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Internet c’est dangereux, d’ailleurs le gouvernement ne s’en sert pas (Attentats)

Wednesday 18 November 2015 at 21:24

Il y a toujours une foule de politiques et de membres du gouvernement pour disserter et pérorer à propos d’Internet. C’est un machin dangereux, qu’il convient d’encadrer, de contrôler, on en passe. Le problème c’est que bien entendu, bien peu nombreux sont ceux qui l’utilisent comme un internaute lambda. La preuve, alors que la France peine à se relever des massacres du vendredi 13 novembre, alors que le gouvernement fait de la capture de quelques terroristes en fuite sa priorité, on ne trouve que très peu (pour ne pas dire aucune) mention de ces deux terroristes (présumés) que sont Abdelhamid Abaaoud et Salah Abdeslam sur les sites gouvernementaux français. A quoi cela pourrait bien servir de mettre leurs photos, des liens vers un formulaire pour faire remonter des informations, un numéro de téléphone, un mail ? Non, à rien.

Étonnamment, lorsque l’on recherche l’un de ces deux noms sur les sites du gouvernement (.gouv.fr), on trouve trois occurrences sur le site de la sécurité routière (si, si).

En revanche, lorsque l’on cherche les mêmes noms sur les sites du gouvernement américain, on trouve 260 occurrences pour le premier et 35 occurrences pour le second.

Ça doit être ça, la fracture numérique…
google-attentats

Source: https://reflets.info/internet-cest-dangereux-dailleurs-le-gouvernement-ne-sen-sert-pas-attentats/


Attentats de Paris : la conjuration des imbéciles

Tuesday 17 November 2015 at 16:44

francois-hollande-et-le-prince-saoudien-salmanLes massacres parisiens perpétrés par des terroristes fanatiques sont politiques. La classe politique française tente, à l’aune de l’ampleur du drame, d’évacuer ses responsabilités. L’unité affichée a un objectif principal : camoufler les raisons purement politiques de cette attaque, et surtout, les racines de celles-ci.

Analyse de la construction d’une « guerre » intérieure en cours, et des guerres extérieures fabriquées par des politiques françaises désastreuses.

La politique arabe de la France

Ce qui était appelée la « politique arabe de la France » n’est pas une simple figure de rhétorique. Les différents gouvernements français depuis les déclarations d’indépendance des colonies (et protectorats) ont orienté leurs relations diplomatiques avec « le monde arabe » dans un sens précis. D’où la phrase consacrée de « politique arabe », voire « pro-arabe » des différents chefs d’Etats français. Au cœur de cette orientation politique très particulière se trouve bien entendu l’Etat d’Israël. Les raisons du refus du gouvernement Villepin de participer à la coalition militaire d’Irak en 2003 sont clairement contenues dans cette continuation d’une politique étrangère française largement favorable aux membres de la ligue arabe, et dans une position de neutralité, voire de défiance à l’égard d’Israël.

L’origine de cette politique est multiple : alliances économiques, soutiens politiques à tous type de régimes permettant la « stabilité intérieure » et la continuation des relations commerciales, même au prix de l’instauration de pouvoirs autoritaires comme en Egypte, en Tunisie, en Syrie ou en Irak. Une autre origine de cette politique pro-arabe, parfaitement établie, et importante, est la spécificité française en termes d’immigration.

La France s’est servie de millions de personnes des colonies et protectorat au sortir de la seconde guerre mondiale pour reconstruire le pays, puis après les indépendances, pour assurer sa suprématie économique nécessitant une main d’œuvre nombreuse, docile et francophone. Après le choc pétrolier de 1974 la population d’immigrés issus des ex-colonies et protectorats du Maghreb était suffisamment importante pour compter, tant d’un point de vue économique que politique. Procéder à une politique pro-Israël, anti-arabe avec des millions de personnes d’origine arabe sur son territoire — et naturellement favorables aux Palestiniens colonisés, ou aux populations des pays arabes en général — est une mauvaise idée. Dont l’Etat français ne s’est pas emparée durant plusieurs décennies.

Dichotomie politique

1991 aurait pu devenir un moment politique très difficile en France, de par la participation du « pays des droits de l’Homme » aux bombardements en Irak. La population française d’origine arabe voyait, en partie, d’un très mauvais œil l’ingérence française causant de nombreux morts parmi des populations arabophones irakiennes. L’invasion illégitime du Koweit par l’armée de Sadam Hussein, l’arrêt des hostilités suite à son retrait militaire permirent de calmer le jeu. Les choses en restèrent là. Mais ce fut un premier accroc dans la politique arabe de la France. L’accroc fut d’ailleurs temporairement effacé par l’intervention à l’ONU de Dominique de Villepin en 2003, refusant de faire participer la France à une guerre illégitime en Irak, ayant pour vocation de détruire un Etat arabe afin de s’y imposer. Jacques Chirac, ami des grands dirigeants du monde arabe savait très bien ce qu’il faisait. Chirac savait aussi ce qu’aurait pu déclencher sur le territoire français, au sein des population françaises d’origine arabe, un tel message politique, un tel engagement forcément meurtrier et totalement injustifié.

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Mais un homme au sein du gouvernement de l’époque tissait sa toile. Nicolas Sarkozy. Au ministère de l’Intérieur, le futur président de la République française de 2007 à 2012, contre alors, en interne, la politique extérieure de son président, Jacques Chirac. La présence de Jean-marie Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002 n’y est pas pour rien.

La loi sur le foulard musulman (et non le voile islamique), avec son débat interminable, menant à celle des « signes distinctifs religieux » en 2004, entame alors une longue et douloureuse modification en profondeur de la société française. Les émeutes de 2005 viennent marquer cette orientation,  le clivage social, politique, menant entre autres à la « poussée religieuse » des ghettos français. Si des tendances à des formes de radicalisation religieuses pouvaient exister, les provocations politiques marquées par des lois stigmatisantes et hypocrites n’ont eu qu’un seul effet : l’amplifier. Sans compter les financements massifs des théocraties de la péninsule arabiques dans l’Hexagone, totalement accompagnés, voire incités par les différents pouvoirs politiques français depuis cette même période.

Le grand basculement de la politique arabe de la France survient avec Nicolas Sarkozy président.

Le grand basculement

Les lignes rouges à ne pas franchir l’ont toutes été par ce président. L’accueil de Mouhamar Khadafi en grande pompe à L’Elysée en est une première : le chef d’un Etat terroriste, ennemi juré de la plupart de ses voisins arabes, dictateur infréquentable et isolé sur la scène internationale, devient l’ami de la France… Suivra Bachar El Assad, chef d’Etat autoritaire s’il en est, de confession chiite et ami des Iraniens eux-mêmes isolés par un embargo international et honnis par la France. Que signifient ces messages politiques totalement dichotomiques que renvoie alors Nicolas Sarkozy ? Comment les interpréter ? Personne ne le saura véritablement, et la terminologie de « real politik » viendra recouvrir cette politique étrangère décousue et inquiétante. Jusqu’au sauvetage des infirmières bulgares par la visite en Libye de l’épouse du président français, avec au final, le déclenchement de la guerre… de Libye.

La France devient à cet instant, alors qu’elle tente de soutenir en parallèle le président tunisien despotique Ben Ali — jusqu’à sa destitution et sa fuite grâce à la première révolution populaire du monde arabe — un acteur de la « scène politique arabe » totalement différent. Sarkozy continue le clivage incohérent de sa politique extérieure en apportant son soutien marqué à Israël à plusieurs reprises. On nage dans la confusion, un basculement est en cours, mais il va trouver son apogée avec la Syrie.

La création d’un djihad international bien armé dans la région du Sahel devient possible par la destruction de la Libye et de toutes ses structures institutionnelles. La France se retire et laisse dans les cendres libyennes encore fumantes se déployer des groupes armés profitant d’un chaos généralisé. Viendra la réponse militaire française, encore une fois, au Mali pour endiguer… une situation créée par l’intervention française libyenne. Mais la Syrie a déjà commencé à être déstabilisée. Le grand basculement de la politique française arrive.

Le piège irako-syrien

Il n’y a pas eu de révolution en Syrie. Seulement un embryon de révolte très vite réprimée par Bachar el Assad. La rébellion armée envers le pouvoir de Damas qui débute à l’été 2011 est activée par des groupes salafistes financés et armés par deux monarchies concurrentes du Golfe, l’Arabie Saoudite et le Qatar, plus des factions armées du chaos irakien et quelques autres, venant du Liban, de Libye.

Reflets a traité le conflit syrien, et plusieurs auteurs ont apporté les éléments soulignant sa composante politique et religieuse. Extrait de l’article « Syrie, une balkanisation en marche ? » :

En résumé, des manifestants avec des pierres, peu organisés, qui luttent tant bien que mal contre les forces du régime. Mais pas seulement, loin de là : des groupes salafistes aussi, prêts à toutes les extrémités pour parvenir à leur fin (meurtres de sang froid envers les policiers du régime, mais aussi meurtres de civils qui refusent de les soutenir), et l’armée syrienne de libération. Armée majoritairement composée de déserteurs de l’armée et de combattants étrangers qataris, irakiens (cf article du NYT) et libyens. Une armée à composante sunnite qui procède elle aussi à des exécutions sommaires comme le rapporte ce reportage du Daily star

La ruée sunnite-wahhabite pour déboulonner le pouvoir chiite syrien est en cours depuis 2011. Al Quaïda est de la partie, et personne, parmi les grandes puissances, France en tête, ne veut avouer cette réalité. Les massacres ordonnés par Bachar el Assad s’additionnent à ceux des factions salafistes. François Hollande, fort de ses victoires militaires au Mali, en Centrafrique, ayant approuvé l’intervention en Libye de son prédécesseur, se précipite avec l’intention de bombarder Damas suite au gazage de la population. Laurent Fabius affirme vouloir « armer les factions rebelles ». La France est en train de se mêler d’une guerre civile, religieuse et activée par ses alliés des monarchies pétrolières du Golfe… alors que personne ne lui demande rien.

Le refus de Barak Obama empêchera les bombardements français.

Le Califat, ou la conjuration des imbéciles

La déclaration de « l’Etat islamique en Irak et au Levant » en 2014, groupe d’origine irakienne, rebat les cartes de la région. Le conflit syrien change de visage, et les dernières forces d’occupation américaines assistent impuissante à l’expansion massive d’une armée de djihadistes constituée d’anciens officiers de l’armée irakienne, comme de combattants étrangers et des groupes salafistes présents en Syrie. Les Etats-Unis ont placé au pouvoir en 2006, Maliki, un chiite qui a attisé le clivage sunnites/chiites. La conclusion de cette politique américaine absurde fait exploser l’Irak et engendre le Califat. L’armée de djihadistes s’étend rapidement sur la moitié de l’Irak et rapidement de la Syrie. Egorgements, décapitations filmées, esclavage des femmes, extermination des minorités religieuses, mise en coupe des administrations, du pétrole, des matériels militaires : l’Etat islamique, Daech, le Califat, ce  « proto-Etat » islamique, fondé sur les théories wahhabites saoudiennes, devient une réalité qui s’internationalise.

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La Libye voit ses troupes djihadistes s’inféoder au Califat, Al Qaïda disparait ou presque pour se fondre avec ce dernier. Tous les mouvements intégristes salafistes voient dans la constitution de cet Etat leur « rêve » d’une nation islamique et prophétique prendre forme. Au point que des centaines, puis plusieurs milliers de jeunes gens d’Europe, et d’un peu partout dans le monde, grossissent les troupes de l’armée du Califat.

Pendant ce temps, la réponse américaine reste distante, et surtout parfaitement décalée : des bombardements. La conjuration des imbéciles a débuté.

Hollande, l’ami de tous les infréquentables

A l’été 2014, François Hollande soutient le chef du gouvernement israélien Benyamin Netanyahu qui ordonne le massacre de plus de 2000 civils de la bande de Gaza par des bombardements. La politique arabe de la France n’existe plus. Les relations diplomatiques et économiques avec les plus grandes théocraties du Golfe s’intensifient : les banquiers des milices intégristes de Syrie (l’Arabie Saoudite et le Qatar) sont des interlocuteurs privilégiés de la France, qui pourtant, soutient leur ennemi, Israël. La France qui soutient aussi les rebelles salafistes, mais qui devient leur ennemie lorsque ceux-ci deviennent des membres de l’Etat islamique. Le Calife auto-déclaré de l’EI avait prévenu : les pays qui se mêleraient de les attaquer, en aidant les Etats-Unis, deviendraient des ennemis à abattre.

Les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher ne sont pas des attaques terroristes, elles sont des actes sanguinaires de fanatiques religieux sans aucune revendication politique. Le terrorisme nécessite une revendication politique pour être taxé de tel. Que la politique extérieure et intérieure de la France aient motivé les 3 apprentis djihadistes du 7 janvier, c’est une certitude. Qu’ils aient été des messagers politiques est sans aucun doute faux. « Vous avez sali notre prophète » est un message religieux, pas politique. Comme attaquer des Juifs. Cette inscription dans une guerre de religions, absurde mais réelle ne fait pas des criminels du 7 janvier des terroristes venant réagir à une politique française. Ceux de vendredi, si.

Messages politiques et pacte avec le diable

Les Français qui ont massacré plus de 130 personnes à Paris vendredi 13 novembre ont lancé un message politique : sur l’action de François Hollande en Syrie et plus globalement sur la politique étangère de la France dans le monde arabe. La revendication du Califat vient appuyer les mots des tueurs. Une infime fraction de la population occidentale s’est fanatisée, puis vassalisée à un projet politique, celui du Califat islamique. Les dirigeants français ont choisi, depuis plusieurs années, de pratiquer une politique étrangère similaire à celles des Etats-Unis, basée sur l’ingérence, la manipulation diplomatique avec des parties opposées, et la domination étrangère par l’action militaire.

Le risque d’engendrer des réponses violentes et aveugles, lorsqu’un pays participe lui-même à des actions violentes et aveugles pour renforcer ses seuls intérêts, est grand. Si jusqu’alors l’ennemi était lointain, ne pouvait réagir, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les forces radicales de l’islam politique wahhabite ont trouvé des failles. Et celles-ci sont simple. Elles s’appellent le désespoir. La rage. La folie meurtrière. L’aveuglement. La conviction de « partager un projet commun », même s’il est destructeur et monstrueux. Toutes ces possibilités présentes dans une partie de la jeunesse occidentale, la plus influençable, la plus manipulable.

Les prêcheurs de mort du wahhabisme sont financé par les mêmes à qui l’on déroule le tapis rouge à l’Elysée. L’argent des wahhabites fait vivre une partie des agents terroristes intérieurs (et leurs proches), des agents illuminée, prêts à se sacrifier au nom de leur « cause ». Le message du Califat est terriblement clair. Les citoyens devraient demander à leur classe politique de faire son devoir d’inventaire. Pactiser avec le diable ne peut que vous jeter en enfer.

Un enfer de balles et de sang, qui comme d’habitude en politique, ne touche que la population, innocente et impuissante.

Quand donc les Français demanderont-ils des comptes à la conjuration des imbéciles pour les pactes infernaux qu’ils signent depuis des années à travers la planète ?

Source: https://reflets.info/attentats-de-paris-la-conjuration-des-imbeciles/


Attaques terroristes, cette affreuse impression de déjà-vu et d’impuissance

Tuesday 17 November 2015 at 15:26

Nous avions eu la Loi sur le Renseignement en réponse aux attaques de janvier 2015. A l’époque, déjà, François Hollande adoptait un ton martial et annonçait un plan VIGIPIRATE porté à « un niveau jamais atteint« , un nombre de militaire supplémentaires « exceptionnel » déployés pour protéger les Français. Toute ressemblance avec un discours récent serait purement fortuite.

Comme il fallait s’y attendre, et en cela François Hollande n’a aucune responsabilité, de nouveaux attentats, encore plus violents, ont frappé la population parisienne. Voici un extrait du discours de François Hollande lors de ses voeux aux forces armées en janvier dernier :

deja-vuBien entendu, une multiplication des actions des services de police et les patrouilles des militaires pourront permettre d’éviter de nouveaux attentats.

Mais pas tous.

Laisser croire le contraire serait une erreur. Sacrifier des libertés pour une protection impossible serait une faute, comme l’a montré l’exemple américain.

Source: https://reflets.info/attaques-terroristes-cette-affreuse-impression-de-deja-vu-et-dimpuissance/


Bruits de bottes après le 13 novembre

Monday 16 November 2015 at 20:10

CC – Photo by Céline from Dublin, Ireland

Nous sommes en guerre, nous disent les politiques et quelques intellectuels. C’est un mot très connoté. Difficile à assumer. Généralement, la guerre, c’est la faute de l’autre. De celui qui est méchant. Celui que l’on pointe du doigt, celui qu’il faut détruire. Car une fois enclenchée, il n’y a a priori d’autre sortie d’une guerre que l’éradication de l’ennemi contre lequel on est en guerre. Et l’éradication totale, cela peut aussi s’appeler génocide.

Peut-on éradiquer l’état islamique, notre ennemi désigné et auto-désigné ? Qu’est-ce que l’état islamique ? Des combattants ? Une administration ? Une sorte de « clergé » ? C’est sans doute plutôt une idée. Mortifère sans doute, mais juste une idée. Et peut-on vraiment tuer une idée ?

Un peu d’histoire contemporaine

La guerre totale contre le terrorisme de la part des nations (principalement) occidentales, ce n’est pas une nouveauté. Cela a commencé en 2001, après les attentats aux Etats-Unis. Le concept même de « guerre contre la terreur » a été énoncé par le grand penseur George W. Bush. Toutes sortes de pays se sont joints à cette guerre. Les uns ont laissé la CIA opérer ses enlèvements extra-judiciaires, les autres ont aidé à installer des prisons fantômes, d’autres encore ont partagé leurs informations, tous ont fermé les yeux sur la torture, sur l’emprisonnement extra-judicaire. Ce qui n’est pas sans conséquences.

La guerre (avec des avions et des soldats) a été poursuivie par Nicolas Sarkozy en Libye, puis par François Hollande au Mali et en Syrie.

Que reste-t-il de tout cela, quasiment quinze ans plus tard ?

Un Afghanistan dans une situation catastrophique. Un Irak devenu un sanctuaire des terroristes que l’on combattait. Une Libye devenue un sanctuaire du même type. Une Syrie qui a suivi le même chemin. Une organisation, l’état islamique, plus puissante que la précédente (Al-Qaïda). Toutes ces guerres ont été perdues.

Combien de kilos de bombes, de renseignement récolté et exploité, combien de meurtres d’innocents sur la route de l’éradication des terroristes ? Pour aboutir à quoi ?

Le cycle de la violence

Combien de morts innocents…? Ce point est essentiel.

Il est assez naturel de se sentir envahi par la haine ou le ressentiment après l’acte barbare du 13 novembre 2015.

De la même manière, lorsqu’un innocent est tué dans un bombardement dans les pays visés par la guerre contre le terrorisme, ses proches développeront une détestation des auteurs du bombardement, même s’ils n’étaient pas hostiles a priori.

Refuser ce cycle est une voie plus complexe que celle qui consiste à se laisser porter par les bruits de botte.

Le cycle de la violence ne s’éteint pas de lui-même. Tu nous tue, je vous tue, etc. Le Groupe Sinsemilla avait mis en chanson ce « non-sens » :

Ils ont tué l’un des miens
Comme ça, pour rien
Ils ont tué l’un des miens
Pas un soldat, un gamin

J’entends la douleur
Résonner les pleurs
Et si je ne pleure pas ce frère,
C’est que je laisse monter la colère
Car s’ils ont tué l’un des miens
Demain, l’un des leurs mourra de mes mains

J’rentre dans la danse
Du non-sens
Un fou de plus dans la transe
J’rentre dans la danse du non-sens
Et sourit la démence

J’ai tué l’un des leurs
Ou plutôt l’une, une soeur
J’ai tué l’un des leurs
J’ai choisi la vengeance pour apaiser mon coeur

J’entends la douleur
Résonner les pleurs
Seul ne pleure pas son frère
Qui laisse monter la colère
Car si j’ai tué l’un des siens
Demain, l’un des miens mourra de ses mains

Il rentre dans la danse
Du non-sens
Un fou de plus dans la transe
Il rentre dans la danse du non-sens
Et sourit la démence

C’est juste une histoire sans fin
Il a tué l’un des miens. J’ai tué l’un des siens
C’est juste une histoire sans fin …

C’est juste une histoire sans fin
Il a tué l’un des miens. J’ai tué l’un des siens
C’est juste une histoire sans fin …

J’entre dans la danse
Du non-sens
Un fou de plus dans la transe
J’entre dans la danse du non-sens
Et sourit la démence

C’est juste une histoire sans fin
Il a tué l’un des miens. J’ai tué l’un des siens
C’est juste une histoire sans fin …

C’est juste une histoire sans fin
Il a tué l’un des miens. J’ai tué l’un des siens
C’est juste une histoire sans fin …

Il a tué l’un des miens. J’ai tué l’un des siens
Il a tué l’un des miens. J’ai tué l’un des siens

L’alternative est complexe mais elle existe :

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Le cycle infernal de la violence génère de nouveaux guerriers. Une roue qui tournerait sans fin.

Mais sur cette route, combien de victimes innocentes qui doivent leur sort aux va-t-en-guerre ?

Ici aussi il convient de convoquer l’Histoire. Ne pas se laisser séduire par les discours guerriers d’hommes politiques ou de penseurs qui ont soit leur propre agenda, soit refusent l’effort et le temps de la réflexion. Cet effort et ce temps sont pénalisants en termes politiques. Qui aurait pu croire en pleine guerre du Liban -où des membres d’une même famille pouvaient s’entre-tuer- que ce conflit pourrait prendre fin ? Qui aurait pu croire que le conflit en Irlande pourrait trouver une issue ? Et pourtant…

Ces conflits ont-il été réglé par un tapis de bombes ? Ou par le dialogue ?

Si les dirigeants politiques avaient la présence d’esprit d’écouter les voix dissonantes, ils essayeraient peut-être d’insuffler du dialogue, de la diplomatie. Nombreuses sont les voies à explorer. Le conflit entre Israël et les Palestiniens par exemple. Ce conflit ne se réglera pas  par des bombes dans des bus de Tel-Aviv ou par des bombardements au phosphore sur Gaza. Mais bien par le dialogue politique. Par des pas des uns vers les autres, par des concessions mutuelles.

Le règlement de ce conflit serait probablement une meilleure arme pour lutter contre le terrorisme que les bombardements aveugles en Afghanistan ou en Syrie.

Les libertés individuelles

La lute pour la Démocratie, ce n’est pas que l’aspiration à une revanche, ce n’est pas que le refus courageux des effets de la peur et de la sidération provoquées par ces actes barbares. C’est aussi de se manifester comme un « exégète amateur » face à ceux qui rognent chaque jour un peu plus les libertés individuelles.

Savoir dire non, pas en mon nom, et le faire savoir.

La Démocratie est un contrat social reposant sur une confiance mutuelle entre citoyens et « dirigeants » à qui les premiers délèguent leur pouvoir. Une Démocratie qui considère tout citoyen comme un délinquant en puissance, qui instaure une surveillance généralisée, mute. Elle devient autre chose.

L’exemple américain depuis 2001 est patent. d’autant que, comme l’ont déclaré les responsables du renseignement devant le Congrès, l’arsenal immense de moyens de surveillance mis en place n’a pas été utile dans la lutte contre le terrorisme. Seule certitude,  cette dérive qui mène à la légalisation de la torture, à l’incarcération extra-judiciaire sans perspective de procès équitable, c’est définitivement un autre régime qui ne dit pas son nom.

Il est peut-être temps de faire savoir à à ceux qui instaurent et maintiennent le système que dans ces conditions, une fois le contrat social brisé, nous ne voterons plus ? Quel qu’en soit le coût.

 

 

Source: https://reflets.info/bruits-de-bottes-apres-le-13-novembre/


La vente d’armes numériques à des dictateurs ne nuit pas à la renommée…

Monday 16 November 2015 at 19:54

qosmamesysLe fait qu’Amesys ou Qosmos fassent l’objet d’une instruction devant le pole spécialisé dans les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et génocide du tribunal de grande instance de Paris, le fait que Qosmos soit placé sous le régime du témoin assisté dans cette affaire ne semble rebuter personne. Business as usual et invitations à discuter tranquillement de l’avenir du numérique…

Amesys s’installe un peu plus au Canada et l’on apprend que l’entreprise bénéficie de fonds publics là-bas aussi (après la BPI via Bull en France). Tout va bien, continuons le business, il ne s’est rien passé.

En France, surprise, qui est invité à discuter de la transformation numérique au sein de la DigiWorld Week à Montpellier ? Thibaut Bechetoille lui-même. Le patron de Qosmos. Tout sourire…

bechetoille-montpellier

 

Source: https://reflets.info/la-vente-darmes-numeriques-a-des-dictateurs-ne-nuit-pas-a-la-renommee/


La République des lettres et la République des nombres

Monday 9 November 2015 at 11:41

R-lettres-en-datavizLe concept de République des lettres, même s’il n’a jamais vu le jour en tant que tel, représente une certaine idée de l’Europe et de son rayonnement. Plus de 6 siècles après l’invention de cet « idéal politique et sociétal », la République des nombres l’a supplanté. Dans les esprits et dans les faits. La République des nombres, une certaine idée de la gouvernance par les statistiques, les algorithmes et leurs impressionnants modèles informatiques…

Le concept de République des lettres  a fait l’objet de nombreuses discussion, débat, essais. Elle reste surtout une utopie, vers laquelle aurait pu se diriger le vieux continent. Marc Fumaroli a publié cette année un essai à ce propos :

« La «République des lettres» est l’utopie d’une Europe lettrée, chrétienne et irénique, fondée sur le culte du savoir, de l’éloquence et de l’échange intellectuel qui aurait dominé, si même de façon souterraine ou invisible, le monde de l’esprit entre, disons, Pétrarque et la fin du XVIIIe siècle. « 

La République des lettres, cet que promeuvent des humanistes pour la première fois en 1417…

Son antithèse absolue, sa face sombre et opposée pourrait être la République des nombres. Cette gouvernance technocratique et bureaucratique, sans idéal, vouée à déshumaniser tous les pans des sociétés européennes, et au delà.

La science appliquée comme religion

Le culte voué aux sciences est devenu massif en l’espace de quelques décennies. La capacité des sciences à s’appliquer à tous les pans de l’existence par l’émergence permanente de nouvelles technologies joue énormément dans ce phénomène. Les sciences fondamentales se sont fondues progressivement, à leur corps défendant, dans une grande farandole industrielle, et si elles perdurent un tant soit peu, leur obligation de résultats est devenue une constante. « La théorie scientifique pure, un peu, mais si une application industrielle peut en découler » pourrait presque définir l’orientation globale des « deux sciences », celle dite appliquée, et l’autre, la fondamentale. Les progrès de la miniaturisation et des capacités de calculs informatiques possibles grâce à la physique quantique ont donc débouché sur un nouveau monde. Electronique,  infiniment petit et… modèles informatiques statistiques et prédictifs.

Cette invasion généralisée des sciences appliquées, de la miniaturisation électronique, des algorithmes, dans l’espace quotidien est une première dans l’histoire de l’humanité. Transports, communications, médecine, éducation, agriculture… Toutes les activités humaines sont touchées.

Les habitants des pays développés ne peuvent plus se passer des sciences appliquées, et si le terme de « culte » peut paraître fort, il est pourtant largement proche de la réalité. Les rituels de connexions aux espaces numériques de communication sont similaires à ceux des cultes religieux. La croyance, le sentiment de puissance, d’élévation et d’apaisement de l’angoisse que procurent les technologies numériques correspondent en tous points à ce qu’offrent les monothéismes.

Les nombres, la maîtrise et le contrôle

La description du monde qui nous entoure est devenue une succession de nombres. Plus rien n’échappe à cette mise en nombres. La baisse, l’augmentation de tout phénomène, tout changement, sont retranscrits en nombres : chômage, cancers, accidents, croissance économique, élections, sexualité, travail, éducation, intentions… Cette obligation à effectuer une « numération de toute chose » mène à plusieurs phénomènes d’importance. Le premier est le sentiment d’une maîtrise des environnements. Connaître avec précision la teneur d’un phénomène, à la décimale près, n’est pas la même chose que de s’en « faire une idée ».

La sensation de maîtriser un quelconque sujet par la numération est au cœur du fonctionnement politique, social, économique des sociétés modernes. Cette numération se teinte d’un vernis de science en tant qu’elle procède de démarches intellectuelles scientifiques ou assimilées. Une fois la maîtrise (ou une sensation) assurée par les nombres, vient le contrôle. Le nombre est un moyen de formaliser n’importe quel concept sans avoir besoin, le plus souvent, de développer des idées. Ou des idéaux.

« La science est une chose merveilleuse… tant qu’il ne faut pas en vivre ! »

(Albert Einstein)

Le contrôle possible grâce aux nombres est simple. Sans part d’ombre visible, sans subjectivité, sans aucun besoin de justifier ses actes. Le nombre est une valeur à lui tout seul, qui remplace toute autre valeur, comme celles développées par le concept de République des lettres, dont une centrale : la valeur morale dite humaniste.

Quand le politique oublie la cité et ses idéaux

Une République des nombres est un espace démocratique, au sens du « respect » (apparent au moins) des libertés individuelles, mais géré par des machines. Cette phrase peut choquer, puisque des hommes et des femmes sont élus et sont censés diriger et représenter l’ensemble de la population. La réalité de la République des nombres, que nous vivons aujourd’hui, est pourtant celle d’une gestion par des machines.

Les politiques, élus  ou nommés, sont des êtres humains « mécaniques » dans leurs discours et soumis dans leurs décisions aux résultats des machines. Aux nombres que ces machines recrachent.  Aux prédictions qu’elles génèrent.

Quelques exemples de la réalité gestionnaire et statistique actuelle peuvent aider à mieux cerner ce phénomène. Le logiciel américain Predpol a fait grand bruit par ses capacités de prédiction des crimes. En apparence, puisque des chercheurs, interrogés par nos confrères d’InternetActu démontrent « l’invention de l’eau chaude » que ces algorithmes représentent. Sur le site stratégie.gouv.fr, un ingénieur se questionne sur les dérives possibles de l’utilisation des big data dans la gouvernance politique, avec comme exemple, la nouvelle mise en œuvre d’un logiciel de prédiction des crimes et délits pour la gendarmerie nationale :

« La gendarmerie envisage de se doter d’un outil informatique identifiant, à partir d’un traitement statistique de millions de données relatives aux crimes et délits, les lieux et les moments où la délinquance a le plus de chance de se produire. Les conséquences des erreurs de ce dispositif seraient, aux dires des promoteurs de ce projet, limitées et rapidement corrigeables. Cet exemple, parmi d’autres, montre combien le phénomène de massification des données, dit big data, fait miroiter chez les décisionnaires publics de nouvelles perspectives d’amélioration et de gains de performance. Cependant, ils risquent ainsi de se dessaisir radicalement de certaines de leurs prérogatives les plus fondamentales. »

Les algorithmes de prédiction des crimes, de surveillance de la population aux fins déclarées de lutte contre le terrorisme — comme la production de statistiques et de tentatives de modélisation de tous phénomènes — ont en commun une volonté politique : celle de ne plus avoir besoin… de volonté. La machine et ses résultats viennent cautionner le politique, qui peut se réfugier derrière la qualité scientifique (ou supposée comme telle) des problème chiffrés et dont les solutions sont données par la machine. Les idéaux, la cité dans sa dimension purement humaine ne peuvent être mis normalement en nombre.  S’ils le deviennent, ce qui est en train de survenir, c’est leur disparition intrinsèque qui est assurée. Et l’émergence d’autre chose.

Déshumanisation généralisée

La République française des nombres que dirige François Hollande est une continuation caricaturale de celle de Nicolas Sarkozy. Ce dernier voulait redonner du pouvoir d’achat, et déclarait, par exemple, des objectifs chiffrés sur les reconduites aux frontières des étrangers en situation irrégulières. La gestion numéraire de la société, basée sur les sondages d’opinion ou des projections électorales tenaient une part importante de la « gestion » du président français de 2007 à 2012. Mais François Hollande est allé plus loin, puisque la réussite entière de son quinquennat se base, d’après lui-même, sur… l’inversion d’une courbe. Celle du chômage.

François Hollande ne jauge la société qu’à l’aune des résultats chiffrés : la croissance doit atteindre 1,5%, le déficit doit s’abaisser à 3%, les émissions de gaz à effet de serre doivent baisser de tant de % avant telle date, etc…

Tel un super chef comptable, satisfait des résultats obtenus, le chef de l’Etat observe les 65 millions de nombres bien rangés dans leurs cases que constituent les « citoyens » français : entrepreneurs, fonctionnaires, salariés, chômeurs, membres de la classe moyenne, de la classe populaire, exclus, immigrés, d’origine immigrée, des banlieues, du monde rural, de la classe supérieure.…

Courbes, modèles, projections, calculs, graphiques, sondages, tout n’est que nombre pour François Hollande, qui, en permanence, se félicite des bons résultats chiffrés, ou se plaint des mauvais. Il n’y a aucun être humain dans la société dirigée par le président social-démocrate, et donc aucun projet de société. Seul compte… le résultat comptable.

Cette nouvelle République peut être considérée, dans ses fondamentaux, comme une injure à ceux de l’ancienne : la Liberté est battue en brèche dans une société de surveillance, de contrôle numérique et de réactions politiques aux seules statistiques, l’égalité n’a aucun sens dans l’automatisation du décisionnel grâce à des algorithmes discriminants, ou de projections informatiques non-contestables de par leur caractère « scientifique », quant à la fraternité, il semble difficile de la chiffrer, tant le concept est humain et échappe aux machines ou aux résultats de savants calculs…

Questionnements indispensables ?

Le caractère déshumanisant de cette nouvelle gouvernance algorithmique ne peut être camouflé par des discours laissant croire que des idéaux ou des valeurs fondent les décisions politiques. Sans projet autre que celui de l’atteinte d’objectifs chiffrés, la société n’est plus gouvernée. Elle est gérée. Mécanisée.

L’individu, membre de cette société peut-il accepter que celle-ci n’ait plus aucun projet autre que celui d’inverser des courbes ou de réduire des facteurs ? Peut-on humainement accepter de voir les vies humaines transformées en nombres et modifiées par des décisions issues de modèles informatiques imparfaits, non-maitrisé et non-désirés ? Et même s’ils l’étaient : les citoyens peuvent-ils accepter que des intelligences artificielles leur dictent leurs conduites ?

Les questionnements sur la République des nombres sont nombreux. Le contraste entre une véritable démocratie vivante et humaine — de débats, d’idées et d’idéaux, de promotion des valeurs humanistes — et cette République des nombres, est tel, qu’il semble difficile que son acceptation, à termes, se fasse sans heurts. La crise de crédibilité politique (française ou européenne) en cours n’est-elle pas d’ailleurs liée directement à cette gouvernance ?

Le regain du « sentiment religieux » actuel, dans une partie de la population ne pourrait-il pas, lui aussi être causé  par un rejet de ce nouveau modèle ? Sans pour autant condamner la technologie ou la science, mais plutôt par le biais d’un repli religieux dénonçant inconsciemment le détournement des sciences effectué à des fins de gouvernance désincarnée et mécanique ?

Et fondamentalement : les esprits seraient-ils tellement habitués à cette gestion, confortés par le culte du numérique et de l’efficience technologique qu’ils n’auraient plus aucune volonté, au point de se soumette passivement au règne des nombres ? Ces esprits pourraient-ils croire être en mesure de changer la société en s’appuyant sur les nombres et en votant pour ceux qui prétendent résoudre les problèmes grâce à ces mêmes nombres ?

Source: https://reflets.info/la-republique-des-lettres-et-la-republique-des-nombres/


Loi numérique, loi gauche

Monday 9 November 2015 at 09:14

Vendredi soir, le 6 novembre, Axelle Lemaire a été reçue par Rue89 pour papoter loi numérique (mais pas que). Une vraie loi de gauche pas de droite, avec de la citoyenneté, de l’émotion, et du parler vrai dedans.

Les internautes sont gentils

Sur la consultation elle-même, Axelle Lemaire dit avoir eu des « sueurs froides » mais que, finalement, bah ça s’est plutôt bien passé. Les « internautes », une fois n’est pas coutume, ont été sages comme des images. Un de ces quatre il faudra que quelqu’un m’éclaire sur la différence entre un « internaute » et une personne, parce que j’avoue que ça m’échappe, bref. Elle nous explique que, sur les 8500 contributions, seuls « six commentaires » ont été placés dans la « corbeille », ce qui laisse entendre que l’on a tenu compte de toutes les autres. Si l’on considère que toutes les contributions non retenues – bonnes ou mauvaises – sont dans les faits poubellisées, ce sont donc près de sept cent articles et mille quatre cent propositions qu’il conviendrait de comptabiliser, pas six. Pour être vraiment honnête, il faudrait également tenir compte des milliers de contributions de la consultation organisée par le CNNum et de ses soixante-dix recommandations dont on ne retrouve que peu de traces dans le projet de loi. De la com’, c’est de bonne guerre, ok.

La ministre nous apprend ensuite que le prince Manuel, bah il est un tout petit peu à fond sur le concept. Bon, peut-être pas sur tous les « textes » législatifs, faut pas exagérer non plus. Tu m’étonnes. Tu fais travailler la foule gratos, tu ne retiens que ce qui t’arrange et, au passage, tu fais une opération de communication en faisant croire que c’était vraiment ultra-démocratique. Tout bénef.

Après la méthode, la ministre embraye sur les participants. Au niveau démagogie ça se pose là. Les « geeks et les spécialistes du droit numérique », on s’en fout. Ce n’est pas comme si c’était une loi sur le numérique et qu’on pouvait légitimement supposer que ceux-là savaient un brin de quoi ils parlaient, après tout. Ce n’est pas non plus comme si il existait une diversité d’opinion chez ces gens là, hein ? Et puis, de toute façon, ils sembleraient qu’ils aient participé majoritairement de manière « anonyme », preuve s’il en est de leur mauvaise foi. Les chercheurs, eux, avait un avis qui comptait. Malheureusement, ils n’ont pas l’habitude « d’être en interaction avec des responsables publics ». Comprenne qui pourra. Le contributeur idéal fût donc, par opposition, le citoyen tout court. Celui qui n’a pas trop de connaissances ou de compétences sur la consultation idoine, celui pour qui les questions abordées sont nouvelles. En clair, celui qui ne va probablement pas trop emmerder le monde, c’est tellement plus pratique.

Article 8, levez-vous

Les lobbies ? Oui, il y en avait, bien sûr ! Et oulala, ils étaient « ultra-réticents », particulièrement ceux de la culture. Suprise-surprise. Mais ne vous inquiétez pas, le gouvernement a tenu bon. Enfin, suite à une réunion à Matignon, il a quand même vaporisé feu l’article 8, relatif aux communs. Et hop, l’acrobatique Axelle Lemaire nous déclare que c’est parce qu’il faut du temps, pour expliquer aux lobbies que la notion de communs « n’empiète pas sur le code de la propriété intellectuelle ».

Ça n’empiète tellement pas sur le code de la propriété intellectuelle que c’est le CSPLA qui s’y est collé pour voler au secours des lobbies. CSPLA, si vous l’ignorez, c’est juste l’acronyme de Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Rien à voir avec la propriété intellectuelle, c’est évident. Avec le courage politique, en revanche, peut-être. Au diable les mauvais esprits et le ministère de la culture, « le débat avance », c’est le principal…

C’est une victoire

Autre sujet brièvement abordé, le libre accès aux publications scientifiques et, par réciproque, la possibilité pour les chercheurs de publier plus librement leur travaux. Là, notre ministre n’y va pas par quatre chemins : « c’est une victoire ».

C’est drôle, parce que si l’on y prête un peu d’attention, on a le sentiment que le résultat est beaucoup plus mitigé, et que le lobbies ont au contraire négocié des contreparties à la réduction des délais d’embargo sur les publications. Lesquels embargos sont maintenus, contrairement à ce que souhaitaient les chercheurs (et ceux qui les lisent, merci les copains).

Ex-Libriste

Concernant le logiciel libre dans l’administration, la ministre nous précise qu’il est difficile d’en imposer l’utilisation, ou même d’élaborer un système de quotas. L’utilisateur a ses petites habitudes dans le logiciel propriétaire, l’argument peut s’entendre. Faudrait pas le brusquer. « Le choix qui a été fait », nous dit Axelle Lemaire, est donc tout naturellement « celui de la promotion ». Il vaut mieux un bon non-choix que rien du tout, me direz-vous. Oui.

Mais c’est oublier que, du côté des logiciels serveur et réseau, le logiciel libre propulse à peu près tout l’Internet et le Web. Dans bon nombre de situations, ces technologies sont, en pratique, des standards, et les champions de l’interopérabilité. Il serait donc assez logique que les administrations s’alignent.

Surtout, c’est envisager le logiciel libre sous le seul angle de l’utilisation, de la consommation. Au contraire, l’État pourrait ou devrait soutenir son développement. Caramba, encore raté.

Haro sur les boîtes noires

Un nouvel article a fait son apparition dans le projet de loi, classé dans la catégorie « grandes avancées ». Il vise à ce que les personnes concernées par des décisions administratives puissent prendre connaissance, lorsque des algorithmes (des programmes informatiques) ont été impliqués dans le processus de décision, du fonctionnement de ces programmes et des critères pris en compte.

Si l’on passe outre l’ironie de la situation – on songe aux algorismes de la loi renseignement (ironie bien sûr relevée par la rédaction de Rue89) – l’idée est assez bonne. Nous sommes, en tant qu’individus, de plus en plus l’objet de décisions prises, souvent à notre insu, par des programmes informatiques. Dans l’administration bien sûr, mais aussi lorsque nous utilisons les moteurs de recherche, que nous demandons un prêt bancaire, que nos primes d’assurance sont évaluées, etc. La transparence devrait être la règle pour éviter la perte de contrôle.

Il y a ici deux cas de figure. Dans le premier cas, ce sont des algorithmes déterministes qui sont impliqués. On sait donc plus ou moins facilement décrire les règles, les causes et les paramètres qui ont conduit à la décision. Il serait donc préférable de communiquer ces règles, et de laisser les algorithmes en dehors de tout ça, ils n’y sont pour rien.

Si au contraire, il s’agit de traitements pour lesquels il est plus complexe de déterminer une causalité, par exemple certains types de programmes d’intelligence artificielle, ils ne seront probablement pas compréhensibles sans avoir des connaissances significatives sur le sujet. La bonne approche serait donc que le fonctionnement de ces algorithmes fasse l’objet d’une publication détaillée, qui pourrait être analysée par des spécialistes, des associations de la société civile ou de consommateurs, etc. La ministre semblait avoir anticipé la question, la réponse laisse rêveur :

Ce n’est pas une publication. On reste sur une relation individuelle avec l’administration : le droit d’en demander la communication. Je n’ai pas encore vu à quoi cela pouvait ressembler concrètement.

Facile pourtant… Il suffirait qu’Axelle Lemaire pose la question à un algorisme ?

Neutralité pas nette

Place au plat de résistance : la neutralité du net. Pour Axelle Lemaire, elle fait partie des « valeurs universelles », et « c’est ce gouvernement qui l’a inscrite dans la loi ». Inscrite dans la loi. Négligeons le passage à l’Assemblée Nationale et au Sénat, la ministre a raison, de toute façon la plupart des parlementaires n’y entrave rien. Vous noterez aussi que, cette fois-ci, elle s’inclut explicitement dans le gouvernement, nous y reviendrons. Le sujet est l’occasion d’une envolée lyrique de la ministre :

Ce sont les gouvernements les plus sociaux-démocrates ou socialistes qui mettent en avant les enjeux de respect de la vie privée.

La neutralité du net est un principe selon lequel les opérateurs réseau et FAI ne doivent ni favoriser ni pénaliser certains contenus ou applications. Ils se contentent de les acheminer sans discrimination de nature, d’origine ou de destination. J’ai beau me concentrer à m’en faire des noeuds au cerveau, je ne vois pas bien le rapport avec la vie privée.

netneut

Allons-y pour les « valeurs universelles ». La neutralité du net a fait l’objet de débats au niveau européen, ces articles du projet de loi numérique sont des adaptations d’un règlement européenn. Ce dernier prévoit des exceptions au principe de neutralité censées correspondre à des contextes particuliers. La Quadrature du Net, qui maîtrise son sujet, a proposé un amendement visant à les définir plus finement, et à éviter que le principe de neutralité ne soit vidé de sa substance, que l’exception ne remplace la règle.

La notion de service spécialisé désigne un service de communications électroniques optimisé pour des contenus, applications ou services spécifiques, ou une combinaison de ceux-ci, fourni au travers de capacités logiquement distinctes, reposant sur un contrôle strict des accès, offrant une fonctionnalité nécessitant une qualité supérieure de bout en bout, et qui n’est pas commercialisé ou utilisable comme produit de substitution à un service d’accès à l’internet

La proposition est limpide : la première partie (jusqu’à « une combinaison de ceux-ci ») vise à définir les services spécialisés, la seconde à en fixer les limites pour éviter les abus. C’est donc cette seconde partie qui garantit le principe de neutralité. L’amendement a été retenu par le cabinet de la ministre, mais dans la version du projet de loi, le second morceau s’est envolé :

Des services autres que des services d’accès à internet
optimisés pour des contenus, applications ou services spécifiques ou une combinaison de ceux-ci, peuvent également être fournis dans les conditions prévues par le même règlement.

Oubli, boulette rédactionnelle, ou volonté délibérée, il n’en reste pas moins que les « valeurs universelles » ont pris quelques tonnes de plomb dans l’aile.

Loi rance

À propos de la loi renseignement, Axelle Lemaire « renvoie la balle » aux opposants. Bizarre, dans la mesure où elle y était elle-même opposée. « J’ai défendu des arguments pendant ce débat », nous dit elle, en se désolidarisant du gouvernement dont elle fait la promotion plus tard quand il est question de soit-disant neutralité du net. Mais ces arguments, pas question de les « étaler sur la place publique », ils n’avaient rien de politique, j’imagine. Le texte aurait même évolué favorablement du fait de ses « interventions ».

Ce sont donc les autres opposants qui sont à blâmer, c’est pragmatique. Ils devraient faire leur examen de conscience et « constater le fait qu’ils ont échoué à convaincre l’opinion publique et les parlementaires« . La procédure accélérée, l’instrumentalisation du terrorisme, les consignes de vote, on oublie.

Pire, les geeks lui reprocheraient méchamment « de ne pas avoir démissionné« . Vous vous rendez compte ? Si démission il y avait eu, nous aurions pu rater cette merveille de loi numérique, cette consultation pas du tout téléphonée.

Alors, la loi renseignement, les opposants peuvent bien lui « reprocher jusqu’en 2037« .

Chiche.

Source: https://reflets.info/loi-numerique-loi-gauche/


Gouvernance élective par sondages : le retour de Nicolas

Tuesday 3 November 2015 at 18:33

Sarkozy-tuvasvoirquandjevaisrevenir

Le jour de la sortie du sondage dévoilant que « 40% des Français seraient pour un gouvernement autoritaire », l’ex de l’Elysée a dégainé ses propositions… sécuritaires au Parisien. Extrait :

« Il n’y a plus d’autorité de l’Etat. La semaine dernière encore, une trentaine d’activistes ont empêché des fonctionnaires de police de perquisitionner, à Tarnac, le domicile d’une personne suspectée d’activités terroristes. Les policiers n’ont pu exercer leur mission faute de soutien de leur autorité, alors qu’ils étaient mandatés par la justice de la République. C’est une énième illustration de l’affaiblissement de l’Etat et de son autorité, qui vient après le scandale des deux cadres d’Air France molestés, ou encore le blocage de l’autoroute A1 ou le saccage de la gare de Moirans (Isère) par des gens du voyage. »

Sarko dégaine les propositions sécuritaires de son futur gouvernement autoritaire quand un sondage démontre que la part de la population en accord avec la mise en place d’un « gouvernement autoritaire » augmente.

Avec Sarko 2, être suspecté de terrorisme à Tarnac équivaut à molester un DRH ou bloquer une autoroute. Avec Sarko 2, il n’y aura, semble-t-il, aucune pitié, pour personne, et surtout pas pour ceux qui défient l’autorité de… Sarko 2.

La prison pour les piétons qui ne traversent pas sur les clous sera-t-elle automatisée par reconnaissance vidéo ?

Le rétablissement de l’autorité de l’Etat contre les délinquants en col blanc ne semble pas, par contre, au programme de Sarko 2. On se demande bien pourquoi…

Source: https://reflets.info/gouvernance-elective-par-sondages-le-retour-de-nicolas/


Djihad et terrorisme : analyser les discours propagandistes

Friday 30 October 2015 at 14:11

Le leader de l'Etat islamique, Abou Bakr al Baghdadi, affirme, dans une déclaration qui lui est attribuée jeudi, que son "califat" gagne du terrain dans le monde arabe et appelle ses partisans à allumer les "volcans du djihad" dans plusieurs pays, dont l'Arabie saoudite. /Capture d'écran du 5 juillet 2014/REUTERS

Le leader de l’Etat islamique, Abou Bakr al Baghdadi, affirme, dans une déclaration qui lui est attribuée jeudi, que son « califat » gagne du terrain dans le monde arabe et appelle ses partisans à allumer les « volcans du djihad » dans plusieurs pays, dont l’Arabie saoudite. /Capture d’écran du 5 juillet 2014/REUTERS

A l’heure des spots télévisuels gouvernementaux pour prévenir la radicalisation des jeunes Français (c’est-à-dire tenter d’éviter qu’une partie de la jeunesse bascule vers un extrémisme religieux menant au djihadisme), de nombreux signaux laissent entrevoir une forme plus ou moins subtile de propagande au sein de nombreuses sphères de la société. La guerre des propagandes a débuté, et ne pas se préoccuper de ce qu’elle véhicule en termes d’influence des esprits, ce qu’elle modifie dans la société,  est préoccupant. Photographie de la lutte d’influences en cours. Et de ses effets.

Le Califat

Ce qui est appelé ISIS dans le monde anglo-saxon, ou encore « Syrak » par les forces d’interventions américaines, Daech par les responsables politiques français ou le « Groupe Etat islamique » par les journalistes hexagonaux, est en réalité perçu dans de nombreuses populations non-occidentales, comme étant le Califat. Ce terme de Califat est celui utilisé par les djihadistes qui le constituent, mais n’est pas un simple qualificatif, comme aimeraient le laisser croire les puissances occidentales qui lui ont déclaré la guerre.

Le Califat est un véritable Etat, qui se crée par annexion de territoires, avec une administration qui se met en place, des impôts collectés, des écoles, hôpitaux, des fonctionnaires rémunérés, une armée de soldats avec des soldes, une économie qui prospère. Le Califat n’est pas perçu, globalement, comme étant un simple Etat guerrier à travers le monde , puisqu’il représente [aussi] la concrétisation de prophéties religieuses. Une partie des croyants musulmans ou convertis de fraîche date, de partout dans le monde sont attirés par l’aspect prophétique que revendique le Califat.

Les prophéties

La propagande de cet Etat — déjà constitué et en cours d’expansion territoriale —  vers l’extérieur est connue, et passe par des vidéos très modernes, quasi hollywoodiennes, d’appels à venir participer à une guerre en cours, au Levant (le Cham, la Syrie), qui scelle la « fin du monde », et annoncée dans des textes prophétiques coraniques, nommés Hadiths. Ces prophéties sont l’équivalent de l’Apocalypse de Jean pour les Chrétiens, avec le retour d’un prophète, le Mahdi (un grand Himam, un chef politique et docteur religieux) , puis d’un antéchrist, le Dajjal. De la même manière que l’Apocalypse de Jean est interprété par des courants fondamentalistes chrétiens comme étant « en cours de réalisation » — avec l’interprétation d’événements cataclysmiques, politiques,  réels et potentiellement décrits dans l’ouvrage — les djihadistes du Califat estiment que les écrits prophétiques des Hadiths sont en train de se réaliser, par des événements extérieurs ainsi que par leurs actions propres. L’aspect heroic-fantasy de ces appels à rallier le Caifat est souligné par plusieurs analystes qui y voient un facteur attractif certain auprès des jeunes occidentaux.

Visions et mots décalées

La perception extérieure d’événements politiques, sociaux, militaires lointains, issus de cultures différentes peut être fortement décalée, voire tronquée. Une part non négligeable des populations de pays du moyen-Orient ou d’Afrique sub-saharienne voient l’Occident comme une somme de pays moralement décadents, politiquement totalitaires à leur égard, voire terroristes dans certains cas. Les paysans d’Afghanistan qui observent les missiles Hellfire fuser du ciel et déchiqueter des femmes, des enfants, des vieillards, ne peuvent envisager les pays du Nord autrement que comme des pays terroristes.

Dans le même temps, en France, les termes pour définir les acteurs des événements d’Irak et de Syrie changent au gré de l’engagement politique. Les mercenaires qui tuent, violent, pillent, torturent, sont un temps des « rebelles » qu’il faudrait aider quand ils s’attaquent à Bachar el Assad, puis sont pointés du doigt comme des « intégristes » et des « djihadistes » lorsqu’ils rallient le Califat et continue à s’attaquer à… Bachar el Assad. Ce sont pourtant les mêmes, dans leur grande majorité.

Les mots « terroristes », « Groupe Etat islamiste », « djihadistes » sont propagandistes au même titre que ceux d' »infidèles », « ennemis de Dieu », « mécréants », etc… Les « deux mondes » qui s’opposent ne font qu’une seule chose : définir l’autre selon des termes qui confortent leurs propre croyances et leurs propres intérêts politiques.


Stop-Djihadisme – Véronique raconte le départ… par gouvernementFR

Cette vidéo gouvernementale n’informe pas. Elle appelle à compatir au sort de cette mère et se méfier de l’attitude de ses propres enfants adolescents ou jeunes adultes. Comment le gouvernement français compte-t-il enrayer l’attrait pour le djihadisme s’il persiste à vouloir présenter la situation sur un seul mode compassionnel et sans décrire la réalité ?

Propagande vs propagande

Les populations occidentales savent aujourd’hui que l’intervention militaire de 2003 en Irak n’avait pas pour objectif d’apporter la « démocratie » ou « la paix » dans ce pays. De la même manière, il est établi que Saddam Hussein ne soutenait pas, n’était pas l’allié d’Al Qaïda. Quand les responsables politiques pointent la barbarie des djihadistes du Califat, ceux-ci répondent avec les mêmes termes, pointant les destructions sauvages du « grand Satan », les mensonges et les ravages militaires de cet ennemi qu’est l’Occident.

La propagande djihadiste repose sur une manipulation très fine de réalités géopolitiques concrètes corrélées à des promesses religieuses prophétiques en cours de réalisation. L’appel à venir se battre, aider à faire émerger un messie et participer au grand combat de la fin des temps, celui de l’apocalypse, qui verra les méchants punis, et les « soldats de dieu », récompensés, est difficile à contrer avec des mots creux et sur-utilisés comme ceux de « terroristes » ou « djihadistes ». Pour de nombreux musulmans de pays pauvres — qui ne cautionnent pas les actes de violences extrêmes comme l’esclavage des femmes, perpétrés par l’armée du Califat — l’instauration de la charia (la loi islamique), par exemple, est souvent perçue comme une « bonne chose ».

L’asservissement aux puissances occidentales, qu’il soit économique, politique ou même culturel, est un problème fondamental pour ces populations pauvres du Sud. Instaurer une loi religieuse, qui respecte la tradition — la charia — est vu par le Nord comme une horreur, mais à l’inverse, très souvent, comme un moyen de se préserver, de retrouver de la souveraineté, pour le Sud musulman. Chacun tente alors de faire admettre son erreur de jugement à l’autre. Propagande versus propagande : le match ne peut être que nul.

Imposer sa vision du monde, dans un monde en perdition

Refuser d’admettre la réalité du monde et la retravailler à des fins partisanes ne peut qu’inciter des jeunes gens sans repères, perdus au sein d’une société sans projet, dirigée par des personnalités politiques décrédibilisées, à basculer du côté de l’intégrisme pseudo religieux du Califat. L’attraction exercée par cet Etat-secte apocalyptique ne devrait pas être combattue par des méthodes propagandistes, pour une raison simple :  l’information circule et la réalité de ce qu’est le Califat peut être très facilement connue des jeunes occidentaux. Cet article de la revue Books, à propos de la poésie djihadiste est très instructif.  Il démontre que le Califat islamique porte des valeurs et une culture qui se propagent et attirent, loin au delà de l’Irak et de la Syrie. Par la tradition arabe de la poésie. Et l’internationalisme.

Ma patrie est le pays de la vérité,
Les fils de l’islam sont mes frères…
Je n’aime pas plus l’Arabe du Sud
que l’Arabe du Nord.
Mon frère qui vit en Inde, tu es mon frère,
comme vous, mes frères des Balkans,
d’Ahwaz et d’Aqsa,
d’Arabie et de Tchétchénie.
Si la Palestine hurle,
ou si l’Afghanistan pousse un cri,
Si le Kosovo
ou l’Assam ou le Pattani est lésé,
Mon cœur se tend vers eux,
brûlant d’aider ceux qui sont dans le besoin.
Il n’y a pas de différence entre eux,
voici ce qu’enseigne l’islam.
Nous sommes un seul corps,
voilà notre heureuse croyance…
Nous différons par la langue et la couleur,
Mais nous avons le même esprit.

Le Califat n’est pas un groupe, ni une petite armée de djihadistes, mais bien plus que cela. Dépeindre le Califat avec les seuls termes de « barbares », de « terroristes », est le meilleur moyen de démontrer que ceux qui l’activent, ont gagné la bataille des esprits, puisqu’ils peuvent aisément démontrer qu’ils ne sont ni des « barbares » ni des « terroristes », ces termes n’ayant aucun sens dans la situation actuelle.

« Barbare » renvoie à l’histoire européenne, et dans un jugement moral, n’a pas beaucoup d’influence : chacun est le barbare de l’autre (il suffit de se replonger dans les exactions américaines à Guantanamo, ou Abou Graib). Quant à terroriste, il est difficile de décrire une armée, équipée, payée, comme une « armée terroriste ». L’armée du Califat ne fait rien d’autre que ce que toutes les armées ont fait au cours du temps : envahir un territoire et l’annexer. Puis le défendre. Quant à appeler à condamner des opération à l’extérieur, elles sont, malheureusement le pendant des assassinats par drones commandés depuis la Maison blanche ou de façon plus discrète, par l’Elysée.

C’est donc une guerre qui a débuté en Irak et en Syrie, et non une « opération militaire » ou « des frappes ». Une guerre contre un Etat, le Califat. Il serait intéressant de décrire la réalité de ce qu’il se passe vraiment en Syrie et en Irak, de parler des fameuses promesses apocalyptiques, du discours véhiculé par ce nouvel Etat. Que des érudits de l’islam parlent clairement des hadiths ? Démontrer que le délire prophétique du Califat n’est ni plus ni moins que l’équivalent de celui des sectes apocalyptiques chrétiennes qui annoncent la fin du monde depuis des lustres. Démontrer le délire moyen-âgeux et sectaire du Califat serait sûrement plus constructif que tenter vainement de dire qu’y aller est faire un acte de « terrorisme ». Acte de terrorisme qui peut attirer les esprits fragiles ou en révolte, qui plus est…

Parler du Califat, dans une forme propagandiste, en occultant la réalité de ce qu’il est, représente, est un choix politique. La propagande, même lorsqu’elle elle veut le « bien » des gens, est un outil à double tranchant, qui peut se retourner contre celui qui l’utilise. Ce qui semble bien être le cas en France, aujourd’hui.

Pjilippe-Joseph Salazar, rhétoricien et philosophe a sorti un ouvrage à ce propos il y a un mois : Paroles armées. Cette interview donnée à TV5Monde résume cette problématique d’occultation de la réalité et de compréhension tronquée de la propagande.

 

 

Un extrait d’ interview donnée sur le site d’information de TV5Monde, sur l’utilisation des mots, établit, d’après lui, pourquoi les dirigeants français refusent de nommer le Califat et le décrire pour ce qu’il est :

Le groupe Etat islamique, les terroristes de Daech :

Que pensez-vous de ces dénominations qui sont désormais rentrées dans le langage médiatique et politique ?

L’utilisation de ces termes est une tendance, de nouveau, à vouloir démontrer qu’on a le contrôle de la situation. On cherche, ce qu’on appelle le juste milieu. C’est la tendance générale des gouvernants, que j’appelle les gestionnaires. Ce juste milieu signifie que l’on exprime une opinion raisonnable, qui n’est pas excessive. Le problème de dénomination du Califat est une affaire assez française, mais si nous sommes en guerre avec des alliés, tout le monde devrait utiliser le même terme. Lorsque l’on parle du Groupe Etat islamique, c’est absurde, puisqu’on ne peut pas être en guerre contre un groupe. Le droit international définit la guerre contre un Etat, pas contre un groupe. Je vous cite un extrait du Discours sur la première décade de Tite-Live, de Machiavel :

« Partout où il faut délibérer sur un parti où dépend le salut de l’Etat, il ne faut être arrêté par aucune considération de justice ou d’injustice, d’humanité ou de cruauté, de gloire ou d’ignominie, mais rejetant tout autre parti, s’attacher qu’à celui qui le sauve et maintient sa liberté. Les Français ont toujours imité cette conduite et dans leurs actions et dans leurs discours, pour défendre la majesté de leur roi et la puissance de leur royaume. »

On voit là la perception qu’avait l’Europe de la France à la Renaissance : la primauté de l’intérêt national. Cet extrait de Machiavel définit aussi très bien les Etats-Unis, qui peuvent déclarer la guerre à n’importe qui.

En France on ne peut plus considérer que la patrie, la nation, l’Etat soient en danger, nous sommes devenus aveugles à ce genre de notion en vivant dans une paix perpétuelle. Donc, nous ne pouvons pas nommer ceux qui partent combattre pour le Califat comme des combattants et des traîtres. Ceux qui restent sur le territoire mais combattent pour le Califat sont des partisans. Autant nommer les choses. Mais on ne veut pas nommer les choses.

Daech c’est un acronyme d’une expression arabe. Mais est-ce péjoratif ? A moins de connaître l’arabe, pourquoi se poser cette question ? Le processus à mon avis est le suivant : pour vendre une marque, un slogan, il y a une valeur d’appel. EI, ISIS, c’était compliqué, ça ne passait pas bien, et puis ISIS il y a la déesse égyptienne. Donc Daech, c’est pas mal, il y a la consonne explosive au début, ça finit en « ch« , ça fait arabe . Cameron a essayé de proposer Daech à la BBC, qui a dit « non« . Mais des militaires interviewés au Sénat américain ont dit « The Califate« . Les Américains disent le Califat, ils adorent les noms un peu grandioses. Mais ce que nos dirigeants français ne comprennent pas, c’est qu’il est beaucoup plus noble, et séducteur en quelque sorte, que la République se batte contre le Califat islamique plutôt  que contre un machin qui s’appelle Daech.

Je donne toutes les références des archives administratives dans mon livre, et le Califat est un Etat : il a un territoire, une population, il administre, il gère, il y a des hôpitaux, des écoles, il a une monnaie. Lors d’une audition du général Gomart, qui est le patron du renseignement militaire, devant une commission sénatoriale celui-ci a dit : « Nous avons affaire là  à un proto-Etat« . Mais on ne peut pas le dire en France, parce que la population musulmane, qu’on le veuille ou non, peut être à ce moment là, face à un choix  draconien.

 

Source: https://reflets.info/djihad-et-terrorisme-analyser-les-discours-propagandistes/


Pénétrer dans la zone d’Eurotunnel : dix ans de prison !

Thursday 29 October 2015 at 12:20

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(source: Reuters)

Symptomatique. Un projet de loi sur le « droit des étrangers en France », dont la discussion en « procédure accélérée » a débuté cet été au mois de juillet, vient d’être subrepticement rebaptisé, lors de son passage en première lecture au Sénat, comme « portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration ». Cela a le mérite de la franchise. Car la question des « droits » des personnes étrangères s’est le plus souvent résumé à en réduire la portée ou à rendre leur garantie de plus en plus complexe.

Ceux qui auraient pensé qu’un tel débat parlementaire, au moment d’une des crises migratoires les plus majeures de l’histoire de l’Union européenne, ait pu être influencé par la détresse de dizaines de milliers de réfugiés débarquant en Europe peuvent aller se rhabiller. Rien n’a été adopté qui aille dans le sens de mesures renforçant la solidarité.

Comme lors de la réforme du droit d’asile, qui a donné lieu l’an dernier à une nième loi encore plus dure que la précédente, c’est la logique de la forteresse qui l’emporte – et cela entre en résonance avec le document révélé par Statewatch et mis en lumière par Reflets sur le recours croissant aux contrôles biométriques aux frontières.

Cet examen au Sénat a donné l’occasion à la majorité de droite d’alourdir encore plus la balance. La palme démago revient sans conteste à Natacha Bouchard, la maire de Calais qui gesticule depuis tant d’années pour se faire une place au chaud parmi les fans de Marine Le Pen.

Cazeneuve et Bouchard (AFP)

Elle est à l’origine d’un amendement vraiment tordu, finalement voté par la majorité sénatoriale avec la passivité du gouvernement. Il s’agit de modifier le code pénal pour protéger le tunnel sous la manche des hordes de migrants ! Son idée ? Punir de 7 ans de prison et de 100.000 € d’amende tout acte de « destruction, dégradation ou détérioration » si cela porte atteinte à « un point d’importance vitale pour la défense nationale ou un site sensible, dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation ».

La sénatrice le dit clairement face à ses collègues en séance:

Cet amendement a pour objet de renforcer la gravité de certaines atteintes aux biens qui seraient préjudiciables à la défense ou à la sécurité économique, en cette période très difficile liée aux flux migratoires, laquelle ne va pas devenir plus calme.

Le tunnel sous la Manche subit, en particulier, régulièrement des attaques et des intrusions de la part de migrants qui mettent en danger les installations de cette infrastructure, reconnue d’importance vitale pour l’économie franco-britannique, mais n’entrant pas forcément dans le cadre des intérêts fondamentaux de la nation […].

Avec cette subtile modification, pénétrer dans le périmètre de sécurité du tunnel (comme ici début septembre) suffirait amplement à être considéré comme une menace sur « un site sensible dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique ». Notez bien les mots employés : « potentiel de guerre ou économique ». Rien de moins : les hordes de migrants mettent donc en danger la capacité de riposte française en cas de guerre ! Mais en guerre contre la Perfide Albion, ou contre ces mêmes réfugiés qui ne font que fuir d’autres guerres, bien réelles celles-là ?

Encore mieux : le code pénal prévoit déjà que ce crime monte à 10 ans ferme et 150 000 € si ces actes sont commis en groupe (« par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice »). Cela veut dire, avec cet amendement Bouchard, que n’importe quel acte de dégradation qui se passe dans la zone d’Eurotunnel, même des actes mineurs (découper un grillage, ouvrir une brèche dans une tôle de chantier…), pourrait valoir à ses auteurs une peine de 10 ans ferme. Et pas besoin de se déplacer en meute déterminée, à deux aussi ça marche (« auteur ou de complice »). Il parait que la loi ne doit pas être « disproportionnée » pour être juste et efficace – la bonne blague !

Lors des discussions la secrétaire d’État Clotilde Valter (non, pas de l’immigration, mais de « la réforme de l’État et de la simplification »…) a bien tenté de contrer à cet amendement scélérat. Mais les arguments déployés en sont resté à la forme (« Le Conseil constitutionnel pourrait y voir là un cavalier législatif »), pas au fond. Mis au vote, cet amendement a donc été adopté grâce à la majorité de droite (devenu l’article 30 bis A du projet voté par le Sénat) – même s’il sera sans doute censuré comme contraire à la constitution dans quelques semaines.

Délit de refus biométrique : vive la triple peine!

Bouchard s’est offert une autre tribune à l’occasion de ce projet de loi. Elle a failli voler la vedette au gouvernement, qui a, pour le coup, innové dans le code pénal. Voilà la « triple peine » qui sanctionne de prison ferme tout étranger qui ferait obstacle à l’inquisition biométrique. Car c’est de ça dont il s’agit dans l’article 23 bis adopté par l’Assemblée, suite à un amendement du gouvernement qui n’a pas même été discuté en séance. Il institue un nouveau délit de « refus de fichage », à l’instar de ce qui existe depuis plus de dix ans pour rendre le « prélèvement biologique » et le fichage ADN obligatoire – tout en laissant entendre, perfidement, que la personne aurait le choix d’accepter ou de refuser que sa salive alimente le Fichier national des empreintes génétiques (FNAEG); le « refus de prélèvement » étant donc un délit pénal et continu (pouvant même persister même si le délit ayant conduit au prévenu de se voir fiché a obtenu non-lieu ou relaxe).

Article 23 bis

Le deuxième alinéa de l’article L. 611 3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le refus de se soumettre à ces opérations est puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. »

Bref, quand on est étranger en France, que l’on cherche à obtenir (ou renouveler) un titre de séjour, ou que l’on soit arrêté pour « séjour irrégulier » et menacé d’expulsion, on doit céder ses empreintes digitales et son visage numérisé ; la procédure date des années 90, et le fichier central a, depuis, pris le nom d’ADGREF2 (on en parlait ici sur Reflets).

Triple peine, car une personne sans papiers en règle peut se retrouver en rétention (primo) et finir expulsé (secundo), et s’il refuse la biométrie on pourra le poursuivre, pour ce seul fait, de manière continue (tertio). Le gouvernement se justifie en expliquant que ce recensement biométrique est « une obligation européenne » et qu’elle « permet une action plus efficace en faveur du démantèlement des filières de l’immigration irrégulière » – et pour « garantir l’effectivité de ces dispositions » il fallait donc prévoir « les sanctions encourues pour l’étranger refusant de se soumettre à ces opérations ».

C’est là que la bande à Bouchard entre en scène. L’amendement proposé sur ce nouvel article est de rendre obligatoire la prise d’empreintes (« doivent » et non « peuvent », comme le dit la loi pour l’instant). La sénatrice du Nord sous-titre son propos : « Cela permettra à la fois de gérer la situation de façon plus humaine [sic] et de pouvoir engager des poursuites à l’égard des auteurs d’actes délictueux. »

Le problème, c’est que cet amendement ferait disparaître la fameuse disposition visant à punir le « refus de se soumettre aux opérations » biométriques. L’amendement Bouchard sera donc retoqué. Valter n’en a pas moins rappelé que « les empreintes digitales et les photographies sont des éléments d’identification indispensables », mais que « cependant, ces techniques sont soumises aux règles de protection de la vie privée. Le Conseil constitutionnel a habilité l’autorité administrative à y recourir, mais dans le cadre d’un examen au cas par cas de leur caractère nécessaire. Le recours systématique que vous proposez serait donc contraire à la jurisprudence constitutionnelle. » Un simple détail pour la maire de Calais.

(source: AFP)

Les réfugiés sont des fraudeurs en puissance

Dans la même rubrique « surveiller et punir », l’article 25 de ce projet de loi, non modifié par l’Assemblée, concerne l’euphémisme « droit de communication ». Il s’agit de permettre aux agents de l’Ofpra, qui instruisent les demandes de titres de séjour, de fouiner dans un maximum de bases de données – état civil, pôle emploi, aide sociale, sécurité sociale, établissements scolaires et d’enseignement supérieur, banques, fournisseurs d’énergie- télécoms-internet, établissements de santé publics et privés, greffes des tribunaux… – à la recherche d’indices pour d’éventuels fraudeurs… Sans que le secret professionnel – sauf le secret médical… – ne puisse s’y opposer.

Comme l’a rappelé la sénatrice EELV Éliane Assassi, d’après le Défenseur des droits (avis du 3 septembre – PDF) cet article 25 « est sans doute la disposition la plus contestable du texte en ce qu’elle atteste de la forte suspicion à l’égard des étrangers et constitue une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles et au secret professionnel ».

Acharnement sur les mineurs étrangers isolés

Dans le même ordre d’idées, l’article 28 bis A créé un nouveau délit autour de l’utilisation de faux papiers (« le fait d’utiliser un document d’identité ou de voyage appartenant à un tiers ») si l’étranger y a eu recours pour tenter d’obtenir un titre de séjour. Peines lourdes: 5 ans et 75.000€ d’amende. Et, bien entendu, cela passe à 7 ans et 100.000€ « lorsque ces infractions sont commises de manière habituelle ». Bizarre, car le code pénal ne punit que d’un an de prison et 15.000€ le fait d’usurper l’identité d’un tiers. Pour les réfugiés en détresse, les peines sont donc 5 fois plus lourdes! Des sénateurs et sénatrices illuminées ont bien tenté de souligner cette aberration, notamment « à l’égard des jeunes étrangers isolés ». « Dans les faits, indique le communiste Christian Favier, ce délit pourrait être constitué lorsque ces jeunes entrent en France après avoir fait des demandes de visa sous une autre identité ou après avoir indiqué, par exemple en Italie ou en Espagne, être majeurs, afin d’être autorisés à poursuivre leur trajet. »

La sous-ministre Valter, bombardée pour l’occasion cheftaine de la police de l’immigration, n’y voit rien à redire. Inflexible: « il est inopportun de permettre à des personnes d’entrer sur le territoire ou de s’y maintenir en utilisant des documents d’identité appartenant à des tiers. Cette suppression [de la mesure] affaiblirait incontestablement un axe important de notre politique, à savoir la lutte que nous menons avec détermination contre les filières d’immigration clandestine. » Toujours la même rengaine : pour gagner face aux « passeurs », « trafiquants d’êtres humains » ou autres « mafieux de l’immigration », on criminalise la personne, le réfugié ou l’exilé, victime à la fois des mêmes passeurs et des cerbères de la Forteresse Europe. Déplorable.

Enfin, le recours aux scandaleux « tests osseux » pour déterminer d’âge d’une personne en demande d’asile ou de titre de séjour, a été maintenu par le Sénat. Comme si les réfugiés mineurs mentaient sciemment sur leur âge pour bénéficier d’une meilleure protection. Ces techniques humiliantes – et scientifiquement très peu fiables – sont pourtant interdites dans de nombreux pays et dénoncées par les ONG depuis des années, comme cela a été rappelé début octobre.  Une pétition pour les éradiquer a recueilli 13.000 signatures il y a quelques mois. Une quarteron de sénateurs a encore tenté de proposer un amendement pour les supprimer définitivement des procédures d’immigration. Comme l’ont rappelé les ONG, « sur la base de ces tests aux résultats incertains, ce sont des dizaines de jeunes, garçons et filles, qui, accusés d’avoir menti sur leur âge, ont été condamnés à des peines de prison et à des dédommagements de dizaines voire de centaines de milliers d’euros à verser à l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui les avait pris en charge » (lire ici des témoignages accablants sur ce que risquent les jeunes étrangers). Alors que ces tests ont des marges d’erreurs pouvant aller jusqu’à 2 ans!

Mais Clotilde Valter joue son rôle à la perfection:

Le recours à des tests médicaux présente l’intérêt de donner un âge approximatif fiable [faux, comme l’ont montré d’innombrables études sur la question!]. Mais, dans le cadre de l’appréciation des résultats, il faut tenir compte d’une marge d’erreur. En effet, il n’y a pas pour l’heure de certitude.

À ce stade du débat, le Gouvernement est à la fois défavorable à une interdiction pure et simple de la pratique des tests osseux, car cela le priverait d’un outil utile pour lutter contre les fraudes, et favorable à un encadrement de cette pratique. En outre, je tiens à insister sur le fait que cette méthode est autorisée par les directives européennes.

Le Gouvernement a déjà pris des mesures visant à encadrer cette pratique, et il souhaite qu’elles figurent dans la loi.

Il est question d’encadrer ces pratiques dans une proposition de loi relative à la protection de l’enfance (examen en cours), mais les ONG sont persuadées que c’est une diversion:

« L’interdiction des tests de maturation osseuse […] a été proposée par des députés PS et EELV lors de l’examen [de cette proposition de loi], mais leurs amendements n’ont pas été retenus. Au contraire, le gouvernement a fait adopter un amendement, déposé en dernière minute et défendu par Laurence Rossignol, inscrivant dans la loi cette pratique aux conséquences dramatiques pour les jeunes concernés : exclusion de toute prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance, mise à la rue immédiate, interruption de la scolarité ou de la formation en cours, impossibilité de régularisation sans secours ni protection d’aucune sorte et sans titre de séjour. »

Cette loi honteuse sur l’immigration sera sans doute adoptée telle quelle par la dernière navette, une commission mixte Assemblée/Sénat qui se réunira en décembre prochain.

Source: https://reflets.info/eurotunnel-dix-ans-de-prison/