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Luz : “Tout le monde nous regarde, on est devenu des symboles”

Tuesday 13 January 2015 at 03:20

Luz après l’incendie criminel qui a dévasté les locaux de Charlie Hebdo en 2011 (capture d’écran)

Une exécution collective a décimé la rédaction de Charlie Hebdo. Face à l’horreur, le slogan Je suis Charlie est devenu l’étendard de la liberté et de la résistance à l’obscurantisme. Luz, dessinateur emblématique de l’hebdo, prend la parole pour la première fois, au lendemain de la mort de ses amis et à la veille du grand rassemblement de dimanche.

Luz dessine à Charlie Hebdo depuis vingt ans. Il doit la vie au fait d’être né un 7 janvier, et d’être arrivé à la bourre pour la conférence de rédaction de l’hebdomadaire satirique. Il participe avec les autres “survivants” à la fabrication du numéro de Charlie Hebdo qui sortira le 14 janvier, et qui sera exceptionnellement tiré à un million d’exemplaires. Aujourd’hui, comme hier, il se rendra dans les locaux de Libération, qui abritent la rédaction, pour discuter des angles, des sujets, de la couverture. Avec d’autres dessinateurs, il ira croquer le grand rassemblement républicain de dimanche. Au lendemain de l’attaque terroriste qui a coûté la vie à ses amis, ses mentors, sa famille, Luz nous confie ses doutes, ses craintes et sa colère. Dévasté par le chagrin, il s’interroge sur la possibilité de dessiner encore après ce terrible 7 janvier 2015 et livre un témoignage à contre-courant. (This interview is also available in english)

La sortie de Charlie Hebdo mercredi prochain est devenu un enjeu national et politique. Comment vivre cette responsabilité dans ces terribles conditions ?

Luz – Quand j’ai commencé le dessin, j’ai toujours considéré qu’on était protégé par le fait qu’on faisait des petits Mickey. Avec les morts, la fusillade, la violence, tout a changé de nature. Tout le monde nous regarde, on est devenu des symboles, tout comme nos dessins. L’Humanité a titré en Une “C’est la liberté qu’on assassine” au dessus de la reproduction de ma couverture sur Houellebecq qui, même si il y a un peu de fond, est une connerie sur Houellebecq. On fait porter sur nos épaules une charge symbolique qui n’existe pas dans nos dessins et qui nous dépasse un peu. Je fais partie des gens qui ont du mal avec ça.

Qu’entends-tu par “charge symbolique” ?

En 2007, avec la publication des caricatures de Mahomet du journal danois Jyllands-Posten, on était soit des provocateurs, soit des chevaliers blancs de la liberté de la presse. En 2011, quand les locaux ont été incendiés, on était de nouveau des chevaliers blancs. En 2012, à l’occasion de la sortie d’un film complètement con sur les musulmans (L’Innocence des musulmans), on dessine Mahomet à l’intérieur de Charlie, comme d’habitude. On redevient alors de dangereux provocateurs qui font fermer des ambassades et terrorisent les Français de l’étranger. Les médias ont fait une montagne de nos dessins alors qu’au regard du monde on est un putain de fanzine, un petit fanzine de lycéen. Ce fanzine est devenu un symbole national et international, mais ce sont des gens qui ont été assassinés, pas la liberté d’expression ! Des gens qui faisaient des petits dessins dans leur coin.

Tu veux dire que la nature de la caricature a changé ?

Depuis la publication des caricatures de Mahomet, la nature irresponsable de la caricature a progressivement disparue. Depuis 2007, nos dessins sont lus au premier degré. Des gens ou des dessinateurs, comme Plantu, estiment qu’on ne peut pas faire de dessins sur Mahomet à cause de leur visibilité mondiale liée à Internet. Il faudrait faire attention à ce qu’on fait en France parce qu’on peut faire réagir à Kuala Lumpur ou ailleurs. Et ça, c’est insupportable.

Pourquoi ?

Depuis 2007, Charlie est regardé sous l’angle de la responsabilité. Chaque dessin a la possibilité d’être lu sous l’angle d’enjeux géopolitique ou de politique intérieure. On met sur nos épaules la responsabilité de ces enjeux. Or on est un journal, on l’achète, on l’ouvre et on le referme. Si des gens postent nos dessins sur Internet, si des médias mettent en avant certains dessins, ce sont leur responsabilité. Pas la nôtre.

Sauf que c’est absolument l’inverse qui se passe.

On doit porter une responsabilité symbolique qui n’est pas inscrite dans le dessin de Charlie. A la différence des anglo-saxons ou de Plantu, Charlie se bat contre le symbolisme. Les colombes de la paix et autres métaphores du monde en guerre, ce n’est pas notre truc. On travaille sur des points de détails, des points précis liés à l’humour français, à nos analyses de petits Français.

Des dessins parfois crasses ou punk…

Parfois cucul la praline, parfois craspouille, punk effectivement. Parfois c’est raté, parfois c’est juste beau. Charlie est la somme de personnes très différentes les unes des autres qui font des petits dessins. La nature du dessin changeait en fonction de la patte de son dessinateur, de son style, de son passé politique pour les uns, ou artistique pour les autres. Mais cette humilité et cette diversité de regards n’existent plus. Chaque dessin est vu comme si il était fait par chacun d’entre nous. Au final, la charge symbolique actuelle est tout ce contre quoi Charlie a toujours travaillé : détruire les symboles, faire tomber les tabous, mettre à plat les fantasmes. C’est formidable que les gens nous soutiennent mais on est dans un contre-sens de ce que sont les dessins de Charlie.

Vous êtes devenus les étendards de l’unité nationale.

Cet unanimisme est utile à Hollande pour ressouder la nation. Il est utile à Marine Le Pen pour demander la peine de mort. Le symbolisme au sens large, tout le monde peut en faire n’importe quoi. Même Poutine pourrait être d’accord avec une colombe de la paix. Or, précisément, les dessins de Charlie, tu ne pouvais pas en faire n’importe quoi. Quand on se moque avec précision des obscurantismes, quand on ridiculise des attitudes politiques, on n’est pas dans le symbole. Charb, que je considère comme le Reiser de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, parlait de la société. Il dessinait ce qu’il y avait sous le vernis, des gens avec un gros nez, un peu moches. Là, on est sous une énorme chape de vernis et ça va être difficile pour moi.

C’est-à-dire ?

Est-ce vraiment le moment de faire Charlie alors qu’on est dans l’émotion ? Est ce opportun de le faire vite pour répondre à la symbolique de l’attentat ? Ce sont des questions que je pose. Répondre à la symbolique par la symbolique, ce n’est pas Charlie. Cette nuit, j’ai pensé à un dessin que je ne ferais certainement pas : une trace sur le sol pour montrer l’emplacement des victimes, avec une lunette dans un coin et juste une bulle qui dit “hahaha”, le tout sur fond noir. Ce n’est pas une super idée, parce que c’est l’idée que la symbolique m’impose.

La question que tu poses c’est “comment encore dessiner après ça?”

Oui. Et après ça, comment dessiner dans ce cadre-là. Dans ce Charlie fantasmé qui nous submerge.

Comment continuer Charlie Hebdo ?

La suite va être compliquée. Pour toutes les raisons que je viens de te donner et parce qu’on va être obligé de travailler sans les personnalités graphiques, politiques, éthiques et militantes de Charb, Tignous, Honoré et de tous les autres. Dans les moments difficiles où nous étions piégés par le fantasme de l’irresponsabilité, on s’en répartissait la charge. Aujourd’hui, reste Catherine, Willem, Coco et moi (et Riss blessé à l’épaule). Comment va-t-on se dépatouiller pour dépasser cette injonction symbolique avec quatre styles ? (Jul, qui avait quitté Charlie, les a rejoints pour participer au prochain numéro). Des gens nous proposent des dessins gratos. Mais est-ce qu’ils seront dans l’esprit Charlie ? L’esprit actuel existe depuis 22 ans. Ce journal existe grâce à la somme de ses personnalités.

As-tu toujours pensé qu’il fallait caricaturer le prophète ou, à un moment, as-tu eu le sentiment qu’un piège était en train de se refermer sur vous ?

Ce qui est marrant, c’est qu’on a continué à caricaturer Mahomet après 2007. Après la triple polémique 2007, 2011, 2012, Charb et Zineb El-Rhazoui ont même publié La vie de Mahomet en deux tomes. Cela n’a fait aucun bruit. On avait gagné. Charb voulait aller au bout de ce projet, droit dans ses chaussures de trekking (rires) et ses pantalons militaires tout moches qu’il aimait. Charb estimait qu’on pouvait continuer à faire tomber les tabous et les symboles. Sauf qu’aujourd’hui, nous somme le symbole. Comment détruire un symbole qui est soi-même ?

Je ne sais pas.

Moi non plus. Je ne trouverais pas la réponse cette semaine et je ne suis pas sûr de la trouver un jour. Nous allons sortir Charlie. Je vais me forcer. Je vais penser aux copains morts, mais qui ne sont pas tombés pour la France ! Aujourd’hui, on a l’impression que Charlie est tombé pour la liberté d’expression. Nos copains sont juste morts. Nos copains qu’on aimait et dont on admirait tellement le talent.

Jeannette Bougrab, la compagne de Charb, très émue, a estimé sur BFMTV qu’ils méritaient d’entrer au Panthéon.

Charlie c’est l’inverse. Et puis ça n’a pas changé grand chose pour Marie Curie d’entrer au Panthéon.

Cela fait une belle cérémonie…

Je n’étais pas à la manifestation spontanée du 7 janvier. Des gens ont chanté la Marseillaise. On parle de la mémoire de Charb, Tignous, Cabus, Honoré, Wolinski : ils auraient conchié ce genre d’attitude. Les gens s’expriment comme ils veulent mais il ne faut pas que la République ressemble à une pleureuse de la Corée du Nord. Ce serait dommage.

J’imagine que tu veux croquer le rassemblement de demain à cause de ce genre de considération ?

Je ne sais pas ce que ça va donner. On ne va pas en reportage avec ses a priori, on ressent et on fait avec ce qu’il y a. Il y aura certainement des belles choses, des pleurs, des joies et peut être des absurdités. En même temps, cela montrera le changement de nature de Charlie : ces gens qui nous soutiennent maintenant qu’on est mort, qui ne nous ont pas toujours lu, pas toujours suivi. Je ne leur en veux pas. On n’était pas là pour convaincre l’ensemble de la population.

En novembre dernier, Charb avait lancé un appel à souscription pour sauver Charlie. Vous étiez bien seuls…

On était tout seuls depuis un petit moment. Depuis la troisième affaire liée à Mahomet. Toutes ces histoires ont créé tellement de fantasmes sur la dangerosité de l’athéisme de Charlie, son islamophobie. On était juste de joyeux incroyants. Tous ceux qui sont morts étaient de joyeux incroyants. Et là, ils sont nulle part. Comme tout le monde.

Qu’est ce que tu penses du fait que Manuel Valls n’a pas convié Marine Le Pen au “rassemblement républicain” de demain ?

Je m’en branle.

Est ce que tu as l’impression qu’on essaie de récupérer Charlie ?

Honnêtement, qu’est ce que tu veux récupérer ? Après, il y a ce grand élan. Mais dans un an, que restera-t-il de ce grand élan plutôt progressiste sur la liberté d’expression ? Est ce qu’il va y avoir des aides à la presse particulières ? Est ce que des gens vont s’opposer à la fermeture des journaux ? Des kiosques ? Est ce que les gens vont acheter des journaux ? Que restera-t-il de cet élan ? Peut-être quelque chose. Mais peut-être rien.

Comment allez vous travailler ?

On va continuer à faire nos bonshommes. Notre boulot de dessinateur est de mettre le petit bonhomme au coeur du dessin, de traduire l’idée qu’on est tous des petits bonhommes et qu’on essaie de se démerder avec ça. C’est ça le dessin. Ceux qu’on a tué étaient juste des gens qui dessinaient des bonhommes. Et aussi des bonnes-femmes.

Et c’est beaucoup demander à des petits bonhommes de sauver la République ?

Exactement.

Propos recueillis par Anne Laffeter.

Source : Les Inrocks

Source: http://www.les-crises.fr/luz-tout-le-monde-nous-regarde-on-est-devenu-des-symboles/


Quand Netanyahou aide les antisémites…

Tuesday 13 January 2015 at 02:20

Faut le faire…

Désolé (c’est le problème avec les criminels de guerre d’extrême droite…), je pense pour ma part que les Juifs français ont bêtement leur “home” en France

“La France n’est pas votre Patrie”, il me semblait que c’était justement le discours des antisémites – et je ne pense pas qu’ils aient besoin de coup de main…

[PS : ami hébreuisant, pourrais tu me dire via le formulaire de contact quel mot exact il a employé en hébreux et son sens ? La presse a traduit ça par "foyer", mais "home" a de nombreux sens : "maison", "foyer", "chez soi", "patrie"... Merci]

La réponse de Valls :

Je ne trouve pas ce propos très fin venant du Premier Ministre, dans ce conteste, car reprenant la thématique de Netanyahou ayant l’air de faire une différence claire entre les Juifs et les Français…

Je ne me vois pas prononcer ceci – pour la bonne raison que ce sont des Français comme les autres, mais bon…

Un “La France a besoin de tous ses citoyens” aurait été un peu mieux, non ? Bref…

(bah, oui, Valls, l’icone naturelle de Charlie Hebdo !)

(P.S. vous le chassez du cortège si je me fais assassiner et qu’il se pointe, merci)

Je pense qu’il aurait été utile à l’unité nationale de rajouter un truc, genre #jesuisahmed (purée, le jour où il y aura tous les bobos qui iront défiler avec ça, on aura un peu progressé…) ou #jesuismusulman, puis un #jesuisfrançais, afin de lutter contre le VRAI risque, qui n’est pas sur la “liberté d’expression” (enfin, tant que les députés ne durciront pas la loi) mais l’islamophobie, entrainant de la haine en retour, entrainant de la haine en retour, etc…

Voire même, soyons fous puisqu’on aime la liberté d’expression et l’unité nationale, #jesuisjesuispascharlie

Soyons fraternels et luttons contre toutes les haines…

Source: http://www.les-crises.fr/quand-netanyahou-les-antisemites/


Comment je suis devenu millionnaire (et triste…)

Monday 12 January 2015 at 20:08

Eh non, je n’ai pas fait la péripatéticienne de la finance comme Macron, et les Russes ne m’ont pas versé 1 centime (et c’est très bien comme ça !!!)

Plus d’1 million de vues (1 089 000) pour l’article sur le boycott de la manifestation !

C’est tout simplement incroyable – j’ai une petite pensée pour le jour où j’ai commencé modestement ce blog en 2011…

Evidemment, le serveur a eu beaucoup de mal à suivre – ce n’est pas celui d’Amazon ! (merci à Benoit pour son aide et ses astuces pour sauver la situation ce week end)… Désolé des désagréments…

Merci à tous de votre confiance – qui a déjà permis de faire de ce petit blog le 2e blog de France (toutes catégories confondues) le mois dernier.

C’est sans grande importance – et vous pouvez constater qu’on ne fait aucun effort marketing en ce sens, mais qu’on essaye de chercher la vérité en débattant tous ensemble, dans un esprit d’honnêteté – mais c’est une petite récompense qui nous laisse à penser que nous avons une petite utilité et que notre fatigue vaut la peine…

Je dis nous, car vous êtes nombreux à me donner des coups de main – et bien plus nombreux à nous soutenir financièrement… J’ai d’ailleurs changé le slogan du blog en haut à droite pour souligner ceci…

Merci aussi pour les 115 000 commentaires – dont tout le monde constatera la richesse et la diversité de vues (merci aux modérateurs qui ont beaucoup souffert cette semaine).

 

MAIS, je suis triste aussi.

Car désolé, même avec beaucoup d’efforts, je n’arrive pas à trouver génial ce que j’ai dit sur cet article – écrit à la va-vite entre 2h et 5h du matin samedi (je le retravaillerai en profondeur cette semaine).

Ce sont quelques pensées, dont beaucoup sont forgées suite au 11 septembre – et je suis peiné de voir que nous commettons les mêmes erreurs que les Américains.

Mais ce succès – cet incroyable succès – est hélas simplement la preuve de l’absence de débat dans le pays, débat indispensable pour prendre les bonnes décisions dans ces moments difficiles…

Les idées avancées ici auraient dû fleurir dans les médias, sur le web, et nourrir nos réflexions.

Nous n’avons eu droit qu’à du prêt-à-penser, issu de la becquée des médias, dans un fascisme intellectuel hallucinant ayant mis très mal à l’aise bon nombre de citoyens – chapeau pour la “liberté d’expression !”. “Liberté d’expression des idées que j’approuve” aurait été bien plus précis…

 

Merci aussi pour ces centaines de mails me disant “Merci, je pensais cela, mais je n’osais plus le dire, merci pour ces arguments”.

Eh bien merci à vous pour les 1 000 commentaires de haute tenue, ayant enrichi nos réflexions (lesquels m’aident beaucoup pour alimenter le blog – c’est ça l’intelligence collective, face à la bêtise individuelle généralisée dans les médias).

À bientôt – hélas…

Source: http://www.les-crises.fr/comment-je-suis-devenu-millionnaire-et-triste/


[Bien joué à tous ! - épisode 2] Quand des députés UMP appellent à un Patriot Act… (+ Valls)

Monday 12 January 2015 at 00:25

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MAIS le Patriot Act, C’EST un excès !!!
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(pour rire) Tous aux abris – le fils s’y met aussi…

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Petit rappel (en 2006) sur le Patriot Act de 2001 :

Voici les principales informations sur le Patriot Act, voté par le Congrès américain suite aux attentats du 11 septembre.

Histoire du texte.
Le USA Patriot Act a été voté par le Congrès américain le 26 octobre 2001 afin de renforcer les pouvoirs des agences gouvernementales dans la lutte contre le terrorisme (lire le texte complet en anglais).
De son nom complet “Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act” (Loi pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme), elle est d’abord considérée comme une loi d’exception dont les dispositions devaient initialement durer quatre ans. En juillet 2005, le Congrès a rendu permanentes 14 des 16 dispositions du texte. Après une longue bataille parlementaire au cours de l’hiver 2005-2006, la plupart des moyens accordés aux forces de l’ordre ont été pérennisés.
Le texte soulève depuis son adoption de vives critiques de la part des associations de défense des Droits de l’Homme et de juristes, qui dénoncent des atteintes aux libertés.

Principales dispositions.
- Le Patriot Act renforce les pouvoirs des agences gouvernementales (FBI, CIA, NSA et armée) et réduit les droits de la défense.
- La loi créé les statuts de “combattant ennemi” et de “combattant illégal”, utilisé notamment pour les détenus de Guantanamo.
- La loi prévoit que toute intrusion dans un système informatique peut être assimilée à un acte de terrorisme.
- La loi autorise le FBI a épier la circulation des messages électroniques et à conserver les traces de la navigation sur le Web de toute personne suspectée de contact avec une puissance étrangère.
- En août 2006, une juge fédérale a déclaré contraire à la constitution les écoutes téléphoniques et a ordonné l’arrêt du programme secret de surveillance intérieure de la NSA. La loi autorisait la mise sur écoute de toute personne ayant un rapport proche ou lointain avec une personne présumée terroriste.
- Une disposition autorisant l’administration à avoir accès aux bases de données des bibliothèques et des libraires a été supprimée par un amendement.

Un texte qui soulève une vive critique.
Les Associations de défenses des Droits de l’Homme dénoncent la diminution des droits de la défense, la violation de la vie privée des atteintes à la liberté d’expression. Ils soulignent les risques que représente l’empiètement des autorités administratives sur le pouvoir judiciaire.

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Mais ATTENTION, un Patriot Act “à la Française” ! Avec :

+ en bonus des bombardement de l’Irak !!!! (merde, c’est déjà fait ça… Hhhhmmmmm, de Gaza ?)

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Pfff. Faut-il avoir de la bouillie entre les oreilles pour s’imaginer qu’on peut voter des lois pour empêcher 3 terroristes résolus de prendre une arme et d’aller tuer des gens… (Ohhhhh, Minority Report, c’est un FILM !!!).

Alors qu’évidemment, si on s’intéresse VRAIMENT à la sécurité des Français, la voie consiste à tenter d’empêcher les types de devenir terroristes, et donc couper le robinet à haine (de part et d’autre) : résoudre le conflit israelo-palestinien, avoir une politique étrangère digne humaniste et sans 2 poids 2 mesures, arrêter de bombarder le Moyen-Orient, éduquer, sécuriser, rompre les relations diplomatiques avec les monarchies moyenâgeuses, lutter contre l’islamophobie, valoriser les valeurs de la République, etc…

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Bref, je le sens mal le bilan du journal “irresponsable” qui aimait mettre d”l’huile sur le feu”…

P.S. toutes nos excuses pour la lenteur, on fait au mieux, mais le trafic a été multiplié par 10 à 20…

EDIT 2 : suite (confirmation d’ici)…

(comme s’il y a encore un terroriste qui raconte ses projets au téléphone ou par mail…)

Source: http://www.les-crises.fr/bien-joue-a-tous-2-patriot-act/


En (vrai) hommage à Charlie…

Sunday 11 January 2015 at 18:06

Comme quoi, on peut rester chez soi, être triste en pensant aux disparus, et honorer le (bon) esprit Charlie…

Source: http://www.les-crises.fr/en-vrai-hommage-a-charlie/


[Réfléchissons] Rendons hommage à Charlie Hebdo : boycottons la manifestation du 11 janvier (pour 10 raisons)

Sunday 11 January 2015 at 13:05

Primo, condamnons sans équivoque la barbarie de ce crime indéfendable.

Secundo, honorons la mémoire des victimes et pensons à leurs prochesm

Tertio, à l’heure où on veut nous obliger à hurler “Je suis Charlie”, n’oublions pas ce que c’est non plus et ce qu’on veut nous faire endosser… D’où cette mise au point utile d’un des anciens de Charlie Hebdo, écrite il y a 1 an.

Désolé, je voulais attendre 1 mois plein avant de remettre ceci sur le tapis, mais le fil des événements, ainsi que l’expérience du 11 septembre me pousse à contrecoeur à traiter de ces sujets plus tôt.azer

Je vous encourage donc à rendre hommage à l’équipe de Charlie Hebdo dimanche en boycottant la “manifestation” de dimanche.

Pour ma part, je n’irai pas, et  ce, pour plusieurs raisons (à vous de les évaluer et de vous faire votre opinion).

La première, pour ne pas être complice d’une infâme récupération

Avez-vous envie de vous associer à l’OTAN en grande pompes ?

L’OTAN qui met le feu au Moyen-Orient depuis 25 ans et qui a engendré des milliers de terroristes ?

L’OTAN qui annonçait le lendemain du massacre avoir largué 5 000 bombes en Irak ? (et on s’étonne donc des retours de flamme ?)

Voulez-vous donc risquer de soutenir par avance des politiques qui causeront encore plus de morts là-bas, et plus de terroristes dans le futur ?

Alors sérieusement, vous pensez que Cabu a envie de voir Merkel venir larmoyer (et se faire de la publicité) sur son cercueil ?

La deuxième, c’est qu’il y aura le président ukrainien

Vous savez celui qui a des néo-nazies qui combattent pour lui, et dont les troupes ont tué des centaines de civils dans l’Est de l’Ukraine ? Lui dont la place est à La Haye, et pas à Paris avec Cabu ?  C’est l’esprit Charlie ça ?

EDIT : tiens, je me disais qu’on l’aurait bien aussi lui :

Vous vous rappelez, c’est celui qui refuse de reconnaître la Cour Pénale Internationale – sans doute un peu car il a fait ça cet été (et qui n’a probablement aucun rapport avec une hausse du terrorisme, bien entendu) :

(Si vous avez le coeur très très bien accroché, regardez ou )

Hommage à Charb, qui nous manquera tant sur ces questions… :

EDIT 2 : tiens, il u aura aussi le turc Erdogan. Je me demande s’il pensera à Fazil Say, comdamné en Turquie pour avoir revendiqué son athéisme.. #JeSuisCharlie ?

La troisième, c’est qu’ils n’aimaient pas les messes du dimanche

La quatrième,  c’est qu’on ne manifeste pas “contre le terrorisme”

On manifeste pour demander au gouvernement des solutions concrètes non pas pour empêcher les terroristes d’agir, mais pour qu’il déconnecte la machine à fabriquer des terroristes (conflit en Palestine, islamophobie, “choc des civilisations”, “guerre contre le terrorisme”, BHL, misère, etc.).

Bien entendu, après ce beau moment d’émotion collective (façon “Black Blanc Beur” dont on a vu la réalité concrète durant 15 ans…), le gouvernement annoncera la 15e loi anti-terroriste (qui n’empêchera jamais un attentat de ce type) et réduira encore plus nos libertés publiques, entrant encore plus dans une société de surveillance, dont a vu les résultats aux USA… Rien ne sera évidemment fait pour s’attaquer aux racines du terrorisme issues de notre propre politique étrangère et de coopération…

La cinquième, c’est que je ne suis pas Charlie

Car Charlie avait une face sombre, discutable, non respectueuse de l’autre (à différents niveaux) et donc non humaniste, à laquelle je ne veux pas être associé.

Condamner le massacre : oui, évidemment ! Promouvoir la liberté d’expression, oui ! Mais donner un blanc seing à tout ce qui a été fait, non !

Vous êtes Charlie ?

Donc vous êtes ça :

“Pleine page de Caroline Fourest parue le 11 juin 2008 où elle racontait son amicale rencontre avec le dessinateur néerlandais Gregorius Nekschot, qui s’était attiré quelques ennuis pour avoir représenté ses concitoyens musulmans sous un jour particulièrement drolatique”. (Lire Charlie Hebdo pas raciste ? Si vous le dites… par Olivier Cyran)

(je n’ai pas la moindre complaisance avec le FN, j’ai encore dénoncé Marine Le Pen ce matin ; mais c’est 25 % des Français qu’on traite de merde, alors que beaucoup font partie des Français qui souffrent le plus dans notre pays – on est en droit d’espérer des analyses un peu plus fines)

Donc NON, désolé, je les pleure, mais Je ne suis pas Charlie, car je ne suis pas tout ça, moi je préfère que les gens soient – quand c’est possible – respectés, et qu’on travaille à rapprocher plutôt qu’à diviser.

Car je suis désolé, alors que plein de dessins de Charlie sont d’une intelligence extrême, la plupart de ceux-ci, ceux qui ont causé tant de problèmes et de dégâts, ne sont pas drôles, ne véhiculent aucune message, ne poussent pas à la réflexion : ce sont de simples provocations gratuites, sans talent, destinées à choquer, humilier, blesser (je ne dis pas non plus qu’il faudrait les interdire, bien entendu). Et que je vois mal où est la “liberté d’expression” là-dedans (car je ne vois pas “l’expression”, et je ne suis pas le seul),

alors que je vois assez bien où est l’incitation à la haine – un peu comme si vous allez hurler face à votre voisin que sa femme est très moche et ses enfants de gros mal élevés… Ce qui n’excuse évidemment en RIEN les actes barbares – mais qu’on ne vienne pas me demander de mettre sur le blog des stickers “Je suis Charlie”…

On a aussi le droit d’écouter les autres, et d’essayer de faire preuve de fraternité…

Pour l’ex-Premier ministre de Malaisie, Mahathir Mohamad, l’hebdomadaire a maintes fois manqué de respect à l’islam. « Ont-ils besoin de ridiculiser le prophète Mahomet en sachant qu’ils offensent les musulmans ? » a-t-il dit cité par l’agence officielle Bernama. « Nous respectons leur religion, et ils doivent respecter la nôtre ».

Et enfin, puisqu’on en parle, puisque les “belles âmes” nous disent qu’elles soutiennent un droit absolu à la liberté d’expression de blesser, j’imaginent qu’elles défendent aussi le droit de ce dessinateur de publier ça (en pastichant Charlie Hebdo) ?

Ces dessins ne me plaisent nullement (ils ne font pas rire, sont choquants et c’est bien l’exacte intention du dessinateur), mais je dis ça car j’avais cru comprendre le contraire… C’est juste pour m’assurer de leur cohérence – parce qu’un discours “je n’en n’ai rien à foutre que des musulmans soient choqués par ceci, je fais ce que je veux // je suis choqué par ceci, c’est un scandale à interdire” n’est pas intellectuellement cohérent ni honnête…

Pour ma part, je milite simplement pour une autocensure de création / diffusion / lecture – la loi n’a rien à faire là dedans.

La sixième, c’est que je veux protéger mes concitoyens

Je ne suis pas irresponsable comme tous nos médias. Honorer les morts oui, afficher “Je suis Charlie” partout, au vu des dessins précédents, envoie un clair message au monde musulman : “Attaquer ainsi votre prophète n’est pas le fait de quelques dessinateurs provocateurs, mais est assumé par toute la population française”.

Et donc chaque Français sera désormais une cible désignée pour les extrémistes de tout poil. Je ne porterai pas une telle responsabilité…

Libération indique d’ailleurs :

La septième, c’est que personne n’a manifesté contre ça en décembre :

D’autant qu’il me semble qu’on a une petite responsabilité dans tout ceci… Mhhh, non ?

Alors si on ne veut pas indiquer aux musulmans que leurs vies n’ont aucune valeur, qu’aucun dirigeant ne se déplace pour eux, autant appliquer la même règle à nos morts : le “2 poids 2 mesures” détruira notre civilisation à la longue.

La huitième, c’est que 3 barbares n’ont pas à influer sur ma vie

J’ai prévu autre chose dimanche, et ce ne sont pas 3 barbares qui vont changer un iota de ma vie…

Cela reviendrait à combler leurs attentes – et à envoyer un signal clair à l’État islamique : “renvoyez donc quelques barbares, vous aurez encore une semaine pleine sur nos médias pour parler de vous et terroriser notre population, avant qu’on vote une nouvelle loi liberticide et inutile”…

La neuvième c’est que, ami musulman, tu n’as rien à prouver

J’ai vu ces appels “aux musulmans” à se “mobiliser” pour montrer que vous n’êtes pas des terroristes !

Mais c’est quoi ce délire ?

Ami musulman, j’imagine que tu as lu comme moi les 10 commandements, en particulier le 6e, disant :

Tu ne tueras point” [Dieu pour ceux qui y croient, un philosophe génial à écouter pour les autres]

C’est clair net et précis, et aucun prophète ou religieux ne peut contredire la parole claire de Dieu me semble-t-il…

Quoiqu’il en soit, ami musulman – et concitoyen si tu es français – tu ne peux donc – évidemment, et comme moi – que désapprouver ces actes barbares.

Tu n’as donc évidemment rien de commun avec ceux qui les ont perpétrés.

Tu n’es pas plus responsable de ceci que moi des crimes de l’Inquisition ou de Pol Pot…

Tu n’as donc aucune preuve à apporter, aucune excuse à présenter pour des actes de crétins, aucune repentance à faire et tu n’as donc pas à subir ça :

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Je rappelle qu’il y a 2 ou 3 siècles, les Charlie auraient été brûlés en place publique par des intégristes catholiques…

Et qu’on ne vienne pas me dire qu’on serait plus “avancé”, le crétinisme et l’appel à la violence ont de beaux jours devant eux…

(Ami “je suis Charlie”, j’imagine que tu iras aussi manifester avec un “Je suis Dieudonné” au cas où Tesson serait entendu ?)

 

Enfin, la dernière, car les hommages, c’est vraiment de la merde !

Les gens exigent la liberté d’expression pour compenser la liberté de pensée qu’ils préfèrent éviter.” [Sören Kierkegaard]

Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.” [Benjamin Franklin]

Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.” [Martin Luther-King]

P.S. j’en ai surement oublié, tombant de fatigue, vous pouvez en rajouter en commentaire…

P.P.S. : Si vous n’êtes pas d’accord, et que “vous êtes Charlie”, merci de ne pas m’écrire pour m’insulter (j’ai le compte d emails, c’est bon) mais de faire suivre ce billet en indiquant votre désaccord, pour montrer votre haute idée de la liberté d’expression :)

EDIT : pour un meilleur confort : Vous pouvez retrouver les 700 commentaires ici, et y réagir

P.S. si vous avez un peu de temps cet après midi, et un esprit d’analyse critique, merci de me contacter pour un coup de main

Source: http://www.les-crises.fr/indecense-rendons-hommage-a-charlie/


Commentaires sur rendons hommages à Charlie Hebdo

Sunday 11 January 2015 at 12:00

Afin de soulager le serveur, vous pouvez commenter ici l’article “[Indécence] Rendons hommage à Charlie Hebdo : boycottons la manifestation du 11 janvier (pour 10 raisons)”

P.S. si vous avez un peu de temps cet après midi, et un esprit d’analyse critique, merci de me contacter pour un coup de main

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Quelques uns de vos commentaires, au fil de l’eau…

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Envoyé le 11/01/2015 à 13 h 06 min

Je suis musulman

Je ne suis pas Charlie mais je suis chacun de ceux qui sont morts, les survivants à jamais meurtris et tous leurs proches.

Je suis d’accord avec ces dix raisons auxquelles j’ajouterai les suivantes.

Parce que nous sommes responsables en tant que société d’une dérive de paumés. Défaillance collective d’une société sans valeur en échec sur tous les plans ; famille, école, prison, police, travail… Quel espoir ont ces jeunes de trouver une place dans une société qui ne fait que leur demander leurs papiers ? Que leur reste t’il d’autre que la provocation pour la majorité et le risque de déraper pour les crânes les plus malléables ?

Parce que le spectacle putassier des médias avides de scoop, avec son lot d’experts autoproclamés, de flics en mal de vitrine, de politiciens venus s’exhiber comme au quartier rouge d’Amsterdam, d’interviews sans retenue ni pudeur avec des propos indignes en profusion. Jusqu’à un François Morel sur Inter vendredi matin qui parle des « barbus » avec ce qu’il faut de trémolos dans la voix d’un homme de gauche. Rien à dire sur la forme du nez de ces anti France M. MOREL ?

Parce qu’on nous les vend comme un réseau entraîné avec des ramifications dignes d’une théorie du complot et que nous ne voyons que des branquignoles perdant en descendant de voiture qui une chaussure qui une carte d’identité, avec un niveau de préparation inférieur au moindre braqueur de banque, sans solution de replis et sans aucune connexion. Sacré réseau !

Parce que de la même manière on a eu un dingue, rien de plus rien de moins, Mohamed Merah, présenté comme un islamiste, dont on ne sait pas puisqu’il a lui aussi été assassiné par la police, ce qu’il avait vraiment dans le crâne. Avait-il seulement lu le Coran ? Etait-il un informateur de la police ? A-t-il vraiment fait une sortie de nuit pendant sa traque ?… S’il avait des gens structurés derrière lui, que sont-ils devenus ? Qu’avons-nous à gagner à fabriquer des ennemis publics quand il faudrait mieux taire leurs méfaits pour éviter qu’ils fassent école ?

Parc que la seule chose certaine dans cette histoire est que l’on va gagner une nouvelle loi liberticide avec la bénédiction des « je suis Charlie », énième loi sécuritaire aussi inutile et dangereuse que les précédentes. Parce que les racistes, anti musulmans et tous les bas du front vont sortir renforcés dans leurs convictions, nous éloignant un peu plus du bien vivre ensemble. Plus de police, plus de garde à vue, plus de caméras, plus de budget pour la face sombre et toujours moins pour la face claire (culture, formation…) plus de haine de l’autre, plus de confort pour envoyer demain des troupes là où de pseudos islamistes sévissent.

Parce que deux jours avant le Charles de gaulle quittait la France pour aller mettre à feu et à sang l’Irak. Parce que « nous sommes en guerre contre les extrémistes et les islamistes partout ou il y en a » nous dit notre Président qui va y gagner un pouillème de popularité. Parce que nous sommes en guerre contre un monstre que nous avons créé pour nos intérêts et que nous voulons détruire maintenant qu’il est émancipé, tout en acceptant son coup de main en Syrie.
17000 civils irakiens sont morts en 2014, chaque jour un attentat meurtrier frappe des innocents dans un pays musulman, Yémen, Pakistan, Irak, Syrie…Et nous sommes responsables ! Donc nous sommes en guerre, mais une guerre propre et inconsistante pour les « Moi Charlie » et les autres, parce que lointaine. Là des dingues nous montrent sur notre sol un aspect de ce que toute guerre provoque et c’est l’horreur. Et pour les millions de familles que nos armes endeuillent, expulsent, maintiennent dans la misère parce que nous sommes le camp du bien, de la liberté contre des fanatiques, elle est quand la marche ?

Parce que l’un de ces trois nazes a été se former au Yémen, avec l’argent de l’Arabie Saoudite et/ou du Qatar. Je marcherai avec « toi Charlie » quand tu déchireras ta carte du PSG et que tu ne te coucheras plus devant l’argent d’une dictature moyenâgeuse qui finance sans vergogne la haine pendant que notre ancien président y délivre des conférences à 100 000€.

Parce que sur France Info ce matin une anthropologue qui a pour mission nationale de remettre dans le droit chemin les brebis égarées en djihad nous expliquait qu’il faut les prendre jeunes pour les redresser sinon c’est trop tard, la preuve. Elle et tous ceux qui bavassent en surface sans nous mettre en face de nos responsabilités me font peur. Cette route de l’exclusion ne peut être que zemmourienne.

Parce que Charlie Hebdo était en train de mourir lentement faute de lecteurs, quelles qu’en soient les raisons, et que cette tragédie conduit à une survie artificielle d’un journal qui tournait sur lui-même à l’agonie, avec un Plantu qui fait aussi dans la finesse d’analyse et qui annonce sans pudeur avoir trouvé un financeur prêt à intervenir (mais je n’en dit pas plus), un libé lui aussi sous perf et son Joffrin qui se compte parmi les combattants de la liberté ( !), un Etat qui va apporter des fonds etc. Donc Charlie va renaître et continuer de publier des dessins comme ceux qu’Olivier nous montre ? Et peut-être même verra t’on le retour de Philippe Val qui en était parti sur fond de polémique, avec outre ses idées, son salaire et la vente de ses parts, et de Caroline Fourest et de ses nobles combats ? Brrr Un journal dont la ligne éditoriale est d’être un journal athée, donc au-dessus de tout, qui tape sur toutes les religions en confondant religion et intégrisme, provocation et insulte aux croyants, ne m’intéresse pas, ni hier ni demain, avec une surenchère qui se profile.

Parce que l’argent roi qui a une place majeure dans cet épisode dramatique va régler le problème. Le dernier numéro s’arrache à plus de 75 000€ sur Ebay, le prochain va se vendre à plus d’un million d’exemplaires, l’état va injecter au moins 250 000€, Charlie fait un appel aux dons pour poursuivre leur combat, les médias engrangent de la publicité pendant que les citoyens y suivent le flux sans réfléchir, les professionnels de la sécurité vont avoir un regain d’activité… L’argent fou coule à flot. L’argent, donc notre capitalisme débridé, va nous sauver ? Comme si la montée des inégalités n’avait pas sa part. Si émotion rime avec pognon mais pas avec réflexion, alors on est tous morts.

Je suis musulman et pour prendre le problème à sa racine, je suis palestinien.

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Envoyé le 11/01/2015 à 12 h 46 min

Bon on a l’habitude maintenant, mais quand même, c’est toujours aussi choquant : Le Parisien, aujourd’hui : “sans oublier le ministre russe des Affaires étrangères, Lavrov (dont les relations avec Hollande sont pourtant tendues à cause du dossier du Mistral), le président ukrainien, Petro Porochenko, avec qui la Russie est en guerre…”

link to leparisien.fr

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Envoyé le 11/01/2015 à 11 h 41 min

je comprends le point de vue du billet, mais je pense qu’il y a un temps pour tout, le recueillement est une chose, les manifestations quand ils voudront promulguer une loi qui atteindra a nos libertés en est une autre, et c’est à ce moment la qu’il faudra agir. Quand à Charlie hebdo, leur dessins certes pas tous d’une intelligence extrême permettent de prendre la température sur la liberté d’expression, car pour rappel tout le monde y passait, politique, religion, sexualité…. Pas de tabou, c’est ce qui faisait leur force. Aujourd’hui cet attentat est une preuve de plus des dangers des religions mal interprétée (et cela dure depuis qu’elles existent). Donc oui il faut cautionner ces dessins, car ils sont la preuve de l’unité, du respect des libertés. Le jour où ce genre de dessins n’atteindra plus personne c’est qu’une guerre contre la l’intolérance sera gagné.

Bref, si tu ne cautionnes pas les dirigeants des états, c’est pas en allant pas à cette manifestation que tu va changer grand chose, en revanche ton blog peut aider à éveiller certains esprits, à chacun d’y prendre une décision.

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Envoyé le 11/01/2015 à 12 h 41 min | En réponse à Giannetto.

“je trouve ça très positif [...] qu’on veuille défendre tous ensemble les valeurs de la République”

Oui, c’est positif.
Sauf que ce n’est pas nécessairement le cas des Sarkozy, Valls, Hollande.
Et qu’ils pourront s’appuyer sur le nombre des manifestants pour tout justifier.

Pour rappel, les valeurs de la République ne se déclinent pas de façon automatique en politique “clé-en mains”. Elles peuvent se concevoir de nombreuses façons.

Vous allez défendre la Liberté d’expression? Celle des écoutes de journalistes?
Celle de l’abrogation d’émission trop dérangeant et trop regardée? Celle des médias aux mains de marchands d’arme? Celle de ceux qui se sont royalement assis sur le référendum de 2005?

Parce que demain, ceux qui s’appuieront sur la réussite de l’hommage à Charlie pour faire passer leur agenda, ce sont eux.

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Envoyé le 11/01/2015 à 11 h 53 min

J’aimerais aller marcher ce jour – dimanche 11 janvier – dans Paris avec des millions de gens défendant des idéaux que je partage. Mais je n’irai pas, tout simplement parce que j’ai l’intuition, à moins que ce ne soit carrément l’impression, d’être manipulé et instrumentalisé. Qui achetais Charlie Hebdo auparavant, ce torchon journalistique si peu représentatif de la liberté d’expression. Nous vivons une époque où, plus que jamais, il faut se méfier de la portée des mots, du poids des images. Les salariés et pigistes de Charlie Hebdo savaient très bien qu’ils allumaient l’étincelle d’un formidable explosif : ils ont abusé de la liberté, oui j’en ai la conviction. On n’a pas le droit, quel que soit son camp politique ou idéologique, de blasphémer, de froisser les susceptibilités de ceux qui croient, qui nourrissent de la spiritualité.

Moi qui ai, qui revendique des racines chrétiennes (et je suis allé à la messe de minuit à Noël), je suis peiné par tous ces musulmans dits modérés, que je croise tous les jours dans le bus et dans ma cité, qui sont maintenant tombés dans un piège, un piège que le pouvoir actuel a contribué à créer. Ils ont une réelle croyance, et ils sentent que certains veulent les assimiler à des actes qui leur échappent. Mais «on» les a quand même offensé dans leur pratique religieuse. «On» ? Charlie Hebdo, entre autres médias. Il y a beaucoup de choses, de faits, de détails flous dans toute cette sanglante affaire. Il y a aussi un président qui n’a pas réussi grand-chose, disent certains (autres) journaux et qui cherche évidemment à se faire réélire, qui cherche à éliminer de potentiels adversaires, etc. La France est en guerre, sur plusieurs fronts, et elle ne reçoit peut-être pas de la communauté internationale l’aide sur laquelle le gouvernement compte. Alors, voilà sans doute une occasion toute trouvée d’élargir la coalition qui combat les groupes d’extrémistes musulmans à l’étranger. Voilà aussi l’occasion, par la suite, de fliquer toujours davantage une société que l’on déresponsabilise puisque les gens, de plus en plus, sont amenés à ne pas penser par eux-mêmes et à ne pas mesurer les conséquences de leur acte. Bref, une sorte de fascisme à la française, parrainé par les socialos et leurs alliés, ne serait-il pas en train de naître?

Et puis, si j’ai bonne mémoire, dans son intervention télévisée, présentant ses vœux aux Français, François Hollande a évoqué ceux qui dénigrent la France. «Dénigrer» : un mot troublant dans son discours, car c’est exactement ce que fait Charlie Hebdo : dénigrer, provoquer, offenser, salir, abaisser le débat.
Comment la France, hélas, peut-elle défendre ses valeurs de liberté et de tolérance rassemblée autour d’un tel torchon journalistique. Le monde est devenu fou pour en arriver à de telles .absurdités. Oui, attention : la violence des mots est une arme qui peut se retourner contre ceux s’y adonnant, et qui peut tuer beaucoup de monde.

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Source: http://www.les-crises.fr/commentaires-sur-rendons-hommages-a-charlie-hebdo/


[2002] Le terrorisme et la réponse appropriée

Sunday 11 January 2015 at 05:21

L’intervention américaine en Afghanistan
Par Noam Chomsky 2 juillet 2002,

Le 11 septembre 2001 restera indubitablement comme une date clé dans les annales du terrorisme. Partout à travers le monde, ces actes terribles ont été condamnés et considérés comme de graves crimes contre l’humanité. On appelle quasi universellement tous les États « à débarrasser le monde des êtres malfaisants », et l’on s’accorde à penser que « le fléau diabolique du terrorisme » – en particulier du terrorisme international soutenu par certains États – est un véritable virus propagé par les « adversaires sournois de la civilisation » et qu’il constitue un « retour à la barbarie » parfaitement intolérable. Mais derrière le considérable soutien à ces propos émis par différents responsables politiques américains – respectivement George W. Bush, Ronald Reagan et son secrétaire d’État George Schultz [1] –, les appréciations divergent sur la question précise de la réponse appropriée aux crimes terroristes et sur celle, plus générale, de leur nature véritable. Pour répondre à cette dernière question, la définition américaine officielle du terrorisme évoque « l’usage calculé, en vue d’atteindre des objectifs de nature politique, religieuse ou idéologique, de la violence, de la menace de violence, […] de l’intimidation, de la coercition ou de la peur [2] ». Cette définition officielle laisse néanmoins en suspens bien des interrogations, parmi lesquelles celles touchant à la légitimité des actes ayant pour objectif de garantir « le droit à l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance – tel qu’il découle de la Charte des Nations unies – des peuples privés de ce droit par la force, […] et notamment des peuples qui sont soumis à des régimes coloniaux ou racistes ainsi qu’à une occupation étrangère ». Même dans sa plus ferme résolution consacrée à la dénonciation du terrorisme, l’Assemblée générale des Nations unies reconnaît la légitimité de tels actes [3].

Pour expliquer leur opposition à cette résolution, les États-Unis et Israël se référaient au passage même que nous venons d’évoquer et qui avait pour but, selon eux, de légitimer la résistance au régime sud-africain, allié des ÉtatsUnis, qui avait plus d’un million et demi de morts sur la conscience et avait occasionné environ soixante milliards de dollars de dommages aux pays voisins entre 1980 et 1988, sans compter son comportement dans les affaires intérieures. La résistance au régime était essentiellement conduite par le Congrès national africain (ANC), dirigé par Nelson Mandela. En 1988, l’ANC était qualifié par le Pentagone de « groupe terroriste notoire », contrairement au RENAMO sud-africain, que ce même Pentagone considérait comme un simple « mouvement de révolte indigène », tout en reconnaissant qu’il avait pu assassiner environ 100 000 personnes au Mozambique voisin au cours des deux années précédentes [4]. La résolution de l’ONU était également suspectée de justifier la résistance à l’occupation militaire israélienne et à la politique d’annexion des territoires occupés menée par Israël ainsi qu’à ses pratiques violentes soutenues par les États-Unis et leur aide diplomatique, destinée à contrer le consensus international maintes fois réaffirmé en faveur d’un accord de paix [5].

Bien qu’elle ne soit jamais utilisée [6], la définition officielle américaine me semble parfaitement adaptée à la question que nous traitons ici – et ce malgré des divergences fondamentales, mais qui apportent justement certaines lumières sur la nature du terrorisme telle qu’on peut la concevoir selon le point de vue que l’on adopte.

Venons-en à la question de la réponse appropriée. D’aucuns prétendent que le terrorisme est un mal « absolu » et qu’il mérite donc d’être traité en retour selon la « doctrine absolue de la réciprocité » [7]. Ce qui signifie le recours à de féroces opérations militaires répondant parfaitement à la théorie de Bush, favorablement commentée dans le même ouvrage universitaire, consacré à The Age of Terror : « Si vous protégez un terroriste, vous êtes un terroriste ; si vous aidez et assistez un terroriste, vous êtes un terroriste – et vous serez traité comme tel. » Cette publication reflète l’opinion des Occidentaux cultivés qui considèrent que la réponse anglo-américaine est appropriée et même parfaitement « calibrée ». Mais l’amplitude de ce consensus semble singulièrement limitée si l’on en juge par les données disponibles auxquelles nous reviendrons plus loin.

De manière générale, il est assez difficile de trouver quelqu’un qui accepte l’idée que des bombardements massifs constituent une réponse appropriée aux crimes terroristes – que ce soient ceux du 11 septembre ou d’autres encore pires, qui ne sont malheureusement pas difficiles à trouver. Du moins si l’on adopte le principe de l’universalité : si ce que fait autrui est mal (ou bien), c’est également mal (ou bien) lorsque c’est nous qui agissons. Ceux qui ne se plient pas à cette exigence morale minimale – qui consiste à appliquer pour soi-même les principes que l’on applique aux autres, voire plus rigoureusement encore – ne méritent décidément pas d’être pris au sérieux lorsqu’ils parlent du caractère approprié de la réponse au terrorisme, ou même de ce qui est juste ou injuste, voire du Bien et du Mal. Pour illustrer notre propos, considérons un cas qui, loin d’être le plus extrême, n’en a pas moins le mérite de ne souffrir aucune controverse – au moins de la part de ceux qui affirment respecter la loi internationale et les traités auxquels ils se sont soumis. Personne n’aurait soutenu le bombardement de Washington par le Nicaragua après que les États-Unis eurent rejeté la décision de la Cour internationale de justice leur ordonnant de mettre fin à leur « usage illégal de la force » à l’encontre de ce pays et de lui payer des dommages et intérêts substantiels. Au lieu de cela, les États-Unis décidèrent d’intensifier les actes de terrorisme international et même de les étendre, officiellement, en s’attaquant à des cibles civiles sans défense. Ils opposèrent également leur veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies demandant que tous les États respectent le droit international, et ils votèrent (avec le seul appui d’un ou deux États clients) contre des résolutions du même genre à l’Assemblée générale des Nations unies. Les États-Unis rejetèrent la décision de la Cour internationale de justice sous prétexte que d’autres nations n’étaient pas d’accord avec eux et qu’ils devaient en conséquence se « réserver le pouvoir de décider [eux-mêmes] des cas particuliers dans lesquels la Cour peut [leur] imposer sa juridiction » et ceux qui relèvent « fondamentalement de la juridiction proprement américaine » [8]. Dans le cas dont nous parlons, il s’agissait d’agressions terroristes contre le Nicaragua [I].

Pendant ce temps, Washington continuait de saboter les efforts régionaux destinés à parvenir à un règlement pacifique de la question, en suivant la doctrine édictée par le très modéré secrétaire d’État américain George Schultz : les États-Unis doivent « éradiquer » le cancer nicaraguayen par la force. Et Washington poursuivit cette politique alors même que les présidents des pays d’Amérique centrale étaient parvenus à se mettre d’accord sur un plan de paix en 1987, malgré de vigoureuses objections émises par les Américains. Ces accords d’Esquipulas demandaient que tous les pays de la région s’ouvrent plus franchement à la démocratie et au respect des droits de l’homme sous la supervision de la communauté internationale et insistaient sur le fait que « l’élément fondamental » de cet accord était la fin de l’agression américaine contre le Nicaragua. Washington répondit en intensifiant au maximum cette même agression et en triplant le nombre de livraisons aéroportées effectuées par la CIA au profit de la Contra. Après s’être tenu à l’écart de cet accord et le sabotant donc dans les faits, Washington fit en sorte que les régimes qui lui devaient tout agissent de même. Le gouvernement américain alla jusqu’à user de son pouvoir effectif – et absolument pas symbolique – pour démanteler l’International Verification Commission sous le prétexte que ses conclusions étaient inacceptables. Les États-Unis obtinrent également que le plan Esquipulas soit revu afin d’autoriser leurs États clients dans la région à poursuivre leurs crimes terroristes. Ces crimes surpassaient même, et de loin, la guerre dévastatrice menée par les ÉtatsUnis contre le Nicaragua, qui fit pourtant des dizaines de milliers de morts et provoqua la ruine peut-être irréversible du pays. Poursuivant la doctrine politique de Schultz, les États-Unis usèrent de menaces pour contraindre le gouvernement du Nicaragua à abandonner ses demandes de dommages et intérêts, qui avaient pourtant été acceptées par la Cour internationale de justice [9].

Il ne pourrait guère y avoir d’exemple plus évident du terrorisme international tel qu’on le définit officiellement ou dans les milieux intellectuels : des opérations destinées à « démontrer par l’usage d’une violence apparemment aveugle que le régime en place n’est pas en mesure de protéger la population supposée être placée sous son autorité », provoquant ainsi non seulement un sentiment « d’angoisse, mais une disparition des liens qui fondent l’ordre social établi » [10]. Durant toutes ces années, le terrorisme d’État pratiqué dans d’autres endroits d’Amérique centrale peut être considéré comme un terrorisme international aussi bien par le rôle décisif qu’y jouaient les États-Unis que par ses objectifs exprimés dans certaines occasions de la façon la plus claire – comme, par exemple, par l’École militaire des Amériques, qui forme la plupart des officiers d’Amérique latine et s’enorgueillit du fait que « la théologie de la libération […] ait été défaite avec le soutien de l’armée américaine [11] » [II].

À l’évidence, il devrait donc s’ensuivre que seuls ceux qui soutiennent l’idée de bombardements sur Washington pour punir ces crimes de terrorisme international – c’est-àdire absolument personne – acceptent la « doctrine absolue de la réciprocité » en réponse aux atrocités terroristes ou considèrent que les bombardements massifs y répondent de manière appropriée et même parfaitement « calibrée ».

Considérons certains des arguments juridiques qui ont été avancés pour justifier le bombardement anglo-américain de l’Afghanistan. Je ne considérerai pas ici leur validité mais leurs conséquences si l’on s’en tient au principe moral de l’universalité. Christopher Greenwood prétend que les États-Unis ont le droit de « se défendre » contre « ceux qui sèment effectivement la mort et la destruction ou qui menacent de le faire ». Il invoque pour ce faire la décision de la Cour internationale de justice dans le cas du Nicaragua [12]. Le passage auquel il fait référence s’applique pourtant bien plus évidemment à la guerre menée par les États-Unis contre le Nicaragua qu’aux talibans ou à Al-Qaida. Ainsi, avoir recours à ce texte pour justifier les bombardements intensifs sur l’Afghanistan et les opérations sur le terrain, c’est reconnaître que le Nicaragua aurait dû être autorisé à se lancer dans des opérations armées encore plus sévères contre les États-Unis [III]. Un autre éminent professeur de droit international, Thomas Franck, reconnaît le bien-fondé de la réplique anglo-américaine sous prétexte qu’« un État est tenu responsable pour avoir permis que l’on utilise son territoire pour porter des attaques contre un autre État et doit en accepter les conséquences » [13]. Cela semble assez juste et pourrait certainement s’appliquer aux États-Unis eux-mêmes dans les cas du Nicaragua, de Cuba et de bien d’autres pays.

Inutile de préciser que, dans aucun de ces cas, on n’aurait toléré la moindre velléité de se « défendre » par la violence contre de tels agissements continuels semant la « mort et la destruction ». Je parle d’agissements effectifs et non de simples menaces.

Le même raisonnement vaut pour d’autres positions, pourtant plus nuancées, concernant la réponse appropriée aux crimes terroristes. Michael Howard, expert en histoire militaire, propose « une opération de police menée sous l’égide des Nations unies […] contre une conspiration criminelle dont les membres devraient être pourchassés et traînés devant une cour internationale afin d’y être jugés dans les formes et condamnés à une peine appropriée s’ils étaient reconnus coupables ». Proposition fort raisonnable, bien qu’il soit proprement impensable de voir cette proposition appliquée un jour de manière universelle. Le directeur du Center of Politics of the Human Rights de Harvard estime pour sa part que « la seule réponse raisonnable aux actes de terrorisme [serait] un travail d’enquête honnête suivi d’un procès en justice, le tout appuyé par un emploi résolu, ciblé et incessant de la force armée contre ceux qui ne peuvent – ou ne veulent pas comparaître devant la justice » [14]. Tout cela est à nouveau fort sensé si le recours à la force n’est envisagé qu’une fois tous les moyens légaux épuisés. Quoi qu’il en soit, ce conseil ne s’applique pas aux événements du 11 septembre (les États-Unis ayant refusé de fournir les preuves demandées et repoussé toute proposition de transfert des suspects faits par le régime des talibans). En revanche, ici encore, cette proposition s’applique parfaitement au cas du Nicaragua.

Comme elle s’applique d’ailleurs aussi à d’autres situations. Prenons le cas d’Haïti, qui a fourni un très grand nombre de preuves à l’appui de sa demande d’extradition d’Emmanuel Constant, commandant des troupes qui firent des milliers de morts sous le régime de la junte militaire que les États-Unis avaient, en son temps, tacitement soutenue (sans parler, bien entendu, des régimes antérieurs). Ces demandes aux États-Unis sont restées lettre morte – à cause, probablement, de ce que Constant pourrait être conduit à dévoiler s’il venait jamais à être jugé. La demande d’extradition la plus récente date du 30 septembre 2001, c’est-à-dire de l’époque même à laquelle les Américains exigeaient que les talibans leur livrent Ben Laden [15]. Cette coïncidence passa parfaitement inaperçue, suivant le fameux principe selon lequel même la moindre des exigences morales doit être fermement rejetée.

Pour en revenir à la « réponse raisonnable » de Howard, demander qu’on ait recours à « une opération de police menée sous l’égide des Nations unies » – même dans les situations où elle serait clairement justifiée – n’engendrerait que fureur et mépris. D’autres encore ont formulé des principes plus généraux pour légitimer la guerre américaine en Afghanistan. Deux universitaires d’Oxford proposent un principe de « proportionnalité » : « L’ampleur de la réponse sera déterminée par l’ampleur de la transgression que l’agresseur commet contre les valeurs fondamentales de la société agressée. » Dans le cas des États-Unis, ce serait « la liberté de chercher à améliorer sa situation personnelle dans le cadre d’une société pluraliste et au travers de l’économie de marché » qui aurait été sournoisement attaquée le 11 septembre 2001 par « des agresseurs […] dotés d’une éthique divergeant de celle de l’Occident ». Puisque « l’État afghan s’est rangé du côté de l’agresseur » et refuse de se soumettre aux exigences américaines et de livrer les suspects, « les États-Unis et leurs alliés, obéissant au principe dicté par l’ampleur de la transgression, pourraient moralement et de manière parfaitement justifiée avoir recours à l’usage de la force contre le gouvernement des talibans » [16].

Si l’on revient à notre principe de l’universalité, il s’ensuit qu’Haïti et le Nicaragua peuvent « moralement et de manière parfaitement justifiée avoir recours » à un usage de la force bien plus sévère contre le gouvernement américain. Ces conclusions valent aussi pour d’autres situations, qui vont de crimes plus graves encore jusqu’à certaines petites escapades du terrorisme d’État « à l’occidentale », comme le bombardement, ordonné en 1998 par Clinton, de l’usine pharmaceutique soudanaise d’Al-Shifa, qui fit « plusieurs dizaines de milliers de morts [IV] », selon l’ambassadeur allemand en poste au Soudan et d’autres sources autorisées dont les estimations recoupent celles d’autres observateurs dignes de foi [17]. Selon le principe de proportionnalité évoqué précédemment, le Soudan peut donc légitimement se livrer à des représailles de nature terroriste de grande ampleur. Surtout si l’on accorde que cet acte perpétré par l’« Empire » a eu de si « dramatiques conséquences pour l’économie et la société » soudanaises que ce crime peut être considéré comme d’une plus grande gravité que les attentats du 11 septembre, qui, bien que parfaitement dramatiques, n’ont pas causé de dégâts comparables à la société et à l’économie américaines [18].

Au sujet du bombardement de l’usine soudanaise, on se contente la plupart du temps de se demander si on a vraiment cru qu’elle produisait des armes chimiques. Que la réponse soit positive ou négative, elle ne modifie en rien « l’ampleur de la transgression que l’agresseur [a commis] contre les valeurs fondamentales de la société agressée » – son existence même en l’occurrence. On prétend également souvent que les pertes humaines n’étaient pas préméditées comme dans tant d’autres crimes que nous dénonçons si justement. Pourtant, dans le cas du Soudan, il est difficile de croire que les conséquences probables sur les vies humaines aient été ignorées de ceux qui préparèrent cette opération. Cet acte ne peut être excusé qu’en faisant appel au principe hégélien qui ferait des Africains de « simples choses » dont les vies n’auraient « pas de valeur ». Cette attitude s’accorde si bien avec les actes pratiqués qu’il est difficile pour les victimes de l’ignorer, et que celles-ci sont alors en droit d’en tirer leurs propres conclusions quant à la « rigueur morale de l’Occident ».

Un collaborateur de la publication universitaire déjà citée, Charles Hill, admettait que le 11 septembre ouvrait la seconde « guerre contre le terrorisme ». La première avait été déclarée, il y a de cela vingt ans, par l’administration Reagan dès son accession au pouvoir. Et « nous avons gagné », proclame triomphalement Hill, bien que l’hydre terroriste n’ait été que blessée et non terrassée [19]. La première « ère terroriste » devait s’avérer un des problèmes principaux de la politique internationale tout au long de la décennie 1980, en particulier en Amérique centrale mais aussi au Moyen-Orient. C’est d’ailleurs le terrorisme dans cette dernière région du monde que les éditorialistes ont choisi comme événement principal de l’année 1985. Ils lui conservent une place de premier choix dans leurs commentaires sur les années suivantes.

On peut comprendre pas mal de choses de la guerre actuelle contre le terrorisme en étudiant attentivement cette première période et la manière dont on en parle aujourd’hui. L’un des plus éminents spécialistes en la matière qualifie les années 1980 de décennie du « terrorisme d’État ». Une décennie « de soutien continuel ou de “sponsorisation” du terrorisme par les États, en particulier l’Iran et la Libye ». C’est pour cette raison que les États-Unis ont été tenus d’adopter une « position “préventive” à l’égard du terrorisme ». D’autres recommandent les méthodes grâce auxquelles « nous avons gagné » : c’est-à-dire ces mêmes opérations militaires pour lesquelles nous avons pourtant été condamnés par la Cour internationale de justice et le Conseil de sécurité des Nations unies (avec veto américain bien sûr). Ce que nous avons fait dans le cas du Nicaragua est un modèle « pour le soutien à apporter aux adversaires des talibans (en particulier à l’Alliance du Nord) ». Un autre éminent historien va chercher les racines enfouies du terrorisme pratiqué par Oussama Ben Laden jusqu’au SudVietnam, où « l’efficacité de la terreur viêt-cong contre le Goliath américain muni des armes les plus sophistiquées a pu nourrir l’espoir que le cœur même de l’Occident était également vulnérable » [20].

Comme à l’ordinaire, toutes ces analyses montrent les États-Unis comme une malheureuse victime contrainte de se défendre contre le terrorisme des autres : des Vietnamiens (au Sud-Vietnam), des Nicaraguayens (au Nicaragua), des Libyens et des Iraniens (si ces derniers avaient eu à se plaindre des Américains, personne ne s’en était aperçu apparemment), et d’autres factions anti-américaines à travers le monde. Cependant, tout le monde ne voit pas les choses de la même manière. La région du monde la plus intéressante à cet égard est l’Amérique latine, qui a une considérable expérience en matière de terrorisme international. Les attentats du 11 septembre 2001 y furent fermement condamnés, non sans éveiller toutefois certains souvenirs. Selon le Research Journal de l’université jésuite de Managua, les événements du 11 septembre évoquent l’« Armageddon », mais le Nicaragua a, par la faute des États-Unis, « lui aussi connu l’Armageddon sur une longue période, et il en supporte encore aujourd’hui les effets mortels ». D’autres remontent encore plus loin dans le temps, jusqu’à la formidable épidémie de terrorisme d’État qui balaya le continent tout entier à partir du début des années 1960 et dont la responsabilité revient à Washington. Un journaliste panaméen s’est joint, dans son pays, à la condamnation générale des attentats du 11 septembre, en rappelant tout de même la mort de plusieurs milliers de miséreux, lorsque le père du président actuel avait fait bombarder le quartier de Chorillo, en décembre 1989, au cours de l’opération dite « Juste Cause », entreprise dans le seul but d’enlever un homme de main désobéissant afin de le condamner à la prison à vie pour des crimes qu’il avait le plus souvent commis à l’époque où la CIA le rétribuait grassement. L’écrivain uruguayen Eduardo Galeano fit remarquer que, si les États-Unis prétendent s’opposer au terrorisme, ils le soutiennent, de fait, un peu partout, y compris en « Indonésie, au Cambodge, en Iran, en Afrique du Sud […] et dans les pays d’Amérique latine qui ont dû subir la sale guerre entreprise avec le plan Condor », mis en place par les dictatures militaires sud-américaines qui faisaient régner la terreur avec le soutien des États-Unis [21].

Ces remarques nous ramènent à la seconde cible importante de la première « guerre contre le terrorisme » : le Proche-Orient. Le plus grand crime commis dans cette région fut sans conteste l’invasion du Liban par Israël en 1982, qui fit près de 20 000 morts et laissa l’ensemble du pays en ruine, et en particulier la capitale, Beyrouth. Comme les attaques meurtrières et dévastatrices de 1993 et de 1996 ordonnées par Rabin et Peres, l’invasion de 1982 ne pouvait guère se justifier par une quelconque nécessité de se défendre. Le chef d’état-major israélien, Rafael Eitan, ne fit qu’exprimer clairement ce que tout le monde savait lorsqu’il annonça que l’objectif de cette invasion était de « détruire l’OLP en tant que partenaire possible dans des négociations concernant la Terre d’Israël » [22]. Illustration presque littérale du terrorisme tel qu’il est officiellement défini. L’objectif « était d’instaurer un régime ami et de détruire l’OLP de M. Arafat », selon le correspondant du New York Times au Moyen-Orient. « On pense, sur place, que cela pourrait persuader les Palestiniens d’accepter l’autorité des Israéliens sur la Cisjordanie et sur la bande de Gaza », poursuivait-il [23]. Nous avons sans doute, ici, la première mention dans les médias dominants américains de faits parfaitement assumés dès le départ en Israël, mais que l’on ne trouvait aux ÉtatsUnis que dans des ouvrages plus critiques.

Ces opérations qui furent menées avec l’aide militaire et le soutien diplomatique cruciaux des administrations Reagan et Clinton entrent donc dans la définition du terrorisme international. Les États-Unis furent aussi impliqués directement dans d’autres crimes terroristes qui frappèrent la région au cours des années 1980, y compris dans les terribles attentats terroristes de la fameuse année 1985 : attentat à la voiture piégée organisé avec l’aide de la CIA à Beyrouth, qui fit environ 80 morts et 250 blessés ; bombardement de Tunis avec ses 75 morts, ordonné par Shimon Peres, encouragé par les États-Unis et fort prisé par le secrétaire d’État George Schultz, bien qu’unanimement condamné et qualifié par le Conseil de sécurité des Nations unies d’« agression armée » (les États-Unis s’abstenant) ; et, toujours sous l’égide de Peres, les opérations lancées contre les « villages terroristes » au Liban, qui atteignirent de nouveaux records de « brutalité calculée et d’assassinats arbitraires », selon les propres termes d’un diplomate occidental familier de la région, propos amplement confirmés par les témoignages directs [24]. Répétons-le, tout cela relève du terrorisme international sinon du crime de guerre aggravé.

Dans les milieux journalistiques et universitaires, 1985 passe pour la pire année du point de vue du terrorisme au Moyen-Orient. Bizarrement, ce n’est pas du fait des événements que nous venons d’évoquer mais à cause de deux autres attentats terroristes, qui causèrent à chaque fois la mort d’un individu – dans les deux cas, un Américain [25]. Mais les autres victimes n’oublient pas facilement.

Cette histoire très récente a d’autant plus de signification que certains protagonistes de la nouvelle « guerre contre le terrorisme » jouaient déjà un rôle important dans la précédente. Le versant diplomatique de la guerre actuelle est confié à John Negroponte, ambassadeur de Reagan au Honduras, qui servit de base arrière aux crimes terroristes pour lesquels le gouvernement avait été condamné par la Cour internationale de justice et pour les autres actes de terrorisme d’État soutenus par les États-Unis en Amérique centrale. Ces activités firent des « années Reagan, la plus terrible décennie qu’ait vécue l’Amérique centrale depuis la conquête espagnole [26] », et tout cela sous la supervision de Negroponte [V]. Quant au versant militaire de la nouvelle guerre contre le terrorisme, il a été confié à Donald Rumsfelf, envoyé spécial de Reagan au Moyen-Orient aux pires moments qu’ait vécus cette région en matière de terrorisme initié ou soutenu par le gouvernement américain.

Soulignons au passage que les atrocités de ce genre n’ont pas cessé au cours des années suivantes. La contribution de Washington à « l’intensification de la violence » dans le conflit israélo-arabe se poursuit. Forgée par le président Bush lui-même, cette expression vise, suivant la rhétorique en vigueur, le terrorisme des autres. Il suffit toutefois de sortir de cette routine pour trouver d’autres exemples assez significatifs de l’attitude américaine. On peut, par exemple, renforcer la violence en y participant : livrer des hélicoptères destinés à attaquer des cibles civiles ou lancer des opérations meurtrières – comme les États-Unis le font régulièrement sans en ignorer les conséquences. On peut aussi bloquer l’envoi d’une force internationale destinée à s’interposer dans les conflits. Les États-Unis ont, dernièrement, fait connaître leur position en ce domaine, en opposant leur veto à la résolution du Conseil de sécurité du 14 décembre 2001, qui prévoyait le déploiement des casques bleus. Commentant le retour d’Arafat à un statut à peine plus enviable que celui d’un Ben Laden ou d’un Saddam Hussein, la presse nous apprend que le président Bush a été « extrêmement irrité [par] le durcissement de dernière minute de la position palestinienne […] concernant l’envoi d’une force d’interposition internationale dans les territoires palestiniens, décidé par une résolution prise par le Conseil de sécurité des Nations unies ». Bush semble donc avoir été « extrêmement irrité » par le fait qu’Arafat se joigne au reste du monde pour exiger que l’on mette en œuvre les moyens de lutter contre le terrorisme [28].

Dix jours avant d’opposer leur veto à l’intervention d’une force internationale, les États-Unis avaient boycotté – autrement dit, saboté – la conférence internationale de Genève destinée à réaffirmer la validité de la quatrième convention de Genève pour la question des territoires occupés, ce qui aurait permis de qualifier la plupart des activités israélo-américaines dans cette région de crimes et même – lorsqu’il s’agit d’« infractions graves », comme le sont beaucoup d’entre elles – de véritables crimes de guerre. Cela inclut la colonisation israélienne financée par les États-Unis et l’« homicide intentionnel, la torture, la déportation illégale, la privation du droit d’être jugé régulièrement et impartialement, la destruction et l’appropriation de biens […] exécutées de façon illicite et arbitraire » [29].

Cette convention, à l’origine destinée à formellement criminaliser les crimes commis par les nazis dans une Europe occupée, est un des principes fondamentaux du droit humanitaire international. Sa validité dans le cas des territoires occupés par les Israéliens a été confirmée à plusieurs reprises, par George Bush lui-même en 1971², alors qu’il était ambassadeur auprès des Nations unies, et en 1980 par plusieurs résolutions du Conseil de sécurité adoptées à l’unanimité, qui accusaient Israël (soutenu par les États-Unis) de « violations flagrantes » de la convention de Genève (abstention des États-Unis). Ces résolutions appelaient également Israël à « faire scrupuleusement face à ses responsabilités au regard de la quatrième convention de Genève », qu’il violait à l’époque de façon flagrante. En leur qualité de hautes parties contractantes, les États-Unis et les puissances européennes sont tenus par un traité solennel de poursuivre et de se saisir des responsables de tels crimes même lorsqu’il s’agit de leurs propres dirigeants s’ils y ont pris part. En s’obstinant à ne pas obéir à cette obligation, ils renforcent le terrorisme directement et de manière significative.

Mais revenons à la question de la réponse appropriée aux attentats terroristes, et en particulier à ceux du 11 septembre. On pense communément que la réaction angloaméricaine a bénéficié d’un considérable soutien international. Mais ceci n’est vrai que si l’on s’en tient à l’opinion des élites. Un sondage international (Gallup) a d’ailleurs démontré que seule une minorité soutenait d’emblée l’opération militaire alors qu’une majorité de sondés se déclaraient plutôt favorables à un processus diplomatique [30]. En Europe, les réponses favorables à l’option militaire allaient de 8 % en Grèce à 29 % en France. En Amérique latine, le soutien aux opérations militaires américaines était encore plus faible : de 2 % au Mexique à 16 % au Panamá. Quant au pourcentage des sondés qui soutenaient l’idée de frappes visant des cibles civiles, il était extrêmement faible. Même dans les deux pays qui soutenaient le plus fermement la politique américaine (Israël et l’Inde – on comprend aisément pourquoi), une importante majorité des personnes interrogées s’opposaient aux bombardements. Il y avait donc au contraire une méfiance considérable vis-à-vis de l’attitude américaine.

Les effets prévisibles de la politique américaine sur la population afghane furent en revanche parfaitement ignorés des sondages et de la plupart des commentaires sur la question. Des millions d’Afghans connaissaient déjà une quasi-famine avant le 11 septembre. Était-ce alors vraiment une réponse appropriée que d’exiger du Pakistan l’arrêt « des convois qui fournissaient l’essentiel de la nourriture ainsi que d’autres produits de première nécessité à la population civile afghane » ? et provoquer le départ des organisations humanitaires, laissant ainsi « des millions d’Afghans […] en grand danger de mourir de faim » ? Les organisations humanitaires émirent de vigoureuses protestations (réitérées à la fin de la guerre) contre cette politique, l’accusant de préparer une grave crise humanitaire [31]. Bien entendu, les opérations ne devraient être évaluées que par rapport à ce qu’on en attendait. Cela devrait être évident. Mais les effets réels de celles-ci ne sont pas près d’être connus, même approximativement, tant on enquête toujours très attentivement sur les crimes des autres mais jamais sur les nôtres. On peut néanmoins extraire quelques indications des rapports successifs qui ont évalué la part de la population nécessitant une aide alimentaire d’urgence : 5 millions d’individus avant le 11 septembre pour 7,5 millions à la fin du même mois pendant les bombardements ; six mois plus tard, ils étaient  millions qui ne souffraient pas tant du manque de nourriture (l’aide alimentaire avait été rapidement organisée) que des difficultés de la distribuer dans un pays retombé aux mains des chefs de clans [32]. On ne connaît pas d’étude digne de confiance sur l’opinion publique afghane durant la guerre, pourtant nous ne manquons pas totalement d’informations à ce sujet. Dès le départ, le président Bush a averti les Afghans qu’ils seraient soumis aux bombardements tant qu’ils n’auraient pas livré les individus que les États-Unis suspectaient de terrorisme. Trois semaines plus tard, les objectifs américains avaient changé. Il s’agissait désormais de renverser le régime des talibans : les bombardements se poursuivraient, annonça l’amiral Michael Boyce, « jusqu’à ce que le peuple de ce pays comprenne qu’il lui fallait changer de dirigeants » [33]. Soulignons que la question de savoir si le renversement du régime des talibans pouvait suffire à justifier les bombardements ne se posa même pas puisque cela ne devint un objectif américain que bien après le début de ces bombardements. Nous pouvons cependant nous interroger sur l’opinion de certains Afghans à même d’être interrogés par les observateurs occidentaux sur les choix stratégiques des Américains – qui de toute façon répondent clairement à la définition officielle du terrorisme international. Alors que, à la fin du mois d’octobre 2001, l’objectif principal de la guerre devint le renversement du régime, un millier de responsables afghans se réunirent à Peshawar. Certains revenaient d’exil, d’autres arrivaient d’Afghanistan, mais tous souhaitaient renverser le régime taliban. La presse y vit un des « rares exemples d’unité entre chefs de communautés, universitaires islamistes, membres de différents partis et anciens commandants de la guérilla ». Ces personnalités afghanes prièrent unanimement « les États-Unis de mettre fin aux raids aériens ». Ils demandèrent également aux médias internationaux d’appeler à cesser le « bombardement d’individus innocents ». Ils insistaient pour que d’autres moyens soient adoptés pour renverser le régime pourtant détesté des talibans. Ils pensaient en effet que cet objectif pouvait être atteint sans avoir recours au meurtre et à la destruction [34].

Un message de même teneur fut envoyé par le leader de l’opposition afghane, Abdul Haq, fort apprécié à Washington. Juste avant de pénétrer en Afghanistan – sans le soutien des États-Unis, semble-t-il – et d’être capturé puis assassiné, il avait condamné les bombardements et critiqué les États-Unis pour avoir refusé d’apporter leur soutien au projet qu’il partageait avec d’autres de « provoquer une révolte au sein même des talibans ». Les bombardements ont « gravement nui à ce projet », déclara-t-il. Il faisait part de contacts pris avec des commandants talibans de la base et certains chefs de clans et ex-moudjahidines. Il expliquait comment une telle stratégie pourrait atteindre ses objectifs et demandait aux États-Unis de la soutenir financièrement et par d’autres moyens au lieu de lui nuire par leurs bombardements. Selon lui, les États-Unis voulaient faire une « démonstration de force, remporter une facile victoire et faire peur au monde entier ». Et Abdul Haq ajoutait : « Ils se moquent de la souffrance des Afghans et des pertes que nous aurons ici. » [35]

Dans ce contexte, le sort des femmes afghanes éveilla un intérêt plutôt tardif. Après la guerre, on reconnut aisément le courage de celles qui avaient été à l’avant-garde de la défense des droits des femmes pendant près de vingt-cinq ans – au sein de la RAWA (Revolutionary Association of the Women of Afghanistan). Une semaine avant le début de la campagne de bombardements, le 11 octobre 2001, la RAWA publia une déclaration publique qui n’aurait pas dû être seulement un bon coup éditorial mais faire la une des journaux partout où le sort des femmes afghanes était une véritable source d’inquiétude. Les femmes de la RAWA condamnaient le recours « au fléau de la guerre de destruction » au moment même où les États-Unis se lançaient « dans une opération de grande envergure contre [leur] pays », qui allait causer de terribles souffrances à de nombreux Afghans innocents. Pour leur part, elles appelaient à « se débarrasser des talibans et d’Al-Qaida [… par] le recours à l’insurrection générale » du peuple afghan luimême, qui seul pourrait « empêcher le retour de ce fléau qui s’est abattu sur notre pays ».

Tout cela fut parfaitement ignoré. Il n’est pourtant pas forcément évident que ceux qui possèdent la force des armes soient autorisés à négliger l’opinion de ceux qui se battent pour leur liberté et pour les droits des femmes depuis de si longues années. Est-il également raisonnable de traiter avec un mépris évident leur souhait d’en finir de l’intérieur avec le régime détesté des talibans, sans recourir aux inévitables atrocités de la guerre ?

Bref, une revue générale de l’opinion internationale, appuyée sur ce que nous savons de l’opinion afghane, permet de sérieusement relativiser l’importance du consensus existant parmi les intellectuels occidentaux ainsi que la justice de leur cause.

Demeure pourtant un conseil donné par ces élites qui reste tout à fait valable : il est en effet absolument nécessaire de s’interroger sur les raisons des crimes terroristes du 11 septembre 2001. Cela au moins est parfaitement indiscutable – du moins pour ceux qui espèrent réduire les risques de voir de tels actes se répéter. Il y a la question particulière des motifs exacts qui ont inspiré les terroristes. Sur ce point, tout le monde tombe à peu près d’accord. Les observateurs dignes de foi reconnaissent qu’après l’installation de bases permanentes américaines en Arabie Saoudite « Ben Laden ne pensa plus qu’aux moyens d’expulser les Américains de la terre sainte d’Arabie » et de débarrasser le monde musulman « des menteurs et des hypocrites » qui rejettent sa vision extrémiste de l’islam [36]. L’accord est tout aussi général sur le fait que, « à moins que l’on ne s’occupe véritablement des conditions sociales, politiques et économiques sur lesquelles prospèrent Al-Qaida et d’autres groupes qui lui sont associés, les États-Unis et leurs alliés d’Europe de l’Ouest ou d’ailleurs continueront d’être la cible des terroristes islamistes » [37]. Ces conditions sont certes complexes, mais certains facteurs en sont néanmoins connus depuis longtemps. En 1958 – année cruciale dans l’histoire de l’après-guerre –, le président Eisenhower informa son équipe que, dans le monde arabe, « les ÉtatsUnis [devaient] faire face à une campagne de haine à [leur] égard. Et ce, non pas tant de la part des gouvernements que des populations elles-mêmes ». Ces populations étaient « dans le camp de Nasser » et soutenaient son indépendantisme nationaliste et laïc. Les raisons de cette « campagne de haine » avaient été identifiées quelques mois plus tôt par le Conseil national de sécurité : « Aux yeux de la majorité des Arabes, les États-Unis semblent s’opposer à la réalisation des objectifs du nationalisme arabe. Ils pensent que les États-Unis cherchent à protéger leurs intérêts au ProcheOrient en préférant le statu quo et en s’opposant aux avancées économiques et démocratiques. » Cette opinion était d’ailleurs parfaitement exacte : « Nos intérêts économiques et culturels dans cette région nous ont conduits à resserrer tout naturellement les liens que notre pays entretient avec les éléments du monde arabe dont les intérêts fondamentaux reposent sur le maintien de leurs relations avec l’Occident et celui du statu quo dans leurs affaires intérieures. [38] »

Ce sentiment existe encore aujourd’hui. Tout de suite après le 11 septembre, le Wall Street Journal, rapidement imité par d’autres journaux, se mit à enquêter sur l’opinion des « musulmans fortunés » : banquiers, professions libérales, dirigeants de multinationales, etc. S’ils soutiennent en général assez fermement la politique américaine, ceux-ci ne s’en montrent pas moins amers quant au rôle des ÉtatsUnis dans la région – en particulier le soutien américain aux régimes brutaux et corrompus, qui nuit à la démocratie et au développement, et certaines politiques spécifiques à l’encontre, par exemple, de la Palestine et de l’Irak. Bien qu’on ne puisse pas vraiment sonder l’opinion des habitants des villages et des bidonvilles de cette région, elle est sans doute similaire à celle évoquée à l’instant – et même probablement plus violente. En effet, contrairement aux « musulmans fortunés », l’écrasante majorité de la population locale n’a jamais véritablement accepté que les ressources de la région profitent avant tout à l’Occident et à ses collaborateurs locaux au lieu de permettre de garantir la satisfaction de leurs besoins vitaux. Les « musulmans fortunés » reconnaissent avec regret que la rhétorique hargneuse de Ben Laden reçoit un écho considérable jusque dans leurs propres cercles, même si – faisant partie de ses principales cibles – ils le craignent et le détestent [39].

Il est indubitablement plus confortable de croire que la réponse au plaintif « Pourquoi nous détestent-ils ? » de George Bush se trouve dans leur ressentiment vis-à-vis de notre liberté et de notre amour de la démocratie ; ou dans une faillite culturelle pluriséculaire ; ou bien encore dans leur incapacité à jouer un rôle dans cette forme de « mon dialisation » dont ils bénéficient pourtant si heureusement. Confortable sans aucun doute, mais peu sage.

Bien que parfaitement choquants, les attentats terroristes du 11 septembre n’étaient pas complètement imprévisibles. De telles organisations terroristes avaient déjà projeté des attentats tout au long des années 1990. En 1993, elles furent assez près de faire sauter le World Trade Center. Leurs modes de pensée étaient alors indubitablement familiers aux services de renseignements américains, qui avaient participé à leur recrutement, les avaient entraînées et armées depuis 1980 et continuaient à travailler avec eux alors même qu’ils s’en prenaient aux États-Unis eux-mêmes. Une commission du gouvernement hollandais enquêtant sur les massacres de Srebrenica a révélé que, à l’époque où certains tentaient de faire sauter le World Trade Center, d’autres radicaux islamistes basés en Afghanistan et appartenant aux réseaux formés par la CIA étaient acheminés par les États-Unis vers la Bosnie, avec armes et bagages, en compagnie de combattants du Hezbollah soutenus par l’Iran. Et tout cela à seule fin de soutenir le camp choisi par les États-Unis dans les conflits qui déchiraient les Balkans. Pour sa part, Israël (avec l’Ukraine et la Grèce) armait les Serbes (probablement avec des armes fournies par les ÉtatsUnis) – ce qui explique pourquoi « des obus n’ayant pas explosé à Sarajevo portent parfois des inscriptions en hébreu », comme l’observe un spécialiste de sciences politiques, l’Anglais Richard Aldrich, à la lecture du rapport d’enquête du gouvernement hollandais [40].

Plus globalement, les actes terroristes du 11 septembre agissent comme un rappel spectaculaire de ce que nous savons depuis longtemps : avec la technologie moderne, les riches et les puissants ne détiennent plus, désormais, le quasi-monopole de la violence qui a marqué presque toute l’histoire de l’humanité. Bien qu’il faille bien entendu craindre le terrorisme partout où il se présente, et qu’il s’agisse indubitablement d’un intolérable « retour à la barbarie », il ne nous surprendra pas que les jugements sur sa nature véritable diffèrent très radicalement selon les expériences elles aussi diverses des protagonistes internationaux. C’est au péril de leurs vies que ceux que l’histoire a habitués à une parfaite impunité lorsqu’ils commettaient de leur côté des crimes également abominables continueront d’ignorer ce fait.

© Noam Chomsky

Notes de l’éditeur et du traducteur

I. La résolution du Conseil de sécurité à laquelle fut opposé un veto demandait que l’on se plie aux mandements de la Cour de justice internationale et, sans mentionner personne, appelait tous les États à « se garder de provoquer, de supporter et de promouvoir des actes politiques, économiques ou militaires de quelque nature que ce soit contre les États de cette région » (Elaine Sciolino, New York Times, 31 juillet 1986).

II. Cette École des Amériques a par exemple formé six membres de la junte militaire qui renversa Salvador Allende en 1973. « Nous gardons le contact avec nos officiers diplômés et réciproquement », déclarait à un journaliste le commandant américain de l’école (cité par Howard Zinn, Une histoire politique des États-Unis, op. cit.). [ndt]

III. Greenwood se réfère au paragraphe 195 du jugement de la Cour de justice internationale dans le cas dit Nicaragua vs USA, mais la Cour n’utilisa pas ce paragraphe pour justifier sa condamnation du terrorisme américain, qui est à coup sûr plus approprié à ce cas qu’à celui dont parle Greenwood dans son article.

IV. Il s’agit ici des conséquences sanitaires de la destruction de toute capacité de production de médicaments. [nde]

V. En juin 2004, après la restauration formelle de la souveraineté irakienne, Negroponte a pris la tête d’une ambassade américaine géante à Bagdad [27]. [nde]

Notes générales

1. George Bush, cité par Rich Heffern, National Catholic Reporter, 11 janvier 2002. Ronald Reagan dans le New York Times du 18 octobre 1985 et George Schultz, département d’État, cité dans Current Policy n° 589, juin 1984, et n° 629, octobre 1984.

2. « US Army Operational Concept for Terrorism Counteraction », fascicule du TRADOC, n° 525-537, 1984.

3. Résolution 42/159 du 7 décembre 1987 ; avec l’abstention du Honduras.

4. Lire Joseba Zulaika et William Douglass, Terror and Taboo, Routlegde, New York-Londres, 1996. Sur les activités dans cette région, lire « InterAgency Task Force, Africa Recovery Program/Economic Commission, in South Africa Destabilisation : The Economic Cost of Frontline Resistance to Appartheid, Nations unies, New York, 1989, cité par Merle Bowen, Fletcher Forum, hiver 1991. Sur la poursuite des relations commerciales américaines avec l’Afrique du Sud après les sanctions décidées par le Congrès en 1985 (malgré le veto de Reagan), lire Gay McDougall et Richard Knignt, in Sanctioning Apartheid, Robert Edgard (dir.), Africa World Press, Trenton, 1990.

5. Pour un tour d’horizon des refus unilatéraux américains pendant trente ans, lire Noam Chomsky, introduction à Roane Carey, The New Intifada, Verso, Londres-New York, 2000. Pour plus de détails, se reporter aux sources indiquées.

6. Pour savoir pourquoi elle n’est jamais utilisée, lire Western State Terrorism, Alexander George (dir.), Polity Blackwell, Cambridge, 1991.

7. The Age of Terror : America and the World after September 11, introduction de Strobe Talbott et Nayan Chanda, Basic Books et le Yale University Centre for the Study of Globalisation, New York, 2001.

8. Abram Sofaer, « The United States and the World Cour », Current Policy, n° 769, décembre 1985.

9. George Schultz, « Moral Principles and Strategic Interests », Current policy, n° 820. Pour le témoignage de Schultz devant le Congrès, voir l’article de Jack Spence in Reagan versus Sandinistas, Thomas Walker (dir.), Westview, Londres, 1987. Pour un aperçu des pratiques destinées à miner les approches diplomatiques et de l’escalade du terrorisme international téléguidé par les États, se reporter à Noam Chomsky, Culture of Terrorism, South End, Boston, 1988 ; Necessary Illusions, South End, Boston 1989 ; Deterring Democracy, Verso, Londres-New York, 1991. Sur leurs conséquences, lire Repression, Resistance and Democratic Transition in Central America, Thomas Walker et Ariel Armony (dir.), Schorlarly Ressources, Willmington, 2000. Sur les opérations au Nicaragua, lire Howard meyer, The World Court in Action, Rowman and Littlefield, Lanham-Londres, 2002.

10. Edwartd Price, « The Strategy and Tactics of Revolutionary Terrorism », Comparative Studies in Society and History, n° 19/1, cité par Chalmers Johnson, « American Militarism and Blowback », New Political Science, 24 :1, 2002.

11. School of Americas, 1999, cité par Adam Isacson et Joy Olson, Just the Facts, Latin America Working Group and Center for International Policy, Washington, 1999.

12. Christopher Greenwood, « International Law and the “War against Terrorism” », International Affairs, n° 78/2, 2002.

13. Thomas Franck, « Terrorism and the Right of Self-Defense », Foreign Affairs, janvier-février 2002.

14. Foreign Affairs, janvier-février 2002, et conversation avec Tania Branigan du Guardian, le 30 octobre 2001. Lire aussi Ignatieff, Index of Censorship, n° 2, 2002.

15. New York Times, 1er octobre 2001.

16. Franck Schuller et Thomas Grant, Current History, avril 2002.

17. Werner Daum, « Universalism and the West », Harvard International Review, été 2001. Pour les autres témoignages et les avertissements de Human Rights Watch, lire Noam Chomsky, 9/11, Le Serpent à plumes, Paris, 2001.

18. Christopher Hitchens, Nation, 10 juin 2002.

19. The Age of Terror…, op. cit.

20. Martha Crenshaw, Ivo Daalder, James Lindsay et David Rapoport, Current History, « America at War », décembre 2001. Sur la « première guerre contre le terrorisme », lire Western State Terrorism, op. cit.

21. Successivement : le périodique de l’UCA à Managua, en octobre ; Ricardo Stevens, (Panamá), Report on the Americas, novembre-décembre 2001 ; Eduardo Galeano, La Jornada (Mexico City), cité par Alain Frachon dans Le Monde du 24 novembre 2001.

22. Pour les nombreuses sources à ce sujet, lire Noam Chomsky, Fateful Triangle, South End Press, Boston, 1983, mis à jour dans l’édition de 1999 sur la question du Sud-Liban dans les années 1990 ; Pirates and Emperors, Claremont, New York, 1986, nouvelle édition à paraître chez Pluto Press, Londres ; World Orders Old and New, op. cit.

23. James Bennet, New York Times, 24 janvier 2002.

24. Pour plus de détails, lire la contribution de Noam Chomsky à Western State Terrorism, op. cit.

25. Martha Crenshaw, « America at War », op. cit.

26. Chalmers Johnson, Nation, 15 octobre 2001.

27. Lire Noam Chomsky, « On Negroponte’s Appointment to Iraq Embassy », .

28. Ian Williams, Middle East International, 21 décembre 2001, 11 janvier 2002 ; John Donnelly, Boston Globe, 25 avril 2002 – en l’occurrence, il est fait référence à un veto antérieur des États-Unis.

29. Conférence des hautes parties contractantes, « Report on Israeli Settlement », janvier-février 2002, Fondation for the Middle East Peace, Washington. Sur ce sujet, lire l’article de Francis Boyle, « Law and Disorder in the Middle East », The Link, 35/1, janvier-mars 2002.

30. , chiffres des 14 et 17 septembre 2001.

31. John Burns, New York Times, 16 septembre 2001 ; Samina Amin, International Security, n° 26/3, hiver 2001. Pour les avertissements antérieurs, lire Noam Chomsky, 9/11, op. cit. Pour les évaluations de l’après-guerre faites par les organisations humanitaires, lire Imre Karacs, Independant on Sunday, 9 décembre 2001.

32. Pour des estimations plus récentes, lire Barbara Crossette dans le New York Times du 26 mars 2002 et Ahmed Rashid dans le Wall Street Journal du 6 juin 2002. Lire aussi Andrew Ravkin dans le New York Times du 16 décembre 2001, qui cite le département d’État américain sans mentionner pourtant les bombardements.

33. Patrick Tyler et Elisabeth Bumiller, New York Times, 12 octobre 2001, qui citent Bush ; Michael Gordon, New York Times, 28 octobre 2001, qui cite Boyce.

34. Barry Bearak New York Times, 25 octobre 2001 ; Johyn Thornhill et Farhan Bokhari, Financial Times, 25 et du 26 octobre 2001 ; John Burns, New York Times, 26 octobre ; Indira Laskhamanan, Boston Globe, 25 et 26 octobre 2001.

35. Interview menée par Anatol Lieven, Guadian, 2 novembre 2001.

36. Ann Lesch, Middle East Policy, n° IX/2, juin 2002. Lire aussi Michael Doran, Foreign Affairs, janvier-février 2002 et de nombreux autres, dont plusieurs collaborateurs du Current History, décembre 2001.

37. Sumit Guanguly, ibid.

38. Pour plus de précisions, lire Noam Chomsky, World Orders Old and New, op. cit.

39. Peter Waldman et al., Wall Street Journal, 14 septembre 2001 ; Waldman et Hugh Pope, Wall Street Journal, 21 septembre 2001.

40. Richard Aldrich, Guardian, 22 avril 2002.

Traduit par Frédéric Cotton pour Agone
Source : http://www.noam-chomsky.fr

Source: http://www.les-crises.fr/2002-le-terrorisme-et-la-reponse-appropriee/


[2001] 11/09/2001 : une première réaction [petit retour en arrière...]

Sunday 11 January 2015 at 03:20

Par Noam Chomsky, le 12/09/2001

Ces attaques terroristes sont des atrocités majeures. Il est possible qu’elles n’aient pas atteint le niveau de beaucoup d’autres, telles le bombardement par Clinton du Soudan, sans aucun prétexte crédible, détruisant la moitié de son industrie pharmaceutique et tuant une quantité inconnue de personnes (inconnue, puisque les Etats-Unis ont bloqué une enquête de l’ONU, et que personne ne veut la poursuivre). Sans parler d’autres drames bien plus graves qui viennent facilement à l’esprit. Mais aucun doute : ce qui vient de se passer est un crime atroce. Les premières victimes, comme d’habitude, ont été des travailleurs et des travailleuses : portiers, secrétaires, pompiers, etc. Cela annonce sans doute une tempête infernale contre les Palestiniens et autres peuples pauvres et opprimés. Et il en résultera aussi probablement des contrôles de sécurité serrés, avec beaucoup de ramifications envisageables pour saper les libertés publiques y compris au niveau international.

Ces événements révèlent dramatiquement la folie du projet de « défense anti-missile ». Cela était évident depuis le départ, et a été souligné à maintes reprises par les analystes en stratégie : si quiconque veut causer d’immenses dommages aux Etats-Unis, il est hautement improbable qu’il lance une attaque de missiles, garantissant ainsi sa destruction immédiate. Il y a une infinité de moyens plus simples et à peu près impossibles à contrer. Mais les événements de ce jour vont, selon toute probabilité, être exploités pour augmenter la pression en vue de développer ces systèmes et les mettre en place. Le prétexte de « Défense Nationale » est le cache-sexe de plans de militarisation de l’espace, et avec une bonne communication, même les arguments les plus creux auront un certain poids auprès d’un public effrayé.

En bref, ce crime est un cadeau à la droite extrême, ceux qui espèrent préserver leurs possessions par la force. Cela, même en laissant de côté les réactions prévisibles des Etats-Unis, et ce qu’elles déclencheront : possiblement d’autres attaques similaires à celle-ci, ou pires. Les perspectives sont encore plus sinistres aujourd’hui qu’elles semblaient l’être avant ces dernières atrocités.

Comment réagir ? Nous avons le choix. Nous pouvons exprimer notre horreur, elle est justifiée ; nous pouvons chercher à comprendre ce qui a pu engendrer ces crimes, ce qui implique de faire un effort pour se mettre dans la peau de ceux qui l’ont vraisemblablement commis. Si nous faisons ce dernier choix, nous ne pouvons faire mieux, me semble-t-il, que d’écouter les mots de Robert Fisk, dont la connaissance directe et en profondeur des affaires de la région est inégalée après de nombreuses années de remarquables reportages. En décrivant « la terrifiante cruauté d’un peuple écrasé et humilié », il écrit : « Ceci n’est pas la guerre de la démocratie contre la terreur, comme le monde sera prié de le croire ces prochains jours. C’est aussi l’histoire de missiles américains explosant dans des maisons palestiniennes, et d’hélicoptères américains lançant des missiles contre une ambulance libanaise en 1996, et d’obus américains s’écrasant sur un village du nom de Qana, et l’histoire de milices Libanaises payées et habillées par l’allié de l’Amérique (Israël) frappant et violant et assassinant tout sur leur passage dans des camps de réfugiés ». Et beaucoup plus encore. Je le répète, nous avons le choix : nous pouvons essayer de comprendre, ou le refuser et contribuer ainsi à rendre vraisemblable que bien pire nous attend.

© Noam Chomsky

Source : http://www.noam-chomsky.fr

Source: http://www.les-crises.fr/2001-11092001-une-premiere-reaction-petit-retour-en-arriere/


[Reprise] Il n’y a pas de guerre contre le terrorisme, par Noam Chomsky [2005]

Sunday 11 January 2015 at 02:12

Tiens, nous sommes en guerre – une paille…

Comme d’habitude, guerre décidée par un homme seul, dans son bunker, sans vote du Parlement – j’imagine que c’est ce qu’on appelle une “République exemplaire”. “Moi Président, je ferai comme les autres”…

Alors, en guerre contre qui ?

La France est en guerre contre le terrorisme.” [Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense]

Ah, c’est tout de suite plus clair – “vaste programme”… Il aurait dû faire encore plus simple “en guerre contre les très méchants” me semble mieux.

Alors je reprends un classique de 2005 de Noam Chomsky, puisque nous reprenons désormais la rhétorique de néoconservateurs américains…

Noam Chomsky interviewé par Geov Parrish

WorkingForChange.com (USA) , 23 décembre 2005

Depuis plus de 40 ans, Noam Chomsky, professeur au MIT, est l’un des plus grands intellectuels au monde critique de la politique étrangère des Etats-Unis. Aujourd’hui, alors que les Etats-Unis connaissent des problèmes politiques et militaires suite à leurs dernières aventures impériales, Chomsky – qui a eu 77 ans le mois dernier – promet qu’il ne ralentira pas le rythme « tant qu’il tiendra debout ». Je lui ai parlé au téléphone, le 9 décembre et une autre fois le 20, à son bureau à Cambridge.

Geov Parrish : Est-ce que George Bush a des problèmes politiques ? Si oui, pourquoi ?

Noam Chomsky : George Bush aurait de graves problèmes politiques s’il y avait un parti d’opposition dans ce pays. Pratiquement chaque jour ils se tirent un balle dans le pied. Ce qui est étonnant dans la politique aux Etats-Unis aujourd’hui est que les Démocrates n’en tirent pratiquement aucun bénéfice. Le seul bénéfice pour eux est que les Républicains sont en train de perdre du soutien. Un parti d’opposition serait en train de secouer les branches, mais les Démocrates ont une politique si proche des Républicains qu’ils ne peuvent rien faire. Lorsqu’ils essaient de parler de l’Irak, George Bush, ou Karl Rove, leur rétorque « comment pouvez-vous critiquer ? Vous avez tous voté pour. » En plus, ils ont raison.

GP : Comment les Démocrates pourraient-ils faire la différence à ce stade, étant donné qu’ils sont déjà tombés dans le piège ?

 Chomsky : Les Démocrates, leurs dirigeants, lisent les sondages bien plus que moi. Ils savent ce que pense l’opinion publique. Ils pourraient prendre des positions qui seraient soutenues par l’ opinion publique au lieu d’aller à l’encontre. Ainsi ils deviendraient un vrai parti d’opposition, et même un parti majoritaire. Mais cela signifie qu’ils devront changer de position sur pratiquement tous les sujets.

Par exemple, prenons la question de la santé, qui est probablement la préoccupation principale dans le pays. Une grande majorité de la population est favorable, et ce depuis longtemps, à un système de sécurité sociale nationale. Mais chaque fois que le sujet est abordé – on en parle de temps en temps dans la presse – on dit que c’est politiquement impossible, ou que le projet « manque de soutien politique », qui est une autre manière de dire que les compagnies d’assurance n’en veulent pas, que les compagnies pharmaceutiques n’en veulent pas, et ainsi de suite.

Bon d’accord, une grande majorité de la population le veut, mais qui se préoccupe d’eux ? C’est pareil pour les Démocrates. Clinton avait concocté un plan tellement alambiqué qu’on n’y comprenait rien et tout est tombé à l’eau.

Kerry, aux dernières élections, au dernier débat de la campagne, le 28 octobre je crois, le débat devait aborder les questions de politique interne. Et le New York Times en fit un bon compte-rendu le lendemain. Ils soulignèrent, à raison, que Kerry n’avait jamais mentionné un engagement quelconque du gouvernement dans le système de santé parce qu’il « manquait de soutien politique ». C’est leur manière à eux de dire, et celle de Kerry de comprendre, que soutien politique signifie le soutien des riches et des puissants. Bon, les Démocrates pourraient être différents. On pourrait imaginer un parti d’opposition qui défendrait les intérêts de la population.

GP : Etant donné l’absence de véritables différences entre les deux partis en matière de politique extérieure…

Chomsky : … ou même intérieure.

GP : Oui, ou intérieure. Mais je voudrais poser une question sur la politique étrangère. Sommes-nous en train d’être préparés à un état de guerre permanent ?

Chomsky : Je ne crois pas. Personne ne veut réellement la guerre. Ce que l’on veut c’est la victoire. Prenons l’exemple de l’Amérique centrale. Dans les années 80, l’Amérique centrale était hors de contrôle. Les Etats-Unis ont du mener une guerre terroriste féroce contre le Nicaragua, et ont du soutenir les gouvernements assassins du Salvador, du Guatemala et du Honduras, c’était un état de guerre. Les terroristes ont finalement gagné. A présent, la région est plus ou moins calme. Alors on n’entend même plus parler de l’Amérique centrale parce que tout est calme. Il y a la souffrance et la misère, mais la situation est calme. Ce n’est donc pas un état de guerre. Ailleurs, c’est pareil. Partout où on peut garder les gens sous contrôle, il n’y a pas de guerre.

Prenons par exemple la Russie et l’Europe de l’Est. La Russie a contrôlé l’Europe de l’Est pendant près d’un demi-siècle, avec très peu d’interventions militaires. De temps en temps, ils envahissaient Berlin Est, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, mais en général c’était calme. Et ça leur convenait parfaitement – une situation sous contrôle des forces de sécurité locales, des politiciens locaux, pas de problème. Il n’y avait pas d’état de guerre permanent.

GP : Mais dans la Guerre contre le terrorisme, quelle peut être la définition d’une victoire lorsqu’on a affaire à une tactique ? C’est sans issue.

Chomsky : Il existe des moyens procéder à des mesures. Par exemple, on peut compter le nombre d’attaques terroristes. Et bien ils sont en nette augmentation sous l’administration Bush, et en très nette augmentation depuis la guerre en Irak. Comme prévu – les services de renseignement avaient prévu que la guerre en Irak allait probablement accroître le niveau de terrorisme. Et les estimations effectuées après l’invasion par la CIA et le Conseil National du Renseignement, et autres agences de renseignement, le confirme en tous points. La guerre a augmenté le terrorisme. En fait, elle a même produit quelque chose qui n’existait pas auparavant, un nouveau terrain d’entraînement pour les terroristes, bien plus sophistiqué qu’en Afghanistan, où sont entraînés des terroristes professionnels qui retournent ensuite dans leur pays. C’est une façon de gérer la Guerre contre le Terrorisme, en augmentant le terrorisme. Et selon l’unité de mesure évidente, le nombre d’attaques terroristes, on peut dire qu’ils ont réussi à augmenter le terrorisme.

Le fait est qu’il n’y a pas de Guerre contre le Terrorisme. Il s’ agit là d’un problème secondaire. L’invasion de l’Irak et la prise de contrôle des ressources énergétiques étaient bien plus importantes que le risque de terrorisme. C’est pareil pour d’ autres sujets. Le terrorisme nucléaire, par exemple. Les services de renseignement étasuniens estiment que la probabilité pour qu’ une « bombe sale », qu’une attaque par bombe nucléaire aux Etats-Unis, se produise dans les dix prochaines années est de 50 pour cent. C’est beaucoup. Est-ce qu’ils s’en préoccupent ? Oui.

En augmentant la menace, un augmentant la prolifération nucléaire, en poussant ses ennemis potentiels à prendre des mesures très dangereuses pour tenter de contrer les menaces des Etats-Unis.

Le sujet est parfois abordé. On peut le trouver dans les articles consacrés aux analyses stratégiques. Prenons encore une fois l’ exemple de l’invasion de l’Irak. On nous dit qu’ils n’ont pas trouvé d’armes de destruction massive. Et bien, ce n’est pas tout à fait correct. Ils ont effectivement trouvé des armes de destruction massive, celles que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et d’autres avaient envoyées à Saddam pendant les années 80. Il y en avait encore beaucoup sur place. Elles étaient sous le contrôle des inspecteurs de l’ONU et en train d’être démontées. Mais il y en avait encore beaucoup. Lorsque les Etats-Unis ont envahi, les inspecteurs ont été virés, et Rumsfeld et Cheney n’ont pas ordonné à l’armée de garder les sites. Alors les sites sont restés sans surveillance, et ils furent systématiquement pillés. Les inspecteurs de l’ONU ont continué leur travail par satellite et ils ont identifié plus de 100 sites qui étaient systématiquement pillés, pas comme quelqu’un qui entrerait pour voler quelque chose, mais soigneusement et systématiquement pillés.

GP : Par des gens qui savaient ce qu’ils faisaient

Chomsky : Oui, par des gens qui savaient ce qu’ils faisaient. Cela signifie qu’ils étaient en train de récupérer le matériel de haute précision qu’on peut utiliser pour les armes nucléaires et les missiles, les bio toxines dangereuses, toutes sortes de choses. Personne ne sait vers où le matériel est parti, et on préfère ne pas y penser. Ca, c’est une manière d’accroître nettement le risque de terrorisme. La Russie a nettement augmenté sa capacité militaire offensive en réaction aux programmes de Bush, ce qui en soi est déjà dangereux, mais aussi pour tenter de contrer la domination écrasante des Etats-Unis en termes d’armes offensives. Ils doivent transporter des missiles nucléaires en peu partout sur leur vaste territoire. Et la majorité n’est pas gardée. Et la CIA est parfaitement au courant que les rebelles Tchétchènes s’intéressent aux chemins de fer Russes, probablement pour tenter de voler un missile nucléaire. Oui, ça pourrait être un apocalypse. Mais ils sont en train d’accroître ce danger.
Parce qu’ils s’en fichent.

C’est pareil pour le réchauffement climatique. Ils ne sont pas stupides. Ils savent qu’ils sont en train d’augmenter les risques d’une catastrophe majeure. Mais cela ne concerne que les générations futures. Ils s’en fichent. Il y a en gros deux principes qui gouvernent la politique de l’administration Bush : se remplir les poches et celles de ses amis riches, et renforcer son contrôle sur le monde. Pratiquement tout découle de là. Si vous faites sauter la planète, et bien ce n’est pas votre problème. « Ca arrive », comme l’a dit Rumsfeld.

GP : Vous avez suivi les guerres d’agression des Etats-Unis depuis le Vietnam, et aujourd’hui nous sommes en Irak. Etant donné le fiasco que c’est, pensez-vous que nous verrons un changement dans la politique étrangère des Etats-Unis ? Si oui, comment ?

Chomsky : Et bien, il y a des différences importantes. Comparez, par exemple, la guerre en Irak avec la guerre au Vietnam il y a 40 ans. Il y a une nette différence. L’opposition à la guerre en Irak est beaucoup plus importante que pour le Vietnam. L’Irak est je crois la première guerre de l’histoire de l’impérialisme européen, y compris les Etats-Unis, où on a connu des protestations massives avant que la guerre n’ait été officiellement déclenchée. Au Vietnam, il a fallu quatre ou cinq ans avant de voir les premières protestations. Les protestations étaient si faibles que personne ne se souvient que Kennedy a attaqué le Sud Vietnam en 1962. C’était une attaque importante. Il a fallu des années avant de voir des protestations.

GP : Et que faut-il faire en Irak ?

Chomsky : Et bien la première chose serait d’en parler sérieusement. Il n’y a pratiquement aucun débat sérieux, je suis désolé de le dire, dans la classe politique, sur la question du retrait des troupes. Ceci parce que nous sommes soumis à une doctrine occidentale, un fanatisme religieux, qui prétend que les Etats-Unis auraient envahi l’Irak même si ce dernier ne produisait que des cornichons et des salades, et que les puits de pétrole s’étaient trouvés au milieu de l’Afrique. Tous ceux qui n ’y croient pas sont qualifiés de Marxistes, de théoriciens de la conspiration, de fous, ou autre chose. Et bien, même si vous n’ avez plus que trois neurones en état de marche, vous savez que ce sont des balivernes. Les Etats-Unis ont envahi l’Irak pour ses énormes ressources en pétrole, la plupart encore inexploitées, et cepays est situé en plein centre du système énergétique mondial.

Ce qui signifie que si les Etats-Unis réussissent à contrôler l’ Irak, ils étendront considérablement leur puissance stratégique, ce que Zbigniew Brzezinski appelait le point d’appui indispensable face à l’Europe et l’Asie. C’est une des raisons principales pour contrôler les ressources de pétrole, ça vous donne un pouvoir stratégique. Même si vous pouvez compter sur des ressources renouvelables, vous avez intérêt à le faire. C’est la raison principale pour l’invasion de l’Irak.

En ce qui concerne le retrait, prenez n’importe quelle édition de n’importe quel journal ou magazine. Ils disent tous que les Etats-Unis veulent instaurer un état démocratique et souverain en Irak. En fait, c’est hors de question. Que serait la politique d’ un Irak indépendant et souverain ? S’il est plus ou moins démocratique, le pays serait gouverné par une majorité Chiite.

Ceux-ci chercheront naturellement à resserrer leurs liens avec l’ Iran chiite. La plupart des religieux viennent d’Iran. La brigade Badr, qui contrôle en gros tout le sud, est entraînée par l’Iran. Ils ont des liens étroits qui ne feront que se renforcer. Ce qui donne une alliance informelle Irak/Iran. De plus, juste de l’ autre côté de la frontière avec l’Arabie Saoudite, il y a une population chiite qui a été sévèrement réprimée par la tyrannie intégriste soutenue par les Etats-Unis. Tout mouvement vers l’ indépendance en Irak aurait de fortes chances de les encourager, et c’est déjà en cours. Et il se trouve que c’est là que se trouve la majorité du pétrole Saoudien. Alors, vous pouvez imaginez le parfait cauchemar pour Washington, à savoir une alliance chiite qui contrôlerait la majorité du pétrole mondial, indépendante de Washington et probablement tourné vers l’est, où la Chine et d’autres sont impatients de nouer des relations, et qui sont déjà en train de le faire. Pour Washington, ce n’est même pas concevable. Au stade où en sont les choses, les Etats-Unis préféraient une guerre nucléaire à une telle situation.

Donc, toute discussion sur le retrait devrait tenir compte du monde tel qu’il est, c’est-à-dire prendre en compte ces données.Ecoutez les commentateurs aux Etats-Unis, quel que soit leur bord politique. Qui parle de ça ? Pratiquement personne, ce qui signifie que le débat pourrait aussi bien se dérouler sur Mars. Et il y a une raison à cela. Nous ne sommes pas censés penser que nos dirigeants peuvent obéir à des intérêts impérialistes. Nous sommes censés penser qu’ils sont gentils, et tout ça. Mais ils ne le sont pas. Ils sont parfaitement sensés. Ils comprennent ce que tout un chacun peut comprendre. Alors la première mesure à prendre dans le débat sur le retrait est le suivant : prendre en compte la situation telle qu’elle est et non pas la situation rêvée, celle où Bush poursuivrait une vision de démocratie ou je ne sais quoi. Si nous savons entrer dans le monde réel, nous pouvons commencer à en parler. Et pour répondre à la question, oui, je crois que nous devons nous retirer, mais nous devons en parler dans le cadre de la réalité et connaître les projets de la Maison Blanche. Eux ne sont pas disposés à vivre dans un monde de rêve.

GP : Comment les Etats-Unis régiront-ils à la Chine en tant que superpuissance ?

Chomsky : Quel est le problème avec la Chine ?

GP : Et bien, la concurrence pour les ressources, par exemple.

Chomsky : Si vous croyez aux lois du marché, tels que nous sommes censés y croire, la concurrence pour les ressources à travers les lois du marché ne devrait pas poser de problèmes, n’est-ce pas ? Le problème est que les Etats-Unis n’aime pas la tournure des évènements. Tant pis. Personne n’aime la tournure des évènements lorsque les événements se tournent contre lui. La Chine ne représente aucune menace. Mais nous pouvons la transformer en menace. Nous pouvons augmenter les menaces contre la Chine, et ils réagiront. Et ils sont déjà en train de le faire. Ils riposteront en renforçant leur arsenal militaire, leur capacité militaire offensive, et cela devient une menace. Oui, nous pouvons les pousser à devenir une menace.

GP : Quel est votre plus grand regret en tant que militant de ces 40 dernières années ? Qu’auriez-vous fait différemment ?

Chomsky : J’en aurais fait plus. Parce que les problèmes sont si amples et profonds que c’est une honte de ne pas en faire plus.

GP : Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ?

Chomsky : Ce qui me donne de l’espoir c’est l’opinion publique. L’ opinion publique aux Etats-Unis fait l’objet d’études méticuleuses, nous en savons beaucoup. On en parle rarement, mais nous la connaissons. Et vous savez, je suis plutôt en phase avec l’opinion publique sur la plupart des sujets. Sur certains, je ne le suis pas, sur le contrôle des armes à feu, ou sur le créationnisme ou des sujets comme ça. Mais sur la plupart des sujets importants, ceux que nous avons abordé, je suis dans le camp des critiques, mais plutôt en phase avec l’opinion publique. Je pense que c’est un signe très encourageant. Je pense que les Etats-Unis seraient un paradis pour un organisateur.

GP : Quel genre d’organisation devrait être entreprise pour changer la politique ?

Chomsky : Il y a de quoi procéder à un changement démocratique. Prenez ce qui s’est passé en Bolivie il y a quelques jours. Comment un dirigeant indigène de gauche a-t-il été élu ? Etait-ce en se présentant devant les électeurs une fois tous les quatre ans pour leur dire « votez pour moi » ? Non. C’est parce qu’il existe des organisations populaires de masse qui travaillent sans cesse sur tous les fronts, de la lutte contre les privatisations de l’eau jusqu’aux questions locales, et ce sont des organisations à démocratie participative. Ça c’est la démocratie. Nous en sommes loin. Voilà quelque chose qui serait à organiser.

© Noam Chomsky


Traduit par Viktor Dedaj pour Cuba Solidarity Project


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Source: http://www.les-crises.fr/guerre-contre-le-terrorisme/