Même sans connaître les résultats des « méga-élections » de la veille, il n’était guère difficile de les deviner en ce matin du 22 novembre : dans les journaux de 6 heures, 6h30, 7h, 7h30 de France Culture, ou à 8h et 12h sur France Inter ou France Info (pour ne citer qu’eux), aucune mention du Venezuela. La pilule, il est vrai, était dure à avaler : devoir annoncer à l’antenne une victoire de Nicolás Maduro !
En effet, et sans contestation possible (comme le précisait l’Agence France Presse), le chavisme venait de remporter une éclatante victoire lors des élections régionales en s’adjugeant vingt (ramenés ultérieurement à dix-neuf) des vingt-trois Etats du pays ainsi que la mairie de Caracas. Après avoir boycotté la présidentielle de 2018 et les législatives de 2020, l’opposition radicale et pour partie « putschiste » participait cette fois au scrutin.
Source : Mémoire des luttes, Maurice Lemoine
Comment comprendre un tel succès dans un pays systématiquement présenté par les « chiens de garde » comme un mélange d’Etat failli et d’Etat voyou à l’origine d’une catastrophe humanitaire ? Pour pallier aux carences prévisibles du « service public » (tant son hostilité au chavisme est devenue caricaturale), nous nous sommes rendus au Venezuela avant cette « méga-élection » (23 gouverneurs, 335 maires, 253 législateurs d’Etat et 2 471 conseillers municipaux). Au terme d’un séjour passé essentiellement à Caracas et sur la frontière colombienne, dans l’Etat du Táchira, deux zones aussi emblématiques que stratégiques, il était relativement aisé de prévoir la future victoire du Grand pôle patriotique (GPP) et la forte abstention qui, de toute évidence, caractériseraient le scrutin [1].
e de soulagement. La logique voudrait que l’on débarque dans un pays de zombies et de « morts-vivants ». Il n’en est rien. Pourtant, d’après une Enquête nationale sur les conditions de vie (Encovi) publiée le 30 septembre à Caracas par l’Université catholique Andrés Bello (UCAB) et reprise avec délectation par l’internationale médiatique [2], plus de neuf Vénézuéliens sur dix (94,5 % !) ont sombré dans la pauvreté ; plus de trois sur quatre (76,6 %) vivent même en-dessous du seuil de l’extrême pauvreté (moins de l’équivalent de 1,25 dollar par jour, d’après l’ONU). « Nous avons définitivement atteint ce qui pourrait être le plafond de la pauvreté totale. C’est le maximum possible », a doctement expliqué le sociologue Luis Pedro España, chercheur à l’Institut de recherche économique et sociale (IIES) de l’UCAB.
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