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L’Etat islamique, cancer du capitalisme moderne, par Nafeez Ahmed

Sunday 15 November 2015 at 14:42

Papier fondamental de Nafeez Ahmed, publié en mars dernier.

Rappelons que Nafeez Ahmed, est un politologue britannique et journaliste d’investigation, qui travaille avec la BBC et le Guardian. Il est le directeur de l’Institute for Policy Research and Development de Brighton, et enseigne à l’université du Sussex. Il a été nominé en 2003 pour le prix Napoli, équivalent du Goncourt français.

Source : Nafeez Ahmed, pour Middle East Eye, le 27 mars 2015.

L’« État islamique » est un symptôme brutal de l’aggravation d’une crise de civilisation fondée sur la dépendance aux combustibles fossiles, qui porte atteinte à l’hégémonie occidentale et met à mal le pouvoir des États dans le monde musulman

Le débat sur les origines de l’État islamique a largement oscillé entre deux points de vue extrêmes. Certains accusent l’Occident : l’État islamique n’est rien de plus qu’une réaction prévisible à l’occupation de l’Irak, un autre contrecoup de la politique étrangère occidentale. D’autres attribuent purement et simplement l’émergence de l’État islamique à la barbarie historique ou culturelle du monde musulman, dont les croyances et les valeurs médiévales arriérées sont un incubateur naturel de ce type d’extrémisme violent.

Alors que ce débat banal se poursuit d’un ton monotone, la plus grosse évidence que personne ne veut voir concerne les infrastructures matérielles. Tout le monde peut nourrir des pensées mauvaises, horribles ou dégoûtantes. Mais elles restent de simples fantasmes à moins que l’on ne trouve un moyen de les manifester concrètement dans le monde qui nous entoure.

Ainsi, pour comprendre comment l’idéologie qui anime l’État islamique a réussi à rassembler les ressources matérielles nécessaires pour conquérir un espace plus grand que le Royaume-Uni, nous devons inspecter de plus près son contexte matériel.

Suivez l’argent

Les fondements de l’idéologie d’al-Qaïda sont nés dans les années 1970. Abdallah Azzam, mentor palestinien d’Oussama ben Laden, a alors formulé une nouvelle théorie justifiant la poursuite d’une guerre continue et de faible intensité par des cellules moudjahidines déployées en faveur d’un État panislamiste. Les doctrines islamistes violentes d’Abdallah Azzam ont été popularisées dans le contexte de l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques.

Comme on le sait, les réseaux moudjahidines afghans ont été formés et financés sous la supervision de la CIA, du MI6 et du Pentagone. Les États du Golfe ont apporté des sommes d’argent considérables, tandis que l’Inter-Services Intelligence (ISI) pakistanais a assuré la liaison sur le terrain avec les réseaux militants coordonnés par Azzam, ben Laden et les autres.

L’administration Reagan a par exemple fourni 2 milliards de dollars aux moudjahidines afghans, complétés par un apport de 2 milliards de dollars de l’Arabie saoudite.

En Afghanistan, l’USAID a investi des millions de dollars pour fournir aux écoliers « des manuels remplis d’images violentes et d’enseignements islamiques militants », d’après le Washington Post. La théologie justifiant le djihad violent était entrecoupée de « dessins de fusils, de balles, de soldats et de mines ». Les manuels vantaient même les récompenses divines offertes aux enfants qui « arracheraient les yeux de l’ennemi soviétique et lui couperaient les jambes ».

Selon la croyance populaire, cette configuration désastreuse d’une collaboration entre l’Occident et le monde musulman dans le financement des extrémistes islamistes aurait pris fin avec l’effondrement de l’Union soviétique. Comme je l’ai expliqué lors d’un témoignage au Congrès un an après la sortie du rapport de la Commission du 11 septembre, cette croyance populaire est erronée.

Le chantage de la protection

Un rapport classifié des services de renseignement américains, révélé par le journaliste Gerald Posner, a confirmé que les États-Unis étaient pleinement conscients du fait qu’un accord secret avait été conclu en avril 1991 entre l’Arabie saoudite et ben Laden, alors en résidence surveillée. Selon cet accord, ben Laden était autorisé à quitter le royaume avec ses financements et partisans et à continuer de recevoir un soutien financier de la famille royale saoudienne à la seule condition qu’il s’abstienne de cibler et de déstabiliser le royaume d’Arabie saoudite lui-même.

Loin d’être des observateurs distants de cet accord secret, les États-Unis et la Grande-Bretagne y ont participé activement.

L’approvisionnement massif de pétrole en provenance d’Arabie saoudite est au fondement de la santé et de la croissance de l’économie mondiale. Nous ne pouvions nous permettre d’être déstabilisés, et nous avons donc dû accepter ce compromis : pour protéger le royaume, il fallait le laisser financer ben Laden hors de ses frontières.

Comme l’historien britannique Mark Curtis le décrit minutieusement dans son livre sensationnel, Secret Affairs: Britain’s Collusion with Radical Islam, les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni ont continué de soutenir secrètement des réseaux affiliés à al-Qaïda en Asie centrale et dans les Balkans après la guerre froide, et ce pour les mêmes raisons que précédemment, à savoir la lutte contre l’influence russe, et désormais chinoise, afin d’étendre l’hégémonie américaine sur l’économie capitaliste mondiale. L’Arabie saoudite, première plate-forme pétrolière du monde, est restée l’intermédiaire de cette stratégie anglo-américaine irréfléchie.

En Bosnie

Curtis relate qu’un an après l’attentat du World Trade Center de 1993, Oussama ben Laden a ouvert un bureau dans le quartier de Wembley, à Londres, sous le nom d’« Advice and Reformation Committee », depuis lequel il a coordonné des activités extrémistes dans le monde entier.

Vers la même époque, le Pentagone a acheminé par avion des milliers de moudjahidines d’al-Qaïda de l’Asie centrale vers la Bosnie, violant ainsi l’embargo sur les armes imposé par l’ONU, selon des fichiers des services de renseignement néerlandais. Ces combattants étaient accompagnés par les forces spéciales américaines. Le « cheikh aveugle » qui a été condamné pour l’attentat du World Trade Center était profondément impliqué dans le recrutement et l’envoi de combattants d’al-Qaïda en Bosnie.

En Afghanistan

A partir de 1994 environ et jusqu’au 11 septembre, les services de renseignement militaire américains ainsi que la Grande-Bretagne, l’Arabie saoudite et le Pakistan, ont secrètement fourni des armes et des fonds aux talibans, qui abritaient al-Qaïda.

En 1997, Amnesty International a déploré l’existence de « liens politiques étroits » entre la milice talibane en place, qui venait de conquérir Kaboul, et les États-Unis. Le groupe de défense des droits de l’homme a fait référence à des comptes-rendus crédibles « sur les madrasas (écoles religieuses) fréquentées par les talibans au Pakistan », indiquant que « ces liens peuvent avoir été établis au commencement même du mouvement taliban ».

Amnesty a rapporté que ces comptes-rendus provenaient de Benazir Bhutto, alors Première ministre du Pakistan ; cette dernière, aujourd’hui décédée, avait « affirmé que les madrasas avaient été mises en place par la Grande-Bretagne, les États-Unis, l’Arabie saoudite et le Pakistan au cours du djihad, la résistance islamique contre l’occupation de l’Afghanistan par les Soviétiques ». Sous la tutelle américaine, l’Arabie saoudite continuait de financer ces madrasas.

Les manuels rédigés par le gouvernement américain afin d’endoctriner les enfants afghans avec l’idéologie du djihad violent pendant la guerre froide furent alors approuvés par les talibans. Ils furent intégrés au programme de base du système scolaire afghan et largement utilisés dans les madrasas militantes pakistanaises financées par l’Arabie saoudite et l’ISI pakistanaise avec le soutien des États-Unis.

Les administrations Clinton et Bush espéraient se servir des talibans pour établir un régime fantoche dans le pays, à la manière de leur bienfaiteur saoudien. L’espoir vain et manifestement infondé était qu’un gouvernement taliban assure la stabilité nécessaire pour installer un pipeline trans-afghan (TAPI) acheminant le gaz d’Asie centrale vers l’Asie du Sud, tout en longeant la Russie, la Chine et l’Iran.

Ces espoirs ont été anéantis trois mois avant le 11 septembre, lorsque les talibans ont rejeté les propositions américaines. Le projet TAPI a ensuite été bloqué en raison du contrôle intransigeant de Kandahar et Quetta par les talibans ; toutefois, ce projet est désormais en cours de finalisation sous la direction de l’administration Obama.

Au Kosovo

Mark Curtis indique que l’OTAN a continué de parrainer les réseaux affiliés à al-Qaïda au Kosovo à la fin des années 1990, lorsque les forces spéciales américaines et britanniques ont approvisionné en armes et formé les rebelles de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK), parmi lesquels figuraient des recrues moudjahidines. Ces effectifs comptaient une cellule rebelle dirigée par Mohammed al-Zaouahiri, frère du bras droit de ben Laden, Ayman al-Zaouahiri, qui est désormais le leader d’al-Qaïda.

Dans la même période, Oussama ben Laden et Ayman al-Zaouahiri ont coordonné les attentats de 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie depuis le bureau de ben Laden à Londres.

Il y avait toutefois quelques bonnes nouvelles : les interventions de l’OTAN dans les Balkans, conjuguées à la désintégration de la Yougoslavie socialiste, ont ouvert la voie à l’intégration de la région dans l’Europe occidentale, à la privatisation des marchés locaux et à l’établissement de nouveaux régimes en faveur du projet de pipeline trans-Balkans, destiné à transporter le pétrole et le gaz d’Asie centrale vers l’Occident.

Une réorientation de la politique au Moyen-Orient

Même après les attentats du 11 septembre 2001 et du 7 juillet 2005, la dépendance des Américains et des Britanniques aux combustibles fossiles bon marché pour soutenir l’expansion capitaliste mondiale les a poussés à approfondir cette alliance avec les extrémistes.

Vers le milieu de la dernière décennie, les services de renseignement militaire anglo-américains ont commencé à superviser les financements apportés par les États du Golfe, menés une fois de plus par l’Arabie saoudite, aux réseaux extrémistes islamistes à travers le Moyen-Orient et l’Asie centrale pour contrer l’influence chiite iranienne dans la région. Parmi les bénéficiaires de cette entreprise figuraient des groupes militants et extrémistes affiliés à al-Qaïda de l’Irak au Liban en passant par la Syrie, soit un véritable arc du terrorisme islamiste.

Une fois de plus, les militants islamistes furent involontairement entretenus en tant qu’agents de l’hégémonie américaine face aux rivaux géopolitiques émergeants.

Comme Seymour Hersh l’a révélé dans le New Yorker en 2007, cette « réorientation » de la politique consistait à affaiblir non seulement l’Iran, mais aussi la Syrie, où les largesses des États-Unis et de l’Arabie saoudite ont contribué à soutenir les Frères musulmans syriens, entre autres groupes d’opposition. Evidemment, l’Iran et la Syrie étaient étroitement alignés avec la Russie et la Chine.

En Libye

En 2011, l’intervention militaire de l’OTAN pour renverser le régime de Kadhafi a emboîté le pas au soutien important apporté à des mercenaires libyens, qui étaient en fait des membres de la branche officielle d’al-Qaïda en Libye. La France se serait vu proposer le contrôle de 35 % des ressources pétrolières de la Libye en échange de son soutien aux insurgés.

Après l’intervention, les géants pétroliers européens, britanniques et américains étaient « parfaitement prêts à tirer profit » des « opportunités commerciales », d’après David Anderson, professeur à l’université d’Oxford. Les contrats juteux signés avec les membres de l’OTAN ont pu « libérer l’Europe occidentale de l’emprise des producteurs russes qui pratiquent des prix élevés et dominent actuellement leur approvisionnement en gaz ».

Des rapports secrets établis par les services de renseignement ont montré que les rebelles soutenus par l’OTAN entretenaient des liens étroits avec al-Qaïda. La CIA s’est également servie des militants islamistes en Libye pour acheminer des armes lourdes aux rebelles du pays.

Un rapport de 2009 des services de renseignement canadiens décrit le bastion rebelle de l’est de la Libye comme un « épicentre de l’extrémisme islamiste », à partir duquel « les cellules extrémistes » ont agi dans la région. Selon David Pugliese, dont les propos sont repris dans l’Ottawa Citizen, c’est cette même région qui était « défendue par une coalition de l’OTAN dirigée par le Canada ». D’après David Pugliese, le rapport des services de renseignement a confirmé que « plusieurs groupes d’insurgés islamistes » étaient basés dans l’est de la Libye et que beaucoup de ces groupes ont également « exhorté leurs partisans à combattre en Irak ». Les pilotes canadiens plaisantaient même en privé, se disant qu’ils faisaient partie de l’armée de l’air d’al-Qaïda « dans la mesure où leurs missions de bombardement ont contribué à ouvrir la voie aux rebelles alignés avec le groupe terroriste ».

Selon Pugliese, les spécialistes des services de renseignement canadiens ont envoyé un rapport prémonitoire à l’attention des officiers supérieurs de l’OTAN en date du 15 mars 2011, quelques jours seulement avant le début de l’intervention. « Il est de plus en plus possible que la situation en Libye se transforme en une guerre tribale/civile à long terme, était-il écrit. Cela est particulièrement probable si les forces d’opposition reçoivent une assistance militaire de la part d’armées étrangères. »

Comme nous le savons, l’intervention a quand même eu lieu.

En Syrie

Au cours des cinq dernières années au moins, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis, la Jordanie et la Turquie ont tous apporté un soutien financier et militaire considérable à des réseaux militants islamistes liés à al-Qaïda qui ont engendré l’« État islamique » que nous connaissons aujourd’hui. Ce soutien a été apporté dans le cadre d’une campagne anti-Assad de plus en plus intense dirigée par les États-Unis.

La concurrence pour dominer les tracés potentiels des pipelines régionaux passant par la Syrie et contrôler les ressources inexploitées en combustibles fossiles en Syrie et en Méditerranée orientale (au détriment de la Russie et de la Chine) a fortement contribué à motiver cette stratégie.

Roland Dumas, ancien ministre français des Affaires étrangères, a révélé qu’en 2009 les responsables du ministère britannique des Affaires étrangères lui avaient indiqué que les forces britanniques étaient déjà actives en Syrie pour tenter de fomenter la rébellion.

L’opération qui se poursuit actuellement a été étroitement contrôlée dans le cadre d’un programme secret toujours en cours, coordonné conjointement par les services de renseignement militaire américains, britanniques, français et israéliens. Des rapports publics confirment qu’à la fin de l’année 2014, le soutien apporté par les États-Unis aux combattants luttant contre Assad s’élevait, à lui seul, à environ 2 milliards de dollars.

Ce soutien aux extrémistes islamistes est communément considéré comme une erreur, et les faits parlent d’eux-mêmes. D’après des évaluations classifiées de la CIA, les services de renseignement américains savaient que le soutien apporté aux rebelles anti-Assad dirigé par les États-Unis à travers ses alliés au Moyen-Orient a toujours fini entre les mains des extrémistes les plus virulents. Toutefois, il a continué.

L’année précédant le lancement de la campagne de l’État islamique pour conquérir l’intérieur de l’Irak, les responsables du Pentagone étaient également conscients que la grande majorité des rebelles « modérés » de l’Armée syrienne libre (ASL) étaient en fait des militants islamistes. Ainsi que l’ont reconnu les responsables, il était de plus en plus impossible d’établir une frontière fixe entre les rebelles dits « modérés » et les extrémistes liés à al-Qaïda ou à l’État islamique en raison de la fluidité des interactions existant entre ces deux composantes.

De plus en plus, les combattants frustrés de l’ASL ont rejoint les rangs des militants islamistes en Syrie, non pas pour des raisons idéologiques mais simplement en raison de leur plus grande puissance militaire. Jusqu’à présent, la quasi-totalité des groupes rebelles « modérés » formés et récemment armés par les États-Unis sont en cours de dissolution et de défection, et leurs membres n’en finissent plus de passer du côté d’al-Qaïda et de l’État islamique dans la lutte contre Assad.

En Turquie

Grâce à un nouvel accord avec la Turquie, les États-Unis coordonnent actuellement l’approvisionnement continu en aide militaire aux rebelles « modérés » pour combattre l’État islamique. Pourtant, ce n’est un secret pour personne que pendant toute cette période, la Turquie a directement parrainé al-Qaïda et l’État islamique dans le cadre d’une manœuvre géopolitique destinée à écraser les groupes d’opposition kurdes et à faire tomber Assad.

On a fait grand cas des efforts « relâchés » de la Turquie pour empêcher la traversée de son territoire par les combattants étrangers souhaitant rejoindre l’État islamique en Syrie. Ankara a récemment répondu en annonçant avoir arrêté plusieurs milliers d’entre eux.

Ces affirmations sont imaginaires : la Turquie a délibérément abrité et acheminé le soutien apporté à l’État islamique et à al-Qaïda en Syrie.

L’été dernier, le journaliste turc Denis Kahraman a interviewé un combattant de l’État islamique recevant un traitement médical en Turquie ; ce dernier lui a dit : « La Turquie nous a ouvert la voie. Si la Turquie n’avait pas fait preuve d’autant de compréhension à notre égard, l’État islamique n’en serait pas là où il en est actuellement. Elle [La Turquie] a manifesté de l’affection à notre égard. Un grand nombre de nos moudjahidines [djihadistes] ont reçu un traitement médical en Turquie. »

Plus tôt cette année, des documents officiels de l’armée turque (le Commandement général de la gendarmerie) divulgués en ligne et authentifiés ont révélé que les services de renseignement turcs (MIT) avaient été surpris par des officiers militaires à Adana alors qu’ils étaient en train de transporter par camions des missiles, mortiers et munitions anti-aériennes « à destination de l’organisation terroriste al-Qaïda » en Syrie.

Les rebelles « modérés » de l’ASL sont impliqués dans le réseau de soutien turco-islamiste parrainé par le MIT. L’un d’eux a expliqué au Telegraph qu’il « gère désormais des refuges en Turquie hébergeant des combattants étrangers qui cherchent à rejoindre le Front al-Nosra et [l’État islamique] ».

Des responsables politiques ont cherché à attirer l’attention sur ce sujet, en vain. L’année dernière, Claudia Roth, vice-présidente du parlement allemand, a fait part de sa consternation face au fait que l’OTAN autorise la Turquie à abriter un camp de l’État islamique à Istanbul, à faciliter les transferts d’armes à destination de militants islamistes à travers ses frontières, et à soutenir tacitement les ventes de pétrole de l’État islamique. Rien ne s’est passé.

La coalition menée par les États-Unis contre l’État islamique finance l’État islamique

Les États-Unis et la Grande-Bretagne ne sont pas seulement restés étrangement silencieux face à la complicité de leur partenaire de coalition qui parraine l’ennemi. Au contraire, ils ont renforcé leur partenariat avec la Turquie et coopèrent âprement avec ce même État-mécène de l’État islamique pour former les rebelles « modérés » afin de lutter contre l’État islamique.

Ce n’est pas uniquement la Turquie qui est en cause. L’année dernière, le vice-président américain Joe Biden a indiqué lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Turquie, entre autres, fournissaient « des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armes » aux « éléments djihadistes extrémistes du Front al-Nosra et d’al-Qaïda » dans le cadre d’une « guerre par procuration entre sunnites et chiites ». Biden a ajouté qu’il était impossible, à tous égards, d’identifier les rebelles « modérés » en Syrie.

Rien n’indique que ce financement s’est épuisé. Pas plus tard qu’en septembre 2014, alors même que les États-Unis ont commencé à coordonner les frappes aériennes contre l’État islamique, les responsables du Pentagone ont révélé qu’ils savaient que leurs propres alliés de la coalition finançaient toujours l’État islamique.

Ce même mois, le général Martin Dempsey, chef d’État-major des armées des États-Unis, a été interrogé par le sénateur Lindsay Graham lors d’une audience du Comité des forces armées du Sénat. Quand ce dernier lui a demandé s’il connaissait « un allié majeur arabe qui embrasse l’idéologie de [l’État islamique] », l’intéressé a répondu : « Je connais des alliés arabes majeurs qui les financent. »

Malgré cela, le gouvernement américain n’a pas seulement refusé de sanctionner les alliés en question, mais les a récompensés en les incluant dans la coalition qui est censée combattre cette même entité extrémiste qu’ils financent. Pire encore, ces mêmes alliés continuent de se voir accorder une grande marge de manœuvre dans la sélection des combattants appelés à être formés.

Des membres clés de notre coalition contre l’État islamique bombardent l’État islamique par la voie aérienne tout en parrainant le groupe en coulisses au vu et au su du Pentagone.

L’arc des États musulmans défaillants

En Irak et en Syrie, où l’État islamique est né, l’état de dévastation dans lequel la société se trouve suite à une situation de conflit prolongé ne peut être sous-estimé. L’invasion militaire et l’occupation de l’Irak par l’Occident, avec leur lot de torture et de violence aveugle, ont joué un rôle indéniable pour ouvrir la voie à l’émergence d’une politique réactionnaire extrême. Avant l’intervention occidentale, al-Qaïda était totalement absent du pays. En Syrie, la guerre brutale menée par Assad contre son propre peuple continue de justifier la présence de l’État islamique et d’attirer des combattants étrangers.

L’apport continu aux réseaux islamistes extrémistes d’importantes sommes d’argent et de ressources matérielles à hauteur de centaines de milliards de dollars (que personne n’a encore été en mesure de quantifier dans leur totalité), coordonné par cette même interconnexion entre gouvernements occidentaux et musulmans, a eu un impact profondément déstabilisant au cours du dernier demi-siècle. L’État islamique est l’aboutissement post-moderne surréaliste de cette histoire sordide.

La coalition occidentale contre l’État islamique dans le monde musulman se compose de régimes répressifs dont les politiques nationales ont creusé les inégalités, écrasé les dissensions légitimes, torturé des activistes politiques pacifiques et attisé des rancunes profondes. Ce sont ces mêmes alliés qui ont financé l’État islamique, et qui continuent de le faire, au vu et au su des services de renseignement occidentaux.

Ce, malgré l’escalade de crises convergentes qui sévissent dans la région depuis une décennie. Le professeur Bernard Haykel, de l’université de Princeton, s’est exprimé à ce sujet : « Je vois l’État islamique comme un symptôme d’un ensemble structurel de problèmes beaucoup plus profonds dans le monde arabe sunnite… [C’est] lié à la politique. A l’éducation et notamment au manque d’éducation. A l’autoritarisme. A l’intervention étrangère. Au fléau du pétrole… Je pense que même si l’État islamique venait à disparaître, les causes sous-jacentes qui sont à l’origine de l’État islamique ne disparaîtraient pas. Et ces causes devraient être abordées par des politiques, des réformes et des changements menés sur plusieurs décennies non seulement par l’Occident, mais aussi par les sociétés arabes. »

Pourtant, comme nous l’avons vu avec le Printemps arabe, ces problèmes structurels ont été exacerbés par une véritable tempête de crises politiques, économiques, énergétiques et environnementales interdépendantes, toutes couvées par l’aggravation de la crise du capitalisme mondial.

Dans une région en proie à des sécheresses prolongées, à une défaillance de l’agriculture, à une chute des revenus pétroliers due au pic pétrolier local, à la corruption et à une mauvaise gestion économique aggravées par l’austérité néolibérale, et ainsi de suite, les États locaux ont commencé à s’effondrer. De l’Irak à la Syrie, de l’Egypte au Yémen, c’est cette même interconnexion entre des crises climatiques, énergétiques et économiques qui défait les gouvernements en place.

L’aliénation en Occident

Bien que l’Occident soit beaucoup plus résistant à ces crises mondiales interconnectées, les inégalités persistantes aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Europe de l’Ouest, qui ont un effet disproportionné sur les minorités ethniques, les femmes et les enfants, s’aggravent.

En Grande-Bretagne, près de 70 % des musulmans issus d’ethnies d’Asie du Sud et près de deux tiers de leurs enfants vivent dans la pauvreté. Un peu moins de 30 % des jeunes musulmans britanniques âgés de 16 à 24 ans sont sans emploi. Selon Minority Rights Group International, la situation des musulmans britanniques en termes d’« accès à l’éducation, à l’emploi et au logement » s’est détériorée au cours des dernières années au lieu de s’être améliorée. Cette dégradation a été accompagnée d’une « augmentation inquiétante de l’hostilité ouverte » exprimée par les communautés non-musulmanes et d’une propension croissante des services de police et de sécurité à cibler de manière disproportionnée les musulmans en vertu de l’autorité qui leur est conférée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les reportages constamment négatifs diffusés par les médias sur les musulmans, auxquels s’ajoutent les frustrations légitimes provoquées par une politique étrangère agressive et trompeuse dans le monde musulman, créent chez les musulmans britanniques un sentiment d’exclusion sociale associé à leur identité.

C’est l’ensemble de ces facteurs qui a un effet destructeur sur la formation de l’identité, et non chacun de ces facteurs pris séparément. Observés seuls, la pauvreté, la discrimination, les reportages négatifs sur les musulmans, et ainsi de suite, ne permettent pas nécessairement de rendre une personne vulnérable à la radicalisation. Toutefois, conjointement, ces facteurs peuvent forger un attachement à une identité marquée par l’aliénation, la frustration et l’échec.

La persistance de ces problèmes et leur interaction peuvent contribuer à la façon dont les musulmans de Grande-Bretagne issus de divers horizons commencent à se voir en tant que tout. Dans certains cas, cela peut générer un sentiment ancré de séparation, d’aliénation et de désillusion par rapport à la société en général. L’effet de cette identité d’exclusion sur un individu dépendra de l’environnement spécifique, des expériences et des choix de l’individu en question.

Les crises sociales prolongées peuvent jeter les bases du développement d’idéologies destructrices et xénophobes. Ces crises ébranlent les mœurs traditionnelles de certitude et de stabilité enracinées dans les notions établies d’identité et d’appartenance.

Alors que les musulmans vulnérables pourraient se tourner vers la culture des gangs ou, pire, vers l’extrémisme islamiste, les non-musulmans vulnérables pourraient adopter leur propre identité d’exclusion liée à des groupes extrémistes comme la Ligue de défense anglaise, ou d’autres réseaux d’extrême-droite.

Chez les groupes d’élites plus puissants, le sentiment de crise peut enflammer les idéologies néoconservatrices militaristes qui épurent les structures du pouvoir en place, justifient le statu quo, défendent le système déficient qui soutient leur pouvoir, et diabolisent les mouvements progressistes et ceux des minorités.

Dans ce maelström, l’injection de milliards de dollars au sein de réseaux extrémistes islamistes ayant un penchant pour la violence au Moyen-Orient donne du pouvoir à des groupes qui, auparavant, ne disposaient pas de soutiens locaux.

Alors que plusieurs crises convergent et s’intensifient tout en compromettant la stabilité de l’État et en attisant de plus grandes frustrations, cet apport massif de ressources dont bénéficient les idéologues islamistes est susceptible d’attirer dans le vortex de l’extrémisme xénophobe les individus en colère, aliénés et vulnérables. Ce processus se conclue par la création de monstres.

Une déshumanisation

Tandis que ces facteurs ont élevé à un niveau critique cette vulnérabilité régionale, le rôle joué par les États-Unis et la Grande-Bretagne après le 11 septembre 2001 dans la coordination du financement secret fourni par les États du Golfe aux militants islamistes extrémistes à travers la région a jeté de l’huile sur le feu.

Les liens dont disposent ces réseaux islamistes en Occident signifient que les services de renseignement nationaux ont périodiquement fermé les yeux sur leurs disciples et infiltrés dans leur propre pays, ce qui a permis à ces derniers de croître, recruter et envoyer les candidats au djihad à l’étranger.

C’est pourquoi la composante occidentale de l’État islamique, bien que beaucoup plus petite que le contingent de combattants qui rallient le groupe depuis les pays voisins, reste largement imperméable à tout débat théologique significatif. Ils ne sont pas mus par la théologie, mais par l’insécurité d’une identité et d’un psychisme fracturés.

C’est ici, dans les méthodes de recrutement minutieusement calibrées de l’État islamique et des réseaux qui soutiennent l’organisation en Occident, que nous pouvons voir que le processus d’endoctrinement psychologique s’est affiné à travers les années grâce aux formations menées sous la tutelle des services de renseignement occidentaux. Ces services de renseignement ont en effet toujours été intimement impliqués dans l’élaboration d’outils violents d’endoctrinement islamiste.

Dans la plupart des cas, le recrutement de l’État islamique se fait en exposant les individus à des vidéos de propagande soigneusement élaborées, développées au moyen de méthodes de production avancées, et dont les plus efficaces sont remplies d’images réelles de massacres perpétrés par la puissance de feu occidentale contre les civils irakiens, afghans et palestiniens, ou par Assad contre les civils syriens.

L’exposition constante à ces scènes horribles d’atrocités perpétrées par l’Occident et la Syrie peut souvent avoir un effet similaire à ce qui pourrait arriver si ces scènes avaient été vécues directement, à savoir une forme de traumatisme psychologique qui peut même entraîner un stress post-traumatique.

Ces techniques de propagande sectaire contribuent à attiser des émotions accablantes de choc et de colère, qui à leur tour servent à anéantir la raison et à déshumaniser l’« Autre ». Le processus de déshumanisation est concrétisé à l’aide d’une théologie islamiste pervertie. Ce qui importe, ce n’est pas l’authenticité de cette théologie, mais sa simplicité. Cette théologie peut faire des merveilles sur un psychisme traumatisé par des visions de morts massives et dont la capacité à raisonner est immobilisée par la rage.

C’est pourquoi le recours à une littéralité poussée à l’extrême et à une décontextualisation complète est une caractéristique si commune aux enseignements islamistes extrémistes : en effet, pour un individu crédule ayant une faible connaissance de l’érudition islamique, à première vue tout cela semble vrai sur le plan littéral.

Basées sur des décennies d’interprétation erronée et sélective des textes islamiques par les idéologues militants, les sources sont soigneusement extraites et triées sur le volet pour justifier le programme politique du mouvement : un règne tyrannique, des massacres massifs et arbitraires, l’assujettissement et l’asservissement des femmes, et ainsi de suite ; des éléments qui deviennent tous partie intégrante de la survie et de l’expansion de l’« État ».

Etant donné que la fonction principale de l’introduction du raisonnement théologique islamiste extrême est de légitimer la violence et de sanctionner la guerre, celui-ci est conjugué à des vidéos de propagande qui promettent ce dont la recrue vulnérable semble manquer, à savoir la gloire, la fraternité, l’honneur et la promesse du salut éternel, peu importent les crimes ou délits pouvant avoir été commis par le passé.

Si vous ajoutez à cela la promesse du pouvoir (le pouvoir sur leurs ennemis, le pouvoir sur les institutions occidentales censées avoir éliminé leurs frères et sœurs musulmans, le pouvoir sur les femmes), ainsi qu’un habit religieux et des revendications de piété suffisamment convaincants, alors les sirènes de l’État islamique peuvent devenir irrésistibles.

Cela signifie que l’idéologie de l’État islamique n’est pas le facteur déterminant de son éclosion, de son existence et de son expansion, bien qu’il soit important de la comprendre et de la réfuter. L’idéologie est simplement l’opium du peuple dont il se nourrit et nourrit ses potentiels disciples.

En fin de compte, l’État islamique est un cancer du capitalisme industriel moderne en plein effondrement, un sous-produit fatal de notre dépendance inébranlable à l’or noir, un symptôme parasitaire de l’escalade des crises de civilisation qui secouent à la fois le monde musulman et le monde occidental. Tant que l’on ne s’attaque pas aux racines de ces crises, l’État islamique et ses semblables ne sont pas prêts de disparaître.

 

Source: http://www.les-crises.fr/letat-islamique-cancer-du-capitalisme-moderne-par-nafeez-ahmed/


Alain Chouet : « Nous sommes alliés avec ceux qui sponsorisent depuis trente ans le phénomène djihadiste »

Sunday 15 November 2015 at 12:08

Source : Marc de Miramon, pour L’Humanité, le 3 juillet 2015.

Pour Alain Chouet, ancien chef du service de renseignements de sécurité à la DGSE, la « guerre de civilisation » et celle contre le « terrorisme » brandies par le gouvernement comme par l’opposition de droite constituent une imposture qui en masque une autre, celle de l’alliance militaire entre les pays occidentaux et les parrains financiers du djihad.

HD. Comment analysez-vous le profil de Yassin Salhi ? Correspondil à celui du « loup solitaire » ou à celui d’un terroriste agissant pour le compte d’une organisation structurée ?
ALAIN CHOUET. Il ne s’agit pas d’un loup solitaire mais plutôt d’un crétin solitaire! Les réactions médiatiques sont dans l’ensemble pathétiques. La presse a soutenu pendant trois jours que c’était un dangereux terroriste et j’ai refusé toute interview à ce sujet parce qu’il semblait bien qu’il s’agissait d’un acte personnel sans lien avec la mouvance terroriste. Ce type pète les plombs, tue son patron avant de tenter de rationaliser son acte comme le font tous les psychopathes et les sociopathes. Alors il hurle « Allahou Akbar », et il envoie une photo au seul copain qu’il connaît qui se trouve en Syrie, peut-être dans l’espoir que l ’« État islamique » revendique son acte.

HD. Est-il possible d’établir un lien entre la tuerie de Sousse et l’attentat commis au Koweït contre la minorité chiite ?
A. C. On a affaire à deux choses différentes. En Tunisie, on assiste à la poursuite de ce que je dénonce depuis un an et depuis la chute du parti islamiste Ennahdha: avant de quitter le pouvoir, ils ont organisé une réforme fiscale qui ruine la classe moyenne laïcisée, laquelle constitue le pire ennemi des Frères musulmans. Depuis, de nombreux attentats ont ensanglanté la Tunisie visant à tuer son économie, ruiner le secteur touristique, les syndicats, les associations, de façon à revenir au pouvoir. C’est la stratégie systématique des Frères musulmans. Au Koweït, l’attentat s’inscrit davantage dans le contexte de la guerre menée par l’Arabie saoudite contre les minorités chiites.

HD. Dans ce cadre, est-il sérieux, comme l’a fait le premier ministre, d’évoquer une « guerre de civilisation » ?
A. C. Non, on est en train de redécouvrir l’eau tiède de George W. Bush et se lancer dans une guerre contre la terreur. On a vu les résultats désastreux de cette politique aux États-Unis.

HD. D’autres responsables politiques se sont appuyés sur le drame de l’Isère pour évoquer l’urgence d’adopter la loi sur le renseignement.
A. C. D’abord, cette loi constitue un peu une liste à la Prévert. Il y a des choses qui me paraissent utiles d’un point de vue professionnel, en particulier la légalisation des infiltrations. Concernant les écoutes électroniques, j’ai déjà dit ce que j’en pensais. Le « dragage massif » des données n’a jamais produit de résultat probant.

« TOUT CELA EST UNE VASTE PLAISANTERIE: ON NE FAIT PAS LA GUERRE À LA TERREUR MAIS À DES CRIMINELS. »

HD. Personne n’évoque le lien entre l’idéologie de ces organisations terroristes et celles diffusées par l’Arabie saoudite et le Qatar …
A. C. Effectivement, pourtant ce n’est pas faute de le répéter: ce que nous appelons « salafisme », en arabe, cela s’appelle « wahhabisme». Et là nous sommes à contre-emploi de manière systématique et dans toutes les situations d’affrontement militaire, puisqu’au Moyen-Orient, au Sahel, en Somalie, au Nigeria, etc., nous sommes alliés avec ceux qui sponsorisent depuis trente ans le phénomène terroriste.

HD. Depuis le 11 septembre 2001, des sommes colossales ont été investies dans la lutte contre le terrorisme, des lois liberticides ne cessent d’être votées, et jamais pourtant la « menace » terroriste n’a paru aussi présente …
A. C. On s’épuise à s’attaquer aux exécutants, c’est-à-dire aux effets du salafisme, mais pas à ses causes. Sur 1,5 milliard de musulmans, si 1 sur 1 million pète les plombs, cela fait déjà un réservoir de 1 500 terroristes. Cela, on ne pourra jamais l’empêcher à moins de mettre un flic derrière chaque citoyen. Tout cela est une vaste plaisanterie: on ne fait pas la guerre à la terreur mais à des criminels. Cela relève des techniques de police et de justice.

Source: http://www.les-crises.fr/alain-chouet-nous-sommes-allies-avec-ceux-qui-sponsorisent-depuis-trente-ans-le-phenomene-djihadiste/


Attentats de Paris : la responsabilité écrasante de l’exécutif français

Sunday 15 November 2015 at 05:15

Un autre lanceur d’alerte qui a fait un gros travail d’investigation sur la Syrie…

Source : Guillaume Borel, pour Arrêt sur info.ch, le 14 novembre 2015.

La vague d’attentats sans précédent qui a touché Paris hier soir et qui aurait fait, selon un premier bilan, au moins 127 morts, est la conséquence directe de la politique étrangère menée par la France en Syrie et qui vise moins la lutte contre le terrorisme salafiste que la destruction de ce pays et le renversement du président Bachar-al-Assad.

Si plusieurs auteurs du carnage perpétré dans la salle de concert du Bataclan auraient déclaré, selon des témoins : « C’est la faute de Hollande, c’est la faute de votre président, il n’a pas à intervenir en Syrie », il faut ici rappeler quelle a été la réalité de la politique française dans ce pays depuis le début du conflit en 2011.

La république française, comme le révèle le président François Hollande dans un entretien avec le journaliste Xavier Panon, a en effet fourni des armes aux « rebelles » syriens dés 2012. Par l’intermédiaire de la DGSE, ce sont des canons de 20 mm, mitrailleuses, lance-roquettes, missiles anti-chars qui auraient été livrés aux rebelles dits « modérés », en violation de l’embargo mis en place l’été 2011 par l’Union Européenne.

Un conseiller de l’Elysée admet également auprès de Xavier Panon :

« Oui, nous fournissons ce dont ils ont besoin, mais dans la limite de nos moyens et en fonction de notre évaluation de la situation. Dans la clandestinité, vous ne pouvez agir qu’à petite échelle. À moyens limités, objectifs limités. »

La France aurait également envoyé des forces spéciales sur le terrain destinées à la formation et au soutien opérationnel des combattants.

En mars 2012, treize officiers français ont ainsi été capturés par l’armée syrienne lors de la reprise du califat islamique instauré dans le quartier de Baba Amr à Homs par la brigade Al-Farsouq et Al-Waleed. Cette dernière a ensuite rejoint les rangs de l’Etat Islamique.

Le président Hollande, cité par le journal Le Monde a encore confié en août 2014 :

« Nous ne devons pas relâcher le soutien que nous avions accordé à ces rebelles qui sont les seuls à participer à l’esprit démocratique. »

Alors que le président Syrien Bachar-al-Assad a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’y avait pas de rebelles « modérés » sur le terrain, on peut s’interroger sur la véritable nature des groupes rebelles soutenus et armés par l’état français depuis 2012. Le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius a déclaré à ce propos en 2012 que le Front Al-nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, « faisait du bon boulot »… Une plainte de victimes syriennes des groupes rebelles a d’ailleurs été déposé à l’encontre du ministre français à ce sujet auprès du tribunal administratif de Paris pour « les fautes personnelles commises par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, dans ses fonctions. »

Dans un rapport de 2012 l’agence de renseignement militaire américaine (DIA) avançait déjà que le soutien aux rebelles dits « modérés » profitait en réalité essentiellement à l’Etat Islamique. Selon le directeur de l’agence, le général Flynn le soutien indirect des USA et de la coalition occidentale à l’Etat Islamique  « était une décision intentionnelle ». Dans un précédent article sur le rôle trouble de la coalition occidentale en Irak et en Syrie, j’avais également pointé différents éléments factuels qui montraient le soutien et la collaboration opérationnelle de la Turquie, des états-unis et d’Israël avec différents groupes djihadistes.

Ces différents éléments montrent assez clairement que la coalition occidentale, dont fait partie la France, a mené une politique de soutien à divers groupes djihadistes en Syrie dans l’objectif de renverser le président Bachar-al-Assad, sous couvert de la fiction de l’aide apportée à des groupes fictifs de rebelles « modérés ».

La véritable nature de ces prétendus groupes rebelles a été récemment mise en lumière par l’intervention russe qui a entraîné un déchaînement de protestations de la part des chancelleries occidentales au motif que les frappes aériennes auraient visé les rebelles soutenus par l’Occident. Or, les groupes frappés par l’aviation russe appartenaient à l‘Armée de la Conquête, qui regroupe notamment le Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda et des groupes islamistes comme Ahrar al-Cham.

Il est malheureusement fort peu probable que le soutien de l’exécutif français aux groupes djihadistes en Syrie soit dénoncé à la lumière de cette vague d’attentats sans précédents, qui constitue pourtant son aboutissement logique et prévisible. Le chaos auquel a été réduite la Syrie et la prolifération des groupes djihadistes sont en effet le résultat direct de la politique étrangère française au Proche et Moyen-Orient.

Alors que lors des précédents attentats de janvier dernier, l’exécutif avait érigé le réseau Internet, qui aurait favorisé« l’auto-radicalisation » des terroristes, présentés à l’époque de manière mensongère comme des « loups solitaires », en boucs émissaires censés masquer les lacunes et les incompétences des services de renseignement et de sécurité français, et instauré des dispositifs de surveillance de masse des citoyens, cette politique visant essentiellement les libertés individuelles, a montré aujourd’hui son inanité. Il est pour autant fort peu probable que les responsables des services de sécurité, dont le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve – qui ont une fois de plus failli à leur mission – aient à rendre des comptes. Le gouvernement et la classe politique, à quelques exceptions près, se retranchent une fois de plus derrière l’émotion et l’injonction à « l’unité nationale ». Pourtant, les mêmes qui aujourd’hui ont décrété l’état d’urgence et le rétablissement des contrôles aux frontières s’engageaient il y a quelques semaines à peine à participer à l’accueil des migrants syriens, au nom de principes humanitaires, et ce malgré les réserves de l’agence de coopération européenne Eurojust qui affirmait que le trafic clandestin entretenait des liens étroits avec les organisations terroristes en Syrie :

« C’est une situation alarmante parce que nous voyons clairement que le trafic est destiné à financer le terrorisme et que les passeurs sont utilisés parfois pour mener des infiltrations par les membres de l’Etat Islamique. »

Si comme le dit le président François Hollande, la France est « en guerre » aujourd’hui, elle le doit donc pour l’essentiel aux incompétences de l’exécutif et aux incohérences criminelles de la politique étrangère française qui a soutenu et armé les groupes djihadistes ayant plongé la Syrie dans le chaos…

Guillaume Borel

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P.S. : tiens, le 6 novembre, Daesh a récupéré des lance-roquettes français Apilas, merci pour eux M. Hollande, ils en feront probablement bon usage.

Ou ici, un islamiste de la brigade salafiste Ahrar al-Sham avec un missile Milan français :

C’est un peu comme cette mythique vidéo de CNN en 2014 sur un campas d’entrainement d’ISIS / Daesh, où on voit incidemment la provenance de leurs tentes…

Source: http://www.les-crises.fr/attentats-de-paris-la-responsabilite-ecrasante-de-lexecutif-francais/


25/09/2015 Le juge Marc Trévidic : “Les jours les plus sombres sont devant nous.”

Sunday 15 November 2015 at 03:53

Source : Paris Match, le 25 septembre 2015.

"On manque d'hommes pour neutraliser les terroristes"

Vendredi 25 septembre, le juge Trévidic est à Paris pour évoquer ses dossiers avec ses successeurs.© Noël Quidu

Pendant dix ans, il a animé le Pôle judiciaire antiterroriste. Forcé de quitter ses fonctions en pleine tempête pour devenir vice-Président du tribunal de grande instance de Lille, Marc Trévidic nous avait longuement parlé, en septembre dernier. Son cri d’alarme a malheureusement trouvé un écho vendredi soir avec une série d’attentats sans précédent à Paris. Voici la version intégrale de cet entretien terriblement prémonitoire.

Paris Match. Pouvez-vous estimer aujourd’hui le niveau de risque que courent les Français ?
Marc Trévidic. La menace est à un niveau maximal, jamais atteint jusqu’alors. D’abord, nous sommes devenus pour l’Etat islamique [EI] l’ennemi numéro un. La France est la cible principale d’une armée de terroristes aux moyens illimités. Ensuite, il est clair que nous sommes particulièrement vulnérables du fait de notre position géographique, de la facilité d’entrer sur notre territoire pour tous les djihadistes d’origine européenne, ­Français ou non, et du fait de la volonté clairement et sans cesse exprimée par les hommes de l’EI de nous frapper. Et puis, il faut le dire : devant l’ampleur de la menace et la diversité des formes qu’elle peut prendre, notre dispositif de lutte antiterroriste est devenu perméable, faillible, et n’a plus l’efficacité qu’il avait auparavant. Enfin, j’ai acquis la conviction que les hommes de Daech [acronyme de l'Etat islamique] ont l’ambition et les moyens de nous atteindre beaucoup plus durement en organisant des actions d’ampleur, incomparables à celles menées jusqu’ici. Je le dis en tant que technicien : les jours les plus sombres sont devant nous. La vraie guerre que l’EI entend porter sur notre sol n’a pas encore commencé.

Pourquoi un constat si alarmant ?
Nous avons en face de nous un groupe ­terroriste plus puissant que jamais. Bien plus puissant qu’Al-Qaïda à sa grande époque. L’EI, fort d’environ 30 000 «soldats» sur le terrain, a recruté plus de membres que l’organisation fondée par Ben Laden en quinze ans ! Et ce n’est pas fini. La France est, de fait, confrontée à une double menace. Celle du déferlement de ce que j’appelle les «scuds» humains du djihad individuel, ces hommes qui passent à l’action sans grande formation ni préparation, agissant seuls, avec plus ou moins de réussite, comme on a pu le voir ces derniers temps. Et celle, sans commune mesure, que je redoute : des actions d’envergure que prépare sans aucun doute l’EI, comme celles menées par Al-Qaïda, qui se sont soldées parfois par des carnages effroyables.

Disposez-vous d’éléments indiquant qu’on se dirige vers ce type d’actions d’envergure ?
Ceux que l’on arrête et qui acceptent de parler nous disent que l’EI a l’intention de nous frapper systématiquement et durement. Comprenez-moi bien, il ressort de nos enquêtes que nous sommes indubitablement l’ennemi absolu. Les hommes de Daech ont les moyens, l’argent et la faculté d’acquérir facilement autant d’armes qu’ils veulent et d’organiser des attaques de masse. Le terrorisme est une surenchère ; il faut toujours aller plus loin, frapper plus fort. Et puis, il reste «le prix ­Goncourt du terrorisme» à atteindre, et je fais là référence aux attentats du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center. Je n’imagine pas un instant qu’un homme tel qu’Abou Bakr ­al-Baghdadi et son armée vont se satisfaire longtemps d’opérations extérieures de peu d’envergure. Ils sont en train de penser à quelque chose de bien plus large, visant en tout premier lieu l’Hexagone.

“L’EI A RECRUTÉ PLUS DE MEMBRES QU’AL QAÏDA EN QUINZE ANS”

Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi la France ?
Parce qu’on revient à cette idée qu’on est la cible idéale ! Traditionnellement, l’adversaire numéro un du terrorisme djihadiste a longtemps été les Etats-Unis, mais les paramètres ont changé. Les Américains sont plus difficiles à atteindre. La France, elle, est facile à toucher. Il y a la proximité géographique, il y a des relais partout en Europe, il y a la facilité opérationnelle de renvoyer de Syrie en France des volontaires aguerris, des Européens, membres de ­l’organisation, qui peuvent revenir légalement dans l’espace Schengen­ et s’y fondre avant de passer à l’action.

Il y a aussi des raisons politiques, idéologiques ?
Evidemment ! La France est devenue l’allié numéro un des Etats-Unis dans la guerre contre Daech et les filières djihadistes. Nous combattons par les armes aux côtés des Etats-Unis. Nous avons mené des raids aériens contre l’EI en Irak. Maintenant, nous intervenons en Syrie. De plus, la France a un lourd «passif» aux yeux des islamistes. Pour eux, c’est toujours une nation coloniale, revendiquant parfois ses racines chrétiennes, soutenant ouvertement Israël, vendant des armes aux pays dits «mécréants et corrompus» du Golfe ou du Moyen-Orient.

OB : Sérieusement, on se demande où ils vont chercher tout ça…

Et une nation qui opprimerait délibérément son importante communauté musulmane. Ce dernier argument est un axe de propagande essentiel pour l’EI. Nos forces armées sont aussi intervenues au Mali pour arrêter les islamistes, même si ce ne sont pas les mêmes réseaux. Ajoutons enfin que, en France, nous sommes depuis des années en première ligne pour combattre le “djihad global”. Longtemps notre dispositif antiterroriste nous a permis de porter des coups sévères aux terroristes et aux ­djihadistes de toute obédience.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui ?
Non, la donne a changé. L’évidence est là : nous ne sommes plus en mesure de prévenir les attentats comme par le passé. On ne peut plus les empêcher. Il y a là quelque chose d’inéluctable. Bien sûr, on arrête des gens, on démantèle des cellules, on a de la chance aussi, comme on a pu le voir avec certaines affaires récentes, mais la chance ou le fait que les terroristes se plantent dans leur mode opérationnel, ou encore que des citoyens fassent preuve de grande bravoure, ça ne peut pas durer éternellement. Quant aux moyens affectés à la lutte antiterroriste, ils sont clairement devenus très insuffisants, et je pèse mes mots. On frise l’indigence à l’heure où la menace n’a jamais été aussi forte. Ces deux dernières années, j’ai constaté par moi-même qu’il n’y avait parfois plus d’enquêteurs pour mener les investigations dont nous avions besoin ! On fait donc le strict minimum, sans pouvoir pousser les enquêtes, sans «SAV», au risque de passer à côté de graves menaces. Les politiques prennent des postures martiales, mais ils n’ont pas de vision à long terme. Nous, les juges, les policiers de la DGSI, les hommes de terrain, nous sommes complètement débordés. Nous risquons d’«aller dans le mur».

Marc Trévidic répond aux questions de Frédéric Helbert

“LES KOUACHI N’ÉTAIENT PAS PARTIS POUR UNE OPÉRATION SUICIDE !”

Et le dispositif Sentinelle, qui mobilise des milliers d’hommes pour protéger des lieux symboliques, des sites sensibles, il n’est pas efficace ?
Ce dispositif protège certains endroits, rassure la population. Mais, en fait, il déplace la menace. Cela n’évitera jamais que des hommes déterminés passent à l’action ici ou ailleurs. Si cela leur paraît trop compliqué de s’en prendre à un objectif sous surveillance, ils en trouveront un autre. Un cinéma, un centre commercial, un rassemblement populaire… Sentinelle, Vigipirate, on ne peut pas se permettre de s’en priver, la population ne le comprendrait pas, mais fondamentalement cela ne résout rien. Cela ne freinera pas les hommes de l’EI le jour où ils décideront de passer à la vitesse supérieure et de commettre des attentats d’ampleur. D’autant que nous sommes incapables d’enrayer leur montée en puissance constante. Nul doute que le groupe soit actuellement en train de bâtir les structures, les réseaux, de former les hommes pour concevoir des plans d’attentats de masse. Ils préparent le terrain pour pouvoir frapper fort.

Que penser, alors, de la nouvelle stratégie française ? Des ­premières frappes aériennes ont visé Daech sur le sol syrien. La France invoque un «droit de légitime défense» et dit vouloir cibler les terroristes à la base…
Procéder à des frappes «extra-judiciaires» revient à se calquer sur le modèle américain. Cela fait des années que les Etats-Unis éliminent des chefs, des stratèges, des recruteurs au Yémen, en Afghanistan, en Somalie, mais sans affaiblir les groupes visés. Cela n’a jamais marché ! Je ne crois pas au bien-fondé de la stratégie française. Peut-on penser déstabiliser Daech et nuire à ses objectifs en éliminant des leaders, des «opérationnels» qui auraient été repérés ? Y a-t-il des chefs d’une telle importance qu’ils ne puissent être remplacés dans l’heure par d’autres hommes ? Rien n’est moins sûr. De toute façon, ils nous ont «dans le collimateur» et, de ce point de vue-là, ça ne changera rien ! Cela peut même avoir l’effet inverse que celui recherché en créant des «vocations». Si, d’aventure, il y avait quelques ciblages réellement pointus, le bras de la justice n’étant pas très long, j’aurais tendance à me dire qu’une petite roquette fera l’affaire ; mais, clairement, il n’est rien dans cette stratégie qui permette de renverser le cours d’une guerre contre une armée de terroristes et de la gagner.

Marc Trévidic répond aux questions de Frédéric Helbert

La France a-t-elle la capacité d’affronter Daech?
Les moyens dont disposent les juges en charge de l’anti-terrorisme sont aujourd’hui insuffisants. On pourrait presque dire indigents. Le nombre d’enquêteurs notamment est tout à fait insuffisant pour faire face aux menaces. Les experts judiciaires de la DGSI sont débordés. Nous n’avons pas les moyens humains pour recueillir des preuves, neutraliser des terroristes. Ici en France, un Etat de droit, on ne va pas se mettre à lâcher des drones pour éliminer de simples suspects. La force du système français a reposé pendant 30 ans sur la prééminence des juges, et leur capacité à établir des stratégies, à anticiper pour frapper en amont au meilleur moment, en synergie avec les services de renseignement. A la faveur des évènements du 7 janvier dernier, les tueries de «Charlie Hebdo» et de la supérette casher, le pouvoir a décidé d’une loi donnant tout pouvoir au renseignement hors contrôle judiciaire. Il oublie une chose élémentaire : En France, ce sont les juges qui décident où non d’arrêter les gens, de les mettre en garde à vue, de les placer en détention. Tout ce qui se décide sur la base de renseignements purs, hors contrôle d’un juge, n’a aucune valeur légale. Et le danger lorsque le renseignement tourne en roue libre, c’est qu’on intervienne trop tardivement… Notre système a été très efficace pendant des années parce qu’on intervenait très en amont, et en parfaite adéquation avec les agents de la DST. On récoltait des preuves et dès que quelqu’un menaçait de passer à l’action, le lendemain à 6 heures du matin, on lui tombait dessus. Jamais, jamais une personne surveillée judiciairement n’a pu passer à l’action, jamais ! On ne peut pas en dire autant de ces djihadistes affiliés à EI dont on s’aperçoit que tous ou presque ont fait l’objet d’une surveillance, donc d’une fiche «S», ce qui ne les a pas empêchés d’agir.

Pourquoi alors avoir fait cette loi?
Le pouvoir exécutif veut avoir des services de renseignements tous puissants sur lesquels il a la main. Les juges spécialisés et leur liberté d’agir ont été écartés. C’est confortable pour un gouvernement, dangereux pour la société. Je crains que l’on en arrive de plus en plus à des méthodes extra-judiciaires, administratives, sans recours, arbitraires. Comme l’ont fait les Américains à Guantanamo. Ce chemin ferait selon moi le jeu de ceux que nous combattons en nourrissant les sentiments anti-occidentaux et anti-français.

Malgré la barbarie affichée, l’E.I continue à recruter, notamment Europe, comment l’expliquez-vous?
Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce que j’appelle la «démocratisation du djihad». Dans une situation de crise économique et morale, leur maîtrise d’internet qui ne date pas de hier leur a permis de répandre leur idéologie sans que personne ne songe jamais à l’entraver au nom de la liberté. Ils touchent des proies faciles : ces gens qui n’ont plus de perspectives, de rêves, de caps, que la société de consommation a laissé en marge. Passer à l’acte ensuite n’est pas compliqué. Un billet d’avion à 200 euros pour la Turquie, et c’est fait ! Ceux qui partent croient laisser derrière eux leurs «emmerdements», s’imaginent qu’ils vont trouver une vie «exaltante».

On voit aussi de plus en plus de Français convertis verser dans l’Islamisme radical…
C’est ce que j’appelle l’effet de mode. Ce n’est absolument pas rationnel. Le Jihad est devenu «branché». C’est fou à dire mais c’est vrai. Une gamine se met en scène sur Facebook avec une fausse kalach, ses copines suivent… C’est totalement déconnecté d’une quelconque réalité religieuse, mais une fois que ce pas est franchi, on rentre dans un processus de fascination, sans recul, on se prend au jeu, et surgit alors le risque de basculement. Tous ne partent pas pour les mêmes raisons, certains reviennent dégoutés, certains combattent, d’autres pas, certains se muent, formés par étapes, en terroristes potentiels. La faille essentielle de notre société c’est qu’elle offre un terrain favorable à une idéologie pouvant fabriquer des tueurs sans limites.

Sur quoi se fonde cette idéologie?
Les djihadistes se présentent comme les seuls vrais défenseurs d’un Islam opprimé par l’Occident. C’est ce que j’entendais sans arrêt lors des auditions. Ils évoquent les guerres d’Irak, le conflit israélo-palestinien, sélectionnent les arguments pour légitimer leur action.

OB : Donc on voit qu’on en sort en leur montrant qu’on n’opprime pas l’Islam à l’international. Résolvons déjà le conflit en Palestine on sera tranquilles pour 10 ou 20 ans… Essayons au moins…

Est-on à l’abri d’une campagne d’attentats sur notre sol ?
Non. Si l’on prend l’exemple des frères Kouachi, les auteurs de la fusillade de «Charlie Hebdo», ils étaient, au vu de ce que l’on sait, «en route» pour une campagne d’attentats. On y a échappé parce que, dans un accident de voiture, l’un des frères a perdu sa carte d’identité. C’est cela qui a permis de les identifier et de lancer la chasse à l’homme qui s’est soldée par la mort des deux terroristes, tués par le GIGN. Les Kouachi n’étaient pas partis pour une opération suicide ! S’ils avaient pu, ils auraient continué à frapper. Comme Nemmouche, le tueur du Musée juif de Bruxelles, comme Merah… L’an dernier, j’ai fait neutraliser un réseau de djihadistes très dangereux qui voulait créer un commando de dix “Merah” autonomes, opérant simultanément sur l’ensemble du territoire. L’idée que nous soyons un jour confrontés à une ou plusieurs campagnes d’attentats majeurs ne peut être écartée.

Ceux qui nous attaquent veulent nous faire le plus de mal possible. Et le faire dans la durée. Ils s’y préparent. Les Français vont devoir ­s’habituer non à la menace des attentats, mais à la réalité des attentats, qui vont à mes yeux immanquablement survenir. Il ne faut pas se voiler la face. Nous sommes désormais dans l’œil du cyclone. Le pire est devant nous.

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Marc Trevidic dit ses 4 vérités :

“Il faut lutter contre l’idéologie salafiste ; il faut être carré, droit dans ses bottes : on est copain avec des pays qui ont une idéologie très proche, comme l’Arabie, qui l’a diffusée sur la planète. Le crédo des Américains est d’être amis avec les fondamentalistes religieux s’ils sont libéraux économiquement. Nous devons lutter contre cette idéologie, et tous ceux qui la propagent ne sont pas nos amis !”

“C’est la stratégie de Ben Laden : Il faut que les populations musulmanes se soulèvent en France, et pour cela, il faut que les Français non-musulmans leur tapent dessus…”

Source: http://www.les-crises.fr/25092015-le-juge-marc-trevidic-les-jours-les-plus-sombres-sont-devant-nous/


Notre fiasco syrien, par Alain Juppé

Sunday 15 November 2015 at 02:30

Alain Juppé, dont on oublie le rôle prépondérant dans le fiasco syrien, a publié le 24 octobre une édifiante note-aveu sur la Syrie…

Source : Alain Juppé, sur Le Blog-Notes d’Alain Juppé, le 24 octobre 2015.

Notre fiasco syrien

Entendons-nous bien : VOTRE fiasco…

On lit souvent qu’en Syrie, la Russie avait une stratégie et pas nous. Ce n’est pas, selon moi, exact. L’objectif de Poutine, certes, était clair : maintenir au pouvoir, à tout prix, Bachar et son clan, alliés de toujours de Moscou dans la région et seuls à même, pour les Russes, d’assurer la stabilité du pays.

OK, OK. alors que je comprenne bien :

  1. Il y a un gouvernement légitime en Syrie
  2. Il maintient à l’évidence la stabilité en Syrie depuis des décennies – hélas sans démocratie
  3. Il est le dernier gouvernement laïc de la région
  4. Il n’est pas ennemi de  la Russie

DONC la Russie le soutient. Hmmm, pervers ces Russes…

Mais nous avions nous aussi, Américains et Européens, un objectif clair : éliminer Bachar, responsable à nos yeux de l’écrasement de son peuple, de la radicalisation de son opposition et finalement de la montée en puissance de Daech. Et faciliter la transition vers une Syrie sans Bachar.

OK. On est pour la Démocratie, DONC on décide qui peut diriger la Syrie et qui ne peut pas – pas les Syriens, car on sait mieux qu’eux (il n’y a pas d’ENA en Syrie).

Et comme ça avait si bien marché en Afghanistan puis en Irak, comme ça avait surperformé en Libye, comme c’est le Nirvana en Égypte, vous avez continué d’appliquer la même politique qui marchait, je comprends…

Et c’est “Bachar” qui radicalise sa sympathique opposition de frères musulmans et autres wahhabites moyenâgeux. Avant, ils étaient modérés – genre ils anesthésiaient un peu le cou avant de vous décapiter, quoi… Mais c’était avant…

Et donc si Daech monte, c’est la faute de “Bachar” puisqu’il les combat, mais pas la faute de ceux qui financent Daesh – Arabie, Qatar, Turquie, Occident, etc…

Bon, c’est vrai que l’armée d’Assad et ses milices citoyennes comptent près de 90 000 morts depuis le début (source : ONU), mais bon, c’est les méchants on vous dit…

Euh.. Hein ?

Nous ne nous sommes pas donné les moyens d’atteindre cet objectif.

Ah ben oui, il fallait envoyer 500 000 soldats…

Il est vrai que nous nous appuyions sur une opposition divisée, incapable de s’entendre sur un projet cohérent.

Oh, si, instaurer la charia est un objectif assez partagé chez eux…

Nous n’avons pas su la fédérer ni l’aider efficacement. En outre nous avons envoyé de mauvais signaux aux belligérants. Le pire est advenu quand le Président Obama a averti Damas que l’utilisation d’armes chimiques par son armée constituerait une ligne rouge que nous ne laisserions pas transgresser. La ligne a été franchie … et nous n’avons rien fait.

Bah, oui, surtout qu’on n’est pas sûr du tout qu’elle ait été franchie :

  • quand le MIT a démontré que le gouvernement américain mentait en affirmant avoir les preuves de la culpabilité du gouvernement…
  • quand le porte-parole du Comité de Coordination nationale pour le changement démocratique indiquait que “C’est un coup monté. On sait que les armes chimiques ont déjà été utilisées par Al-Qaïda”
  • qu’un député turc accuse son gouvernement islamiste d’avoir été impliqué dans l’attaque
  • que Georges Malbrunot et Christian Chesnot ont révélé que la conclusion du rapport rendu public par la France avait été “élaguée” par le conseiller spécial du ministre de la Défense pour manipuler l’oponion publique et la pousser à la guerre (case prison au fait ?). Une des hypothèses faite par les informateurs dans leurs rapports était la suivante : “Il est possible que des bombardements classiques de l’armée syrienne sur un laboratoire clandestin des rebelles ait provoqué une fuite de gaz.” Mais cette conclusion a été “purement et simplement coupée” du texte du rapport final. Bernard Squarcini, ancien directeur central du renseignement intérieur souligne les points faibles du rapport français et indique que “cette note de notes n’est pas conclusive”.

Ca faisait mauvais genre de recommencer le coup des armes de destruction massives…

Les frappes aériennes qui ont ciblé Daech en Irak et en Syrie ont tout juste stabilisé le front. L’engagement de nos troupes au sol a été, à juste titre, exclu. Dès lors la voie était libre pour la Russie qui est venue sauver le régime de Bachar de l’effondrement qui le menaçait, en bombardant massivement ses oppositions et pas seulement (pas principalement?) Daech. Une fois encore les démocraties ont fait la démonstration de leur faiblesse face aux régimes autoritaires.

Bah oui, on a laissé les Russes bombarder nos amis d’Al-Qaïda qui faisaient du “bon boulot” !!!!!!!!!!!! Lâches !

Et maintenant ? La diplomatie française est la dernière, ou presque, à s’en tenir à la ligne du refus de toute discussion avec Bachar qui était celle de N. Sarkozy et la mienne.

Ah oui, c’est sûr que si on en veut pas discuter avec le chef du gouvernement… Mais vous avez fait quelle école de Diplomatie, au fait ?

Par ailleurs, quand on a une position contraire à celle de 192 autres pays, des fois, on a tort… (oui, c’est dur à comprendre pour un énarque)

Dans le contexte actuel, cette ligne est devenue : ni Bachar ni Daech.

Génial, il y a une guerre civile entre Assad et Daesh, et on dit : on ne veut aucun d’entre-eux ! Du pur génie !

Le problème, c’est que nous sommes aujourd’hui les derniers et les seuls à tenir bon. Le Président Obama n’avait qu’un but : l’accord nucléaire avec l’Iran. Il l’a atteint. On parle beaucoup dans les chancelleries de contacts entre Russes et Américains pour trouver une sortie de crise en Syrie. Nos partenaires européens sont muets ou prêts au dialogue.

Du pur génie !

Quand je parle de morale et des crimes de Bachar, on me fait remarquer avec quelque condescendance que je suis bien le seul à croire à la morale en politique étrangère.

Oh non, moi, je ne vous jette pas la pierre. Mais dans ce cas-là, on est cohérent : on rompt les relations diplomatiques avec l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Chine, la moitié de l’Afrique, Israël, l’Égypte… Vous l’avez proposé ?

Plus sérieusement, non, il y a peu de morale en politique étrangère. Parce quand il y en a, ça finit souvent par la guerre et les morts… CQFD

Je crains que le moment ne soit donc venu de boire le calice jusqu’à la lie et de nous asseoir à Genève à la table de négociation avec Bachar. Peut-être trouvera-t-on le moyen de sauver la face.

Là, je salue la realpolitik (péniblement accouchée) dont est incapable Fabius.

Mais la vérité est bien celle-ci : Poutine a gagné.

Euh, non, Assad a gagné, car il a des alliés solides, c’est quoi encore cette obsession de Poutine… Et au pire, c’est la Russie qui a gagné, pas “Poutine”…

Pour combien de temps? Je souhaite bien sûr de tout coeur qu’un accord politique permette de rétablir la paix dans la région et que les millions de réfugiés chassés de Syrie puissent regagner leur terre. C’est notre intérêt direct. Mais les conditions d’une pacification durable ne seront pas faciles à réunir. Les Russes qui n’ont pas réussi à vaincre les Talibans en Afghanistan pourront-ils éradiquer Daech du Proche et Moyen Orient ?

Comment ça “les Russes”, on ne peut pas les aider ???

J’entends bien que les contextes sont très différents mais il faudra une forte coalition pour venir à bout d’un État islamique auto-proclamé dont les moyens sont considérables.

Oui, enfin, faut arrêter le délire, si l’Occident n’arrive pas à arrêter quelques dizaines de milliers de barbares, rendez l’argent des armées… Et prions pour qu’on n’ait pas à affronter un vrai ennemi…

Les pays arabes, Arabie Saoudite en tête, verront-ils durablement d’un bon oeil se constituer une alliance russo-iranienne dans la région ?

Non mais, leur oeil, il faut leur enlever à ces gouvernements pro-terrorisme, comme ils savent faire. Ainsi que le reste. Le regime change, c’est là-bas qu’il faut le mener. Vive l’Arabie libre !!!!

Bien d’autres questions sont posées par l’intervention russe et la diplomatie conquérante de Poutine.

Dixit le gars qui a rasé la Libye…

Elle n’est pas “conquérante” la Diplomatie russe, elle marche (car ils n’ont pas de BHL), c’est tout…

Il est vrai que beaucoup en France et en Europe sont plus réticents à se mettre dans la roue des États-Unis que dans celle de Poutine.

“beaucoup” ????? Au gouvernement ???? Des noms ?

Gaullisme sans doute mal compris.

Hein ?

Il n’est évidemment pas question de nous antagoniser avec la Russie qui est un voisin et un partenaire incontournable. Quand j’étais au Quai d’Orsay, entre 2011 et 2012, je n’ai jamais cessé de parler avec mon homologue Sergueï Lavrov. Pour expliquer et défendre la ligne de la France en rassemblant autour d’elle nos partenaires européens. Aujourd’hui l’Europe est hors jeu et la France seule.

Le problème n’est pas d’être seul, c’est d’être dans l’erreur. Il était seul le Général.

C’était du Gaullisme bien compris.

Alain Juppé

P.S. bon allez, un dernier mot, parce que vous semblez un bon gars au fond. Je vous plains de tout coeur ce soir. Comme je n’aimerais pas être à votre place, et me dire que si j’avais appliqué des principes élémentaires de diplomatie en 2011, si je n’avais écouté les BHL et autres néo-conservateurs pousse-aux-guerres, si j’avais sinon aidé Assad, mais au moins détourné mon regard, il aurait gagné rapidement, et 130 Français de plus vivraient ce soir – et 200 000 Syriens.

Votre métier M. Juppé, comme M. Fabius, est de protéger les Français, pas d’amener la Démocratie en Syrie, vous n’êtes pas Dieu le Père… (si j’ose dire)

Bonne nuit…

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Edit : tiens, j’ai vu que Juppé était intervenu hier soir :

Bravo ! – 4 ans pour comprendre qu’un dictateur laïc qui ne nous menace pas est largement préférable à des wahhabites adeptes du djihad… Ca fait cher la leçon de diplomatie quand même…

Source: http://www.les-crises.fr/notre-fiasco-syrien-par-alain-juppe/


Vos guerres, nos morts

Sunday 15 November 2015 at 00:16

Un pamphlet issu de la gauche très très radicale…

Source : Ludo Rossi, pour Anti-K, le 14 novembre 2015.

Nos morts sont insupportables, nous n’aurions pas du supporter vos guerres !

Le choc des barbaries mis en oeuvre partout dans le monde par des politiciens cyniques, n’épargne donc pas la France car elle y contribue ostensiblement.

Ces tragiques événements ne surviennent pas dans un ciel serein. Ils étaient parfaitement prévisibles et prévus. Les mises en garde ont été nombreuses mais elles n’ont pas été écoutées.

Ces attentats qui ont provoqué la mort et les blessures de tant d’innocents en France sont abominables, nous condamnons sans réserve tous les meurtres d’innocents, comme nous les condamnons partout où ils se produisent dans le monde, quelque soit la couleur de la peau ou la religion des victimes.

Les centaines des milliers de morts innocents en raison des guerres de tout type organisées par la France et ses alliés occidentaux, depuis des décennies ont des conséquences tout aussi dramatiques et insupportables.

Avec tous les hommes de bonne volonté, nous nos affligeons devant tant d’horreurs, nous les dénonçons mais sans en camoufler les causes comme le font les puissants et leur presse qui cherchent à occulter l’analyse et la compréhension des faits sous un flot d’émotions feintes.

Le terrorisme n’est pas tombé du ciel, il a été sciemment construit et nul n’ignore qui le met en scène, qui le manipule au gré de son intérêt et surtout qui le finance, hormis les ignorants volontaires.

Il n’y a jamais de paix sans justice.

Comme après « Charlie » nous allons assister à un déferlement de passions parmi lesquelles se feront entendre encore plus, le nationalisme, le racisme et l’islamophobie. Désigner, un ennemi commun, un bouc émissaire pour faire diversion est le projet de toute oligarchie qui veut faire corps autour d’elle en période de crise. Les fascistes de Daech sont le miroir des impérialistes et de leurs forces spéciales encore bien plus meurtrières.

Nous ne ferons pas de comptabilité macabre, nous n’exprimerons pas de compassion sélective avec les fauteurs de guerres. Les guerres sont toujours menées par des tyrans pour leurs intérêts de tyrans sur les dos des peuples.

Toutes sortes de méthodes sont mises en oeuvre, pour cacher aux peuples qui sont leurs véritables ennemis, elles ont fait la preuve de leurs efficacités dans un passé sinistre. Pourtant bien des apprentis-sorciers nous ressortent les vieilles rengaines de l’ennemi à combattre tous ensemble, le peuple uni derrière les multinationales et les politiciens qui les servent.

Les faux combats contre la violence par ceux qui veulent en ignorer la source tout en l’alimentant sont l’oeuvre de sinistres pompiers incendiaires. Ils sont les responsables de touTEs ces mortEs et blesséEs. Leurs mines défaites et leurs mains sur le cœur devant les caméras sont insupportables à voir, comme sont insupportables les nouvelles menaces de terroriser les terroristes, aussi inutiles lors de l’attentat de Charlie hebdo du 7 janvier, qu’elles le sont aujourd’hui. Elles sont tout juste utiles pour s’attaquer aux libertés et renforcer encore un état policier dans un tout autre but.

Ils n’empêcheront pas les attentats de demain si la même politique de chaos est poursuivie à l’identique que celle voulue et mise en place depuis des décennies par les impérialismes dont le français. Grand pourvoyeur en armes des dictateurs, il prend toute sa place dans ce dispositif des fauteurs de guerres.

Le peuple français, encore une fois, est victime d’un gouvernement impérialiste qui sème la misère et la terreur pour défendre le capital international sous les oripeaux d’un « socialisme » mille fois trahi. Et c’est la France qui est bien entendu une nouvelle fois frappée, en raison de ses interventions militaires directes ou indirectes qui suscitent des réactions de haine partout où elles sont menées.

la France paie cher les rodomontades guerrières du « socialiste » Hollande qui a voulu jouer au chef de guerre, tout comme son prédécesseur, tout aussi grotesque dans ses postures martiales.

Fauteur de guerres ailleurs, meurtrier d’innocents et responsable de la mort de nouveaux innocents ici, chez nous,  français ou immigrés de toutes générations. Et tout ça pour remonter dans les sondages … Hollande et toute sa clique, dégagez !

Sans doute, nous aurons des camarades, des amiEs, des proches parmi les victimes, même inconnuEs, elles et ils sont nos mortEs, nous les regretterons, nous les pleureront mais nous savons que c’est à cause de vos guerres et que vous êtes responsables de leur mort et de leurs blessures.

« Dès demain, fermeture de tous les équipements de la Ville: écoles, musées, bibliothèques, gymnases, piscines, marchés alimentaires » … Mais pas les grands magasins ni les supermarchés, car les « terroristes » n’auront sans doute pas la mauvaise idée de s’y rendre ! Les sempiternels moulinets inutiles des pompiers incendiaires …

Source: http://www.les-crises.fr/vos-guerres-nos-morts/


[2012] Fabius et les islamistes d’Al-Qaïda “qui font du bon boulot sur le terrain”

Saturday 14 November 2015 at 19:55

Je sors cet effarant article du Monde du 13/12/2012, réservé aux abonnés – indispensable à l’information du public.

Un rappel des protagonistes de la guerre en Syrie se trouve ici.

Rappelons enfin que les “gentils rebelles” de la Coalition nationale syrienne citée ici sont composés en majorité des frères musulmans et des conservateurs islamistes (source).

Observez-bien les dates dans cet article.

Pression militaire et succès diplomatique pour les rebelles syriens (13/12/2012)

LE MONDE | 13.12.2012 | Par Isabelle Mandraud (avec Gilles Paris)

Les opposants au régime de Bachar Al-Assad ne cessent de marquer des points. Sur le terrain, alors qu’un attentat a frappé, mercredi 12 décembre, le ministère de l’intérieur, à Damas, leur pression semble contraindre l’armée loyaliste à recourir pour la première fois depuis le début du soulèvement, en mars 2011, à des missiles balistiques.

C’est en tout cas ce qu’a déclaré, mercredi, le département d’Etat américain. “Je ne suis pas en mesure de confirmer quel type de missile, mais dis simplement que nous voyons actuellement que des missiles sont employés”, a déclaré la porte-parole de la diplomatie américaine, interrogée à propos d’une information du New York Times, affirmant que le régime de Damas avait tiré des missiles Scud sur les forces de l’opposition syrienne.

A Bruxelles, un responsable de l’OTAN, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a confirmé le recours à ces armes : “Les renseignements alliés, les équipements de surveillance et de reconnaissance ont détecté le tir d’un certain nombre de missiles balistiques sans guidage et de courte portée cette semaine à l’intérieur de la Syrie.” Plus précis, il a assuré que “les trajectoires et les distances parcourues indiquent qu’il s’agissait de missiles Scud”.

TOUTE UNE SÉRIE DE DÉCISIONS  SUR LE PLAN HUMANITAIRE

C’est cependant sur le terrain diplomatique que l’opposition syrienne a engrangé cette semaine les résultats les plus probants. Réunis à Marrakech, mercredi, le groupe des “Amis de la Syrie”, qui rassemble plus d’une centaine de pays occidentaux et arabes, organisations internationales et représentants de l’opposition syrienne, a formellement reconnu la Coalition nationale de l’opposition syrienne comme “seule représentante” des Syriens, à la suite de la France, du Royaume-Uni, et des Etats-Unis.

Présent à Marrakech, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, s’est félicité de cette décision : “Créée il y a un mois, la Coalition nationale syrienne, qui réunit l’opposition et que la France a été la première à reconnaître, est aujourd’hui reconnue par plus de cent pays comme la seule représentante légitime du peuple syrien. C’est très important pour le peuple syrien.” “En plus, il y a toute une série de décisions qui ont été prises sur le plan humanitaire avec des apports de fonds importants, notamment de l’Arabie saoudite, qui a offert 100 millions de dollars pour aider la population syrienne”, a précisé le ministre.

“Nous avons eu le témoignage du nouveau président de la Coalition nationale syrienne, qui a beaucoup insisté sur le fait que, dans le futur gouvernement, toutes les communautés syriennes, majoritaires ou minoritaires, seront respectées, a ajouté M. Fabius.C’est un jour important. Il reste encore beaucoup de souffrance et beaucoup de travail pour que M. Bachar Al-Assad “dégage”, comme on dit maintenant. Je pense que c’est un jour d’espoir pour le peuple syrien.”

“EMBARGO MILITAIRE POUR TROIS MOIS, ET NON PLUS UN AN”

En revanche, la décision des Etats-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que“tous les Arabes étaient vent debout” contre la position américaine, “parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot”“C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne”, a ajouté le ministre.

La reconnaissance de l’opposition va-t-elle s’accompagner d’un soutien militaire, comme cette dernière le demande depuis le basculement du régime dans une répression tous azimuts ? “La décision a été prise de l’embargo militaire pour trois mois et non plus pour un an, comme c’était le cas jusqu’à présent”, a précisé M. Fabius. Une réflexion va être engagée “en concertation avec les Britanniques (…), mais nous allons regarder ça de près, car il ne s’agirait pas non plus que ces armes se retrouvent ensuite au nord du Mali.Tout cela sera discuté avec le futur ministre de la défense, qui sera notre référent”, mais qui n’a pas encore été désigné.

La double pression armée et diplomatique va-t-elle précipiter la chute de Bachar Al-Assad ? “Certains disent qu’il n’a plus d’argent, mais moi je n’en sais rien”, a indiqué Laurent Fabius.

Isabelle Mandraud (avec Gilles Paris), Le Monde

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Je le remets en image :

fabius bon boulot nosra

Bien.

On a donc notre ministre qui, lorsqu’on lui dit qu’une organisation vient d’être classée par les Américains comme terroriste, répond : “je ne comprends pas, mes nouveaux amis syriens démocrates sont vent debout et me disent qu’ils font du bon boulot”.

Il faut le faire – ce ne sont pas (que) des clowns sur ce sujet les Américains.

Je rappelle que tout devient très clair quand, comme indiqué, on sait que ces “amis” sont en majorité des frères musulmans et des conservateurs islamistes (source).

Le pompon : ce sont ces gens là qui sont depuis février 2012 pour la France les représentants officiels de la Syrie – alors qu’ils sont désavoués par tout le monde, y compris les restes de l’Armée syrienne libre

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Mais en rédigeant ce papier, j’ai creusé, en allant voir le détail de la classification par les États-Unis. Et ce n’est pas triste :

Classement comme organisation terroriste du Front al-Nosra en tant que pseudonyme d’Al-Qaïda en Irak, 11/12/2012

Donc le 11 décembre 2012, les États-Unis ne classent pas Al-Nosra comme une nouvelle organisation terroriste, ils indiquent que c’est simplement un pseudonyme pour Al-Qaïda en Syrie !

Et ils rappellent que le “bon boulot”, c’est 600 attaques, dont 40 suicides… Comme le 9 mai 2012 à Damas, 55 morts :

fabius bon boulot nosra

fabius bon boulot nosra

A cette époque, mai 2012, on sait que ce sont des barbares :

fabius bon boulot nosra

Tout ceci s’éclairera 3 mois plus tard : le 9 avril 2013, Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l’État islamique d’Irak (EII), révèle le parrainage du Front al-Nosra par son organisation, caché jusqu’ici pour des raisons stratégiques et de sécurité selon lui, et le choix de Abou Mohammad Al-Joulani pour le diriger. Le Front al-Nosra et l’EII sont alors fédérés sous l’appellation « État islamique en Irak et au Levant » (EIIL). Mais Al-Joulani ne répond pas favorablement à l’appel d’al-Baghdadi, bien qu’il reconnaisse avoir combattu sous ses ordres en Irak, puis avoir bénéficié de son aide en Syrie. Finalement le chef d’Al-Nosra prête serment d’allégeance non par à l’EIIL mais à Ayman al-Zawahiri, émir d’Al-Qaïda. (Wikipedia)

Mais bon, il n’a peut-être pas Internet Fabius…

Mais il a en tous cas de drôles d’amis, et de drôles de conseillers…

Source: http://www.les-crises.fr/fabius-et-les-islamistes-d-al-qaida-qui-font-du-bon-boulot/


“Les États occidentaux ne peuvent combattre le jihadisme en soutenant ses parrains pétromonarchiques !”, par Maxime Chaix

Saturday 14 November 2015 at 17:32

Source : Maxime Chaix – qui a durement travaillé ces dernières années pour nous alerter sur les graves dérives pro-islamistes de nos dirigeants…

Maxime Chaix, 13/11/2015 – Source : maximechaix.info

En deuil et en colère. 

Depuis plusieurs années, j’ai pu comprendre, étayer et documenter le fait que les réseaux jihadistes sont non seulement des ennemis mortels des peuples à travers le monde, mais qu’ils sont aussi des forces clandestinement utilisées par les États occidentaux et leurs alliés du golfe Persique dans la satisfaction d’intérêts profonds inavouables. En mars dernier, dans un important article intitulé « L’État islamique, cancer du capitalisme moderne », Nafeez Ahmed avait résumé cette instrumentalisation récurrente de milices jihadistes par les principales puissances de l’OTAN et leurs partenaires afin de déstabiliser l’Afghanistan, la Bosnie, le Kosovo, la Libye puis la Syrie. Comme l’a souligné le journaliste Marc de Miramon dans L’Humanité en juillet 2015, « [p]our Alain Chouet, ancien chef du service de renseignements de sécurité à la DGSE, la “guerre de civilisation” et celle contre le “terrorisme” brandies par le gouvernement [français] comme par l’opposition de droite constituent une imposture qui en masque une autre, celle de l’alliance militaire entre les pays occidentaux et les parrains financiers du djihad. » Dans le contexte de cette interview, Alain Chouet désignait les pétromonarchies wahhabites, essentiellement l’Arabie saoudite et le Qatar, auxquelles la France vend des armements sophistiqués malgré leur soutien notoire aux principaux réseaux jihadistes – et pas seulement en Syrie. Soulignons-le : Monsieur Chouet est un ancien officier de renseignement qui a travaillé de nombreuses années en tant que chef du contre-terrorisme à la DGSE, les services secrets extérieurs français. Cet homme plus que tout autre sait de quoi il parle lorsqu’il affirme que nos « alliés » du Golfe sont « les parrains financiers du djihad ». Ainsi, son constat est aussi alarmant que révoltant en ce funeste 13-Novembre, dans notre France déjà meurtrie par les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher et de Montrouge.

En janvier 2015, à la suite de ces attentats abominables, j’avais écrit dans un élan de rage et de tristesse que « notre actuel ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a ouvertement soutenu en décembre 2012 le Front al-Nosra – c’est-à-dire la branche “syrienne” d’al-Qaïda. [À cette époque, cette organisation incluait Daech, ces deux factions s’étant séparées en avril 2013]. (…) [S]elon les informations du journal Le Monde, “la décision des États-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition [en Syrie]. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que “tous les Arabes étaient vent debout” contre la position américaine, “parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot”. “C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne”, a ajouté le ministre.” (…) Plus grave encore : en août 2014, le journal Le Monde a révélé que le Président Hollande avait ordonné aux services spéciaux français de livrer clandestinement des armes de guerre à des rebelles “modérés” en Syrie – ce qui est contraire à la Charte des Nations Unies [et à l’embargo sur les armes alors en vigueur]. Malheureusement, il s’est avéré [que, selon le Canard Enchaîné du 21 janvier 2015la plupart] des armements livrés par les services français sont – d’une manière ou d’une autre – tombés entre les mains de groupes jihadistes, qui se réjouissent aujourd’hui de la vague d’attentats qui déstabilise la France en profondeur. » Et l’État français n’est pas le seul fautif dans ce fiasco syrien. Selon l’expert Joshua Landis, « entre 60 et 80 % des armes que les États-Unis ont introduites en Syrie [depuis 2011] sont allées à al-Qaïda et les groupes qui lui sont affiliés ».

À partir de l’année 2014, deux parlementaires de l’opposition ont successivement dénoncé le rôle trouble des services spéciaux français dans ce conflit, l’un d’entre eux ayant même déclaré en juin 2015 sur La Chaîne Parlementaire que « la France soutient al-Qaïda en Syrie ». En effet, d’après le député Claude Goasguen, « la France [appuie] des rebelles syriens, qui sont soi-disant des rebelles démocrates. (…) Qui a récupéré les rebelles syriens démocrates ? [Le Front] al-Nosra. Qu’est-ce que c’est qu’al-Nosra, al-Nosra c’est pas al-Qaïda ? (…) [C]ertains rebelles ont été récupérés par al-Qaïda avec des armes françaises[.] (…) Monsieur [le député (PS) Olivier Dussopt], nous continuons à fournir des armes à al-Nosra, par l’intermédiaire des rebelles syriens ! Je le dis, je l’ai dit à Monsieur le Drian en Commission de la Défense, je l’ai dit à Monsieur Fabius, comme tous les autres députés [sic]. Il va falloir éclairer tout ça ! L’attitude de la France en Syrie n’est pas nette ! » Comme je l’avais souligné à l’époque, ces révélations fracassantes du député Goasguen ont été quasiment ignorées par les médias français. J’avais également relevé le fait que ce « député LR accus[ait] l’actuel gouvernement de soutenir al-Qaïda en Syrie (Front al-Nosra), alors que la majorité précédente, dont il est issu, s’était accommodée du fait qu’al-Qaïda en Libye (GICL) avait été intégrée aux opérations de l’OTAN ! Voila à quel niveau notre État s’est abaissé, depuis quelques années, dans sa post-“politique arabe de la France”. Néanmoins, même en cas de changement de majorité, le prochain gouvernement continuera certainement de vendre des armements sophistiqués au Qatar et à l’Arabie saoudite – qui restent les principaux soutiens du jihadisme à travers le monde. »

Plus globalement, depuis le 11-Septembre, les intérêts profonds évoqués au début de cet article représentent un nombre inestimable de milliards de dollars de bénéfices pour différentes entreprises privées, principalement générés par la soi-disant « guerre “contre” le terrorisme ». Financées à perte par les contribuables occidentaux, ces interventions militaires catastrophiques et meurtrières ont engendré d’immenses profits pour les multinationales impliquées dans ce désastre mondial – tout en déstabilisant le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie centrale au point que les groupes extrémistes qui y sévissent aujourd’hui semblent inarrêtables. La catastrophe qu’a constitué jusqu’à présent cette soi-disant « guerre “contre” le terrorisme » est sans précédent : elle aurait tué au moins 1,3 millions de civils rien qu’en Irak et en « AfPak » depuis 2001, les foyers jihadistes se sont multipliés à travers le monde, et tant Daech qu’al-Qaïda semblent plus menaçants, fanatiques et enracinés que jamais. Affirmons-le clairement : dans le monde occidental, ce fléau jihadiste justifie des guerres à la légalité, à l’efficacité et à la légitimité douteuses, tout en accélérant un basculement autoritaire de nos États – ce qui s’est notamment traduit en France par la dangereuse « loi Renseignement ». À l’heure où j’écris ces lignes, le Président Hollande vient de décréter l’état d’urgence national, et nul doute qu’un durcissement sécuritaire majeur est en vue – sans parler d’une escalade militaire qui aggravera certainement ces conflits trop lointains et complexes pour que les citoyens s’y opposent. Au vu de l’échec retentissant de la « guerre globale “contre” le terrorisme », il serait peut-être temps de réfléchir collectivement à son utilité, au lieu de céder à la tentation de répondre à la violence par la violence.

Néanmoins, ces guerres auto-génératrices ne doivent plus masquer une réalité aussi cruelle que scandaleuse : depuis la fin des années 1970, des puissances occidentales majeures et leurs alliés du Golfe ont soutenu l’essor des principaux réseaux islamistes à travers le monde, que ce soit de manière directe ou non selon les circonstances et les acteurs concernés. En octobre 2015, après qu’une parlementaire états-unienne ait dénoncé sur CNN le soutien d’al-Qaïda par la CIA pour renverser Bachar el-Assad, un ancien officier de la CIA spécialisé dans le contreterrorisme m’a confirmé la collaboration de l’Agence avec cette nébuleuse terroriste pour faire tomber le gouvernement syrien. Récemment, j’ai étudié en profondeur l’implication massive et clandestinedes services spéciaux occidentaux et moyen-orientaux dans le soutien de réseaux jihadistes combattant le régime el-Assad, dont la branche « syrienne » d’al-Qaïda. Insistons sur ce point : cet engagement clandestin de l’Agence et de ses alliés contre le gouvernement syrien implique militairement la France. En effet, en la comparant à la guerre secrète de la CIA en Afghanistan, l’éditorialiste du Point Michel Colomès a récemment écrit que les « Américains et [les] Français, depuis l’entrée de la Russie dans la guerre syrienne, fournissent des armes à des islamistes réputés fréquentables. Ils ont la mémoire courte ». D’autres « islamistes réputés fréquentables » qui seraient revenus de Syrie sont-ils à l’origine de ces terribles attentats du 13-Novembre ? Il est encore trop tôt pour répondre à cette question, mais il est clair que ces terroristes ont agi de façon coordonnée selon un mode opératoire clairement militarisé et jihadiste – deux, voire trois kamikazes ayant actionné leurs bombes devant notre Stade de France, symbole de l’unité, de la liesse populaire et du rassemblement.

Dans notre pays meurtri par ce funeste 13-Novembre, le fait que le gouvernement français soutienne des jihadistes à l’étranger, et qu’il commerce sereinement avec leurs principaux parrains étatiques est grave, dangereux et inacceptable ! Aucune raison d’État, aucun intérêt supérieur, aucun impératif économique, diplomatique ou géopolitique ne peuvent le justifier. Ce constat doit susciter la mobilisation générale de tous les citoyens français. Nous devons faire pression sur notre gouvernement afin qu’il cesse d’armer et de soutenir les États qui répandent le fléau jihadiste à travers le monde depuis des décennies, au premier rang desquels l’Arabie saoudite et le Qatar. En effet, comme l’avait déclaré Alain Chouet dans l’interview citée au début de cet article, « ce que nous appelons “salafisme”, en arabe, cela s’appelle “wahhabisme”. Et là nous sommes à contre-emploi de manière systématique et dans toutes les situations d’affrontement militaire, puisqu’au Moyen-Orient, au Sahel, en Somalie, au Nigeria, etc., nous sommes alliés avec ceux qui sponsorisent depuis trente ans le phénomène terroriste. »

Mes chers compatriotes, je vous remercie d’envoyer massivement cet article au Président de notreRépublique, à nos élus et à votre entourage, puisque l’État français et ses alliés occidentaux ne peuvent combattre le fléau jihadiste en soutenant ses parrains du golfe Persique. Ils ne pourront pas non plus lutter efficacement contre le terrorisme s’ils appuient clandestinement des réseaux islamistes pour renverser des gouvernements étrangers, comme en Libye puis en Syrie. Mobilisons-nous pour mettre en échec ces politiques profondes dangereuses et inacceptables !

Maxime Chaix, 13/11/2015 – Source : maximechaix.info

Source: http://www.les-crises.fr/les-etats-occidentaux-ne-peuvent-combattre-le-jihadisme-en-soutenant-ses-parrains-petromonarchiques-par-maxime-chaix/


Pierre Conesa : “C’est nous qui avons déclaré la guerre !”

Saturday 14 November 2015 at 14:15

La réaction de Pierre Conesa hier soir :

Pierre Conesa est ancien haut fonctionnaire du Ministère de la Défense (France).

Spécialiste des questions stratégiques internationales et en particulier militaires. Pierre Conesa est un praticien des relations internationales et stratégiques qu’il a pratiqué pendant une vingtaine d’années au ministère de la Défense dans différents services (autres qu’administratifs). Il a été à la création de la Délégation aux Affaires stratégiques comme sous directeur Questions régionales puis comme Adjoint au Directeur. Il a été rédacteur du Premier plan stratégique de soutien aux exportations d’armements, Adjoint au Directeur des Relations internationales de la Délégation Générale à l’Armement chargé de la politique d’exportations, puis chargé auprès du CEMA d’un rapport sur le Renseignement d’Intérêt militaire. Il a conçu le Campus de Défense de l’Ecole militaire. Il a dirigé pendant les huit dernières années un important cabinet d’Intelligence économique.

Il est par ailleurs maître de conférences à Sciences Po et à l’ENA. Il est également consultant pour France 24, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica.

Source: http://www.les-crises.fr/pierre-conesa-cest-nous-qui-avons-declare-la-guerre/


La France a fourni des armes aux islamistes syriens dès 2012, avoue François Hollande dans un livre

Saturday 14 November 2015 at 01:22

Bravo, c’était important d’envoyer des armes à des islamistes pour combattre Assad, qui ne nous avait jamais rien fait…

J’espère que ce soir au Bataclan, devant les victimes, Hollande a médité sur sa décision et sa politique depuis lors…

La France a fourni des armes à la révolution syrienne dès 2012

Source : Robin Ferner, pour Slate.fr, le 6 mai 2015

François Hollande avec Khaled Khodja, président de la coalition nationale syrienne. REUTERS/ Philippe Wojazer

François Hollande avec Khaled Khodja, président de la coalition nationale syrienne.

OB : coalition nationale syrienne, gangrénée par les Frères musulmans…

Le président français s’est confié au journaliste Xavier Panon, qui révèle que François Hollande a décidé de livrer des armes lourdes aux rebelles syriens, malgré l’embargo européen.

La France a fourni des armes à des groupes rebelles syriens dès 2012 alors que l’Union européenne avait imposé un embargo sur de telles livraisons. Et c’est le président Hollande qui le dit lui-même dans un livre à paraître le 13 mai aux Editions de l’Archipel, intitulé Dans les coulisses de la diplomatie française, de Sarkozy à Hollande, écrit par le journaliste Xavier Panon.

«Nous avons commencé quand nous avons eu la certitude qu’elles iraient dans des mains sûres», explique le chef de l’Etat à l’auteur du livre, en mai 2014. Les livraisons ont débuté dès la fin de l’année 2012, alors que l’embargo européen, établi à l’été 2011, est toujours en vigueur. Il ne sera levé qu’à la fin du mois de mai 2013.

Ce cavalier seul contraint l’Elysée à la prudence. Officiellement, la France se contente d’envoyer de l’équipement non-létal: gilets pare-balles, outils de communication cryptée, masques contre les armes chimiques, lunettes nocturnes. Mais c’est un tout autre matériel qu’elle dépêche sur place: canons de 20 mm, mitrailleuses, lance-roquettes, missiles anti-chars. Seuls les missiles anti-aériens restent tabous. François Hollande n’en enverra pas car ils s’avéreraient trop dangereux si des djihadistes venaient à s’en emparer.

Mille et une précautions

Les armes sont envoyées grâce aux soins de la DGSE (la Direction générale de la sécurité extérieure). Les Français marchent sur des œufs car il s’agit de s’assurer que les armes parviendront à la bonne destination… et que ces transferts ne seront pas surpris en flagrant délit par la communauté internationale. Les dates de livraison sont donc très irrégulières et les précautions nombreuses.

Il faut, tout d’abord, trouver des fournisseurs discrets, effacer les marques de la provenance des armes avant leur départ. Et puis, comment être certain qu’elles seront bien réceptionnées à l’arrivée par des hommes de l’armée syrienne libre, alors dirigée par le général Sélim Idriss, interlocuteur privilégié de l’Elysée? Les services français utilisent leurs propres réseaux, les autres leur paraissant moins fiables.

Sur la scène publique, la France s’enferre dans une valse-hésitation sur la question des armes. Une fois, le 15 mars 2013, l’Elysée tente de lever l’embargo européen et d’entraîner ses partenaires à envoyer des armes mais le 28, François Hollande rétropédale:

«Nous ne fournirons pas d’armes tant que nous n’avons pas la certitude que ces armes seront utilisées par des opposants légitimes et coupés de toute emprise terroriste.»

Si la diplomatie française est aussi embarrassée, c’est qu’elle se heurte aux atermoiements de ses alliés européens, mais aussi des Etats-Unis peu désireux de prendre part à un nouveau conflit au Moyen-Orient. D’autant que celui-ci devient de moins en moins lisible au fil des mois, au fur et à mesure de la montée en puissance des groupes djihadistes. L’affirmation sur le front anti-Bachar el-Assad d’islamistes radicaux comme les soldats deJabhat Al-Nosra par exemple fragilise la position française: il est désormais quasi impossible d’assumer la livraison d’armes en Syrie alors que ce sont les djihadistes qui tendent à incarner la révolution syrienne.

Dans son livre, Xavier Panon transcrit les propos d’un responsable du Quai d’Orsay:

«François Hollande et son ministre ont été bien imprudents sur la Syrie et l’embargo. Faute d’avoir la capacité d’influer réellement sur le rapport de forces, la posture reste morale. Or, la morale est rarement bonne inspiratrice en politique étrangère. Livrer des armes sans garantie de destination, c’est être cobelligérant. Il y a davantage de raisons de ne pas le faire que de le faire.»

L’action de la France semble, de toute façon, avoir eu peu de portée sur le terrain. En 2015, la Syrie est toujours enlisée dans une guerre meurtrière. Un conseiller de l’Elysée admet auprès de Xavier Panon:

«Oui, nous fournissons ce dont ils ont besoin, mais dans la limite de nos moyens et en fonction de notre évaluation de la situation. Dans la clandestinité, vous ne pouvez agir qu’à petite échelle. À moyens limités, objectifs limités. Au final, est-ce que notre aide permettra à la révolution de gagner? Non.»

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Comment et pourquoi la France a livré des armes aux rebelles en Syrie

Source : Le Monde.fr | 21.08.2014 Par Benjamin Barthe, Cyril Bensimon et Yves-Michel Riols

Le voile se lève doucement sur l’un des secrets les mieux gardés de la présidence Hollande : l’armement des rebelles syriens par la France. Après que le président de la république a reconnu, mardi 19 août, pour la première fois, dans une interview au Monde, l’existence de ces livraisons, de hauts responsables français ont confié au Monde quelques détails supplémentaires.

Selon une source officielle, plusieurs livraisons ont été effectuées l’an dernier par des voies clandestines. Le matériel comprenait notamment des mitrailleuses de calibre 12.7 mm, des lance-roquettes, des gilets pare-balles, des jumelles de visée nocturne et des moyens de communication, mais aucun « équipement qui aurait pu se retourner contre nous », tels que des explosifs. D’après cet interlocuteur, qui souhaite conserver l’anonymat, ces livraisons sont assez identiques à celles qui sont faites actuellement aux combattants kurdes des peshmergas. « Il s’agit d’armements immédiatement utilisables, qui ne nécessitent ni formation ni maintenance », dit-il.

L’ARMÉE SYRIENNE LIBRE, SEULE BÉNÉFICIAIRE

Seules les brigades affiliées à l’Armée syrienne libre (ASL), la branche modérée de l’insurrection anti-Assad, ont bénéficié de cette aide. Selon une source diplomatique, le Front islamique, une coalition de groupes armés d’inspiration islamiste, voire salafiste pour certains, n’a reçu aucune arme française.

Il est difficile de dater avec précision les premières livraisons, qui remonteraient, selon toute vraisemblance, à l’hiver ou au printemps 2013. Préalablement, les autorités françaises avaient élaboré une cartographie des groupes rebelles, en partenariat avec le général Salim Idriss, alors chef de l’ASL. Une mesure destinée à éviter que des armes françaises ne tombent dans de « mauvaises mains », à savoir des groupes djihadistes ou salafistes, en plein essor à l’époque. La traçabilité des armes a été testée à blanc lors de l’acheminement d’équipement non létal, comme des kits médicaux et des rations halal, jusqu’à des brigades de l’ASL.

Les livraisons s’accélèrent dans le courant de l’été 2013, après que l’Union européenne, le 29 mai, sous la pression de Paris et de Londres, eut décidé de lever son embargo sur les armes à destination de la Syrie. Deux mois plus tôt, François Hollande a laissé entendre que la France est de toute façon prête à armer les opposants au régime d’Assad, même en l’absence de consensus européen. « Si d’aventure, il devait y avoir un blocage d’un ou deux pays, alors la France prendrait ses responsabilité », déclare-t-il le 14 mars à l’issue d’un sommet à Bruxelles.

« RAMER DANS LE MÊME BATEAU »

La réunion du groupe des Amis de la Syrie, à Doha, au Qatar, le 22 juin, marque une étape importante. En réponse aux demandes pressantes de la Coalition nationale syrienne, la vitrine politique de l’opposition syrienne, ses parrains occidentaux et arabes se mettent d’accord sur un accroissement de l’aide militaire aux insurgés et sur une répartition des rôles dans cette perspective. « Il est urgent de fournir tout le matériel et l’équipement à l’opposition sur le terrain, chaque pays à sa façon », souligne le communiqué final. Le texte précise que tout « soutien militaire » doit transiter par l’Armée syrienne libre, dirigée par le général Idriss. « Une façon de dire aux Qataris et aux Saoudiens qu’ils doivent maintenant ramer dans le même bateau et ne plus soutenir des groupes rivaux de la rébellion », relève alors un proche du dossier.

A l’époque, un sentiment d’urgence anime les pays membres des Amis de la Syrie. Le 4 juin, à la suite de l’analyse d’un échantillon rapporté de la banlieue de Damas par un reporter du Monde, Paris a formellement accusé le régime syrien d’employer des armes chimiques contre ses adversaires. Il s’agit alors d’usages à faible dose, très différents de l’attaque au sarin du 21 août, qui allait faire des centaines de morts. Mais c’est déjà un franchissement de « la ligne rouge » fixée par les grandes capitales occidentales, et les autorités françaises estiment nécessaire de réagir. L’autre facteur déterminant dans la décision de Paris de contribuer à l’armement des rebelles tient à l’approche de la conférence de paix de Genève 2, réunissant représentants du régime et de la CNS. Paris et ses partenaires pensent qu’il est important de renforcer les capacités militaires de l’opposition, de façon à ce qu’elle n’arrive pas à la table des négociations dans une position de trop grande faiblesse.

LES LIVRAISONS D’ARMES N’ONT PAS CESSÉ

Des combattants de l’Armée syrienne libre, en avril 2013, à Alep.

Des combattants de l’Armée syrienne libre, en avril 2013, à Alep. Martin Forster/NurPhoto

Tous ses calculs ont fait long feu. « Genève 2 » a eu lieu en janvier-février 2014, sans le moindre résultat. Les efforts de structuration de l’ASL, engagée par le général Idriss, n’ont pas vraiment porté leurs fruits. En décembre 2013, des dépôts d’armes de l’ASL à la frontière syro-turque ont même été pillés par des combattants du Front islamique. Tandis que le régime se lançait dans une contre-offensive à Homs et autour de Damas, les rebelles islamistes prenaient l’ascendant sur leurs rivaux nationalistes dans le Nord. Autant d’événements qui ont dissuadé les autorités française d’amplifier leurs efforts. « C’est sûr que ces difficultés ne nous ont pas vraiment encouragés à aller plus loin », confie un diplomate.

Si l’on en croit les déclarations de François Hollande jeudi 21 août, les livraisons d’armes n’ont cependant pas cessé. L’ASL en a d’autant plus besoin qu’elle est désormais prise en tenaille dans le nord de la Syrie par les forces du régime d’un côté et par les combattants ultraradicaux de l’Etat islamique de l’autre.

« Nous ne devons pas relâcher le soutien que nous avions accordé à ces rebelles qui sont les seuls à participer à l’esprit démocratique », a déclaré le président français devant la presse, lors d’un déplacement dans le Sud. La France, a-t-il toutefois ajouté, ne peut « pas le faire seule » et « ça se fait en bonne intelligence avec l’Europe et les Américains ».

Source : Robin Ferner, pour Slate.fr, le 6 mai 2015

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Ici, un islamiste de la brigade salafiste Ahrar al-Sham avec un missile Milan français :

Source: http://www.les-crises.fr/la-france-a-fourni-des-armes-aux-islamistes-syriens-des-2012-2/