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La fin du monopole de la richesse (ou comment un peu mieux comprendre l’état du monde)

Sunday 13 October 2013 at 18:09

20 ans après la sortie de cet ouvrage un constat troublant vient immédiatement à l’esprit : comment Farlan Carré, son auteur, a-t-il pu analyser avec autant de précision et de justesse l’état du monde actuel ?

Farlan

« La fin du monopole de la richesse — La civilisation européenne face au monde : entente ou conflits sans fin ? » est une lecture essentielle pour qui veut prendre du recul dans sa compréhension globale du monde actuel. Cet ouvrage est en quelque sorte un manuel de macro-histoire, macro-économie, macro-sociologie qui parvient en moins de deux cent pages à remonter le cours de l’évolution des différentes civilisations, dont plus particulièrement la civilisation européenne, pour envisager la suite de l’aventure humaine à l’échelle planétaire. Prétentieux ? Cela pourrait l’être, si celui qui effectuait l’analyse n’avait annoncé dans cet ouvrage toutes les grandes crises des vingt dernières années. Crise économique asiatique de 1997, « guerre des civilisations » américaine, grande crise financière et économique de 2008 dans laquelle nous sommes encore empêtrés, crise écologique et…fin potentielle du système capitaliste.

Machine à remonter le temps

De l’antiquité à la révolution industrielle, débutée en Angleterre, le fonctionnement de la civilisation européenne (instigatrice du système capitaliste, moteur de changements humains massifs et uniques à l’échelle planétaire), est dépecé méthodiquement dans ses grandes largeurs : rôle de la science, des religions, de la spiritualité, de la démographie, du développement agricole, des échanges, des techniques et des technologies, rien n’échappe à l’analyse de Farlan Carré. Cette plongée dans l’histoire, les conséquences directes et indirectes des choix des sociétés humaines sur leur évolution ont une unique préoccupation, qui avec l’éclairage de 2013, s’avère passionnante : savoir comment la civilisation européenne, capitaliste et purement matérialiste, peut s’écrouler…ou pas. Si en 1993, « la fin du monopole de la richesse » pouvait faire sourire les supporters du système néo-libéral mondialisé, chantres des théories économiques néo-classique — et balayer toutes les prévisions contenues dans cet essai — il n’en est plus rien aujourd’hui.

Questionnements d’actualité

Farlan Carré amène de nombreux questionnements sur les grands tournants qui ont accéléré le changement du monde. Des techniques agricoles sont restées au même stade plus de 1000 ans en Europe, des systèmes d’imprimerie existaient en Chine 1500 ans avant Gutemberg, les machines à vapeur sont une invention antique : si la population occidentale se met à croître, que le bien-être matériel se développe à partir du XVIIIème siècle, c’est avant tout par l’éviction de la croyance religieuse au profit de la « philosophie matérialiste ». Ce bien-être matériel qui découle de la révolution industrielle devient à partir du XXème siècle une course effrénée sans limites, et l’auteur en vient à des questions qui, si elles pouvaient encore passer pour étranges en 1993, sont totalement d’actualité en 2013 :

(…)Pouvons-nous réellement augmenter indéfiniment le bien-être matériel sans détruire notre milieu naturel ? Souhaitons-nous réellement vivre sans idéal, sans risque, sans rêve, sans défis à surmonter ? Et s’il n’y a rien au delà de ce monde, comment convaincre les riches, les forts, les intelligents, de ne pas abuser de leurs avantages ? (…)

L’opulence, jusqu’où ?

C’est au sein de ce paragraphe de « la fin du monopole de la richesse » que l’auteur prévoit, avec 20 ans d’avance,  la situation occidentale actuelle :

(…) Sur le chemin du progrès matériel, une première série de difficultés ne va pas manquer de bientôt apparaître pour les pays riches, quand ils constateront que « l’univers minimal » qui les entoure ne croît pas aussi vite qu’ils le souhaiteraient (…)Le long délai qui sera nécessaire pour que la majorité des pays du Tiers Monde accèdent à l’affluence signifie que les pays riches risquent bien, en attendant, de voir leurs taux de croissance s’évanouir ou devenir très faibles — de l’ordre de 0,5% par personne et par an — pendant de longues décennies. (…) »

Pour l’auteur, la seule solution permettant d’éviter le déclin et la tentation militaire qui y est immanquablement reliée, est la création d’une Fédération des Nations Unies :

(…)Il serait donc illusoire de penser que la civilisation européenne restera à l’avenir la principale force motrice de l’ordre mondial. (…) Au cas contraire où les pays de civilisation européenne se laisseraient aller à leur désir de continuer à dominer par la force, il me paraît peu douteux qu’ils se condamneraient eux-mêmes à une décadence irrémédiable, analogue à celle de l’Empire romain. Et il se passerait sans doute longtemps avant que de nouvelles civilisations puissent reprendre le flambeau. Il vaudrait certes mieux, pour la civilisation européenne comme pour les autres, éviter la politique du pire, dans la mesure où cela est possible, en commençant à organiser dans un proche avenir la collaboration des civilisations.(…) C’est à quoi correspond l’idée, suggérée dans cet essai, d’une Fédération des Civilisations Unies — idée peut-être utopique, et néanmoins nécessaire, du moins si l’on veut éviter les affrontements violents entre les civilisations et entre les peuples.(…)

En guise de conclusion

Il faut lire « La fin du monopole de la richesse » de Farlan Carré, avec lenteur, pour mieux déguster la qualité d’analyse impressionnante que cet essai restitue. Il y a peut-être de la naïveté dans les solutions préconisées par son auteur pour sortir du « grand vide moderne » dans lequel nous sommes plongés, mais comment ne pas adhérer avec celles-ci ? Un dernier extrait en guise de conclusion, extrait que nos dirigeants, mais aussi les citoyens, de plus en plus convaincus par le repli sur soi, pourraient méditer :

(…)Seule la reconnaissance de la diversité des civilisations, des religions et des cultures permettrait un dialogue de grande ampleur et, progressivement, une harmonisation des politiques des ressources naturelles, de l’économie, du développement des régions pauvres, et de l’environnement naturel.(…) Il s’agit en fait d’inventer de nouvelles institutions, de nouvelles méthodes de travail et de coopération, de nouvelles manières d’informer et de décider. On ne peut guère imaginer à l’avance les formes que prendront ces nouvelles activités, mais on peut se tenir prêt à les promouvoir. Avec Confucius, retenons que celui qui s’est préoccupé de l’avenir lointain risque moins de réagir mal aux événements journaliers faute d’avoir compris leur vraie nature et leur portée réelle.(…) »

Farlan Carré est mort le 22 juillet 2012 à l’âge de 89 ans. Après des études de mathématiques, physique, chimie, astronomie et économie, diplômé de l’Ecole Polytechnique, il a travaillé plus de trente ans au soutien du développement économique du Tiers Monde au sein d’organisations des Nations Unie, comme l’ONUDI (Développement industriel du Tiers Monde) dont il a été le directeur adjoint pendant sept ans.

La fin du monopole de la richesse est en ligne ici : http://www.subud-sica.fr/farlan/la-fin-du-monopole-de-la-richesse
La totalité de ses ouvrages ici : http://www.subud-sica.fr/farlan

Il est possible d’acheter les ouvrages papier d’occasion via des sites de vente ligne (pour une somme modeste).

Petit bonus musical :

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Source: http://reflets.info/la-fin-du-monopole-de-la-richesse-ou-comment-un-peu-mieux-comprendre-letat-du-monde/


L’information, l’indignation, la politique, le journalisme, les réseaux sociaux en 2 tableaux

Sunday 13 October 2013 at 15:35

Attention merveilleux public ultra attentif à l’esprit plus critique qu’une armée de philosophes pré-socratique, ceci est un exercice moderne d’analyse de la situation de patinage dans la semoule dans laquelle se trouve ton pays chéri, la France.

Mais ça pourrait s’appliquer ailleurs aussi.

La question de départ est : mais comment que ça se fait qu’avec autant d’outils d’informations, de gens connectés qui crient au scandale, rien ne change et qu’on a Fabius dans un ministère (c’est un exemple) ?

Hein ?

Pourquoi ?

C’est dingue quand même ! Avec les murs Fesse de bouc, les gazouillis incessants d’affaires terribles de corruption en veux-tu en voilà, y’a rien qui s’passe. Bizarre. Les journalistes sont sur tous les fronts, ils ont des zordinateurs raccordés aux zinternets, les gens peuvent s’abreuver à des tas de sources d’info comme jamais avant, et pourtant, ça bronche pas. Alors, le Docteur Menkevick vous a concocté deux infographies pour tenter une explication du phénomène. Attention, rien ne vous oblige à adhérer à cette explication, et ce n’est pas la peine  non plus d’insulter l’auteur des ces superbes dessins. Mais p’têtre qu’il y a un truc à réfléchir. P’têtre bien, non ? Même si c’est gênant…

Avant :

journalisme-1

 

Après :

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Source: http://reflets.info/linformation-lindignation-la-politique-le-journalisme-les-reseaux-sociaux-en-2-tableaux/


Gaz de schiste : une bulle ?

Friday 11 October 2013 at 14:16

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Voir l’eau du robinet s’enflammer au contact d’un briquet a de quoi doucher les plus optimistes quant à l’intérêt de l’exploitation des gaz de schiste. C’est, entre autres choses, ce que montrait le film Gasland . Tout spectateur armé d’une once de bon sens comprenait lors du visionnage de ce film qu’il était urgent de mettre un frein à l’exploitation de ce type d’énergie. Une préoccupation écologique toute simple. Si l’on veut conserver un environnement à peu près habitable, il faut interdire ces exploitations. A l’inverse, les pro gaz de schiste assurent que ce nouvel Eldorado créera des centaines de milliers d’emplois, apurera la dette des pays importateurs de pétrole et de gaz, mènera à l’autosuffisance énergétique, ramènera l’amour à ceux qui l’ont perdu, offrira la fortune à ceux qui s’y adonneraient… Bref, un vrai bonheur. En revanche, que l’on soit « pro » ou « anti » gaz de schiste, personne ou presque n’aborde la question qui fâche : ce type d’exploitation est-il rentable ? La France a choisi de ne pas autoriser l’exploitation des gaz de schiste et le Conseil Constitutionnel vient de le confirmer. Vient-elle de perdre des milliards d’euros de recettes, des milliers d’emplois, comment le martèlent les libéraux ? Pas si sûr. Dans une enquête sur ce sujet, votre serviteur avait expliqué l’année dernière chez nos amis d’Arrêt sur Images que l’exploitation des gaz de schiste ressemblait fort, de l’aveu même des exploitants, à une chaîne de Ponzi, bref, à une arnaque. Le tout risquant de se terminer par une explosion de bulle, façon bulle Internet de l’an 2000.

Plusieurs aspects montrent que l’exploitation des gaz de schiste sont un leurre économique.

Cette analyse se base sur les données américaines, ce pays étant en pointe dans l’exploitation.

Avec la surproduction engendrée par ces exploitations, les cours sont trop bas (ils n’ont pas bougé sur un an). Cette surproduction est par ailleurs quasiment impossible à exporter, le pays étant habitué jusqu’ici à importer, n’a pas les infrastructures nécessaires.

Mais surtout, les exploitations reposant sur la technique de fracturation sont plus coûteuses que celles permettant d’extraire du gaz de manière traditionnelle (nappes de gaz). Le cours du gaz naturel ne permet pas de les rentabiliser. Mieux, Les puits ont un rendement maximal durant les premières 24 heures, qui baisse fortement par la suite. Il faut alors recreuser. Pire, ils ont un temps de vie d’exploitation d’environ 3 à 5 ans contre près de 40 ans pour un puits classique.

Mais ce qui est véritablement intéressant à observer, c’est le nombre de plates-formes d’extraction. En 2008, au top d’une activité ayant démarré au début de ce siècle, on comptait 1600 plates-formes. En 2011, seulement 882. La semaine dernière, on n’en comptait plus que 359, soit une baisse de 14.5% sur un an.

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Plus rentables, les exploitations de pétrole sont encore épargnées. Même si elles baissent, c’est dans une moindre proportion.

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Passé plus ou moins inaperçu, une masse d’emails des acteurs de l’extraction de gaz de schiste a été publiée par le New York Times le 25 juin 2011. Leur analyse de leur secteur est confondante.

Il est d’autant plus étrange que les anti gaz de schiste ne se soient pas saisis de cette pluie d’informations que ces emails sont une preuve irréfutable du non intérêt économique de cette prospection.

Voici ce qu’indiquait le quotidien américain en introduction à ces documents (suivez les liens pour lire les emails):

Natural gas companies have been placing enormous bets on the wells they are drilling, saying they will deliver big profits and provide a vast new source of energy for the United States.

But the gas may not be as easy and cheap to extract from shale formations deep underground as the companies are saying, according to hundreds of industry e-mails and internal documents and an analysis of data from thousands of wells.

In the e-mails, energy executives, industry lawyers, state geologists and market analysts voice skepticism about lofty forecasts and question whether companies are intentionally, and even illegally, overstating the productivity of their wells and the size of their reserves. Many of these e-mails also suggest a view that is in stark contrast to more bullish public comments made by the industry, in much the same way that insiders have raised doubts about previous financial bubbles.

“Money is pouring in” from investors even though shale gas is “inherently unprofitable,” an analyst from PNC Wealth Management, an investment company,  wrote to a contractor in a February e-mail. “Reminds you of dot-coms.”

“The word in the world of independents is that the shale plays are just giant Ponzi schemes and the economics just do not work,” an analyst from IHS Drilling Data, an energy research company,  wrote in an e-mail on Aug. 28, 2009.

Company data for more than 10,000 wells in three major shale gas formations raise further questions about the industry’s prospects. There is undoubtedly a vast amount of gas in the formations. The question remains how affordably it can be extracted.

The data show that while there are some very active wells, they are often surrounded by vast zones of less-productive wells that in some cases cost more to drill and operate than the gas they produce is worth. Also, the amount of gas produced by many of the successful wells is falling much faster than initially predicted by energy companies, making it more difficult for them to turn a profit over the long run.

If the industry does not live up to expectations, the impact will be felt widely. Federal and state lawmakers are considering drastically increasing subsidies for the natural gas business in the hope that it will provide low-cost energy for decades to come.

Chaîne de Ponzi, bulle financière, les acteurs du secteurs parlent ouvertement de la non-rentabilité de leur activité. Cette problématique n’est jamais évoquée lorsque les pro exploitation de gaz de schiste sont interrogés dans la presse.

Dommage, ce serait intéressant.

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Source: http://reflets.info/gaz-de-schiste-une-bulle/


Non mais c’est quoi ces blogueurs qui critiquent les journalistes ?

Thursday 10 October 2013 at 20:05

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Le dernier article de Reflets sur les journaux qui bâtonnent ou tout simplement copient/collent des dépêches d’agences fait couler de l’encre sur Twitter. Or, 140 caractères pour répondre aux critiques, c’est un peu court. La discussion entamée sur Twitter réunissait initialement @VCquz , @Citizen_Sam et @alberror. Le premier travaillant, si j’ai bien compris chez Arrêt sur Images, le deuxième, est « rédacteur en chef du délire« , le troisième travaille à ZDNet. Tous trois, donc, journalistes. Leur argumentaire est grosso-modo le suivant. Reflets est légitime quand il parle de Deep Packet Inspection (et encore, il manque, paraît-il, des preuves de ce que l’on écrit) mais pas du tout lorsqu’il parle de journalisme.

Dire que les groupes de presse produisent des articles de qualité médiocre, copient/collent des dépêches à longueur de journée pour essayer d’avoir l’air de produire quelque chose sur le Web, dire qu’ils sont désormais détenus par des industriels qui n’en attendent rien d’autre qu’une rentabilité à deux chiffres, que ces industriels ne savent pas ce que c’est que la presse, qu’ils réduisent les coûts là où ils ne devraient pas le faire, dire que les journalistes n’ont plus les moyens de travailler correctement, tout ça, c’est mal. Pourquoi ? Parce que l’on réduit ce qui est dit à : « vous n’aimez pas les journalistes« .

Triste constat pour quelqu’un qui a 25 ans de journalisme dans les pattes. Ne pas aimer son métier ? Ce serait dommage d’avoir passé tant de temps à écrire…

Reprenons.

Nous aimons les journalistes. Nous leur souhaitons de pouvoir continuer (à l’avenir) de nous informer, de nous émerveiller, de nous éclairer. Ils sont nombreux à le faire. Le problème tient plus aux dirigeants des groupes de presse qui leur mettent des bâtons dans les roues/stylos, en permanence. Les sites Web comme réponse au déclin du papier sont devenus des machines à copier/coller des dépêches, les forçats du desk dans lesdits journaux sont les esclaves modernes du journalisme, payés au lance pierre avec des horaires indécents. La plupart du temps…

Arrêt sur Images ou Acrimed se font régulièrement l’écho des dérives d’une presse qui cherche le clic comme l’alchimiste la pierre philosophale. A tel point qu’elle multiplie les titres putassier au détriment du contenu, pour attirer le cliqueur. Ce n’est pas le journalisme qui me motive et ce n’est sans doute pas le journalisme qui motive les journalistes qui sont forcés de produire ces articles.

Le métier du journaliste, c’est aussi, pour certains, travailler sur dépêches. Ce n’est pas honteux. En revanche, enrichir une dépêche devrait être un réflexe naturel. Il semble incongru au pauvre et humble simple blogueur que je suis, de constater que dans « l’article » du Point, une phrase n’ait pas été ajoutée afin d’indiquer que venant d’un politique (issu de ?) d’extrême droite, la petite phrase sur Christiane Taubira était particulièrement croquignolesque.

Pourquoi cette phrase n’a-t-elle pas été ajoutée ? Manque de moyens ? Pas vu l’intérêt ? Il faudrait poser la question au journaliste qui a copié/collé la dépêche. Ou plutôt à son chef de service qui aurait dû lui dire de le faire.

L’absence de cette phrase contribue-t-elle à décerveler les lecteurs ? Premier point, ce n’était pas à l’AFP d’ajouter ce contexte. L’AFP est une agence de presse et il est heureux qu’elle se concentre majoritairement sur les faits plus que sur le commentaire. Pour le journaliste qui va répercuter ce fait, c’est un peu dommage de ne pas ajouter le contexte. Le lecteur de 20 ans qui lit cette dépêche n’a probablement pas conscience que Gérard Longuet a un lourd passé à l’extrême droite de l’échiquier politique. Il peut donc en effet être induit en erreur. Il peut très bien prendre cette petite phrase au premier degré, la faire sienne et voter sans être parfaitement éclairé sur l’ami Gérard.

Plus tard dans la discussion sur Twitter, @greglemarchand me fait remarquer que l’AFP produit des reportages essentiels (c’est moi qui le dit) sur ce qui se passe dans le monde. Et il cite deux exemples. Parmi tant d’autres.

Je l’ai dit, l’AFP n’avait pas vocation, dans cette dépêche à ajouter le contexte extrême-droitier de Gérard Longuet. Le lecteur lambda lit rarement l’AFP à part via des dépêches copiées collées dans des journaux. En revanche, le lecteur lambda, comme moi, qui lit un article d’un journal comme Le Point, attend une valeur ajoutée. Sinon, à quoi servent les journalistes qui y travaillent ?

Il est par ailleurs triste de constater que le site du Point donne plus de place à des dépêches qui permettent de meubler et de faire croire à un fil continu d’informations qu’à des reportages comme ceux pointés par Grégoire Lemarchand.

Nous allons sous peu vous proposer un reportage photos de ce type sur Reflets. Vous verrez, c’est plus intéressant qu’une petite phrase de Gérard Longuet.

Et généralement, cela permet au lecteur d’apprendre des choses, de s’ouvrir au monde, bref, l’inverse de l’effet produit par les articles qui relatent des petites phrases, en continu, l’une chassant immédiatement l’autre. Le rôle du journaliste n’est à mon sens pas de créer du buzz. Mais de donner à réfléchir sur la marche du monde.

Nous vous parlerons aussi, prochainement, du métier de photographe et de ce que les patrons de presse sont en train d’en faire. C’est sans doute pire que ce qu’ils font au journalisme écrit.

Pour finir, @VCquz nous signale que nous ne pouvons nous placer dans la catégorie des journalistes d’enquête (par opposition aux journalistes assis) puisque nous n’allons ni en Libye, ni en Syrie, pour enquêter.

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Premier point, Reflets n’a ni les moyens financiers, ni l’infrastructure pour que nous allions aujourd’hui en Syrie ou en Libye. Ceci dit, c’est mal nous connaître car des membres de Reflets ont fait le déplacement sur le terrain, dans des pays voisins, notamment, pour aider les opposants. D’autres ont participé à des opérations avec Telecomix pour aider à exfiltrer des informations sur la situation sur place.

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En outre, c’est mal comprendre ce que nous entendons par journalisme assis. Il s’agit pour nous des éditocrates qui se contentent de commenter le travail de leurs confrères ou les petites phrases des politiques et de crier « des preuves ! Où sont les preuves ?« . On peut être journaliste sans bouger de sa chaise et faire des enquêtes visant à sortir des informations qui ne se trouvent pas ailleurs. Ce n’est pas, à notre sens du journalisme assis. Mediapart joue parfaitement ce rôle, comme le Canard Enchaîné. Je ne crois pas que Claude Angeli soit allé en Syrie récemment mais ses articles sont une mine d’informations.

Sur ce point, on peut aussi préciser que Reflets, qui a des moyens extrêmement limités, a fait des choix qui mettent en danger son existence. En dévoilant les petites affaires de Bull et Amesys, de Blue Coat, nous savons que les moyens dans le camp d’en face sont largement plus importants que les nôtres. Cela nous indiffère. Lorsque nous écrivons -sans preuves nous disent ceux qui réclament des fac-simile des documents d’Amesys- sur Bull et Amesys, nous savons pertinemment qu’il n’y a pas un actionnaire ou une entreprise pour prendre en charge les frais financiers liés à un éventuel procès. Ce seront les comptes de Reflets, et nos portefeuilles personnels qui seront affectés. C’est un peu moins facile que dans une rédaction de journal classique.

Tiens… A propos de procès… Nous ne publions pas de fac-simile de nos preuves. Et pourtant, nous n’avons encore reçu aucune convocation dans le cadre d’un procès pour diffamation. Étonnant, non ?

En même temps, serions nous assez illuminés pour écrire que Amesys a versé une somme de 130.000 euros au Xème festival mondial des Arts Nègres au Sénégal, probablement pour ouvrir des portes, si nous n’en avions pas la preuve ?

EOF

 

Edit 11/10/2013  : @alberror a écrit un article en réponse à celui que vous venez de lire. C’est ici.

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Source: http://reflets.info/non-mais-cest-quoi-ces-blogueurs-qui-critiquent-les-journalistes/


La machine à décerveler ou l’histoire de Longuet, Taubira et du FN

Wednesday 9 October 2013 at 16:02

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Publiant une dépêche de l’AFP, Le Point participe à cette immense machine à décerveler qu’est devenue la presse. Contrôlée par des industriels, souvent marchands d’armes, les groupes de presse sont devenus une caisse de résonance. Non plus une caisse de résonance pour les « informations », mais une caisse de résonance pour le storytelling de politiques, d’experts, de financiers, d’industriels de plus en plus abjects et bien entendu, abjects assumés. Décomplexés, même, comme dirait Nicolas Sarkozy parce que la repentance et la contrition, hein, s’pas pour nous ça m’âme Chabot, on n’a pas été élus pour ça que j’sache !

Dans Le Point, donc, nous apprenons que Gérard Longuet, ancien ministre de la Défense, bien connu des lecteurs de Reflets pour sa prestation lors du scandale Amesys, estime que Christiane Taubira, la ministre de la Justice « fait » le Front National.

Jusque-là, on peut estime que L’AFP et Le Point ne fait que donner de la visibilité à une déclaration politicienne d’un politicien parmi d’autres.

Oui, mais non.

Là ou le bât blesse, c’est que l’AFP « oublie » de fournir au lecteur un certain contexte, pour ne pas dire un contexte certain…

Gérard Longuet n’est pas n’importe quel politicien. Pour ceux qui sont trop jeunes la lecture de Wikipedia sur Gérard Longuet n’est pas superflue :

En 1964, il prend part, en compagnie d’Alain Madelin, à la création du mouvement Occident [ bien lire toute la page (NDL)], groupuscule d’extrême droite souvent impliqué dans des affrontements violents contre l’extrême gauche.

En 1967, soupçonné en sa qualité de dirigeant du mouvement d’extrême droite Occident d’avoir été un des instigateurs d’une expédition violente contre des étudiants d’extrême gauche à l’université de Rouen (l’un de ces derniers étant laissé dans le coma après l’attaque), Gérard Longuet est inculpé et condamné le 12 juillet 1967 à 1 000 francs d’amende pour complicité de « violence et voies de fait avec armes et préméditation », en même temps que douze autres militants d’extrême droite, dont Alain Madelin, Alain Robert et Patrick Devedjian.

 

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Il est amnistié en juin 1968. Après la dissolution, par le Conseil des ministres, d’Occident en octobre 1968, il rejoint le Groupe union défense (GUD), groupuscule d’extrême droite mené par Alain Robert, dont il écrit la charte, puis Ordre nouveau, destiné à rassembler les nationalistes.

Il fera partie en 1971 avec Claude Goasguen de la direction de ce mouvement, dissous par décret du Conseil des ministres le 28 juin 1973 — en même temps que la Ligue communiste d’Alain Krivine et d’Henri Weber — pour « atteinte à la sûreté de l’État ».

Il entre à l’École nationale d’administration (ENA) en 1971 et en sort en 1973 (promotion François Rabelais). Entre temps, en 1972, il rédige le premier programme économique du Front national, créé la même année.

De ses engagements à l’extrême droite dans les années 1960-1970, il dit : « J’assume avoir été d’extrême droite. On s’est simplement trompé sur le modèle colonial, qui ne pouvait perdurer».

Gérard Longuet est particulièrement décomplexé lorsqu »il accuse Christine Taubira, ou n’importe qui d’autre de « faire » le Front National. Il a lui-même un passé à l’extrême droite particulièrement bien garni. Occident, GUD, Ordre Nouveau, rédaction du premier programme économique du Front National, campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1965… Voilà qui « fait » très concrètement l’extrême droite.

Il prend donc son auditoire pour un imbécile et l’AFP et le Point approuvent en relayant sans la replacer dans un contexte une telle déclaration décomplexée. Ils participent en cela à décerveler les lecteurs.

Ou est l’étincelle ?

 

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Source: http://reflets.info/la-machine-a-decerveler-ou-lhistoire-de-longuet-taubira-et-du-fn/


Ce que nous dit l’humour noir des dirigeants américains

Friday 4 October 2013 at 11:51

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Le monde ne va pas très bien. Les problèmes économiques, de guerre, les tragédies comme le naufrage de Lampedusa eclipsent assez logiquement deux événements qui se sont déroulés aux Etats-Unis ces derniers jours. Prenons tout de même le temps de nous y attarder. Non pas sur leur existence, mais sur ce qu’ils disent des protagonistes. Souvenez-vous… Ils scandaient « Hope« , « Yes he can« , ils attendaient une salutaire révolution de la pensée après les années noires de George Bush… Les Américains sont servis. Leur président a multiplié les attaques par drones à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan, reléguant George Bush au rang d’amateur. Le nombre des victimes civiles, enfants compris, s’est envolé en conséquence. Nous n’aborderons pas le scandale de la NSA ni la prison de Guantanamo ou ses petites soeurs. Restons sur les drones.

Il y a quelques années, Barack Obama avait fait preuve d’une forme d’humour étonnante. Il avait expliqué que les Jonas Brothers, sorte de chanteurs, risquaient bien de se faire descendre par des drones Predator car les filles du président en étaient folles.

C’est drôle, non ? Les attaques de drones, c’est tellement sympa, que l’on peut même en faire de jolis graphiques. Mais vous allez voir, c’est tout de suite moins rigolo.

Deuxième événement du même tonneau, la plaisanterie à deux voix lors du « Security Summit 2013″, organisé par le Washington Post. Michael Hayden, ancien patron de la CIA et le représentant Mike Rogers ont parlé d’Edward Snowden. Le second a expliqué que Snowden sur la liste des prétendants au prix Nobel de la paix, ce n’était pas une bonne idée. Lui, il l’aurait vu sur un « autre type de liste« .  Comprenez une « kill list ». Ce à quoi l’ancien patron de la CIA a répondu : « je peux vous aider pour cela« .

Marrant non ?

Ces deux micro-événement en disent long sur ce que sont devenus ceux qui veulent nous gouverner. Des personnes exerçant de hautes responsabilités plaisantent avec leur pouvoir de faire tuer des gens. Avec des attaques par drones ou via des services spéciaux dont le mandat serait d’assassiner des gens partout dans le monde. Ce pouvoir est déjà contestable. Mais parvenir à en plaisanter alors que l’on parle de la mort réelle d’êtres humains, souvent des enfants, laisse perplexe.

Tuer à la demande leur semble tellement naturel, entré dans les moeurs, qu’ils en viennent à en plaisanter.

 

 

 

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Source: http://reflets.info/ce-que-nous-dit-lhumour-noir-des-dirigeants-americains/


M. Contraventions ne payait pas ses PV ? Quelle surprise…

Tuesday 1 October 2013 at 10:50

Avis de contravention

Mediapart révélait hier que le préfet Jean-Jacques Debacq,, Directeur de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai), le bidule qui génère les contraventions pour excès de vitesse (notamment), n’avait pas payé une série de PV, évitant ainsi des retraits de points sur son permis. C’est intéressant. Mais tellement évident. Qui dans les ministères paye ses contraventions, serait peut-être une question plus appropriée. Élargissons : qui dans les détenteurs de voitures de fonction (dans le privé) se fait retirer des points sur son permis ?

Premier point Jean-Jacques Debacq n’a fait qu’appliquer au public ce qui est monnaie courante dans le privé. Mieux vaut être riche que pauvre et malade… Dans le secteur privé, les détenteurs de voiture de fonction ont généralement le privilège de ne jamais voir leurs permis débité des fameux points, dans la mesure où le ministère de tutelle de Jean-Jacques Debacq ne fait pas l’effort de demander qui était le conducteur de la voiture appartenant à la flotte de l’entreprise. Ce qui n’est évidement pas le cas pour les 99% qui ne disposent pas de voiture de fonction.

Second point, Jean-Jacques Debacq n’est certainement pas le seul fonctionnaire à profiter de sa position pour éviter les PV. Ni le seul particulier. Il est de notoriété publique que les PV peuvent « sauter ». Comment ça marche ? Le meilleur moyen est de connaître un policier et de lui demander de l’aide. Attention, il ne faut pas insulter le policier qui a dressé le procès verbal, vous allez comprendre pourquoi. Votre ami policier à qui vous demandez de l’aide va s’adresser à celui qui a rédigé le PV et lui demander s’il peut, par pure confraternité ou parce que vous êtes « favorablement connu de son service« , de faire sauter le papillon vert. Si, comme une personne que j’ai connue, vous avez mal traité celui qui a délivré la contravention, votre ami policier risque de recevoir cette réponse : « cher confrère, tu diras à ce monsieur que quand il arrêtera de m’enculer, je ferai preuve d’indulgence« .

Vous pouvez également connaître un politique ou une personne bien placée dans un ministère. L’effet sera sans doute à peu près similaire.

On imagine donc aisément que la plupart des membres de l’administration, à partir d’un certain niveau, ne payent pas leurs PV. Soit parce qu’ils sautent, soit parce que l’affaire se règle de service à service. Bien évidemment, cela ne marchera pas si vous vous faites flasher à 240km/h, mais un petit excès de vitesse devrait passer.

Bref… La question soulevée par Mediapart mérite d’être approfondie, comme l’indique Stéphanie Fontaine à la fin de son article.

Mais surtout, la question des voitures de fonction devrait être posée par nos parlementaires, si l’on tient pour acquis que la loi est la même pour tous.

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Source: http://reflets.info/m-contraventions-ne-payait-pas-ses-contraventions-quelle-surprise/


La fin de l’empathie : critique du monde connecté et de l’esprit du temps

Sunday 29 September 2013 at 11:49

Commuters use their smartphones as they ride in a bus leaving Manhattan through the Lincoln Tunnel in New York

 L’esprit du temps est un concept très difficile à décrire, et rempli de pièges. Comment définir une orientation générale des mentalités, une forme de pensée commune à une population, à un ensemble d’individus au sein, ne serait-ce que d’une nation ?

Le principe de « classes sociales » a pu faciliter la « prise de température » d’une société, en écoutant les préoccupations, désirs, problèmes ou revendications d’ensembles sociaux connus au périmètre bien déterminé. Aujourd’hui, rien n’est plus faux : il n’y a plus (ou presque) de classes sociales. Le principe des 99% développé par le mouvement Occupy en est une parfaite illustration.

Nous sommes donc une masse informe d’individus de ce que l’on nomme la classe moyenne. Chacun au sein de cette classe sociale globale ne peut plus (ou ne ressent plus le besoin de) se définir par une histoire particulière, un héritage de luttes au sein de l’ensemble des individus qui la composent. La classe moyenne est grise : elle ne défend rien, n’active aucun combat particulier, vote indifféremment à droite ou à gauche, voire alterne son vote, ne cherche rien d’autre qu’une seule chose, essentielle dans le système économique et politique : consommer. Si ce constat était déjà en partie effectif il y a 15 ans, la différence majeure entre l’état d’esprit de cette classe globale des 99% qui se joue aujourd’hui et hier, est la connexion : l’accès à une consommation de masse par le réseau mondial.

Connexion et désertion du réel

drive

Par commodité de sens, le réseau mondial Internet sera nommé le monde connecté, et tout ce qui ne passe pas par le réseau, le monde réel. Un chien, un chat qui jouent devant soi font partie du monde réel, comme réparer sa voiture, ou jardiner. Afficher une photo de chien ou de chat, regarder ou conduire une voiture avec un navigateur internet, acheter des légumes en ligne ne font pas partie du monde réel : il y a entre l’individu et « l’objet » (le chat, le chien, les légumes), une machine, qui traite une demande et l’affiche de façon déterministe. Le monde réel n’est pas ainsi : l’individu est directement raccordé aux « choses » qui l’entourent, et est en obligation de les « traiter » par lui-même : on ne  peut pas fermer par un clic de souris le berger allemand qui nous attaque.

Le monde connecté modifie le rapport que chacun entretient au monde réel. Aux autres individus. De façon importante. La communication entre humains passe désormais en majorité par le monde connecté. De moins en moins par le monde réel. Via des messages courts (sms, twitter), des pages Facebook, des mails, irc, ou liaison audio. Dans chacun de ces rapports entre humains dans le monde connecté, une chose est absente : le corps. La présence physique. La réalité de l’autre. Si chaque partie du monde réel est basculée dans le monde connecté, comme la tendance générale l’indique, cela signifie que de moins en moins d’interactions humaines surviennent. Les « supermarchés-drive » amorcent cette tendance (vous commandez en ligne, vous arrivez avec votre véhicule et vos courses sont chargées dans votre coffre), les achats en ligne livrés à domicile la confirment : une tomate devient un objet qui apparaît chez soi, comme un livre, une console de jeux, voire un être humain spécialisé dans les services sexuels.

 La grande ruée

90s

Une majorité d’individus du monde connecté plébiscite ces modes d’échanges, pousse à ce qu’ils se généralisent. Au delà des explications classiques et matérialistes pour expliquer cet engouement à l’égard du monde connecté, qui se résument à la facilité, la rapidité, l’économique ou la possibilité de consacrer du temps à autre chose que des actions de basse besogne (comme faire ses courses), d’autres schémas existent. Ils sont vastes et sont d’ordre sociaux, économiques, politiques et psychologiques. Un ouvrage n’y suffirait pas. Mais décrire un tant soi peu ces schémas n’est pas inutile si l’on veut tenter de  comprendre un peu mieux ce qu’il se joue dans cette deuxième décennie du XXIème siècle.

Le facteur social est important, puisque l’on a vu des millions de personnes s’équiper d’appareils jusque là réservés (par leur prix et leur utilité très circonscrite) à des catégories professionnelles particulières, plutôt élevées dans la société. L’usage des téléphones portables a été réservé plusieurs années durant à des hommes ou femmes d’affaires, des ingénieurs ou personnels spécifiques : le prix des appareils, leur utilité concrète n’attiraient pas le reste de la population. Comme les ordinateurs et Internet. Puis le marketing s’est décidé à vendre au plus grand nombre ces appareils et tout ce qui allait avec. La ruée s’est produite en un temps éclair : l’élévation sociale était au cœur de ce processus. Comme quelques décennies auparavant, l’automobile était devenue un objet d’ascension sociale, de démonstration de sa réussite, de sa modernité au sein de la société.

Ainsi la classe moyenne est-elle devenue technophile, plus particulièrement auprès des objets technologiques de communication. Ceux qui vous projettent dans le monde connecté, là où vous êtes un autre, ou tout du moins autant ou plus que les autres. Les aspects économiques et politiques sont évidents dans le schéma marketing classique, ils ne seront pas traités ici. Reste le facteur psychologique, dont l’importance est immense. Au point qu’il détermine de façon majeure les autres pans de la désertion du monde réel vers le monde connecté. Peut-être permet-elle aussi de mieux comprendre la situation actuelle  du monde réel ?

Je est au centre du monde connecté

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La civilisation occidentale moderne et post-industrielle, dont le moteur est constitué par la maximisation des profits dans une économie financiarisée et globale a une unique préoccupation : le client final. Le marketing mondial a besoin que ce client soit partie-prenante du processus d’achat, qu’il défende les produits, les services qu’il achète. Le meilleur moyen pour y parvenir est de le mettre au centre de l’ensemble de la chaîne. Le monde connecté est idéal pour ce faire, puisque chaque individu qui y vit en est le centre. L’existence du connecté n’est plus conditionnée par des attributs physiques ou sociaux qui dans le monde réel pourraient le desservir, ses compétences, capacités réelles peuvent y être extrapolées. Je est au centre du monde connecté : sensation de maîtrise,  de puissance, exploration de la multiplicité des personnalités inhérentes à l’individualité humaine,  le Je a, dans le monde connecté une place unique dans l’histoire de l’humanité. Mais ce Je ne connaît plus l’empathie. Par force, puisque l’empathie n’existe que dans le monde réel.

C’est à partir de ces constats que l’esprit du temps peut s’analyser, tout du moins en partie. Avec les possibilités inouïes mais aussi ses limitations sévères. Lorsque la question du « pourquoi n’y a-t-il pas plus de réactions face à l’incurie politique et économique » se pose, observer les fonctionnements des 99% dans le monde connecté n’est pas sans intérêt.

L’étincelle demande de l’empathie

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Comment des être humains qui passent les trois quarts de leur temps dans un monde où la réalité physique est bannie peuvent-ils envisager de se liguer ensemble contre quelque chose qu’ils cautionnent et plébiscitent quotidiennement ? Le journaldugeek a sorti un (publi)reportage sur Amazon lors de l’ouverture d’un entrepôt de la dite entreprise aux pratiques staliniennes. Extase du rédacteur (et journaliste amateur) à la vue de l’efficacité d’Amazon, commentaires dithyrambiques des connectés, qui via leurs commentaires affirment leur envie goulue de s’emparer des objets technologiques visionnés.

Le système économique (et par ricochet, politique) en place n’a rien à craindre : l’esprit geek consumériste a envahi les esprits d’une classe moyenne  ultra connectée, prête à payer plus de la moitié d’un smic pour « penser différemment » (sic) à l’aide d’un téléphone dix à cinquante mille fois plus puissant que les ordinateurs qui ont envoyé les hommes sur la lune et permet d’afficher ses préférences. Une classe moyenne qui n’a plus d’autre objectif que d’échapper au monde réel et ne ressent, pour sa plus grande part, aucune empathie. Le monde réel serait-il si difficile qu’on veuille le fuir à ce point ?

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Source: http://reflets.info/la-fin-de-lempathie-critique-du-monde-connecte-et-de-lesprit-du-temps/


La gauche et la droite décomplexées sont dans un bateau…

Wednesday 25 September 2013 at 22:11

papy-voise

C’est une sorte d’incontournable depuis 2002 : lorsqu’une élection pointe le bout de son nez, les politiques enfourchent leur cheval de bataille de circonstance, la délinquance. Comme les politiques ne font pas les choses à moitié, les dérives sont généralement bien appuyées. Souvenez-vous, en 2002, deux jours avant l’élection présidentielle, l’affaire « papy Voise ». Elle passera en boucle sur toutes les ondes. Plus près de nous, la droite « décomplexée » de Nicolas Sarkozy se lâchait. Les exemples de dérives sont légion pour cette époque-là. Des tests ADN pour le regroupement familial à la fameuse tirade de Brice Hortefeux : « Quand il y a en a un, ça va… C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes! » en parlant des Arabes, la liste est sans fin.


Quand Brice Hortefeux dérape par lemondefr

Le concept de « droite décomplexée » a été lancé par un groupuscule de l’UMP, « la Droite Libre » fondée notamment par Arnaud Dassier, fils de l’ancien patron de l’information des chaînes du groupe TF1. Ce courant fera office de passerelle entre la droite UMP et l’extrême droite.

Nicolas Sarkozy s’est approprié ce concept de décomplexitude : nous n’avons pas à avoir honte de ce que nous sommes. A tel point qu’il a cru pouvoir récupérer l’électorat FN en s’appropriant ses codes et ses dérives. Sans grand succès sur ce point toutefois. En revanche, il a réussi à banaliser la parole raciste, xénophobe et à enfoncer des coins massifs dans le pacte républicain qui nous unissait.

Il n’est plus « inconcevable » d’entendre un homme politique dire que Hitler n’a pas fini le travail en parlant des Roms. Ou un François Fillon, artisan de la politique de Nicolas Sarkozy, dire sans le dire qu »il pourrait voter FN, soulignant qu’un homme politique du FN pourrait être moins « sectaire » qu’un homme politique du PS…

Tout au plus assiste-t-on à une indignation de façade qui ne dure que le temps de vie médiatique de l’événement. Une fois la presse passée à autre chose (et cela va très vite), plus personne ne s’indigne.

Il n’est plus inconcevable d’entendre un ministre de l’Intérieur de gauche comme Manuel Valls dire, à propos des Roms que «ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation»…

Pourquoi n’est-ce plus inconcevable ? Parce que le pacte républicain est brisé. Auparavant, si un citoyen pouvait concevoir et accepter que tout le monde ne vive pas de la même manière, et le tolérer, ce n’est plus le cas.

Prenons un exemple. Un bourgeois versaillais qui habite un bel hôtel particulier ne vit pas de la même manière qu’un prolétaire du Nord de la France. Est-ce grave ? Cela crée-t-il une « confrontation » ?

Manuel Valls, à gauche (décomplexée), n’est pas seul à désigner les Roms à la vindicte populaire. A droite (décomplexée) Nathalie Kosciusko-Morizet estime que les Roms « harcellent les parisiens« . Rejointe également par Jean-François Copé : « On ferme les yeux au gouvernement français sur ce qui est en train de se passer dans le pays, la violence que l’on constate. On le voit à travers les comportements des Roms, par exemple à Paris. C’est extrêmement grave et ça m’amène à vous dire la chose suivante: il est hors de question que la Bulgarie et la Roumanie entrent dans l’espace Schengen tant que ce problème ne sera pas résolu au niveau européen« .

Sans l’attendrissement de la viande réalisé par Nicolas Sarkozy, l’acceptation de ces sorties par une majorité de la population, c’est à dire bien au delà des frontière de l’électorat FN, n’aurait pas été possible. Continuer à élargir le cercle des racistes et xénophobes, juste après le déferlement d’homophobie que vient de connaître la France, est irresponsable et profondément coupable. Les votants FN ne voteront ni PS ni UMP sous prétexte qu’ils disent la même chose que les dirigeants du FN. En revanche, le niveau de haine monte. Dangereusement.

Il ne faut pourtant pas pas désigner de coupables. Ce ne sont ni Manuel Valls, ni Jean-François Copé ou l’ineffable Nathalie Kosciusko-Morizet qui sont coupable. Les coupables, ce sont l’ensemble des hommes politiques qui tolèrent ces dérives. Le président de la République en tête, lui qui est garant de la Constitution (La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances, par exemple). C’est aussi l’ensemble de la population qui, par paresse, par faiblesse, accepte ces propos, ne s’en offusque pas au point de descendre dans la rue ou refuser leur vote à ceux qui les profèrent.

Une Maskirovka bien utile

Les Arabes, les Roms, les aliens, tous ces « étrangers », sont un écran de fumée bien utile pour les politiques à la veille d’une élection. La droite instrumentalise les impôts pour préparer les élections ? Sortons une petite polémique qui masquera le désormais fameux « ras-le-bol fiscal » monté en épingle par la presse. Cela masquera aussi la profondeur de la crise économique et financière qui nous réserve encore tant de surprises désagréables.

Prenons les Roms qui angoissent tant nos politiques ces jours-ci. Les Roms (si tant est qu’il s’agisse d’un ensemble cohérent), ce sont 8 à 10 millions de personnes en Europe dont 2% seraient des gens du voyage, nous explique Wikipedia.

En France, où l’on ne peut théoriquement pas créer de fichiers ethniques, on estime le nombre de Roms à environ 1,2 million. Sur ce total, la France, qui fiche les gens du voyage avait délivré 160.000 titres de circulation en 2006. Les gens du voyage n’étant pas, aux yeux de la république, des citoyens comme les autres, elle leur impose de pointer dans les commissariats.

Mais affinons la définition de « Roms » dans l’esprit de nos politiques. Si l’on s’en tient au discours xénophobe de Manuel Valls, il s’agit de Roumains et de Bulgares. Des citoyens européens. Mais de seconde zone, bien entendu. Ces Roms sont estimés, toujours selon Wikipedia à 15.000 personnes.

Donc, le ministre de l’intérieur, les maires, les candidats aux élections variées, la presse, se mobilisent comme des diables pour moins de 15.000 personnes…

Rappelons à nos amis politiques et journalistes qu’il y a au bas mot trois millions de chômeurs dans ce pays. Pas sûr que 15.000 personnes, Roms ou pas, soient leur priorité. Les 1%, en revanche, se portent toujours aussi bien. Merci pour eux.

 

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Source: http://reflets.info/la-gauche-et-la-droite-decomplexees-sont-dans-un-bateau/


La survie de l’espèce, ou pas…

Tuesday 24 September 2013 at 22:02

survie-espece

La survie de l’espèce, c’est la BD qui permet d’arrêter de faire semblant de comprendre quand on vous parle finance… Et pourtant, cette BD n’a pas été faite uniquement pour les personnes, comme moi, qui vivent dans un monde de Bisounours où les patrons cherchent notre épanouissement et les banquiers à nous faire économiser de l’argent…

La survie de l’espèce présente une vision du monde financier à la fois drôle, réaliste et satirique. Les salariés en activité sont représentés par de petits Legos tous identiques, les entreprises par des chevaux de course montés par des jockeys (les patrons) et les capitalistes par des parieurs sans foi ni loi.

Les concepts d’exploitation de l’homme par l’homme, de surplus, de spéculation et de cotation continue sont abordés de façon simple à travers l’initiation d’un petit fils de riche par son gentil papa capitaliste. Ce dernier remet largement en cause la fameuse comptine pour enfant de l’offre et de la demande en entrainant son fils dans un monde obscur et cruel où financiers et politiciens se côtoient pour gouverner et s’enrichir toujours plus…

D’autres personnages tout aussi mordants viennent compléter ce tableau, à l’instar de Monsieur X, un trader accusé d’avoir créé un produit financier des plus pourris, empaqueté dans un joli paquet cadeau et destiné à générer de l’argent sur le dos des faibles… (Chose qu’il ne prendra d’ailleurs pas la peine de nier puisque les pauvres sont nés pour être pauvre).

Super drôle et pourtant un peu déprimante, cette fiction permet de mieux comprendre les dérives qui nous ont menés vers la crise financière à laquelle nous faisons face aujourd’hui.

Comment en est-on arrivés là ? Quels sont nos responsabilités ? Peut-on encore changer les choses ? De nombreuses questions et, rassurez-vous, un peu d’espoir pour ne pas  finir complètement dépressif…

 

La survie de l’espèce

Paul Jorion & Grégory Maklès

Edition Futuropolis

 

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Source: http://reflets.info/la-survie-de-lespece-ou-pas/