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[Réparations 5] Le montant réellement payé par l’Allemagne

Friday 30 October 2015 at 01:22

Suite et fin de notre série sur les réparations allemandes de la Première guerre mondiale, et leurs conséquences :

  1. Le Traité de Versailles
  2. L’occupation de la Ruhr
  3. L’hyperinflation allemande de 1923
  4. Les défauts des années 1930
  5. Le montant réellement payé par l’Allemagne 

Le montant réellement payé par l’Allemagne

Dernier point de notre exposé : qu’a payé l’Allemagne, et combien cela représente-il ?

On partait donc de 132 milliards de marks-or : 12 MdMo de série A,  38 MdMo de série B et 82 MdMo de série C.

Le chiffre exact payé par l’Allemagne est un sujet de discussion. La Commission des réparations et de la BRI estiment, qu’au total, 20,6 milliards de marks-or de réparations (hors frais d’occupation) furent payés par l’Allemagne (dont 7,6 milliards furent payés avant le calendrier des paiements de Londres). (Weill-Raynal)

L’historien Niall Ferguson donne un chiffre légèrement inférieur : 19 milliards de marks-or.  (Wikipedia)

La France toucha un peu plus de 9,5 milliards de marks-or, au lieu des 68 prévus, – sachant que ses seules dépenses pour la reconstruction des régions dévastées se sont élevées à 23,2 MdMo (+ 1 MdMo de pensions de guerre à verser tous les ans) et qu’elle devait 1,6 MdMo aux Alliés de 1927 à 1931. Cela repréentait un paiement de 2,5 mois de revenu national, auquel s’ajoutaient des pensions de guerre pesant tous les ans 1,6 % à 2,3 % du PIB.

 

Reste à mieux quantifier ce que représentaient ces sommes – dont on rappellera que le Traité de Versailles imposaient qu’elles soient exprimées en marks-or :

Article 262.

Toute obligation de l’Allemagne de payer en espèces, en exécution du présent traité, et exprimée en marks-or, sera payable au choix des créanciers en livres sterling payables à Londres, dollars or des États-Unis payables à New-York, francs or payables à Paris et lires or payables à Rome.

Aux fins du présent article, les monnaies or ci-dessus sont convenues être du poids et du titre légalement établis au 1er janvier 1914 pour chacune d’entre elles.

Il est assez difficile de se représenter leur valeur actuelle.

Première méthode : par l’inflation

Elle est assez facile. Sachant qu’un mark-or de 1914 représentait 1,25 franc, 0,24 dollar et 0,05 livre de l’époque.

Qu’au niveau inflation, on trouve (par exemple ici) que 1 F 1913 = 3,1 € ; que 1 $ 1913 = 23,2 $ 2015 ; que 1 £ 1913 = 74,7 £ 2015

Les 132 milliards de marks-or deviennent donc aujourd’hui :

Deuxième méthode : par l’or

Le mark-or valait 0,358425 g d’or fin.

Comme actuellement le gramme d’or vaut  31,7 € (soit 1 107 $ / once), on arrive à 132 MdMo = 1 500 Md€

Cependant, l’or est très au-dessus de son cours moyen, qui conserve habituellement le pouvoir d’achat.

Prix de l'or en dollar depuis 1900

En partant sur une valeur moyenne plutôt de l’ordre de 500 $ / once, on arrive à un total de réparations de 680 Md€ actuels environ.

Nos différentes estimations monétaires aboutissent donc à un total d’environ 500 à 600 Md€ actuels de réparations.

Le chiffre est important, mais finalement pas si colossal, si on considère qu’il pouvait être payé sur 70 ans (plan Young). Mais le problème est que ce chiffre ne tient pas compte des gains de pouvoir d’achat de la population. Une estimation en fonction du PIB serait donc intéressante pour mieux quantifier la charge réelle.

Troisième méthode : par le PIB

Albert Ritschl, complication, plusieurs auteurs, arrive pour sa part à un total de réparations de 250 % du PIB 1913 (auquel s’ajoutent 50 % du PIB  de dette nationale). Ferguson est plus proche de 240 % du PIB.

Avec un PIB allemand actuel de l’ordre de 2 700 Md€, on arrive ainsi à un montant de réparation corrigé de l’ordre de  6 500 Md€ – soit une charge dix fois plus lourde que la précédente…

Les paiements réels

Ainsi, sachant que l’Allemagne n’a payé que 15,6 % du total affiché à Versailles (mais près de 42 % sans les obligations C), on arrive à une estimation du paiement réel actualisé de 85 Md€, ou, plus justement, de 39 % de son PIB annuel 1913 versés en 14 ans.

Un travail plus précis de Ferguson estime que les réparations ont représenté une moyenne de seulement 2,4 % du PIB annuel moyen entre 1919 et 1932, soit 34 % du PIB moyen.

On voit que le montant annuel n’a jamais dépassé 8,3 % du PIB (courbe claire), et est resté la plupart du temps en dessous de 3 % du PIB – alors que Keynes estimait que ce montant représenterait 25 à 50 %. Pour en revenir à 1871, la France paya à l’Allemagne 9 % de son PIB la première année et 16 % la seconde – mais ce fut alors terminé. On se rend compte que le montant annuel était soutenable, mais que, comme on espérait le toucher pendant des décennies, on arrive à un montant actualisé délirant, qui a tant choqué les Allemands… Ceci étant, si on a beaucoup moqué le plan Young et son étalement jusqu’en 1988, l’Allemagne, entre 1958 et 2000 a eu une contribution nette au budget européen de l’ordre de 160 milliards de marks ; bien entendu, cela représente une toute petite fraction de son PIB, mais on arrive au final à une somme supérieure au montant nominal du traité de Versailles…

On peut enfin comparer en conclusion ces montants aux dettes actuelles…

(2 traductions du premier graphe pour finir)

Sources et documents

La “bible” : Etienne Weill-Raynal, Les réparations allemandes et la France, Nouvelles Éditions Latines, 1947 (3 volumes)

Tobias Vogelgsang, The Allied distribution of reparations after World War I, 2014

Albrecht Ritschl, Les réparations allemandes 1920-1933, 1999

Sally Marks, The Myth of German Reparation, 1973

Sally Marck, Mistakes and Myths, The Allies, Germany and the Versailles treaty

Fed : The First Three Years of German Reparation, 1924 

Martin Destroismaisons, L’occupation de la Ruhr et le révisionnisme de l’ordre versaillais dans deux grands journaux français (1920-1924), 2008

Jeannesson Stanislas. Pourquoi la France a-t-elle occupé la Ruhr ?. In: Vingtième Siècle, revue d’histoire, n°51, juillet-septembre 1996. pp. 56-67.

Niall Ferguson, The pity of war, 1998

Wikipédia (ici et ici)

 

Source: http://www.les-crises.fr/reparations-5-le-montant-reellement-paye-par-lallemagne/


Les néoconservateurs sont-ils une menace vitale ? Par Robert Parry

Friday 30 October 2015 at 00:01

Source : Consortium News, le 15/09/2015

Par Robert Parry

Exclusif : Malgré un record d’erreurs sans précédent, les néoconservateurs américains restent la force dominante de la politique étrangère chez les élites de Washington, exigeant plus de « changement de régime » dans le Moyen-Orient et une nouvelle guerre froide qui pourrait devenir une guerre chaude et mettre fin à toute vie sur la planète, écrit Robert Parry.

Les néoconservateurs ont sans doute desservi les intérêts nationaux américains, plus que tout groupe dans l’histoire moderne. Ils ont fait plus de mal que les communistes marginaux poursuivis par le sénateur Joe McCarthy dans les années 50, plus que les hippies des années 60, plus que les cambrioleurs du Watergate de Richard Nixon dans les années 70 ou les conspirateurs de “l’Irangate” dans les années 80.

Les néoconservateurs ont plongé le gouvernement des États-Unis dans des guerres extrêmement irréfléchies, gaspillant des milliers de milliards de dollars, tuant des centaines de milliers, voire des millions de personnes, et déstabilisant de larges pans de la planète, le Moyen-Orient, une grande partie de l’Afrique et désormais l’Europe. Les coûts en sont une haine croissante envers l’Amérique et la dérive d’une élite de la politique étrangère américaine qui n’est plus capable de produire des stratégies cohérentes.

Jackson Diehl, rédacteur en chef adjoint de la page éditoriale du Washington Post.

Pourtant, les néoconservateurs sont restés à l’abri des conséquences de leurs catastrophes. Ils dominent toujours les principaux laboratoires d’idées de Washington, ainsi que les pages d’opinion de pratiquement tous les grands journaux, dont le Washington Post, le Wall Street Journal et le New York Times. Ils détiennent des postes clés au département d’État, et leurs copains « de l’interventionnisme libéral » ont l’oreille du président Barack Obama.

De toute évidence, les néocons sont des opérateurs habiles, sachant comment s’organiser un flux régulier de financement venant des entrepreneurs militaires donateurs des think tanks, des contribuables américains payant la note des organisations comme la National Endowment for Democracy, et de milliardaires idéologues résolus à aligner la politique étrangère des États-Unis avec la ligne dure des projets israéliens.

Les néocons sont des experts de la rédaction d’éditoriaux qui tournent n’importe quel ensemble de faits en support de leur cause idéologique ; ils trouvent la bonne citation qui s’insère dans le dernier article de la rubrique des nouvelles ; et ils organisent des conférences politiques qui attirent les politiciens puissants et confortent leur médiatisation.

Mais est-ce que les néoconservateurs sont une force qui peut coexister avec la République américaine ? Sont-ils devenus une menace existentielle, non seulement pour la structure constitutionnelle conçue en 1787 mais aussi pour la pérennité de la vie sur la planète ? Sont-ils verrouillés sur un plan d’action qui pourrait conduire à un holocauste nucléaire ?

De toute évidence, l’engagement des néoconservateurs pour les intérêts israéliens viole un principe fondamental établi par les premiers présidents de la nation qui ont tous mis en garde contre les « alliances avec des puissances étrangères » considérées comme une menace existentielle pour une république démocratique qui transformerait l’Amérique en un État guerrier qui saperait inévitablement les libertés fondamentales.

Cette perte de liberté a certainement déjà eu lieu. Non seulement il y a maintenant un soutien bipartisan pour un état de surveillance qui peut espionner la vie privée des citoyens américains, mais le gouvernement américain a lui-même créé la notion de « communication stratégique », un slogan qui fusionne les opérations psychologiques, la propagande et les relations publiques dans une approche invisible destinée à manipuler l’opinion publique aux USA et à l’étranger.

Lorsque l’information est systématiquement passée à travers un filtre conçu pour assurer le consentement, le concept démocratique fondamental d’un électorat informé a été détourné de son but : les gens ne contrôlent plus le gouvernement, c’est le gouvernement qui manipule les gens.

La tactique des néoconservateurs

Tout ceci a fait partie de l’approche néoconservatrice qui remonte aux années 80, lorsque des agents clés, tels que Robert Kagan et Elliott Abrams, faisaient partie de groupes de travail inter-institutions destinés à unir le peuple américain dans un soutien total des politiques de la guerre d’agression du gouvernement. Guidés par les propagandistes chevronnés de la CIA, tels que Walter Raymond Jr, les néoconservateurs ont bien appris leurs leçons.

Mais les néoconservateurs ne menacent plus seulement l’existence de la République ; ils sont maintenant en train de mettre en danger la continuation de la vie elle-même. Ils ont décidé de lancer une nouvelle guerre froide contre la Russie qui va pousser le monde au bord de la guerre thermonucléaire.

Bien sûr, les néoconservateurs vont présenter leur stratégie de fin du monde comme si tout était de la faute de Vladimir Poutine. Ils vont assurer qu’ils ne font que résister à « l’agression russe » et que toute personne qui ne se joint pas à eux est un « pantin de Moscou » ou un « faible ». Ils vont dicter la forme du débat tout comme ils l’ont fait dans d’innombrables autres situations, comme quand ils ont mené les Américains à la guerre en Irak au prétexte de stocks d’armes de destruction massive inexistants.

Les experts néoconservateurs vont écrire des éditos apparemment fiables sur les stratégies sournoises du Kremlin qui jetteront l’opprobre  sur les Russes et des louanges sur quiconque sera de l’autre côté, aussi bien les néo-nazis en Ukraine que les terroristes de l’État Islamique et Al-Qaïda en Syrie. Les Américains seront poussée dans une folie guerrière qui exigera un affrontement direct avec les « Russkofs » ou un « changement de régime » à Moscou.

Il n’y aura que peu ou pas de préoccupations concernant les risques. Avec les néocons, il n’y en a jamais. L’hypothèse est que si « Amur-ika » est dur le camp d’en face reculera. Puis, avec les sanctions économiques américaines dirigées de l’extérieur et les ONG US financées pour semer le trouble de l’intérieur, le « changement de régime » devient une rigolade.

Quiconque a de l’importance à Washington – ceux des talk-shows et les pages éditoriales – sait que ces situations perturbatrices finissent toujours comme prévu dans le scénario conçu dans les meilleurs “think tanks”. Un « réformateur démocrate » soigneusement choisi et approuvé par le cercle des “think tanks” – comme Ahmed Chalabi en Irak – sera facilement installé, puis le pays cible fera tout ce que les néoconservateurs dictent. Après tout, cette approche a si bien fonctionné en Irak. Les néoconservateurs savent toujours mieux que les autres.

Augmenter les enjeux

Pourtant, avec la Russie, les enjeux sont encore plus élevés qu’avec l’Irak. Oui, il est facile de trouver des défauts à Vladimir Poutine. Moi-même, j’obéis à une règle personnelle qui stipule que les hommes de plus de 40 ans ne doivent pas se mettre torse nu en public (sauf peut-être s’ils sont acteurs dans un James Bond ou s’ils vont se baigner à la plage).

Mais au moins Poutine est un acteur rationnel dans les affaires mondiales. En réalité, il a essayé de coopérer avec le président Obama sur différentes questions clés, comme de convaincre la Syrie d’abandonner ses armes chimiques et d’obtenir de l’Iran qu’il fasse des concessions dans l’accord sur le nucléaire – deux contributions à la paix mondiale qui ont rendu furieux les néoconservateurs qui sont pour bombarder, bombarder et encore bombarder la Syrie et l’Iran.

À un dîner en Europe cet été, une Britannique bien informée m’a demandé ce qui devrait être fait avec Poutine. Ma réponse fut que Poutine ne me faisait pas peur ; c’était plutôt le gars qui viendrait après Poutine qui me faisait peur – parce que, malgré la confiance des néoconservateurs dans l’idée que leurs plans de « changement de régime » à Moscou installeraient un modéré influençable, le résultat le plus probable serait l’émergence d’un nationaliste russe beaucoup plus extrémiste que Poutine.

L’idée de remettre les codes nucléaires à quelqu’un déterminé à défendre l’honneur de la Mère Russie me terrorise. Ensuite, les néoconservateurs brutalement agressifs de Washington auraient leurs équivalents irréfléchis à Moscou, aucune des deux parties n’ayant la sagesse dont ont fait preuve un John F. Kennedy ou un Nikita Khrouchtchev lors de la crise des missiles de Cuba en 1962.

Les néoconservateurs américains ou un Russe super-nationaliste auraient-ils la sagesse et le courage de reculer, de faire des compromis, de faire les concessions nécessaires pour éviter de faire le grand saut ? Ou penseraient-ils que c’est l’autre qui baissera les yeux le premier et qu’ils « gagneraient » l’épreuve de force?

Je me souviens de ce que William R. Polk, un des collaborateurs secondaires de Kennedy pendant la crise des missiles cubains, a écrit récemment à propos de ce qui arrive à l’esprit humain dans un tel stress.

« Puisque les êtres humains prennent les décisions, nous devons être conscients de la vulnérabilité des décideurs », a écrit Polk. « Au cours de la crise des missiles cubains, je faisais partie d’environ 25 civils pleinement engagés dans les événements. Je n’étais pas au centre, mais au deuxième ou troisième niveau. Donc, je n’ai pas senti entièrement la tension, mais à la suite de la crise du jeudi, je suis sorti complètement épuisé. Mon jugement devait avoir été altéré, même si je n’en étais pas conscient.

« Je me souviens, quoi qu’il en soit, d’un épisode terrible – qui heureusement n’a duré que quelques minutes – à propos duquel je me suis dit : “Qu’on en finisse simplement.” Lorsque plus tard j’ai rencontré mes homologues soviétiques, j’ai eu l’impression, bien qu’ils l’aient nié, que mes sentiments étaient partagés. Je ne peux que supposer à quel point la tension a affecté le groupe restreint. »

Si quelqu’un d’aussi équilibré et sérieux que Bill Polk a eu de telles pensées – « Qu’on en finisse simplement. » – qu’adviendrait-il si les néoconservateurs américains ou les nationalistes russes surexcités étaient impliqués dans le processus de décision ? Voici une question existentielle que je ne veux même pas envisager.

Le dénigrement continu de Poutine

Et, si vous doutez que les néoconservateurs vont s’engager dans une escalade façon guerre froide dans le dénigrement de Poutine, vous devriez lire l’éditorial du rédacteur en chef adjoint néoconservateur Jackson Diehl du Washington Post de lundi, intitulé « Poutine décale les fronts : avec une intervention en Syrie, il continue ses manœuvres “dans ta face”. »

Diehl plonge dans la psyché de Poutine – un processus qui est tellement plus facile que de faire du vrai journalisme – et conclut que la décision de Poutine de se joindre à la lutte en Syrie contre l’État islamique et Al-Qaïda est juste une autre tentative de coller son doigt dans l’œil des vertueux mais incapables États-Unis.

Diehl, bien sûr, commence avec la version néoconservatrice du récit de la crise en Ukraine, en ignorant le rôle clé du secrétaire d’État adjoint néoconservateur, Victoria Nuland (l’épouse de Robert Kagan) dans le coup d’État du 22 février 2014  qui a renversé le président démocratiquement élu Viktor Ianoukovitch et installé un régime profondément anti-russe à la frontière de la Russie. Nuland a même personnellement choisi le nouveau premier ministre Arseni Iatseniouk, expliquant à l’ambassadeur américain Geoffrey Pyatt dans un appel téléphonique plusieurs semaines avant le coup d’État que « Yats c’est le gars qu’il nous faut. »

Les putschistes ont alors déployé des milices néo-nazies (et des activistes islamistes) pour mener une « opération antiterroriste » sanglante contre les Ukrainiens russes qui s’opposaient au « changement de régime ». [Voir « l'Ukraine unifie les nazis et les islamistes. » sur Consortiumnews.com]

Mais toute cette complexité est soigneusement réduite par les néoconservateurs et les médias dominants américains à une « agression russe. » En ce qui concerne la guerre civile syrienne, certains néoconservateurs se sont même joints à de hauts responsables israéliens pour affirmer qu’une victoire d’al-Qaïda est préférable à la poursuite du régime laïque d’Assad. [Voir « L'histoire cauchemardesque de la Syrie. » sur Consortiumnews.com]

Cependant, l’histoire continue malgré tout, le plus grand méchant c’est Poutine, toujours avec des motivations sinistres et des intentions diaboliques. Donc, pour expliquer la situation en Ukraine et en Syrie, Diehl écrit :

« Tout au long de l’été, les forces russes en Ukraine orientale ont fait entendre le battement de tambour quotidien des attaques contre l’armée ukrainienne, infligeant des pertes significatives tout en évitant une réponse des gouvernements occidentaux. Le 1er septembre, à la suite d’un nouveau cessez-le-feu, les canons se turent soudain. Les optimistes ont supposé que Vladimir Poutine reculait.

Puis vinrent les rapports en provenance de Syrie : des avions militaires russes survolaient la province d’Idlib tenue par les rebelles. Des casernes étaient en construction dans une nouvelle base. Des navires débarquaient de nouveaux véhicules blindés. Il s’avère que Poutine ne procédait pas à une retraite, mais déplaçait les fronts – et exécutait des manœuvres provocatrices qui ont à plusieurs reprises pris l’administration Obama au dépourvu. »

Le reste de l’édito est de la même manière orienté et partisan : Poutine est le méchant et Obama est le péquenaud. Dans le monde de Diehl, seuls lui et d’autres néoconservateurs ont ce qu’il faut pour défaire Poutine et mettre la Russie à genoux.

Toute autre explication de l’action de la Russie en Syrie est balayée, comme lorsque Poutine affirme qu’une victoire du Front al-Nosra d’Al-Qaïda – comme l’aimerait Israël – ou de l’État Islamique encore plus sanguinaire est inacceptable et donc le régime d’Assad doit être stabilisé pour éviter une catastrophe géopolitique majeure.

Selon leur vieille habitude, les néoconservateurs ignorent l’effrayante logique des conséquences qu’aurait l’effondrement de l’armée d’Assad pour le Moyen-Orient, l’Europe et le Monde. Après tout, une fois que les dirigeants israéliens ont décidé de lier leur sort à celui d’al-Qaïda en Syrie, les dés étaient jetés pour les néoconservateurs.

Mais l’idée que les néoconservateurs puissent micro-gérer le résultat en Syrie, avec la « modérée » al-Qaïda qui prendrait Damas plutôt que le plus « radical » État Islamique, reflète l’arrogante ignorance de ces leaders d’opinion américains. Plus probablement, le front al-Nosra d’al-Qaïda se coordonnerait avec leurs anciens alliés de l’État Islamique et ils mèneraient ensemble la vengeance sunnite contre les chrétiens, alaouites, chiites et les autres minorités de Syrie.

Ainsi, alors que l’État islamique serait occupé à couper des têtes d’« hérétiques », al-Qaïda pourrait utiliser son nouveau siège à Damas pour mettre au point la prochaine vague d’attaques terroristes contre l’Occident. Et, aussi déstabilisant que soit l’actuel flux des réfugiés vers l’Europe, ceci ne ferait que multiplier de façon astronomique les survivants fuyant hors de la Syrie les carnages de l’État Islamique et d’al-Qaïda.

Avec l’Europe dans le chaos et les néoconservateurs insistant toujours sur le fait que le véritable ennemi est la Russie, les conséquences possibles seraient effrayantes. Pourtant, c’est la voie que les néoconservateurs ont mise en place pour le monde – et presque tous les candidats républicains à la présidence ont signé pour cette orientation, tout comme la favorite à la candidature démocrate Hillary Clinton.

En 2014, l’ultra néoconservateur Robert Kagan, que la secrétaire d’État Clinton a choisi comme l’un de ses conseillers tandis qu’elle donnait une promotion à sa femme, Victoria Nuland, a déclaré au New York Times qu’il pourrait travailler avec une administration Clinton : « Si elle mène une politique que nous pensons qu’elle va poursuivre… C’est quelque chose qui aurait pu s’appeler néocon, mais clairement ses partisans ne sont pas enclins à la nommer comme ça ; ils vont l’appeler autrement. » [Pour en savoir plus, voir consortiumnews.com : « Est-ce-que Hillary Clinton est un néocon-light ? » et « L'impuissance de la politique étrangère d'Obama. »]

Jusqu’à présent, pratiquement personne dans la course à la présidentielle 2016 n’a sérieusement abordé dans les médias d’information dominants américains la réalité du chaos des « changement de régime » que les néoconservateurs répandent à travers le Moyen-Orient et la perspective d’une Europe déstabilisée. La plupart des débats se limitent à la campagne de dénigrement contre Poutine instituée par Jackson Diehl.

Personne n’ose poser la question vitale : Les États-Unis et le monde peuvent-ils continuer à tolérer et s’accommoder des néoconservateurs ?

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-neoconservateurs-sont-ils-une-menace-vitale-par-robert-parry/


[Réparations 4] Les défauts des années 1930

Thursday 29 October 2015 at 01:22

Suite du billet sur L’hyperinflation allemande de 1923

Conférence de Lausanne de 1932

La crise de l’endettement s’est rapidement développée : ruée sur les réserves de la Reichbank (mars 1929), échec de l’émission d’un vaste emprunt d’État (mai 1929), mesures de restriction budgétaires d’urgence (2eme semestre), démission du ministre des finances (décembre 1929), départ du président de la Reichbank (février 1930).

En mars 1930, le gouvernement du chancelier socialiste Müller s’effondra et fut remplacé par un nouveau gouvernement minoritaire, constitué selon une procédure d’urgence, dirigé par le chancelier centriste Heinrich Brüning. Ainsi, la suspension partielle de la démocratie parlementaire achevait la transition vers une politique d’austérité et de déflation, rendue nécessaire par la coupure avec les marchés de capitaux étrangers.

En juin 1930, les troupes alliées se retirèrent de la région de Mayence, la dernière zone d’occupation en Rhénanie.

Durant l’été 1930, le gouvernement tenta de faire passer le nouveau budget déflationniste par des décrets d’urgence présidentiels. Néanmoins, sous la pression diplomatique française, cette idée a été abandonnée, et le projet de loi a été présenté au Reichstag, qui l’a rejeté. En conséquence, des élections ont été organisées en septembre, qui se sont traduites par un nouvel affaiblissement des forces centristes et une forte augmentation de la représentation du parti nazi. Alors qu’il n’avait recueilli que 2,6% des voix en 1928 avec 12 députés seulement, le partie nazi recueille cette fois 18,3% des voix, et 102 députés. Le parti communiste, quant à lui, ne progresse que de 10,6% à 13,1%. L’un et l’autre sont désormais en mesure de paralyser le travail parlementaire – il était alors en effet pratiquement impossible de trouver un majorité pro-républicaine.


En mai 1931, Kreditanstalt, la plus grande banque en Autriche, s’effondra provoquant une crise bancaire en Allemagne et en Autriche. En réponse, Brüning annonça que l’Allemagne suspendait le paiement des réparations. Cela se traduisit par un retrait massif de fonds nationaux et étrangers des banques allemandes.

La politique française, jusqu’à ce point, avait été d’apporter à l’Allemagne un soutien financier pour aider le gouvernement Brüning à stabiliser le pays. Brüning, maintenant sous l’intense pression politique des nazis et du président Paul von Hindenburg, fut incapable de faire des concessions. Fin juin 1931, Brüning annonça « son intention de demander la révision du plan Young, nécessaire selon lui pour éviter la suspension du remboursement de la dette commerciale. au vu de la déflation en cours, la menace semblait très crédible.

À la lumière de la crise et dans le contexte où l’Allemagne étant incapable de rembourser ses dettes, le président des États-Unis Herbert Hoover intervint et proposa un moratoire d’un an sur les réparations et sur les dettes  de guerre interalliées, qui fut accepté le 6 juillet 1931.

Mais la Danatbank, importante institution de crédits, annonce le 12 juillet 1931 l’impossibilité de régler ses paiements. Le 13 juillet, la banque allemande Darmstädter fit faillite menant à de nouvelles faillites et une hausse du chômage aggravant encore la crise financière en Allemagne. Le gouvernement de Brüning  annonça alors la fermeture temporaire des banques et des caisses d’épargne pour tenter de calmer les esprits.

En septembre 1931, le Royaume-Uni mis fin à l’étalon-or, entraînant une dévaluation de sa monnaie qui rendait ses produits moins chers de 20 %. Si en mars 1930, le gouvernement avait augmenté les impôts sur les entreprises, ce qui déplut au patronat, en septembre 1931, il fut donc conduit à accentuer la dévaluation interne, et baissa les salaires, les allocations, les prix et les loyers, baisse qui finit par atteindre -20 %, ce qui déplu à toute la population.

Avec la Grande Dépression, la Banque des règlements internationaux indiqua que le plan Young était irréaliste à la lumière de la crise économique et exhorta les gouvernements du monde entier à parvenir à un nouvel accord sur les diverses dettes qu’ils possédaient.

En janvier 1932, Brüning déclara qu’il demanderait maintenant l’annulation complète des réparations. Sa position était appuyée par les Britanniques et les Italiens, et contrée par les Français.

Le 16 juin 1932, la conférence de Lausanne s’ouvrit. Au cours de cette conférence, les Américains informèrent les Britanniques et les Français qu’ils ne seraient pas autorisés à faire défaut sur leurs dettes de guerre. À leur tour, ils recommandèrent que les dettes de guerre soient liées au paiement des réparations allemandes, ce à quoi les Allemands s’opposèrent également. Le 9 juillet, un accord fut conclu et signé.

La conférence de Lausanne annula le plan Young et imposa à l’Allemagne de payer un unique et ultime versement de 3 milliards de marks (pour sauver la France de l’humiliation politique – mais il ne sera jamais payé) mettant ainsi fin à l’obligation de l’Allemagne à payer les réparations.

Hélas, cette annulation intervint trop tard. Une fois le plan Young en place, les Allemands devaient attendre qu’il montre son inefficacité. La politique déflationniste de Brüning – dont on voit qu’il eut peu de marges de manœuvre – aurait pu marcher (dans ce contexte). En effet, les élections suivantes étaient prévues en 1934. Avec la fin des réparations, et le gain de compétitivité obtenu, avec un retour mesuré de la confiance internationale, cette politique d’austérité dure aurait pu porter quelques fruits deux ans plus tard.

Hélas, le président Hindenburg, réélu en avril 1932, procéda à une manœuvre politique. S’il méprisait Hitler, il avait plutôt des sympathies pour la contre-révolution anti-démocratique que représentait le parti nazi et les autres partis nationalistes. Le 1er juin 1932, Hindenburg se vit contraint de congédier Brüning, qui, outre le fait de susciter le mécontentement populaire avec sa politique de rigueur, se disposait à ponctionner les grands propriétaires fonciers de l’Allemagne orientale, les Junker, qui ont l’oreille du président Hindenburg.

Le très influent major Kurt von Schleicher suggère à Hindenburg de nommer à la chancellerie un député quasi-inconnu du Zentrum catholique, Franz von Papen, aristocrate proche des milieux d’affaires et des nationalistes. Mais le nouveau gouvernement ne tient que grâce à la neutralité du parti nazi, obtenue contre la promesse d’élections législatives anticipées. N’ayant pas trouvé de majorité, Papen demanda la dissolution du Parlement, après avoir abrogé l’interdiction symbolique des milices SA prise par Brüning peu avant son départ.

Au terme d’une campagne marquée par la violence, les nazis obtinrent le 31 juillet leur plus haut score dans une élection libre, avec 37,3 % des voix. Le parti nazi et le parti communiste disposaient désormais de la majorité des voix au Parlement. Hitler refusa de devenir ministre de von Papen, et exigea le poste de Chancelier, qui lui fut refusé le 13 aout 1932. Von papen n’obtenant aucune majorité, le parlement fut de nouveau dissout. Le 6 novembre, les nazis étaient toujours en tête, mais connurent une grosse déception, perdant 2 millions de voix, et n’obtenant plus que 33,1 % des voix.

Le 3 décembre, le Général Kurt von Schleicher fut nommé Chancelier. Il tenta en vain d’obtenir une majorité en ralliant les gauches de plusieurs partis. L’expérience du “Général Socialiste” tourna court, et il demanda à Hindenburg de nouvelles élections le 22 janvier.

Dans le même temps, l’ancien président de la Reichsbank Hjalmar Schacht et quelques autres sommités du monde économique demandent par lettre à Hindenburg de nommer à la chancellerie le «chef du groupe national le plus nombreux», autrement dit Hitler. Ils y voient le moyen de détourner les masses populaires des communistes et de les rallier à la République de Weimar…

Finalement, Hindenburg fut convaincu par von Papen que, en baisse de régime, Hitler pourrait être contrôlé, et le nomma Chancelier le 30 janvier 1933, à la tête d’un gouvernement minoritaire avec von Papen comme vice-chancelier, où les nazis ne détenaient que 3 sièges de ministres sur 11 (Hitler,  Wilhelm Frick à l’intérieur et Herman Göring ministre sans portefeuille, qui était par ailleurs ministre de l’intérieur du Land de Prusse).

Hitler avait cependant exigé de procéder rapidement à de nouvelles élections, ce qu’il obtint dès le 1er février, élections prévues pour le 5 mars. Dès le 4 février 1933, certains journaux socialistes et communistes sont interdits. Le 27 février 1933, le bâtiment du Reichstag est incendié. Le lendemain, un décret présidentiel, le Reichstagsbrandverordnung, restreint les libertés individuelles. Hitler accuse les communistes de cet incendie, fait interdire le KPD, suspend la liberté d’opinion (28 février 1933), ce qui permet d’arrêter de nombreux anti-nazis. Malgré le climat de terreur, les élections du 5 mars 1933 ne donnent que 44 % des sièges pour les nazis au Reichstag. Les députés communistes sont arrêtés, ce qui donne au NSDAP la majorité absolue (51 % des voix). Le 23 mars 1933, la loi « sur la suppression de la misère du Peuple et du Reich » lui accorde les pleins pouvoirs par 441 voix contre 92.

Le 12 novembre 1933, de nouvelles « élections » au Reichstag sont organisées sur une liste unique ne comportant que des nazis qui sont élus avec 92 % de « oui ». Hitler supprime alors les Assemblées dans les Länder et dote l’Allemagne d’une administration centralisée. Le 14 juillet 1933, le Parti nazi devient le seul parti légal ; son emblème et son idéologie sont présents partout. Le président Hindenburg meurt le 2 août 1934, mais les élections présidentielles sont supprimées. Hitler cumule alors les deux fonctions : Président de la République et Chancelier sous le nom de Führer, un bouleversement constitutionnel approuvé par près de 90 % des électeurs lors du plébiscite du 19 août 1934. En vertu du « Führerprinzip », il affirme n’être responsable devant personne.

Dès lors, on parle de Troisième Reich, même si formellement la Constitution de Weimar n’a jamais été abrogée par les nazis. C’était le début de la course à l’abîme…

Les défauts des années 1930 sur les dettes interalliées

La suppression des réparations allemandes mi-1932 allait évidemment avoir de lourdes conséquences sur la capacité des créanciers à honorer leurs propres dettes de guerre.

L’arrivée de l’échéance semestrielle de la dette européenne envers les États-Unis le 15 décembre 1932 allait jouer le rôle de détonateur d’une crise diplomatique, survenant en pleine passation de pouvoir présidentiels, Roosevelt ayant été élu le 8 novembre 1932. Face aux demandes anglo-française de re-négociation, le Président Hoover adopta une ligne intransigeante :

“Les gouvernements qui ont contracté des engagements à notre égard, au titre des dettes de guerre, ont demandé, en ce qui concerné l’échéance du 15 décembre, une suspension des paiements dus aux États-Unis, qui devait être suivie d’un échange de vues sur cette question des dettes. Notre gouvernement leur a fait savoir que nous n’approuvons pas la suspension des paiements du 15 décembre.” [Message du Président Hoover au Congrès du 6 décembre 1932) [Weil-Raynal, 1947]

Ainsi, le “moratoire Hoover” état bon pour l’Allemagne, mais pas pour les Alliés…

Le 10 décembre 1932, la Chambre française demande au gouvernement de préparer le paiement du 15 décembre, à condition que les États-Unis acceptent auparavant la tenue d’une Conférence internationale visant à restructurer les dettes interalliées.

La Grande-Bretagne informe les États-Unis qu’elle accepte de procéder au paiement, moyennant une petite réserve, mais les États-Unis exigent le paiement intégral et refusent la réserve.

Le Président du conseil Édouard Herriot proposa alors à la Chambre de voter une loi et indiquant que le versement du 15 décembre 1932 serait honoré, mais serait le dernier si les dettes n’étaient pas révisées dans leur ensemble.

Mais l’attitude américaine avait fortement déplu aux députés français qui refusèrent le 13 décembre de voter la loi par 402 voix (droite, centre, socialistes) contre 167 (radicaux), entrainant la démission d’Édouard Herriot.

La chambre vota alors une résolution indiquant qu’elle ne refusait pas de payer, mais qu’elle “différait” le versement jusqu’à la tenue d’une Conférence internationale.

Ainsi, le 15 décembre 1932, les débiteurs se scindèrent en deux groupes :

En 1933, la Grande-Bretagne procéda à 2 paiements symboliques, Roosevelt (plus souple que son prédécesseur) indiquant qu’il ne considérait pas ceci comme un défaut.

Mais le Congrès veillait, et la loi Johnson votée le 13 avril 1934 fermait le marché financier américain aux gouvernements des pays en défaut de paiement. Roosevelt changea alors d’attitude, et se montra très ferme dans son discours du 1er juin 1934, ce qui entraina une profonde déception dans la presse de gauche.

En réaction, le gouvernement britannique indiqua que le 4 juin 1934 que la Grande-Bretagne suspendait désormais tout paiement.

Ainsi, deux fois par an, aux approches des échéances du 15 juin et du 15 décembre, des lettres étaient échangées entre les gouvernements américains et français. Le premier envoyait au second le relevé des sommes dues, ajoutant à partir du 15 décembre 1934 (suite au défaut anglais) qu’il était disposé “à étudier par la voie diplomatique toutes propositions que le gouvernement français souhaiterait présenter touchant le paiement de ces dettes et à prendre ces propositions en considération, en vue de leur présentation au Congrès américain”.

Le gouvernement français répondait que “il ne contestait pas la validité de la dette, qu’il demeurait prêt à en rechercher le règlement avec le Gouvernement des États-Unis, sur des bases qui apparaitraient acceptables aux deux pays” mais “qu’il se trouvait actuellement dans l’impossibilité de formuler de telles propositions”.

Cette situation se prolongeât ainsi, d’échéances trimestrielles en échéances trimestrielles, jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale…

Épilogue

Pour payer les réparations, l’Allemagne avait contracté divers prêts au cours des années 1920. En 1933, à la suite de l’annulation des réparations, Hitler, annula tous les paiements au titre de la dette commerciale.

En juin 1953, un accord sur la dette extérieure allemande fut conclu à Londres avec l’Allemagne de l’Ouest pour ce qui concernait la dette existante. Moyennant une décote d’environ 50 %, l’Allemagne de l’Ouest acceptait de rembourser les prêts qui avaient été en défaut, mais reportait une partie de la dette jusqu’à ce que les deux Allemagnes soient réunifiées. Il restait ainsi à payer environ 15 milliards de marks sur 30 ans.

En 1995, après la réunification, l’Allemagne commença à effectuer les derniers remboursements des prêts qui avaient été en défaut dans les années 1920. Le 3 octobre 2010, un versement final de 94 millions de dollars fut effectué clôturant le règlement des dettes de prêts allemands concernant les réparations.

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Les historiens et les économistes ont beaucoup discuté du problème de ces réparations et de leurs conséquences.

Il semble finalement que, au delà du problème “d’affichage” délirant (les obligations C), le problème le plus déterminant ne semble pas tant avoir été la “capacité de paiement” de l’Allemagne (elle investira énormément dans les années 1930 pour se réarmer), que la possibilité limitée des créanciers à lui imposer de payer ses dettes. L’occupation de la Ruhr et l’hyperinflation de 1923 a montré aux parties ces limites.

Si Keynes avait raison au sujet des clauses économiquement absurdes du traité de Versailles, le problème est qu’elles visaient à se substituer à une résolution politique et stratégique du problème – les réparations étaient aussi vues comme un substitut au refus des États-Unis de protéger l’Europe de l’Allemagne.

De fait, il aurait été possible de parvenir à un accord raisonnable dès 1924, qui aurait certes maintenu un temps l’Allemagne dans la pauvreté et déçu la France – mais cela n’a pas été lé cas. L’Allemagne est alors entrée dans un cycle économique très volatile, avec d’abord une forte expansion puis une profonde dépression. Les garde-fous du plan Dawes, qui partaient d’une bonne intention, ont en fait induit un comportement très dangereux, autorisant de fait l’Allemagne à se surendetter, ce dont elle ne s’est pas privée… Lorsque la pyramide des crédits s’est effondrée, l’Allemagne a été confrontée à un double fardeau : celui des réparations et celui de la dette commerciale ; un des deux devait fatalement être abandonné, ce qui explique l’échec du plan Young.

Ainsi, on n’a à cette époque cessé de repousser à plus tard l’heure de vérité, ce qui a fini par causer des conséquences beaucoup plus graves qu’elles ne l’auraient été dans les années 1920. Sans le plan Dawes, la récession allemande de 1929-1932 serait probablement intervenue dès les années vingt et aurait été plus modérée – entraînant des conséquences politiques sans doute bien moins dramatiques…

À suivre dans le prochain billet : Le montant réellement payé par l’Allemagne

Source: http://www.les-crises.fr/reparations-4-les-defauts-des-annees-1930/


Revue de presse internationale du 29/10/2015

Thursday 29 October 2015 at 00:00

Avec comme cela devient une bonne habitude, plusieurs articles en traduction. Merci à nos contributeurs. Rappel : nous cherchons toujours des butineurs pour aider à constater cette revue de presse…

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-29102015/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 28 October 2015 at 09:08

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : Dette américaine : « on fait la même chose qu’au Japon » – 26/10

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (1/2): La Fed haussera-t-elle ses taux d’intérêts avant la fin de l’année ? – 26/10

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (2/2): L’excès d’endettement de l’économie américaine est-il incontrôlable ? – 26/10

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : Taux de la FED : « Là c’est complètement plié » – 21/10/15

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (1/2): Les investisseurs sont indécis avant la réunion de la BCE – 21/10

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (2/2): Une nouvelle vague de baisse de l’euro est-elle à prévoir dans les prochains mois ? – 21/10

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir: “On a un mixe de politiques économiques qui marche sur la tête” – 27/10

Jacques Sapir VS Serge Négrier (1/2): Banques centrales: Quels sont les impacts de la politique monétaire sur l’économie réelle ? – 27/10

Jacques Sapir VS Serge Négrier (2/2): Quelles allocations mettre en place quand les marchés sont en baisse ? – 27/10


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-2810/


[Réparations 3] L’hyperinflation allemande de 1923

Wednesday 28 October 2015 at 01:22

Suite du billet sur l’occupation de la Ruhr

L’hyperinflation allemande de 1923

L’hyperinflation apparaît alors en Allemagne la fin de l’année 1922, devenant exponentielle et donc incontrôlable : la planche à billets se met en route de façon frénétique, l’ensemble des grands agents économiques du pays (grosses entreprises, banques privées…) se mettant même à fabriquer des billets, ce qui ajouta à l’effet d’entrainement. On estime aujourd’hui que cette panique hyperinflationniste résulte d’un ensemble de facteurs, qui, cumulés formèrent une spirale inflationniste autoentretenue :

Le dollar, qui s’échangeait à 4,2 marks en 1914, 42 marks en 1920 et 420 en juillet 1922 passa à :

inflation allemagne 1923o

inflation allemagne 1923

Toute l’économie fut désorganisée : les prix des repas servis au restaurant varient selon l’heure de la commande et l’heure à laquelle l’addition est présentée, si bien que les restaurateurs devaient offrir des plats en plus à leurs clients, ou leur faire payer l’addition en début de repas ; durant l’été 1923, les paysans refusaient en ville d’accepter le mark-papier en échange de leurs produits agricoles ; les salariés se faisaient payer deux fois par jour, etc.

inflation allemagne 1923

inflation allemagne 1923

inflation allemagne 1923o

Source complémentaire :

André Orléan, Une nouvelle interprétation de l’hyperinflation allemande, 1979

Les conséquences politiques

En 1923, la résistance passive coûte énormément (par exemple les salaires et les assurances sociales des grévistes sont pris en charge par les finances publiques) et fait chuter la valeur du mark. Le 12 août 1923, le chancelier Cuno démissionne. Le lendemain, le nouveau président de la République Friedrich Ebert nomme Gustav Stresemann au poste de chancelier, qui nomme un gouvernement de “grande coalition” avec les socialistes du SPD. Comme on l’a vu, Stresemann appelle à la fin de la résistance passive et s’engage à respecter les obligations imposées par le traité de Versailles.

En Rhénanie, plusieurs républiques éphémères sont fondées comme la République du Haut-Nassau, la République palatine, ou la République rhénane. Poincaré ne freine pas ces séparatismes, qui selon lui garantissent la paix. Ces initiatives de groupes nationalistes rhénans opposés à l’héritage prussien de l’Allemagne n’auront aucune suite car, aux yeux de l’opinion publique allemande, elles paraîssent aller dans le sens des intérêts étrangers.

Mais Stresemann a de grandes difficultés à préserver l’unité du pays. En Bavière, les extrémistes de droite décrètent l’état d’urgence. Stresemann demande au président Ebert de proclamer l’état d’urgence le 26 septembre, mais l’armée en poste en Bavière refuse d’obéir aux ordres. La Thuringe et la Saxe sont quant à elles aux mains des socialistes et des communistes. Stresemann envoie l’armée en Saxe pour rétablir la situation, mais elle ne s’améliore guère. Le 29 octobre 1923, Stresemann décide de destituer les membres du gouvernement de Saxe ; pour la Bavière, il préfère ouvrir des négociations. Stresemann va alors se trouver dans une situation très inconfortable car les ministres SPD quittent son gouvernement, provoquant la rupture de sa coalition.

Le chef de l’armée Hans Von Seeckt projette alors de mettre sur pieds une « dictature légale » pour contenir la crise, ce que Stresemann refuse. Il est alors attaqué de toutes parts. Le Putsch de la Brasserie du 8 novembre 1923 mené par Ludendorff et Hitler à Munich est le point culminant du conflit. Lorsque Stresemann apprend la nouvelle, il se serait exclamé « Finis Germaniae ». Le putsch vise à renverser le gouvernement, l’affrontement avec la police fait vingt morts dont seize putschistes. Les responsables sont arrêtés, Adolf Hitler est condamné à une peine de prison, Ludendorff est jugé mais acquitté.

inflation allemagne 1923

Proclamation au peuple allemand ! Le gouvernement des criminels de novembre (NdT. : 1918…) à Berlin a été déposé aujourd’hui. Un gouvernement national allemand provisoire a été formé, composé du général Ludendorff, d’Adolf Hitler, du général von Lossow, du colonel von Seisser.

“Proklamation an das deutsche Volk! Die Regierung der Novemberverbrecher in Berlin ist heute für abgesetzt erklärt worden. Eine provisorische deutsche Nationalregierung ist gebildet worden, diese besteht aus General Ludendorff, Adolf Hitler, General von Lossow, Oberst von Seißer.”

Après ce point culminant des séparatismes, la situation politique se stabilise peu à peu, les partis extrémistes refluent.

Bien qu’il ait combattu l’inflation et préservé l’unité du pays, Stresemann est sommé de quitter le pouvoir le 23 novembre 1923, le SPD ayant déposé une motion de défiance la veille. On lui reproche ne n’avoir pas traité la Thuringe, la Saxe et la Bavière de la même manière, en n’envoyant pas par exemple l’armée en Bavière. Le président Ebert déclare alors : « Ce qui vous pousse à renverser le chancelier sera oublié dans six semaines, mais vous sentirez les conséquences de votre bêtise dix ans encore ».

La victoire contre l’inflation

Le 20 novembre 1923, le nouveau commissaire à la Monnaie du gouvernement (et ancien président de la banque centrale) Hjalmar Schacht, stabilise la monnaie en remplaçant le mark par le Rentenmark sur la base d’un Rentenmark pour 1000 milliards de marks. Il stoppa l’inflation, avec 3 séries de mesures visant à diminuer la quantité de monnaie :

Les conséquences économiques de la crise monétaire sont contrastées. Si certaines couches de la population se retrouvent ruinées (une partie des classes moyennes et non pas son ensemble, à savoir les rentiers essentiellement, comme par exemple les retraités), d’autres s’en tirent sans trop de dommages : la classe paysanne, les artisans, les petites entreprises et les grosses fortunes. La prolétarisation des couches moyennes, cliché véhiculé à cette époque par des commentateurs peu informés des réalités économiques, n’a pas eu lieu :

« Il est peu aisé de connaître les conséquences de l’hyperinflation sur les différentes couches sociales. L’idée d’une détérioration généralisées des couches moyennes n’est plus partagée. Ces couches étaient trop diverses ; elles ont traversé la période dans des conditions plus variables. Ont perdu : les épargnants, les prêteurs, les détenteurs d’emprunts publics. Par contre, les petits entrepreneurs, les commerçants et les agriculteurs seraient sortis relativement indemnes de l’inflation. » [Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945, 2001]

Au final, c’est moins l’inflation que le sentiment d’être injustement puni par les différents traités de paix mais surtout la recréation de la Pologne à partir des terres prussiennes et la menace d’une guerre civile qui ont eu pour effet de donner un nouvel élan au nationalisme et au revanchisme allemands, lesquels ont toujours été présents dans certaines couches de population depuis l’avènement du pangermanisme. L’Allemagne n’ayant plus de colonies, elle va se recentrer sur son territoire linguistico-culturel et tout miser sur sa force de travail. Comparativement, octobre 1929 fut beaucoup plus dramatique et porta plus à conséquence que 1923.

Le plan Dawes de 1924

In extremis, Stresemann accepte début décembre 1923 de devenir ministre des affaires étrangères du  nouveau chancelier.

Il réussit à convaincre les Alliés de négocier un nouveau plan pour le paiement des réparations, avec le soutien des États-Unis.

Si 1922 avait finalement rendu inévitable l’occupation de la Ruhr, le coût élevé de celle-ci tant pour l’Allemagne (chômage, perte de contrôle de l’inflation…) que pour les Alliés (coût élevé pour un retour assez limité, problèmes diplomatiques…) rendait une renégociation envisageable.

Les Britanniques réclamèrent à la France plus de souplesse à l’égard de l’Allemagne et pour faire entendre raison à leur ancienne alliée, ils jouèrent contre le franc en Bourse. La devise française perdit en moins d’un an la moitié de sa valeur et Poincaré, de plus en plus isolé, fut bientôt contraint d’appeler à l’aide les financiers anglo-saxons et de renégocier les réparations allemandes.

Le 24 avril 1924, le plan Dawes fut accepté et remplaça le programme de paiement de Londres. Il ne modifia pas le montant total des réparations : alors que les obligations « C » furent omises dans le cadre du plan, elles ne furent pas officiellement annulées.

plan-dawes

Dans le cadre du plan :

Le plan Dawes réussit à stabiliser la monnaie, mais rendit le pays dépendant des marchés étrangers.

En effet, après 1924, les capitaux étrangers ont afflué en Allemagne. L’Allemagne a ainsi finalement payé durant ces années là, mais pas véritablement sur ses ressources propres.

Le paradoxe d’un afflux de capitaux dans un pays aussi surendetté s’explique par le fait que, en pratique, le plan Dawes avait inversé le rang des créances : les prêteurs privés devenaient prioritaires par rapport au paiement des réparations.À l’inverse, l’Allemagne étant déjà surendettée, rien ne l’incitait à ne pas s’endetter encore plus. Une note du ministère des Affaires étrangères indiquait d’ailleurs “Plus nous emprunterons à l’étranger, moins nous aurons à payer au titre des réparations.” (Ritschl) La politique de Stresemann a finalement consisté à rendre les créanciers étrangers otages du problème des réparations – leur intérêt étant dès lors qu’elles fussent le plus basses possible pour ne pas inciter l’Allemagne au défaut.

Une partie de ces ressources étaient consacrées à des investissements publics (logements sociaux, stades, lignes de métro, début de l’électrification des lignes ferroviaires, première autoroute Cologne-Bonn) mais non directement productifs pour aider aux réparations, ce que déplora l’Agent des réparations. Cependant la majeur partie de ces crédits a été consacrée au paiement des réparations, dans un mécanisme de Ponzi, de nouvelles dettes servant à payer des anciennes. Comme la plupart des prêteurs étaient américains, on assistait donc à un vaste recyclage des crédits : les prêts américains aident l’Allemagne à payer les réparations, ce qui permettait aux Alliés de rembourser leurs dettes de guerre aux américains.

L’historien américain Stephen Schuker fit valoir que les Allemands reçurent autant de prêts américains (qu’ils ne remboursèrent jamais) que l’Allemagne ne paya de réparations. En effet, Schuker nota qu’entre 1921 et 1931, l’Allemagne avait payé 19,1 milliards de marks de réparations, et dans le même temps, elle contracta 27 milliards de marks de prêts envers les États-Unis, sur lesquels l’Allemagne fit défaut en 1932.

On peut se demander pourquoi des investisseurs étrangers participèrent à ces prêts qui ne semblent avoir d’intérêt que pour l’Allemagne. Il existe plusieurs explications. Premièrement, il était dans l’intérêt de la communauté bancaire internationale – et plus particulièrement des États-Unis – de rouvrir le marché du crédit allemand, ce qui servait ses intérêts, d’autant qu’ils se pensaient protégés par leur priorité de remboursement..

La seconde explication est que ce plan paraissait incitatif même pour les alliés. En fait, le plan de de paiement des réparations n’incluait que l’indemnité nette (les obligations A) ne tenait aucun compte des dettes de guerre interalliées (obligations B) ; les responsables politiques et les experts espéraient que le Congrès américain finirait par annuler tout ou partie de ces dettes. Ce plan permettait donc d’inciter l’Allemagne à payer l’indemnité nette, et permettait de gagner du temps, tout en favorisant le reconstruction européenne par le biais du crédit américain.

L’évacuation de la Ruhr en 1925

Sur le plan international, l’occupation de la Ruhr provoqua un sentiment de sympathie à l’égard de l’Allemagne, mais aucune action concertée, car aucun pays ne voulut prendre la responsabilité d’une remise en cause du traité de Versailles. Confrontées à leurs propres difficultés économiques, ne tirant pas suffisamment de ressources de cette occupation (même si les puissances occupantes recevront en net 900 millions de marks-or, ce qui fait de l’occupation une affaire financièrement assez rentable, surtout après la fin de la résistance passive), la France et la Belgique finirent par accepter les propositions du plan Dawes et retirent leurs troupes en juillet et août 1925 ; elles évacuent Düsseldorf, Duisbourg et l’important port fluvial de Ruhrort. Le 25 août 1925, l’occupation de la Ruhr est terminée. Celle de la Rhénanie se poursuit encore jusque 1930, cette fois avec le soutien des Britanniques.

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Caricature française de 1924 : Conférence à trois sur la Ruhr

Cependant, la vraie question derrière l’occupation n’était pas les défauts allemands sur les livraisons de charbon et de bois, mais de forcer l’Allemagne « à reconnaître sa défaite dans la Première Guerre mondiale et à accepter le traité de Versailles ». Poincaré reconnaissait que si l’Allemagne pouvait s’en tirer en défiant le traité de Versailles en ce qui concernait les réparations, un précédent serait créé, et, inévitablement, les Allemands feraient tout pour démanteler le reste du traité de Versailles. Aux élections législatives suivantes, le 11 mai 1924, la victoire du Cartel des gauches consacra l’échec de sa politique.

Du point de vue français et belge, l’opération ressemblait à un échec : elle démontrait que la communauté internationale ne voulait et ne pouvait rien faire au sujet des différents persistants avec l’Allemagne. Ceci est à mettre en rapport avec à la passivité des signataires de Versailles lors de la remilitarisation de la Rhénanie par Hitler en 1936, au mépris du traité.

 

Départ des derniers Français de Dortmund le 22 octobre 1924 :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Le traité de Locarno de 1925

Conséquence de l’impasse dans laquelle se trouvent la France et l’Allemagne et des changements de gouvernements (Cartel des gauches en France dirigé par Édouard Herriot, Parti travailliste au Royaume-Uni avec le modéré Ramsay Mac Donald) au sein des grandes puissances européennes, l’Europe connait en 1925 phase d’adoucissement des relations diplomatiques.

Le succès diplomatique du Plan Dawes se poursuit par un autre succès de Stresemann et pas l’un des moindres : la signature des accords de Locarno le 16 octobre 1925. Ils visent à assurer la sécurité collective en Europe et les frontières de l’Allemagne. Cinq traités sont alors signés : un pacte rhénan qui garantit les frontières occidentales de l’Allemagne, et quatre autres traités d’arbitrage (Allemagne-France, Allemagne-Belgique, Allemagne-Pologne et Allemagne-Tchécoslovaquie).

Le Pacte rhénan est signé par la Belgique, l’Italie, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. C’est un traité de garantie mutuelle qui permet aux puissances signataires d’affirmer le maintien du statu quo territorial et juridique de la région rhénane. Il pose trois problèmes majeurs : le principe de garantie des frontières occidentales de l’Allemagne (prévoyant même un renforcement de l’interdiction de remilitarisation de la Rhénanie), le principe d’interdiction d’utiliser la guerre comme moyen de règlement des conflits et le principe de l’arbitrage obligatoire.

Les accords de Locarno sont l’acmé du moment de paix européen dans l’Entre-deux-guerres. Pendant la période 1920-1925, les projets européistes foisonnent, tel celui de Coudenhove-Kalergi : l’Union paneuropéenne internationale.

Gustav Stresemann, Neville Chamberlain et Aristide Briand à Locarno

Le plan Young de 1929 

Au fur et à mesure de la croissance de la pyramide du crédit allemande, les banquiers new-yorkais révisèrent leur jugement sur le niveau de risque et diminuèrent leur apport de crédits. Lors de la conférence des banquiers centraux à Long Island en 1927, Benjamin Strong, gouverneur de la Fed de New-York, avait prédit que dans un délai d’un à deux ans, le mécanisme de recyclage qui permettait à l’Allemagne de financer ses paiements de réparation grâce aux prêts américains allait tomber ne panne, provoquant la pire dépression de l’histoire. La seule question, selon lui était de savoir si la crise éclaterait en Allemagne ou aux États-Unis (Ritschl).

En 1928, il apparut clairement que le Congrès n’annulerait pas les dettes interalliées. La France et les États-Unis signèrent alors un accord prévoyant la reprise intégrale des remboursements à partir de 1929/1930.

Dans le cadre du plan Dawes, les Allemands avaient rempli leurs obligations. Cependant, ils considéraient le plan comme une mesure temporaire et s’attendaient à un plan révisé à une date ultérieure. Le ministre allemand des Affaires étrangères Gustav Stresemann appela à un plan définitif de réparation en même temps qu’un retrait anticipé des troupes alliées de la Rhénanie. Les Français, conscients de leurs positions politique et financière affaiblies, acquiescèrent.

Si le plan Dawes avait assez bien marché, c’est que les marchés de capitaux purent absorber, dans ce contexte difficile, le montant des obligations A, soit 12 MdMo. Mais il apparaissait désormais qu’il faudrait rajouter les obligations B, soit 38 MdMo supplémentaires, ce qui dépassait largement les capacités de prêt.

En février 1929, un nouveau comité fut formé pour réexaminer les réparations. Présidé par le banquier américain Owen Young, le comité présenta ses conclusions au cours du mois de janvier 1930. Le « plan Young » qui visait à garantir le paiement des dettes de guerre interalliées fut accepté et ratifié par le gouvernement allemand le 12 mars 1930.

 

plan-young1

Il prévoyait principalement :

Conséquence de ce plan, les paiements allemands étaient égaux à la moitié de ce qui avait été requis par le plan Dawes. Mais les conditions de paiement étaient beaucoup plus strictes.

Enfin, la mise en œuvre du plan Young nécessitait le retrait franco-anglais de la Rhénanie sous quelques mois.

La dureté du plan impliquait que l’Allemagne ne pourrait plus payer les réparations à crédit : le total des réparations et des dettes privées représentait au moins 70 % du PIB de 1929. L’Allemagne était ainsi proche d’une crise de l’endettement dès le début de 1929, avant même que n’éclate la crise économique.

Si l’Allemagne avait accepté un tel plan, c’est que, tant qu’elle pouvait espérer réintégrer l’économie mondiale, elle ne voulait pas se couper des marchés internationaux de capitaux. Elle savait aussi qu’elle ne pouvait interrompre le paiement des réparations, sous peine de sanctions de type 1923. Elle espérait gagner du temps, afin que, en cas de problème et suivant sa stratégie de prise en otage des marchés de capitaux, une nouvelle inversion des priorités des créanciers lui permette de suspendre le paiement des réparations tout en payant les créanciers privés.

Il y avait de plus une hostilité allemande envers le plan qui allait croissant. En décembre 1929, 5,8 millions d’électeurs inscrivirent leur opposition au plan au cours d’un référendum, qui permit à Adolf Hitler de gagner une « attention nationale importante et de précieux financements de droite ».

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Affiches de 1930 anti-Plan Young

À suivre dans le prochain billet : Les défauts des années 1930

Source: http://www.les-crises.fr/reparations-3-lhyperinflation-allemande-de-1923/


[Réparations 2] L’occupation de la Ruhr

Tuesday 27 October 2015 at 01:22

Suite du billet sur Le traité de Versailles

L’occupation de la Ruhr

Le Royaume-uni déclara alors que cette occupation était illégale et immorale. En effet, si, initialement, les gouvernements britanniques soutinrent des demandes élevées de dédommagement (le Royaume-Uni se trouvant davantage endetté que la France), John Maynard KeynesLloyd George et Balfour plaideront ensuite pour une annulation “multilatérale” de toutes les dettes publiques liées au conflit et à la reconstruction. Ceux-ci espéraient que le Royaume-Uni – comme la plupart des autres pays européens – puisse sortir de cette annulation comme profiteur net, pour autant que le Trésor public américain renonce également à ses propres créances. Mais en 1923, les Britanniques accepteront de rembourser partiellement leur dette envers les États-Unis, s’élevant à 4,6 milliards de dollars.

Cependant, le premier ministre français Raymond Poincaré était extrêmement réticent à ordonner l’occupation, et n’avait pris cette mesure qu’après que les Britanniques eurent rejeté ses propositions de sanctions plus modérées contre l’Allemagne. Les socialistes tentent de démontrer les dangers d’une occupation. Clémenceau s’y opposait et le Maréchal Foch parlait d’un “terrible nid de guêpes” où la France avait mis la main. Poincaré était sous pression, car la France avait besoin de l’argent allemand pour rembourser sa dette envers les États-Unis et l’Angleterre. La France et la Belgique tentèrent donc de faire respecter par la force les obligations financières qui étaient imparties aux vaincus par le traité de Versailles avant de commencer leurs propres remboursements.

Rappelons enfin que, selon le traité de Versailles, l’Allemagne devait payer aux alliés 20 milliards de marks-or (MdMo) avant mai 1921 puis 5 milliards d’ici le 31 décembre 1922, soit 25 MdMo. Elle n’en a versé en fait que 7,5 puis 2,9 MdMo, soit 10,4 MdMo, somme sur laquelle la France n’a touché que 2 MdMo environ en raison de la priorité de remboursement belge.

Le 11 janvier 1923, 47 000 hommes dans cinq divisions, trois françaises et deux belges, traversent la zone démilitarisée et occupent la Ruhr (Ruhrbesetzung), base de la puissance industrielle allemande. Une vague d’indignation secoue alors toutes les couches de la population dans le Reich vaincu. Le chancelier allemand Wilhelm Cuno proteste et appelle ses concitoyens à la « résistance passive » (passiver Widerstand) face à l’occupation. Mais les Français ripostent en faisant tirer sur des grévistes et en instaurant une barrière douanière entre la Ruhr et le reste de l’Allemagne.

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Par l’appel à la résistance passive, toute la vie économique de la région occupée fut paralysée. Les hauts fourneaux furent éteints et les mines fermées. Les cheminots se mirent en grève et les fonctionnaires allemands s’en tinrent à la convention prise, d’éviter tous contacts avec les autorités occupantes. Pour transporter les minerais et le charbon de la Ruhr vers la France, des milliers de techniciens et de cheminots furent mobilisés pour travailler dans la région occupée. Mais dès que les transports se remirent à rouler, des vétérans allemands, dont d’anciens combattants des corps francs comme Heinz Oskar Hauenstein et Albert Leo Schlageter, passèrent à la résistance active et organisèrent des actions de sabotage. Ils firent sauter des ponts, des lignes de chemin de fer et des canaux pour empêcher le transport vers l’étranger des biens économiques allemands. Le 12 mars, les deux premiers Français sont assassinés.

Les autorités occupantes réagirent avec dureté. La région occupée fut complètement verrouillée et la police allemande désarmée. Krupp et d’autres industriels furent condamnés à quinze ans de prison. Partout des confrontations sanglantes eurent lieu. Le 31 mars, la direction des usines Krupp, d’Essen, a excité les ouvriers contre un détachement français qui opérait des réquisitions ; celui-ci tire pour se défendre : on relève 13 tués et 30 blessés. L’incident fut exploité par la propagande allemande. D’innombrables citoyens furent arrêtés ou expulsés. Lorsque les Français arrêtèrent Schlageter suite à une trahison, alors qu’il venait de faire sauter un pont près de Calkum, tous les recours en grâce furent inutiles, les Français voulant faire un exemple. L’officier de la Grande Guerre, âgé de 28 ans, fut fusillé le 26 mai.

A Francfort, les manifestations d’hostilité de la foule envers les soldats coloniaux honnis s’achèvent par un drame le 7 avril : des tirailleurs malmenés font usage de leurs armes pour se dégager et abandonnent morts et blessés sur la chaussée. Pour les Allemands, qui parlent de dix morts et de trente blessés, les Marocains ont tiré sans motif sur des civils désarmés, mais pour les Français, les tirailleurs sont tombés dans un vrai guet-apens ”provoqué sur ordre de Berlin”. Le général Mordacq justifie la tuerie sans états d’âme :  ”Cette leçon calma complètement la population qui, jusqu’à la fin de l’occupation, ne récidiva plus. En présence de la force, les Allemands s’inclinent toujours.” L’émoi est considérable pourtant, autant en Allemagne qu’à l’étranger, et l’implication de soldats indigènes ne fait qu’augmenter l’indignation. En France même, les journaux socialistes, hostiles à la politique militariste et à la paix de Versailles, se déchaînent. L’Humanité ironise : “Ainsi qu’il fallait s’y attendre, le sang a coulé, avant-hier, dans les rues de Francfort, où les vaillantes troupes marocaines, auxquelles est confiée là-bas la cause de la civilisation et du droit, [...] ont gagné sans péril un supplément de gloire.”

La résistance se poursuivit néanmoins sans discontinuer. Ainsi, le 10 juin à Dortmund, deux officiers français furent abattus en pleine rue. La réaction des Français coûta la vie à sept civils.

inflation allemagne 1923

Exécution de Heinz Oskar Hauenstein

Les tentatives françaises de détacher des régions rhénanes du Reich avec l’aide de mouvements séparatistes ne connurent aucun succès. Des attentats perpétrés contre des chefs séparatistes et la résistance de toute la population ruinèrent ces tentatives. Le 26 septembre, le nouveau chancelier déclare que la résistance passive doit se terminer. À ce moment-là, 132 Allemands avaient été tués; onze d’entre eux avaient été condamnés à mort mais un seul avait été exécuté. 150 000 personnes avaient été expulsées de la région; d’innombrables autres avaient écopé d’amendes ou avaient subi des peines de prison.

Galerie photos, en vrac…

“L’ingénieur et le douanier français” – L’Illustration 13 janvier 1923

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

À Essen :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

À Dortmund :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

La “Kommandantur” française à Essen :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

La résistance anti-française dans la Ruhr

Rassemblement de 500 000 Berlinois contre l’occupation de la Ruhr à la KonigsPlatz le 14 janvier 1923 :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Ouvriers en grève :

“Ici, on ne sert pas les Français ni les Belges”

affiche allemandeOccupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Une affiche allemande appelant à la résistance passive durant la crise de la Ruhr : “Non, vous ne me soumettrez pas”!

affiche allemande Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

« Le droit est mort, vive la brutalité ! », Kladderadatsch, 1923. Ce journal satirique présente une Marianne revêtue de l’uniforme français en train d’assassiner une femme qui est probablement Germania. Marianne est présentée comme une prostituée immorale et diabolique. En arrière-plan, les usines de la Ruhr, prises par les Français comme gage des réparations financières décidées par le traité de Versailles.

affiche allemandeOccupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

“Les mains de la Ruhr !”

affiche allemande Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

“Le massacre d’Essen : Bah, la conscience mondiale ! Mon avocat s’appelle Poincaré” (Dans Simplicissimus. Heine Thomas Theodor)

Le 10 avril 1923, enterrement des ouvriers Krupp tués par les Français à Essen :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Traces de la mitraille sur le mur de l’usine Krupp

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Enterrement des deux adjudants français tués par un policier allemand le 10 juin :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Discours du général Jean-Marie Degoutte, commandant en chef de l’armée du Rhin

Démonstration de chasseurs alpins suite au meurtre des deux soldats :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Plaque commémorative sur un passage souterrain de RuhrtalBahn (SNCF locale) pour une victime de l’occupation de la Ruhr à Wenger, Wetter (Ruhr) :

“Le 15 VIII 1923 est tombé dans la lutte pour la Ruhr, victimes de Occupation dans l’accomplissement son devoir, le serrurier de Reichsbahn Ernst B [illisible], de Witten”

 

D’autres dessins à connotation raciste présentaient les troupes françaises comme presque exclusivement composées de soldats coloniaux barbares et violeurs. Rappelons que sur les 250 000 soldats français en Rhénanie en 1920, seuls 25 000 étaient non-européens (surtout nord-africains), dont seulement 5 000 étaient noirs.

La « force noire », qui désigne les troupes africaines, devient sous la plume des journalistes « la honte noire » (Schwarze Schmach), qui apparaît lors de l’occupation de la Rhénanie (conformément au traité de Versailles). On retrouve là un des poncifs de la pensée coloniale qui considère l’Africain comme incapable de réprimer ses instincts sexuels. L’idée d’abâtardissement de la race allemande par le métissage est aussi sous-jacente. Pour beaucoup, les coloniaux seraient en outre porteurs de maladies exotiques ou sexuelles.

Après une première vague d’indignation vers mars 1919, tout débuta véritablement en avril 1920. Contrevenant aux clauses du traité de Versailles, la Reichswehr était entrée dans la région de la Ruhr pour mater les ouvriers insurgés depuis le putsch de Kapp. Les Français occupaient alors en représailles Francfort et Darmstadt. Des troupes marocaines, prises de panique, tirèrent à la mitrailleuse dans la foule lors d’une manifestation, causant plusieurs morts. Dès lors, la campagne se radicalisa.

Lancée à l’origine par la presse d’extrême-droite allemande, cette rumeur fut reprise par les autorités gouvernementales, qui y virent un moyen de contester le bien-fondé de l’occupation de la Rhénanie, le gouvernement français étant accusé de soumettre une population occidentale blanche au joug de ressortissants de peuples « primitifs. L’objectif du gouvernement allemand était de convaincre les alliés de la France (États-Unis et Angleterre, …), que celle-ci se comportait d’une manière indigne d’une nation civilisée.

La gouvernement allemand indiqua dans une note interne : « L’Allemagne a tiré les enseignements du conflit mondial ; elle sait le poids des opinions publiques et l’impact d’une propagande massive dans la bataille diplomatique qui l’oppose à la France. En montrant la France comme une nation belliqueuse, assoiffée de revanche, qui ne pense qu’à « humilier » et « asservir » l’Allemagne, le Reich entend déstabiliser la position de la France dans les négociations de l’après-guerre. Sont notamment en jeu l’occupation du territoire et le paiement des réparations… » (Le Naour) Il émit ensuite une protestation officielle, via les autorités suisses : «la mise en place de troupes de couleur en territoire allemand est une insulte au sentiment de la communauté de la race blanche. Ce sentiment devrait aussi animer nos adversaires qui ont déclaré vouloir fonder une Société des nations»

On lit alors dans les Frankfurter Nachrichten du 7 juillet 1921 : «Des jeunes filles ont été conduites chez des médecins sans connaissance et les veines presque vides de sang. Les Noirs coupent souvent les artères à leur victime ou les mordent et sucent ensuite leur sang. Ce sont évidemment des bêtes sauvages. »

En France, le journal Le Populaire s’emporta : “Quel est le crétin, l’intégral crétin [...] qui a trouvé bien glorieux de loger dans la maison de Goethe des Noirs également remarquables pour leur courage à tout faire, pour leur excellence à propager la vérole, pour leur inaptitude à bien articuler un langage européen, et pour leur ignorance, et partant leur mépris pour l’auteur de Faust?

Le Commissariat général des troupes noires, chargé depuis le 11 octobre 1918 de la tutelle morale et matérielle des troupes noires en service en Europe, fit procéder en Rhénanie, en février, juin et septembre 1921, à des enquêtes. Ces enquêtes démontrent le caractère totalement infondé de ces diverses accusations. En 1922, le capitaine Bouriand est chargé par l’État-major français de mener une enquête sur La campagne allemande contre les troupes noires  (les Anglais et les Américains feront la même chose par la suite) : «En plus d’un an de séjour, il n’y a eu qu’une plainte et la plainte faute de preuves a été suivie d’un acquittement par le conseil de guerre», notera-t-il, en précisant que les troupes sénégalaises avaient quitté le Rhin au 1er janvier 1920, et les troupes malgaches, le 1er novembre 1921. Dans un courrier, -et les Américains arriveront à la même conclusion- il dénoncera la propagande politique allemande et ses «tracts calomnieux».

Le ministre des Affaires étrangères socialiste Adolf Köster alla pourtant jusqu’à dénoncer « le danger sanitaire que fait peser sur l’Allemagne et l’Europe le recours aux cinquante mille hommes d’une race étrangère » (NdR : chiffre exagéré, le nombre réel n’en a jamais dépassé la moitié) alors que le président socialiste de la République Friedrich Ebert affirma qu’« il faut que soit proclamé dans le monde que les habitants de la Rhénanie considèrent l’utilisation de troupes noires de la plus basse culture, pour contrôler une population représentant une haute civilisation et une puissante économie, comme une atteinte insolente aux lois de la civilisation européenne ».

Mais ce qui n’est encore que protestations isolées se transforme en vaste mouvement d’opinion et de pression à la suite d’un article de l’anticolonialiste anglais Edmund Morel dans le Daily Herald. Le 10 avril paraît à la une de ce quotidien du Labour Party un long article au retentissement formidable dénonçant «le fléau noir en Europe» : non contents d’employer pendant la guerre «des centaines de milliers de barbares africains primitifs qui remplissaient leurs musettes d’yeux, d’oreilles et de têtes de l’ennemi», les militaristes français inondent l’Allemagne occupée de troupes noires, au nombre de 30 à 40 000 rien que dans le Palatinat. «Ils y sont devenus un effroi et une épouvante pour toute la population par le viol des femmes et des jeunes filles.» L’horreur ne s’arrête pas là puisque le viol est suivi «presque toujours» de la maladie, étant donné que les Noirs ont tous la syphilis. Enfin, Morel s’attarde sur les disparitions, les fameux cadavres découverts dans le fumier d’une caserne, l’ignoble contrainte pesant sur les municipalités mises en demeure d’ouvrir des maisons de tolérance et de les pourvoir en jeunes filles et en jeunes garçons, les suicides des femmes déshonorées par les Noirs. «Les choses sont de telle nature que des étrangers les jugeraient de pure invention qu’elles soient imprimées ou racontées», ajoute-t-il pour mieux convaincre. Les Noirs sont-ils pour autant les vrais responsables de ces atrocités quotidiennes? Les militaristes français sont en effet bien plus coupables: ils ont recruté leurs troupes coloniales parmi les peuples les plus primitifs, à dessein, et les laissent libres de violenter la population civile, leurs instincts ne pouvant être contrôlés. Il est vrai que «les races africaines sont de toutes les races les plus sexuellement développées. [...] Elles sont insatiables sur le plan sexuel. C’est un fait parfaitement connu

Ce sont d’abord les socialistes qui ont relayé les propos d’Edmund Morel, et il n’est pas rare que leurs journaux aient traduit fidèlement l’article du Daily Herald. Dès le 11 avril, en France, le socialiste Jean Longuet en donne communication dans un meeting réunissant féministes et internationalistes. Deux jours plus tard, il livre un article violent au Populaire qui lui vaudra les poursuites du ministre de la Guerre : «Les révélations douloureuses publiées par E. D. Morel, dans le Daily Herald, viennent souligner le scandale de l’emploi de demi-sauvages d’Afrique comme troupes d’occupation en un pays européen. Les viols accompagnés des pires violences – voire de véritables assassinats -, les terribles progrès faits par les maladies vénériennes, et en particulier par la syphilis, parmi les jeunes femmes du bassin de la Sarre et de la rive gauche du Rhin, livrées à toute la brutalité des Sénégalais et des Marocains, voilà quelques-uns des crimes que le Daily Herald dénonce.»  (Le Naour)

On lira donc avec effroi ce pamphlet du journaliste britannique socialiste E.D. Morel : The Horror on the Rhine, paru à la suite des articles en 1920, monument de propagande… (si quelqu’un peut trouver une version française…)

Au vu de la vive émotion internationale (en particulier aux États-Unis), le gouvernement, en même temps qu’il rejetait comme calomnieuses ces accusations, remplaça piteusement les troupes coloniales (Sénégalaises, Marocaines, Malgaches) progressivement stationnées sur le Rhin par des troupes métropolitaines, y-compris les troupes antillaises, lesquelles, ulcérées, protestèrent à l’Assemblée par la voix du député de la Martinqiue Gratien Candace.

 

En Allemagne, cette campagne de propagande fut répercutée par des films, pièces de théâtre, romans, affiches, etc.

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

“Occupation française de la Ruhr”, brochure illustrée de A.M. Cray, 1923.

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honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

Elle fut ensuite reprise par Adolf Hitler :

« Car il faut qu’on se rende enfin clairement compte de ce fait : l’ennemi mortel, l’ennemi impitoyable du peuple Allemand est et reste la France. [...] C’est pour cette raison que la France est, et reste, l’ennemi que nous avons le plus à craindre. Ce peuple, qui tombe de plus en plus au niveau des nègres, met sourdement en danger, par appui qu’il prête aux Juifs pour atteindre leur but de domination universelle, l’existence de la race blanche en Europe. Car la contamination provoquée par l’afflux de sang nègre sur le Rhin, au coeur de l’Europe, répond aussi bien à la soif de vengeance sadique et perverse de cet ennemi héréditaire de notre peuple qu’au froid calcul du Juif, qui y voit le moyen de commencer le métissage du continent européen en son centre et, en infectant la race blanche avec le sang d’une basse humanité, de poser les fondations de sa propre domination. Le rôle que la France, aiguillonnée par sa soif de vengeance et systématiquement guidée par les Juifs, joue aujourd’hui en Europe, est un péché contre l’existence de l’humanité blanche et déchaînera un jour contre ce peuple tous les esprits vengeurs d’une génération qui aura reconnu dans la pollution des races le péché héréditaire de l’humanité. » [Adolf Hitler, Mein Kampf]

Le récit de ces atrocités rencontre un immense écho dans toute l’Allemagne. Seules les enquêtes internationales menées permettront de convaincre les démocrates, les socialistes, les féministes germaniques de l’inanité de telles affirmations. Pour autant, le gouvernement allemand ne formule pas de protestations. Les ligues nationalistes n’abandonnent pas leur campagne de dénigrement et mènent une intense propagande (conférences, diffusion de tracts).

Dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir a lieu le recensement des métis allemands. Une des lois de Nuremberg édictées par le régime national-socialiste en 1935 dispose, en son article 13 que « la terre ne peut appartenir qu’à celui qui est de sang allemand ou apparenté. N’est pas de sang allemand celui qui a, parmi ses ancêtres, du côté paternel ou du côté maternel, une fraction de sang juif ou de sang noir ». Les Afro-Allemands sont alors déchus de leur nationalité, leurs passeports sont confisqués et les études universitaires, le service militaire et les bains publics leur sont progressivement interdits, ainsi que le mariage avec des Allemands; ceux prononcés antérieurement sont même progressivement annulés. En 1937, les Nazis lancèrent une loi instituant la stérilisation forcée des métis allemands : la moitié de ces adolescents “bâtards du Rhin” (RheinlandBastarde) furent effectivement stérilisés (environ 400) – pour donner une apparence de légalité, 90 % des mères donnèrent leur accord, menacée sinon de camp de rééducation. Les massacres de tirailleurs sénégalais prisonniers en 1940 ont également été décrits comme étant une conséquence de cette campagne de propagande de l’immédiat après-guerre.

Sources :

Jean-Yves Le NaourLa Honte noire : L’Allemagne et les troupes coloniales françaises, 1914-1945, Hachette, Paris, 2004.

Jean-Yves Le Naour, Synthèse sur la Honte Noire, 2006

À suivre dans le prochain billet : L’hyperinflation allemande de 1923

Source: http://www.les-crises.fr/reparations-2-l-occupation-de-la-ruhr/


Actu’Ukraine 27/10/2015

Tuesday 27 October 2015 at 00:00

ACTU’UKRAINE DU 19 AU 25 OCTOBRE 2015

FOCUS : LES ÉLECTIONS MUNICIPALES ET RÉGIONALES

Le dimanche 25 octobre eurent lieu les élections municipales et régionales. Elles sont importantes car les prochaines lois sur la décentralisation vont augmenter les pouvoirs des élus locaux.

Le maire de Kiev, Vitaly Klitchko, vote avec sa femme Natalie et son frère Vladimir.

La nouvelle loi électorale du 14 juillet 2015 comporte quelques nouveautés. Le seuil minimum pour avoir un élu est fixé à 5% des voix au lieu de 3%. Les partis doivent présenter au moins 30% de femmes sur leurs listes, mais aucune sanction n’est prévue si cette condition n’est pas remplie. Un deuxième tour est prévu le 15 novembre, dans 35 grandes villes, si aucun candidat n’obtient plus de 50% au premier tour.

Pour voter, il faut cocher des cases sur plusieurs pages, comme le fait Ioulia Timochenko avec son mari.

Certaines conditions sont défavorables aux Ukrainiens de culture russe.

Les hommes de pouvoir en place peuvent contrôler plus ou moins directement les commissions électorales locales pour qu’elles soient scrupuleuses ou pas à l’égard de certaines infractions au moment du vote ou du décompte des voix. Quelques irrégularités seront mises en évidences dans les paragraphes des journées ci-dessous.

Résultats

La fin du dépouillement du premier tour est prévu pour le 4 novembre et les résultats doivent être annoncés dans les 5 jours suivants. En 2010 à Odessa, le décompte avait duré très longtemps, ce qui avait fait penser que le résultat final aurait été arrangé (brianmefford.net). Pour le moment, on ne dispose que de sondages (bbc.com).

A Kiev, Vitaly Klitchko du parti de Porochenko est en tête avec 40% des voix. Il est suivi par trois candidats ayant chacun obtenu environ 10% des voix : Volodymyr Bondarenko du parti de Timochenko ; le propriétaire de restaurants, Serhiy Gusovsky de Samopomish (dirigé par le maire de Lviv) ; et Borislav Beriosa du Parti des Citoyens Résolus (Secteur Droit).

A Kharkov/Kharkiv, Gennady Kernes l’emporte dés le premier tour avec presque 60% des voix. C’est un score meilleur que prévu. Il est suivi par Taras Sitenko du parti Samopomish dont les 16% des voix constituent aussi un bon score pour ce parti qui n’était pas connu dans cette ville.

Le maire sortant de Kharkov/Kharkiv, Kernes, surnommé, Gepa, vient voter. Il est en fauteuil roulant depuis qu’il a reçu une balle dans le dos, le 28 avril 2014, par un tireur non identifié.

A Odessa, le maire sortant Gennadiy Trukhanov obtient 48% des voix. Il est suivi par Sacha Borovik de Samopomish soutenu par Saakachvili, dont les 31% sont un très bon score. Le troisième est Edouard Hurvits, qui déçoit avec seulement 10%, alors qu’il avait fait près de 50% en 2010 (news.pn).

A Dniepropetrovsk, Boris Filatov du parti Ukrop financé par Kolomoïsky obtient 40%, devant Alexandre Vilkul avec 33%, ancien vice premier ministre de Ianoukovitch, soutenu par Rinat Akhmetov et Viktor Pintchouk.

A Lviv, le maire sortant, Andri Sadovy, chef de Samopomish, est juste en dessous de 50%. Il est suivi de Ruslan Koshulynskoho du parti Svoboda.

Des résultats plus précis devraient être consultables bientôt sur uk.wikipedia.org et ru.wikipedia.org.

LUNDI 19 OCTOBRE 2015

Problème de bulletins de vote à Marioupol

Des activistes patriotes sont entrés de force dans l’imprimerie, appartenant à Rinat Akhmetov, qui est chargée d’imprimer les bulletins de vote (dialog.ua). Le leader des “forces démocratiques”, Petr Andriouchenko, a écrit sur sa page facebook (facebook) : “Nous avons passé le premier cordon (NDR: de policiers). Le directeur de l’imprimerie se cachait dans les locaux de l’imprimerie. Les bulletins contestés se trouvaient devant nous, empaquetés. Il y avait aussi des clichés détruits et des parties de bulletins. Nous exigeons la tenue d’une réunion extraordinaire de la commission électorale territoriale et l’entrée dans la commission de contrôle de représentants de tous les participants au processus électoral.” Cette affaire est étrange. Comment les activistes ont-ils eut l’idée d’aller dans l’imprimerie ? Pourquoi Akhmetov saboterait l’impression des bulletins de vote des “patriotes” ? La population de Marioupol soutient largement Akhmetov et très peu les partisans d’EuroMaidan qui refuse que la langue russe soit une langue régionale officielle. Pour rappel, au dernier recensement, en 2001, 89,53% des habitants de Marioupol déclaraient avoir pour langue maternelle la langue russe, et seulement 9,87% la langue ukrainienne. Aux élections de 2010, le parti des Régions avait obtenu 52%, loin devant le Parti communiste 9% et le Front pour le changement 8% (ru.wikipedia.org). Au cours de la semaine, une autre imprimerie sera proposée. Finalement, l’élection sera annulée (lefigaro.fr).

 

MARDI 20 OCTOBRE 2015

Attaque des forces armées ukrainiennes sur une position des soldats de la DNR des abords de Donetsk

Les combats ont duré une heure et demie, un rebelle a été tué (ria.ru).
Mais Edouard Bassourine, le porte-parole des milices de la DNR a déclaré que cette attaque – qui a été repoussée par les rebelles – n’aurait aucun impact sur le déroulement du retrait des armes de moins de 100 mm (vegchel.ru).

Gorlovka a besoin de l’électricité de produite du côté ukrainien

Des négociations sont en cours pour rétablir une ligne à haute tension dont a besoin la ville de Gorlovka, et plus particulièrement une usine de production mécanique qui emploie 2500 personnes à Kirov dans sa banlieue (). Nous avions déjà parlé d’un problème similaire pour la ville de Lougansk qui dépend d’une usine électrique qui se trouve de l’autre côté de la ligne de démarcation.

L’Ukraine est le pays le plus pauvre d’Europe

Carte de la richesse par pays selon une étude de la banque Crédit Suisse.

L’Ukraine est le pays le plus pauvre d’Europe, suivi par la Biélorussie. Les résultats détaillés sont consultables dans un document PDF téléchargeable depuis la page credit-suisse.com.

 

MERCREDI 21 OCTOBRE 2015

Blocus économique de la Crimée (suite)

Dans la nuit de mardi 20 à mercredi 21, des inconnus ont tenté de faire sauter deux pylônes de la ligne haute-tension Melitopol-Dzhanka qui alimente la Crimée en électricité (dnr-news.com). Ils ont été abîmés mais ne sont pas tombés. D’après les constatations faites sur place, l’acte aurait été perpétré à l’aide d’un mortier de 82 mm.

Yatseniouk met en accusation 8 juges du tribunal constitutionnel

Au cours d’une session du gouvernement, le premier ministre Arseni Yatseniouk a annoncé que l’effectif actuel du tribunal constitutionnel n’a pas le droit d’examiner la loi sur la lustration, car huit juges parmi ceux qui le composent tombent sous le coup de la lustration. Entre 2010 et 2013, ces juges ont pris cinq décisions qui ont permis à Viktor Yanoukovitch d’avoir le contrôle sur tous les organes du pouvoir (pravda.com.ua).

 

JEUDI 22 OCTOBRE 2015

Fraude électorale déjouée à Ternopol

Les forces de l’ordre ont découvert, dans les locaux de l’une des imprimeries de Ternopol, environ 1800 bulletins de vote mis de côté, ainsi que huit clichés, communique le service de presse du ministère des affaires étrangères (novosti.dn.ua).

Des affiches électorales

Les amateurs d’art graphique, de publicité, et de portraits sérieux trouveront une grande sélection d’affiches diverses et variées sur la page colonelcassad.

 

VENDREDI 23 OCTOBRE 2015

Porochenko présente le nouveau chef des Douanes d’Odessa


Ioulia Maroushevskaïa s’est tout d’abord illustrée lors des manifestations de la place Maïdan, en tournant une vidéo intitulée “Im an Ukrainian” (en.wikipedia.org). Après des études littéraires à Kiev et à l’université de Stanford en Californie, elle s’est mariée avec l’homme d’affaires de Lviv, Markian Protsiv, directeur commercial de la chaîne de télévision “24″ (podrobnosti.ua).

 

SAMEDI 24 OCTOBRE 2015

Combats à Shirokino entre soldats ukrainiens

Un conflit armé s’est déclenché la nuit du 23 au 24 octobre entre des détachements des FAU (Forces armées ukrainiennes) qui sont déployées dans la région de Shirokino. Ces heurts ont duré plusieurs heures (eadaily.com).

Vol de bagages

Un observateur britannique des élections, Lord Richard Balfe, ancien député conservateur au parlement européen, s’est fait volé ses bagages lors de son trajet en avion entre Kiev et Dniepropetrovsk, soit au départ, soit à l’arrivée. Une enquête a été ouverte (bbc.com). Il avait déjà surveillé les élections en Ukraine en 2004, 2007, et 2014, mais c’est la première fois qu’il se fait voler (a href=”http://news.bbc.co.uk/democracylive/hi/representatives/profiles/27663.stm”>bbc.co.uk).

 

DIMANCHE 25 OCTOBRE 2015

Elections régionales

Les bureaux de vote ont ouvert à 8h du matin et se sont fermés à 18h00 (heure d’hiver, car l’Ukraine fait le changement d’heure en même temps que les pays d’Europe, contrairement à la Russie qui ne change pas d’heure).

La participation globale s’élève à 46,62%. Elle est plus forte à l’ouest, dans les oblasts de Ternopil (56,50%) et de Lviv (56,31%), et plus faible à l’est, dans les oblasts de de Lougansk (35,27%) et de Donetsk (31,65%) (pravda.com.ua).

Le Ministère de l’intérieur a initié 450 procédures pénales pour irrégularités (pravda.com.ua). Quelques exemples :

Coup de balai dans les services fiscaux ukrainiens

Arseni Yatseniouk annonce que lundi 26 octobre, 42% de l’effectif des chefs de haut rang des services fiscaux d’état seront démis de leurs fonctions en application de la loi sur la “lustration” (pravda.com.ua). Ce sont des agents du fisc et des douanes. Un certain nombre d’entre eux ont demandé à partir d’eux-mêmes.

Journée du drapeau à Donetsk

Dix mille personnes se sont rassemblées sur la place principale de Donetsk à l’occasion de la journée du drapeau de la République. La foule a entonné “Le Donbass parle russe, longue vie à notre Donbass”. Des élections y sont prévues le 20 avril 2016.

 

Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-27102015/


[Réparations 1] Les réparations allemandes de la première guerre mondiale

Monday 26 October 2015 at 01:32

Début d’une grande série Histoire aujourd’hui (qu’on peut d’ailleurs relier à l’actualité) : les réparations financières allemandes liées à la première guerre mondiale, et leurs conséquences…

Le traité de Versailles de 1919

Tout d’abord, je vous propose une version complète du traité de Versailles (cliquez sur l’image ou le lien) :

Téléchargez ici le traité de Versailles en pdf  (version en ligne ici)

Rappelons que ce traité de paix entre l’Allemagne et les Alliés à été signé le 28 juin 1919 à Versailles :

Pour l’anecdote, l’original a été perdu durant la seconde guerre mondiale…

Il prévoit de nombreuses dispositions territoriales, militaires et économiques – que vous pouvez consulter ici sur Wikipédia.

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Elles sont prises sur le fondement de l’article 231, qui a causé tant de problèmes par la suite, étant en effet assez rude (la Russie tsariste n’a pas été non plus que blanche dans cette affaire…)  :

Article 231.

Les Gouvernements alliés et associés déclarent et l’Allemagne reconnaît que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les Gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre, qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés.

En conséquence, le traité prévoit :

Article 232.

Les Gouvernements alliés et associés reconnaissent que les ressources de l’Allemagne ne sont pas suffisantes en tenant compte de la diminution permanente de ces ressources qui résulte des autres dispositions du présent traité, pour assurer complète réparation de toutes ces pertes et de tous ces dommages.

Les Gouvernements alliés et associés exigent toutefois, et l’Allemagne en prend l’engagement, que soient réparés tous les dommages causés à la population civile de chacune des puissances alliées et associées et à ses biens pendant la période où cette puissance a été en état de belligérance avec l’Allemagne [...]

Article 233.

Le montant desdits dommages, pour lesquels réparation est due par l’Allemagne, sera fixé par une commission interalliée qui prendra le titre de commission des réparations [...] .

Les conclusions de cette commission, en ce qui concerne le montant des dommages déterminés ci-dessus, seront rédigées et notifiées au Gouvernement allemand le 1er mai 1921 au plus tard, comme représentant le total de ses obligations.

La commission établira concurremment un état de payements en prévoyant les époques et les modalités de l’acquittement par l’Allemagne de l’intégralité de sa dette dans une période de trente ans, à dater du 1er mai 1921. Au cas cependant où, au cours de ladite période, l’Allemagne manquerait à l’acquittement de sa dette, le règlement de tout solde restant impayé pourra être reporté aux années suivantes, à la volonté de la commission, ou pourra faire l’objet d’un traitement différent, dans telles conditions que détermineront les Gouvernements alliés et associés, agissant suivant la procédure prévue à la présente partie du présent traité.

Article 235

Afin de permettre aux puissances alliées et associées d’entreprendre dès maintenant la restauration de leur vie industrielle et économique, en attendant la fixation définitive du montant de leurs réclamations, l’Allemagne payera, pendant les années 1919 et 1920 et les quatre premiers mois de 1921, en autant de versements et suivant telles modalités (en or, en marchandises, en navires, en valeurs ou autrement} que la commission des réparations pourra fixer, l’équivalent de 20.000.000.000 (vingt milliards) marks-or à valoir sur les créances ci-dessus ; sur cette somme les frais de l’armée d’occupation après l’armistice du 11 novembre 1918 seront d’abord payés, et telles quantités de produits alimentaires et de matières premières, qui pourront être jugées, par les Gouvernements des principales puissances alliées et associées, nécessaires pour permettre à l’Allemagne de faire face à son obligation de réparer, pourront aussi, avec l’approbation desdits Gouvernements, être payées par imputation sur ladite somme. Le solde viendra en déduction des sommes dues par l’Allemagne à titre de réparations.

John Maynard Keynes était le représentant officiel du Trésor anglais à la conférence de paix de Paris, avant d’en démissionner.  Il écrivit, en 1919, un ouvrage basé sur ses objections Les Conséquences économiques de la paix. Il ajouta qu’il croyait « que la campagne pour faire payer l’Allemagne, l’ensemble des frais de la guerre était l’un des actes les plus graves manquant de sagesse politique que nos hommes d’État eut déjà été responsable » et qualifia le traité de « paix carthaginoise » qui affecterait économiquement toute l’Europe ». Keynes déclara que les sommes des réparations du traité « dépassaient généralement la capacité de l’Allemagne » à payer et affirma que 10 milliards de dollars était le « chiffre maximal » (environ 40 Milliards de marks-or), mais même alors, il ne « croyait pas que [l'Allemagne pouvait] payer autant »

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Le mythe du “coup de poignard dans le dos”

L’évaluation des dommages : 1919-1921

La constitution de Weimar fut adoptée ne 1920. Rompant avec la tradition de décentralisation de l’Allemagne impériale, elle concentrait les pouvoirs fiscaux entre les mains du gouvernement central. Les nouveaux barèmes élargissaient l’assiette fiscale et prévoyaient des taux d’imposition nettement plus élevés que par le passé.

Si ceci a été possible, c’est que les Allemands pensaient que le coût des réparations serait élevé, mais supportable. Ils tablaient sur un montant équivalent à l’indemnité française de 1871, additionnée d’une fraction de la dette interalliée – espérant que les États-Unis annuleraient une grande partie de cette dette. Il tablaient donc sur 20 milliards de marks-or, et on fait une première offre de 10-15 MdMo. Mais les alliés étaient bien loin de ce chiffre…

L’évaluation de la réparation des dommages posait évidemment de gros problèmes.

Le ministre français des Régions Libérées d’alors, Charles Reibel, indiqua dans un rapport, que la France avait à reconstruire 280 147 maisons et 4084 établissements industriels, à réparer 422 736 maisons, 53 976 km de routes et 1112 km de voies navigables en plus d’avoir à remettre en valeur 3337000 hectares de terres de culture. Les coûts reliés à ce nécessaire effort de reconstruction, en plus des pensions à verser aux Français victimes de la guerre, étaient estimés à 170 milliards de marks-or.

On a ici une évaluation générale desdits dommages (Vogelgsang, 2014) :

On arrive ainsi à un coût de 145 Md$ pour les alliés – soit environ 600 milliards de marks-or. On note aussi les 63 Md$ pur les empires centraux.

Lors des conférences préparatoires de San-Rémo, Lympne, Boulogne, Bruxelles permirent d’avancer. L’idée d’un paiement fixe minimal annuel en marks-or prit forme.

La conférence de Spa fit alors suite en 1920 au traité de Versailles « pour discuter l’application pratique du chapitre des réparations ». On y décida de la répartition des réparations – non encore fixées. Les indemnités de guerre seraient ainsi versés à :

Lors de la conférence, les Français estiment que le montant total des dommages subis par les Alliés s’élève à 226 milliards de marks-or, chiffre refusé par l’Allemagne. En conséquence, la France occupa le 8 mars 1921 Dusseldorf, Duisburg et Ruhrort.

Lors de la conférence de Londres de mars 1921, les Allemands estimèrent que leur pays pourrait payer 50 milliards de marks-or, pour eux 20 ayant déjà été versés à cette date.

La Conférence de Londres d’avril-mai 1921

La commission des réparations ne l’entendait évidemment pas de cette oreille…

En février 1921, elle consolida les demandes des Alliés :

On arrivait à 213 MdMo (milliards de marks-or).

Ceci étant, elle se rendit compte que les demandes de la Roumanie, de l’Italie et d’autres pays étaient irréalistes.

Elle prit donc le chiffre France+Royaume-Uni+Belgique, soit 144,3 MdMo, et utilisa une bonne vieille règle de trois, vu que ces pays avaient 82 % de la créance d’après les accords de Spa. Elle arriva à 176 MdMo :

De nouveau réunis à Londres, en avril 1921, les Alliés eurent une discussion de marchands de tapis à propos du montant total des dommages de guerre (Vogelgsang, 2014) :

Finalement, la commission se fixa sur un compromis suggéré par les Belges, et fixa la facture à 132 milliards de marks-or. le 27 avril 1921.

Les Alliés lancèrent alors un ultimatum à l’Allemagne le 5 mai :

Grosse précision, la série C ne serait honorée que si la Commission le juge possible en fonction des capacités de l’Allemagne.

En fait, ceci a fait dire à certains historiens, comme Sally Marks, que ces bons C étaient “chimériques”, que les 50 MdMo des séries A+B correspondaient à l’estimation que les Alliés faisaient de la capacité réelle de l’Allemagne à payer. Ces obligations fictives visaient à tromper l’opinion pour lui faire croire que les 132 MdMo seraient bien payés… Le montant réel des réparations était donc de 50 MdMo.

On peut rapprocher ce montant de l’indemnité due par la France en 1871 : 5 milliards de francs-or, à payer en 3 ans, soit 4 milliards de marks-or. Le montant facial du traité de Versailles était donc 33 fois plus élevé que l’indemnité de 1871, et 12,5 fois plus en pratique. L’indemnité de base, hors prêts interalliés, était égale à 4 fois celle de 1871.

Les difficultés de paiement

Au vu du montant astronomique des réparations, il y eu un début de révolte fiscale en Allemagne, l’État n’arrivant plus à faire rentrer correctement les impôts – et n’acceptant pas en pratique les paiements attendus des réparations. Il s’en suivit un financement par la Banque centrale, déclenchant une poussée d’inflation, qui a paralysé le système financier dont dépendait le transfert régulier des réparations.

Quand la Banque centrale faisait les fins, moyens puis débuts de mois de l’État… (Orléan)

L’été 1921, l’Allemagne paya le milliard convenu – principalement car ses postes de douane et la région de Düsseldorf était sous occupation alliée depuis le mois de mars.

Par la suite, l’Allemagne paya une petite partie de l’indemnité due en novembre 1921, puis effectua quelques autres petits paiements début 1922, puis cessa ses paiements en espèces, demandant un moratoire de deux ans et demi. Elle continua à réaliser des versements en nature (charbon, machines…), mais ils ne correspondaient jamais entièrement à ses engagements.

À ce moment, l’Allemagne entrait dans une spirale de dépréciation du mark. Les Allemands arguaient que c’était le montant des réparations qui détruisait leur monnaie, alors que les experts français et britanniques s’accordaient pour expliquer que l’Allemagne ruinait délibérément le mark, en partie pour éviter de douloureuses réformes budgétaires et monétaires, mais principalement pour échapper aux réparations.

La plupart des historiens estiment désormais que les experts alliés avaient raison ; en effet, l’inflation a commencé à surgir entre l’été 1921 et la fin 1922, alors que Allemagne payait très peu en réparations. De même, une période de basse inflation a accompagné la fin des années 1920, période où les plus forts paiements ont été effectués – les Allemands avançant même dans les années 1930 que les réparations causaient de la déflation… En fait, les archives de la chancellerie pour 1922 et 1923 montrent que les leaders allemands ont choisi de différer des reformes fiscales et monétaires pour obtenir une réduction substantielle des réparations. [Marks, 1973]

Le 16 avril 1922 fut signé en Italie le Traité de Rapallo entre l’Allemagne et l’URSS – deux pays placés jusque-là en “quarantaine diplomatique”. Traité par lequel ces pays renoncent aux réparations de guerre qu’ils se doivent l’une à l’autre, et rétablissent des relations diplomatiques et commerciales. Ce traité créa une psychose sécuritaire en France, ramenant la question rhénane au premier plan.

Les délégations allemande et soviétique à Rapallo

En réponse aux difficultés de paiement, la Commission des Réparations déclara le 22 décembre 1922 l’Allemagne en défaut pour ses livraisons de bois, puis le 9 janvier 1923 pour ses livraisons de charbon. Dans ce dernier vote, elle vota l’occupation de la Ruhr sous la pression française (France, Belgique, Italie votant pour – le Royaume-uni votant contre).

Dans notre prochain billet, nous nous intéresserons à l’occupation de la Ruhr

Source: http://www.les-crises.fr/les-reparations-allemandes-de-la-premiere-guerre-mondiale/


Revue de presse du 25/10/2015

Sunday 25 October 2015 at 09:00

Avec notamment cette semaine pas mal à entendre entre Michel Onfray “uncut” et le documentaire de Judith Absalem, mais aussi la politique étrangère française en question et les dettes dans le monde. Bonnes écoute et lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-25102015/