que sur son échelle de valeur, fou est nettement plus intéressant que normal ou banal. Je retire précipitamment le gant et pose ma main sur la rampe d’un geste décidé.
— Alors je vous fais confiance. Incisez-là ! dis-je d’une voix ferme en désignant le dos de ma main.

 

Photo par NASA.

 

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Pas aujourd’hui !

Thursday 28 August 2014 at 19:16

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Aujourd’hui, nous vivons dans un univers de listes sur lesquelles nous avons perdu prise et qui nous contrôlent. Mais je vous propose de reprendre ce contrôle avec un principe simple : “Pas aujourd’hui !”

Afin de s’organiser, les humains ont développé une propension toute particulière à créer et remplir des listes. Aujourd’hui, nous sommes à l’apogée de la civilisation de la liste : emails, todos, liste de lecture, liste de films à voir, liste de bonnes résolutions, liste de commissions.

Lorsque nous créons une liste, c’est avec le secret idéal de la vider. Un jour, ma liste de todos, ma liste de mails et ma liste de commissions seront vides. Ma liste de listes sera vide également. Ce jour là, je pourrai enfin souffler ! Ou m’attaquer à la liste des choses à faire le jour où mes listes seront vides…

Or, force est de constater que cette situation est entièrement illusoire. Les listes ont la fâcheuse tendance à se remplir plus vite qu’elles ne se vident. Cette situation a pour résultat catastrophique que nous n’avons plus aucun incitant à vider les listes. Quel est l’intérêt de travailler une journée pour faire passer une liste de todos de 232 items à 208 ? Voire à 231 ! Aucun. Donc autant ne rien faire.

Comment avons-nous pallié ce problème ? En créant des listes dans les listes mais sans que ça ressemble à des listes : on assigne des priorités, on utilise le status lu/non-lu pour créer deux listes, on crée un hiérarchie de fichiers pour classer et trier nos listes. Bref, nous ajoutons des listes aux listes et nous plaçons le tout dans des listes de listes. Non seulement ce n’est pas très efficace mais c’est de plus absurde. À quoi sert de définir une priorité dans une liste ? Soit l’élément doit être réalisé, soit il doit être supprimé de la liste. Les éléments en priorité basse se verront toujours dépasser par des nouveaux éléments de haute priorité et ne servent donc qu’à remplir la liste.

En gros, nous avons du mal à supprimer consciemment des éléments de nos listes et nous préférons refuser le contrôle de nos listes pour ne pas avoir à prendre une décision ferme. Toute notre structure de listes, de répertoires, de priorités ne sert, finalement, qu’à se dédouaner.

Si j’expose le problème, vous vous en doutez, c’est que j’ai une solution à proposer. Et, conceptuellement, cette solution est simple. Il “suffit” de vider ses listes. Inbox 0 !

J’ai déjà expliqué en détail comment parvenir à l’Inbox 0 et pourquoi vous n’êtes pas à Inbox 0. Et bien vous pouvez appliquer la même méthode à toutes vos listes.

En premier lieu, vous devez éviter à tout prix de rajouter des listes aux listes. Bannissez les priorités, les folders, les classements divers. Dans les mails, un mail est soit dans l’inbox, soit archivé. Tout autre classement est un obstacle à l’inbox 0. Les todos sont soit faits, soit à faire. Le travail de classement est une dangereuse procrastination qui donne l’illusion de productivité.

Mais cela ne résout pas le problème fondamental qui est que votre liste est une montagne et que vous n’avez aucune motivation pour vous y attaquer. C’est ici qu’intervient un concept fondamental de l’Inbox 0 : pas aujourd’hui !

Pour chaque élément de vos listes, vous devez pouvoir consciemment décider : “Non, ça je ne ferais pas aujourd’hui”. Au fur et à mesure de la journée, les imprévus s’intercalant, vous raffinerez “Finalement, celui-là, pas aujourd’hui non plus”.

Cette approche a même été poussée à son paroxysme avec le gestionnaire de todos Do It Tomorrow.

Mais on peut envisager de raffiner la fonctionnalité en repoussant un élément de la liste à une date donnée : dans une semaine, dans un mois, le 3 novembre. C’est pour cette raison que, dès sa conception initiale, GTG comportait le principe de “start date”. Any.do propose également de passer en revue sa liste de tâches chaque matin et de décider celles qui sont pour aujourd’hui et celles pour un autre jour. Pour les mails, Mailbox vient d’implémenter exactement ce principe avec un certain succès. Au contraire, je n’insisterai jamais assez sur le fait que tous les gestionnaires de projets, de tâches, de todos ou de listes en général qui n’ont pas cette fonctionnalité finiront par devenir tôt ou tard des trous noirs, des listes qu’on remplit mais dont personne n’ose plus explorer autre chose que la surface.

Par rapport aux gestionnaires classiques, le résultat de la méthode “Pas aujourd’hui !” est sans appel : vous êtes aux commandes de vos listes. Vous êtes forcé de passer en revue chaque élément et de décider consciemment de ne pas faire quelque chose aujourd’hui. Résultat : il est parfois plus facile psychologiquement de le faire plutôt que de le repousser. Quoi que vous décidiez, vous êtes aux commandes de vos listes et de votre vie. Vous prenez des décisions.

Et, chaque soir, en regardant vos listes vides, vous aurez la délicieuse satisfaction du travail accompli !

 

Photo par Palo.

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Source: https://ploum.net/pas-aujourdhui/


Laissez-vous guider par la jalousie positive !

Tuesday 26 August 2014 at 22:11

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Il y a quelques années, j’ai découvert que j’étais, sans le savoir, quelqu’un de très jaloux, particulièrement envieux du succès des autres. Et plutôt que de combattre cette tendance, j’ai décidé d’en tirer parti. Utiliser ma jalousie comme une force plutôt qu’une faiblesse m’a permis de modifier durablement ma façon d’être.

Lorsqu’une connaissance me faisait part d’un projet, j’avais tout naturellement tendance à l’encourager et à lui souhaiter sincèrement le plus grand succès. Untel travaillait dur pour devenir violoniste ? J’étais de tout cœur avec lui. Je n’hésitais pas à faire sa promotion et à le soutenir. D’ailleurs, j’avoue que l’idée d’être ami avec un violoniste célèbre m’emplissait d’une certaine fierté.

Par contre, si ce projet rentrait dans un domaine de compétence proche du mien, j’avais tendance à voir tous les défauts, tous les problèmes possibles. Un projet informatique ? D’écriture ? Sur le web ? “Cela ne marchera jamais” disais-je. En fait, au fond de moi, je ne voulais pas que ça fonctionne.

Je ne voulais pas qu’il réussisse, je lui souhaitais même l’échec. Car j’étais aussi compétent que cette personne dans ce domaine. Je n’avais pas eu de succès dans ce type d’entreprise ou je n’avais même pas osé me lancer. Si cette personne réussissait là où j’avais échoué ou là où je n’avais même pas commencé, cela serait… Non, le projet ne devait pas réussir !

Il m’a fallu des années pour comprendre que ce sentiment était de la jalousie pure et simple. La peur de se faire dépasser.

Mais plutôt que de me soigner, de tenter de faire disparaître ce sentiment, j’ai décidé de l’utiliser. Si je suis jaloux d’une personne, c’est que j’ai à apprendre d’elle. Si je souhaite l’échec d’un projet, c’est que je dois absolument l’observer voire y contribuer.

Ce simple paradygme a bouleversé ma vie. En à peine quelques mois, j’ai observé que mon cercle d’amis et de connaissances s’élargissait et s’enrichissait de personnes particulièrement intéressantes.

Alors que je me plongeais dans les projets que j’aurais voulu créer moi-même, je découvrais des subtilités, des problèmes que je n’aurais probablement pas été capable de relever seul. En fréquentant les personnes que je jalousais, j’apprenais les sacrifices qu’elles avaient dû faire, je comprenais les différences qui nous séparaient. Et j’en arrivais à ne plus les jalouser du tout voire, dans certains cas, à être heureux de ne pas être à leur place.

Contribuant à ces projets dont j’avais initialement souhaité l’échec, je finissais par les encourager à tout prix, à m’associer à leur succès. À chaque fois que je dépassais les simples apparences, de celles qui rendent envieux, je découvrais un monde complexe et des conséquences parfois insoupçonnées.

Utiliser ma jalousie comme un indicateur, comme un phare m’a permis d’apprendre, de découvrir les autres, de savourer les succès de mon entourage et, surtout, de me réjouir de mes propres accomplissements. Au fond, la jalousie est peut-être ma qualité innée la plus importante. Il m’a seulement fallu beaucoup d’années avant de comprendre comment en tirer parti.

 

Photo par Indy Kethdy.

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