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Comment déclencher une guerre et perdre un empire, par Dmitry Orlov

Wednesday 5 November 2014 at 03:00

Il y a un an et demi, j’ai écrit un essai sur la façon dont les USA ont choisi de voir la Russie, intitulé l’Image de l’ennemi. A l’époque, je vivais en Russie et, après avoir observé la rhétorique antirusse américaine et les réactions des Russes, j’ai fait des observations qui m’ont paru importantes à l’époque. Il s’avère que j’avais réussi à déceler une tendance importante, mais étant donné l’allure rapide des derniers développements, ces observations sont tristement dépassées, et par conséquent, en voici une mise à jour.

A cette époque, les enjeux n’étaient pas encore très importants. On faisait beaucoup de bruit au sujet d’un type dénommé Magnitsky, un avocat d’affaires véreux qui s’était fait arrêter et qui mourut en détention provisoire. Il détenait des informations sur quelques escrocs occidentaux de plus grande envergure, qui, bien sûr, n’ont jamais été inquiétés. Les Américains ont choisi de traiter toute l’affaire comme une violation des droits de l’homme, et ont répondu par ce qui est communément appelé Loi Magnitsky, qui sanctionnait certains individus russes étiquetés comme “contrevenants aux droits de l’homme”. Les législateurs russes ont répliqué avec la “Loi Dima Yakovlev”, nommé d’après un orphelin russe adopté par des Américains qui avaient provoqué sa mort en le laissant dans une voiture fermée pendant neuf heures. Cette loi interdisait aux démons américains tueurs d’orphelins de continuer à adopter des enfants russes. Le tout se résumait à un mélodrame stupide.

Mais quelle différence depuis un an et demi ! L’Ukraine, qui en ce temps là s’écroulait à peu près du même pas régulier que ce qu’il avait toujours été depuis son indépendance vingt ans auparavant, est aujourd’hui un état réellement mort, avec son économie en chute libre, une région qui a fait sécession et deux autres en rébellion ouverte, une grande partie du pays terrorisée par des escadrons de la mort financés par des oligarques, et quelques marionnettes intronisées par les Américains, nommément en charge, mais qui tremblent dans leurs bottes à l’idée de ce qui va se passer. La Syrie et l’Irak, qui alors ne mijotaient qu’à petit feu, sont depuis entrés en éruption dans une guerre véritable avec des régions des deux pays sous contrôle du Califat Islamique, qui a été formé avec l’aide des USA et pourvu d’armes américaines via les Irakiens.

La Libye post-Khadafi semble travailler à établir un Califat Islamique de son cru. Sur ce fond de profond échec de la politique étrangère américaine, les USA ont trouvé pertinent d’accuser les Russes de maintenir des troupes “au seuil de l’Otan”, comme si cela n’avait rien à voir avec l’expansion de l’Otan à l’Est, jusqu’aux frontières russes. Sans surprise, les relations entre les USA et la Russie en sont arrivées à un point tel que les Russes ont jugé approprié d’émettre un avertissement sévère : toute autre tentative de coercition par menaces peut déboucher sur une confrontation nucléaire.

Le comportement américain à travers cette succession de défaites a été remarquablement constant, l’élément récurrent étant un refus catégorique de prendre en compte la réalité, de quelque façon que ce soit. Tout comme avant, en Syrie, les Américains cherchent inlassablement des islamistes modérés, pro-occidentaux, qui veulent faire ce que les Américains veulent qu’ils fassent (renverser le gouvernement Assad), mais qui n’iront pas jusqu’à exterminer tous les envahisseurs infidèles sur lesquels ils peuvent mettre la main. Le fait que ces islamistes modérés, pro-occidentaux semblent ne pas exister n’affecte en rien la stratégie américaine dans la région.

De la même façon, en Ukraine, le fait que le lourd investissement des Américains dans la “liberté et la démocratie” ou la “société civile”, ou ce que vous voudrez, ait débouché sur un gouvernement dominé par des fascistes et une guerre civile n’est, selon les Américains, que de la propagande russe. Parader sous la bannière de la division SS ukrainienne d’Hitler et sacrer héros nationaux des collaborateurs des nazis n’est pas assez convaincant à leurs yeux. Que doivent donc faire ces nazis pour prouver qu’ils sont bien nazis, construire des fours et brûler quelques Juifs ?

Massacrer des gens en mettant le feu à un immeuble, comme ils l’ont fait à Odessa, ou tirer dans le dos sur des civils désarmés pour ensuite les jeter dans des charniers, comme ils l’ont fait à Donetsk, n’est pas suffisant semble t-il. Le fait que de nombreuses personnes aient refusé d’être gouvernées par des voyous nazis et leur ont résisté avec succès est la raison de l’étiquette “séparatistes pro-russes” que les Américains leur ont collée, et qu’ils ont alors utilisée pour rejeter la responsabilité des troubles en Ukraine sur la Russie, et imposer des sanctions à la Russie. Ces sanctions seraient revues si la Russie retirait ses troupes de l’Ukraine. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de troupes russes en Ukraine.

Notez que ce type de comportement n’a rien de nouveau. Les Américains ont envahi l’Afghanistan parce que les Talibans ne voulaient leur remettre Ossama Ben Laden (qui était un agent de la CIA) que si les Américains fournissaient des preuves de son implication dans les attentats du 11 septembre – lesquelles n’existaient pas. Les Américains ont envahi l’Irak parce que Saddam Hussein ne voulait pas renoncer à ses armes de destruction massives – qui n’existaient pas. Ils ont envahi la Libye parce que Mouammar Khadafi ne voulait pas renoncer à des positions officielles – qu’il ne détenait pas. Ils étaient prêts à envahir la Syrie parce que Bashar el Assad avait utilisé des armes chimiques contre sa population – ce qu’il n’avait pas fait. Et aujourd’hui, ils ont imposé des sanctions contre la Russie parce que la Russie a déstabilisé et envahi l’Ukraine – ce qu’elle n’a pas fait non plus (les USA l’ont fait).

Les sanctions contre la Russie ont un aspect d’autant plus surréaliste qu’elles se retournent contre l’Occident tout en donnant au gouvernement russe l’élan qu’il lui fallait pour réaliser ce qu’il voulait faire depuis longtemps. Les sanctions ont porté atteinte aux droits de plusieurs hommes d’affaires et officiels russes, qui ont brutalement retiré leur argent des banques occidentales et leurs enfants des écoles et universités occidentales, et ont tout fait pour démontrer qu’ils étaient de bons patriotes russes, et non les laquais des Américains.

Les sanctions ont affecté plusieurs compagnies d’énergie russes, en les coupant des sources occidentales de technologie et de financement, mais cela va d’abord sabrer les gains des compagnies d’énergie occidentales et profiter à leurs rivaux chinois. Il y a même eu la menace de couper la Russie du système SWIFT, ce qui aurait rendu assez difficiles les transferts de fonds entre la Russie et l’Occident, mais au lieu de cela, la conséquence de cette menace aura été de donner un élan à la Russie pour créer son propre système RUSSWIFT, qui inclura même l’Iran, et neutralisera toute velléité américaine future d’imposer des restrictions financières.

Les sanctions étaient censées causer des dégâts économiques, mais les efforts occidentaux pour infliger des dommages à court terme à la Russie sont en train d’échouer. Couplé à une baisse substantielle du prix du pétrole, tout cela était censé affecter fiscalement la Russie, mais comme les sanctions ont également fait chuter le rouble, le résultat net sur les finances de la Russie est nul. Les prix du pétrole sont plus bas, mais en partie grâce aux sanctions, il en va de même du rouble, et comme les revenus du pétrole sont encore généralement en dollars, cela signifie que les reçus d’impôts russes sont en gros au même niveau qu’avant. Et puisque les compagnies pétrolières russes gagnent des dollars à l’étranger mais dépensent localement des roubles, leurs budgets de production ne sont pas affectés.

Les Russes ont aussi répliqué par des contre-sanctions et par l’adoption rapide de mesures visant à neutraliser l’effet des sanctions passées contre eux. La Russie a interdit l’importation de certains produits de l’UE – au grand dam des agriculteurs européens. Parmi les membres de l’UE, les pays les plus férocement antirusses ont été les plus touchés : les pays Baltes, qui n’ont pas tardé à perdre une grosse partie de leur PIB, tout comme la Pologne. La Serbie, qui ne s’était pas jointe aux sanctions, fait figure d’exception. Ici, le message est simple : les amitiés séculaires comptent ; ce que les Américains veulent n’est pas ce que les Américains obtiennent ; et l’UE n’est qu’un bout de papier. De sorte que les contre-sanctions sont en train de créer une situation conflictuelle entre les USA et l’UE, et, à l’intérieur de l’UE, entre l’Europe de l’Est (la plus touchée par les sanctions russes) et l’Europe de l’Ouest. De façon plus significative, elles mettent en lumière un message simple : les USA ne sont pas les amis de l’Europe.

Il y a un autre point qui va devenir important sur le long terme : la Russie a compris le message et se détourne de l’Occident pour aller vers l’Est. Elle fait fructifier son défi ouvert aux tentatives de domination mondiale des USA en le transformant en relations commerciales à travers le monde, dont une grande partie en a plus qu’assez de payer un tribut à Washington. La Russie tient le premier rôle dans la mise en place d’un système bancaire international qui court-circuitera le dollar US et la Réserve fédérale. Sur ce terrain, plus de la moitié des territoires et des populations du monde sont carrément du côté des Russes et les applaudissent à grand bruit. De sorte que l’effort pour isoler la Russie a produit l’effet inverse : il tend plutôt à isoler l’Occident du reste du monde.

De plusieurs autres façons, les sanctions ont en réalité un effet positif. L’interdiction des importations de produits alimentaires depuis l’UE est une aubaine positive pour l’agriculture du pays tout en faisant ressortir un point politiquement important : ne prenez pas la nourriture de la main de ceux qui vous mordent. La Russie est déjà l’un des plus grands exportateurs de céréales au monde, et il n’y a aucune raison pour qu’elle ne devienne pas entièrement autosuffisante au plan alimentaire. L’élan pour le réarmement face à l’emprise de l’OTAN sur les frontières russes (il y a maintenant des troupes US basées en Estonie, à quelques heures de route de la seconde ville du pays, Saint-Pétersbourg) fournit la motivation nécessaire au redéveloppement industriel. Ce cycle de dépenses militaires est planifié de façon un peu plus intelligente que du temps des soviets, en incluant au plan dès le départ la conversion finale en industries civiles. Aussi, en plus d’avoir les meilleurs avions de combat du monde, la Russie est sans doute sur le point de commencer à produire des avions civils destinés à l’export pour faire concurrence à Airbus et Boeing.

Mais ce n’est que le début. Les Russes semblent avoir finalement réalisé à quel point le terrain de jeu a été faussé à leur détriment. Ils ont dû jouer selon les règles de Washington de deux façons déterminantes : en se soumettant à la volonté de Washington pour garder leur crédit auprès des trois agences majeures de notation occidentales et avoir accès aux crédits occidentaux ; et en jouant selon les règles occidentales en matière d’émission de crédit, ce qui a maintenu leurs taux d’intérêt intérieurs artificiellement élevés. Le résultat a été que les entreprises américaines ont pu financer leurs opérations pour des coûts inférieurs, les rendant artificiellement plus compétitives. Mais aujourd’hui alors que la Russie travaille vite à sortir du dollar en passant à des arrangements commerciaux en monnaies bilatérales (soutenues par de l’or en cas de déséquilibres du marché), elle cherche aussi des moyens de faire tourner la planche à billets à son avantage. Jusqu’à présent le diktat de Washington a été : “Nous pouvons imprimer autant d’argent que nous le souhaitons, mais vous, vous ne pouvez pas, ou bien nous vous détruirons.”

Mais cette menace résonne dans le vide, et la Russie n’utilisera plus ses revenus en dollars pour acheter de la dette US. Une des propositions actuellement sur la table est de rendre impossible le paiement des exportations russes de pétrole avec autre chose que des roubles, en établissant deux places de marché pétrolières, une à Saint-Pétersbourg et l’autre sept fuseaux horaires plus loin, à Vladivostok. Les acheteurs étrangers de pétrole devraient alors gagner leurs pétro-roubles de façon honnête – par le commerce bilatéral – ou, s’ils ne peuvent produire suffisamment de biens que les Russes veulent importer, ils pourront payer leur pétrole avec de l’or (tant que les approvisionnements dureront). Ou bien les Russes pourraient simplement imprimer des roubles, et, pour être sûr que cette production ne provoque pas d’inflation intérieure, ils pourraient exporter une partie de cette inflation en jouant sur le robinet de pétrole et les taxes douanières sur l’exportation de pétrole. Et si George Soros et ses semblables décident d’attaquer le rouble en vue de le dévaluer, la Russie pourrait défendre sa monnaie simplement en en imprimant moins pour un temps – plus besoin d’accumuler des réserves de dollars.

Jusqu’ici, tout cela ressemble à une guerre économique typique : les Américains veulent obtenir tout ce qu’ils veulent en imprimant de la monnaie et en bombardant les réfractaires, ou en sanctionnant quiconque leur désobéit, pendant que le reste du monde tente de leur résister. Mais début 2014, la situation a changé. Il y a eu un coup d’Etat à Kiev, à l’instigation des USA, et au lieu de se retourner et de faire le mort comme ils étaient censés le faire, les Russes ont mis sur pied avec un plein succès une campagne rapide et brillante pour reprendre la Crimée, puis ont pu faire échec à la junte de Kiev, l’empêchant de consolider son contrôle sur le reste des anciens territoires ukrainiens en laissant entrer les volontaires, les armes, les équipements et l’aide humanitaire – et des centaines de milliers de réfugiés sortir – à travers la frontière parfaitement théorique entre l’Ukraine et la Russie, tout en évitant toute confrontation militaire directe avec l’OTAN. En voyant tout ceci au journal du soir, la population russe s’est réveillée de sa torpeur politique, s’est redressée, a été attentive, et a propulsé la popularité de Poutine jusqu’aux sommets.

“L’optique” de tout ceci, comme ils disent à la Maison Blanche, est plutôt inquiétante. Nous voilà près du 70e anniversaire de la victoire de la Seconde Guerre mondiale, un moment historique pour les Russes, qui s’enorgueillissent d’avoir vaincu Hitler presque à eux seuls. Au même moment, les USA (l’ennemi de toujours autoproclamé de la Russie) entreprennent de réveiller et de nourrir le monstre du nazisme juste à la frontière russe (à l’intérieur des frontières de la Russie, diraient certains Russes/Ukrainiens). Ceci rappelle aux Russes ce qu’est la mission historique de la Russie dans “le concert des nations” : briser les tentatives des autres nations de dominer le monde, que ce soit la France napoléonienne, l’Allemagne hitlérienne ou l’Amérique obamaniaque. Chaque siècle ou presque, une nation oublie ses leçons d’histoire et attaque la Russie. Le résultat est toujours le même : des monceaux de cadavres dans la neige, puis la cavalerie russe galopant dans Paris ou les tanks russes entrant dans Berlin. Qui sait comment cela se terminera cette fois-ci ? Peut-être qu’il y aura des hommes polis et fortement armés, en uniformes verts sans insignes, patrouillant dans les rues de Bruxelles ou de Washington, DC. Le temps nous le dira.

Vous pourriez penser qu’Obama a déjà trop tiré sur la corde, et qu’il devrait se contenir. Sa popularité chez lui est à peu près l’inverse de celle de Poutine, c’est-à-dire qu’Obama est toujours plus populaire qu’Ebola, mais pas de beaucoup. Il ne peut absolument rien mener à bien, aussi inutile ou futile que cela soit, et ses efforts jusqu’à présent, que ce soit chez lui ou à l’étranger, ont été essentiellement des désastres. Alors que va décider de faire ce travailleur social devenu mascotte nationale ? Du point de vue russe, il a manifestement décidé de déclarer la guerre à la Russie ! Au cas où ça vous aurait échappé, voyez son discours devant l’assemblée générale de l’ONU. Il est disponible sur le site web de la Maison Blanche. Il a placé la Russie directement entre Ebola et EIIL parmi les trois plus grandes menaces auxquelles le monde fait face. Du point de vue russe, ce discours sonne comme une déclaration de guerre.

Il s’agit d’un nouveau type mixte de guerre. Ce n’est pas la guerre totale à mort, quoique selon les standards de la guerre froide, les USA soient plutôt imprudents vis-à-vis d’une confrontation nucléaire. C’est une guerre de l’information – fondée sur des mensonges et des calomnies injustes ; c’est une guerre financière et économique – par l’utilisation de sanctions ; c’est une guerre politique — qui utilise le renversement violent de gouvernements élus et le soutien à des régimes hostiles aux frontières de la Russie ; et c’est une guerre militaire – qui utilise des coups inefficaces, mais insultants, comme de poster une poignée de soldats américains en Estonie. Et les buts de cette guerre sont clairs : il s’agit de saper la Russie économiquement, de la détruire politiquement, de la démembrer géographiquement, et d’en faire un Etat vassal docile qui fournisse des ressources naturelles à l’Occident pratiquement pour rien (contre quelques oboles envers une poignée d’oligarques russes et de mafieux qui joueront le jeu). Mais il semblerait que rien de tout cela ne se produise parce que, voyez-vous, un grand nombre de Russes ont saisi les enjeux, et choisiront des dirigeants qui, en Occident, ne l’emporteraient pas à des concours de popularité, mais qui les mèneront à la victoire.

Étant donné la prise de conscience du fait que les USA et la Russie sont, qu’on le veuille ou non, en état de guerre, aussi opaque et confuse soit-elle, les gens en Russie essaient de comprendre le pourquoi de la situation et ce qu’elle signifie. De toute évidence, les USA ont vu la Russie comme l’ennemie depuis la Révolution de 1917, sinon avant. Par exemple, nous savons qu’après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les décideurs militaires américains pensaient à déclencher une frappe nucléaire contre l’URSS, et la seule chose qui les a retenus était qu’ils n’avaient pas assez de bombes, ce qui voulait dire que la Russie pouvait prendre toute l’Europe avant que les effets des frappes nucléaires ne l’en ait empêchée (la Russie n’avait pas encore l’arme nucléaire à l’époque, mais elle comptait de nombreuses forces conventionnelles au cœur même de l’Europe).

Mais pourquoi avoir déclaré la guerre maintenant, et pourquoi a-t-elle été déclarée par ce travailleur social devenu bonimenteur national ? Quelques observateurs pénétrants ont mentionné son slogan “l’audace de l’espoir”, et se sont risqués à supposer que ce genre d’”audace” (qui en russe ressemble beaucoup à “folie”) pourrait être un élément central de son caractère, qui lui donne l’ambition d’être le maître de l’univers, comme Napoléon ou Hitler. D’autres ont étudié le charabia de sa première élection présidentielle (qui a tellement excité les jeunes bêtas américains) et découvert qu’il avait de belles choses à dire sur certains acteurs de la guerre froide. Pensez-vous qu’Obama soit peut-être un savant historien et un géopoliticien madré à part entière ? Cette question déclenche en général un bon éclat de rire, car la plupart des gens savent qu’il est juste un benêt qui répète quoi que ce soit que ses conseillers lui disent de dire. Hugo Chavez a dit de lui une fois qu’il était “otage à la Maison Blanche”, et il n’était pas trop loin de la vérité. Alors, pourquoi ses conseillers sont-ils si pressés d’entrer en guerre contre la Russie, maintenant, cette année?

Est-ce parce que les USA s’effondrent plus vite que ce que la plupart des gens ne l’imaginent ? Selon ce raisonnement, le schéma de domination mondiale américaine à travers l’agression militaire et la planche à billets illimitée est en train de s’écrouler sous nos yeux. Le public ne veut plus de troupes au sol, les campagnes de bombardement ne font rien pour contenir les militants que les Américains ont eux-mêmes aidé à organiser et à équiper, l’hégémonie du dollar s’effrite un peu plus chaque jour, la Réserve Fédérale est en panne de solutions-miracles et va devoir choisir entre sacrifier le marché boursier ou sacrifier le marché obligataire.

Afin d’arrêter, ou tout du moins d’anticiper cette chute dans un néant financier, économique et politique, les USA doivent agir rapidement pour saper toute économie concurrente dans le monde, par tous les moyens encore à leur disposition, que ce soit une campagne de bombardement, une révolution ou une pandémie (bien que cette dernière puisse être un peu difficile à garder sous contrôle). La Russie est une cible évidente, parce qu’elle est le seul pays au monde qui a eu le cran de montrer une stature internationale dans l’affrontement avec les USA et l’aptitude à les contenir ; c’est pourquoi la Russie doit être punie en premier, pour que les autres restent dans le rang.

Je ne suis pas en désaccord avec ce raisonnement, mais je voudrais y ajouter quelque chose.

Tout d’abord, l’offensive américaine contre la Russie, tout comme celle de la plus grande partie du reste du monde, porte sur ce que les Américains aiment appeler “les faits sur le terrain”, et il faut du temps pour créer ces faits. Le monde ne s’est pas construit en un jour, et il ne peut être détruit en un jour (à moins d’utiliser des armes nucléaires, mais alors il n’y a pas de stratégie gagnante pour quiconque, USA inclus). Mais le château de cartes de la finance peut être détruit assez rapidement et là, la Russie peut obtenir beaucoup en risquant peu. Financièrement, la position de la Russie est si solide que même les trois agences occidentales de notation n’ont pas eu le cran de dégrader la note de la Russie, malgré les sanctions.

Voilà un pays qui rembourse sa dette extérieure avec dynamisme, qui a un excédent budgétaire record, une balance des paiements positive, qui amasse des réserves physiques d’or, et pas un mois ne s’écoule sans qu’il ne signe un important accord commercial international (qui contourne le dollar US). En comparaison, les USA sont un cadavre ambulant : s’ils ne pouvaient continuer à refinancer des milliers de milliards de dollars de dettes à court terme chaque mois à des taux bas record, ils ne pourraient payer les intérêts de leur dette ou leurs factures. Adieu Etat providence, bonjour les émeutes. Au revoir industrie militaire et police fédérale, salut chaos et frontières ouvertes. Maintenant, changer les “faits sur le terrain” requiert des actions tangibles, alors que créer une panique financière nécessite juste quelqu’un pour crier “hou !” de manière assez forte et assez effrayante.

Ensuite, il faut bien comprendre qu’à ce stade l’élite dirigeante américaine est presque entièrement sénile. Les plus vieux semblent réellement séniles au sens médical du terme. Prenez Leon Panetta, l’ancien secrétaire de la Défense : il fait la promotion de son nouveau livre, et il en est encore à accuser le président de la Syrie, Bachar el Assad, d’avoir gazé son propre peuple ! Aujourd’hui, n’importe qui d’autre sait qu’il s’agissait d’une attaque sous fausse bannière menée par quelques rebelles syriens sans cervelle aidés par des Saoudiens, dans le but de fournir une excuse aux USA pour bombarder la Syrie – vous savez, encore la bonne vieille blague des “armes de destruction massive”. (D’ailleurs, ce genre d’insistance idiote, répétitive, sur de faux prétextes semble un signe certain de sénilité.) Ce plan n’a pas fonctionné parce que Poutine et Lavrov sont intervenus et ont rapidement convaincu Assad d’abandonner ses stocks inutiles d’armes chimiques. Les Américains étaient livides. Tout le monde connaît cette histoire,  sauf Panetta. Vous voyez, quand un officiel américain commence à mentir, il ne sait plus comment s’arrêter. L’histoire commence toujours par un mensonge, et quand des faits qui contredisent l’histoire initiale se font jour, ils sont simplement ignorés.

Voilà pour la vieille garde sénile, mais alors quid de leurs successeurs ? Eh bien, le représentant parfait de ces jeunes est Hunter Biden, le fils du vice-président, qui a fait une tournée des vices en Ukraine l’été dernier, et s’est retrouvé par inadvertance dans un siège du conseil d’administration de la plus grosse compagnie de gaz naturel d’Ukraine (à qui il ne reste guère de gaz). Il en est parti parce qu’il était accro à la coke. En plus des nombreux héritiers désignés d’office, tel le fils du vice-président, il y a aussi un certain nombre de bergeries pleines de diplômés bêlants des universités de l’Ivy League (NDT : Harvard, Yale, Princeton…) qui ont été spécialement dressés pour occuper des postes hauts placés. Ce sont les “excellents moutons” du professeur Deresiewicz.

Il n’y a pas grand-chose auquel ces gens, jeunes ou vieux, ne puissent faire face. Honte internationale, défaite militaire, catastrophe humanitaire – tout cela rebondit sur eux et vous revient dans la figure pour l’avoir évoqué et avoir été trop négatif envers leur propre vision en rose d’eux-mêmes. Le seul coup qu’ils puissent ressentir est un coup au portefeuille.

Ce qui nous ramène à mon premier point : hou !

Source : Club Orlov, le 21/10/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/comment-declencher-une-guerre-et-perdre-un-empire-par-dmitry-orlov/


[U4-2] EuroMaïdan – La montée en puissance du mouvement

Wednesday 5 November 2014 at 01:55

Suite du billet précédent sur l’Ukraine
Index de la série 

4.2 La montée en puissance du mouvement 

Comme nous l’avons vu précédemment, les manifestations « pro-européennes » démarrent sur la place Maïdan (de « l’Indépendance ») de Kiev dès le 21 novembre, jour où le président ukrainien annonça son intention de différer la signature de l’’accord d’association avec l’UE. 

Arseni Iatseniouk déclare le même jour que cette décision est « une base suffisante pour lancer une procédure de destitution du Président » (sic !)

“Source : kyivpost 

Rappelons incidemment que la fondation du même Iatseniouk – fanatique de « l’indépendance ukrainienne » et devenu Premier ministre en février 2014 – est financée entre autres par le Ministère des Affaires étrangères américain, l’OTAN, l’ambassade polonaise à Kiev, Victor Pinchuk, la banque suédoise SwedBank et un Hedge fund…

fondation iatseniouk

 

fondation iatseniouk 

Iatseniouk appelle sur Twitter à des manifestations de protestation le soir même place Maïdan – qu’il appelle « #Euromaïdan ». Environ 2 000 personnes répondirent à l’appel. On peut s’interroger de l’origine d’une telle efficacité dans la gestion « marketing » de cet évènement.

Iatseniouk appel euromaidan sur Twitter

euromaidan 23-11-2013

euromaidan 24-11-2013

Le 24 novembre, ce sont 100 000 personnes qui convergent sur la place. Après qu’un petit groupe ait tenté de prendre d’assaut un immeuble du gouvernement, la police disperse la manifestation avec des gaz. Les manifestants répondent avec violence.

Comme le 29 novembre, il devint clair que l’Ukraine ne signerait pas l’accord d’association, les leaders d’oppositions formulèrent alors leurs revendications devant 10 000 protestataires à Kiev (20 000 à Lviv), à savoir « Former un comité de coordination pour communiquer avec l’Union Européenne » et « Reconnaître que le Pouvoir n’était pas capable de mener à bien une stratégie de développement géopolitique pour l’Ukraine, et obtenir la démission de M. Ianoukovitch. »

Dans la nuit du 29 au 30 novembre, environ 10 000 manifestants sont délogés du Maïdan par la police anti-émeute. Cette évacuation violente fera plusieurs dizaines de blessés entraînant des protestations internationales, un appel à la grève générale, de nouveaux rassemblements, l’occupation de la mairie de Kiev, le blocage des sites gouvernementaux ainsi que le limogeage de plusieurs personnalités dont le maire de Kiev. Environ 10 000 manifestants restèrent ce soir-là, 10 000 autres se rendant de Lviv à Kiev pour les soutenir. La majorité des manifestants de Maïdan venait en effet de l’Ouest.

Le 1er décembre, environ 600 000 manifestants protestèrent contre les violences de la veille – journée de nouveau émaillée de violences. Environ autant se réunirent le 8 décembre.

euromaidan kiev 01-12-13

Plus de 400 personnes furent blessées du 24 novembre au 13 décembre, dont 200 policiers.

On voit ici une édifiante vidéo du centre de Lviv, ou de milliers d’étudiants scandèrent le 1er décembre des slogans : « pour l’UE », « mort aux ennemis » et « les sales russophones à la potence »…

etudiants de lviv 01-12-2013

etudiants de lviv 01-12-2013 

Le 2 décembre, le Premier ministre déclare que les évènements dans le centre de Kiev ressemblent à « une tentative de Coup d’État ».


“Source : kyivpost 

200 000 manifestants célèbrent le réveillon du Nouvel An sur Maïdan. Le 1er janvier, une marche a été organisée par le parti Svoboda, durant laquelle 15 000 torches ont été allumées pour célébrer le 105e anniversaire de la naissance de Stepan Bandera. 

Les manifestations se poursuivent, rassemblant quotidiennement 10 000 à 50 000 personnes. 

Le 16 janvier, le Parti des régions et le Parti communiste d’Ukraine (entre autres) adoptent des lois anti-manifestations au Parlement Ukrainien pour ramener le calme. Mais cela renforce la violence des manifestants – dont 3 perdent la vie le 19 janvier. 

De plus en plus de bâtiments publics sont alors envahis et occupés dans l’Ouest et le Centre du pays.

mairie kiev occupee par svoboda / Croix Celtique

mairie kiev occupee par svoboda / photo de Bandera

batiment occupe par le secteur droit 

Rappelons que ces occupations étaient largement désapprouvées par la population :

En réponse à cette flambée de violence, le gouvernement autorise la police à prendre des mesures plus draconiennes pour arrêter les émeutes. Celle-ci peut désormais réduire les accès routiers et utiliser des canons hydrauliques contre les manifestants, malgré les températures qui atteignent jusqu’à -10 °C. Malgré cette mesure, 50 000 manifestants se sont présentés le 22 janvier.

Le 25 janvier, le Président Ianoukovytch propose l’amnistie aux manifestants ainsi que le poste de Premier ministre à Iatseniouk et de Vice-Premier-Ministre à Vitali Klitschko – qui refusent, bien que cela soit la volonté majoritaire du pays.

Le 28 janvier, le Premier ministre Mykola Azarov démissionne, tandis que les récentes lois répressives sont abrogées au Parlement.

Le 31 janvier, le Service ukrainien de sécurité (SBU) indique avoir engagé une procédure pénale pour « tentative de coup d’État », après avoir étudié les documents stockés sur les serveurs saisis lors d’une perquisition dans les locaux du mouvement d’opposition Batkivchtchina à Kiev. Le SBU indique : « Les documents saisis attestent que les organisateurs des actions de protestation ont envisagé une évolution musclée des événements, à savoir une évolution impliquant un recours à la force contre les manifestants. Cette mesure devait avoir un vif retentissement dans la société ukrainienne au point de torpiller la réputation du pouvoir en place et du président » et que « la police disposait de preuves attestant que les actions de protestation lancées en novembre dernier à Kiev étaient préparées d’avance ».

“Source : fr.ria.ru

Le 9 février, les partis d’opposition annoncent la constitution d’unités d’auto-défense à travers tout le pays.

Tout est en place pour le drame final…

maidan avant-apres

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/u4-2-euromaidan-la-montee-en-puissance-du-mouvement/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 5 November 2014 at 00:10

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : Abe, marionnette de la FED ou “crétin” ? – 03/11

Olivier Delamarche VS Marc Riez (1/2): Fin du QE de la FED: quel impact sur les marchés et l’économie ? – 03/11

Olivier Delamarche VS Marc Riez (2/2): Comment relancer la dynamique européenne ? – 03/11

II. Philippe Béchade

La Minute de Philippe Béchade: Plan quantitative easing, un marché “sous morphine”

Philippe Béchade VS Serge Négrier (1/2): Fin du QE de la Fed: Quel impact sur les marchés ? – 29/10

Philippe Béchade VS Serge Négrier (2/2): Le titre Sanofi chute en bourse: une mauvaise nouvelle pour les marchés ? – 29/10

Bilan Hebdo : Éric Lewin et Jean-Louis Cussac – 31/10

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : Absence de croissance de l’UE, à qui la faute ? – 04/11

Jacques Sapir VS Jean-Pierre Gaillard (1/2): Comment expliquer le mouvement des marchés de ces dernières semaines ? – 04/11

Jacques Sapir VS Jean-Pierre Gaillard (2/2): Pourquoi la France ne peut-elle pas sortir de la convention de l’OIT ? – 04/11




































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Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-05-11-2014/


« L’Europe est responsable du Tchernobyl politique en Ukraine » par Andreï Gratchev

Tuesday 4 November 2014 at 05:00

Une belle interview de  l’Humanité Dimanche.

Diplomate, historien, journaliste, Andreï Gratchev revient sur les années soviétiques durant lesquelles il fut un témoin privilégié du dégel et surtout de la perestroïka au côté de Mikhaïl Gorbatchev dont il fut le conseiller.

Dans son dernier ouvrage “Le passé de la Russie est imprévisible”, il raconte le passage de cette Russie de Khrouchtchev au capitalisme et à cette nouvelle guerre froide, sur fond de crise ukrainienne.

HD. Près d’un an après les protestations de Maïdan, l’Ukraine s’apprête à tenir des élections législatives dans un pays marqué par la guerre. Que pensez-vous de cette situation?

Andreï Gratchev. L’Ukraine est finalement revenu au point de départ. Les protestations qui ont éclaté en novembre (2013 – NDLR) contre un pouvoir corrompu et dont plus personne ne voulait débouchent sur un accord le 21 février. Il est signé par l’ensemble des protagonistes : représentants du mouvement Maïdan, dirigeants des divers partis politiques du pouvoir et de l’opposition, ministres des Affaires étrangères européens et une délégation du pouvoir russe. L’accord prévoyait la constitution d’un gouvernement d’union nationale, une réforme constitutionnelle (passage à un régime parlementaire) et des élections législatives.

En ne respectant pas cet accord, en voulant accélérer la mainmise de parti antirusse, les diplomaties européennes et états-uniennes ont entraîné l’Ukraine dans une crise largement prévisible. Pour quel résultat ? La Russie écartée est finalement conviée à discuter de la future association avec l’Ukraine, des élections vont avoir lieu, aucune des mesures issues de la protestation n’a été développée… Les Ukrainiens ont perdu une année durant laquelle ils ont assisté impuissant à une guerre civile faisant des milliers de morts et à la fracturation de leur jeune pays. Les dégâts apparaissent désormais irréversibles et les dirigeants européens en portent une lourde responsabilité.

HD. Le rôle de l’Union européenne dans cette crise est de plus en plus ambigu. Quel bilan dressez-vous de sa diplomatie?

A. G. Les élites qui dirigent l’Union européenne ont fait preuve d’un véritable amateurisme. Le bilan est désastreux car ils n’ont rien anticipé. Et je préfère espérer que ces bureaucrates ont réveillé un volcan de rancœurs par ignorance. L’Ukraine n’a connu que récemment une période d’indépendance avec la chute de l’URSS. Avant, elle a tour à tour été partagée au sein d’empire et de duché (austro-hongrois, Pologne, Russie). Cette diversité s’exprime à travers des régions ukrainiennes marquées par leurs héritages respectifs qui tiraillent le pays vers la Pologne et l’Église catholique et vers la Russie et l’Église orthodoxe. Ce magma culturel pour un jeune État s’est transformé en une situation comparable à l’ex-Yougoslavie. L’éclatement de cette république avait été encouragé de l’extérieur et le même scénario se répète avec l’Ukraine.

HD. Le mouvement de protestation contre le régime de Ianoukovitch avait pourtant réuni une immense partie de la société, à l’ouest et aussi à l’est ?

A. G. L’idée d’une transition en douceur jusqu’à de nouvelles élections n’a pas été retenue. La tournure prise par les événements a fait voler en éclats l’unité de l’Ukraine en excluant sciemment une partie du pays des décisions, et en se passant d’une puissance régionale prépondérante?: la Russie. Les contradictions ont refait surface. Toute la partie orientale avait été rattachée à l’Ukraine pour diminuer le poids du parti rural. Ces immenses terres minières et industrielles avec une large population ouvrière servaient de contre-pouvoir : lors de la Seconde Guerre mondiale, le soulèvement de la Galicie (à l’ouest), qui a combattu aux côtés des forces nazies, avait plongé l’Ukraine dans le camp des perdants de la grande guerre patriotique.

Aujourd’hui, les partis issus de cette région ne sont pas « pro-européen », ils défendent un projet nationaliste et antirusse, et profitent de la situation pour prendre une revanche sur le passé. En somme, ces événements sont un Tchernobyl politique. L’Europe en est pleinement responsable. Son hypocrisie sur l’intégration de l’Ukraine dure depuis des années. Au début du processus, le pays qui avait besoin de liquidité du fait d’une situation économique dramatique s’est vu proposer 650 millions d’euros par Bruxelles. La Russie proposait 7 milliards d’aides au président ukrainien Viktor Ianoukovitch. Le bilan est donc désastreux. Les relations entre la Russie et l’Europe vont vers la fracture. Et cette crise a renforcé Vladimir Poutine sur le plan intérieur. Avec 80 % d’opinions favorables, personne ne pourra lui contester le pouvoir avant des années.

HD. La volonté de se tourner vers l’Asie est-elle réelle de la part des autorités russes ?

A. G. La crise ukrainienne a clairement accentué cette stratégie. La maison commune européenne à laquelle la Russie a longtemps pensé être arrimée n’existe plus. Le rêve d’une Europe allant de l’Atlantique à l’Oural du général de Gaulle, de Willy Brandt, du processus d’Helsinki apparaît brisé. Le projet européen se construit en excluant la Russie tout comme le démontre l’intégration et la place accordée aux autres pays d’Europe de l’Est, aux pays Baltes et à la Pologne. La diplomatie européenne à l’égard de la Russie a été abandonnée par la France. C’est l’Allemagne qui fixe le cap, tout comme l’illustre l’absence de Fabius lors de l’accord du 21 février en Ukraine. Ce dernier se rendait en Chine. Vladimir Poutine a décidé de tourner le dos aux Européens et à l’Occident. C’est plus par obligation que par choix. Le président russe étant un pragmatique pas un idéologue. Devant les difficultés de ces relations avec l’Europe, et la crise du modèle et des économies occidentales, Poutine se tourne logiquement vers l’Orient et les pays du Sud. Ces nouveaux pôles connaissent des fortes croissances avec l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Argentine… Mais cette volonté des élites russes n’est pas encore celle de la société qui demeure largement attirée et tournée vers l’Europe.

HD. Ce journal de bord est-il celui d’une génération, les « chestidessiatniki », à laquelle tu fais partie avec Mikhaïl Gorbatchev ?

A. G. C’est à la fois la tentation d’un homme d’un certain âge qui a envie de dresser un bilan de sa vie et l’envie de raconter une période particulière de son pays. J’ai été un témoin privilégié de ces bouleversements historiques et de l’Union soviétique. Mon parcours personnel, ma position politique au temps de l’URSS, et la chance d’être au côté de Gorbatchev durant les années de la perestroïka m’ont permis d’être aux premières loges du déroulement de l’histoire. Cette génération « chestidessiatniki » est apparue grâce au processus de déstalinisation lancée par Khrouchtchev. Nous avons connu avec ce premier dégel notre classe préparatoire vers la sortie du passé stalinien. Nous avons retrouvé l’élan utopiste qui était associé au projet initial des bolcheviques et de la révolution de 1917, avec le « printemps de Prague » et son « socialisme à visage humain ». Cet élan pour réformer le socialisme soviétique nous le mettrons en place 20 ans plus tard.

HD. Votre génération qui était prête déjà en 1968 à faire tomber le mur n’est-elle pas arrivée trop tard pour réformer ce modèle ?

A. G. Nous avions l’espoir de créer une convergence entre l’État protecteur, garant de la justice sociale à la soviétique, avec l’efficacité de l’économie occidentale. Finalement, on a découvert qu’il fallait choisir, que la société idéale imaginée de l’autre côté du mur n’existait pas. Et les élites qui ont succédé à Gorbatchev ont fait le choix d’une société capitaliste post-soviétique dans sa forme la plus brutale et la plus sauvage. Notre société a vécu immédiatement un capitalisme primitif qui n’a connu ni les réformes sociales ni les luttes pour la réalisation de certains acquis sociaux. En faisant ce chemin, on a découvert un système aussi brutal que le soviétisme, d’où le phénomène de la double déception.

Cela a entraîné la population vers un désert spirituel et idéologique et amener la société à se prêter volontairement à la gestion par les populistes et les nationalistes. La perestroïka avait pour but de refléter certaines valeurs universelles, le sens de l’histoire, la libéralisation de l’homme, le respect de la personne et de ses droits. Cette vision utopique de l’alternative promise par la société occidentale. Ce monde occidental, capitaliste, n’est en rien meilleur, sauf pour certains, par rapport à la société précédente. D’où l’apparition du phénomène de nostalgie qui apporte avec elle celle de l’époque stalinienne et le besoin d’un grand leader qui avait remporté la Seconde Guerre mondiale alors que les démocraties s’étaient révélées impuissantes. On recommence la recherche d’un modèle.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR VADIM KAMENKA pour l’Humanité, mercredi, 22 octobre, 2014

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Un bref extrait :

Andreï Gratchev est un politologue, un observateur pertinent de l’actualité russe. Il a été conseiller et porte-parole du président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev pendant la Perestroïka.

L’homme apporte un éclairage neuf sur les événements présents. Il vient de publier Le passé de la Russie est imprévisible, dans lequel il analyse l’évolution politique, intellectuelle et stratégique de son pays depuis 1950. « Depuis la chute de la Russie, l’occident et l’Amérique ne savent plus où ils en sont. Le monde libère des énergies qui ne savent où aller. » Dans ce cas, le pire des cadeaux semble être de ne plus avoir d’ennemi.

Autre constat inquiétant, délivré dans l’ouvrage du politologue, « le capitalisme n’a pas besoin de démocratie pour vivre ». Sans prôner le catastrophisme, Andreï Gratchev entend « révéler les consciences ». Et pense profondément que l’occident et l’Amérique « ont raté ce rendez-vous de l’histoire lors de la chute de l’URSS. Ils n’ont eu qu’une idée, se partager le gâteau, alors qu’ils pouvaient saisir l’occasion de créer une Europe élargie. »

Ce rendez-vous manqué pourrait « accélérer l’alliance de la Russie avec la Chine ». Et pose à nouveau la question sur les conséquences de « l’humiliation subie par une nation ». Andreï Gratchev est resté très proche de Mikhaïl Gorbatchev. Il vit en France et parle couramment le français.

(Source)

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Vidéo du 22/10/2004 :

Andreï Gratchev analyse les raisons du conflit en Ukraine :

“Un risque de Tchernobyl ukrainien” :

Les élections législatives en Ukraine peuvent-elles résoudre ce conflit ?

Autre vidéo sur France 24 du 14/10/2014 :

Source: http://www.les-crises.fr/l-europe-responsable-tchernobyl-ukraine/


[U4-1] EuroMaïdan – L’opposition au Président Ianoukovytch

Tuesday 4 November 2014 at 01:48

Suite du billet précédent sur l’Ukraine
Index de la série

4.1 L’opposition au Président Ianoukovytch

Au début des évènements de novembre 2013, l’opposition politique au président Ianoukovytch comprend 3 partis, de droite. Le parti des régions se classe plutôt au « centre-droit ». 

Le premier est le parti « Patrie » de Ioulia Timochenko, dirigé par Arseni Iatseniouk, ancien banquier et ancien ministre des Affaires étrangères de Viktor Iouchtchenko. Fondé en 2012 en vue des législatives, il est issu de l’ancien « Bloc Ioulia Timochenko». Il s’allie avec Svoboda durant les législatives.

Arseni Iatseniouk

Timochenko-Iatseniouk 

« Patrie » est décrit par les analystes comme un parti populiste de centre-droit, libéral sur les questions économiques et modérément conservateur sur les questions de société ; il se définit lui-même comme pro-européen, et milite pour une adhésion à plus ou moins long terme de l’Ukraine à l’Union européenne. Il est observateur dans le groupe PPE au Parlement européen. Rappelons que l’égérie de Timochenko est Margaret Thatcher…

 

Pour mémoire, l’ancien gouvernement enquêtait pour remettre la main sur 200 M$ qui auraient été détournés par les anciens Premier ministre Timochenko et Lazarenko… 

Le deuxième parti est « L’Alliance Démocratique Ukrainienne pour la Réforme – UDAR », qui a succédé au parti « Capital européen », fondé en 2005. Soulignons que « Udar » signifie en ukrainien « Coup de poing ». Il est en effet dirigé depuis 2005 par le boxeur et champion du monde des poids-lourds Vitali Klitschko – surnommé « Docteur Poings d’acier », car l’ancien boxeur de 42 ans, 2,02m et 114 kilos, est titulaire d’un doctorat (sur les « méthodologies de l’évaluation des performances d’un boxeur »). Klitschko est populaire, mais inexpérimenté et souvent décrit comme « simplet ».

Vitali Klitschko

Vitali Klitschko à l’OTAN

UDAR est un parti conservateur, qui a une ligne politique anticorruption et pro-européenne. Au niveau international, il est lié par un partenariat à l’Union Chrétienne-Démocrate d’Allemagne (CDU) d’Angela Merkel. Il est également observateur dans le groupe PPE au Parlement européen. Klitschko a longtemps résidé en Allemagne ; dans un rapport du German Foreign Policy intitulé « Notre homme à Kiev » datant de décembre 2013, on peut lire à propos de Klitschko et de son parti : 

« Selon les rapports de presse, le gouvernement allemand aimerait que le champion de boxe Vitali Klitschko brigue la présidence pour l’amener au pouvoir en Ukraine. Il souhaite améliorer la popularité de la politique de l’opposition en organisant, par exemple, des apparitions publiques conjointes avec le ministre des Affaires étrangères allemand. À cet effet, une réunion est également prévue pour Klitschko avec la chancelière Merkel lors du prochain sommet de l’UE à la mi-Décembre. La Fondation Konrad Adenauer a, en effet, non seulement soutenu massivement Klitschko et son parti UDAR, mais selon un politicien de la CDU, le parti UDAR a été fondé en 2010 sur les ordres directs de la fondation de la CDU. Les rapports sur les activités de la Fondation pour le développement du parti de Klitschko donnent une indication de la façon avec laquelle les Allemands influencent les affaires intérieures de l’Ukraine via UDAR ».

“Source : German foreign policy

parti UDAR

Le troisième parti est « Svoboda » – d’extrême-droite nationaliste.

Oleg Tyagnybok

Oleg Tyagnybok

En mai 2013, ces trois partis décidèrent de coordonner leurs actions en vue de l’élection présidentielle qui aurait dû se tenir en 2015 (il ne restait qu’un an à Ianoukovytch pour terminer son mandat).

klychko et tyagnybok

Ianoukovitch 

Ces 3 partis restèrent unis tout au long des évènements de 2013-2014 :

tyagnybok , iatseniouk et klitschko

Opposition du Maidan 

L’assemblée ukrainienne – la Rada – est ainsi constituée fin 2013 :

parlement ukrainien rada en 2013

Après Maidan, plusieurs députés changent de parti :

parlement ukrainien rada en 2014 

Après le coup d’État, 80 députés quittèrent le parti des régions, dont un certain nombre basculèrent dans la nouvelle majorité – violence et corruption ayant aussi participé à ce mouvement. 

Rappelons enfin une chose. 

Viktor Ianoukovytch a été élu démocratiquement en 2010 (à la surprise et déception de l’UE) – le résultat ayant été jugé « honnête » par les observateurs de l’OSCE (l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Réputé autoritaire et intolérant avec les médias, il a fait face aux critiques de journalistes ukrainiens qui dénoncent régulièrement la censure qu’il exercerait sur eux. En Occident, des voix dénoncent un recul des processus démocratiques et des atteintes à la liberté d’expression. 

L’Ukraine a été déclassée par l’ONG américaine Freedom House de « Pays Libre » en « Pays partiellement libre » :

Carte de l’ONG américaine Freedom House en 2014 

Carte mondiale des pays libres de l’ONG américaine Freedom House (à prendre avec un peu de recul). Elle gagnerait à être affinée, car la Russie qui élit son président est sur la même plan que la Chine, elle-même sur le même plan que l’Arabie Saoudite – la maille est un peu grossière… 

Mais l’Ukraine ne peut en aucune façon se décrire comme une « dictature », les références aux révolutions arabes ayant été de la pure propagande. Le pays était classé au niveau démocratique de la Turquie (avec qui nous négocions toujours son entrée dans l’UE) ou du Mexique, avec un Président totalement légitime, pas très sympathique et probablement corrompu (comme presque toute la classe politique locale). La violence politique n’existait guère dans le pays, aucun citoyen ne vivait dans la peur d’être arrêté par une police politique… 

Rappelons aussi que nous fréquentons avec joie nombre de dictateurs voire de barbares moyenâgeux…

xi jinping 04-2013

thein sein 07-2013

joseph kabila 10-2012

ali bongo 10-2012

idriss deby 12-2012

khalifa ben zayed al nahyane 01-2013

hamed ben issa al khalifa 07-2012

roi abdallah 11-2012

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/u4-1-euromaidan-lopposition-au-president-ianoukovytch/


Chuuuuut, on a les résultats des élections dans le Donbass (1,5 M de votants)

Monday 3 November 2014 at 19:20

Je reprends le billet de Bertrand.

Plus d’un million et demi de votants quand même…. Une paille pour nos médias…

C’est quand même plus que l’Estonie, ou la somme Chypre + Luxembourg + Malte…

Ne nous leurrons pas non plus : il n’y avait pas de réel parti d’opposition. Mais un détail : LA PAYS EST E N GUERRE. C’est un point qui semble anecdotique à nos journalistes (c’est valable dans les 2 camps)

Il faut arrêter de plaisanter, il n’y aura aucune “élection démocratique” dans un pays en guerre civile, à Kiev comme à Donestz… (et pourquoi pas des élections démocratique sous la Commune assiégée aussi… ?)

A ce stade, il vaut mieux ça que pas d’élection, puisque sinon on ne peut savoir s’il y a un soutien populaire minimal, ou si 10 000 personnes terrifient le peuple.

Ce qui compte vraiment, c’est donc la participation. Et là, on a la réponse.

L’étape suivante, c’est donc un vrai cesser le feu, une pacification, et un vrai référendum sous contrôle international – enfin, si on croit au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes…

Graham Phillips après le concert d’hier soir à Donetsk + friends

Lyagin (CCE-RPD) : “le Donbass ne fait plus partie de l’Ukraine, que cela plaise ou non, “

A. Zakharchenko

Après dépouillement de 100% des bulletins, le chef d’état élu de la RPD est le premier ministre sortant de la République Alexandre Zakharchenko qui a rassemblé 765.340 électeurs. Vient ensuite le vice-président du Parlement de Nouvelle Russie Alexandre Kofman, avec un résultat de 111.024 votes, et ferme la marche le président du Conseil suprême de la RPD Youri Sivokonenko, qui a recueilli 93.280 votes.

Dans les élections au parlement de la RPD, le plus grand nombre de votes obtenu est pour l’association publique “République de Donetsk”, avec 662.752 électeurs devant “Donbass Libre” avec 306.892 votes.
A l’annonce des résultats, le président du Comité Consultatif Électoral (CCE) Lyagin a noté que le pourcentage du vote n’a pas été compté, car il “considère les chiffres bruts plus transparents et suffisamment clairs”. Il a annoncé la formation d’un pouvoir légitime en RPD.
“Les élections étaient légitimes et sans violations importantes qui auraient pu influer sur le résultat. Maintenant, nous avons une autorité légitime, le Donbass ne fait plus partie de l’Ukraine, que cela plaise ou non, “. L’inauguration du nouveau siège de la république non reconnue, selon Lyagin, sera faite “un de ces prochains jours” (cité par Interfax)- (source)

Sergei Koziakov (CCE-RPL) a annoncé les résultats définitifs des élections du Conseil du peuple et de la République populaire de Lougansk. 

Igor Plotnisky

Dans la République Populaire de Lougansk (RPL), le président de la république sortant I.V. Plotnisky a été réélu largement. les observateurs internationaux ont été unanimes dans leur évaluation des élections en RPL – elles sont en conformité avec les procédures démocratiques et les normes internationales (Source).

Le nombre d’électeurs inscrits est 1.027.012. Ainsi, le taux de participation était de 68,7%.

Résultats du vote dans les élections de la RPL: Plotnisky : 445 095 votes (63,08%), Akimov : 106 661 votes (15,12%), Penner : 71 140 votes (10,08%), Hayrapetyan 51 341 votes (7,28%)
Résultats du vote pour l’élection du Conseil national: “Mir Luganshchine” – 489 805 votes (69,42%), “Union économique de Lougansk” 156 855 votes (22,23%), “Union populaire” – 27 181 votes (3,85%). (source)

Aux élections d’hier dans le Donbass, le taux de participation a été sans précédent pour l’Europe, a déclaré l’observateur autrichien Ewald Stadler, représentant du parti “REKOS” (droite conservatrice autrichienne)

«Je veux dire la chose principale: je n’ai jamais vu autant de gens dans les bureaux de vote. Certaines personnes ont attendu plus d’une heure pour voter. Pour l’Europe, c’est sans précédent – aux élections européennes jamais plus de cinq minutes d’attente n’est nécessaire.

Dans les médias européens, je vois des informations qui disent que les gens sont opprimés, intimidés, mais ici nous voyons le contraire : les gens sont vraiment sympas, tout le monde est très sympathique, on peut même dire détendu, ça se passe très bien, et imaginer que cela se passe en pleine guerre civile – est impossible. Et nous pouvons dire que les autorités ukrainiennes ont fait une erreur de ne pas répondre à ces gens. L’Ukraine a perdu non seulement les voix mais aussi les cœurs des habitants de Donetsk, qui ne pourront jamais retourner à l’Ukraine “, a dit Stadler qui a également commenté la déclaration du SBU selon laquelle les observateurs étrangers seront désormais déclarés persona non grata. “Vraiment? Eh bien, pour moi il n’y a rien de nouveau, puisque je suis déjà dans la liste noire depuis le référendum en Crimée. Mais croyez-moi, il en faut plus pour m’empêcher de dormir. Je ne suis pas le premier qui est mis à l’index, et pas le dernier”. (Source)

Source : gaideclin

Source: http://www.les-crises.fr/chuuuuut-on-a-les-resultats-des-elections-dans-le-donbass-15-m-de-votants/


[Le Parisien] Mutuelles : le patient va souffrir

Monday 3 November 2014 at 00:39

J’avais alerté il y a 2 semaines sur ce sujet dans ce billet : Comment le gouvernement s’apprête à baisser la mutuelle santé de 10 millions de salariés

Je note avec plaisir que le Parisien a aussi bien vu le problème – la journaliste Christine Monin livre ici un papier de haute qualité, avec des sources que je n’avais pas creusées… (c’est ça le contre pouvoir de la presse quand il marche…)

Mais Marisol Touraine, imperturbable, continue par pure idéologie (aucun impact sur les finances publiques) à vouloir baisser la complémentaire santé d’au moins 10 millions de salariés (en espérant que les médecins baisseront alors leurs tarifs !), sans oser s’attaquer au sujet des dépassements d’honoraires des médecins…

Si vous travaillez dans une grande ou moyenne entreprise, qui vous couvre par une mutuelle, vous êtes très certainement concerné : adieu à tout remboursement au delà de 46 € à l’avenir (sécu comprise)…

Pour limiter les dépassements d’honoraires des médecins, le gouvernement s’apprête à plafonner les remboursements des complémentaires santé pour 10 millions de salariés.

C’est une mesure hautement polémique, qui pénalisera 10 millions de patients. Malgré les critiques réitérées de certains députés et l’opposition quasi unanime des professionnels de santé, le gouvernement devrait publier, courant novembre, un décret au contenu explosif. Il prévoit qu’à compter de 2017, les remboursements des dépassements d’honoraires par les complémentaires santé soient plafonnés à 100 % du tarif de la sécurité sociale. Soit 46 euros pour un généraliste ou un spécialiste autorisé à dépasser le prix fixé par l’Assurance-maladie (médecins dits de secteur 2) : 23 euros de tarif conventionnel et 23 euros de dépassement. Seuls les actes effectués par des praticiens ayant signé le contrat d’accès aux soins – un dispositif créé en 2012 qui a convaincu à peine 11 000 d’entre eux – y échapperont.

Les complémentaires qui ne se plieront pas à cette règle seront surtaxées. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, y voit un bon moyen d’améliorer l’accès aux soins : « Les complémentaires trop généreuses finissent par entretenir des honoraires trop élevés », déclarait-elle en mars dernier. Si l’intention est bonne – les dépassements s’élèvent à 2,4 milliards en 2013 –, le principe est alambiqué. « Au lieu de s’attaquer frontalement au problème, le gouvernement reporte la pression sur les patients », analyse Paul Dourgnon, économiste de la santé. « C’est une aberration ! s’exaspère Yan Le Men, de la Chambre syndicale des courtiers d’assurance (CSCA). Non seulement les tarifs des médecins ne baisseront pas, mais les patients devront payer plus ! » Les professionnels du secteur pointent les effets pervers de cette mesure.

1/ Une usine à gaz

La mesure va d’abord complexifier la tâche pour les entreprises : 500 000 d’entre elles devront renégocier leur complémentaire santé dans les trois prochaines années. Sans compter les nouveaux contrats qui seront signés dans le cadre de la généralisation des mutuelles d’entreprise à l’ensemble des salariés. Au total, 10 millions de personnes verront baisser leurs remboursements, dont 5 à 7 millions assez durement. « Les employeurs risquent de réduire les garanties au minimum, explique Yan Le Men. Pour le reste, les collaborateurs se débrouilleront. C’est une marche arrière pour la démocratie sociale dans l’entreprise ! »

2/ Des patients à l’amende

La mesure peut paraître indolore : les dépassements d’honoraires s’élèvent en moyenne à 56 % du tarif de la sécurité sociale, loin du plafond de 100 % fixé par le
décret. « Ce n’est pas une contrainte forte », analyse Etienne Caniard, président de la Mutualité française, favorable à un plafonnement plus drastique, à 50 %.
Mais ce chiffre masque d’importantes disparités. En Ile-de-France, près de 70 % des gynécologues ou des pédiatres dépassent 46 euros pour une consultation. « Fixer un plafond uniforme sur l’ensemble des contrats n’a aucun sens », pointe Frédéric Bizard, économiste de la santé et enseignant à Sciences-Po. Au ministère, on estime que ce plafond est juste : seuls 12,3 % des patients paieraient des dépassements supérieurs à 100 %.

Mais, selon la Chambre syndicale des courtiers d’assurance, « cette mesure va multiplier par 2,9, en moyenne, ce qui reste à la charge des Français (après les remboursements de la Sécu et de la mutuelle, NDLR). Avec de fortes disparités régionales et par spécialité (lire ci-dessous). » Croire que les patients changeront de médecin parce qu’ils seront moins remboursés est illusoire. La santé n’obéit pas à la seule logique économique. « Pour soigner ses proches, on est prêt à s’endetter », souligne le professeur André Grimaldi, diabétologue à la Pitié-Salpêtrière. Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui représente les patients, est remonté. « Les plus démunis seront pris en charge par la CMU, les plus aisés pourront payer et les classes moyennes qui vont trinquer »,
tempête Christian Saout, son administrateur.

3/ Une médecine à trois vitesses

L’accès aux soins risque encore d’être fragmenté. « Plafonner les remboursements sans limiter les dépassements d’honoraires n’a pas de sens. Le gouvernement est en train de favoriser l’émergence d’une couverture maladie à trois étages. Seuls les très aisés pourront souscrire des surcomplémentaires coûteuses, explique Christian Saout, qui rappelle qu’une mutuelle pour une famille de quatre personnes coûte déjà 100 euros par mois. On est en train de détruire notre système de soins, universel et solidaire ! » « Mieux vaudrait interdire les dépassements d’honoraires trop élevés, reconnaît Etienne Caniard. Et réévaluer les montants remboursés par la sécurité sociale, gelés depuis des années. »

4/ Un système coûteux

Le dispositif ne rapportera rien à la Sécu. Pis, il pourrait même lui coûter. « Les médecins pourraient décider de recevoir certains patients mal remboursés pour moins cher (afin de rester sous le plafond, NDLR), mais plus souvent. Ce qui augmenterait le nombre d’actes remboursés », analyse Frédéric Bizard. Le décret envoie aussi un message négatif aux médecins : « C’est leur dire que les dépassements à 100 % sont normaux », déplore le professeur Grimaldi. « La mesure risque enfin d’augmenter les coûts administratifs des assureurs », ajoute Yan Le Men. Et de se répercuter sur les patients…

Source : Le Parisien Mag, 31/10/2014

Téléchargez le pdf original ici.

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Action !

Comme certains me l’ont suggéré, voici quelques actions qui pourraient être efficaces. Si vous êtes choqués, vous pouvez vous plaindre en citant l’article du Parisien à :

Arrivés à 500 mails, ils regarderont de plus près ce sujet kafkaïen…

Diffusez aussi largement l’info…

Source: http://www.les-crises.fr/le-parisien-mutuelles-le-patient-va-souffrir/


Chuuuut, on a voté dans l’Est de l’Ukraine

Monday 3 November 2014 at 00:25

Le processus est simple :

On l’a vu lors du référendum du 11 mai (lire Le référendum éloquent… Et le mépris occidental… ), où les journalistes ont reconnu la vérité le jour du vote, mais où ce fait a été évacué de l’histoire d’une façon totalement orwellienne…

En attendant, HORREUR, les gens votent (attention cependant, il y a de longues queues car il y a peu de bureaux ; mais cela montre bien qu’ils sont motivés…) :

(Purée, on se croirait presque aux élections européennes en France, non ?)

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Vidéos :

La RTS, un peu plus honnête que la moyenne :

Pour les hommes en armes, c’est certes déplorable, mais un peu lié aux “pro-occidentaux” et à leur respect de la démocratie :

Alors peut on avoir une grande confiance dans le résultats du vote ?

Probablement pas, au vu des conditions, de l’état de guerre civile, des difficultés à faire campagne. Mais ce serait aussi prendre les Ukrainiens pour des imbéciles en imaginant qu’ils se sont assez largement mobilisés pour aller voter, dans un scrutin qui aurait été truqué, comme el vomit la “presse” occidentale :

Dans un autre registre, FranceTvInfo :

Dingue, je pensais que c’étaient les millions d’Ukrainiens de l’Est qui votaient moi !

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Ce qui compte, c’est de voir que BEAUCOUP d’Ukrainiens à l’Est ne veulent pas rejoindre tel quel le giron de Kiev.

Et la seule conclusion à laquelle on puisse honnêtement aboutir est que, dès lors, il faut tenir dans de bonnes conditions un référendum sous contrôle international, ce peuple ayant bien le droit de décider de son avenir…

Source: http://www.les-crises.fr/chuuuut-on-a-vote-dans-lest-de-lukraine/


[Reprise] Elections en Ukraine(s), par Jacques Sapir

Sunday 2 November 2014 at 05:00

Des élections se sont tenues en Ukraine le 26 octobre. D’autres se tiendront le dimanche 2 novembres. Ces élections entérinent en fait la partition de l’Ukraine. Les pays de l’UE et les Etats-Unis se refuseront sans doute à reconnaître les résultats des élections qui se tiendront dans l’Est de l’Ukraine, en territoire insurgé. C’est une faute, et une faute dont les conséquences seront graves. En effet, dans une guerre civile, et ce qui se passe en Ukraine depuis le mois de mars est bien une guerre civile, il est impératif de trouver des compromis. Ces compromis exigent que l’on discute avec des gens avec lesquels on n’est pas d’accord. Il n’y a que dans le monde des bisounours que l’on passe des compromis avec ses propres amis. De ce point de vue, les élections qui se tiendront dans la zone contrôlée par les insurgés permettront de vérifier le degré de légitimité des autorités insurgées.

Une faute, trois erreurs.

On dira que rien ne garantit la tenue de ces élections dans des conditions qui soient acceptables. Peut-être ; mais, si les pays de l’UE avaient déclarés leur intention de reconnaître, le cas échéant ces élections, ils auraient pu demander à avoir des observateurs, et ils auraient eu un moyen indiscutable de savoir si le scrutin était valide ou pas. En déclarant d’emblée ces élections « illégitimes », les pays de l’UE et les Etats-Unis se sont mis hors-jeu pour contester les conditions dans lesquelles se tiendront ces élections. Première erreur, que n’a pas commise la Russie qui, elle, a reconnue les élections qui se sont déroulées sur le territoire ukrainien sous le contrôle de Kiev, ce qui lui permettra d’avoir un partenaire, tout en se préparant à reconnaître les élections qui se tiendront en zone insurgée. J’ai le regret de la dire à M. Laurent Fabius, notre Ministre des Affaires Etrangères mais la position de M. Lavrov, le Ministre russe, est beaucoup plus réaliste et beaucoup plus cohérente que la sienne.

Par ailleurs, il est scandaleux, au sens le plus profond du terme scandale, que des Etats qui font de la « démocratie » le point central de leur politique étrangère (ou qui du moins affectent de le faire) se refusent à reconnaître un processus électoral. Il en résulte une image profondément brouillée de l’attitude de ces pays. On peut, à juste titre, considérer qu’ils estiment qu’il y a des « bons » et des « mauvais » ukrainiens, les premiers ayant le droit de voter et pas les seconds. Venant après les palinodies et les contradictions sur la Libye, depuis 2011, et sur la Syrie, cela est très inquiétant quant aux principes mêmes dont ces pays prétendent s’inspirer pour conduire leur politique. Voilà qui donne raison à ceux qui prétendent que les grands principes du Droit et de la Morale ont été instrumentalisés et connaissent une application variable suivant les camps en présence. Ceci n’est pas nouveau ; on se souvient du « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà… ». Ce scandale révèle la profonde erreur qui sous-tend la politique des pays de l’UE.

Enfin, alors que montent les rumeurs, souvent adossées à des évidences, sur l’existence de charniers dans les zones qui ont été évacuées par l’armée de Kiev, alors qu’abondent les témoignages sur des violations des droits de l’homme dans la zone des combats, ces élections auraient pu permettre à une commission d’enquête d’aller sur place et de chercher à trier ce qu’il y a de faux et ce qu’il y a de vrai. Ne pas reconnaître un pouvoir, même si on le considère comme un pouvoir « de fait », quand ce pouvoir a une réalité, et va voir cette réalité probablement confirmée dans un scrutin interdit toute tentative pour établir la vérité sur des accusations qui, si elles devaient être confirmées, montreraient un degré de violence inconnue depuis 1945 en Europe, à l’exception de la guerre civile yougoslave. Il y a là un enjeu non seulement moral mais aussi politique. Refuser le voir, faire la sourde oreille et l’aveugle devant ces faits constitue alors une erreur grave, et une erreur dont les conséquences pourrait bien se révéler dans les années qui viennent.

L’importance de la participation

Pour revenir à ces élections, il faut ici rappeler que la première des choses consiste à regarder avec soin le niveau de participation. Il a été faible pour les élections de la semaine dernière, avec une participation d’environ 52% dans les zones contrôlées par le gouvernement de Kiev, ce qui est un chiffre faible même pour l’Ukraine. Ce chiffre doit être évalué à l’aune de deux réalités. D’une part, il est évident que des régions n’ont pas votée. C’est le cas de la Crimée, qui a décidé par référendum de se rattacher à la Russie, et c’est le cas des zones insurgées. On estime à environ 5 à 6 millions, soit environ 16% du corps électoral, le nombre de personnes qui n’ont pas pris part au scrutin pour ces raisons. Mais, il faut ici rappeler une loi régulièrement vérifiée dans tous les pays et qui veut que dans une situation de forte crise la participation soit au contraire forte, et en règle générale plus forte que dans la moyenne des scrutins précédents. On aurait du s’attendre à voir la participation monter au moins à 70-75% et, compte tenu que cette participation ne concernait que 84% du corps électoral, on aurait dû avoir un chiffre de 60% pour la participation vérifiée. On voit que l’on est loin du compte.

Cela signifie que ces élections, loin d’avoir été le « triomphe » des partis pro-occidentaux que prétend une partie de la presse française, ont montré que la division de l’Ukraine reste très profonde[1]. Le parti du Président, M. Porochenko, et celui du Premier-Ministre démissionnaire, M. Iartseniouk, ont fait jeu égal avec environ 22% des suffrages exprimés. Ils sont suivis du parti constitué par le maire de Lviv, puis par les survivants du « Parti des Régions » de l’ancien Président Yanukovitch. La fragmentation du spectre politique ukrainien et l’influence des forces oligarchiques restent très importantes. Qui plus est, les votes ne sont toujours pas également répartis sur le territoire. Le « Parti des Régions » et divers mouvements d’opposition au régime de Kiev font des scores bien supérieurs dans les parties de l’Est du territoire contrôlé par Kiev qu’à l’Ouest. La zone centrale, Kiev est les régions environnantes, continue d’affirmer une spécificité politique qui n’est pas réductible à l’Ouest du pays. Enfin, la répartition géographique de l’abstention montre que cette dernière a constitué, en partie, un véritable vote d’opposition au régime de Kiev. Alors que l’économie ukrainienne continue de s’effondrer, on s’attend à une chute de -8% à –10% pour le PIB en 2014, le futur politique du pays apparaît comme fort sombre. On ne peut exclure que dans certaines régions de l’Ouest, en particulier à Lviv, apparaissent des mouvements séparatistes qui demandent soit leur indépendance soit, plus probablement leur rattachement à la Pologne. Ceci aurait pour conséquence l’émergence dans un délai très court, de mouvement demandant à leur tour le rattachement à la Hongrie et à la Slovaquie dans la zone carpathique de l’Ukraine. En réalité, le processus d’éclatement de l’Ukraine engendré par les événements de février 2014, se poursuit. [...] C’est pour cela que la position des pays de l’UE, et de la France en particulier, d’appeler à ne pas reconnaître ces élections n’est pas seulement une faute, comme on l’a dit au début de ce texte, mais c’est une stupidité grave.

Le principe de réalité

La réalité finira cependant par imposer sa loi. L’Ukraine était une construction étatique extrêmement fragile. Elle n’a pas résisté aux erreurs des uns et des autres. A l’entêtement stupide de l’ex-Président Yanoukovitch a hélas répondu un entêtement non moins stupides de l’opposition, entêtement qui hélas a été encouragé et parfois financé par les Etats-Unis et l’UE. Le résultat est aujourd’hui le risque d’un démantèlement complet du pays, sur fond de crise et de misère. Il convient de reconnaître cette réalité si l’on veut au moins pouvoir la tempérer. De même que la Russie a reconnu les élections dans la partie sous le contrôle de Kiev, les pays de l’UE seraient bien inspirés d’en faire de même avec les élections de dimanche 2 novembre en zone insurgée. La désescalade dans ce conflit est à  ce prix.


[1] Krasnolutska D., « Putin Narrative of Abandoned Ukraine East Fueled byVote », Bloomberg, 27/10/2014  http://www.bloomberg.com/news/print/2014-10-27/putin-narrative-of-abandoned-ukraine-east-fueled-by-vote.html

Source : Le blog de Jacques Sapir, 1/11/2014

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Bon, ceci étant, le vote n’a pas eu lieu, mais Mediapart SAIT :

Bah, de toute façon, un truc chez les pro-russes, ça ne peut évidemment jamais être démocratique…

Pour m part j’attendrai de voir (surtout s’il y a de la foule dans les bureaux) pour avoir une opinion…

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En épilogue, je vous propose la vision de Xavier Moreau, analyste français vivant à Moscou :

EDIT : les premières images du vote dans l’Est de l’Ukraine :

Les “pro-occidentaux” et leur respect de la démocratie :

En attendant, HORREUR, les gens votent (attention cependant, il y a de longues queues car il y a peu de bureaux ; mais cela montre qu’ils sont motivés…) :

 

Source: http://www.les-crises.fr/elections-en-ukraines-par-jacques-sapir/


[Ukraine] Quand un scoop de l’AFP n’intéresse que le Québec et la Belgique…

Sunday 2 November 2014 at 04:00

“Amusant” ce papier du Journal de Montréal du 1er novembre…

Ukraine : Des réformes ou un putsch, prévient l’armée

DNIPROPETROVSK – Vitali Fechtchenko, l’un des milliers de soldats ukrainiens qui combat les séparatistes prorusses dans l’Est, lance un avertissement aux autorités pro-occidentales à Kiev: ses hommes aguerris viendront les renverser si le vieux système corrompu ne change pas en profondeur.

Neuf mois après la chute du régime prorusse de Viktor Ianoukovitch renversé après plusieurs mois de contestation réprimée dans le sang, les jeunes révolutionnaires se méfient des promesses du président pro-occidental Petro Porochenko et de députés tout juste élus de transformer cette ex-république soviétique corrompue en un pays européen.

«Il n’y aura pas de troisième Maïdan», explique Vitali, un combattant barbu en référence à la contestation de l’hiver dernier, dix ans après la Révolution orange pro-occidentale.

«Ce sera un coup militaire», met-il en garde les autorités déjà confrontées à une crise économique aggravée par le conflit meurtrier dans l’Est, après la perte humiliante sans combat de la Crimée annexée en mars à la Russie.

Les bataillons ont fait leur boulot

«Nous leur donnons six mois pour changer le pays», renchérit Iouri Bereza, commandant du bataillon Dnipro-1 dans un entretien à l’AFP.

Lorsque les forces russes ont occupé la Crimée, l’Ukraine, un pays de 45 millions d’habitants, qui pleurait encore ses morts tués dans le centre de Kiev n’avait pas d’armée digne de ce nom, quelque 6000 hommes prêts aux combats, selon l’aveu du ministre de la Défense de l’époque.

Quand éclate la rébellion prorusse dans l’Est commencent à surgir ces bataillons de volontaires qui affrontent les insurgés aux côtés de l’armée, souvent de façon plus efficace.

«L’armée régulière avait des armes, mais pas le moral» et les volontaires «un fort esprit de combat et au début, pas d’équipements», explique l’analyste militaire Serguiï Zgourets.

«Les bataillons ont fait leur boulot», estime Bereza, commandant de Dnipro-1. «Ils ont freiné l’agression et empêché une Crimée-bis.»

Fusils et argent

L’état-major de Dnipro est situé au rez-de-chaussée de l’administration régionale de Dnipropetrovsk, région industrielle de l’Est voisine de celle de Donetsk rebelle.

Le bureau du gouverneur Igor Kolomoïski, un milliardaire haut en couleur nommé en mars pour mater les pulsions séparatistes se trouve à l’étage qui les finance.

Tout a ici l’air d’une entreprise militaire prospère, des jeunes armés de kalachnikov et plusieurs femmes bien habillées derrière leurs ordinateurs portables dans la réception de Bereza.

À l’intérieur, des cartes, des photos satellites et une de Vladimir Poutine présenté comme un petit-fils d’Hitler. Sur le bureau de Bereza trois téléphones mobiles, un ordinateur, un drapeau ukrainien et une icône de la Vierge Marie.

L’entrevue s’interrompt à plusieurs reprises, le commandant répondant au téléphone ou signant des papiers pour l’acquisition de nouveaux équipements militaires.

Lorsqu’une jeune femme se plaint des difficultés d’organiser un concert pour collecter des fonds pour Dnipro-1, Bereza appelle le directeur du théâtre, hurle pendant une minute avant de demander doucement: «Il y a un problème? Je ne pense pas.»

Selon le ministère de l’Intérieur qui supervise les paramilitaires, il existe 34 groupes de ce type et l’expert Serguiï Zgourets estime que le nombre de troupes prêtes aux combats est passé maintenant à 50 000 hommes.

Les membres de Dnipro-1 ont participé à plusieurs grandes batailles du conflit de près de sept mois qui a fait plus de 3700 morts y compris à celle autour de l’aéroport de Donetsk.

«Ce n’est plus facile pour la Russie», estime Bereza dont le bataillon compte 700 hommes «officiellement» et 7000 en réalité.

Controverses

Mais les penchants ultranationalistes de certains de ces groupes ainsi que les accusations de meurtres de civils jettent un ombre sur leur action.

Le plus controversé est celui d’Azov qui a défendu le port de Marioupol, dernière grande ville de l’Est sous contrôle ukrainien, qui utilise les insignes nazis et dont le commandant Andriï Biletski vient d’être élu député.

Pravy Sektor, mouvement ultranationaliste paramilitaire qui s’est illustré sur le Maïdan à Kiev a aussi un bataillon que le gouvernement refuse d’enregistrer. Son chef Dmytro Iaroch, bête noire de la Russie où il est recherché pour «terrorisme», a également été élu député dans la région de Dnipropetrovsk d’où il est originaire.

«Nationalistes ne veut pas dire nazis. Nous sommes des gens normaux, peut-être un peu plus radicaux», se défend Dacha Sloutskovska, une combattante de 29 ans de Pravy Sektor.

Bon, ok, disons fascistes pour la plupart, alors….

Ils détestent tous Vladimir Poutine, mais presque autant les fonctionnaires ukrainiens corrompus tenus responsables d’échecs sanglants comme celui de la bataille d’Ilovaïsk en août où plus de 100 soldats ukrainiens ont été tués.

«Les gens qui sont au front ne vont pas accepter cela», reconnaît Sviatoslav Oliïnyk, adjoint au gouverneur de Dnipropetrovsk.

«Nous irons à Kiev avec des armes. Nous ferons un coup», lance Dacha Sloutskovska.

Sebastian Smith et Oleksandr Savochenko / AFP

Source : Le Journal de Montréal

Épilogue

Ce billet est sourcé de 2 correspondants de l’AFP, un à Paris, l’autre en Ukraine ; c’est bien à la base une dépêche de l’AFP, que voilà : Ukraine : des réformes ou un putsch, préviennent les soldats volontaires.

Mais cette dépêche alertant sur des risques de coup d’État, et montrant bien la pression non démocratique sur le gouvernement, n’a “étrangement” intéressé que les journaux du Québec et de Belgique :

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Allez, en France, on a eu une reprise automatique par Orange, Yahoo et Boursorama (c’est le problème quand on n’a pas de journalistes !) :

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Le plus drôle, seul grand site d’information a reprendre l’information : France24 :

Mais le plus drôle, c’est qu’il ne l’ont repris que sur la version anglophone du site, pas sur la francophone ! …

Finalement, je suis peut-être trop dur avec l’AFP. C’est sûr qu’ils font plein de mauvaise dépêches, très orientées, mais je ne contrôle jamais que de bonnes dépêches ne soient pas escamotées par nos médias…

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-quand-l-afp-informe-le-quebec/