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Etre journaliste et être une femme dans l’état de Veracruz au Mexique

Friday 16 December 2016 at 23:00

Groupes d’autodéfense de l’Etat de Veracruz

Paloma Junquera (1)  est correspondante d’un quotidien mexicain dans l’état de Veracruz. Elle connaissait Ruben Espinosa, le célèbre photojournaliste de cette même région assassiné dans un appartement à Mexico.

Petit voyage dans l’état de Veracruz sur la côte est du Mexique. Vingt-et-un journalistes et photographes, selon l’ONG de défense de la liberté de la presse Articulo 19, y ont été assassinés en onze ans. Le niveau de violence à l’égard des femmes y est aussi très élevé. Nous avons donc demandé à Paloma Junquera ce que c’est d’être la correspondante d’un grand quotidien progressiste et indépendant dans cette région.

Reflets.info : Comment te protèges-tu, Paloma ?

Paloma Junquera : Il serait très long d’évoquer toutes les précautions que je prends. Déjà, ne pas s’exposer physiquement. Je sors toujours accompagnée. Il est très rare que je sorte seule et si je le fais, j’informe mes amis, ma moitié, je dis où je vais et on m’y retrouve. Quand je couvre des affaires de disparitions forcées, quand je suis les brigades citoyennes de recherche des disparus, je ne suis pas la seule journaliste dans le groupe. Je me déplace avec des journalistes d’autres médias, peu importe la concurrence, nous nous arrangeons.

Auparavant, je courais le soir, je faisais mon jogging. Puis je me suis acheté un tapis de course. Auparavant, je passais toujours par le même chemin pour rentrer chez moi. Aujourd’hui ce serait pour moi une prise de risque totalement irresponsable. Il y a des sujets dont je ne discute jamais sur Internet ou par téléphone, je vais voir les gens en personne. Je suis devenue beaucoup plus attentive à mon environnement.

« Notre sécurité, en tant que journalistes de l’état de Veracruz, dépend aussi de l’importance que nous attachons à la déontologie »

Notre sécurité, en tant que journalistes de l’état de Veracruz, dépend aussi de l’importance que nous attachons à la déontologie. Il faut être très droit et clair avec ses interlocuteurs. Cela ne me plaît pas de le dire, mais je suis obligée de constater qu’il y a des journalistes, dont certains ne sont plus des nôtres aujourd’hui, qui se sont mis délibérément en danger en négligeant la déontologie de notre profession. Il suffit de presque rien : déjeuner avec une personne dont on pourrait suspecter qu’elle a quelques liens avec la criminalité organisée et accepter que celle-ci paye l’addition… C’est tentant, car les journalistes gagnent des miettes dans notre région, mais il ne faut jamais faire ça. Ces journalistes, légalement, n’ont pas été soudoyés. Ils ne se sont pas enrichis, mais ils sont déjà allés trop loin. Il faut éviter l’argent et le plomb (2).

Enfin, évidemment, nous nous censurons. Je vais vous expliquer comment je me censure, c’est une stratégie assez particulière. J’ai couvert un grand nombre d’affaires de disparitions forcées, dont une affaire particulièrement sensible, qui avait attiré l’attention de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et qui compromettait le secrétaire régional à la sécurité publique dans l’administration de l’ex-gouverneur Javier Duarte, Arturo Bermudez. Je parle d’un territoire où quatre, cinq cartels de la drogue se mènent une guerre sans merci et où plusieurs responsables publics se sont déjà fait mitrailler. Bermudez s’y promenait tranquillement dans sa voiture personnelle avec deux gardes du corps. Un sinistre personnage. J’essayais donc de me “reposer” entre deux papiers au sujet de Bermudez. Je me censure dans le temps. Je pourrais publier chaque semaine un reportage ou une enquête à propos d’une disparition forcée, mais ce serait de la folie. Entre confrères, on parle de « dosification » du travail d’information ou encore d’« essorage des escamoles ».

Reflets.info : Tu mentionnes l’administration de Javier Duarte, qui a gouverné Veracruz de 2010 à 2016 et qui fuit aujourd’hui de graves poursuites judiciaires. Le cauchemar est terminé, tu respires ?

Paloma Junquera : Evidemment que non. Je pense que le problème est structurel et que sa résolution ne dépend pas d’un changement de personnes à la tête de l’administration régionale. La gestion de M. Duarte a été marquée par un nombre record d’assassinats de journalistes, et il est peu probable que les agressions létales continuent avec une telle intensité. Mais l’inefficacité du système de protection des journalistes est nationale et structurelle.

« Les journalistes sont avertis de différentes manières avant d’être assassinés, mais les ONG ne sont pas au courant, ou trop tard ».

Reflets.info : Pourquoi ce système est-il inefficace ?

Paloma Junquera :

Le système de protection est fédéral, alors que les réalités locales sont très différentes. A Mexico, les journalistes connaissent leurs droits et savent où se trouve le bureau d’organisations non-gouvernementales comme Artículo 19 qui peuvent alerter l’opinion publique nationale voire internationale. A Veracruz, peu de journalistes sont au courant de l’existence même d’Artículo 19. La plupart ne s’indignent même pas des intimidations et agressions qu’ils subissent, ils pensent que c’est normal, que ça fait partie du métier. Le maire de leur commune vient en personne taper sur leur table, les bouscule dans la rue mais ce n’est pas grave, il n’y a pas mort d’homme. Les journalistes sont avertis de différentes manières avant d’être assassinés, mais les ONG ne sont pas au courant, ou trop tard.

Reflets.info : Et au niveau fédéral, quel est le problème avec le système de protection des journalistes mis en place en 2012 par le gouvernement ?

Paloma Junquera : Ce système est un échec lamentable. J’ai participé à trois réunions sur la mise en place d’une alerte préalable de protection des journalistes dans l’état de Veracruz avec le sous-secrétaire fédéral aux droits de l’homme, avec des membres du gouvernement régional de Veracruz. Je n’ai pas tenu jusqu’à la fin de la troisième réunion. Un responsable du secrétariat régional à la sécurité publique est venu me voir et m’a demandé sur un ton naïf ce qui se passe à Veracruz. Je lui explique patiemment ce qui se passe à Veracruz. Puis un responsable de sécurité fédéral vient me voir pour me demander ce qui se passe à Veracruz. Et ils nous laissent parler des heures, comme ça, de choses qu’ils savent déjà. Puis ils nous programment une autre réunion…

Reflets.info : Est-ce que tu utilises le fameux bouton de panique fourni aux journalistes dans le cadre du Mécanisme fédéral de protection ?

Paloma Junquera : Non, on me l’a proposé mais je ne l’ai pas pris. Ma position au sujet du bouton est similaire celle de la plupart de mes confrères à Veracruz. Supposons que je me sente en danger et que j’appelle, qui sera au bout du fil, si jamais on me répond ? Les forces de l’ordre régionales. Or, les forces de l’ordre sont un problème dans l’état de Veracruz. Les principaux agresseurs de militants, de journalistes et de défenseurs des droits humains sont les narcotrafiquants et les forces de l’ordre locales. Nous avons beaucoup de raisons de penser que ces dernières sont infiltrées par les cartels à tous les niveaux. Le bouton permet aussi d’appeler la police fédérale mais le temps qu’ils arrivent, je suis morte et enterrée.

« La seule différence que je vois entre la police locale et la criminalité organisée, c’est le fait que la police porte un uniforme ».

 Reflets.info : Crains-tu davantage les narcotrafiquants ou les forces de l’ordre?

Paloma Junquera : J’aimerais bien répondre à cette question s’il existait un quelconque moyen de faire la différence entre les deux. En apparence, il existe une mafia institutionnelle, en uniforme, avec le monopole de la violence légitime et une autre mafia clandestine, masquée, sans visage. Je ne vais pas revenir sur tous les éléments qui prouvent la consanguinité de ces deux organisations. Il y a des rapports de la CNDH, d’innombrables témoignages de proches de disparus, de victimes confrontées à l’impasse du système judiciaire… La seule différence que je vois entre la police locale et la criminalité organisée, c’est le fait que la police porte un uniforme.

Reflets.info : Parle-nous de ces journalistes que Veracruz a perdus.

Paloma Junquera :

Je connaissais personnellement Milo Vela depuis mes débuts dans le journalisme. Un vieux monsieur qui travaillait pour le journal d’investigation El Piñero de la Cuenca. Ils ont tiré à travers les fenêtres de sa maison et l’ont tué, lui et toute sa famille, en 2011. Milo Vela tenait la rubrique police et justice du Piñero de la Cuenca, il était très bien renseigné sur tous les problèmes de sécurité publique dans l’état de Veracruz. Il a assisté à la transformation de l’économie locale, du trafic d’appareils électroménagers et de téléviseurs depuis le port de Veracruz au trafic de drogue. Il a écrit un libre, “El LLano de la Vivora”, où il explique les causes d’une confrontation armée qui a eu lieu entre les forces armées et la police fédérale pour une cargaison de drogue. Nous avons ressenti sa mort comme une amputation, nous étions démoralisés et désarmés.

 Regina Martina Martinez était une personne discrète et réservée mais très vive d’esprit, qui travaillait d’arrache-pied, comme une petite fourmi. Depuis la capitale Xalapa, elle avait développé un réseau d’informateurs dans de multiples communautés marginalisées et demandait aux députés régionaux ce qu’ils comptaient faire pour régler des problèmes d’extrême pauvreté de la population indigène des montagnes. Elle venait au parlement local dans un but précis, pour interroger les députés sur des points précis, elle n’était pas là pour converser tranquillement avec eux sur des canapés en velours. Ces deux journalistes étaient des grands professionnels et des personnes très sincères. Je connaissais également les quatre reporters du journal El Dictamen dont les corps ont été retrouvés dans le canal d’Aguas negras en 2012, avec celui de leur secrétaire de la rédaction. Tous ces décès ont laissé un grand vide.

« On assiste à un renouvellement générationnel de la profession de photographe dans notre région ».

Reflets.info : Ruben Espinosa était photographe. Felix Marquez, qui a été assassiné en 2013, aussi. Les autorités de Veracruz ont-elles un problème particulier avec les photographes ?

Paloma Junquera :

En effet, on assiste à un renouvellement générationnel de la profession de photographe dans notre région. Il existe un courant très actif de journalisme photographique encouragé par Internet et les nouvelles technologies. Ruben Espinosa travaillait pour l’agence AVC Noticias. Chez AVC Noticias, au moins quatre photojournalistes, d’après mes informations, ont été agressés, menacés ou insultés. Comment fâcher un homme politique? En le photographiant. AVC Noticias a été l’une des premières agences à investir le web. Leur point fort, c’est la photographie. Le directeur est une personne très connectée, branchée et ouverte aux innovations. Très hostile à la censure aussi.

« Des photographies qui soient vraiment journalistiques »

Il a créé cette agence pour publier des photographies qui soient “vraiment journalistiques”. Des photographies qui montrent nos personnalités politiques telles qu’elles sont. Pour l’équipe d’AVC Noticias, il ne s’agit pas de photographier les responsables publics uniquement lorsqu’ils veulent bien poser et de retoucher les photos pour qu’on ne voie pas leur embonpoint. Cette équipe est composée de jeunes talents détectés sur les réseaux sociaux. C’est aujourd’hui une agence influente, qui fournit en images de nombreux journaux à Veracruz. Veracruz est comme un bout de chorizo qui s’étend du nord au sud au bord de l’océan, la géographie de cet état est très particulière. Il n’y a pas de journaux régionaux à Veracruz. Toutes les entreprises de presse sont implantées dans un microcosme local et sont complètement inconnues à trente kilomètres de là. C’est à Córdoba qu’on lit El mundo de Córdoba. C’est à Posa Rica qu’on lit El Mundo de Posa Rica.

Mais aujourd’hui, du nord au sud, on voit partout les photos de ces jeunes enthousiastes. C’est cette agence qui a révélé l’existence dans notre état de groupes d’autodéfense contre la criminalité organisée, que les médias nationaux ne voyaient que dans les états de Guerrero, Oaxaca et Michoacán. Lorsque ces photos de groupes d’autodéfense ont été publiées, les autorités régionales ont mis en œuvre tout ce qui était en leur pouvoir pour démentir l’information, ont prétendu qu’il s’agissait de montages, que les protagonistes avaient été payés par les photographes pour poser ainsi… Arturo Bermudez a promis publiquement, en conférence de presse, de « coffrer » l’auteur de ces photographies. Ce dernier a quitté l’état de Veracruz.


(1) Le nom de la journaliste a été modifié [NDLR]

(2) Plata o plomo (de l’argent ou du plomb) était une réplique habituelle de Pablo Escobar qui laissait ainsi un choix à ses interlocuteur [NDLR]

Source: https://reflets.info/etre-journaliste-et-etre-une-femme-dans-letat-de-veracruz-au-mexique/


Les pirates Russes et les emails américains…

Friday 16 December 2016 at 16:18

Même Barack Obama l’a donc dit à la radio : les pirates du Kremlin sont à l’origine du piratage de la convention démocrate et de conseillers de la candidate Hillary Clinton. Après la CIA, les agences variées de renseignement, la parole du président vient ajouter un poids important à l’accusation. Et pourtant… En matière de piratage informatique, il faut être excessivement prudent et ne pas attribuer n’importe quoi à n’importe qui, surtout s’il y a des éléments objectifs et très évidents. Explications…

Un bon exemple d’un faux drapeau en matière d’attaque informatique est celui de TV5 Monde. Initialement, tout le monde a pensé à une attaque du cyber califat, le site de la chaîne de télévision affichant un drapeau de type Daesh. Or il est bien plus probable que l’attaque soit venue de Russie, justement. Mais plaçons-nous dans le cas de l’exemple sus-visé.

Quels arguments peuvent bien avoir les services de renseignement américaines pour affirmer que le piratage de la convention démocrate et de conseillers de la candidate Hillary Clinton provient du Kremlin ?

On peut faire quelques suppositions:

Par principe, sur Internet, personne ne sait que vous êtes un pirate russe, chinois, nord-coréen, américain, français, ou martien. Personne ne sait que vous un chien, c’est dire si l’on nage en plein flou.

C’est dire également combien il est imprudent de désigner tel ou tel comme l’auteur d’un piratage. En outre, il n’est pas inutile de rappeler à Barack Obama que jusqu’à maintenant, le seul pays dont on ait des preuves irréfutables d’un piratage massif de toute la planète, n’est autre que les Etats-Unis. Cela n’a pas l’air de lui poser le moindre problème ni de déclencher indignation ou réforme profonde des services de renseignement de ce pays.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les services de renseignement américain ont tout intérêt à désigner un cyber attaquant de la taille d’un pays, mieux encore, de type Russe ou Chinois, donc puissant. Plus l’adversaire est puissant, plus les budgets qui seront alloués aux agences de renseignement seront importants.

Source: https://reflets.info/les-pirates-russes-et-les-emails-americains/


La justice tunisienne en question : le cas de Ines Zarrouk

Wednesday 14 December 2016 at 22:11

Ines Ben Othman est cinéaste. Mais elle est aussi la femme de Walid Zarrouk, agent pénitentiaire et président de l’association Muraqib, qui lutte contre la torture et les abus dans les prisons et les lieux de rétention. Visiblement ce genre d’activité n’est pas du goût des autorités tunisiennes. Walid a été limogé par le ministre de la Justice, Nourdine Bhiri, du parti Ennahdha.

Depuis 2011, il a été arrêté une dizaine de fois et emprisonné sept fois. En 2015, il a purgé une peine de trois mois pour avoir critiqué le procureur adjoint Sofiane Selliti.

Walid et Ines sont accusés par le pouvoir d’avoir mis en danger des personnes, contrevenant ainsi à la loi anti-terrorisme.

Walid Zarrouk purge actuellement et depuis le 1er août dernier, une peine d’un an et demi de prison pour diffamation lors d’une interview télévisée. Son crime ? Avoir dit que les procureurs étaient inefficaces puisqu’ils n’étaient pas capables de réunir des preuves tangibles dans les dossiers qu’ils montaient contre lui. Walid Zarrouk a fait appel mais pour l’instant, aucune date n’a été fixée.

Les déclarations de Walid Zarrouk à propos de la gestion par les autorités de l’attentat du Bardo ont probablement pesé lourdement dans la décision du gouvernement de le harceler, lui et sa femme. Walid Zarrouk avait en effet indiqué que la police avait eu vent d’un attentat imminent, dans les 24 heures, avant le carnage qui a fait 24 morts (dont 4 français) et 45 blessés. La suite a montré, pour ceux qui se sont intéressés à cet attentat, qu’il n’était probablement pas dans l’erreur.

Demain, jeudi 15 décembre, le dossier de Ines sera étudié par la chambre d’accusation. Cette dernière peut requalifier l’accusation et l’on passerait de la loi anti-terroriste au code pénal (diffamation), ou même, lever les charges retenues contre Ines.

Par ailleurs, Ines, qui devait se rendre en France ces derniers jours en a été empêchée.

 

Source: https://reflets.info/la-justice-tunisienne-en-question-le-cas-de-ines-zarrouk/


Aménagement numérique, fibre optique : le dessous des cartes

Friday 9 December 2016 at 13:34

[Le présent article a été en grande partie écrit en avril 2016 et légèrement retouché et actualisé en décembre] Publié originellement sur : http://blog.spyou.org « Mémo à l’usage de ceux qui veulent avancer »

Au Royaume-Uni, ça creuse entre membre d’une coopérative pour amener la fibre chez l’habitant. Et oui… https://b4rn.org.uk

Après quatre ans à fréquenter des élus et fonctionnaires de ma nouvelle campagne d’adoption, et plus généralement toute personne avec qui je me suis entretenu à propos de numérique ou, plus généralement, de politique, la phrase que j’ai dû entendre le plus, c’est « mais de toute façon, qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? »

A propos d’un peu tout. De l’absence de connectivité fonctionnelle de façon satisfaisante dans nos campagnes, d’usage de trucs dans le cloud quitte à perdre toute notion de ce qu’est la vie privée voire intime, de dépenses de fonds publics totalement idiotes, etc.

Vous me voyez venir, je vais prendre mon cheval favori : le numérique, et je vais en parler pour ce qui concerne une zone que je commence à connaître un peu : l’Yonne.

« Mais qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? »

Dans l’Yonne, il y a en gros deux grosses agglomérations, Sens et Auxerre, représentant quelque 120000 habitants sur 720 kilomètres carrés quand le département dans sa totalité en compte 342000 sur 7420 kilomètres carrés. On a donc, à la grosse, 35% de la population qui habite sur 10% du territoire.

Ces deux agglomérations ont bénéficié d’une « convention AMII ». Ça a l’air plutôt sympathique, « ami ». Même quand on commence à lire ce qu’en dit la presse, ça a l’air cool : « la fibre optique chez l’habitant tout payé par un opérateur sans une once d’argent public ». On fonce donc inévitablement dans le panneau, quand on est un élu, surtout quand on n’a pas lu les petites lignes et l’explication de texte.

Une petite ligne parmi d’autres

Cette convention AMII concerne les particuliers. Exit les entreprises, exit les hôpitaux, exit les choses qui, grosso modo, ont besoin de plus de débit que la moyenne. « Pas grave » va-t-on nous répondre, « ceux-là peuvent souscrire des offres entreprise ». Oui, 4000 euros de frais d’installation (quand on se débrouille TRÈS BIEN) et entre 600 et 3000 euros par mois en fonction du débit et des services voulus.

Oui, on croit rêver. On pose donc légitimement la question « mais pourquoi vais-je aller payer des milliers d’euros pour relier le local de mon entreprise à un débit suffisant alors que dans le quartier d’à côté, chez moi, j’ai la fibre pour 35 euros par mois avec deux ados qui doivent consommer 20 fois plus de données que ma secrétaire ? ». Et là, on s’accroche bien à son fauteuil : « parce que, Monsieur, C’EST PAS LA MÊME FIBRE ». Et vous savez le pire ? Ça passe. Ces empaffés ont réussi à faire croire que ce n’était pas la même fibre.

Eh ben si, en fait, c’est la même. Toute pareil que celle qui va aux domiciles du quartier résidentiel. A quelques détails près : la « fibre entreprise » n’est mutualisée qu’au niveau du NRO au lieu de l’être au PM (la belle affaire… Vous ne savez pas ce que sont un NRO ou un PM ? En gros, de grosses armoires dans lesquelles on branche plusieurs fils ensemble sur un autre fil. Des multiprises réseau, quoi), et elle bénéficie généralement d’une garantie de temps de rétablissement en cas de panne.

« Aaahhh ouiiii, donc c’est quand même vachement mieux que le FTTH chez moi, cette fibre entreprise ». Oui, si vous avez besoin d’une garantie de rétablissement en 4h et d’un tuyau dédié jusqu’au central téléphonique. Mais au fait, vous avez quoi aujourd’hui pour accéder à internet ? Ah, une livebox. Et la dernière fois qu’elle est tombée en panne, ça a pris quoi ? 2 semaines pour retrouver une connexion ? Ah, chiant .. Mais ça vous a empêché de bosser ? Non, ben non, vous vous êtes débrouillés avec le voisin ou des clés 3G. Et vous avez quoi comme débit ? 10 méga ? Et ça va ? Oui, ça met juste un peu de temps pour envoyer un mail avec des pièces jointes mais on s’y fait. Ben oui.

Donc en réalité, vous avez juste besoin d’une connexion plus performante, pas énormément plus performante, juste un peu, allez, soyons fous, 20Mbps symétriques… mais sinon, vous êtes content. Et vous n’allez sûrement pas investir l’équivalent d’un SMIC mensuel pour vous payer une fibre, non, vous êtes un brin plus intelligent, vous allez embaucher quelqu’un si vous avez des sous devant vous.

Explication de texte

Quand un opérateur comme Orange ou SFR signe une convention AMII, il fait donc croire à sa victime qu’il est son sauveur et qu’il va sur ses fonds propres (grand prince, en plus) déployer un réseau tout beau tout neuf que les électeurs ils vont être super contents. Promis, dans 5 ans, on a fini, et on s’arrangera pour avoir fait le plus gros dans les endroits à problèmes, comme ça, aux prochaines élections, vous aurez un bon argument pour être réélu.

Et puis une fois signé, il se passe quoi ? Ben il se passe que des agglomérations comme Sens et Auxerre sont déjà, à quelques exceptions notables près, plutôt pas trop mal servies et que l’investissement sur fonds propres promis par l’opérateur qui aménage le réseau FTTH ne concerne que l’horizontal (les fibres sous le trottoir) mais ni le vertical (dans les immeubles) ni le branchement des pavillons… qui sont à la charge de l’opérateur qui va vouloir relier son client, donc, in fine, du client. Prix de ce petit luxe qui consiste généralement à tirer quelques dizaines de mètres de fibre ? Entre 200 et 800 €.

Évidemment, les opérateurs sont malins, ils n’annoncent pas des frais de mise en service de ce genre là, non. Ils noient ce montant dans l’engagement.

« Bonjour, vous avez déjà de l’ADSL qui pédale pas trop mal, mais c’est hasbeen. Prenez la fibre, c’est QUE 45 € par mois avec un engagement 3 ans, vous pourrez regarder 12 chaînes HD en même temps ! ». Alors, je m’engage 3 ans avec un opérateur, je paie plus cher, mais en fait j’en ai pas besoin parce que j’ai que deux yeux et que j’ai beau essayer, je peux pas regarder deux trucs différents en même temps.

Et du coup, que dit l’opérateur à la collectivité avec qui il a signé la convention AMII ? « Euhh bon en fait on vend beaucoup moins que prévu, et comme on comptait un peu dessus pour financer le reste du déploiement, ben il va durer plus longtemps que prévu, mais vous pouvez rien y faire, c’est marqué dans le contrat, article 156 alinéa 16876″.

Tadaaaa.

Cerise sur le gâteau

L’opérateur qui a réussi à arracher une convention AMII aux grands pôles urbains l’a mis bien profond au département et à la région concernés. Eh oui, on dit qu’il a vitrifié la zone. Interdiction pour toute collectivité de venir investir un centime sur la chasse gardée de l’opérateur en matière d’aménagement numérique pendant la durée de la convention.

Du coup, il se passe quoi ? Il se passe que les zones les plus peuplées (qui sont moins chères à déployer, compte tenu de la densité de logements) sont exclues de la péréquation que pourrait effectuer un département pour créer un réseau d’initiative publique. Reste les zones moins densément peuplées qui coûtent plus cher à couvrir en fibre.

En résumé, la boite privée riche qui fait des bénéfices s’occupe de couvrir là où ça coûte pas cher mais ou personne n’en a besoin, et le secteur public déjà exsangue doit se démerder avec les zones qui coûtent cher mais ne le fait pas et les laisse moisir faute de moyen.

Bien joué, l’AMII.

Bon, du coup, on fait quoi, nous, collectivité petite ou grosse ?

On se demande comment faire pour régler le léger problème des campagnes avoisinant ces centres urbains qu’un gros opérateur a phagocyté, vu qu’on peut pas faire péter les conventions qui ont été signées.

On va se renseigner là où les gens ont l’air de savoir ce qu’ils font, chez les grands opérateurs. Une commune du coin a tenté de se démerder, téléphonant à quelques opérateurs nationaux, disant « coucou, on voudrait créer un réseau fibre sur notre commune, on paie, vous voulez bien venir y vendre vos offres. Ils se sont fait rire au nez sur le thème : « Mais vous êtes ridicules. C’est trop petit. On prendra même pas le train pour venir voir. Ça nous intéresse pas ».

Il s’agissait, pour que les choses soient claires, que la ville finance et construise un réseau pour que ces messieurs les opérateurs n’aient rien à investir et puissent débarquer avec leurs offres pour les vendre aux gens. Plutôt sympa, moi, je dirais.

Bon, du coup, on pose la question : « à partir de combien ça vous semble intéressant ? ». Là, on vérifie qu’on est bien assis, la ville a demandé : trop petit. La communauté de commune a demandé : trop petit. Le département a demandé : trop petit. Oui oui, ces gens là ne veulent discuter qu’avec un truc à l’échelle régionale.

Et comme ils ont embauché des lobbyistes doués, ils ont même réussi à faire gober à l’état qu’il était nécessaire de freiner toute velléité locale de construction de réseaux optiques en ne réservant les subventions état et Europe qu’aux projets d’envergure régionale. Il faut le savoir, aujourd’hui, une collectivité territoriale ne fait RIEN si il n’y a pas au moins un bout de subvention qui vient de plus haut. Alors qu’elles pourraient souvent faire quand même quelques trucs, mais c’est un autre débat.

Bon ben, du coup, on va rien faire hein. Enfin, rien de concret. On va voter un budget. Allez, 55 millions d’euros. Hop. L’Europe va en payer 12, l’état 18, le département 14 et on va aller siphonner les 11 millions restants dans les caisses de nos communautés de communes, elles referont leurs trottoirs ou leurs terrains de foot plus tard.

Bon. Et avec ces 55 millions on fait quoi ?

On a tout bien écouté Orange, ils nous on dit que la fibre c’était au moins 2000 € par foyer compte tenu de notre densité de population mais que eux avait une solution magique géniale qui coûte deux fois moins cher, et qui consiste à rapprocher la fibre de chez l’habitant. Pas l’y amener, hein, la rapprocher. Nom de code « Montée en débit », MeD ou PRM chez les initiés.

Bon, je la fais courte pour ceux qui ne connaissent pas le principe de la montée en débit : ça monte pas bien haut.

Si l’ADSL ne marche pas ou pas bien à certains endroit, c’est parce que les lignes de téléphones sont trop longues. Du coup, le principe de la PRM, c’est de remplacer un bout de ces lignes de téléphones par une fibre optique (qui souffre beaucoup moins de la baisse de qualité avec la distance) et, au bout, de planter un mini central téléphonique sur lequel on viendra raccrocher les lignes. Les lignes sont plus courtes, l’ADSL marche mieux. CQFD.

En plus, ça « prépare l’arrivée de la fibre ». Pensez donc, ils enterrent 6 paires de fibres pour relier un mini central téléphonique perdu dans la pampa sur lequel il y a quelques dizaines de lignes. Et ils veulent nous faire croire que 6 paires sont suffisantes pour proposer, plus tard, une offre FTTH digne de ce nom ? Raté, il faudra changer le câble en question, ne serait-ce que parce que l’ARCEP impose qu’il y ait une fibre par habitant qui arrive au point de mutualisation le plus proche, que celui-ci doit couvrir au moins 300 logements et que bon nombre d’opérations PRM actuellement en route portent sur des PM de moins de 90 lignes. Donc en fait, ça ne prépare rien du tout.

De toute façon, le gros du coût de déploiement de la fibre ne concerne pas cette longue distance effectuée entre le central d’origine et le nouveau petit, bien souvent faite en bordure de route facile à creuser, mais bien la mise en service jusqu’à l’abonné où il faut se torturer l’esprit pour ne pas trop ravager le devant de la maison pour y faire rentrer le nouveau câble.

Mais s’il n’y avait que ça, on s’en contenterait. Là où il y a un hic, c’est que cette fameuse offre PRM est :

Pendant ce temps, vous continuez à payer directement ou indirectement l’entretien du réseau téléphonique (qui n’est plus assuré qu’en cas d’extrême urgence) sur vos factures mensuelles, et vous allez donc, en plus, payer, via vos impôts, le fait de pouvoir continuer encore longtemps à financer cet entretien inexistant. Heureusement que plus de la moitié sont payés par l’Europe et l’état, hein, on se sent moins seuls.

Bon, ça, c’est fait, un petit cadeau de 22 millions d’argent public à une boite qui caracole en tête des plus gros bénéfices à la bourse de Paris. Admettons. La consolation c’est que c’est encore l’état qui capte 13% de ces dividendes. On n’a pas tout perdu.

Bon, et les 33 millions qui restent, on en fait quoi ?

On va quand même faire un peu de fibre, hein. Bon, on le fait où ? Bon, ce bled là, celui là et celui là y sont de gauche, je les aime pas, donc pas chez eux. Là bas, c’est trop paumé et Orange a dit que ça coûterait trop cher, donc on n’ira pas. Bon, ben on va déployer dans les villes les plus peuplées en dehors des deux zones AMII et uniquement si elles sont du même bord politique que nous. Allez, c’est ficelé, on y va.

Au fait, on fait comment la fibre ? Tu sais, toi, René ? Non. Francis non plus ? Bon… on va attendre que la région se bouge le fion pour nous pondre un truc, tout seuls on n’y arrivera pas.

Attends, on va quand même sortir un appel à projet pour les zones industrielles histoire de faire croire qu’on se préoccupe de nos entreprises. Non, t’inquiète, s’il y en a qui répondent on fera comme d’habitude : les morts. Avec un peu de bol Orange ouvrira des offres fibre entreprise sur ces zones et on pourra valablement retirer l’appel à projet avant que ça râle trop fort en disant « ah ben non, à Bruxelles ils ont dit que quand le privé couvre, nous on n’a plus le droit ».

3 ans plus tard, la région, toute contente de se marier avec la Franche-Comté, parvient à monter une Société Publique Locale pour piloter les déploiements FTTH. Bon, en vrai, elle va aussi édicter les règles d’ingénierie et choisir un délégataire privé qui sera chargé de se mettre dans la poche les 33 millions de l’Yonne (et les millions des autres départements) pour construire un beau réseau FTTH sur lequel ces messieurs « opérateurs d’envergure nationale » viendront vous vendre leurs offres.

« Gérer ça en propre ? Mais vous n’y pensez pas Geneviève, Orange a dit que c’était compliqué, la fibre. Déjà qu’on n’est plus foutus de gérer nous-mêmes les réseaux d’eau potable… »

Petite consolation tout de même, les opérateurs qui vont venir vendre leur service payeront (en principe) une dîme mensuelle pour chaque ligne qui reviendra dans les caisses des départements. C’est donc un investissement, contrairement à la montée en débit PRM qui est une subvention à fonds perdus.

Espérons juste qu’au détour de l’appel à délégation de service public qui sera passé, les deux ou trois candidats « sérieux » qui se présenteront n’imposeront pas de clauses bien tordues (du genre « pour pouvoir jouer sur le réseau il faut le cofinancer à hauteur de 25% ») leur permettant de s’arroger à eux seul le droit d’exploiter le réseau public. L’avenir nous le dira.

Bon, eh, Spyou, t’es sympa avec ton roman fleuve, mais tu nous as toujours pas dit ce qu’on pouvait faire, là.

C’est pas faux. Mais il fallait quand même bien que je vous brosse le tableau avant de le barbouiller avec ma gouache.

Deux ou trois autres détails, que vous ayez bien l’image en tête.

Déployer un réseau fibre, c’est de la plomberie. Tout pareil que de l’eau ou n’importe quel autre réseau déjà existant : il faut enterrer des tuyaux ou planter des poteaux pour ensuite y mettre des câbles dans lesquels il y a de la fibre.

Petit point financier

Un mètre de fibre, c’est entre une poignée de centime et 2 euro en fonction de la quantité achetée et du nombre de fibres dans la gaine. Un mètre de fourreau pour mettre la fibre, c’est du même acabit. Un poteau, c’est quelque chose entre 50 et 100 euros. Un mètre de tranchée pour enterrer un fourreau, c’est entre 10 euros (dans un champ) et 3 ou 400 euros (en ville où il faut faire attention aux autres réseaux, reconstruire le marbre plaqué or du trottoir, etc.).
Bilan de ce point financier : la fibre, ça coûte rien. Ce qui coûte, c’est de faire des trous. Ça fait déjà un bon moment que toutes les collectivités le savent : quand on fait un trou quelque part, on en profite, on met des fourreaux vides en trop dedans, ça évitera d’avoir à creuser à nouveau, et dans le pire des cas, on aura perdu quelques centimes, c’est pas bien grave. Alors qu’on m’explique pourquoi, pas plus tard que l’année dernière dans l’Yonne, plus de 80km de tranchées ont été réalisées (pour celles dont j’ai eu connaissance), dont certaines assez longues, sans qu’aucun fourreau vide n’ait jamais été posé.

Florilège :

« On savait pas comment faire donc on n’a rien fait »
« Ça traversait plusieurs communes et il y en avait dans le tas qui ne voulaient pas payer plus cher que le strict nécessaire donc on n’a rien fait »
« C’est une intervention faite par un gestionnaire de réseau privé, si on voulait mettre des fourreaux vides, on aurait dû cofinancer les travaux donc on n’a rien fait »
« Quand on pose un type de réseau, on fait appel à une entreprise spécialisée dans ce type de réseau. Si on lui demande de poser un autre type en même temps, elle fait n’importe quoi et c’est la merde intersidérale donc on n’a rien fait »

Et vous demandez encore ce que vous pouvez faire ? J’ai d’autres idées, si profiter des trous qui sont faits pour préparer l’avenir n’est pas à votre portée.

Vous avez l’immense chance (des communes d’autres départements tueraient pour l’avoir) de bénéficier de l’implantation, sur votre territoire, d’une initiative locale, portée bénévolement par des gens motivés, qui ont les compétences, le temps et l’envie de faire quelque chose. Ils ont, pour arriver à leurs fins, créé une structure éminemment démocratique et totalement transparente, tant financièrement que techniquement. Pourquoi persister à ne pas les considérer, sans même parler de les soutenir, hein ? Ils sont mal fringués et leurs principes ont l’air vaguement communistes… OK… J’ai d’autres idées, si soutenir les initiatives locales n’est pas de votre goût.

Une idée plus administrative, tiens. Se grouper pour faire pression. Il existe des tas d’organisations regroupant de petites communes rurales. Il serait peut être temps d’envoyer promener le diktat privé imposé par Bruxelles et faire pression sur notre état pour qu’il oblige ceux qui en ont les moyens d’assurer l’investissement nécessaire à la sortie du tiers monde numérique de nos territoires. Pas en suggérant une nouvelle taxe qui retombe systématiquement sur le nez des clients comme l’a proposé un de nos députés locaux, mais en réévaluant par exemple la notion de service universel pour y inclure l’accès à internet avec un débit minimal valable. Non ? Si faire bosser vos équipes sur un nouveau genre de projet qui a l’air un peu révolutionnaire ça vous colle la frousse, j’ai encore une pochette surprise dans ma besace.

Pourquoi ne pas suivre les buts que vous vous êtes fixés quand vous avez demandé à un cabinet de conseil d’écrire le schéma directeur d’aménagement numérique à votre place ? Ils n’y ont pas mis QUE des âneries hein. Loin de là. Il y a même une idée toute bête et qui, pourtant, n’a toujours pas été mise en œuvre, bien qu’elle soit un des prérequis avant de pouvoir éventuellement penser à faire de la fibre : recenser le génie civil disponible. Mettre des outils de cartographie à disposition de toutes les structures administratives, et pourquoi pas de l’ensemble de la population pour aller plus vite ? Maintenant, si même faire ce que vous aviez dit que vous feriez n’est pas possible… Je ne vois qu’une solution, continuez à chercher des papiers et des chèques à signer en espérant que les choses se feront toutes seules.

En parlant de chèques… Chaque année, les opérateurs paient une Redevance d’Occupation du Domaine Public (RODP) aux collectivités dont ils occupent tout ou partie de l’espace public, en souterrain ou en aérien. Vous êtes-vous un jour demandé d’où sortait le montant en bas de la feuille ? Je serais vous, je creuserais le sujet. Sachez que si vous trouvez une bourde dans le calcul, vous pouvez demander le complément de façon rétroactive sur 5 ans. Allez, je vous aide, c’est Orange qui vous donne le chiffre, et en dehors d’aller recenser le réseau physiquement dans votre commune, vous n’avez aucun moyen de vérifier sa validité. Action.

Moi, je vais continuer chaque semaine à connecter 2 à 10 personnes au réseau de SCANI, ça va être long, on sera toujours une bande de gnioufs bizarres qui font pas du vrai internet, mais à la fin, quand on comptera les points, nous, on saura ce qu’on aura fait pour le département.

Je m’énerve pas, Madeleine, j’explique.

Le truc qu’on fait chez SCANI est assez simple à comprendre. On prend de l’internet où il marche et on l’emmène là où il ne marche pas. On ne pirate pas un opérateur quelconque, nous SOMMES opérateur. N’en déplaise à certains, « être opérateur », ça se résume à cocher quelques cases sur le formulaire du site de l’ARCEP et de cliquer sur « envoyer ».

Comme on a avec nous quelques personnes du métier qui sont tombés dedans quand ils étaient petits, on arrive à obtenir les meilleurs prix pour les services qui sont utiles et on sait faire tomber en marche ces objets bizarres portants des noms qui font peur : « routeur, switch, lns, serveur dns… »

Et ensuite, on y va petit à petit. Pas de grande folie, pas de couverture totale de tel village, pas d’investissements colossaux. Non, on a commencé avec Pclight par un investissement en matériel de 500 € et un coût mensuel récurrent à payer de 60 €. C’était début 2013, moment où les premiers adhérents ont été reliés à des connexions proposant un débit descendant de 12Mbps et un débit montant de 1Mbps. Du simple ADSL, en fait.

Le schéma technique est compréhensible par n’importe qui : une ligne ADSL, un bête câble réseau, une antenne wifi au bout, accrochée à la cheminée, la même en face plus loin, et un ordinateur au bout du câble.

C’est ce qu’on fait depuis 4 ans : mettre des antennes wifi en face les unes des autres pour amener des connexions internet dans la campagne.

Avec un travail 100% bénévole, en dehors des prestations dangereuses réalisées par des antennistes professionnels, on en est rendus à 370 connexions finales actives et un peu plus de 700 antennes installées. Du coup, le budget de 60 € par mois a un peu grossi, le récurrent mensuel qui rentre, une fois la TVA déduite, est d’environ 8000 € qui permettent aujourd’hui de financer :

Le modèle économique est idéal : plus il y a de personnes reliées, plus le budget mensuel augmente, plus on peut augmenter les débits disponibles en en faisant profiter tout le monde. Certains bénéficient aujourd’hui d’un débit de 60 méga, toujours pour 30 € TTC par mois.

L’objectif à court terme est de commencer à creuser nous mêmes ces fichus trous pour y mettre de la fibre optique. Même si certains douteront toujours, l’union fait la force, et nos agriculteurs ont tout le matériel nécessaire pour faire des trous. Avec ce principe de fonctionnement, une coopérative anglaise arrive à un investissement tout compris (fibre, génie civil, matériel actif, déploiement chez les gens, connectivité vers internet) de 1200 € par habitation connectée avec un débit disponible de 1000 Mbps pour chacun.

Concernant le travail déjà réalisé avec le wifi sur notre réseau, il n’est pas condamné, puisque la fibre viendra en remplacement des liens wifi les plus chargés pour les rendre plus fiables et performants et que les antennes pourront être réinstallées pour étendre encore le réseau plus loin, voir, pourquoi pas, les céder à d’autres initiatives ailleurs. A plus long terme, il s’agit de créer des emplois qualifiés et non délocalisables autour d’un projet économique, social et solidaire.

La totalité des données financières sont accessibles en temps réel aux adhérents, tous les outils et méthodes de travail sont publics et l’ensemble des actions menées sont ouvertes à qui veut bien se donner la peine de venir à notre rencontre.

En bref, soutenir nos actions présente un risque : celui qu’on aille plus vite, plus fort et plus loin. C’est promis, on ne se moquera pas de celles et ceux qui pourraient venir en nous disant « bon, ok, au temps pour moi, c’est un vrai projet que vous avez, comment on avance ensemble maintenant ? ».

Eh, t’es bien mignon avec ton association de Trotskystes là… on peut pas baser la stratégie numérique d’un département là dessus.

C’est assez délirant comme idée, je le reconnais.

D’ailleurs, une petite ligne sur les associations en question. Depuis fin 2012, Pclight sonnait tantôt comme une douce musique (aux oreilles de certains, délaissés des sphères numériques, qui voient là une bonne opportunité de s’en sortir), tantôt comme une rengaine plutôt enquiquinante (pour d’autres, habitués à des fonctionnements plus institutionnels). C’était un brin voulu. En plus de faire du réseau, on est également une belle bande d’agitateurs qui aimons coller de grands coups de pieds dans la fourmilière. Pas super sympa, mais nécessaire.

Certains ont pu se demander ce qui se passait avec cette histoire de Pclight & SCANI. Sans rentrer trop dans les détails, des divergences de point de vue concernant entre autre la gouvernance et la taille des projets a mené à une séparation en deux structures. Ça a probablement été fort mal géré, mais passons, le temps a fait son œuvre et les deux structures envisagent à présent des actions communes.

L’idée n’est pas d’avoir à faire un choix entre blanc ou noir, entre conservateur et 68’tards, entre bien et mal, entre capitaliste et communiste, entre gros ou petits mais bien de saisir les opportunités pertinentes au moment où elles se présentent avec un seul et unique objectif : le bien commun.

C’est ronflant comme objectif, même un poil arrogant, OK. Mais c’est comme ça, faudra vivre avec. Et si on arrive à bosser en bonne intelligence avec le reste des opérateurs, les élus, les autres associations, les habitants, les coopératives, les entreprises, la région, l’état, etc. qui sait où on ira ?

Super, tu m’as convaincu. Je suis élu, je fais quoi ?

Bon, déjà, tu retournes en haut de la page et tu vas lire une seconde fois.

Ensuite, SCANI est une coopérative. Pour un élu, ça veut donc dire deux choses :

Au boulot maintenant !

@turblog @scani89

Source: https://reflets.info/amenagement-numerique-fibre-optique-le-dessous-des-cartes/


Cadeau de fin d’année, un casier scolaire pour tous les marmots

Friday 2 December 2016 at 16:01

signal-ecoleLe ministère de l’Éducation nationale (MEN) use de méthodes déloyales pour imposer un nouveau fichier scolaire aux implications plus que sensibles. Le livret scolaire unique numérique (LSUN) est le dernier maillon d’un fichage méticuleux qui remet en selle le débat ouvert il y a 10 ans lors de la sortie fracassante du gros fichier des écoliers, Base élèves 1er degré (BE1D).

Ce livret scolaire est censé s’imposer du CP à la 3ème, commun à l’école élémentaire et au collège, c’est à dire durant toute la scolarité obligatoire. Là où ça coince, c’est que les données que doit recueillir le LSUN sont exactement celles qui avaient du être expurgées de BE1D, en 2008, afin que ce dernier puisse plus facilement être accepté en masse par les parents d’élèves et les enseignants. Quelques réunions houleuses sur ce « livret numérique » ont déjà eu lieu à Paris entre des enseignants et leurs inspecteurs de circonscription, qu’on appelle dans la grande maison les IEN. En question notamment, l’absence totale d’information que doit légalement obtenir toute personne – en l’espèce, les responsables légaux des enfants concernés – dont les données personnelles sont traités dans un fichier informatisé (article 32 de la loi informatique et libertés). Pour être plus clair : début décembre, cette information légale n’avait toujours pas été communiquée aux parents d’élèves, alors que le fichier a déjà été rempli par certains enseignants zélés. Ceci, au passage, étant une infraction pénale (article 50).

Comme à son habitude, le MEN joue la carte de la « confiance », en édulcorant la portée de ce livret scolaire informatisé par l’emploi de termes trompeurs pour espérer ne pas avoir à se justifier. Il parle ainsi d’une « application », mot connu de tous les utilisateurs de smartphones, pour désigner un fichier nominatif (rien à voir avec un « logiciel », vrai synonyme d’application), et préfère user du terme « numérique » pour éviter à employer celui d' »informatisé », bien moins flou et plus consensuel. Oubliant aussi de préciser qu’il sera partagé par une foule d’intervenants qui restent encore inconnus des parents d’élèves.

Le « Livret d’ouvrier » new age

Le LSUN est en effet bien plus qu’une simple application — en septembre 2015, avec l’aide de la ministre en personne, BFM le présentait comme « le nouveau carnet de notes » (sic)…. Par exemple, il remplace totalement le LPC, « livret personnel de compétences » qui a été « testé » sous différentes formes ces dernières années. Les plus réfractaires au LPC ont parlé du « retour du livret d’ouvrier », le premier outil de contrôle social créé par Bonaparte et abrogé sous la IIIème République. Ficher les compétences acquises par l’enfant à tel moment de sa scolarité est à double tranchant, car cela répertorie aussi les difficultés que l’élève à eu à les acquérir. Ce mode d’évaluation binaire (oui ou non) est aussi très discutable en terme pédagogique. Le LPC comprend donc bien plus qu’un listing des savoirs acquis par chaque enfant, il s’inscrit dans un projet politique qui vise à mesurer l’employabilité de l’élève et de faire de l’école un lieu de compétition pour préparer l’enfant au monde du travail. « C’est d’ailleurs pour ces raisons que le MEDEF s’est réjoui de la mise en œuvre du LSUN », écrit le syndicat SUD Éducation, le plus remonté contre le LSUN depuis plusieurs mois, dans un récent communiqué.

ecolecrash

Répertorier les évaluations faisait donc partie de la première version du fichier Base élèves, qui a fait l’objet d’une simple déclaration à la CNIL en décembre 2004. Il était question aussi de noter l’assiduité de l’élève, son comportement en classe et une foule d’autres mentions comme la nationalité de l’enfant, mais aussi la langue et la ‘culture d’origine’ des parents (sic) ainsi que leur « date d’entrée en France »; était aussi prévue de noter les prises en charge de l’enfant dans des programmes éducatifs spécialisés (notamment les réseaux RASED pour « élèves sen difficulté »)…

Tous ces éléments ont donc été retirées de BE1D en 2008. A l’époque le ministre Xavier Darcos avait parlé de données « liberticides » (sic), et ils se retrouvent donc, peu ou prou, parmi les champs du livret scolaire version 2016. Notamment la prise en charge d’un élève dans différents programmes spécialisés de « réussite éducative », pouvant, et c’est là le problème, identifier des enfants avec des handicaps ou ceux bénéficiant de suivis médico-psychologiques, ou encore ceux, d’origine étrangère, « allophones » (classes pour non francophones)… On est loin du simple « carnet de notes numérique »!

Avec un peu de recul, expurger ces données de BE1D avait un tout autre but: favoriser l’adhésion des instituteurs et calmer les craintes des parents d’élèves. Car BE1D, en ne contenant que des données d’état civil, a pu s’installer dans le paysage. Alors qu’il a surtout servi à générer un identifiant unique – pour ne pas dire un numéro de matricule – destiné à suivre à la trace les élèves pendant leur scolarité et toute leur vie professionnelle. Cet INE – identifiant national de l’élève – est attribué à chaque enfant dès son entrée en 1ère année de maternelle, à 3 ans, avant même que l’école ne soit obligatoire. Et ces INE alimentent une autre base de données restée longtemps dissimulée par les services de l’Éducation nationale, la BNIE (base nationale des identifiants), qui a depuis fusionné dans un méga-répertoire (RNIE) qui recense tous les écoliers, collégiens, lycéens et apprentis (ici pour plus d’infos). Dernier changement loin d’être anodin dans ce RNIE, effectué distretos par un arrêté de septembre 2016, la mention du « pays de naissance pour les personnes nées à l’étranger », qui remplace celle de « naissance à l’étranger ». Ceci expliquant pourquoi la nationalité de l’enfant fut retiré de BE1D en 2008. Un peu à l’image des poupées gigognes, les fichiers scolaires s’imbriquent les uns dans les autres subrepticement, diluant leur portée au gré des modifications successives.

Et la dernière poupée n’est, là aussi, pas vraiment mise en avant : le CPA, Compte personnel d’activité créé par la funeste « loi travail » qui a répandu dans l’air tant d’effluves de lacrymos dans les rues ces derniers mois. Dans un communiqué du 9 octobre, le CNRBE, le collectif de résistance à Base élèves, résumait ça très bien ici :

Le fichage commencé à la maternelle (18 compétences renseignées) s’étendra au parcours professionnel par le biais du « Compte Personnel de Formation » (CPF) créé en 2014, du « Passeport d’orientation, de formation et de compétences » inclu dans ce fichier, et, de 16 ans jusqu’au décès de la personne, du « Compte Personnel d’Activité » (CPA) créé par la loi « travail » du 8 août 2016, un immense fichier dont les données seront bientôt mises à disposition des employeurs et des financeurs de formation, en application de cette même loi.

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Comme lorsque le MEN cherchait à imposer la Base élèves en 2006-2007,  il a été plus que sportif d’obtenir les documents officiels à l’origine du livret scolaire informatisé. Seul l’arrêté ministériel, signé en pleine trêve des confiseurs, le 31/12/2015, était disponible, en cherchant bien (le voici sur Legifrance). En revanche, le formulaire de déclaration de ce fichier à la CNIL (effectué avant le décret, le 15/10/2015), n’a pas eu la même publicité. Reflets.info s’est démené et a obtenu, après plusieurs échanges disons fermes et diplomatiques avec le ministère, quatre documents complémentaires que nous mettons à disposition (lire en fin d’article).

On y apprend tout de même quelques éléments fondamentaux de ce vaste fichage scolaire. D’abord la durée de conservation des données : 3 ans (la durée d’un cycle) ajouté d’une année, soit 4 ans d’archives. Sans savoir à quel point les différentes modifications permettront d’aller plus loin dans les années à venir. Le formulaire envoyé à la CNIL évoque aussi des données relevant de la « vie personnelle (habitudes de vie, situation familiale) » comme « professionnelle (CV, scolarité, formation professionnelle, distinctions) », le tout recueillies « de manière indirecte », c’est à dire en siphonnant d’autres fichiers, le tout grâce au fameux matricule unique, l’INE. Un coup d’œil aux différents champs du fichier (cf document plus bas « Formulaire de collecte des données ») permet aussi d’y voir des fenêtres où les enseignants pourront y inscrire des mentions libres, voire subjectives, sans savoir là aussi si l’effacement d’un cycle sur l’autre sera automatique…

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L’usine à gaz du LSUN (extrait d’un document de synthèse du MEN, juillet 2016)

Quid de l’information des parents ?

Mais alors où est la « déloyauté » dont nous parlions au début? C’est la manière dont ce livret est rempli et déployé, alors qu’aucun parent d’élèves de France n’a encore été officiellement informé de son contenu, de sa finalité, de la durée de conservation et des réelles implications de ce livret new age. Le MEN joue avec la loi : certes, pour tout fichier émanant d’un « service public », il n’est plus nécessaire de recueillir « l’accord préalable de la personne » (ou de ses tuteurs), cf l’article 7 de la loi informatique et libertés. Mais tout traitement de données à caractère personnel doit faire l’objet d’une information claire et précise auprès des intéressés (article 32 de la LIL). Et contrevenir à cette formalité est une infraction pénale (article 226-16 du code pénal). En théorie donc, la CNIL aurait du dès maintenant transmettre à la justice ces éléments à l’encontre du « responsable du traitement », en l’occurrence la ministre Vallaud-Belkacem, et, par délégation, Florence Robine, directrice de l’enseignement scolaire — c’est d’ailleurs elle qui a signé la déclaration à la CNIL.

declaration-lsun-extraitPourtant, seules des réunions en conclave entre enseignant.e.s, directeurs/directrices d’école et inspecteurs (IEN), ont eu lieu à ce jour. Lorsqu’un prof ose évoquer l’absence de note d’information à l’adresse des parents, et à quel moment elle serait distribué, la réponse reste évasive ou menaçante. De leur côté, quelques parents commencent à envoyer des courrier d’opposition furibards, mais néanmoins très argumentés (modèle-type disponible ici), et convoquent des réunions avec les parents pour faire le boulot qu’aurait du faire, depuis des mois, le ministère et ses représentants. Pourtant, cf page 6 de la déclaration CNIL [cf capture], à la rubrique 9 « Le droit d’accès des personnes fichées », « Comment informez-vous les personnes concernées par votre traitement de leur droit d’accès ? », la case « Envoi d’un courrier personnalisé » a été cochée.

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Premier bug : la réponse du DASEN de Paris (grand manitou de l’éducation nationale dans chaque département académie), à la question « quid de l’information des parents? ». Voici l’extrait d’un mail reçu dans les écoles de Paris le mercredi 30 novembre (souligné par nos soins) :

Certains d’entre vous reçoivent en outre des courriers de parents dans lesquels il est fait mention d’un engagement ministériel concernant une information écrite et individuelle à destination des parents. Nous n’avons reçu aucune consigne ministérielle allant dans ce sens. En revanche, un document est en préparation au ministère relatif à la mise en place de téléservices à compter de janvier 2017. Ce document prévoit la présentation des identifiant et mot de passe aux familles.

D’autres familles expriment par ailleurs leur refus de voir le LSU renseigné pour leur propre enfant au motif que des informations confidentielles pourraient être désormais accessibles. Il appartient dans vos réponses de les rassurer en rappelant l’aval de la CNIL et les conditions d’accès à la plateforme, très contrôlées et restreintes. On peut également ajouter que la protection des données est mieux assurée par le LSU que par les versions papier des livrets, lesquels sont bien plus exposés au risque de rupture de confidentialité.

Notez avec quels termes rassurants on tente de calmer la plèbe qui gronde. Jamais la question de la pertinence des données n’est abordée, seulement la façon dont elles seront « sécurisées ». Et cela montre aussi que par « courrier personnalisé », le MEN entendait informer les parents non pas avant toute saisie, mais après coup, pour leur confier des identifiants et mots de passe avec lesquels ils pourront accéder à la base. Car c’est le dernière étage de la fusée « acceptation » : les impliquer dans le dispositif, bref les rendre complices et/ou consentants. Surtout pas avant toute saisie – ce serait trop tard alors pour s’y opposer – mais une fois que les profs auraient rempli les premières évaluations. Après la bataille.

Second bug : hier à la mi-journée, 1er décembre, on nous apprenait qu’un mail de Florence Robine, en personne, avait été envoyé à toutes les écoles de France afin d’éteindre l’incendie. Courrier qui allait contredire le DASEN zélé cité plus haut. Le sujet du courrier est plutôt vague (« Les bilans périodiques du livret scolaire »…), mais en fin de courrier la n°2 du ministère fait (enfin) référence à ses obligations légales :

Enfin, je vous rappelle aussi qu’il convient d’informer les élèves et leurs responsables légaux, quelle que soit l’application utilisée, de tout traitement informatisé de données les concernant ainsi que de leur droit d’accès et de rectification de ces données, en leur communiquant un courrier personnalisé, par exemple par l’intermédiaire du carnet de liaison. Pour le LSU, un courrier type est à votre disposition (…)
Avec toute ma confiance [sic],
Florence Robine
Directrice générale de l’enseignement scolaire
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Le « courrier type » (le voici avec le lien originalici une copie, des fois que…) rappelle les mentions les plus élémentaires concernant les mentions devant accompagner un tel fichage de masse. Mais cette tâche revient donc aux enseignants, alors qu’il incombe logiquement au « responsable du traitement ». Allez, ok, on chipote. D’ailleurs, c’est sans doute un procès d’intention : ils sont tous débordés au ministère, et il était prévu de longue date que cette information soit communiquée aux parents d’élèves. Simple question de timing? Pas de bol pour Mme Robine, l’informatique laisse des traces, et elles sont plutôt cruelles. Dans le document PDF mis en pâture hier, on peut lire qu’il a été créé avec « Microsoft® Word 2010 » (c’est du propre – mais les liens entre Windows et l’éducation nationale ne sont plus à démontrer), qu’il est titré « Données personnelles », mais surtout qu’il a été créé le… « lun. 28 nov. 2016 14:22:43 CET ». Soit bien après les premières saisies de données, et surtout après les premiers courriers de parents s’offusquant d’avoir découvert l’existence du LSUN sans en avoir été informés. Oui, plutôt cruel l’informatique pour Florence Robine.


Documents communiqués à Reflets.info par le MEN :


Ecoutez une émission de radio sur le sujet, Les Amis d’Orwell, Radio Libertaire, 2/12/2016 — avec trois invités, parent d’élèves et professeurs des écoles, qui discutent du LSUN et reviennent sur Base élèves (1h30).

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Source: https://reflets.info/cadeau-casier-scolaire-pour-tous-les-marmots/


Interview exclusive : la Mondialisation réagit aux propos de Manuel Valls !

Thursday 24 November 2016 at 12:20

C’est un tweet du Premier ministre qui a tout déclenché. Celui-ci affirme à un journal d’extrême centre (Les Echos) que « la mondialisation doit être « humanisée »  et doit être « au service des peuples », entre autres :

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Choqués que la principale concernée, La Mondialisation n’ait pas son mot à dire, alors qu’elle est directement pointée du doigt et menacée par Manuel Valls, nous avons décidé à Reflets de la contacter afin de connaître son sentiment face à cette mise en cause. Une occasion aussi pour mieux la connaître, puisque si « tout le monde en parle », en fin de compte, personne ne sait vraiment qui est La Mondialisation, ni ce qu’elle pense.

 

— Interview de La Mondialisation. En exclusivité sur Reflets —

 

Bonjour La Mondalisation, nous sommes très heureux de pouvoir échanger avec vous, et de recueillir vos réactions après les déclarations de Manuel Valls à votre propos.

La Mondialisation : — Salut. Aucun problème. Tu peux y aller, pose tes questions.

— Bien… Je vois que vous êtes plutôt décontractée, on ne vous sent pas trop inquiète par les attaques du premier Ministre français, pourquoi ?

L.M : — Je ne vois pas trop de quoi tu parles en fait. Manuel Valls, c’est quoi ça, une marque de montres de luxe ? Une startup californienne capitalisée à hauteur du PIB d’un pays africain ? Je connais pas. Autre question ?

— Bon, avant d’aller plus loin sur le sujet actuel, nous pourrions revenir en arrière, pour mieux vous connaître ? Quel âge avez-vous ?

L.M : — J’ai 22 ans, pourquoi ?

— Ah bon, pas plus ?

L.M : — Ça dépend ce qu’on compte, mais en général on me donne 22 ans, par commodité. Parce que j’ai été conçue sur une plage et je suis née la même année, en 1994.

— C’est charmant. Vous pouvez nous parler de vos parents ?

L.M : — Oui, mais j’ai plusieurs pères, c’était une partouze.

— Ah, d’accord…

L.M : — Ma mère, La Finance internationale était très chaude, elle attendait que ça, elle chopait tout ce qui passait. Elle a croisé les meilleurs acteurs porno pour ma conception. Il y avait Ernest Gros-capital, il était surnommé « bankster », M. Jonh Doe-Trader, Bill la dérégulation, Bob FMI, et OMC, le plus membré de tous. Il paraît que je lui ressemble beaucoup.

— …

L.M : — Autre question ?

— Oui, oui… Vous êtes donc le fruit de la Finance internationale et d’un tas d’acteurs porno qui lui tournaient autour, si j’ai bien compris. Vous êtes jeune, en pleine forme, vous avez passé une crise d’adolescence, comme tout le monde, et là vous en êtes où ? C’est quoi votre projet de vie ?

L.M : — M’éclater. Continuer à faire la fête, prendre des risques, l’aventure quoi ! J’en ai rien à péter de tous ces cons qui essayent de me dire qu’il faut me calmer, et tous ces trucs débiles sur le fait qu’à 22 ans il faut commencer à s’assagir. C’est de la merde tous ces discours. Moi, je continue à faire ce qui me plaît, et basta !

— Vous n’avez donc pas de vrai projet de vie, en fait ? Mais, vous ne craignez pas que ceux qui veulent vous mettre « au service des peuples », vous « réguler », comme Manuel Valls,  ne vous forcent à vous assagir ?

L.M : — Les quoi ? J’ai pas compris la question, vous pouvez répéter ?

— Les peuples.

L.M : — Je ne sais pas ce que c’est. Ça rapporte combien chaque année ?

—…

L.M : — Ok, je vois, tu veux peut-être parler des clients ou des consommateurs, c’est ça ?

— C’est ça…

L.M : — Bon, je vois pas trop où est le problème. Les consommateurs ils ont besoin de consommer, et moi, je leur donne tout ce qu’ils veulent, des choses qu’avant ils ne pouvaient pas avoir : des smartphones, des laptops, des tablettes, des écrans TV plats grand format, des poulets congelés pas chers, des OGM qui luttent contre le réchauffement climatique et les sécheresses, des crédits bancaires, des plateformes d’achats en ligne, du trading haute fréquence, des barrières douanières à moins de 8%, des…

— Ok, ok, on a compris. Vous pensez être déjà au service des peuples en gros ?

L.M : — Ben oui, je viens de te l’expliquer. Au service des consommateurs. Les »peuples » ça veut rien dire.

— Et « vous humaniser » comme dit Manuel Valls, être « régulée » ?

L.M : — Il est con ou quoi la marque de montre de luxe ? Je suis humaine. J’ai été conçue par des humains, je suis au cœur de toutes les activités humaines, il veut quoi de plus ?

— Il parle de s’humaniser…

L.M : — Et lui, il est humanisé ? Attends je regarde ma base de données. Ok, ça y est je sais qui c’est. C’est un de mes valets ce « Manuel Valls », en fait, il bosse pour moi depuis le début. Donc, il déconne complet le domestique, là.

— Ah, pourquoi ?

L.M : — Pour pouvoir plus facilement m’éclater, et faire des soirées vraiment cool comme je les kiffe, j’ai demandé si on pouvait passer des accords Europe-Canada, et Europe-Etats-Unis, des trucs en « A », CETA, TAFTA, etc : il a poussé le truc à fond le Manuel, comme je lui ai demandé. Donc là, c’est juste du flan.

— Du flan ?

L.M : — Ben oui, attends, il a toujours été pour que je m’éclate ! Manuel, quand j’ai demandé de pouvoir m’éclater en Europe avec la Constitution machin-truc en 2005, il a applaudi. Et après il a voté pour l’autre traité constitutionnel machin-bidule en 2008 qui m’a permis d’être vraiment tranquille pour faire mes soirées jet-set en Europe !

— Ah oui, je comprends. Et donc, aujourd’hui ?

L.M : — Je vois qu’il y a une élection en 2017, en France, c’est ça ?

— Oui, oui.

L.M : — Et ben voilà, c’est juste que lui et quelques autres, ils se prennent pour mes parents, et comme je me défonce pas mal ces derniers temps, ils veulent essayer de rassurer autour d’eux, parce qu’ils ont peur que s’ils continuent de me fournir de la coke, à force, on va leur reprocher. Les consommateurs…

— Je vois, je vois. Bon, et…

L.M : — Ok, c’était marrant, mais j’ai autre chose à faire là qu’à répondre à tes questions à moitié débiles. Ciao bello !

— …

 

Fin de l’interview exclusive de La Mondialisation.

Source: https://reflets.info/interview-exclusive-la-mondialisation-reagit-aux-propos-de-manuel-valls/


Global zombification : surtout, ne changez rien !

Wednesday 23 November 2016 at 11:05

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Après une campagne électorale américaine de haut vol, nous voilà, en France, face à la primaire de droite : un spectacle démocratique extraordinaire. Dans le même temps, l’ex banquier et ex ministre de l’économie, un homme anti-système et révolutionnaire, s’est déclaré pour la présidentielle française : Emmanuel Macron.

François Fillon, cette figure incontestée de… quoi ? François Fillon n’est rien en politique, juste un pantin qui a exécuté des ordres pendant 5 ans sous les talonnettes d’un politicien véreux qui a réussi à aspirer une partie des voix du FN pour se faire élire en 2007 ?

Reprenons tout depuis le début.
Nous sommes dans un monde habité par une majorité de zombies, décrit par des zombies, dirigé par des zombies qui ont comme objectif de « zombifier » l’ensemble de la planète. Si vous n’y croyez pas et pensez que tout ça « c’est même pas vrai » et que « les théories du complot ça commence à bien faire » — mais que vous êtes curieux quand même, alors suivez le guide. Vous allez voir, c’est très amusant… mais pas que.

Quand plus personne ne sait quoi faire, tenter n’importe quoi semble le plus approprié

L’injonction contradictoire est une méthode managériale pour se débarrasser des éléments indésirables d’une entreprise, ou à minima, pour les rendre dociles. A force de devoir faire tout et son contraire, ou tenter de suivre des ordres impossibles à accomplir, l’employé s’épuise et craque psychologiquement. On peut ainsi le tenir sous son emprise, en laisse. Ou l’épuiser pour l’évacuer et le remplacer par quelqu’un de moins cher. C’est ainsi, par exemple, que fonctionne le système hospitalier français, avec des obligations de résultats de plus en plus élevées et des moyens… de plus en plus réduits. Les salariés de l’hospitalier en viennent à se suicider, et quand ils résistent à la pression, à simplement travailler comme des zombies. Dépressifs. Se sentant coupables, mais zombifiés : sans volonté, passifs, effacés, en pilote automatique.

Cet état de fait n’est que très peu relayé par les zombies de l’information, sauf quand il y a des morts ou des débuts de manifestation un peu fortes parmi les personnels hospitaliers. Puis les zombies de l’info passent à autre chose. De plus zombie-compatible. Et c’est bien normal, puisque les zombies de l’information sont eux-mêmes pris dans un processus de zombification. Les précaires sont légions dans le monde de l’information, ce qu’on appelle « lémédia », comme dirait Lordon. Le précaire a peur : de perdre son travail, de ne pas pouvoir payer ses traites à la fin du mois, d’être remplacé par un autre plus jeune, plus passif face à la direction, moins tenté de se rebeller. A termes, il passe en mode zombie, parce que c’est le plus simple et le moins inquiétant : recopier les articles des autres en les modifiant un peu, bâtonner des dépêches AFP, écrire des articles les plus lisses et les plus neutres possibles, animer des émissions ou présenter des journaux en évitant toujours les questions qui fâchent. En suivant la pensée zombie, celle qui a recouvert le monde. Une pensée qui ne fait jamais acte de réflexion ou de contestation « d’évidences » érigées en dogme, même lorsqu’elles s’effondrent dans les faits.

Et c’est là, dans cet instant particulier qui arrive à son apogée, dans la médiocrité, l’aliénation de la pensée généralisée, qu’arrivent les chefs zombies de la dézombification déclarée. Ceux qui annoncent que « comme plus personne ne sait quoi faire, parce qu’on tourne en rond comme des zombies, il faut faire quelque chose ! » Et que proposent-ils, puisqu’ils sont eux-mêmes des zombies en chef ? N’importe quoi…

Proposer n’importe quoi n’est pas donné à tout le monde, mais y croire, si

De nombreux politiciens sur la planète ont compris que dans un monde zombifié, où la pensée critique et la réflexion de fond ont disparu, le mieux était de raconter n’importe quoi, de proposer de changer les choses avec des propositions totalement décalées au regard de ce qui était jusqu’alors « pensé ». Ce contrepied au « bon sens zombie officiel de l’ordre établi ou ses contestations même les plus pertinentes » est censé démontrer aux zombies que leur sort n’est pas scellé, que peut-être bien qu’en essayant des trucs totalement débiles et incohérents, qui n’ont aucun sens historique ou politique mais sont censés « remettre en question » les politiques zombies en cours depuis 30 ans, tout en poussant encore plus loin le pire de ces politiques, on pourrait faire émerger un autre monde. Oui, bien sûr, mais lequel ? Un monde de zombies, désormais rassurés de l’être ? Possible. Regardons de plus près quelques propositions jetées en l’air, tant chez nos cousins tueurs de bisons ainsi que chez nous, au pays des fromages qui puent et des représentants des forces de l’ordre qui obligent les conductrices à leur faire des gâteries pour faire sauter leurs PV…

Trump a expliqué que le mal absolu qui blessait son pays de zombies, c’étaient « les autres ». Mais oui ! Caramba, mais c’est bien sûr ! On n’y avait pas pensé : les autres, c’est le mal (ou l’enfer pour certains). Le président zombie américain a donc promis plein de choses pour stopper « les autres », ceux qui blessent : l’économie zombie américaine, le marché zombie de l’emploi américain, l’industrie zombie américaine, le mode vie zombie américain, la race zombie américaine, bref tout ce qui fait la grandeur zombiesque de l’Amérique. Et ça a marché plutôt bien pour le chef Zombie Trump mais qui désormais recule un peu dans l’application de sa politique, parce qu’une fois qu’on a lancé « n’importe quoi » puisqu’on ne sait « plus quoi faire », un problème survient : Le n’importe quoi est très dangereux dans ses effets. Ce qu’on appelle les « conséquences » d’une politique. Et comme de toute manière le monde de zombies dans lequel on nage — comme un parlementaire français dans les privilèges dignes de la monarchie — est très codifié et orienté dans un sens unique, et bien l’idée qui arrive très vite avec le « n’importe quoi » est celle de reculer. Oui, on ne sait jamais : le n’importe quoi pourrait se révéler un peu catastrophique et les zombies pourraient se rebeller, voire, se dézombifier… Allons savoir ? Sachant que les ténors du n’importe quoi ont participé activement à la zombicfiation actuelle, la situation ne manque pas de sel.

En France, le parc des zombies s’agite, les bras bien tendus en avant devant leurs postes

Il y a une règle dans le monde de zombies, qui s’est mise en place et qui doit perdurer pour que le parc de zombies continue à tourner : regarder la télévision. Ou en avoir une, au moins. Tout en disant « qu’on ne la regarde jamais ». Pour suivre à minima le spectacle des zombies, surtout lorsqu’il y a du « suspens déclaré ». Par exemple, François Fillon et ses propositions de zombie « qui propose n’importe quoi par ce qu’on a tout essayé » est relayé et commenté par un maximum de zombies : de droite, de gauche, de ceux dans lémédia, des artistes zombies, bref, vous avez compris.

Macron, le zombie libéral — mais quand même un peu social il paraît d’après la presse zombie — qui veut faire une « révolution » (de zombies) et appelle à se rebeller contre le « système zombie », propose lui aussi n’importe quoi parce qu’il faut faire n’importe quoi pourvu que ce ne soit pas comme les anciennes politiques zombies. Lémédia zombies sentent que ce serait mieux si c’était Macron, parce que ce zombie là serait peut-être plus de leur côté que d’autres ? Le président zombie François Hollande, dans son palais de l’Elysée plein de zombies, attend, en bon zombie. Le parc de zombies tourne en rond, attend lui aussi, mais grogne de faim, comme chez les cousins du pays « qui tue des noirs parce que c’est des autres », parce qu’on lui a dit, au parc de zombies, qu’ils avaient faim, parce qu’on leur a bien répété qu’ils étaient des zombies tout juste bons à tourner dans leur parc. A passablement s’ennuyer. Alors qu’en faisant n’importe quoi, tout ça pourrait changer… « Parce que c’est plus possible ».

Néamoins, personne n’est prêt à proposer quelque chose pour changer la société de façon humaniste, avec des analyses de fond, basées sur des constats longs et des réalités vérifiables, une vision qui voudrait entre autres que la souffrance humaine est une préoccupation centrale en politique, qu’elle devrait être amoindrie autant qu’il est possible de le faire dans une société digne de ce nom. Qu’accueillir l’autre, celui dans la difficulté en particulier, est une chance, un moyen de rester humain, de rester digne. Mais non.

Et c’est bien normal que plus personne ne s’en préoccupe. Puisque la global zombification est en cours, et que les zombies — qu’ils soient aux manettes ou non — n’ont absolument aucun souci de toutes ces préoccupations d’une autre époque, d’un autre monde. Eux, ils regardent les écrans bourrés d’autres zombies, pensent zombie, se voient zombies, ont des envies de zombies. Particulièrement celle du « n’importe quoi ». L’envie qui ne demande pas de se poser des questions ou de réfléchir, de se questionner, une envie de n’importe quoi, une envie de zombie.

Conclusion provisoire : laisser passer la marée zombiesque bien à l’abri ?

40 ans de politique globale basée sur l’annihilation de toute contingence humaniste, sociale, de destruction de la préservations des acquis universel de l’après guerre pour forcer la planète entière à « faire du commerce de zombies et des profits de zombies à tout prix » a un coût. Il se paye par une transformation plutôt désagréable des individus, observable à grande échelle aujourd’hui.

La fin des êtres humains et leur mutation en zombies est-elle inéluctable ? Zombie de gauche ou zombie de droite, quelle importance ? Zombie salarié ou entrepreneur, réactionnaire ou révolutionnaire, réformiste ou conservateur, précaire ou fonctionnaire, riche ou pauvre, éduqué ou inculte, zombies des tous les pays unissez-vous devant vos écrans et allez les bras bien tendus bourrer des urnes pour la promesse d’un n’importe quoi qui vous unira dans l’espoir d’un monde de zombies nettoyés « des autres ». Vous savez, les autres, ceux qui ont vraiment faim. Sur les routes. Couverts de poussières. Epuisés. Ces zombies que vous craignez tant, et qui ne vous ressemblent pas, dites-vous.

Ces zombies que vous voulez renvoyer chez eux.
Ces zombies qui n’en sont peut-être pas, parce qu’ils n’en ont pas les moyens.

La marée de zombies doit s’exprimer, visiblement, et mettre au pouvoir un prétendant ou une prétendante au n’importe quoi. Une zombie en chef prête à proposer encore plus de n’importe quoi ?

Dans tous les cas :
Aléa jacta est.
Et Dieu reconnaîtra les siens…

Amen.

Source: https://reflets.info/global-zombification-surtout-ne-changez-rien/


Petit précis d’Amesys à l’usage de Bernard Cazeneuve

Monday 21 November 2016 at 19:57

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(Note : faites clic-clic sur les liens pour bien comprendre toutes les implications de cet article)

Notre ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, est le champion du « pas de failles ». Pas de failles, ni dans la lutte anti-terroriste, ni dans la mise en place du fichier monstre TES. Andréa Fradin a révélé que la société Amesys serait l’un des acteurs de la mise en place du TES, ce qui n’a pas manqué de déclencher quelques interrogations, notamment de la sénatrice Esther Benbassa qui a posé la question au ministre. La réponse, rapportée par nos confrères de NextInpact, a de quoi laisser pantois :

« La sénatrice Esther Benbassa a repris une information révélée par notre consœur Andréa Fradin, à savoir l’implication de la société Amesys dans le périmètre de ce fichier TES. Or, Rue89 rappelle que  « depuis la mort de Mouammar Kadhafi fin 2011, de nombreuses preuves (témoignages, brochures publicitaires…) accusent l’entreprise d’avoir vendu des technologies de surveillance des télécommunications au régime de l’ancien dictateur libyen. Dont il se serait servi pour arrêter et torturer des opposants, en épiant leurs faits et gestes sur Internet ».

Suite à cette mise en cause, Bernard Cazeneuve feint de découvrir ces éléments, pour immédiatement rassurer : « Cette société a été rachetée fin 2010 par Bull, après avoir changé plusieurs fois de mains (…)  La société n’est pas celle dont vous parlez. Son capital a changé depuis ces évènements ». Mais il confirme : la fréquentable Amesys « prendra une partie de la prestation ». »

J’connaipa

Il convient de fournir quelques précisions à Bernard Cazeneuve, qui fait aussi bien semblant de ne pas connaître Amesys, que Jean-Jacques Urvoas, ou Gérard Longuet par le passé.

Amesys n’a pas été rachetée par Bull. C’est l’inverse qui s’est produit et nous l’avions détaillé dans un long article titré « L’étonnante prise de contrôle de Bull par Philippe Vannier, Dominique Lesourd et Marc Hériard-Dubreuil« .

En deux mots, une petite société de services informatiques (SSII) prenait le pouvoir sur le plan actionnarial de la vitrine française de l’informatique : le géant Bull. Une incongruité qui ne peut s’expliquer, sauf à prendre en compte le rôle d’Amesys dans la vente de systèmes d’écoutes massives dans des pays fâchés avec les droits de l’homme et ce que cela a pu apporter à la France.

Le système Eagle, mis au point par Amesys, l’a été avec l’argent du premier contrat. Ce contrat était passé avec la Libye de Kadhafi. L’interface commerciale d’Amesys était Abdallah Senoussi, beau-frère du guide, patron des services de renseignement libyens et… condamné en France par contumace pour son rôle dans l’attentat du DC-10 d’UTA qui avait fait 170 morts dont 54 Français. Voilà qui devrait parler à Bernard Cazeneuve, lui qui est si impliqué dans la lutte anti-terroriste.

La participation d’Amesys à la mise sur écoute des internautes et des utilisateurs de téléphones en Libye a eu des effets tant en Libye qu’en France. L’entreprise est en effet poursuivie pour complicité d’actes de tortures devant le pôle crimes contre l’humanité, crimes et délit de guerre du Tribunal de Grande Instance de Paris. Ce que ne peuvent ignorer ni Bernard Cazeneuve, ni Jean-Jacques Urvoas.

Amesys n’est pas une simple SSII. Il s’agit d’un pivot de longue date du complexe militaro-industriel. Ce n’est bien entendu pas Airbus, Dassault ou Thalès… Mais sa participation à toute une série de projets dans le domaine de l’armement ou des IMSI-catchers par exemple, la placent dans une situation qui lui donnent une visibilité immédiate pour les services de renseignement (et notamment la fameuse boite postale B.G.A.CG350/R) à qui elle vend plein de choses, et donc, par ricochet, pour les gouvernements français successifs.

L’installation d’un Eagle au Maroc, bien après l’affaire libyenne et sous la présidence Hollande, n’a pu être menée à bien sans que le gouvernement n’eut été, a minima, au courant, si l’on tient compte des relations très particulières qu’entretient la France avec ce pays.

Bref, vous l’aurez compris (si vous en doutiez) le gouvernement français sait très bien ce qu’est Amesys, connaît son historique et fait à nouveau appel à cette entreprise en toute connaissance de cause.

S’paeux…

Après la méthode « je ne les connais pas, vous me l’apprenez, mais vos affirmations restent à vérifier », le polyvalent exécutif embraye sur la méthode « c’est pas eux, ce ne sont plus les mêmes qu’à l’époque de la Libye ».

Attendu, mais tout aussi risible que la première tentative.

Bernard… Cher Bernard Cazeneuve… Plus les mêmes ? Attendez, on va vous rafraîchir la mémoire. En attendant, mangez urgemment du poisson, ça va phosphorer !

Premier point, il faut se remémorer comment, voyant que l’affaire libyenne pouvait un jour lui exploser à la figure, Philippe Vannier, patron d’Amesys puis de Bull, a mené son opération enfumage mains propres. Celui-là même qui retirait 3000 euros en liquide, pour couvrir les menues dépenses de son dernier voyage en Libye. Excursion qui visait à vendre un upgrade de son Eagle. Il décidait de « vendre » l’activité DPI d’Amesys. Mais attention, hein, vendre est un grand mot. Le patron de l’activité DPI serait l’acheteur, l’entreprise « choisie » serait hébergée pour les premiers mois de sa vie dans les locaux mêmes d’Amesys. Cerise sur le gâteau, Stéphane Salies, ledit patron de l’activité DPI, était actionnaire de Crescendo Technologies, la holding qui détenait Bull aux côtés de Philippe Vannier.

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Quant à l’entreprise Nexa, qui était créée pour l’occasion, elle scinderait ses activités en deux. En France le DPI pour les entreprises, aux Émirats Arabes Unis le DPI pour les systèmes « nationwide ». Un pays qui très opportunément, n’est pas membre de l’arrangement de Wassenaar qui contrôle la vente des biens à double usage comme le DPI. Désormais, Eagle s’appelle Cerebro (le marketing…), mais c’est la même chose. Notez, cher Bernard Cazeneuve, que les dirigeants de Bull, Philippe Vannier en tête, étaient tellement sûrs de leur impunité qu’ils ont nommé l’entreprise créée dans la zone franche de Dubaï : Advanced Middle East SYStems. Ce qui une fois contracté donne… On vous le donne en mille : AMESYS. Taquins, non ?

© Societe.com

© Societe.com

Comme dirait Bernard Cazeneuve, Amesys d’aujourd’hui n’est plus l’Amesys d’hier. Car depuis, Atos a racheté Bull, et donc, Amesys.

Oui, oui… Mais non.

Atos, dirigée par Thierry Breton a repris Bull. Mais Thierry Breton a gardé Philippe Vannier, qu’il a nommé Directeur Exécutif, Big Data & Sécurité, Directeur de la Technologie. Et c’est en toute connaissance de cause que Thierry Breton a pris cette décision. Ni lui ni Philippe Vannier ne semblent s’inquiéter des conséquences sur l’image d’Atos que pourrait avoir une condamnation dans le cadre de la procédure ouverte pour complicité d’actes de tortures devant le pôle crimes contre l’humanité, crimes et délit de guerre du Tribunal de Grande Instance de Paris. Comme s’il était acquis que cette procédure n’aboutirait pas.

Voilà cher Bernard Cazeneuve, si les opération de bonneteau ont bien fonctionné sur le capital d’Amesys, et ce pour le plus grand bénéfice de ses actionnaires au premier rang desquels Philippe Vannier, ou pour celui de l’Etat français mouillé jusqu’au cou dans les entourloupes de cette entreprise, ou peut-être encore de celles de Qosmos, les hommes sont toujours là. Ils font toujours la même chose, avec les mêmes interlocuteurs. Ou presque, puisque Abdallah Senoussi est en prison. La boite postale B.G.A.CG350/R, quant à elle…

Source: https://reflets.info/petit-precis-damesys-a-lusage-de-bernard-cazeneuve/


Trump, ou pourquoi les outils de surveillance massive doivent être proscrits

Friday 11 November 2016 at 17:01

gouv.fr

Adresses mail .gouv.fr ayant effectué des achats sur le site d’un sex-hop français

Ce n’est pas la première, ni la dernière fois que Reflets exprime cette position : la mise en place d’outils de surveillance massive, y compris par des Etats dits démocratiques, doit être proscrit. Car il est impossible de prédire l’avenir et le type de régime qui s’imposera. Observez par exemple la différence d’orientation politique entre Mustafa Kemal Atatürk et Recep Tayyip Erdoğan en Turquie. Outre-Atlantique, se pose désormais la question de savoir comment sera utilisée l’immense machine mise en place par le gouvernement américain. Donald Trump aux manettes, tout peut arriver. Bien entendu, tout n’était pas rose sous Barack Obama, l’immense augmentation des morts par drones par rapport à l’époque Bush en est un exemple. Mais cette fois, le locataire de la Maison-Blanche ne semble même pas vouloir préserver les apparences.

Quelles sont les perspectives d’un opposant à Donald Trump ? Toutes ses communications, et donc toute sa vie privée, peuvent se retourner contre lui en un instant. Un mot de travers dans un mail ? Une blague au téléphone ? Tout ce que vous avez dit, direz, avez écrit ou écrirez pourra vraiment être retenu contre vous. Il suffit de demander aux opposants de Kadhafi victimes des technologies déployées par la France et Amesys, ils savent que les réseaux peuvent donner des leviers aux services de renseignement pour parvenir à leurs fins.

Imaginons un instant un homme politique disposant de ces outils et qui voudrait s’affranchir des contre-pouvoirs démocratiques. Il lui suffit d’aller piocher un fait qui peut servir de levier contre chaque député, sénateur qui s’oppose à ses projets.

Un député dont le fils a acheté un produit interdit via Internet, un sénateur qui a une liaison extra-conjugale, un homme politique qui a accepté de l’argent contre un service, tel autre qui se plaint de ne pas être récompensé à sa juste mesure par tel ou tel poste ? Tout cela se « lit » dans les informations circulant sur les réseaux informatiques et téléphoniques.

Gouvernement, députés, sénateurs, il est encore temps…

Il est temps, gouvernement, députés, sénateurs, de prendre conscience que depuis 2006, vous avez joué aux apprentis sorciers. Vous avez installé des technologies qui permettent à un gouvernement de tirer un trait total sur toute idée de vie privée. La plupart du temps au nom de la lutte contre le terrorisme alors qu’il a été prouvé combien cela est faux, une excuse, une invention.

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Mais surtout, il est temps de comprendre que vous vous êtes tirés une balle dans le pied. Ministres qui faites la promotion de ces outils, le prochain Trump français les utilisera contre vous. Députés, sénateurs, le gouvernement du prochain Trump français vous réduira au silence avec ces outils dont vous avez approuvé la mise en place. Vous vous êtes tirés une balle dans le pied.

Il n’est jamais vraiment trop tard pour reconnaître une erreur afin de la corriger, si l’on en a encore les moyens. Il est donc encore temps de mettre un terme au déploiement de ces outils de surveillance massive. Il est encore temps de les démanteler avant que vos opposants politiques les plus dingues ne mettent la main dessus et vous écrasent avec.

Si seulement l’élection de Donald Trump pouvait au moins servir à cette prise de conscience…

Source: https://reflets.info/trump-ou-pourquoi-les-outils-de-surveillance-massive-doivent-etre-proscrits/


La trumpisation du monde : un concept d’avenir ?

Thursday 10 November 2016 at 17:48

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Le grand déchaînement populaire « anti-élites » a débuté. Sur les réseaux sociaux, puisqu’il n’y a pas vraiment d’autre endroit où les gens censés former le « peuple » peuvent s’exprimer. Ah, si ils peuvent le faire aussi dans les urnes, comme au siècle dernier…

Un siècle où la réalité du monde était décrite par une toute petite élite : celle des journalistes. Et commentée par eux. Quasi exclusivement. Ce déchaînement populaire « anti-élites » atteint donc son paroxysme avec l’élection de Donald, le fils-à-papa milliardaire spécialiste de la téléréalité et de la fornication plus ou moins tarifée et grand pourfendeur de journalistes. Oui, les journalistes, cette engeance détestable qui ne « voit rien venir », se permet toutes les bassesses, particulièrement celle de « soutenir la classe dominante mondialisée », etc, etc…

Si ces affirmations peuvent trouver un écho aussi fort c’est bien qu’elles ne sont pas entièrement fausses, diront les plus fins observateurs de la vie des « grandes démocraties ». Oui, mais tout n’est pas aussi simple. Ce serait trop facile, trop binaire de trouver le coupable idéal à l’emballement d’une population pour une baudruche raciste et sexiste bourrée de dollars générés par des algorithmes boursiers. Comme si les médias, les journalistes et les sondeurs étaient un bloc, avec une volonté collective et doué d’un aveuglement partisan parfaitement partagé.

Quelques chiffres…

En 2016, les gens passent un temps infini sur Facebook. Il y a désormais 1 milliard 700 millions de comptes Facebook sur la planète, dont un peu plus de 1 milliard de comptes actifs. Aux Etats-Unis, Facebook compte 160 millions d’utilisateurs, pour une population totale de 320 millions d’individus. Il y a 54,2% des électeurs qui se sont exprimés dans les urnes.

Une fois ces quelques repères chiffrés donnés, et avant de rentrer dans le fond du sujet, un dernier élément semble important à donner. Ce chiffre est celui de la population sans emploi. Attention, pas celui du chômage, qui représente le nombre d’individus en âge de travailler et inscrits dans l’équivalent des pôle-emploi américains. Non, ce chiffre de la population sans emploi est celui des « Américains en âge de travailler et qui… ne travaillent pas. Il est de 94,6 millions de personnes.

Ce qui donne la citation suivante, d’un site spécialisé dans la bourse, et qui n’est donc pas particulièrement altermondialistes ou de gauche radicale :

« Selon l’administration Obama, il y a actuellement 7,915 millions d’Américains qui sont « officiellement au chômage » et 94,610 millions d’Américains en âge de travailler qui sont « en dehors de la population active »(sans emploi). Cela nous donne le total énorme de 102,525 millions d’Américains en âge de travailler et qui sont sans emploi actuellement. »

102,525 millions d’Américains en âge de travailler sont sans emploi, et n’ont donc pas de travail.

102 millions.
La population des américains actifs, en âge de travailler (entre 15 et 64 ans selon l’OCDE) est de 66,3% des 323 millions d’habitants des Etats-Unis, soit : 214 millions de personnes.
Il y a donc aujourd’hui, aux Etats-Unis près de 50% de la population en âge de travailler qui est sans emploi. Ce qu’il se passe en réalité aux Etats-Unis, depuis 2008, est la plus grande crise économique et sociale jamais vécue par ce pays.

Une campagne très peu politique

Revenons à Facebook, aux journalistes, aux médias et à l’élection qui vient de se dérouler dans un pays où la moitié des habitants pouvant travailler n’y arrivent pas. Ce pays est le plus « riche » de la planète, avec le plus haut revenu par habitant (mais c’est une moyenne statistique), il a les moyens militaires les plus importants, et a pris le dessus technologiquement sur le reste du monde grâce à des entreprises Internet devenues des monopoles de fait à l’échelle globale, ou presque (La Chine et la Russie ne sont pas vraiment touchés).

Dans ce pays, les États-Unis d’Amérique, les gens sont aussi les plus gros consommateurs de médias du monde. Le nombre d’heures de visionnage de la télévision et d’utilisation des réseaux sociaux aux Etats-Unis est colossal. Un Américain passe plusieurs années devant les écrans au cours de sa vie (une année complète de vie pour la seule télévision).

Les grands journaux de la presse, qui ont tous basculé sur Internet, ont aussi de très fortes audiences. Tous ces constats mènent à un questionnement : comment Donald Trump a-t-il pu se hisser à la plus haute fonction, alors que sa campagne a été un torrent d’ordures, ses déclarations très souvent contradictoires, son programme politique totalement fumeux et inquiétant ?

La réponse se trouve en partie dans les chiffres cités plus haut ainsi que dans le phénomène de perception des réalités via la consommation massive des médias cités eux aussi plus haut. D’un côté, les médias télévisuels populistes tels Fox News — la chaîne la plus regardée aux Etats-Unis — qui ont offert un spectacle permanent au clown orange devenu président, et de l’autre, les réseaux sociaux dont Facebook, qui ont accentué une perception déjà présente des différents candidats ainsi que des théories les caractérisant.

Les candidats à la présidentielle américaine ne se sont pas beaucoup battus sur des programmes établis, des visions politiques, des choix de société, préférant pratiquer des attaques personnelles menant à des foires d’empoigne proches des séquences des pires téléréalités. Le relais médiatique des ces combats de catch a fonctionné à plein, mais la population des 160 millions d’abonnés Facebook a continué le match en ligne. Beaucoup plus que ce que les journalistes ou les sondeurs ne l’ont perçu. Et cette caisse de résonance en vase clos, prise dans l’écosystème d’une entreprise privée administrée par un jeune loup de Harvard prêt à tout pour maximiser ses profits a démultiplié de nombreux phénomènes.

La perception du monde dans un bocal algorithmique californien

Facebook est un système de publication en ligne fermé entre utilisateurs. Les posts se succèdent, avec leur lot d’appréciations « émotionnelles », de partages et repartages. Facebook est devenu une entrée unique d’Internet pour un nombre grandissant d’utilisateurs, mais aussi une source quasi unique d’information. Au point qu’une étude récente indique que 44% des Américains s’informent avant tout par Facebook. Ce qui ne veut pas dire qu’ils échappent aux médias, puisque des extraits de la télévision y sont publiés et partagés, commentés, etc…

Où est le problème ? Le problème est celui de l’enfermement informationnel dans une bulle numérique influencée par des algorithmes. Les propositions des algorithmes de nouveaux comptes amis, de newsfeed, sont effectuées par ces programmes qui analysent les intérêts des facebookers. Leur but ? Proposer toujours plus de contenus ou d’utilisateurs reliés à leurs centres d’intérêt. Si vous vous intéressez à Trump, à des théories bizarres, les algorithmes vous serviront de plus en plus de Trump, d’adeptes de Trump et de contenus sur des théories bizarre. Le bocal algorithmique des « internautes facebookés » fonctionne en circuit fermé. Il effectue un travail d’amplification et conforte chaque utilisateur dans son propre circuit de pensée, de vision du monde. Il fait tourner les petits poissons rouges en ligne les uns avec les autres. Il les nourrit toujours avec les mêmes aliments.

Ce qu’il s’est passé eux Etats-Unis, cette « trumpisation » des esprits et de la vie médiatique qui a mené à l’élection du businessman orange est une nouveauté. Ce moment de société a échappé à presque tous les observateurs de l’élection. Il indique une nouvelle donne, à la fois très inquiétante, et dans le même temps pleine d’espoir pour tous ceux qui rêvent de renverser la domination des élites en place depuis des décennies. En mettant au pouvoir un milliardaire véreux et incontrôlable à la place d’une politicienne véreuse et belliqueuse.

Il n’ y a plus de cadre, tout est permis et les vaches ne sont plus gardées

La trumpisation du monde est la possibilité pour les prétendants aux plus hautes fonctions politiques dans le cadre des campagnes électorales nationales de casser tous les codes établis. Mentir, tronquer les chiffres, dire tout et son inverse, passer outre la décence la plus élémentaire est devenu, avec Trump, un gage de victoire politique potentielle.

Ces méthodes permettent, via les réseaux sociaux d’amplifier le discours, toucher les esprits avec une force inattendue jusqu’alors. Mais surtout, avec la garantie que les affirmations mensongères, les exagérations, même si elles sont contredites ailleurs par des journalistes, des spécialistes, ne viendront pas toucher les poissons rouges dans leurs bocaux. Seules d’autres exagérations, mensonges viendront compléter les affirmations du candidat dans les sphères Facebook pilotées par les algorithmes. Et puis les journalistes étant considérés comme « corrompus et à la solde de » par une grande majorité de poissons rouges facebookés, leur voix devient inaudible.

Les dernières cartouches du vieux monde cherchant à maîtriser la sphère sociale et politique sont donc un peu pathétiques. Les sondages électifs essayent par exemple de démontrer que ce seraient les « classes moyennes plutôt aisées » qui auraient voté pour Trump. C’est absolument faux, non pas du point de vue factuel de la sociologie électorale, mais du point de vue de la réalité socio-économique américaine. Parler d’une classe moyenne plutôt aisée est aujourd’hui une vaste plaisanterie. La classe moyenne aisée ne représente plus qu’une part congrue de la population. Rappelons-nous les 102 millions de personnes n’ayant pas accès à un travail. Les classes moyennes qui gagnent moins de 10$ de l’heure mais cumulent les activités professionnelles, pour payer des crédits immobiliers très élevés et qui n’arrivent pas à boucler leur budget nourriture ou acheter des vêtement neufs à leurs enfants. Tout en achetant à crédit des smartphones à 700€ à leur ado de 13 ans pour Noël…

Cette tentative de mettre sous cloche un vote « populiste », en partie réactionnaire ou basé sur un sentiment de déclassement et d’abandon économique — ou encore de rejet de la candidate Clinton, amie de Wall street — est très dangereux. Établir que les gens ont mal voté, ou qu’il seraient confinés dans une catégorie bien établie est un déni de réalité. Une réalité qui est en train de prendre le dessus en France, malgré toutes les pseudos analyses biaisées sur le phénomène en cours au « pays des lumières » (et de la loi renseignement). La réalité, la plus crûe, est qu’une partie grandissante de la population américaine n’en peut plus, et est prête à tout dans son vote pour essayer autre chose que ceux qui détruisent leur confort et leur way of life : les Hillary Clinton et autres représentants de la classe politique dominante.

La France : ambition intime, 31 millions de comptes Facebook actifs, et la précarité

Le monde occidental vit un processus ultra-rapide de transformation globale. Les principaux facteurs de cette transformation en cours sont la financiarisation de l’économie et l’automatisation algorithmique des activités humaines. Face à ce rouleau compresseur qui se répand à tous les niveaux des sociétés, les individus sont désarmés. Avec des hommes et femmes politiques qui continuent de laisser croire qu’ils peuvent — sans prendre en compte ces deux facteurs à réguler — empêcher l’écroulement en cours. Un écroulement social, des outils de travail, des échanges humains, de l’environnement, et surtout… de la capacité collective à faire du sens.

Face à ces constats, le plus souvent ressentis plutôt qu’analysés, en France, les élites honnies par la population, proposent de venir bêler dans des émissions de télévision abêtissantes, ou pratiquer des débats ineptes, quand la population pratique le repli vers l’arène populaire numérique : Facebook.

Il y a bien entendu de nombreux autres facteurs liés à ces phénomènes d’écroulement, mais qui dans la plupart des cas, sont issus des deux principaux : finance et « algorithmisation » du monde.

Les révélations de la surveillance mondiale par la NSA d’Edward Snowden ne sont qu’une partie immergée de l’iceberg algorithmique. La détresse populaire face à ce nouveau monde financiarisé et entièrement basé sur des processus numériques est réelle et se traduit concrètement par une précarisation de plus en plus grande des espaces sociaux physiques, du travail, de la reconnaissance des compétences-métiers, des liens émotionnels, etc…

La corruption des personnels politiques, leur capacité au mensonge, au reniement sont connues de façon massive grâce aux réseaux sociaux. La grogne populaire à l’encontre de ceux qui ont le pouvoir et sont censés « améliorer la vie du plus grand nombre » est donc devenue un sport national. Comme à l’encontre de ceux censés garantir une information la plus proche de la réalité : les journalistes. Le problème pour ces derniers est qu’ils ne peuvent s’empêcher en permanence — pour une grande partie d’entre eux — de venir cautionner les choix des personnels politiques honnies par la population…

Il est donc clair que publier du décodage des posts facebook des fans du FN sur le quotidien Le Monde est une entreprise honorable. Sauf que ces décodages ne seront lus et pris en compte seulement par ceux qui déjà savent que les affirmations du FN sur les migrants sont fausses. Ceux qui relayent et soutiennent ces posts ne voient eux, par contre, passer que de nouveaux posts affirmant des « vérités qu’on nous cache » (anti-migrants) et jamais les articles de détox.

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La sphère numérique auto-alimentée des plateformes californiennes de partages de la grogne populaire anti-élites s’amplifie. La trumpisation du monde a certainement de l’avenir. A moins qu’une alternative politique progressiste vraiment crédible et audible n’apparaisse ?

Laissons l’auteur douter.

Source: https://reflets.info/la-trumpisation-du-monde-un-concept-davenir/