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Communiqué du Ministère russe des Affaires étrangères à propos des accords de Minsk

Wednesday 25 March 2015 at 04:00

Comme nos médias reprennent sans arrêt les communiqué de Kiev et jamais ceux de Moscou, voici celui-ci pour faire contrepoint, qui me semble important.

A chacun de se faire son opinion…

Les propositions du Président ukrainien Piotr Porochenko soumises au Parlement ukrainien sur le statut de certains territoires des régions de Lougansk et de Donetsk, instaurant un régime particulier d’autonomie, suscitent de sérieuses questions et préoccupations.

Durant toutes les étapes des négociations dans le cadre du Groupe de contact et du “quartet Normandie” il était uniquement question du fait que Kiev devait déterminer les territoires concrets où serait appliquée la loi – déjà adoptée par le Parlement ukrainien – sur le régime d’autonomie locale de certains territoires des régions de Lougansk et de Donetsk. Cette approche a été également fixée dans les documents convenus à Minsk le 12 février 2015, approuvés par les représentants de Kiev, de Donetsk et de Lougansk, ainsi que par la Russie, l’Allemagne, la France et l’OSCE.

Les propositions du Président ukrainien Piotr Porochenko soumises au Parlement ukrainien vont à l’encontre de cet engagement et changent l’essence même des accords de Minsk, ajoutant à l’entrée en vigueur de la loi ci-mentionnée de nombreuses conditions supplémentaires jamais évoquées auparavant. En particulier, il tente de relier l’entrée en vigueur de la loi à la reconnaissance des résultats des élections municipales sur certains territoires des régions de Donetsk et de Lougansk, dont l’organisation est formulée de manière péremptoire et soumise à de nombreuses exigences non prévues par les accords de Minsk. Ces propositions ignorent complètement les termes des accords de Minsk en ce qui concerne les modalités d’organisation des élections municipales, tout comme le futur statut de certains territoires des régions de Lougansk et de Donetsk, qui doit faire l’objet d’un dialogue avec les représentants du Donbass.

Ces actes des autorités de Kiev prouvent une nouvelle fois qu’elle veulent saboter le processus de Minsk, ce qui se manifeste déjà dans les appels à l’Occident d’accroître les fournitures d’armes aux militaires ukrainiens, dans les menaces de régler le problème du Donbass par la force militaire, dans la réticence obstinée à créer des mécanismes fonctionnels du Groupe de contact pour remplir tous les aspects des accords de Minsk, y compris la réforme constitutionnelle et le recouvrement intégral des liens socio-économiques. Au lieu de cela, non seulement Kiev maintient mais renforce le blocus du Donbass, limitant rigoureusement la communication des habitants des territoires contrôlés par les insurgés avec le reste de l’Ukraine, ainsi que leurs relations transfrontalières avec les régions russes, bafouant les termes fixés dans les accords de Minsk.

L’évolution de la situation confirme que le gouvernement ukrainien cherche à renoncer au principe fondamental du processus de Minsk, qui consiste à régler toutes les questions dans le cadre de consultations avec les représentants de Donetsk et de Lougansk. Dans ce contexte, la déclaration du Président ukrainien Piotr Porochenko faite à Berlin le 16 mars dernier, selon laquelle il n’existe “aucune alternative aux accords de Minsk”, est clairement hypocrite.

Nous appelons instamment les garants de ces accords, en la personne des dirigeants de l’Allemagne et de la France, à exiger leur exécution inconditionnelle, y compris le respect honnête du contenu et de l’enchaînement des actions convenues dans les accords du 12 février dernier.

Les autorités de Kiev doivent remplir leurs engagements à la lettre et entamer un véritable dialogue politique avec les représentants du Donbass sur tous les aspects du processus de paix en Ukraine.

Source : Ministère Russe des Affaires Étrangères, le 16 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/communique-du-ministere-russe-des-affaires-etrangeres-a-propos-des-accords-de-minsk/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 25 March 2015 at 02:05

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : La Grèce, “un blessé qu’on laisse se vider de son sang” – 23/03

Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi (1/2): Etats-Unis: Dollar fort et croissance font-ils bon ménage ? – 23/03

Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi (2/2): Dette publique: “La Grèce finira par sortir de la zone euro” – 23/03

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : QE de la BCE : “C’est complètement imbécile !” – 18/03

Philippe Béchade VS Serge Négrier (1/2): La hausse des marchés financiers est-elle excessive ? – 18/03

Philippe Béchade VS Serge Négrier (2/2): Résultats d’entreprises: Que peut-on attendre des publications du 1er trimestre ? – 18/03

Bilan Hebdo: Éric Lewin et Stéphane Ceaux-Dutheil – 20/03

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir: “200 à 400 milliards de dollars risquent de ne pas être remboursé”

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): Reprise en zone euro: “Les signaux sont extrêmement fragiles” – 24/03

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Quelles allocations faut-il privilégier face à la baisse de l’euro ? – 24/03


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-25-03-2015/


[Conférence] Les Éconoclastes à Lille ce soir !

Tuesday 24 March 2015 at 03:01

J’y participerai :)

TOURNÉE GÉNÉRALE DU QUANTITATIVE EASING

LES ÉCONOCLASTES
sont heureux de vous inviter à leur première conférence en France à Lille !

Le mardi 24 Mars 2015

Université Lille 2 (faculté de Finance) amphi B

1 Place Déliot, 59000 Lille, Metro Porte de Douai

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Nous vous recevrons à partir de 17h30, la conférence débutera à 18h et se terminera vers 20H30.

Le formulaire d’inscription se trouve ici.

L’entrée est gratuite, mais la priorité sera donnée aux adhérents  – pour devenir adhérent >>> cliquez ici !

Au plaisir de vous rencontrer sur place !

L’équipe des Econoclastes !

 

Source: http://www.les-crises.fr/conference-les-econoclastes-a-lille-le-2403/


25 % des voix : DÉROUTE électorale sans précédent du FN !

Tuesday 24 March 2015 at 00:50

Parce qu’il vaut mieux rire de notre presse finalement… Cela signe l’intelligence d’une époque.

Ca devient effrayant de voir de la propagande à tous les coins de journaux quand même…

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Bref :

Hmmm, “le FN n’est pas le 1er parti de France” alors ?

Mais quel est le 1er parti de France alors ?

Ahhhh, oui, l’UMPUDIMODEM ! UN vrai parti quoi…

Voici les résultats du Ministère de l’Intérieur :

(attention, il faut additionner, puisqu’il y a des zones où il y a les partis seul, et d’autres où il y a des listes d’union ; ex PS dans un canton, mais PS+EELV dans un autre)

soit dans l’ordre :

On a donc un FN à 25,2 % et un UMP+UDI+Modem à 29,4 %.

Pour rappel aux Européennes :

UMP+UDI+Modem = 30,7 %. Ce bloc a donc perdu près de 1,5 %…

Maintenant un petit exercice de mathématiques élémentaires :

1/ Si UMP+UDI+Modem = 29,4 % et que UDI+Modem = 9,4 environ, combien vaut UMP seul ?

2/ 25,24 est-il inférieur ou supérieur à 20 ?

Merci d’envoyer vos copies à votre journal préféré…

En attendant :

Mais bon, il est vrai aussi que le 1er parti de France UMPUDIMODEMPSEELVFDGPCDDDG fait quand même 75 % des voix !

Source: http://www.les-crises.fr/25-des-voix-deroute-electorale-du-fn/


Pourquoi les Russes sont-ils des têtes de Turcs ? par Slobodan Despot

Tuesday 24 March 2015 at 00:03

« Le traitement spécial réservé aux Russes et aux Serbes est motivé par leur insoumission »

Despot

Entretien avec Slobodan Despot

Slobodan Despot est écrivain et éditeur. Il a notamment publié Despotica en 2010 (Xenia) et Le miel en 2014 (Gallimard). Suisse d’origine serbe, il porte un intérêt tout particulier au monde slave. Nous avons discuté avec lui de la manière dont les médias, les politiques et les intellectuels occidentaux rendaient compte du conflit en Ukraine.

PHILITT : En 1999, l’OTAN et l’Occident ont déclenché une guerre au Kosovo en niant l’importance culturelle et historique de cette région pour le peuple serbe. Aujourd’hui, l’Occident semble ignorer l’importance de l’Ukraine pour le peuple russe. Avec 15 ans d’écart, ces deux crises géopolitiques ne sont-elles pas le symbole de l’ignorance et du mépris de l’Occident envers les peuples slaves?

Slobodan Despot : La réponse est dans la question. On agit de fait comme si ces peuples n’existaient pas comme sujets de droit. Comme s’il s’agissait d’une sous-espèce qui n’a droit ni à un sanctuaire ni à des intérêts stratégiques ou politiques vitaux. Il y a certes des peuples slaves et/ou orthodoxes que l’Otan traite avec une apparente mansuétude — Croates, Polonais, Roumains, Bulgares — mais uniquement à raison de leur docilité. On ne les méprise pas moins pour autant. Cependant, le traitement spécial réservé aux Russes et aux Serbes est motivé par leur insoumission à un ordre global dont l’Occident atlantique se croit à la fois le législateur et le gendarme. On peut déceler dans l’attitude occidentale vis-à-vis de ces deux nations des composantes indiscutables de ce qu’on appelle le racisme*. Le journaliste suisse Guy Mettan publie d’ailleurs ce printemps une étude imposante et bienvenue sur la russophobie.

PHILITT : Comme l’explique Jacques Sapir, deux revendications légitimes se sont affrontées dans le cadre de la crise de Crimée : la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes et le respect de l’intégrité territoriale d’un État. Est-il possible, selon vous, de dépasser cette tension ?

Slobodan Despot : La Crimée fut arbitrairement rattachée, on le sait, à l’Ukraine par Khrouchtchev dans les années 50, à une époque où l’URSS semblait appelée à durer des siècles et où, du même coup, ses découpages intérieurs ne signifiaient pas grand-chose. L’éclatement de l’URSS a soulevé de nombreux problèmes de minorités, d’enclaves et de frontières inadéquates. La Crimée est non seulement une base stratégique de premier plan pour la Russie, mais encore une terre profondément russe, comme elle l’a montré par le référendum de mars 2014. Les putschistes de Kiev, sûrs de la toute-puissance de leurs protecteurs occidentaux, ont oublié de prévoir dans leur arrogance que le renversement de l’ordre constitutionnel allait entraîner des réactions en chaîne. Or, non seulement ils n’ont rien fait pour rassurer les régions russophones, mais encore ils ont tout entrepris pour que celles-ci ne songent même plus à revenir dans le giron de Kiev.

De toute façon, le rattachement de la Crimée n’est, on l’oublie trop vite, que la réponse du berger russe à la bergère américaine, qui a jugé bon en 1999 de détacher à coup de bombes le Kosovo de la Serbie. Le bloc atlantique et ses satellites ont par la suite reconnu cet État mort-né malgré l’existence d’une résolution de l’ONU (n° 1244) affirmant clairement la souveraineté de la Serbie sur cette province. C’est au Kosovo** qu’a eu lieu la violation du droit international qu’on dénonce en Crimée.

PHILITT : Concernant le conflit ukrainien, chaque camp dénonce l’action d’agents d’influence en tentant de minimiser la spontanéité des événements. Quelle est la part de réalité et de fantasme de cette lecture géopolitique ?

Slobodan Despot : Je rappellerai un cas d’école très peu connu. Toute la Crimée se souvient d’un incident gravissime survenu au lendemain du putsch de Maïdan, lorsque des casseurs néonazis bien coordonnés ont arrêté sur l’autoroute une colonne de 500 manifestants criméens revenant de Kiev, mitraillé et incendié leurs autocars, tabassé et humilié les hommes et sommairement liquidé une dizaine de personnes. Les médias occidentaux ont totalement occulté cet épisode. Comme il s’agissait de faire passer le référendum criméen pour une pure manipulation moscovite, il était impossible de faire état de cet événement traumatique survenu moins d’un mois avant le vote.

Les exemples de ce genre sont légion. Le livre très rigoureux du mathématicien français Michel Segal, Ukraine, histoires d’une guerre (éd. Autres Temps), en analyse un certain nombre en détail. Il faut reconnaître que le camp occidentaliste a l’initiative de la propagande contre la propagande, c’est-à-dire de la montée en épingle d’opérations d’influence supposées. Il jouit en cela d’une complaisance ahurissante des médias occidentaux. Or, dans un conflit comme celui-là, où tous les protagonistes sortent des écoles de manipulation soviétiques, les chausse-trappes sont partout et seul un jugement fondé sur la sanction des faits avérés et sur la question classique à qui profite le crime? permettrait d’y voir clair. Nous en sommes loin! Le plus cocasse, c’est que la presse officielle nous sert à longueur de journée des théories du complot russe toujours plus échevelées tout en condamnant le complotisme des médias alternatifs …

Bernard-Henri Lévy

PHILITT : Dans la chaîne causale qui va de la mobilisation humanitaire  jusqu’à l’intervention militaire, quelle est la place exacte des intellectuels qui l’approuvent ? Sont-ils de simples rouages ?

Slobodan Despot : Les intellectuels ont joué me semble-t-il un rôle bien plus important dans cet engrenage au temps de la guerre en ex-Yougoslavie. J’ai conservé les articles des BHL, Julliard, Glucksmann, Deniau, etc. On a peine à croire, vingt ans après, que des gens civilisés et hautement instruits aient pu tomber dans de tels états de haine ignare et écumante. Même le bon petit abbé Pierre, saint patron des hypocrites, avait appelé à bombarder les Serbes! J’ai également conservé les écrits de ceux qui, sur le moment même, avaient identifié et analysé cette dérive, comme l’avait fait Annie Kriegel.

Aujourd’hui, à l’exception burlesque de Lévy, les intellectuels sont plus en retrait. Ils vitupèrent moins, mais s’engagent moins également pour la paix. Mon sentiment est que leur militantisme crétin au temps de la guerre yougoslave les a profondément décrédibilisés. Leur opinion n’intéresse plus personne. Du coup, dans l’actualité présente, le rôle des agents d’influence ou des idiots utiles est plutôt dévolu à d’obscurs « experts » académico-diplomatiques, souvent issus d’ONG et de think tanks plus ou moins liés à l’Otan. Ces crustacés-là supportent mal la lumière du jour et abhorrent le débat ouvert. Il est caractéristique qu’Alain Finkielkraut ait dû me désinviter de son Répliques consacré à l’Ukraine suite à la réaction épouvantée d’un invité issu de ce milieu à la seule mention de mon nom. À quoi leur servent leurs titres et leurs pseudo-travaux s’ils ne peuvent endurer un échange de vues avec un interlocuteur sans qualification universitaire?

PHILITT : Bernard-Henri Lévy compare, dès qu’il en a l’occasion, Vladimir Poutine à Hitler ou encore les accords de Minsk à ceux de Munich signés en 1938. Cette analyse possède-t-elle une quelconque pertinence ou relève-t-elle de la pathologie?

Slobodan Despot : M. Lévy a un seul problème. Il n’a jamais su choisir entre sa chemise immaculée et la crasse du monde réel. Il se fabrique des causes grandiloquentes à la mesure de sa peur et de sa solitude de garçon mal aimé errant dans des demeures vides qu’il n’a jamais osé abandonner pour mener la vraie vie selon l’esprit à laquelle il aspirait. Je le vois aujourd’hui mendier la reconnaissance par tous les canaux que lui octroie son immense fortune — journalisme, roman, reportage, théâtre et même cinéma — et ne recueillir que bides et quolibets. Et je l’imagine, enfant, roulant des yeux de caïd mais se cachant au premier coup dur derrière les basques de son père ou de ses maîtres. Dans mes écoles, on appelait ces fils-à-papa cafteurs des lèche-cul et nul n’était plus méprisé que ces malheureux-là. Aussi, lorsque j’entends pérorer M. Lévy, je ne pense jamais à l’objet de sa harangue, mais à l’enfant en lui qui m’inspire une réelle compassion.

Vladimir Poutine

PHILITT : Vous écriviez, pour annoncer une conférence qui s’est tenue à Genève le 25 février : « On a vu se mettre en place une narratologie manichéenne qui ne pouvait avoir d’autre dénouement que la violence et l’injustice. Si l’on essayait d’en tirer les leçons?» Le storytelling [scénario, NdT] est-il devenu la forme moderne de la propagande ?

Slobodan Despot : C’est évident. Il se développe en milieu anglo-saxon (et donc partout) une véritable osmose entre l’écriture scénaristique et l’écriture documentaire. Cas extrême : le principal document dont nous disposions sur l’exécution supposée de Ben Laden en 2011 est le film de Kathryn Bigelow, Zero Dark Thirty, qui a tacitement occupé dans la culture occidentale la place du divertissement et de l’analyse, et de la preuve. La réussite cinématographique de ce projet (du reste dûment distingué) a permis d’escamoter toute une série d’interrogations évidentes.

Sur ce sujet du storytelling, nous disposons d’une enquête capitale. En novembre 1992, Élie Wiesel emmena une mission en Bosnie afin d’enquêter sur les camps d’extermination serbes dénoncés par la machine médiatique cette année-là. Ayant largement démenti cette rumeur, la mission Wiesel fut effacée de la mémoire médiatique. Par chance, il s’y trouvait un homme de raison. Jacques Merlino, alors directeur des informations sur France 2, fut outré tant par l’excès de la campagne que par l’escamotage de son démenti. Il remonta jusqu’à l’agence de relations publiques qui était à la source du montage. Son président, James Harff, lui expliqua fièrement comment il avait réussi à retourner la communauté juive américaine pour la convaincre que les victimes du nazisme de 1941 étaient devenues des bourreaux nazis en 1991. Il ne s’agissait que d’une story, d’un scénario bien ficelé. La réalité du terrain ne le concernait pas.

Les stories simplistes de ce genre ont durablement orienté la lecture de cette tragédie. Ceux qui s’y opposaient, fût-ce au nom de la simple logique, étaient bâillonnés. Le livre de Merlino,Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire (Albin Michel), fut épuisé en quelques semaines et jamais réimprimé, et son auteur récompensé par un poste… à Pékin !

PHILITT : Comment expliquer la faible mémoire des opinions occidentales ? Comment expliquer qu’elles aient oublié les preuves qui devaient être apportées de l’implication russe dans la destruction du MH-17 ? Le storytelling remplace-t-il, dans l’esprit du public, la causalité mécanique par une causalité purement morale ?

Slobodan Despot : Nous vivons en effet dans une époque hypermorale, ou plutôt hypermoralisante. L’identification des faits est subordonnée à l’interprétation morale qui pourrait en découler. Si, par exemple, voir des jeunes molester une gamine devant votre immeuble risque de vous inspirer des pensées racistes et sécuritaires, vous êtes prié de ne pas constater l’altercation et de passer votre chemin. C’est très vil au point de vue de la moralité individuelle, mais correct selon la moralité sociétale. Une même école du regard a été imposée au sujet de la Russie. Au lendemain de la tragédie du vol MH-17, la sphère politico-médiatique s’est mise à conspuer le président russe en personne comme s’il avait abattu l’avion de ses propres mains. Aujourd’hui, plus personne n’en souffle mot, le faisceau d’indices étant accablant pour le camp adverse. Ces dirigeants et ces personnalités publiques disposent de suffisamment de jugeote et de mémoire pour mener rondement et même cyniquement leurs propres affaires. Mais dans un contexte impliquant l’intérêt collectif, comme la guerre contre la Russie, ils abandonnent tout sens de la responsabilité et du discernement et se comportent comme des midinettes hyperventilées. Leur tartufferie n’est même plus un vice, mais une composante anthropologique. Ils réalisent le type humain totalement sociodépendant que le nazisme et le communisme ont tenté de mettre en place avant d’être coupés dans leur élan.

Source : PHILITT

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/la-hausse-de-169-de-la-remuneration-de-carlos-ghosn-est-elle-justifiee-463540.html

Source: http://www.les-crises.fr/pourquoi-les-russes-sont-ils-des-tetes-de-turcs-par-slobodan-despot/


Interview sur l’actualité (2/2)

Monday 23 March 2015 at 04:12

Je vous propose aujourd’hui la seconde partie de ma récente interview par l’Agence Info Libre (1ere partie ici).

Bon visionnage !

Source: http://www.les-crises.fr/interview-sur-lactualite-03-2015-2/


“Non, je n’irai pas voter !” par Emmanuel Todd

Sunday 22 March 2015 at 03:00

Allez, je ressors cette bonne intervention de Todd faite en vue des Européennes de 2014 – mais toujours applicable… :)

Dans un entretien exclusif avec Herodote.net, l’historien Emmanuel Todd analyse l’évolution de l’Union européenne et dit son intention de ne pas aller voter le 25 mai, pour la première fois de sa vie. Un choix raisonné et, de son point de vue, civique…

Par ses travaux sur les structures familiales, Emmanuel Todd est l’un des principaux historiens de sa génération. C’est aussi un témoin engagé de son époque qui peut se flatter de n’avoir jamais été pris en défaut dans ses nombreux essais. Volontiers provocateur, il s’est attiré quelques inimitiés par ses interventions dans la presse et à la télévision mais rares sont les contradicteurs qui s’estiment assez armés pour lui faire front.

Herodote.net : À vous lire, on peut se demander si vous avez le don de prophétie. En 1976, à 25 ans, votre coup d’essai fut un coup de maître car vous avez annoncé dans La Chute finale l’effondrement à moyen terme du système soviétique sans connaître pour autant l’URSS.

Emmanuel Todd : Je vais vous l’avouer, il n’y a rien de miraculeux là-dedans ! Je fais simplement un peu plus attention que d’autres aux chiffres qui traînent partout. Par exemple, mon intuition sur La Chute finale est venue de ce que la mortalité infantile en URSS était en train de fortement remonter. C’est un phénomène exceptionnel et j’y ai vu l’effritement du système. J’en ai conclu que le pouvoir soviétique était condamné à brève échéance.

Plus récemment, en pleine guerre froide irano-américaine, j’ai pronostiqué avec mon ami Youssef Courbage l’entrée dans la modernité de l’Iran et de plusieurs pays arabes (Le Rendez-vous des civilisations, 2007). Ce n’était pas difficile, il suffisait de regarder le nombre d’enfants par femme et le pourcentage d’étudiantes à l’université. En adoptant une rationalité familiale proche des standards occidentaux, ces peuples étaient prêts à se convertir aussi à une nouvelle rationalité démocratique et politique.

En ce qui nous concerne, c’est différent. En écrivant L’invention de l’Europe, en 1990, j’ai pris conscience de l’extrême diversité anthropologique de notre continent et j’y ai vu l’illusion de réduire l’Europe à une construction étatique. Gardons-nous de sacrifier notre diversité car elle est la clé de notre dynamisme.

Pour cette raison, bien que partisan de l’Union européenne, j’ai voté Non au traité de Maastricht qui lançait la monnaie unique et, en 1995, quand mon livre a été réédité, je me suis hasardé à écrire dans la préface : « Soit la monnaie unique ne se fait pas, et L’Invention de l’Europe apparaîtra comme une contribution à la compréhension de certaines impossibilités historiques.
Soit la monnaie unique est réalisée, et ce livre permettra de comprendre dans vingt ans pourquoi une unification étatique imposée en l’absence de conscience collective a produit une jungle plutôt qu’une société.  »

Herodote.net : Nous y voilà ! Vous avez donc aussi voté Non au référendum sur le Traité constitutionnel en 2005 ?

Emmanuel Todd : Eh bien, pas du tout ! Quand la monnaie unique est arrivée, j’ai voulu faire preuve d’optimisme en bon citoyen européen et j’ai voté Oui au référendum. Mais la réalité nous a tous rattrapés…

Cela dit, j’ai été scandalisé par le viol du suffrage universel qu’a représenté le passage en force du traité constitutionnel sous le nom de Traité de Lisbonne. J’y vois un tournant historique avec le basculement dans une forme de post-démocratie. L’oligarchie s’assoit sur le suffrage universel… comme en Afghanistan où l’on affecte de prendre au sérieux des scrutins dont on sait pertinemment qu’ils sont massivement truqués. Nos parlementaires sont certes mieux élus mais ils n’ont pas plus de respect pour leurs électeurs et n’ont rien à faire de leur avis. Quand la révolte des Bonnets rouges a éclaté en Bretagne, les élus locaux n’ont rien vu venir et ils ont choisi de détourner les yeux ou de condamner les manifestants. Les discours sur la « fracture sociale » ou le « monde de la finance » ne servent que le temps d’une campagne. Rien à voir par exemple avec les débuts de la IIIe République en France.

Ce fossé entre les élus et les électeurs est bien plus grand encore au Parlement européen en raison du scrutin de liste à la proportionnelle, qui fait qu’on ne choisit pas une personne mais une étiquette, et plus encore parce que ce Parlement ne sert à rien !

Herodote.net : Le Parlement européen ne sert à rien ? Vous exagérez ?

Emmanuel Todd : Pas du tout. Voyez donc. Qu’il s’agisse de la crise financière ou des enjeux géopolitiques en Ukraine ou en Afrique, c’est au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, à la Banque Centrale Européenne et à la Commission européenne que se prennent toutes les décisions. Et c’est la Commission européenne qui détient le droit d’initiative alors que, dans toute véritable démocratie, il revient au Parlement.

Nous avons affaire à un « Parlement Potemkine », un vernis démocratique pour un système qui ne l’est pas. En toute confidence, les députés eux-mêmes ne se font pas beaucoup d’illusions. En réunion autour d’un verre avec d’anciens députés, ceux-ci ne m’ont parlé que de la maison qu’ils avaient pu acheter grâce à leurs indemnités !

Je constate que la Nation demeure le seul lieu au sein duquel nous pouvons faire valoir nos opinions par le vote. Et c’est le seul lieu où nos votes peuvent encore peser sur les choix de société.

Participer aux élections européennes n’a pas plus de sens pour moi que de voter aux États-Unis… quoique, si l’on me permettait d’échanger mon droit de vote au Parlement de Strasbourg contre un droit de vote aux présidentielles américaines, je choisirai ce dernier car, par son pouvoir de décision, le président américain a plus d’influence sur ma vie que les députés européens !

En conséquence, j’ai choisi de ne pas aller voter le dimanche 25 mai. Je ne veux pas apporter ma caution à une institution non démocratique et proprement illégitime.

Herodote.net : Comment ? Mais s’abstenir, ce n’est pas un comportement civique ! Et ce n’est pas comme ça que vous ferez bouger les choses ! Au moins, vous pourriez choisir de voter avec un bulletin blanc.

Emmanuel Todd : Voter blanc, c’est signifier que l’on croit en ce système et qu’il suffirait de changer le personnel pour l’améliorer et le démocratiser. Mais c’est une illusion. Même Le Monde, porte-parole des européistes, l’admet : tout ce qu’on peut attendre des élections, c’est de passer d’une orientation de centre droit à une orientation de centre gauche ! Que l’on vote ou non, cela ne changera rien au fonctionnement des institutions européennes, de la BCE comme de la Commission. Celles-ci continueront de tourner au-dessus nos têtes en ignorant le Parlement, ses députés et ses électeurs, de quelque parti qu’ils soient.

Ces institutions n’empêchent d’ailleurs pas les nations et les égoïsmes nationaux de s’exprimer. Quand le britannique BAE et le franco-allemand EADS ont voulu se rapprocher pour créer un géant européen de l’aéronautique, Angela Merkel y a mis son veto pour préserver les emplois allemands… En géopolitique, c’est encore plus net : chaque gouvernement agit selon ses intérêts en habillant ceux-ci d’une vague résolution européenne. La France agit seule en Afrique tandis que l’Allemagne mène la danse en Russie. Ce n’est pas un hasard si quatre des sept observateurs européens retenus en otage en Ukraine étaient Allemands.

S’abstenir, c’est signifier que l’on n’est pas dupe de la mascarade. C’est dénoncer l’européisme béat des partis classiques. C’est aussi dénoncer le Front National en mettant en évidence son appartenance au système. L’abstention massive aux élections européennes, si elle se vérifie, aura une conséquence pour le moins positive : elle témoignera de ce que la nation demeure le seul échelon démocratique au sein duquel peuvent s’affirmer les solidarités.

Propos recueillis par André Larané pour Herodote.net, le 12 mai 2014

APPEL NATIONAL POUR LE BOYCOTT DE L’ELECTION EUROPEENNE par le MPEP

Le 8 février 2014.

Les signataires de cet Appel créent le Comité national de résistance républicaine à l’Union européenne (CNR-RUE) et s’engagent, en France, dans une campagne de boycott militant de l’élection des représentants de la France au parlement européen, le 25 mai 2014. Ils invitent à la création de comités similaires dans les départements et localités.

L’Union européenne (U.E.) et sa monnaie unique martyrisent les peuples sous le talon de fer de l’austérité à perpétuité. Le 25 mai 2014, cette politique et ce système devront être sanctionnés. Le meilleur moyen sera de délégitimer l’U.E., l’euro, les traités, la Commission, la Banque centrale européenne et le parlement européen par une abstention massive, une véritable grève du vote.

Le devoir de tout citoyen, lorsqu’une élection est organisée démocratiquement, et que son résultat peut avoir un effet politique sur les institutions, est d’utiliser son droit de vote conquis de haute lutte. Ce n’est pas le cas de l’élection au parlement européen.

1.- C’est le principe même de l’élection à un parlement européen qui doit être récusé. Un parlement, à l’échelle européenne, n’a pas lieu d’être car il n’existe aucun peuple européen susceptible, au moyen d’un Etat européen, de se former en communauté politique à l’échelle du continent et d’y exercer sa souveraineté. Si tel était le cas, les pouvoirs de ce parlement européen s’exerceraient nécessairement au détriment des pouvoirs des parlements nationaux.

2.- Le vote du 25 mai 2014 sera totalement stérile puisque le parlement européen n’a pas les pouvoirs de faire évoluer l’Union européenne. Il ne possède aucune des prérogatives d’un vrai parlement : il ne peut pas changer les traités qui fondent l’U.E., ne peut pas voter l’impôt, n’a pas l’initiative des lois… En outre, que les libéraux, les sociaux-démocrates européens, les Verts, le Parti de la gauche européenne gagnent des sièges, cela ne changera rien aux orientations politiques puisque l’eurodroite et la social-démocratie pilotent ensemble les travaux parlementaires.

3.- Le boycott des élections européennes servira aussi à dénoncer le double jeu politicien du Front national. Ce dernier, en effet, d’un côté prétend vouloir sortir de l’euro et de l’Union européenne, et d’un autre côté veut entrer dans le système – dans lequel il est déjà entré par la présence de madame Le Pen, députée européen – pour se goberger comme les autres. Il cautionne ainsi et profite lui-même de ces institutions qui lui garantissent à la fois des revenus substantiels, et son rôle de verrou du système politique. On comprend pourquoi, car en réalité le FN ne veut pas sortir unilatéralement la France de l’U.E. et de l’euro. La prétendue « sortie concertée et progressive » de l’euro prônée par Mme Le Pen perd toute portée pratique quand on sait que le FN la subordonne très officiellement au feu vert de l’Allemagne.

4.- L’élection au parlement européen n’est qu’une farce électorale. Elle n’a d’autre but que de simuler un acte démocratique et légitimer ainsi tout le système de l’U.E. C’est un devoir citoyen de voter quand le suffrage sert à la souveraineté du peuple, c’est aussi un devoir civique de refuser de voter quand le suffrage vise à détruire la souveraineté nationale et populaire. D’ailleurs, comment se faire prendre deux fois au même piège ? En refusant de tenir compte du « non » français du 29 mai 2005 au traité constitutionnel européen, le système a démontré son caractère tyrannique et dictatorial. Aucune élection juste n’y est possible.

Face à cette entreprise d’effacement national et de régression sociale, aucune des grandes forces politiques françaises en lice lors des prochaines élections européennes ne porte de projet alternatif et progressiste. Certaines de ces forces annoncent leur participation à ces élections pour faire parler d’elles. D’autres, espérant obtenir quelques élus, veulent faire du parlement européen une caisse de résonnance à leurs revendications. Ce ne sont qu’illusions et diversions. Illusions, car les grands médias ignorent les petites listes, tandis que l’absence de couverture médiatique des débats de ce parlement d’opérette interdit de donner le moindre écho aux mouvements euro-critiques. Diversions, car en participant à ce simulacre électoral, ces forces politiques cautionnent le système européen qu’elles prétendent dénoncer par ailleurs.

Seuls les citoyens qui se seront abstenus auront clairement délégitimé l’U.E. Leur acte sera un coup de tonnerre politique ôtant toute crédibilité à l’Union européenne, la ridiculisant et ouvrant un espace sans précédent aux luttes populaires. Le véritable enjeu de cette mascarade électorale sera donc l’abstention citoyenne.

Le 25 mai 2014, le meilleur choix pour manifester son mécontentement à l’égard de l’U.E. sera de boycotter activement l’élection européenne !


Le 25 mai… par Jacques Sapir

Alors que s’approchent rapidement les élections européennes montent tant les pressions pour que je rende publique une consigne de vote, que les pressions pour l’abstention. Je comprends ces dernières, mais ne les approuve nullement. Des personnes très honorables, de Nikonoff à Todd, vont s’abstenir dimanche prochain. Je pense qu’ils commettent une erreur, et même une erreur grave.

Pourquoi voter ?

Deux arguments sont avancés pour justifier une consigne d’abstention : l’illégitimité supposée de la consultation et le « manque de choix » dans l’offre politique. Il faut les examiner séparément.

Sur l’illégitimité de la consultation, on peut certes penser et dire bien des choses des pratiques électorales. Comme de nombreux Français j’ai encore en travers de la gorge le déni du référendum sur le projet de Constitution européenne. Mais, je rappelle à tous ceux qui prônent l’abstention qu’une élection est légitime dès lors qu’elle se tient dans des conditions satisfaisantes. Le taux participation n’invalide nullement ses résultats, et les absents ont toujours tort. Le cas serait différent si des maires avaient décidé de ne pas organiser cette élection. Mais tel n’est pas le cas. Soit on a les moyens d’empêcher un scrutin de se tenir, parce que l’en on conteste la légitimité ou la légalité, soit on l’accepte, et ce faisant, on accepte aussi ses résultats. Il suffit à cet égard de regarder ce qui va se passer en Ukraine ce même dimanche où l’élection présidentielle ne sera pas organisée dans certaines régions. On voit bien que c’est cela qui met en cause la légitimité de cette élection, et non le nombre plus ou moins grand de votants. Dans le cas des élections européennes, si un mouvement populaire de grande ampleur s’était manifesté pour refuser qu’elles soient organisées, et exprimant dans le même temps une volonté de sortir de l’Union européenne, cela aurait un sens d’appeler non pas à l’abstention mais au boycott de ces élections. Il faut alors dire qu’un boycott des élections est un acte grave, qui annonce des ruptures politiques importantes. Telle n’est pas, peut être pas encore, la situation en France.

La question du « manque de choix » apparaît alors comme secondaire. L’éventail des partis et des listes est grand. Bien sur, on peut toujours dire que l’on ne se retrouve pas « parfaitement » dans les listes présentées. Il faut alors se poser le problème de savoir pourquoi, et des alliances que l’on aurait pu tisser avant. De ce point de vue, si le comportement d’individus comme Nikonoff ou Todd est respectable, tout en procédant d’une analyse qui est fausse à mon sens, on ne peut pas comprendre l’attitude d’organisations comme le M’Pep ou de partis politiques comme le MRC, qui appellent à l’abstention. Si ces partis ou organisation considèrent qu’ils étaient trop faibles pour prendre part au scrutin sous leur nom, pourquoi n’ont ils pas passé des alliances « au plus proche » ? Certes, on va dire qu’il y a des divergences politiques qui s’y opposent. Mais, sérieusement, ces divergences auraient pu être surmontées, et l’on sait bien que l’on ne fait jamais la totalité de ce que l’on veut dans une élection. On a manqué de clairvoyance, et pour certains de courage, en ne recherchant pas les alliances possibles et souhaitables. Ceci invalide radicalement la position, on devrait dire la « posture » d’abstention prise par ces organisations et partis.

Je répète donc ce que j’ai écrit à de nombreuses reprises. Il faut voter, en fonction de ses affinités, et ce quelles que soient les préventions que peuvent susciter, à raison, les imperfections des programmes proposés. Seuls les résultats exprimés auront un sens.

Pour qui voter ?

Voter, donc, mais alors reste la question de « pour qui ». Il n’est pas dans le but ni la logique de ce carnet de servir un parti ou un mouvement. Il n’est donc pas question que je donne des consignes de vote précises. J’attire simplement l’attention de mes lecteurs sur les points suivants :

  1. Il ne me semble pas possible d’apporter mon vote à des partis qui, depuis plus de vingt ans, tiennent les mêmes discours sur la construction européenne pour faire, dans le même temps, des politiques absolument contraires à leurs déclarations. Cela faut tout autant pour « l’Europe sociale » ou l’Autre Europe dont se réclament tant le PS que EELV, que pour l’UMP qui prétend défendre la souveraineté française mais organise en réalité son abdication.
  2. Par ailleurs, le refus des politiques d’Euro-Austérité dans lesquels ces partis sont connivents me conduit à penser que nous avons aujourd’hui le pouvoir de sanctionner ces dits partis.
  3. Il ne me semble pas possible d’apporter son vote à un parti, l’UDI, qui honnêtement défend la position fédéraliste que je combats pour des raisons qui ont été exprimées depuis que ce carnet existe. Ceci vaut pour toutes les positions fédéralistes.
  4. Le nouveau parti Nouvelle Donne, qui formule des critiques assez justes quant à la construction européenne, s’enfonce néanmoins dans les mêmes marécages du fédéralisme. C’est la raison pour laquelle il ne me semble pas possible d’apporter mon vote à ce parti.
  5. Bien entendu, me tenant sur une position de laïcité absolue, je ne puis considérer comme acceptable un parti dont le programme se définit avant tout en référence à une religion, comme le micro-Parti de Christine Boutin.

Pour le reste, nous sommes libres de voter selon nos convictions personnelles. Je me suis engagé, parce qu’il s’agissait d’un parti naissant porteur d’un véritable espoir, à voter pour le Front de Gauche aux précédentes élections en 2009. Je dois constater que ce parti n’a su ou pu concrétiser tous les espoirs mis en lui. C’est pourquoi, je ne ferai aucun appel public et voterai, le 25 mai, selon mes convictions.

Résultats des élections de 2009

Parti

Pourcentages

Votants

UMP

27,9%

4 799 908

PS

16,48%

2 838 160

Europe Ecologie

16,28%

2 803 759

MoDem

8,46%

1 455 841

Front de Gauche

6,48%

1 115 021

Front National

6,34%

1 091 691

 


ARTICLE SUR LE BLOG DE RAOUL MARC JENNAR

11 mai 2014

S’abstenir aux européennes : une faute grave

Il en est qui font campagne pour l’abstention lors du scrutin européen du 25 mai. Examinons leurs raisons.

Certains disent : « pourquoi voter pour un Parlement européen (P.E.) qui n’a aucun pouvoir ? » Ce n’est pas exact ; ils devraient s’informer et lire les traités actuellement en vigueur. Ils devraient lire cet excellent petit livre « Le Parlement européen, pour faire quoi ? » dont les auteurs qui ne peuvent être qualifiés d’européistes (B. Cassen, H. Michel, L. Weber). On n’argumente pas en travestissant la réalité. Reprenons leurs principales critiques :

- le P.E. n’a pas le pouvoir de proposer. C’est vrai. Mais qu’en est-il de ce pouvoir dans les parlements nationaux ? Quelle est la part réelle de l’initiative parlementaire dans le travail législatif national ? Dérisoire. Depuis le début de l’actuelle législature (depuis le 20 juin 2012), 125 des 157 lois adoptés étaient d’origine gouvernementale, soit près de 80% des textes votés.

- le P.E . n’est que co-législateur puisque tous les textes législatifs qu’il adopte doivent avoir l’agrément du Conseil des Ministres et de la Commission. C’est vrai. Mais encore une fois qu’en est-il au Parlement français ? Les textes adoptés ne doivent-ils pas, dans les faits, avoir l’accord du gouvernement ? Par contre, ce qu’on passe trop souvent sous silence, c’est que le Parlement européen dispose du pouvoir de rejeter les textes proposés. Mais la majorité droite-pseudo gauche de ce Parlement préfère les approuver. Il est extrêmement rare qu’un texte législatif soit rejeté : au cours des trois dernières législatures (en quinze ans donc), seule la directive sur la libéralisation des services portuaires a été rejetée suite à l’intense mobilisation des dockers. Dans tous les autres cas, la majorité droite-PS a accepté les textes proposés.

Il ne fait aucun doute qu’au regard de l’idéal démocratique qui demeure à appliquer en France, le PE pourrait disposer de pouvoirs plus larges. Mais nous savons que ce sont les gouvernements des Etats qui limitent ces pouvoirs. C’est d’abord aux gouvernements successifs de la France qu’il faut s’en prendre si on veut changer d’Europe.

Ils affirment que « ce PE soutient les politiques néo-libérales proposées par la Commission européenne et adoptées par les 28 gouvernements réunis en Conseil des Ministres. » C’est vrai. Et cela prouve que le PE a du pouvoir. Puisqu’il pourrait ne pas les soutenir. Mais à qui la faute si les choix sont de droite ? Pas à l’institution qu’est le PE ! Mais bien aux partis politiques de droite et de la pseudo-gauche qui votent ensemble l’écrasante majorité des textes. Comme l’écrivent très justement les auteurs de cet excellent petit livre intitulé « Le Parlement européen, pour faire quoi ? » c’est à l’alliance des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates qu’il faut attribuer le caractère néo-libéral des textes adoptés. Et les auteurs de conclure « si le Parlement veut, il peut ». Cette orientation dépend donc avant tout du vote des électeurs.

Enfin, ils proclament « il faut s’abstenir pour manifester notre rejet de cette Union européenne qui nie la démocratie et la justice sociale parce qu’elle nie la souveraineté des peuples ». Je suis d’accord sur le constat, mais je ne considère pas que ce soit la bonne méthode pour changer d’Europe, ni même pour changer l’UE. En effet, lors du précédent scrutin européen, en 2009, il y a eu, votes blancs et nuls compris, 62, 12% d’abstentions en France. En quoi cela a-t-il changé les choix politiques de l’UMP puis du PS ? En quoi cela a-t-il empêché la majorité PS – EELV de ratifier tel quel le pacte budgétaire Merkel-Sarkozy ? En quoi cela a-t-il modifié les orientations de l’UE ? Quelle révolution cela aurait été si seulement la moitié de ces abstentionnistes en 2009 avait soutenu l’une ou l’autre des listes de la gauche de gauche !

Quant à affirmer qu’en délégitimant le Parlement européen par un boycott massif de l’élection « les décisions européennes n’auront plus aucune portée en France », c’est oublier que les décisions européennes sont pour l’essentiel prises avec l’accord des 28 Etats, c’est-à-dire des 28 gouvernements et que ce sont donc aussi des décisions qui engagent le gouvernement français et qui s’appliquent en France.

De plus, cette année, alors que se négocie le grand marché transatlantique (GMT), nous allons élire les députés européens qui auront à le ratifier, si la négociation aboutit. Puisque, désormais, le Parlement européen a le pouvoir d’adopter ou de rejeter de tels traités. Il a usé de ce nouveau pouvoir le 4 juillet 2012 en refusant l’ACTA, un traité au contenu liberticide négocié par l’UE dans le plus grand secret. Affirmer, comme les partisans du boycott le prétendent que « le résultat du scrutin n’aura aucun impact » sur l’avenir du GMT, c’est tout simplement se faire les complices des partisans du GMT.

Il nous est donc possible de choisir des candidats qui sont radicalement et sincèrement opposés à ce projet funeste pour les peuples d’Europe. Et de faire de cette élection un référendum pour ou contre le GMT.

Je veux ajouter ceci. A côté de ceux qui s’abstiennent, il y a ceux qui ne s’abstiennent pas : les électeurs du FN. Et ce parti, on l’a vu aux récentes municipales, profite des abstentions pour gagner plus de sièges qu’il en obtiendrait s’il y avait moins d’abstentions. S’abstenir aux européennes, cela équivaudra à donner plus encore de députés européens au FN. Et ce choix discréditera la France et n’aura aucune influence sur la nécessité de faire rupture avec les orientations politiques de l’UE et les institutions qui les portent. Parce que ce sera un choix d’extrême-droite.

S’abstenir est une grave erreur. Une faute politique majeure. Il faut au contraire se mobiliser massivement pour ceux qui ont combattu le traité constitutionnel européen en 2005 au nom des valeurs de gauche et qui sont restés fidèles à ce choix, pour ceux qui au Parlement européen n’ont jamais mêlé leurs voix à la sainte alliance de la droite et des sociaux-démocrates, pour ceux qui rejettent le capitalisme rose comme le capitalisme vert.

S’abstenir, c’est faire du score du FN l’événement médiatique majeur du scrutin ; voter massivement Front de Gauche, c’est créer l’événement politique et annoncer aux peuples d’Europe, et en particulier au peuple grec martyr de l’UE, qu’un espoir est né en France de remplacer l’UE par une union des peuples d’Europe fondée sur la démocratie, la justice sociale, l’exigence écologique et le respect absolu de la souveraineté populaire.

Raoul M. Jennar

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VOTER AUX EUROPEENNES : UNE FAUTE POLITIQUE CARDINALE ! REPONSE A RAOUL MARC JENNAR

Par Gilles Amiel de Ménard, porte-parole du Mouvement politique d’émancipation populaire (M’PEP).  (Source)

Le 16 mai 2014.

Introduction

Le texte publié par Raoul Marc Jennar, candidat du Front de gauche dans le Sud-Ouest, le 11 mai dernier sur son blog (voir ci-dessous), dénonce l’abstention aux prochaines élections européennes comme une « faute grave ». Il donne, afin d’appuyer cette assertion, trois séries d’arguments. D’abord, il fait un parallèle entre l’impuissance supposée des parlements nationaux et celle du « Parlement » européen. Ensuite, il met en valeur les pouvoirs prétendus de ce dernier, en dramatisant notamment sa capacité à pouvoir contrer le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ou TAFTA) actuellement en négociation. Enfin, il utilise sans vergogne la tarte à la crème du danger du FN afin de mobiliser en les culpabilisant les hésitants qui craignent amplifier le vote FN en s’abstenant aux européennes.

Bref, on retrouve sous la plume de monsieur Jennar l’attirail idéologique classique de tous ceux qui ne voient aucune contradiction entre le fait d’être un militant antilibéral et de participer à l’architecture institutionnelle de « l’Union » européenne, afin de la changer de l’intérieur. C’est-à-dire participer à l’union des classes dominantes européennes contre leurs peuples. Ce faisant, naturellement, et avec les meilleures intentions du monde, ceux qui partagent les convictions de RM Jennar appellent ainsi à cautionner, à légitimer, l’architecture institutionnelle européenne et ses processus antidémocratiques. En appelant à voter pour des « députés » européens ne représentant aucune volonté générale européenne, aucune souveraineté populaire, aucun peuple européen, à la tête d’un Etat européen inexistant aussi impossible que non souhaitable, Monsieur Jennar et tous ceux qui défendent cette position travaillent objectivement à nous faire rester dans le cadre institutionnel et la logique politique qui prive les peuples européens de toute influence sur les normes contraignantes pesant sur eux. Nous ne pouvons accepter une telle attitude.

I.- IL EST TOTALEMENT ERRONE DE FAIRE UN PARALLELE ENTRE L’IMPUISSANCE SUPPOSEE DES PARLEMENTS NATIONAUX ET CELLE DU « PARLEMENT » EUROPEEN

La première série d’arguments de RM Jennar nous rappelle que nos propres parlements nationaux ne font pas mieux que le « Parlement » européen. Cette remarque comporte en apparence beaucoup de vérité. En fait elle est biaisée, et sur le fond tout à fait erronée. Le raisonnement sur laquelle elle repose commet deux fautes de logique. D’une part il est formaliste dans sa comparaison, et d’autre part il prend l’effet pour la cause.

Ce n’est que formellement que l’on peut comparer le « Parlement » européen et un parlement national, juste parce que les deux portent le nom de parlement et que leur composition est issue d’un processus électoral. Mais ils sont qualitativement incomparables, une différence de nature et non de degré séparant radicalement les deux. Ce n’est pas un hasard que le soi-disant « Parlement » de l’UE soit européen et non, comme le nôtre, national. Il ne produit d’ailleurs pas des lois mais est se contente d’être associé à des « directives » et des « règlements » dont il n’a par ailleurs presque jamais le premier ni le dernier mot. Il produit ainsi de la contrainte juridique, sans logique politique, sans légitimité, et néanmoins placée par notre Constitution actuelle et sa nouvelle et aberrante hiérarchie des normes au-dessus de nos lois. Car il n’existe aucune nation européenne. La fonction d’un parlement est pourtant de représenter, au sein d’un Etat disposant de l’intégralité de la puissance publique, la volonté générale du souverain à la tête de cet Etat, à savoir la nation, c’est-à-dire le peuple de cet Etat. Comme rien de tout cela n’est possible à l’échelle européenne, le « Parlement » européen est l’instance élective qui décore les décisions européennes intergouvernementales et technocratiques d’un très vague vernis « démocratique ». Et ceci grâce à un droit de vote sans portée ni signification, ridiculisant ainsi la notion même de vote. Ce « Parlement » est logiquement prénommé « européen » et non pas national, comme le sont à raison nos parlements, qui eux, par contre, seraient restés des vrais parlements, s’ils n’avaient pas avalisé le fait d’être chapeautés par un faux parlement, le « Parlement » européen.

Prendre l’effet pour la cause

C’est là où intervient la deuxième faute logique de RM Jennar, celle de prendre l’effet pour la cause. Nos parlements ne sont en effet plus que partiellement une instance où se jouent les rapports de force politiques essentiels. Ils deviennent à leur tour des institutions purement décoratives, chambres d’enregistrement de décisions ne leur appartenant pas et sur lesquelles ils ne sont plus en position de peser. La cause est évidemment à corréler avec le moment où les institutions européennes sont montées en puissance, dans les années 1980. Car le principe des vases communiquant s’applique ici inéluctablement. Si les décisions ne se prennent plus dans de nombreux cas selon le principe de la responsabilité politique, dans un cadre institutionnel démocratique où le peuple est souverain, alors les parlements se vident de leur fonction et de leur sens. C’est ce que nous constatons depuis que les institutions européennes surplombent les institutions nationales, ces dernières étant les seules à reconnaître la souveraineté du peuple dans l’Etat. Invoquer l’inutilité présente des parlements nationaux pour justifier la légitimation des institutions qui sont la cause structurelle de cette nouvelle inutilité, par une participation électorale qui mime la logique démocratique alors même qu’elle la dissout, est particulièrement naïf ou inconséquent. Car nous nous refusons à mettre en cause l’honnêteté intellectuelle et politique de monsieur Jennar, militant antilibéral notoire et efficace.

De deux choses l’une. Soit l’on est pour une démocratie non représentative, par exemple en remplaçant la représentation parlementaire par le tirage au sort, soit l’on est pour une démocratie représentative. On pourrait certes concevoir un mélange innovant qui complèterait la représentation par une dose plus ou moins forte de tirage au sort, mais c’est une autre question, pour l’instant toute théorique. De toute façon, monsieur Jennar, pour sa part, l’a tranché clairement et s’est prononcé publiquement contre le tirage au sort et pour le principe de représentation. Mais il devrait donc être particulièrement bien placé pour savoir que le principe de la représentation politique, pour avoir le moindre sens, constitue un bloc inséparable avec la souveraineté. Tout comme d’ailleurs la démocratie en est inséparable, cette fois-ci que l’on soit pour le tirage au sort, pour la représentation, ou pour les deux. En dehors de la souveraineté, la représentation n’est qu’un mot creux, une coquille vide, l’habillage idéologique d’une forfaiture démocratique, d’une captation de pouvoir. « Représenter », soit, mais qui, à par le souverain, c’est-à-dire, en République, la nation ? Même dans un cadre souverain et national, c’est un principe problématique, à tout le moins imparfait. Mais il a néanmoins permis bien des processus démocratiques et tous les acquis sociaux et politiques aujourd’hui remis en cause par les processus postnationaux néolibéraux. Il a pu faire vivre autrement qu’en théorie les logiques démocratiques.

L’exemple de l’Amérique du Sud

Les conquêtes démocratiques actuelles en Amérique du Sud seraient inconcevables hors du cadre de la souveraineté nationale, qui seule permet par ailleurs la coopération internationale. Le volet institutionnel du néolibéralisme, de tous le plus important parce que verrouillant tous les autres aspects (dérégulation financière et commerciale notamment), est précisément de se débarrasser du national, donc des conditions de possibilité des processus démocratiques. C’est d’ailleurs ce en quoi il est véritablement « néo » et non simplement, classiquement, libéral. C’est la prise de conscience que le capitalisme, pour produire tous ses effets pour les classes dominantes, doit se débarrasser institutionnellement de la démocratie, tout en préservant la contrainte étatique et juridique. Il lui faut pour cela remplacer la responsabilité politique par la « gouvernance » et la loi par la règle, cette dernière n’étant adossée que sur les droits de l’homme et les traités et non plus sur une nation, donc un peuple souverain.

Pour finir sur cet aspect, essentiel bien sûr, il est utile de citer la Cour constitutionnelle de Karlsruhe dans son arrêt du 30 juin 2009, bien plus conséquente et responsable que notre propre Cour constitutionnelle, ici aux abonnés absents. Elle interdisait la ratification du traité de Lisbonne si n’était pas votée une loi garantissant la souveraineté nationale allemande et les prérogatives du Parlement fédéral.

La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe

L’exposé des motifs est imparable : « Les peuples de l’Union européenne, tels qu’ils sont constitués à l’intérieur des Etats-membres, restent les détenteurs décisifs de la puissance publique, y compris au sein de l’Union européenne. La création d’un Etat fédéral européen impliquerait une nouvelle Constitution. […] L’Union européenne, même après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, n’est pas un Etat fédéral, mais reste une association d’Etats souverains. […] Le Parlement européen n’est pas un organe représentatif d’un peuple européen souverain, mais reste un organe de délégation supranationale des peuples européens des Etats-membres… » (souligné par nous).

Cet exposé des motifs ne va pas plus loin, et n’en a certainement pas le désir, mais il dit l’essentiel. Or qu’est-ce au juste qu’un « parlement » qui n’est pas un organe représentatif, mais délégué et supranational : rien d’autre qu’une administration qui se mêle de politique, interférant avec les processus légitimes.

Heureusement que le soi-disant « Parlement » européen n’a que très peu de pouvoirs ! Son illégitimité est entière, la configuration institutionnelle aberrante dans laquelle il s’inscrit et qu’il est censé arroser de gouttelettes d’eau bénite « démocratique », par la seule vertu du suffrage universel ne s’inscrit en fait dans aucun contexte démocratique. Le seul suffrage universel n’a, par lui-même, aucun pouvoir miraculeux et ne saurait transformer le plomb technocratique néolibéral en or démocratique et populaire. Ce qui nous amène à la suite, concernant les supposés pouvoirs de ce pseudo parlement, comme argument pour le faire bénéficier de nos suffrages. Le seul fait de voter nous amènerait à octroyer notre assentiment implicite à cet assemblage institutionnel qui gomme tous les acquis constitutionnels et politiques essentiels de la Révolution française. Ce qui est bien le seul objectif de ces élections en carton-pâte pour un parlement d’opérette.

II.- RM JENNAR MET EN VALEUR LES POUVOIRS PRETENDUS DU « PARLEMENT » EUROPEEN EN DRAMATISANT SA CAPACITE A POUVOIR CONTRER LE PARTENARIAT TRANSATLANTIQUE DE COMMERCE ET D’INVESTISSEMENT (PTCI OU TAFTA)

La deuxième série d’arguments développés par monsieur Jennar portent sur les pouvoirs supposés du « Parlement » européen, notamment à l’occasion de l’adoption éventuelle du PTCI. Les défauts de logique de RM Jennar produisent tous leurs effets délétères. Ils montrent cruellement que les militants et responsables altermondialistes, tous enthousiastes à l’idée de lâcher la proie de la souveraineté démocratique, acquis cardinal, pour l’ombre de la mondialisation postnationale, perdent en lucidité en incorporant intérieurement toute l’idéologie postnationale. Ils choisissent ainsi systématiquement de combattre l’ennemi avec ses armes et sur son terrain. Ils acceptent de rester dans le cadre intellectuel, idéologique et institutionnel de la « gouvernance » par les règles en lieu et place de la loi qui seule procède de la souveraineté nationale. Ils tentent alors, illusoirement, de lutter à l’intérieur des institutions faites pour dissoudre le pouvoir des peuples, contre les décisions qui toutes, logiquement, menacent frontalement les intérêts de ces derniers. Et ce faisant, ils tentent, heureusement vainement vu les taux d’abstention aux « élections européennes » (sans représentation puisqu’il n’y a aucune nation souveraine à représenter), d’inciter les classes populaires à avaliser ces mécanismes antidémocratiques et à cautionner ces institutions illégitimes. Ils utilisent la carotte des pouvoirs supposés du « Parlement » européen pour soi-disant contrer le néolibéralisme (nous sommes ici proches de l’humour absurde), et le bâton de la faute morale que serait l’abstention qui permettrait de laisser la place libre à l’extrême droite. Cette dernière se nourrit pourtant de cette impasse et de ces contradictions, mais nous verrons cet aspect plus loin.

Les pouvoirs postnationaux de l’UE

Le PTCI, sa possibilité même, son existence, et la nécessité qui en découle de s’y opposer, procède intégralement de l’existence des institutions européennes. C’est précisément dans ces matières, droit de la concurrence, négociations commerciales, échanges internationaux et libre-échange, que s’exercent à plein régime les pouvoirs postnationaux de l’UE. On y voit mieux leur toxicité, et l’absence de tout contre-pouvoir, in fine, de toute autre instance qui ne soit pas le Conseil ou la Commission. Le PTCI relève donc de la négociation intergouvernementale sans publicité ni responsabilité politique, et de décisions technocratiques ou juridiques sans assise politique légitime. Le PTCI est ainsi pain béni afin de redorer le blason des antilibéraux européistes et altermondialistes : cela leur permet de concilier apparemment l’inconciliable, la lutte contre le néolibéralisme, par le biais des institutions néolibérales. Il faudrait donc, selon eux, se mobiliser pour que les institutions européennes refusent le libre-échange avec la puissance tutélaire des institutions européennes : les Etats-Unis. C’est d’une cohérence plus qu’improbable, mais les apparences ainsi sont sauves. Ils luttent bien contre le néolibéralisme, sauf sur ce qu’il y a de néo dans ce libéralisme : les institutions supranationales.

Mais plus fondamentalement, il échappe visiblement à toutes ces bonnes âmes, des considérations beaucoup plus concrètes : il s’agit d’établir comme toujours en politique, des rapports de force. Les amis de RM Jennar s’en remettent ainsi à une logique de victoire dans les 28 pays membres de l’Union européenne (!), à des négociations intergouvernementales opaques, et au bon vouloir de soi-disant « députés » européens pour chaque combat important. Procéder de cette sorte revient à basculer indéfiniment dans une logique millénariste et miser dans les faits sur une patience indéfinie des classes populaires. C’est ainsi faire peu de cas de leur exaspération bien réelle et bien légitime, et négliger la nécessité pourtant bien évidente de favoriser des rapports de force gagnables, lisibles et rapides, directement accessibles seulement dans un cadre national.

Ruptures

Pour ce faire bien sûr, il faut néanmoins le minimum, à savoir que ceux qui prétendent se placer du côté de la « représentation » des classes populaires, veuillent bien faire leur travail. Il leur revient de proposer de véritables ruptures avec le contenu bien sûr, mais surtout le cadre du néolibéralisme. Et pour commencer la rupture, qui devrait être une pure évidence, avec son cadre institutionnel, l’UE au premier chef, en son entier, mais bien sûr aussi l’OMC, le FMI, l’OTAN, etc. Ce qui nous éviterait directement de devoir lutter contre le PTCI et tous ses successeurs comme on jouerait à la roulette russe avec un pistolet dont le barillet serait entièrement chargé. Or le vide à gauche sur ces propositions essentielles est à ce point béant, que les classes populaires n’ont plus à leur disposition que l’abstention et le vote protestataire, ou leur colère est instrumentalisée et détournée, pour signifier ce désir d’une véritable rupture avec l’impuissance et l’irresponsabilité politiques érigée en système, ce qui est le cœur des institutions européennes.

Car l’essentiel, sur lequel le « Parlement » européen n’a strictement aucune prise, est défini par les traités, découlant eux-mêmes de la logique antipolitique de Jean Monnet avec sa Communauté du charbon et de l’acier (CECA) et du traité de Rome. La fameuse « méthode » Monnet, invoquée comme un mantra, ne fut finalement pas celle qui fut appliquée. Il avait prévu d’étendre l’exclusion, non seulement des parlements, mais aussi des gouvernements, de la politique économique et institutionnelle, sur le modèle de la CECA et de sa Haute Autorité, et de procéder ainsi secteur par secteur. A l’époque de l’élaboration du traité de Rome (1957), Jean Monnet était opposé à procéder de manière globale et intergouvernementale. Il privilégiait pour cette raison l’Euratom par rapport au projet d’un marché commun européen auquel il ne croyait pas dans l’immédiat. Ce ne fut pourtant pas ce qui fut décidé. Le traité de Rome institua bien une démarche globale et intergouvernementale. Le point commun entre la CECA et le traité de Rome n’est donc pas la « méthode » Monnet, mais tout simplement une conception postnationale du politique, sans souveraineté et partant sans processus démocratique. La spécificité du traité de Rome par rapport à la CECA, c’est que pour arriver à ce résultat, il en passe au contraire par les gouvernements de chaque Etat, débarrassés ainsi de la pression parlementaire et surtout populaire. Cela permet à chaque gouvernement de n’être plus responsable politiquement de ses décisions, et d’être ainsi une version moderne des despotes éclairés (mais toute ampoule ayant été éteinte). Les Etats, indispensables pour maintenir une légitimité de la contrainte normative et son effectivité, sont ainsi débarrassés des processus démocratiques tout en maintenant formellement les institutions précédentes, afin que l’on ne saisisse pas clairement à quoi est due la disparition du caractère politique de nos sociétés. Le processus réel, si on fait abstraction de l’idéologie, est donc tout sauf fédéral, puisqu’une fédération pérenne n’est finalement qu’une sorte parmi d’autres d’Etat souverain. Et qu’il s’agit ici de se débarrasser de la souveraineté, afin de dissoudre la politique dans la « gouvernance » par les règles, issues de traités, extérieurs à tout peuple souverain.

Un « Parlement » conçu comme un décor de théâtre

Qu’un soi-disant parlement décore hypocritement ce processus radicalement a-politique et antidémocratique, comme une cerise absurde sur un gâteau indigeste, est un facteur aggravant et non de progrès. Un tel « Parlement » est conçu comme un décor de théâtre, jamais chargé de la moindre définition d’un intérêt général européen, ne représentant aucun peuple souverain, et ne disposant pas d’un Etat détenant le monopole de la puissance publique sur son territoire. Il n’est là dans le fond que pour singer un processus électif, dénué de tout sens institutionnel et politique afin de donner le change. Tous ceux qui se prêtent à ce scandale démocratique en sont les complices, volontaires ou pas, permettant de légitimer ainsi à si bon compte un système radicalement illégitime, qu’il est plus qu’urgent de dénoncer frontalement comme tel. La campagne actuelle du Comité national de résistance républicaine à l’Union européenne (CNR-RUE), soutenu par le M’PEP, pour un boycott du « Parlement » européen, initie enfin cette démarche salutaire. Elle permet aussi de faire tomber les masques afin de voir qui est vraiment du côté des classes populaires ou qui privilégie un internationalisme abstrait mal conçu et n’ayant jamais produit un seul résultat significatif à leur défense réelle et concrète. Car tant que l’on n’aura pas reconquis la souveraineté intégrale des nations européennes, les programmes de la gauche ne seront que des baudruches remplies de vent.

Le problème n’est donc absolument pas celui du pouvoir du « Parlement » européen. Il est très clair que s’il avait vraiment des pouvoirs, cela serait finalement un facteur aggravant d’une situation déjà suffisamment ubuesque comme cela. Le « Parlement » européen ne peut de toute façon pas aller contre la définition du supposé intérêt général européen monopolisée institutionnellement par la Commission et factuellement par le Conseil. Il ne peut pas non plus aller contre le contenu des traités qui surplombent toute l’architecture de l’UE, elle-même n’étant qu’une accumulation de traités néolibéraux supranationaux et d’institutions antidémocratiques chargées uniquement d’appliquer ces traités. Si le « Parlement » européen avait de vrais pouvoirs il se livrerait alors d’autant plus, avec la Commission et le Conseil, à une activité pseudo-législative, toujours sans Etat et sans nation souveraine. Il y aurait donc un nouveau pouvoir réel déconnecté des prérequis de la démocratie, complexifiant encore la jungle institutionnelle européenne dans laquelle une chatte démocratique n’y retrouverait pas ses petits. C’est d’ailleurs un des fondements de cette déconstruction européenne : créer des institutions à tout va, sans respecter la moindre logique et cohérence démocratique, c’est-à-dire être des instruments contrôlés par le peuple. Ces institutions se superposent avec les anciennes institutions nationales, afin de les vider de leur contenu et de leur fonction.

Voter ne suffit pas

Ce n’est pas le simple fait de voter pour des députés qui rend démocratique une institution parlementaire. Et de très loin s’en faut. Deux raisons impératives conditionnent l’aspect démocratique ou non d’un parlement. D’abord celui-ci doit avoir le monopole de la définition de l’intérêt général national, dans le cadre d’un Etat détenant lui-même le monopole de la puissance publique sur le territoire correspondant. Pourquoi ? Et bien parce que l’autonomie d’une communauté politique, le fait de se donner à soi-même sa loi, est en fait la condition de la politique. La politique est ainsi de nature radicalement différente de la gestion, qui se limite pour sa part à aménager des contraintes et un cadre qui ne sont pas le fait des gestionnaires, ne dépendant pas d’eux, et qu’ils ne sont évidemment pas fondés à remettre en cause. La politique est donc évidemment le contraire de la « gouvernance ». C’est pour cela que l’on distingue soigneusement administration et gouvernement dans un Etat de droit.

C’est ici également que le prérequis de l’effectivité de la puissance publique et la souveraineté prennent tout leur sens. Si les pouvoirs en jeu sont résiduels, et si la source des contraintes est essentiellement externe à la communauté politique, à quoi bon élaborer un système législatif ? Ceci est à vrai dire le prérequis de l’autonomie du politique. Pour que cette dernière puisse être définie comme démocratique, il faut encore que cette souveraineté appartienne en propre au peuple de cet Etat, seule source de légitimité de l’ensemble ainsi constitué. Le concept de ce peuple souverain d’un Etat autonome et détenant le monopole de la puissance publique, est la nation. Sans autonomie du politique, sans effectivité de la puissance publique, sans souveraineté, sans nation, un parlement ne peut avoir aucun sens. Définissant la loi, le parlement a donc le monopole de la norme contraignante sur le territoire de l’Etat. L’ensemble de ces normes doit correspondre à la définition de l’intérêt général de la nation, définition toujours amendable après débat contradictoire et rapport de force électoral. Sans l’effectivité de ces conditions indispensables, un parlement, dont l’existence n’a de raison que pour représenter la nation souveraine, ne saurait correspondre à la moindre logique démocratique. A moins de croire que le mot, c’est la chose, et donc que s’il y a le mot parlement, avec le mot député, alors la réalité correspondante existe réellement. C’est-à-dire de prendre avec enthousiasme des vessies pour des lanternes. Et d’enjoindre ses concitoyens de faire de même le plus massivement possible, car plus on est de fous plus on rit.

Suppression des bases de la citoyenneté

Mais, pour le malheur du Front de gauche et de Raoul Marc Jennar, nos concitoyens n’ont plus envie de rire au spectacle de la suppression des bases de leur citoyenneté, et des terribles conséquences qui en découlent. Car quand plus aucune force de rappel démocratique ne vient contrer les classes dominantes et le capitalisme déchaîné du néolibéralisme, les dynamiques les plus négatives se recomposent alors sous nos yeux. Ce qui est d’ailleurs la véritable source des deux guerres mondiales, et non les nations. C’est au contraire parce que les nations n’étaient pas encore de vraies nations politiques, ou pas encore assez, que les forces délétères du capitalisme ont pu causer ces désastres formidables. La nation, au sens fort et politique défini plus haut, est le contraire et le seul véritable antidote au nationalisme, d’essence identitaire et non politique. C’est la seule force de rappel efficiente et légitime face au capitalisme, comme nous l’a montré l’immédiat après-guerre et comme nous le rappelle aujourd’hui l’Amérique du Sud.

La démonstration par l’absurde, ou par l’inverse, c’est la contre-révolution de la déconstruction du politique par les institutions européennes qui nous le prouve hélas depuis des décennies. La novlangue et l’idéologie digne de la Pravda régnant ici en maître, où ce qui est affirmé est toujours le contraire de la vérité, si la paix a régné sur le continent européen après la Seconde Guerre mondiale, c’est malgré les institutions européennes, et non pas grâce à elles. Et si le retour de la guerre sur notre continent advient, on voit déjà que ces institutions porteront une très lourde responsabilité. On en a eu déjà un avant-goût lors du démantèlement encouragé de la Yougoslavie et on voit les mêmes logiques poussant à la guerre civile en Ukraine. On voit également comment le nationalisme, la xénophobie et l’extrême-droite sont spectaculairement encouragés par les institutions européennes. Les supposés pompiers sont ici les véritables pyromanes. Ce qui est parfaitement logique, puisque lorsque face aux effets délétères du capitalisme néolibéral l’on supprime tout processus démocratique, les classes populaires n’ont plus que leur frustration comme seule boussole, tous les débouchés politiques se voyant court-circuités par la paralysie démocratique organisée par les institutions européennes. Délégitimer ces dernières est donc la priorité des priorités pour ceux qui veulent sincèrement débloquer la situation avec la rapidité et l’efficacité que réclame l’urgence et la gravité de la situation. C’est de toute façon une nécessité démocratique. Si la gauche ne porte pas cette nécessité, alors non seulement elle ne sert à rien, mais elle devient ipso facto particulièrement contreproductive. La gauche, en effet, se présente comme le regroupement de la représentation politique censé privilégier les intérêts structurels des classes populaires et les dynamiques proprement démocratiques, même si c’est ainsi lui prêter beaucoup vu son bilan, à cette aune, plus que mitigé.

Représenter réellement les intérêts structurels des classes populaires

Il existe une deuxième condition pour qu’un parlement soit réputé démocratique. Il faut que la représentation politique soit organisée par des partis avec, autour de ces derniers, des organisations de masse qui représentent réellement les intérêts structurels des classes populaires. Alors la confrontation électorale sera l’occasion de mettre en scène le rapport de force interne d’une communauté politique donnée sur les enjeux principaux. Ce sera l’occasion donnée de trancher provisoirement par le biais de programmes concurrents définissant chacun l’intérêt général de la nation à un moment donné. Les lois passées pour les mettre en musique et les gouvernements exécutant ces lignes deviennent ainsi pleinement responsables des normes contraignantes et de leurs conséquences lors du mandat suivant. Un processus authentiquement démocratique a alors bien eu lieu.

Pour cela, les partis politiques doivent représenter des définitions concurrentes de l’intérêt général d’une nation souveraine, dans le cadre d’un Etat détenant le monopole de la puissance publique. C’est la « compétence de la compétence », pouvant traiter de tous les sujets. Sinon la logique que l’on vient de décrire est court-circuitée et ne peut plus opérer. Et l’élection peut alors suivre de nouveau sa pente oligarchique naturelle, légitimant une captation de pouvoir des classes par ailleurs déjà dominantes socialement. Petite musique hélas très familière.

Arguer de l’impuissance actuelle de nos parlements nationaux pour légitimer les institutions qui sont celles qui ont organisé cette impuissance procède d’une bien étrange logique. Elle met à l’envers ce qui doit être mis à l’endroit. Pour que nos parlements nationaux se remettent à fonctionner selon une logique démocratique, ce qui est parfaitement possible puisqu’eux, à la différence du « Parlement » européen, correspondent à un Etat, à une nation détenant seule la légitimité et la souveraineté, il suffit de les déconnecter des institutions européennes illégitimes. Encore faut-il le vouloir.

III.- L’UTILISATION SANS VERGOGNE DE LA TARTE A LA CREME DU DANGER DU FN AFIN DE MOBILISER EN LES CULPABILISANT LES HESITANTS QUI CRAIGNENT AMPLIFIER LE VOTE FN EN S’ABSTENANT AUX EUROPEENNES EST L’ARGUMENT ELECTORAL DE CEUX QUI N’ONT PLUS D’ARGUMENT

Dans son dernier argument, RM Jennar souligne la faiblesse de ceux qui savent qu’aucun appel vibrant aux soi-disant pouvoirs merveilleux prêtés au « Parlement » européen ne risque de déclencher une vague de participation électorale. C’est l’ « argument » électoral de ceux qui n’ont plus d’argument, le joker que l’on sort de sa manche lorsque la situation devient critique. Il faut occuper le terrain, peu importe comment, de peur que le FN ne l’occupe. Misère de la politique, réduite à sa dimension politicienne, quand il n’y a plus de véritable politique. Donc, le FN, dont la force structurelle et la longévité dans le rôle du fou du roi doit tout à la déconstruction politique européenne et au PS – mais les deux sont liés – sera combattu en légitimant les mêmes institutions européennes. Par la participation électorale, il sera indiqué aux institutions européennes que les citoyens acceptent de légitimer la déconstruction de leur éminence institutionnelle et la suppression de leur souveraineté.

Par contre, appeler à délégitimer les institutions de fait illégitimes de « l’Union » européenne, et à reconstruire la force des classes populaires en restaurant leur pouvoir national, seule forme institutionnelle qui reconnaisse leur puissance politique, serait aider le FN. Oui bien sûr, cela nous avait échappé ! Cela a aussi échappé au FN, qui sait, lui, que l’abstention massive aux élections européennes relativiserait beaucoup la portée de son score. Mais, de plus, contrairement à ce que l’on dit souvent, l’abstention ne lui est pas favorable (voir à ce sujet l’article du mois de mai 2014 du Monde diplomatique sur l’abstention). Une bonne partie de ceux qui s’abstiennent voteraient pour une formation appelant ouvertement à une sortie des institutions européennes s’ils devaient voter. Ils ne viendraient donc pas grossir les rangs du Front de gauche, qui se révèle finalement le dernier rempart des institutions européennes, exemple le plus abouti d’institution néolibérale.

Conclusion

Le temps n’est plus aux tergiversations, ou aux combats défensifs de témoignage. Par exemple, lutter pour que les institutions européennes ne complètent pas leur intégration atlantique et la dissolution des derniers pouvoirs souverains résiduels avec la conclusion du PTCI. Les peuples européens, dessaisis de leur souveraineté théorique et pratique par le biais de la « construction » européenne, qui n’est que la déconstruction du caractère politique des pays européens et la suppression par conséquent de tous les processus démocratiques, sont mûrs désormais pour prendre ces institutions pour ce qu’elles sont. C’est-à-dire la tentative réussie pour les évacuer institutionnellement des choix économiques et politiques. Le moment est également celui des choix radicaux.

Nous sommes face à une crise historique, centenaire, du capitalisme, dans sa forme financiarisée et postnationale. Elle met au supplice particulièrement les peuples européens, puisque ce sont les seuls à être prisonniers non seulement du capitalisme financiarisé, mais encore d’institutions proprement néolibérales, à savoir l’Union européenne. Cette dernière les corsète encore plus politiquement qu’économiquement, les deux étant bien sûr liés. Tous ceux qui ne prennent pas la mesure de cette urgence et de cette nécessité participent au vide tragique de relais politiques pour les classes populaires. Et ceci à un moment où elles réclament plus que jamais une rupture décisive avec les logiques mises en place depuis plus de trente ans, dans ce pays par le Parti « socialiste » et ses satellites. Logiques qui ne sont pas contestées radicalement par les partis classés à sa gauche et même à « l’extrême » gauche. L’idéologie postnationale, donc postdémocratique, est en effet partagée autant par l’UMP, où le gaullisme a disparu depuis longtemps, que par le PS, son principal architecte. Cette idéologie constitue même le seul ciment liant la gauche néolibérale (PS et EELV) et la gauche un peu facilement dénommée « radicale », FDG, NPA et LO, entre autres. Les classes populaires sont ainsi privées de tout relais politique massif et visible. Il était plus que temps de réagir.

Boycottez ceux qui vous ont pris le pouvoir : les institutions européennes ! Luttez contre elles, rejoignez les Comités départementaux de résistance républicaine à l’Union européenne (CDR-RUE) ! Partons à la reconquête de notre souveraineté afin de restaurer la démocratie !

Affichettes

Source: http://www.les-crises.fr/je-n-irai-pas-voter-todd/


Colombani ou la propagande xénophobe gratuite…

Sunday 22 March 2015 at 01:01

Proposition : tout journal gratuit diffusé largement doit se voir interdire ce genre de billet “d’opinion”, et être soumis à une obligation de stricte neutralité.

Paru le 12 mars 2015 dans Direct Matin :

Selon le sondage publié fin février par VCIOM, institut russe d’études de l’opinion publique, la part de personnes heureuses en Russie est en hausse : 52 % contre 44 % en décembre 2014. Malgré les sanctions contre le pays et la récente dévaluation du rouble, tout irait donc bien pour les Russes. Pour l’économiste Siméon Djankov, cette joie de vivre est difficilement conciliable avec certains faits qu’il rappelle sur le blog du Peterson Institute for International Economics : le prix des produits alimentaires a augmenté de 29,3 % entre janvier 2014 et mars 2015 d’après Rosstat, l’agence fédérale russe de statistiques ; le nombre de touristes russes est en baisse : ils étaient 27 % de moins à aller skier en Autriche, 52 % de moins en Finlande et 43 % de moins en France en janvier 2015 ; la vente de voitures est aussi en baisse : 115 390 véhicules vendus en janvier 2015, contre 151 000 en janvier 2014 et 163 000 en janvier 2013.

Siméon Djankov conclut : «Je ne peux penser qu’à deux explications possibles de cette apparente dissonance cognitive. Premièrement, la majorité des Russes aiment souffrir : quand les temps deviennent durs, ils se sentent plus gais. Deuxièmement, les personnes interrogées ont peur de donner la véritable réponse puisque la paranoïa à l’égard de l’Etat omniprésent a rapidement augmenté.» De leur côté, Christopher Walker, directeur du Forum international des études démocratiques, et Robert Orttung, directeur adjoint de l’Institut d’études européennes, russes et eurasiennes de l’école de commerce de l’université George-Washington, soulignent dans le Washington Post que le pouvoir en place utilise des tactiques de diversion, comme l’annexion de la Crimée, pour reléguer la crise économique au second plan.

Et voici la réponse, dans les règles de l’art, de Jacques Sapir.

Le triste sire Colombani

Le ci-devant Colombani n’aime vraiment pas les russes. Il en a donné un nouvel exemple dans la tribune qu’il écrit pour le quotidien gratuit Direct Matin, tribune reprise sur internet dans Slate.fr où le ci-devant, qui en est aussi le directeur de publication, officie aussi[1]. C’est un exemple frappant et instructif du racisme antirusse, qui inspire ces élites auxquelles le ci-devant appartient, qu’il nous délivre à cette occasion.

Le bonheur ne s’achète pas.

Le ci-devant Colombani découvre donc qu’il y a des russes heureux. Et en plus, leur pourcentage progresse. Voilà qui semble beaucoup le chagriner. Il écrit donc « Selon un sondage publié fin février par VCIOM, institut russe d’études d’opinion publique, la part des personnes heureuses en Russie est en hausse : 52% contre 44% en décembre 2014. Malgré les sanctions contre le pays et la récente dévaluation du rouble, tout irait donc bien pour les Russes. Pour l’économiste Siméon Djankov, cette joie de vivre est difficilement conciliable avec certains faits qu’il rappelle sur le blog du Peterson Institute for International Economics ». Cette progression de gens se déclarant heureux l’effraie. Elle lui semble incompatible avec les effets des « sanctions » occidentales. Ces dernières sont réputées avoir plongé l’économie dans le chaos…Ou peut-être pas. Car il y a des observateurs, plus perspicaces que le ci-devant qui ont émis de sérieux doutes quant à cette vision catastrophiste de l’impact des sanctions.

C’est en réalité une chose très facilement compréhensible. Le ci-devant ne conçoit pas le bonheur en dehors des choses matérielles. Pour lui, ce n’est qu’une valeur comptable. Que, dans la notion du bonheur il puisse y avoir celle de la fierté nationale, de la dignité retrouvée, lui est à tout plein incompréhensible. Que le bonheur individuel participe d’émotions collectives, comme celles qu’ont éprouvées les russes à l’occasion du rattachement de la Crimée à la Russie lui est inconcevable. Il est bien ce produit de la bourgeoisie dont Marx et Engels disait, dans le Manifeste du Parti communiste, qu’elle « … a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ». Voilà pourquoi il ne peut concevoir que, dans un pays où il y a des difficultés économiques, les gens puissent se sentir plus heureux. Non, il n’y a là aucune « dissonance cognitive ». Car, le ci-devant Colombani n’est pas à court d’une explication. Il ne la formule pas lui-même. Le ci-devant à des pudeurs de jeune fille d’un autre temps. Il préfère laisser la parole à d’autres, se réfugier derrière ce qu’il considère comme un « avis autorisé », celui de Siméon Djankov auquel il fait dire : “Je ne peux penser qu’à deux explications possibles de cette apparente dissonance cognitive. Premièrement, la majorité des Russes aiment souffrir : quand les temps deviennent durs, ils se sentent plus gais. Deuxièmement, les personnes interrogées ont peur de donner la véritable réponse puisque la paranoïa à l’égard de l’Etat omniprésent a rapidement augmenté. » Ah, que ces pratiques sont belles de la part d’un journaliste si éminent. Il ne dit pas ce qu’il pense vraiment : les russes aiment souffrir et sont tenus par la peur. Non, il le suggère par le biais d’une citation d’autrui. Mais, on se rend bien compte que ceci ne fait que traduire ce que le ci-devant Colombani pense. Et cette pensée est tout simplement raciste.

Le racisme antirusse en action.

On se souvient de ce discours du XIXème siècle qu’avaient repris une partie de l’élite blanche sud-africaine : les noirs ont une gaine qui entoure leurs nerfs et qui fait qu’ils ressentent moins la douleur. D’où cette conclusion : on peut fouetter ces noirs, car ils ne sentent rien ou si peu…Et bien nous avons ici une autre forme de ce même racisme : « les russes aiment souffrir ». Donc, il n’est pas étonnant que plus nous (les occidentaux) nous leur faisons « mal » avec les sanctions, et plus ils soient heureux. On ne sait trop si, devant tant de stupidité, il faut rire ou bien pleurer.

Le stéréotype s’affiche dans sa bêtise crasse. S’il était un journaliste honnête, il aurait pu –et il aurait dû – regarder d’autres sondages, interroger d’autres personnes connaissant la Russie, bref trouver d’autres sources que quelques idéologues américains. Mais, cela fait des années, et les anciens lecteurs du Monde ne le savent que trop, que le ci-devant Colombani a abdiqué toute prétention et au journalisme et à l’honnêteté intellectuelle. Il n’est plus qu’un idéologue comme un autre. Il reprend à leur sources tous ces préjugés qui existent depuis maintenant près de deux siècles quant aux russes, il les recycle pour leur donner une forme plus acceptable, mais le fond est toujours le même : les russes sont des barbares, des êtres primitifs qui « aiment souffrir » quand ils ne sont pas terrorisés par le pouvoir.

Pourtant, la Russie a donné quelques leçons depuis deux siècles qu’elle a produit une civilisation, certes différente, mais comparable à celle de l’Europe occidentale. Que ce soit dans les arts ou dans les techniques, on ne compte plus les apports de la Russie. Pourtant, tout ceci est systématiquement nié, et l’image de la Russie qui est véhiculée par ces idéologues à gages est toujours celle d’un monde primitif et brutal. Il y a donc beaucoup de racisme dans cela, mais il y a aussi une idéologie meurtrière, comme un appel à la guerre. Rappelons-nous ce que les nazis disaient des slaves : des untermensch, des sous-hommes. On ne sait que trop où ceci conduisit, et les horreurs sans nom de la guerre d’extermination que les nazis (et leurs alliés) conduisirent contre les peuples de l’URSS. Mais on oublie parfois de rappeler où tout ceci s’arrêta : les dits sous-hommes infligèrent aux nazis des défaites sanglantes et prirent Berlin. Le ci-devant Colombani devrait s’en souvenir, ou alors il s’expose à finir comme d’autres ci-devants…

Confusion et méconnaissances

Mais il est vrai que la Russie a connu des problèmes économiques, et qu’elle en connaîtra encore en 2015. L’année 2014 a été marquée par une très forte dépréciation du taux de change, qui a eu des conséquences importantes sur la hausse des prix et sur le système financier. On sait que la situation actuelle se caractérise à la fois par une forte baisse des prix du pétrole, qui devrait durer jusqu’au mois de juin 2015, et par un affrontement entre les pays occidentaux et la Russie au sujet de l’Ukraine. Les sanctions financière qui ont résulté du conflit en Ukraine ont eu un impact sur la Russie qui a été surtout important dans la sphère financière. Ceci a contribué à déstabiliser encore plus le taux de change. Les prévisions pour 2015, comme celles du Ministre des finances, M. Siluanov, sont mauvaises et l’on annonce une récession de -4% du PIB. Il est possible que l’on pêche par excès de pessimisme, car d’autres éléments indiquent que l’économie russe résiste bien aux sanctions et pourrait rebondir dans le cours du 2ème semestre.

Mais, nouveau modèle de croissance s’impose désormais. C’est ce qu’a reconnu d’ailleurs le Président Poutine lors de son adresse du 4 décembre. L’importance du débat sur ce sujet ne date d’ailleurs pas de ces derniers jours[2]. La mise en place d’un modèle de financement (et bancaire) de développement « autocentré » (comme on peut le constater avec la mise en place du « système national de paiements ») met en lumière la dimension stratégique du taux d’intérêt, mais aussi celle d’un système bancaire performant[3]. En effet, tant que l’on considère que le rouble doit être stabilisé par des instruments de marché, ces taux resteront nécessairement élevés. Or, ils freinent, voire empêchent, l’économie russe de se diversifier et de profiter de la dépréciation du rouble qui rend les producteurs russes plus que compétitifs que ce soit à l’exportation ou sur le marché intérieur.

En fait, on constate que la politique de la Banque Centrale n’est pas cohérente que ce soit avec ses propres principes ou avec la situation que l’économie russe connaît. Pour lutter contre les effets de la déstabilisation du taux de change elle a fortement monté ses taux. Or, les taux d’intérêts pratiqués détruisent en effet les éléments de substitution à l’import qui existaient depuis cet automne et qui se développaient. La Banque centrale risque d’être désignée comme la principale responsable des difficultés économique qui s’annoncent. Les taux sur les prêts à l’agriculture pratiqués par les banques commerciales, en référence aux taux de la BCR, sont au minimum de 25% et plus proches de 35%. Les sociétés de leasing, y compris parapubliques comme la Rosselkhoz, sont en train de rapatrier massivement le matériel agricole au moindre défaut de paiement. Il en résulte que les producteurs agricoles ne peuvent acheter les semences et entretenir leur matériel. Beaucoup sont en défaut depuis l’an dernier. Une réaction de la part du gouvernement s’annonce et devrait prendre la forme de diverses mesures et peut-être de changements dans le gouvernement lui-même.

Il est donc clair qu’il y a de nombreux problèmes en Russie. Nul ne le nie. Mais, ces problèmes sont connus et reconnus comme tels. Peut-être que le sentiment de « bonheur » exprimé par 52% des russes traduit-il simplement le fait qu’existe la conscience que l’on sait où l’on va et que l’on a confiance, peut-être moins en certaines personnes du gouvernement que dans le système général de gouvernement, pour résoudre les difficultés qui ont surgi et qui surgiront. Dans le « Chant des Partisans », s’exprime justement cette idée d’une communauté de lutte et de projet où chacun sait ce qu’il a à faire.

« Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.


Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.


Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.


Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute… »

Cette idée correspond à une certaine définition du bonheur, non pas du bonheur hédoniste mais de celui qui se construit dans une lutte collective. C’est cela que, visiblement, le ci-devant Colombani ne peut et ne veut comprendre. Tout comme il ne peut comprendre que l’on veuille vivre dans un pays, la France ou la Russie, libre et souverain.

Il est vrai qu’il a choisi son camp, et que ce dernier n’est pas celui de la résistance.

Notes

[1] Colombani J-M, « Heureux qui, comme un russe », publié dans Direct Matin, n° 1653, 12 mars 2015.

[2] Ivanter V.V. Nekipelov A.D. et Glazyev S.Yu (2013), « Problemy Dolgosrotchnogo Sotsial’nogo-Yekonomitcheskogo Razvitija », Yekonomitcheskie i Sotsial’nye Peremeny n°30 (6/2013), p.14-25. Disponible aussi sur http://www.ras.ru/news/shownews.aspx?id=4f0a07fe-8853-4eda-9428-574f5fcf0654

[3] Ivanter V.V., Uzyakov M.N, Ksenofontof ,M. Yu., Shirov A.A., Panfilov B.S., Govtvan’ O. Dzh., Kuvalin D.B., Porfiriev B.N., « Novaya Yekonomika Politika – Politika Yekonomitcheskogo Rosta », (2013), in Problemy Prognozirovaniya, n°6 (141), pp. 3-16.

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 15 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/colombani-ou-la-propagande-xenophobe-gratuite/


Revue de presse internationale du 22/03/2015

Sunday 22 March 2015 at 00:46

Dans la revue internationale cette semaine, des banques en difficultés, des perspectives inquiétantes pour les économies développées, moins pour d’autres, des chiffres suspects aux USA, Obama mauvais joueur, Le Japon paie ses dettes sans s’enrichir, et le Danemark et d’autres qui veulent libérer la libido… Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-du-22-03-2015/


François Rabsamen : “Le contrat de travail n’impose pas toujours un rapport de subordination”

Sunday 22 March 2015 at 00:01

Au delà de la polémique, ce qui est intéressant, c’est ce qu’il y a dans la tête de ces néolibéraux… “Le contrat de travail n’impose pas toujours un rapport de subordination“…

Trop de politique nuit à la bonne compréhension du monde…

Contrat de travail et subordination: en une phrase, Rebsamen efface les bases du droit du travail

François Rebsamen à l'Assemblée nationale en février 2015. REUTERS/Charles Platiau
François Rebsamen à l’Assemblée nationale en février 2015.

Retour sur quelques mots prononcés par le ministre du Travail.

On ne prête pas suffisamment d’attention aux débats en commission du Sénat, et c’est un tort. C’est ainsi que, personnellement, je n’ai été alertée que ce dimanche par ce qu’a dit François Rebsamen le 11 mars durant son audition par la commission Croissance, activité et égalité des chances économiques, via un tweet de Joël Gombin, qui collabore régulièrement avec Slate:

Le tweet estomaquant, c’est celui-là:

Et alors là, effectivement, toute personne ayant des notions de droit du travail n’en croit pas ses yeux.

Dans le compte-rendu de l’audition, on ne retrouve pas tout à fait la même citation.

François Rebsamen répond à une question posée par le sénateur communiste Jean-Pierre Bosino sur le travail le dimanche («Il n’y a évidemment pas de volontariat pour le travail le dimanche et de soirée. Le contrat de travail est un lien de subordination») qui s’inquiète donc de la capacité réelle des salariés de dire non à leur employeur si celui-ci veut qu’ils travaillent le dimanche. Ce à quoi le ministre du Travail répond:

«Le contrat de travail n’impose pas toujours un rapport de subordination entre employeur et salarié: il est signé par deux personnes libres qui s’engagent mutuellement. Dans les situations de plein emploi, c’est même l’employeur qui recherche les salariés…»

[OB : "Dans les situations de plein emploi" : ahahahahahahahahahahahahahahahah... Bon, sinon, même dans ces cas là d'il y a 1 siècle, promis, il y a subordination...]

En cinq lignes, le ministre du Travail nie ce qui fonde le droit du travail de son pays et confond marché de l’emploi et contrat du travail.

En France, les contrats sont signés entre deux personnes libres qui s’engagent mutuellement et, sauf atteinte à l’ordre public ou dispositions contraires à la loi, c’est le contrat qui fait loi entre ces deux personnes. Effectivement. Mais ceci, c’est la règle en droit civil. Ce sont les articles 1101 et suivants.

La particularité du droit du travail, c’est de sortir les relations de travail du droit civil en reconnaissant que salarié et employeur ne sont pas «égaux» et que le droit est là pour rééquilibrer la balance.

Le professeur Gérard Lyon-Caen a posé ce que l’on considère comme la définition «officielle» du droit du travail:

«L’ensemble des règles juridiques applicables aux relations individuelles et collectives qui naissent entre les employeurs privés et ceux qui travaillent sous leur autorité moyennant une rémunération appelée salaire.»

La caractéristique (l’une des caractéristiques, les deux autres sont la fourniture d’un travail et la contrepartie, la rémunération) du contrat de travail, c’est le lien de subordination. C’est ce qu’explique notamment le site du ministère du Travail:

«Le contrat de travail existe dès l’instant où une personne (le salarié) s’engage à travailler, moyennant rémunération, pour le compte et sous la direction d’une autre personne (l’employeur). Le plus souvent, le contrat de travail doit être écrit. Son exécution entraîne un certain nombre d’obligations, tant pour le salarié que pour l’employeur.»

La Cour de cassation définit le lien de subordination:

«Caractérise le lien de subordination l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.»

«Dans les situations de plein emploi, c’est même l’employeur qui recherche les salariés…», ajoute François Rebsamen pour prouver qu’il n’y a pas toujours subordination…

Pendant les périodes de plein emploi, ou, puisque celles-ci sont quand même rares, lorsque les employeurs veulent embaucher des profils particuliers et recherchés, se met effectivement à jouer la loi de l’offre et la demande: le potentiel salarié va pouvoir sûrement négocier à la hausse son salaire, ses conditions de travail, ses vacances ou sa volonté de ne pas travailler le dimanche (puisque c’était le sujet de la question de départ)… Mais pas le lien de subordination.

Alors, oui, c’était sûrement «façon de parler», et certains trouveront peut-être ça tatillon. Mais il est surprenant d’entendre un ministre du Travail (socialiste) affirmer: «Le contrat de travail n’impose pas toujours un rapport de subordination entre employeur et salarié: il est signé par deux personnes libres qui s’engagent mutuellement.»

Source : Cécile Chalancon, pour Slate, le 15 mars 2015.


François Rebsamen ignore-t-il le droit du travail ?

EN REMETTANT EN CAUSE LE LIEN DE SUBORDINATION LIANT SALARIÉ ET EMPLOYEUR DANS LE CADRE DU CONTRAT DE TRAVAIL, LE MINISTRE DU TRAVAIL A DÉCLENCHÉ DES RÉACTIONS, AU PIRE FRANCHEMENT INQUIÈTES, AU MIEUX IRONIQUES, SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX. FLORILÈGE.

François Rebsamen ignore-t-il le droit du travail?

Le ministre du Travail, François Rebsamen, en remettant en question le lien du subordination entre salarié et employeur dans le cadre du contrat du travail, a provoqué une vague de tweets ce week-end.

La phrase serait peut-être passée inaperçue si le Sénat ne l’avait pas lui-même tweetée mercredi 11 mars, résumant le propos de François Rebsamen, ministère du Travail, entendu par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Macron. 

Relevés notamment par Slate, les propos de François Rebsamen ont vite déclenché une vague de tweets, ironiques ou inquiets, sur la méconnaissance du ministère du Travail du droit du même nom, y compris et peut-être même surtout dans son propre camp.

D’un revers de manche, le ministre du travail a ainsi balayé l’un des éléments juridiques majeurs du contrat de travail, l’une de sesclefs de voute. Certes, la phrase exacte prononcée par le ministre mettait une nuance à cette affirmation : “Le contrat de travail n’impose pas toujours un rapport de subordination entre employeur et salarié: il est signé par deux personnes libres qui s’engagent mutuellement. Dans les situations de plein emploi, c’est même l’employeur qui recherche les salariés…”

Mais en matière juridique, non seulement la nuance n’est pas de mise, car le lien du subordination existe toujours, mais de plus une confusion vient s’ajouter à une erreur, le ministre du Travail établissant un lien étrange entre contrat de travail et marché du travail… Ca fait beaucoup pour Gérard Filoche notamment, qui après avoir pensé à une gaffe, s’inquiète franchement .

Les interprétations vont ainsi bon train, et certains y voient meme une raison de ne pas se lever le matin… Ainsi de Pierre F, qui dans une discussion sur ce thème sur twitter, se réjouit :” Je pensais rester au lit demain matin, et arguer du fait que non, je ne suis pas subordonné”….

L’occasion est belle aussi pour les frondeurs du PS de s’interroger à nouveau, ainsi de Romain Blachier, adjoint PS de la mairie de Lyon qui n’hésite à prôner une mise en vacance du pouvoir du ministre …

Source : Dominique Perez, pour L’Express, le 16 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/francois-rabsamen-le-contrat-de-travail-nimpose-pas-toujours-un-rapport-de-subordination/