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Une fumisterie souveraine… mais libre !

Monday 15 February 2016 at 20:19

bidochon-OSCe n’est pas comme si on ne nous avait pas déjà fait le coup de la souveraineté mal placée. Nous avons tous encore en tête ce holdup sur des fonds publics occasionné par le « cloud souverain », un projet initié par François Fillon en 2009 qui est aujourd’hui devenu pour l’un, un cloud americano britanico luxembourgeois (bâti sur de l’argent public, lui, parfaitement souverain de chez nous) et pour l’autre un cuisant échec commercial avec ses 150 millions d’investissements et ses 108 millions d’euros de pertes.

Flashback

L’erreur était pourtant grossière : on distribuait 75 millions d’euros à des acteurs qui n’avaient pas grand chose à voir avec le cloud (Orange et Thales pour Cloudwatt et Numericable et Bull pour Numergy), tout en écartant des acteurs légitimes comme OVH, Gandi et d’autres qui réalisaient déjà à l’époque une part significative de leur chiffre avec des offres clouds compétitives.  Tout ceci ne pouvait déboucher que sur un lamentable échec, avec des offres loin d’être compétitives et des clients qui ont préféré du Google ou du Amazon à cette souveraineté hors de prix et techniquement pas au niveau. Reflets s’est longtemps posé la question d’aller s’héberger dans le cloud souverain de Bull mais pour une raison dont nous ne nous souvenons plus, ça ne s’est pas fait.

Bug de souveraineté

Le cas Numergy est très intéressant puisque leur « souveraineté » financière sur ces 15 dernières années ne pouvait laisser augurer qu’elle reste souveraine bien longtemps. Patatra… Numericable racheta SFR et c’est ainsi que plusieurs dizaines de millions d’euros souverains passèrent entre les mains du cablo-opérateur luxembourgeois Altice, lui même détenu par l’américain Carlyle et le britannique Cinven. Cocorico, circulez il n’y a rien à voir. Point de rapport parlementaire sur ce fiasco, pas de mise en perspective, d’analyse de ce cuisant échec, mais peu importe, trouvons une autre connerie souveraine à servir au contribuable.

Et maintenant, un OS… WTF ?

Fort de cette expérience ce fiasco, le contribuable appréciera donc qu’on récidive, mais cette fois avec un concept encore plus absurde. Celui de l’OS (Système d’exploitation) souverain. Pour comprendre toute l’absurdité de cette proposition, un minimum de culture informatique préalable est requis, pas de panique, on va simplifier au maximum et évacuer les OS exotiques pour nous concentrer sur des OS utilisables par le commun des mortels et sans matériel propriétaire (oh oui, vendez nous du rêve et proposez nous une architecture hardware souveraine qui soit autre chose qu’un minitel).

Il existe à ce jour 3 principales familles de systèmes d’exploitation :

Tatatatata Reflets… t’en as oublié !

« Mais vous avez oublié Apple OSX, vous avez oublié IOS, vous avez oublié Android ? »

Non nous n’avons pas oublié Apple, ni Google. Apple comme Google ne sont pas partis de rien sous prétexte de « propriétarisation » ou de « souveraineté » dans les tarifs qu’ils pratiquent et les données personnelles qu’ils aspirent. Apple est parti d’Unix, Google a de son côté fait le choix de GNU Linux.

Avant même de parler de souveraineté, on pourrait commencer par aborder ces histoires de « nouveaux OS ». Régulièrement (tous les 3 ou 4 ans), il y a bien un original ou deux qui nous annoncent un nouveau système d’exploitation totalement révolutionnaire.

Second détail qui échappe probablement également au Parlement, un système d’exploitation, c’est bien sympathique, mais s’il ne dispose d’aucune application, si aucun éditeur logiciel n’a un intérêt quelconque à porter ses créations sur ce système d’exploitation, on se retrouve avec un OS souverain qui ne sert pas à grand chose :

Mais coup de bol, le projet ne souhaite pas partir de rien.

Delphine Batho, architect of an open world

Nous avons presque échappé au pire, Delphine Batho lance la (fausse) bonne idée, on va partir d’un Linux. Attention séquence architecture système long term strategy à l’Assemblée Nationale. Ce sera donc un système d’exploitation :

« ouvert et démocratique, à partir d’un noyau Linux, garantissant une mutualisation, permettant de soutenir le développement collaboratif d’un écosystème numérique libre, respectueux des lois, dans lequel les citoyens comme les entreprises puissent avoir confiance »

Vous voulez dire comme une Mandriva à son époque ? Comme Mageia aujourd’hui ? Madame la député, il est bien possible que cette proposition fasse rire un peu jaune certains développeurs/entrepreneurs français. Ne seriez vous pas en train de nous rejouer le coup du Cloudwatt/Numergy ?

Pourquoi ne pas distribuer vos millions directement au projet Mageia qui est tout bien comme vous dites ? Libre, ouvert, piloté par une association localisée en France, avec des contributeurs passionnés et compétents.

Pourquoi nous faire passer pour des cyber-bidochons dans le monde entier en réinventant la roue avec un label « souverain » pour distribuer de l’argent public à des acteurs sortis du chapeau qui n’ont pas grand chose à voir avec le développement d’un OS communautaire libre et ouvert comme on nous a déjà fait le coup pour le « cloud souverain » ?

Non mais sérieusement, un GNU Linux… vraiment souverain ?

Et bien oui ! Ce sera un OS parfaitement souverain, ce sera un OS libre et ouvert basé sur GNU Linux, « Les chinois l’ont bien fait » comme dirait l’ami Jacques, (l’homme qui voulait « nationaliser Internet »), c’est Red Flag..

Pour que ce soit bien souverain, les contributeurs du noyau comme ceux des applications devront-ils présenter leur carte d’identité avant de proposer une contribution ? Qu’allons nous faire de toutes les applications existantes mais qui ne sont pas souveraines ? Allons nous les réécrire ? Et sinon ce projet, vous l’évaluez à combien de milliards étalés sur combien de décennies ? Les perspectives d’adoption en entreprise qui vont devoir réécrire leurs applications métier et pour les particuliers qui vont découvrir que leur jeu ne fonctionne pas et que leur téléphone ne se synchronise pas avec cet OS souverain, vous les évaluez à combien au juste ?

Question annexe : pourquoi rentrer dans ce délire d’OS souverain alors que nos administrations s’entêtent à contractualiser avec Microsoft pour nos infrastructures de défense et d’éducation nationale ?

Très franchement, n’est-ce pas placer la charrue avant les boeufs que de disserter sur un OS libre « souverain » alors que nous ne sommes déjà pas fichus de passer au libre tout court pour nos infrastructures les plus critiques ?

Souveraineté ?… de qui ça ?

La plus grosse escroquerie intellectuelle de cette histoire d’OS souverain, c’est la notion même de souveraineté d’un état sur un système d’exploitation. Pitié, finissez en une bonne fois pour toute avec ce terme qui n’a ni queue ni tête quand on le transpose à la notion de souveraineté informatique nationale. La seule souveraineté qui puisse exister en matière d’informatique, c’est la souveraineté de l’utilisateur final, qu’il soit français, chinois, américain ou irakien.

Tout n’est pas perdu, puisque le gouvernement semble plus pragmatique que les auteurs de cette proposition farfelue et invite à « privilégier une approche encourageant les acteurs à contribuer au développement de systèmes d’exploitation en source ouverte existants, comme Linux ».

Attendons la prochaine loi sur le Numérique, nous découvrirons bien un projet d’Internet souverain, les nord coréens l’ont bien fait.

 

Source: https://reflets.info/une-fumisterie-souveraine-mais-libre/


L’écumeur des cybermers et le parquet flottant

Sunday 14 February 2016 at 16:21

There is this thing called InternetDans le cadre d’une enquête sur de fausses alertes à la bombe reçues par des lycées parisiens, les amis du petit déjeuner ont rendu lundi 8 février, une amicale visite à un lycéen. Ils l’ont placé en garde à vue et ont, semble t-il, saisi ses armes de destruction massive son matériel informatique. France Info nous apprenait le lendemain que « c’était l’adresse IP de son ordinateur » (sic) qui avait permis aux cyberlimiers de l’OCLCTIC de remonter la piste du « jeune hacker (sic et resic) ». Ce dernier, « connu de la justice dijonnaise pour des faits de piratage informatique » – « selon une source policière » parce que sinon ça fait pas sérieux – « aurait offert son savoir-faire à des complices pour appeler les lycées parisiens de manière anonyme, grâce à des logiciels cryptés utilisant des serveurs distants à l’étranger (sic, resic et reresic) ». Bref, tout ça sentait bon le grand n’importe quoi, et il aura fallu attendre deux analyses un peu plus calmes du Monde puis de Numerama pour y voir un peu plus clair.

Le parquet, pied au plancher, avait requis la détention provisoire et la mise en examen du tipiakeur pour « complicité de menaces de destruction dangereuses pour les personnes », « complicité de menaces de mort », « complicité de fausse alerte ». Quel forfait avait donc commis notre jeune flibustier, de qui s’était-il fait le complice et quelle était la nature de cette complicité ? Il était l’opérateur de serveurs de messagerie instantanée XMPP ouverts. Par malchance, c’est sur ces derniers que « l’Evacuation Squad », le groupe de débiles apparemment à l’origine des fausses alertes à la bombe, avait jeté son dévolu pour ses communications. Les passerelles XMPP permettent une interconnexion à toute une ribambelle de services tiers, dont Twitter. En l’occurrence, ce sont des tweets d’Evacuation Squad, en relation avec les alertes, qui auraient transité par le serveur XMPP de notre infortuné gaillard. Voilà donc comment l’adresse IP du serveur du jeune homme est apparue sur les radars de la cybermaréchaussée, voici tout le lien qui le rattache à cette affaire. L’accusation ne tient pas deux minutes, puisque cela reviendrait à rendre toute personne fournissant un service en ligne potentiellement complice de tout et de n’importe quoi. Cela n’a pas échappé au juge qui a choisi de ne pas suivre les réquisitions du parquet. Fin de l’histoire, tout rentre dans l’ordre, ils vécurent heureux et eurent plein de serveurs XMPP.

Ce serait aller un peu vite en besogne, et oublier un chef d’accusation supplémentaire (nous avons affaire à un dangereux pirate, ne l’oublions pas), pour lequel le juge a décidé de suivre le parquet : le « refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie ». D’après Le Monde, l’ordinateur personnel de notre fripouille était chiffré, et il aurait refusé de révéler aux enquêteurs la clé idoine pendant sa garde à vue. Notre méchant brigand n’est donc complice de rien, mais l’article 434-15-2 du code pénal semble suffisant pour le poursuivre quand même. Cet article, équivalent légal du coup de clé à molette sur le coin du pif, punit le refus de remettre les clés secrètes « d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit ». Passons sur la bizarrerie logique qui autorise le gardé à vue à se taire, mais qui l’oblige à remettre ses clés de chiffrement. Notre têtu malandrin risque, pour salaire de son opiniâtreté, jusqu’à cinq ans de prison et une prune de 75 000 €. Une broutille.

Security - XKCD - Creative Commons Attribution-Non Commercial 2.5 License

Security – XKCD – Creative Commons Attribution-Non Commercial 2.5 License

S’il s’agit bien, comme l’indique Le Monde, de l’ordinateur personnel du jeune pirate, le rapport avec la choucroute est pour le moins distendu. Chose que n’a pas manqué de relever Numerama, qui nous rappelle au passage que « nul ne [peut] être contraint de fournir des éléments de sa propre inculpation ». La seconde possibilité serait qu’il s’agisse des clés utilisées pour chiffrer les connexions d’Evacuation Squad aux serveurs XMPP de notre boucanier numérique. Mais, d’une part, pour que ces clés aient un quelconque intérêt il aurait fallu que les communications aient été interceptées au préalable. D’autre part, ces serveurs semblent configurés pour l’échange de clés Diffie-Hellman qui permettent aux connexions TLS d’acquérir la propriété de forward secrecy. Lorsque des serveurs sont paramétrés de cette façon – ce qui est une bonne pratique – chaque nouvelle connexion utilise une clé de chiffrement éphémère, qui est détruite lorsque la connexion prend fin. Le jeune forban ayant l’air un peu tatillon sur les questions de vie privée, il paraît donc douteux qu’il ait bidouillé son serveur pour enregistrer ces clés. Ne les ayant pas en main, on voit bien mal comment il pourrait les remettre. La dernière possibilité, serait que ce soit la clé privée des serveurs XMPP qui ait été visée. Mais lorsque le protocole d’échange de clés Diffie-Hellman est utilisé, cette clé secrète ne sert en pratique qu’à authentifier le serveur, pas du tout au chiffrement. Elle autoriserait seulement les enquêteurs à intercepter les échanges futurs – via des attaques MiTM – pas les communications passées. Dans tous les cas de figure, la supposée entrave à la justice s’accommode fort mal de la réalité technique.

Au delà des considérations techniques ou juridiques (et des emmerdements bien réels causés par ces fausses alertes), cette histoire soulève évidemment des questions d’éthique. Tout d’abord, exercer des pressions sur les petits acteurs qui fournissent des services en dehors des grandes « plateformes », c’est faire le jeu de la centralisation de ces dernières, qui ne sont pas forcément en odeur de sainteté au niveau des données personnelles ou de la surveillance. Il ne faudra pas non plus venir pleurnicher sur la « souveraineté » perdue. Mais surtout, les technologies respectueuses de la vie privée ne peuvent — par définition — avoir la protection sélective. Les plus efficaces d’entre elles sont conçues pour que les opérateurs et autres administrateurs n’aient jamais accès aux clés. Est-il acceptable que le fournisseur d’un service protecteur de la vie privée soit inquiété pour le simple fait de proposer un tel service ? Notre choix en tant que société est plutôt binaire. Nous pouvons encourager le développement de ces technologies. Dans ce cas, nous arrêtons la schizophrénie et nous intégrons qu’elles puissent être marginalement utilisées par des personnes peu scrupuleuses, aux enquêteurs de s’adapter. Ou alors, nous faisons le deuil de notre vie privée, nous nous privons d’un bien collectif et social essentiel, et nous acceptons de vivre dans une société de transparence asymétrique dans laquelle le secret et la sécurité sont l’apanage des puissants ou des criminels.

En attendant d’avoir fait ce choix, on lui souhaite bon vent, à notre écumeur des cybermers.

Source: https://reflets.info/lecumeur-des-cybermers-et-le-parquet-flottant/


GoLeaks : jamais la presse n’a autant eu besoin de ce projet

Friday 12 February 2016 at 19:24

goleaksGoLeaks est un projet de mise en relation des journalistes et des lanceurs d’alerte. S’il apparait évident que les sources journalistiques ont besoin d’une protection de leur identité, si un beau principe de droit existe bien sur le sujet, en pratique, nous savons tous que ce beau principe n’est pas suffisant et qu’il est aujourd’hui plus que jamais mis à mal par « l’état d’urgence ».

Protéger une source est quelque chose de compliqué, car même lorsque l’on est journaliste, on n’est pas forcément rompu aux techniques d’anonymisation des communications.

Nous avons même coutume de rappeler régulièrement que le meilleur moyen de préserver une source, c’est tout simplement de ne pas être en mesure de l’identifier.

GoLeaks est donc un projet d’origine française, initié par deux personnes, Romain et @Datapulte, visant à créer un point de contact sécurisé et destiné à anonymiser les échanges entre journalistes et lanceurs d’alerte afin de préserver l’identité de ces derniers. C’est un projet qui nous apparait aujourd’hui comme vital pour la presse et qui vient palier les « petites lacunes » de l’amendement portant sur l’exemption de peine (mais pas de poursuite, de condamnation, ni de garde à vue) pour les lanceurs d’alerte (pour peu qu’on veuille bien leur reconnaître ce statut qui reste à définir),

Nous vous offrons donc la chance d’être le 42e contributeur de ce projet  :

Soutenez GoLeaks dès maintenant 

Source: https://reflets.info/goleaks-jamais-la-presse-na-autant-eu-besoin-de-ce-projet/


De l’écœurement, du journalisme et de la vie en général…

Friday 12 February 2016 at 16:33

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Il n’est pas si simple de continuer d’écrire. Surtout quand on écrit « avec ses tripes ». Peut-être parce que ce que l’on écrit nous semble — à tort ou à raison — important, ou tout du moins, intéressant. C’est une démarche présomptueuse, et je suis le premier à l’admettre. Mais avec les années, le temps qui passe, l’écriture devient quelque chose d’autre qu’une simple expression égotique, peut-être une forme de deuxième nature, un « truc » qui vient aussi facilement que respirer, boire ou déféquer. Allons savoir…

Ce billet — qui n’est pas un article [laissons les professionnels du décryptage de la chose informationnelle se débrouiller avec cette nuance] — est là pour déclarer une impuissance : celle de celui-qui-écrit. Le journaliste ? Possible. Probable. L’auteur aussi. L’individu, sûrement. Parce que pour la définition de ce qu’est véritablement un « journaliste » (et non pas le journalisme), il faut de multiples réflexions et aller-retours avec le réel. Et l’éthique. Et ce n’est pas gagné. Ce billet est écrit en écho à l’article de Kitetoa. Suivez le guide.

Je suis écœuré (et pas Charlie)

Oui, je suis écœuré, par de nombreuses choses, et ce, depuis peu. Avant, je luttais contre l’écœurement, parce que j’avais [certainement] espoir, et puis parce que je pensais que toutes les bornes n ‘étaient pas encore franchies, et qu’il était donc encore possible de sauver « quelque chose ». Aujourd’hui je ne ne crois plus que cette société puisse donner quoi que ce soit de bon. Au contraire. Le pire est à venir, à mon sens. Et il est déjà en partie là, ce pire…

Nous sommes libres et égaux en droit, parait-il. C’est inscrit dans notre constitution. Une phrase fondatrice. Qui nous lie. Nous relie. Et aujourd’hui, ce n’est plus le cas, ni de manière déguisée, ni de façon formelle. Un gouvernement, socialiste, a décidé de briser ce fondement, accompagné par une population qui a décidé de détester tout ce qui constituait la société qui lui a permis d’évoluer. La détestation française des réfugiés de Syrie et d’Irak est un premier marqueur. Elle souligne un passage. Une nouvelle forme de « vivre ensemble ». France, terre d’asile : mon cul.

Ont-ils oublié, tous ces peignes-culs vaillants patriotes et citoyens français qui s’inquiètent des étrangers arabes — qui fuient les bombes financées par leurs impôts — ce que leurs grands parents ou arrières grands-parents ont vécu il y a plus de 70 ans ? Savent-ils que, ce qui constitue la grandeur de leur nation — qu’ils portent aux nues — est justement cette capacité à accueillir les démunis au lieu de rejeter l’autre ?

Pauvre France. Pauvres Français.

Le journalisme, ce truc génial, mais…

Chercher à comprendre le monde, et le raconter est… passionnant. C’est le fondement du journalisme. Raconter le monde.

Mais que se passe-t-il quand le monde devient totalement flou, incohérent, contradictoire, mensonger, corrompu, et rentre dans une sorte de folie froide et belliqueuse ? Il se retourne contre celui qui tente de le décrire, de le comprendre. Il devient un ennemi. A fuir.

Je n’ai pas toujours été journaliste. Même si j’en ai fait longtemps sans le savoir. Et arrivé à un certain âge, grâce entre autres à la rencontre avec les fondateurs de Reflets, cette activité professionnelle m’a beaucoup enrichi. Pas pécuniairement, loin s’en faut, puisque gagner sa vie comme informaticien est largement plus confortable que de détenir une carte de presse et parvenir à la « gagner » décemment, cette vie.

L’enrichissement que procure le journalisme est humain : échanges, rencontres, partages : cette profession force (normalement) à se frayer un chemin à travers les méandres du monde des hommes et des femmes. Mais il arrive un moment où vous doutez. De votre capacité. De celle des autres. Du sens.

Le journalisme devient alors un parent pauvre de la distraction de masse que les sociétés modernes ont érigé en modèle collectif. A quoi bon participer à cette vaste mascarade où au final, chacun ne fait qu’une seule chose : se distraire pour oublier le triste sort réservé à la société humaine dans laquelle il est plongé ?

Contrer la dystopie…

Le plus troublant aujourd’hui est certainement l’émergence d’une dystopie concrète et durable. L’une des formes de contre-utopie sociétale décrite dans de nombreux ouvrage d’anticipation du XXème siècle s’est installée. Doucement, sans beaucoup de bruit, par étapes successives en prenant son temps. Les technologies y sont centrales : nano-technologies, miniaturisation informatique, déploiement massif des réseaux, accroissement des capacités de calculs et de stockage… Toutes ces avancées technologiques sont les piliers de la société totalitaire du contrôle et de l’asservissement des masses qui a débuté, et se déploie sous nos regards… blasés

Le procès intenté par le groupe Boloré à Bastamag, Rue 89 et quatre blogueurs est symptomatique de la dystopie actuelle : une multinationale —qui a déjà fait condamner une chaîne de service public, France Inter et son journaliste reporter pour un sujet dénonçant ses exactions en Afrique — pense pouvoir empêcher la presse d’enquêter sur ses activités, et ainsi museler toute contestation à son égard. Une multinationale porte plainte contre un journal en ligne pour « diffamation » ? Fait taire, grâce à la justice, des journalistes qui font leur métier ? L’heure est grave. Non ? Si ? On s’en fout ? On s’en fout… Il y a quand même la défense des accents circonflexes et l’intitulé du nouveau ministère de la Famille qui sont des sujets plus importants, n’est-ce pas ?

par l’utopie concrète…?

Les puissances du capital ont engagé un bras de fer avec les populations de l’ensemble de la planète depuis un certain temps. Leur victoire est à peu près totale. Le rêve marchand que ces puissances ont longtemps promu — est devenu réalité. Ce rêve est un cauchemar pour les quelques « humanistes utopiques » encore debout.

La seule issue pour contrer cette dystopie techno-marchande désormais en place, est de créer son double opposé : l’utopie humaniste concrète. Ce que les dizaines de commentaires écrits à la suite de l’article de Kitetoa semblent confirmer. Il faut faire, ensemble, concrètement. Se réunir. Créer des structures de contre-utopie. Monter des entreprises non-marchandes, à vocation humaniste, de partage, d’échange. Reprendre le pouvoir dans le monde réel. Pour « mettre une grande claque aux mauvaises odeurs » comme le disait une publicité déjà fort ancienne. La publicité, c’est central, n’est-ce pas ?

Ce billet étant écrit, il est temps pour moi de me remettre quand même en selle. Parce que, de toute manière, j’ai à faire, nous avons à faire. Et à écrire aussi. Et tant pis si c’est vain. Longue vie à Reflets. De toute manière,  on aura essayé, et c’est déjà ça…

Source: https://reflets.info/de-lecoeurement-du-journalisme-et-de-la-vie-en-general/


Cosse au gouvernement : le grand bluff NDDL

Friday 12 February 2016 at 12:21

cosse-nddlNon, il n’y a donc eu aucun « marchandage » à l’entrée de l’ex-leader des Verts, Emmanuelle Cosse, au gouvernement. Elle l’a dit ce matin sur France Inter. Le Canard enchaîné se serait donc fait enfumer, puisque dans son édition de mercredi, on pouvait lire que Cosse aurait donné ses « conditions » à son débauchage, et la première était clairement mentionnée : « l’enterrement du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ». Et voilà maintenant qu’il est question d’organiser une « consultation locale » sur cet aéroport, un référendum dont personne ne sait quels en seront les périmètres, c’est à dire le corps électoral – local, départemental, régional, voire national ? Faudra-t-il être inscrit sur les listes électorales (mais lesquelles ?) pour avoir le « droit » de se « prononcer »?  Et quelle question poser ?

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Emmanuelle Cosse avait réellement l’occasion de « marchander » son maroquin. Ç’eut été d’ailleurs un moyen de dire non à la propale tordue de Hollande : tu ne peux pas me promettre d’enterrer NDDL ? Et bien je dit non au ministère. Mais voilà, elle le voulait son ministère – le même que celui qu’occupait son ex-pote d’ELLV Cécile Duflot, qui se terminera donc à peu près de la même manière. Cosse sait très bien que le marchandage est la principale compétence demandée à tous les boutiquiers de la politique. Or, un projet d’aménagement comme cet aéroport à 600 millions (sur le papier, car ce sera le double ou le triple après coup) est un choix politique, et c’est à l’État de l’imposer ou de l’enterrer. Si maintenant on lance des référendums pour savoir si on enterre ou pas, pourquoi n’organise-t-on pas de « consultation citoyenne » avant de lancer n’importe quel projet de bétonnage ? Si la population avait un quelconque pouvoir de décision en la matière, ça se saurait. Prétendre que le déménagement des espèces naturelles et des habitants est une question de « démocratie locale » (c’est le terme employé par Cosse ce matin), qui se règle par référendum, est une escroquerie de plus. L’État « aménage » en consultant, certes, mais d’abord les syndicats patronaux et les géants du BTP, pas en se préoccupant de l’avis des gens qui vivent dans les espaces de vie qui seront ainsi « aménagés ».

Emmanuelle Cosse feint aujourd’hui de considérer cette condition référendaire comme honorable. Elle évoque même la Commission national du débat public comme l’organe qui pourra trancher la question du périmètre de cette consultation. Alors qu’elle sait bien, et son parti l’a même dit ou écrit sur d’autres dossiers, que la CNDP est une grosse machine de diversion conçue pour édulcorer les « débats » et faire avaler la pilule aux populations qui ne comprennent rien aux « enjeux économiques ».

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Ce dossier est précisément le symbole d’arguments économiques fallacieux. La manière dont l’État, et la direction de l’aviation civile (DGAC), ont manipulé les chiffres sur la supposée rentabilité économique de cet aéroport saute aux yeux. Les derniers éléments mis en exergue par les opposants, cf ce papier de Reporterre, sont assez parlants pour ne pas avoir à avaler les balivernes sur « l’emploi », « le développement », « la modernité » et tout le reste.

DSC00331Dans le bocage nantais, pendant ce temps, on s’organise pour résister aux bétonneurs et au monde qui va avec. Ce n’est plus une question d’aménagement du territoire et encore moins de transport aérien. Les « pro » aéroports, emmenés par le nouveau président de la région Pays-de-la-Loire, le sénateur de Vendée Bruno Retailleau (LR), ont tout misé sur ce genre de projets mégalomanes pour se faire élire et réélire. Comme les élus de « gauche », Jean-Marc Ayrault en tête – lui aussi membre de ce nouveau gouvernement, elle va se sentir bien entourée Emmanuelle Cosse ! – tout ce petit monde converti de longue date aux joies de l’emploi « durable » et à la sacro-sainte « croissance » (du PIB, pas du bien-être), a tout misé sur cet aéroport pour faire miroiter des jobs (au rabais) et donner à manger aux actionnaires de Vinci, le groupe choisi pour bétonner l’endroit mais aussi pour exploiter la future galerie marchande géante qui poussera sur le tarmac.

Ce qui fait royalement chier les « pro », dans cette affaire NDDL, c’est que la zone à défendre est devenue un terrain d’expériences de vie qui démontre bien qu’on peut se passer des règles du marché pour occuper l’espace (lire les nombreuses brochures qui en font état, comme « Construire la ZAD » par exemple).

petition-9020dRetailleau, dès son élection à la tête de l’exécutif régional, a lancé une campagne de masse (à 60.000€ !) pour « évacuer la ZAD » en réclamant qu’elle le soit par la force et avec le concours servile de la presse locale (qui, pour une fois, n’a pas mangé le morceau). La « pétition » qu’il a organisé pour feindre un soutien de la population était bidon, et les zadistes l’ont bien démontré, s’il était utile, en piratant joyeusement le site de la région pour mettre à jour la mascarade.

Un clin d’œil pour finir. Emmanuelle Cosse a bien insisté ce matin pour dire qu’elle avait « insisté » pour que son ministère soit celui du « Logement et de l’habitat durable ». Nul doute qu’il ne s’agit pas d’habitat naturel ou de biodiversité, car la zone humide de NDDL, unique en Europe*, sera bien rayée « durablement » de la carte si ce projet voit le jour. Non, l’habitat durable me fait penser à la novlangue technocratique popularisée par ce cher George Orwell. Et pour une ancienne membre du jury des Big Brother Awards – quand elle était présidente d’Act Up Paris, au début des années 2000 – ce sobriquet résonne comme un ultime grincement.

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Images: 1. AFP (visite d’E. Cosse à NDDL suite au verdict exigeant l’expulsion des habitant.e.s historiques de la zad). 2. Occupation de la rocade nantaise le 9 janvier par plus de 400 tracteurs et 20.000 manifestants (cf ce compte-rendu ou celui-ci). 3. Manif de soutien du samedi 16 janvier à Paris (nddl-idf.fr). 4. Sur la zad (dr). 5. zad.nadir.org.

* A écouter, un documentaire audio sur une visite du bocage en compagnie du collectif des Naturalistes en lutte, le 31 janvier lors d’un week-end de chantiers collectifs.

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Source: https://reflets.info/cosse-bluff-nddl/


Désolé, on a déjà vu le film (alerte : spoiler)

Monday 8 February 2016 at 19:52

spoiler-alertMais où est donc Reflets en pleine discussion sur la constitutionnalisation de l’état d’urgence, sur la déchéance de la nationalité, sur les énièmes projets de loi liberticides ? Où sont donc les articles ? Nous n’avons bien entendu pas perdu notre penchant naturel à l’indignation mais voyez-vous, nous avons déjà vu le film. L’ère George Bush, l’ère Nicolas Sarkozy, ne sont pas si lointaines. Nous savons où nous allons, nous savons sur quel mur s’écraseront les combats légitimes des amis militants. Nous savons le temps qu’il faudra pour sortir de ce cycle infernal, si l’on en sort un jour. A quoi bon discuter ?

Remontez le temps et vous verrez que les Etats-Unis ont réussi, sous George Bush a légaliser la torture, à déclencher des guerres préventives (c’est à dire contre des Etats qui ne leur avaient rien fait et ne les menaçaient pas), ont pu enlever des gens un peu partout dans le monde et les livrer à des dictateurs pour des séances de torture sérieuse, ont pu ouvrir un camp de détention hors cadre judiciaire (en gros un camp de concentration) sans que personne ne s’en émeuve plus que cela au plan international. Ce n’est pas tout, pour déclencher leur guerre préventive contre l’Irak, les Etats-Unis ont menti publiquement et ouvertement à tous leurs partenaires internationaux. Et… Et rien…

Alors un petit gouvernement dirigé par un petit homme en colère, avide de pouvoir comme peu d’autres politiques… Que pouvait-on attendre ? Et d’un peuple qui s’enflamme pour un accent circonflexe mais fait abstraction de toutes les libertés individuelles qu’on lui enlève, les unes après les autres ?

La fin du film est connue. Nous allons vers une société panoptique qui ne sera pas utile pour assurer ce qu’elle vend comme excuse à sa mise en place : la sécurité. En revanche, et le mécanisme est connu, l’autocensure, l’abrutissement des esprits, le renforcement du conformisme, tout cela est en route, merci.

Aucun combat, aucun article ne freineront le processus en marche, déclenché par François Hollande et Manuel Valls, dans la continuité de Nicolas Sarkozy. Ils ont le pouvoir de le faire, des représentants du peuple aux ordres, une mauvaise foi à toute épreuve et absolument aucune peur des conséquences de leurs actes.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut ni mener ces combats, ni écrire ces articles. Heureusement, certains le font. Ils contribuent à l’équilibre de l’univers (le yin et le yang). Mais nous, ou en tout cas votre serviteur… Nous avons déjà beaucoup donné par le passé. Et nous avons vu la fin du film. Nos articles, nos actions n’ont pas changé grand chose. Pourtant, nous avons payé un certain prix pour avoir affiché nos opinions, révélé certaines informations.

A quoi bon ?

Peut-être pour la saison 4 ?

Et vous, vous en pensez quoi ?

Source: https://reflets.info/desole-on-a-deja-vu-le-film-alerte-spoiler/


L’article qui cyberterrorisait tout Internet

Thursday 4 February 2016 at 16:21

Nous savions que c’était dans les bacs, et le voici, maintenant adopté par le Sénat. Alors que dans le même temps, le Figaro évoque le fait que 95% des cas de radicalisation sont le fruit de rencontres bien physiques, c’est une fois de plus Internet que l’on stigmatise.
L’Article 10 de la énième loi antiterroriste vient donc consacrer la pénalisation de la consultation de sites web « terroristes »… au sens large. Car souvenez vous, le sens large, c’est celui adopté dans l’article 421-1 de la loi du 14 mars 2011 dont vous vous souvenez probablement plus du petit nom, la LOPPSI 2.

Article 421-1
Modifié par LOI n°2011-266 du 14 mars 2011 – art. 18
Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;
2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ;
3° Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17 et les infractions définies par les articles 434-6 et 441-2 à 441-5 ;
4° Les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par le I de l’article L. 1333-9, les articles L. 1333-11 et L. 1333-13-2, le II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4, les articles L. 1333-13-6, L. 2339-2, L. 2339-5, L. 2339-8 et L. 2339-9 à l’exception des armes de la 6e catégorie, L. 2339-14, L. 2339-16, L. 2341-1, L. 2341-4, L. 2341-5, L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2353-4, le 1° de l’article L. 2353-5 et l’article L. 2353-13 du code de la défense ;
5° Le recel du produit de l’une des infractions prévues aux 1° à 4° ci-dessus ;
6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;
7° Les délits d’initié prévus à l’article L. 465-1 du code monétaire et financier.

Et ce n’était qu’un début. Parce qu’une fois que la notion de terrorisme est aussi bien établie pour des atteintes à la vie que pour des délits financiers, en passant par de la détérioration de biens ou les infractions relatives aux mouvements dissous par arrêté, il était crucial d’introduire un peu de cyber dans tout ça, histoire de « moderniser » la loi.

On ne dérive plus, on cybersombre.

Il a donc le principe général, qui pose les bases en s’appuyant sur une définition la plus large possible du terrorisme. Assez pour qu’on s’en garde un peu sous le pied afin de réprimer toute personne visitant une page web de ce que quelqu’un a qualifié ou voudra qualifier de terroriste un jour ou l’autre.

Traduit en termes cyber, ça nous donne ceci :

« Art. 421-2-5-1. – Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. »

Les mots ont leur importance car ici, il n’est pas fait mention de sites web sur lesquels on trouverait trace de délits objectivement définissables comme « l’appel au meurtre » par ailleurs déjà réprimé par les articles 222-17 et 222-18 du code pénal

Le législateur ouvre donc la possibilité de réprimer bien plus durement, mais surtout, bien plus largement. Un « acte terroriste » n’étant pas forcément un acte entraînant la mort, on imagine assez aisément qu’on est toujours le terroriste d’un autre.
La notion « d’organisation terroriste », qui trouvait déjà un pendant légal dans la notion de « bande organisée », viendra parfaire le décor.

Exemple de la vie quotidienne : le menu de navigation de Windows Vista est un attentat à l’ergonomie qui terrorise les utilisateurs, donc Microsoft est une organisation terroriste, donc visiter le site web de Microsoft est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende… et si en plus vous faites une mise à jour, vous voilà passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

L’exception qui marque une régression

« Le présent article n’est pas applicable lorsque la consultation résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice. »

« profession ayant pour objet d’informer le public » tout le monde aura compris que l’on parle de journaliste PROFESSIONNEL.
Sont également exemptés les chercheurs (dont c’est l’objet d’étudier le « terrorisme ») et les experts judiciaires.

La cerise sur le gâteau est une pastèque

Et la petite cerise qui criminalise de manière brutale à peu près tout ce qu’elle peut ou veut qualifier de terroriste :

« Art. 421-2-5-2. – Le fait d’extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l’apologie publique d’actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes afin d’entraver, en connaissance de cause, l’efficacité des procédures prévues à l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et à l’article 706-23 du code de procédure pénale est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. »

Si vous n’avez pas bien compris le message… si vous souhaitez créer un site miroir de Copwatch, de Wikileaks, d’un blog de ZADiste ou de bérets rouges c’est 5 ans et 75 000 euros d’amende.

Quoi ? Tu es « anonymous » et tu consultes Anonops ? … toi tu vas avoir des problèmes…

Source: https://reflets.info/larticle-qui-cyberterrorisait-tout-internet/


Orange, Internet et la vision de ses dirigeants…

Monday 25 January 2016 at 14:31

cyberdefenseOrangeUn tweet de @bortzmeyer a attiré notre attention ce matin. Présent au FIC, le légendaire taliban du DNS tenait informé ses terroristes de followers des dernières déclarations des participants au forum de la sécurité de Lille. Surprise, le patron d’Orange faisait une sortie dont seuls les grands capitaines d’industrie ont le secret : « Orange a inventé la notion de cyberdéfense en France, à un moment où personne n’en parlait« . Stéphane Richard participe ainsi assez logiquement à la construction de la légende d’Orange. Le storytelling dans le marketing, est quelque chose de très important. On raconte une histoire, vraie ou fausse, peu importe, l’idée étant qu’elle soit « belle ». Ce n’est pas la première fois qu’Orange nous fait le coup. Mais là, désolé, trop gros, passera pas… Parce que en matière d’innovation, de précurseurs… Orange… Comment dire…?

Remontons dans le temps si vous le voulez bien. Au tout début du Web en France. Orange, qui s’appelle encore France Telecom tient une conférence de presse. Comme c’est l’usage, après les déclarations publiques, les membres de France Telecom discutent à battons rompus avec les journalistes en petits groupes. L’un des salariés du groupe est Jean-Jacques Damlamian (que l’on retrouvera plus tard dans la saga Qosmos). Et que dit-il aux quelques journalistes avec qui il discute ? Simplement, qu’Internet est un truc sans grand avenir, d’autant plus que France Telecom fera tout pour freiner son développement au pays des mille fromages, qui lui, justement, en a un beau de fromage : le Minitel (et le « Kiosque Micro » mais qui se souvient de ça ?).

En mars 2000, Kitetoa.com rendait compte de cet épisode peu glorieux pour celui qui était entre-temps devenu directeur du développement de l’opérateur historique. Car il y avait alors une actualité. France Telecom lançait un énième slogan issu d’une cogitation comme seuls les hommes et les femmes de marketing savent en produire. France Telecom, après s’être baptisée « Net Company » (si, si), proposait « Bienvenue dans la vie.com ».

Déconstruction du Storytelling

Las… Au même moment, la Cour des Comptes pondait un rapport sur France Telecom qui déconstruisait tout ce beau storytelling. Extraits :

France Telecom a développé depuis 1995 une offre de services en ligne pour les particuliers en protocole de transmission Internet appelé mode IP (Internet Protocol).

(..)

Même si les décisions essentielles ont été prises en 1995, Internet n’a été une véritable priorité pour France Telecom que depuis l’exercice 1998. cette priorité n’a été clairement affirmée qu’à la fin de 1997 dans la lettre de cadrage budgétaire du président de France Telecom. Dans une première phase, France Telecom, comme beaucoup d’opérateurs de télécommunications, n’a pas cru au succès d’Internet. Ce temps d’incrédulité a duré jusqu’en septembre 1995, soit beaucoup plus longtemps que chez les autres opérateurs. […] Pourtant, sa tentative d’implantation du Minitel aux Etats-Unis au début des années 1990, aurait dû, dès 1993, aider France Telecom à prêter une attention soutenue et informée au phénomène Internet.

(..)

L’entrée de France Telecom sur le marché de l’Internet grand public, décidée en septembre 1995, ne s’est néanmoins pas accompagnée de décisions cohérentes avec ce choix.

L’infrastructure de transport n’a pas été adaptée comme il aurait convenu. Le réseau de transport de données n’était pas préparé à absorber une utilisation massive de données en protocole Internet. Le coeur du réseau à haut débit s’est révélé sous-dimensionné au début 1996, alors que Wanadoo n’était pas encore commercialement ouvert, du fait d’une forte demande des entreprises pour des services en ligne. Le lancement de Wanadoo s’est opéré sur une infrastructure surchargée et mal adaptée au transport de données sur Internet.

De même, le nombre d’accès en mode Internet au réseau de transport de données s’est révélé rapidement insuffisant pour permettre une bonne qualité de service. Cette situation a beaucoup nui à la qualité de l’Internet grand public en France. Tous les fournisseurs d’accès à Internet et  non pas seulement le nouveau service  de France Telecom furent ainsi pénalisés.

Bienvenue dans un réseau IP de France Telecom.com

Oh, depuis, l’opérateur s’est rattrapé. Il y a même du DPI en coeur de réseau. Mais de là à dire qu’il comprend les tenants et les aboutissants de ce réseau…

La preuve ? Si Stéphane Richard voulait montrer qu’Orange est à la pointe en matière d’Internet, il aurait parlé de vidéos et de GIFs animés de chats au FIC, pas de cyberdéfense.

Allez, les gens du marketing, fire the cannons ! Envoyez (encore) du lourd…

Source: https://reflets.info/orange-internet-et-la-vision-de-ses-dirigeants/


Le FIC manque quand même un peu d’humour

Sunday 24 January 2016 at 14:43

rainbowhatLe Forum International de Cybersécurité se tient les 25 et 26 janvier à Lille. Il s’agit d’un très bel évenement où se donnent rendez-vous une bonne partie de l’écosystème de la sécurité informatique. Et quand on parle de sécurité informatique, on y inclu au FIC les forces de l’ordre, les professionnels et les amateurs. Cette mixité a fait du FIC au fil des éditions un espace d’échange et de rencontre assez hors du commun, largement salué par l’ensemble de la communauté.

Le FIC lieu d’échange, symbole d’ouverture ce n’est pas que sur la plaquette de l’avis de nombreux participants. Mais quand une jeune startup met le doigt sur une faille de sécurité du site web du FIC, on a quand même l’impression que ce petit monde de la sécurité est ancré à ses vieux démons. 01Net a relaté l’histoire de Cesar Security, cette jeune startup qui a épinglé le site du FIC, contacté les responsable de ce site, avant de se retrouver en garde à vue avec son matériel saisi.

Niveau calendrier, cette affaire ne pouvait pas plus mal tomber, juste après l’adoption à l’assemblée nationale d’un amendement visant à exempter de peine (et non de poursuite, de garde à vue, ni même de condamnation) les personnes qui remonteraient des failles de sécurité.

En l’état, même si c’est un bon début, cet amendement est loin d’être satisfaisant. Déjà parce qu’on peut estimer qu’on a autre chose à faire que de la garde à vue quand on est chercheur et qu’on trouve. D’autre part parce que ça coûte vite cher en matériel (nous pourrions épiloguer longtemps sur la restitution de matériel saisi… mais on vous fera comprendre qu’il vaut mieux tirer un trait dessus), et surtout, qui dit poursuite dit frais de défense.

Remonter une vulnérabilité, avec cet amendement ou non, ça coûte donc plusieurs milliers d’euros, même si vous êtes dispensés d’amende.

Mais pour en revenir à l’affaire Cesar Security, nous sommes très surpris chez Reflets de cette réaction des organisateurs du FIC attendu que le FIC est quand même l’évènement qui concentre des sociétés qui s’adonnent aux mêmes pratiques que cette jeune startup.

Souvenez vous, nous étions en janvier 2014. Nos amis d’iTrust avaient jugé bon de lancer un audit sauvage sur Reflets.info et de nous envoyer un rapport d’audit en nous « conseillant vivement de corriger ». Le hic, c’était qu’iTrust n’était pas bien intime avec le versionning des packages Debian et se laissait abuser par les faux positifs remontés par son outil. L’affaire nous avait surtout beaucoup amusé et elle est pourtant très similaire (les vulnérabilités réelles et sérieuses en moins). Reflets aurait tout à fait pu, comme le FIC, porter plainte contre l’un des intervenants majeurs (enfin il parait) de cet évènement, pour les mêmes motifs qui ont motivé le FIC à porter plainte contre Cesar Security. Ça aurait fait un peu tâche quand même non ?

Bref, nous regrettons que le FIC manque d’humour et de recul à l’égard de cette jeune société, car même sans connaitre en détail le fond de l’histoire, le FIC porte ici plainte au motif d’une pratique dramatiquement banale de ce petit écosystème, et surtout, envoi un mauvais signal à une période où nous aurions tous à gagner à échanger de manière sereine et ouverte.

Source: https://reflets.info/le-fic-manque-quand-meme-un-peu-dhumour/


Face à la prise en otage du monde, hackons nos existences

Sunday 24 January 2016 at 11:58

hackerdef

Photo : @epimae (CC-BY-NC-SA 3.0 fr)

La période que nous vivons est difficile, perturbante. D’un point de vue collectif, et individuel. Chacun ou presque tente de trouver une issue aux énormes défis qui se dressent devant la société française : écroulement économique, destruction sociale, marchandisation et mort de la culture, extinction des principes du vivre-ensemble universels, agonie du politique. Mon regard s’est posé sur un petit ouvrage en rangeant une bibliothèque nouvellement construite, celui de Stéphane Hessel : « Indignez-vous ! ». Il est est sorti cette tribune, bouteille jetée dans la mer de confusion qui prédomine aujourd’hui. Rien d’autre que des constats et des issues, parfaitement envisageables, pour tous ceux qui ont encore envie de fabriquer un monde humainement acceptable.

Indignez-vous ! : le cri d’un vieux monsieur dépassé

Stéphane Hessel analysait le monde dans son ouvrage « Indignez-vous ! » à l’aune de sa longue expérience débutée dans la première moitié du XXème siècle. La seconde guerre mondiale était un moment crucial, formateur et constitutif d’une voie de lutte pour sortir d’un état sociétal et politique mortifère. Hessel a participé à sortir sa société humaine de l’ornière dans laquelle elle était enfoncée, a lutté, et aidé à construire le monde d’après, celui de la sécurité sociale, des retraites par répartitions, des Droits universels. 60 ans après, Stéphane Hessel portait un regard sur le monde libéral, celui qui opprime la majorité des êtres humains. Un regard un peu lointain et pessimiste. Hessel, au final, proposait l’indignation comme remède collectif.

Les indignés espagnols ont été inspirés, en 2011, par l’ouvrage de Stéphane Hessel qui fut pour beaucoup à la base de leur mouvement. L’indignation collective espagnole a été une très belle expérience, pleine d’espoir. Puis elle s’est écrasée sur le mur de la puissance étatique, bancaire, entrepreneuriale, politique, et n’a pu que renaître, quelques années après sous la forme établi, connue du parti politique. Podemos. Un parti d’indignés, des indignés plutôt policés, qui tentent de jouer le jeu des dirigeants en costard-cravate-tailleur en s’habillant avec des chemises ouvertes et des jeans délavés. Tout ça est très courageux, intéressant, mais ne mènera nulle part. L’indignation ne mènera nulle part. L’analyse de Stéphane Hessel était simplement celle d’un vieux monsieur dépassé par le monde du XXIème siècle, un monde bien plus torturé, complexe, rapide, multiforme, vicieux et politiquement totalitaire que ne l’était celui de sa jeunesse.

Où est le contrôle, où est et le pouvoir ?

L’indignation est une forme de reconnaissance du pouvoir établi. S’indigner ne mène nulle part, et n‘a aucune chance d’améliorer quoi que ce soit sur la planète, au contraire. Plus les individus s’indignent, plus leur énergie est détournée de l’action concrète, de la fabrication, de la construction. Résister, avec un ennemi oppresseur connu et localisé, a une valeur, ce qui fut le cas lors de la seconde guerre mondiale. Au XXIè siècle, l’indignation est une voie d’extinction des bonnes volontés. En électronique, une résistance sert à empêcher un trop plein d’énergie électrique de passer, elle affaiblit le courant qui la traverse.

Résister, en s’indignant, en luttant, est le meilleur moyen d’être sous contrôle, de démontrer que le pouvoir est aux mains de ceux qui prétendent le détenir. Dans un monde ultra-technologique, pris dans les serres de puissances financières colossales, aux visages anonymes, la lutte est toujours écrasée, la résistance anéantie ou récupérée.

La dictature managériale est dans les têtes

Le fonctionnement imposé au monde est nommé libéral, ou néo-libéral, voire ultra-libéral, et il n’est pas une simple application d’une théorie politico-économique ayant pour but de faire [mieux] fonctionner les sociétés. Parler du libéralisme n’est pas parler de « libertés », mais d’une voie de gouvernance et au delà, d’une forme de philosophie de la vie, de « gestion des existences ». La pensée néo-libérale a écrasé le monde, et réussi un tour de force, celui de changer les mentalités, pour au final, les gouverner. Le néo-libéralisme fonctionne uniquement parce que les populations pensent leurs propres existences en termes néo-libéraux.

Efficacité, optimisation, gestion, management, comptabilité, utilité, organisation, processus, rapidité, gains, performance, profits, capacités, évaluations : tous ces concepts ont recouvert le monde. Pas seulement celui de l’entreprise, comme ce fut le cas, dans une mesure plus limitée il y a quelques décennies, mais celui de la vie des individus. Dans leur « fonctionnement familial », leurs loisirs, leurs échanges sociaux, leur vision de la société. Le culte de l’efficacité, de l’optimisation et du profit s’est répandu dans les esprits : chacun, ou presque est une petite entreprise néo-libérale qui essaye d’optimiser sa gestion quotidienne de la vie. On gère ses enfants. On améliore son quotidien. On optimise son temps de travail. On organise sa vie. On profite de ses temps libres…

Hacker nos existences : reprendre le pouvoir

Le seul pouvoir réel des individus qui veulent un autre monde, plus juste, moins violent, plus harmonieux, plus apaisé, plus équilibré, etc, est celui de créer ce monde à leur propre échelle. Cette possibilité de reprendre le pouvoir n’est pas une simple vue de l’esprit, elle est parfaitement concrète. Mais elle demande de modifier profondément notre rapport au dit monde, et à notre existence. C’est un hack. Et  le hacking étant ce qu’il est, il est nécessaire de scruter notre propre fonctionnement, afin de le comprendre, le démonter, puis le modifier pour qu’il fasse « autre chose » . C’est cet « autre chose » qui devient le hack de notre existence. Un autre fonctionnement implique une autre mentalité, une autre façon de faire. Parce qu’un hack c’est du « faire », pas du « dire ». Ce n’est pas résister ou s’indigner, c’est fabriquer. Et avec toute fabrication, il y a du sens. Le hacking fabrique aussi du sens.

Hacker nos existences signifie donc faire autrement dans une société qui ne fonctionne que d’une seule manière, celle du « libéralisme » appliqué à tous. Le pouvoir que nous en retirons est évident, il permet de faire — au quotidien — un maximum de choses indépendamment, le plus possible, du système en place (quel qu’il soit : système de pensée, politique, économique), par soi-même le plus souvent, sans payer des intermédiaires ou des instances supérieures.

Il est ainsi possible, à sa propre échelle individuelle, au départ, d’exister autrement dans la société. Se ré-emparer de l’énergie, de son habitation, de l’éducation (surtout de la relation à ses enfants), de se nourrir, de s’activer ou de ne pas s’activer, de réfléchir, de dormir, prendre du plaisir, vaquer, cultiver, se déplacer, échanger…

Comment penser changer le monde, l’améliorer, en laissant un téléviseur expliquer le monde à ses enfants ? Comment vouloir se libérer des multinationales en leur donnant en permanence la plupart de ses rentrées d’argent ? Comment vouloir un monde d’échanges et de partages en passant le plus clair de son temps à regarder des écrans et à ne pas rencontrer des gens physiquement et ne pas faire des choses avec eux, physiquement ?

Hacker nos vies, pour hacker la société, dans un sens positif, passe par un changement personnel, quotidien, concret, puis par la rencontre avec d’autres hackers quotidiens pour faire… [toujours] ensemble.

Ainsi, est-il possible de créer son propre réseau de communication et d’accès à Internet, d’ouvrir des lieux d’échanges, de savoirs, de savoirs-faire, de créer son énergie, son habitat, de produire sa nourriture, d’en produire à plusieurs : vivre, quoi…

Source: https://reflets.info/face-a-la-prise-en-otage-du-monde-hackons-nos-existences/