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[Invité] Hyman Minsky et l’hypothèse d’instabilité financière, par Sébastien Charles

Tuesday 8 July 2014 at 02:36

Aujorud’hui, un billet invité par Sébastien Charles, Maître de conférences à l’université Paris 8 et spécialiste de l’économiste Hyman Minsky (en anglais)

Vous pouvez télécharger l’article au format pdf ici

Présenter la macroéconomie d’Hyman Minsky et la rendre intelligible n’est pas une mince affaire, au regard de ses très nombreuses contributions à l’analyse de l’instabilité de nos sociétés capitalistes modernes. D’emblée, soyons honnête, ce billet n’a pas la prétention de délivrer l’ensemble du message minskyen à ses lecteurs. Plus modestement, il développera sa théorie de l’investissement qui est un bon point de départ afin de cerner ce qu’est l’hypothèse d’instabilité financière (la FIH, Financial Instability Hypothesis) et comment elle crée de graves troubles dans l’économie. Ici, il ne s’agira que d’évaluer le comportement des entreprises à l’égard de l’endettement. Nous demandons donc aux lecteurs d’être indulgents et de garder à l’esprit que Minsky a étudié également les conséquences de la dette sur la situation des ménages, voire des Etats (cf. Minsky 1964 ; 1984).

Pour démarrer, le plus simple consiste à adopter le positionnement des entreprises qui souhaitent investir. Quel est l’élément clé qui détermine la décision d’achat d’une machine dont l’objectif est d’accroître la production ? D’un côté, toutes les entreprises évaluent les profits que rapporteront leurs investissements. Ainsi, plus les profits anticipés sont élevés et plus les firmes sont disposées à payer un prix important pour leurs investissements. De l’autre côté, se trouve les entreprises qui fabriquent ces biens d’investissements. Leur prix de vente dépend de plusieurs éléments à l’instar des coûts salariaux, du taux de marge et du taux d’intérêt à court terme (cf. Minsky, 1975, 1986). Dans ce dernier cas, il s’agit du taux qui s’applique au financement de la production (crédit bancaire à court terme ou billets de trésorerie dont les échéances sont inférieures à un an). Si le prix que les entreprises souhaitent payer pour les investissements est supérieur au prix de vente proposé par ceux qui produisent les biens d’investissements, alors l’investissement augmente. Autrement dit, tant qu’il subsiste des opportunités de dégager des profits, les entreprises les saisissent en continuant à investir.

Les ennuis commencent lorsque les souhaits des entrepreneurs vont au-delà de leur autofinancement[1], ceux-ci n’ayant d’autre choix que de s’endetter. Ce désir d’investissement augmente le risque des entreprises. Pourquoi ? Simplement parce que l’endettement engendre un risque de faillite plus élevé. En effet, les firmes doivent gérer des charges financières certaines toujours plus importantes alors qu’en face les profits supérieurs, générés par la hausse de la dette et de l’investissement, ne sont qu’anticipés. En d’autres termes, ils demeurent fondamentalement incertains.

Dans pareil contexte comment l’instabilité financière se manifeste-t-elle ? Prenons une situation dans laquelle les prévisions de profits des entreprises se vérifient. La conséquence immédiate est double : (i) la confiance des prêteurs (les banques) et des emprunteurs dans la poursuite des affaires se renforce et (ii) la perception des risques diminue fortement (pour ne pas dire anormalement). Ainsi, vu les prévisions conformes à la réalité, le risque pour les prêteurs de subir un défaut de paiement s’éloigne complètement. Ceux-ci sont donc confortés dans leurs prises de décisions et encouragés à prêter encore plus de par la concurrence entre les institutions financières. Du côté des firmes emprunteuses, la situation est identique. Grisées par leurs succès passés, elles vont être tentées de s’endetter plus largement pour investir, commençant à surestimer dangereusement les profits qu’elles peuvent retirer de ces mêmes investissements.

Il convient de noter que le contexte macroéconomique et financier est fondamental chez Minsky, la perception qu’ont les agents (banques, entrepreneurs, ménages) de la situation en cours les pousse à accroître l’endettement de manière dangereuse. En outre, plus la période de tranquillité est longue, à savoir une période sans crise macro-financière ou bancaire, et plus les agents adoptent des comportements « aventureux ». Le passage suivant de Minsky (1986, p. 213) est d’ailleurs fort éclairant à ce sujet : 

« (…), le succès pousse à l’insouciance quant à la possibilité d’erreur ; l’absence de sérieuses difficultés financières durant une longue période conduit au développement d’une économie euphorique dans laquelle les financements à court terme de positions longues deviennent un mode de vie normal » 

La surestimation des profits à venir peut conduire les entreprises à financer des investissements avec des crédits à court terme (mettons deux ou trois ans) alors qu’avec des anticipations non biaisées par l’euphorie cela nécessiterait des emprunts à plus long terme (par exemple, supérieurs à cinq ans). Dans ce cas, les flux de profits sont totalement déconnectés des flux de remboursement et des engagements financiers que doivent assurer les entreprises, augmentant un peu plus les besoins d’endettement et la survenue d’une crise financière, cette dernière mettant un terme douloureux à une période prolongée d’aveuglement. Le boom de l’économie s’accompagne donc d’une hausse massive de l’endettement privé. C’est ce que Minsky appelle l’hypothèse d’instabilité financière : la hausse de la dette est supérieure à celle des profits, conduisant inévitablement l’économie à un blocage lorsque les firmes ne peuvent plus honorer leurs engagements. Il s’en suit une période de désendettement exacerbé qui, au passage, n’est pas meilleure que la précédente car l’économie vit du crédit et supprimer ce dernier ne fait qu’amplifier la récession, voire crée les conditions d’une dépression. Dès lors, les entreprises tentent de rembourser les dettes en liquidant une partie de l’actif (titres et immobilisations) des bilans, ce qui met à mal l’appareil productif avec, en plus, le risque d’une baisse généralisée des prix qui rendra impossible toute initiative de remboursement et toute reprise de l’activité économique.

Que faire dans un tel contexte chaotique ? Attendre et espérer que les mécanismes du marché autorégulateur nous sortent de l’impasse ? Flexibiliser le marché du travail ? Rien de tout ceci ! Pourquoi ? Parce que la macroéconomie reprend toujours ses droits et qu’il est vain d’espérer qu’une économie arrivée à ce point de dégradation et dont la demande intérieure s’effondre complètement (au sens littéral du terme) ne reparte sans qu’un plancher soit instauré à la baisse des profits, des investissements et des prix. Pour Minsky, lorsque les anticipations de profits se retournent à la baisse et que l’ensemble des décisions d’investissement sont ajournées[2], il n’y a aucune raison valable pour que le phénomène cesse avant un long et douloureux moment, sauf à supposer une intervention extérieure au marché, celle de l’Etat. En effet, il n’y a qu’une politique budgétaire fortement contra-cyclique qui puisse mettre un terme à cette spirale baissière et fournir des débouchés aux firmes, c’est-à-dire stabiliser le niveau de leurs profits. Dans pareille situation, relancer l’économie par la dépense publique est la seule issue. D’ailleurs, ses propos ne souffrent d’aucune ambiguïté : 

 « Un large gouvernement est la raison principale pour laquelle le capitalisme d’aujourd’hui est meilleur que le capitalisme qui nous a donné la Grande Dépression » Minsky (1986, p. 296)[3]

Dès lors que les firmes et institutions financières ont réglé, non sans heurts, leurs problèmes d’endettement et que l’économie entre en convalescence, cette dernière porte déjà en elle les germes de la prochaine phase d’instabilité financière : 

« A mesure que les répercussions (…) de la déflation par la dette disparaissent, (…), et que les positions financières sont reconstruites durant la phase de stagnation, un redémarrage et l’expansion commencent. Ce redressement démarre avec un fort souvenir des sanctions héritées de l’exposition des passifs durant la déflation par la dette et avec le passif des bilans qui a été nettoyé des dettes. Cependant, le succès amène l’audace et au fil du temps le souvenir des désastres passés s’érode. La stabilité, même durant l’expansion, est déstabilisante en ce sens que des financements plus aventureux rapportent aux leaders et que les autres suivent. Ainsi, l’expansion se transformera rapidement en boom » Minsky (1975, p. 125) 

L’économie est prête pour connaître une nouvelle ère d’endettement inconsidéré, obéissant au même schéma d’aveuglement au désastre, qui se finira inéluctablement par le désendettement,  la récession et la chute de la demande globale.

Et ce ne sont pas des « incantations ésotériques » (libéralisation des marchés financiers et du travail, baisse ou suppression du salaire minimal, etc…) qui feront repartir à la hausse la demande qui s’adresse aux entreprises, surtout si la baisse des salaires entraîne celle des prix…la pseudo-solution devenant un problème supplémentaire que l’Etat devra gérer. Car ce dernier est le seul à disposer d’un pareil pouvoir même si ceux qui passent leur temps à fustiger son omniprésence finissent, tôt ou tard, par demander sans vergogne qu’il les sauve du désastre qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer. Minsky, de son vivant, n’aurait très certainement pas renié cette assertion…

 


[1] C’est-à-dire les profits mis de côté servant à financer les investissements.

[2] A supposer qu’il reste des entreprises n’ayant pas cédé à l’endettement inconsidéré, seules ces dernières ont encore la capacité financière d’investir. Toutefois, cela n’arrivera pas pour deux raisons. D’abord, pourquoi investir alors que la demande chute et qu’elles risquent de se retrouver avec une capacité de production inutilisée ? Ensuite, en situation de déflation, les entreprises ajournent leurs investissements au motif que les prix d’achat seront plus bas dans un futur proche, ce qui ne manque pas d’accentuer la baisse des prix par insuffisance de la demande. Il n’y a donc aucune chance que l’investissement privé reparte de lui-même.

[3] Le terme « large gouvernement » ou « Big Government » doit s’entendre comme les interventions massives de l’Etat sous forme de dépenses publiques venant compenser, le temps de la récession, la baisse des dépenses privées.

Références

Source: http://www.les-crises.fr/hyman-insky-sebastien-charles/


[No comment] Sapin: « Notre amie c’est la finance : la bonne finance »

Tuesday 8 July 2014 at 00:10

Source : Libération  (les commentaires sont impressionnants)…

À suivre demain…

P.S. juste pour mémoire :

Le 11 décembre 1969, Charles de Gaulle déclare à André Malraux : “Mon seul adversaire, celui de la France, n’a aucunement cessé d’être l’argent.” [André Malraux, "Les chênes qu'on abat", Gallimard, page 166]

“Homme politique intègre – et comme il en est peu –, de Gaulle disait volontiers qu’il n’avait qu’un ennemi, l’argent. Et de fait, c’est lorsqu’il en a menacé les gestionnaires, en parlant de participation, que la coalition de ses défenseurs l’a abattu. Pouvait-il imaginer que, décennie après décennie, une fois qu’il serait parti, au nom de la rentabilité, on détruirait peu à peu les travaux et les jours de cette République dont, au nom de l’Etat, il avait voulu être le meilleur défenseur ?” [Marc Ferro, conclusion de son livre "De Gaulle expliqué aujourd’hui"]

P.P.S. : le réaction de Sapir, que je partage évidement totalement…

A vomir…

6 juillet 2014

Par

Ainsi donc Michel Sapin, dont tout un chacun glose sur la proximité avec notre Président, François Hollande, a déclaré dans une intervention aux Rencontres économiques d’Aix-en- Provence ce dimanche 6 juillet 2014 : “Nous avons à répondre à une très belle question : « ‘Y a-t-il une finance heureuse, au service d’investissements heureux ?’ Je l’exprimerai autrement et vous verrez ma part de provocation. Notre amie c’est la finance : la bonne finance »[1].

La formule frappe, par ce qu’elle est à contre-pieds de celle du même François Hollande, alors simple candidat à l’élection présidentielle, qui, lors de son discours au Bourget, avait qualifié la finance « d’ennemie »[2]. Cette formule avait été d’ailleurs beaucoup commentée à l’époque, et François Hollande avait dû s’en défendre à Londres quelques jours plus tard…Mais, peu importe. Du « socialisme » en décomposition émane des odeurs pestilentielles qui provoquent l’écœurement. On ne pourra bientôt lire une déclaration d’un membre du gouvernement que muni, par précaution, d’un sac sanitaire, comme dans les avions. Mais, ici, il y a trois raisons bien précises.

  • (1)  Cette déclaration, tout comme celle du Bourget, ne fait pas de différence entre la « finance » et le processus de financiarisation de l’économie. Or, ce qui importe tout d’abord c’est bien un processus qui met l’ensemble des activités productives sous la coupe des puissances financières[3]. C’est ce processus qui engendre le basculement de notre économie vers un court-termisme chaque jour plus suicidaire et qui condamne en fait l’innovation réelle[4]. C’est ce processus qui engendre des monstruosités comme les fameux « licenciements boursiers ». Tout ceci est connu depuis maintenant plus de 20 ans. Ce processus s’articule et se combine avec la globalisation financière[5]. On peut considérer qu’il correspond à une négation de l’économie capitaliste tout comme à son achèvement[6].C’est ce processus qu’est venu couronner l’Euro, dont on ne dira jamais assez le rôle essentiel de pivot qu’il a dans l’extension de la financiarisation de la France et de l’Europe. Cette confusion entre « finance » et « financiarisation » est indigne de personnes ayant fait les études qui furent celles de Michel Sapin ou de François Hollande. On voit bien que le crétinisme communicationnel a remplacé la réflexion, voire le simple bon sens. Rien que cela est à vomir.
  • (2)  Mais, de plus, Michel Sapin, ministre du gouvernement français, fait cette déclaration alors que depuis deux ans le dit gouvernement, dont il est un membre éminent, se perd en palinodies et en compromissions sur la question de la réglementation des banques. Alors, oser parler de « bonne finance », quand on n’a rien fait, moins que les britanniques qui eux, au moins, se sont décidés à réglementer leurs banques[7], cela passe les bornes. On a envie de hurler « pas vous, pas ça ». On se souvient des vers de Victor Hugo dans Le Roi s’amuse que l’on pourrait, pensant à Jerôme Cahuzac et à quelques autres, intimes du Président, ainsi paraphraser[8] « vos Frères/ Sous les huées / A des banquiers / Se sont prostitués ». Ce sont ces Sapins, ces Cambadèlis, ces Hollande, qui viennent ensuite pleurer sur l’état de la France et du « socialisme » dont ils ont été les principaux artisans du malheur. Que dire, si ce n’est par la bouche grand Hugo « quand on n’a plus d’honneur Sire, on n’a plus de famille ». Encore une fois, on a envie de vomir.
  • (3)  Mais il y a pire. François Hollande, Président de la République, se renie publiquement[9]. Soit. Mais qu’il le fasse par sa bouche. Qu’il ne passe pas par un intermédiaire dont il pourrait, au cas ou la déclaration ferait trop de fracas, renier les propos. Il y a là une astuce qui n’est autre qu’une bassesse. Là où l’on prétend faire preuve d’habileté, il n’y a qu’une immense lâcheté. C’est, encore une fois, à vomir.

Alors, que le Président et ses ministres ne s’étonnent pas du discrédit qui les frappe. Qu’ils ne s’étonnent pas d’avoir perdu le peu de légitimité qui leur restait. Qu’ils ne s’étonnent pas si des vents mauvais se lèvent sur la France. Ils en portent l’entière et totale responsabilité.


[1] http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20140706.OBS2874/sapin-la-bonne-finance-est-l-amie-du-gouvernement.html

[2] http://tempsreel.nouvelobs.com/la-vie-en-rose/20120122.OBS9483/hollande-au-bourget-cap-a-gauche.html

[3] Roubini, Nouriel et Stephen MIHM. Économie de crise. Une introduction à la finance du

futur, Jc Lattès, 2010, 462 p

[4] Stiglitz J., Le prix de l’inégalité, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2012

[5] Sapir J., La démondialisation, Le Seuil, Paris, 2011.

[6] http://www.marianne.net/Comment-la-financiarisation-a-tue-l-economie_a204208.html

[7] http://www.agefi.fr/articles/le-rapport-vickers-s-invite-dans-le-debat-politique-francais-1206544.html

[8] La citation exacte étant : « vos mères/ Sous les huées / A des laquais / Se sont prostituées »

[9] http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/decryptages/2014/07/06/2500…erre-le-discours-de-francois-hollande-sur-la-finance.php?print=true

Source: http://www.les-crises.fr/no-comment-sapin-finance/


[Reprise] Le dilemme de Poutine, par Mike Whitney

Monday 7 July 2014 at 01:29

«La dernière décennie du XXe siècle a connu un changement tectonique dans les affaires mondiales. Pour la première fois, une puissance non-Eurasienne a émergé, non seulement comme un arbitre clé des relations de pouvoir en Eurasie, mais aussi comme pouvoir suprême dans le monde. » (p. xiii)

« Maintenant, une puissance non-Eurasienne est devenue prééminente en Eurasie. – Et la primauté mondiale de l’Amérique dépend directement de la durée et de l’efficacité de sa prépondérance maintenue sur le continent eurasiatique » (p.30)
Extraits du livre Le Grand Échiquier : la Primauté Américaine et ses Impératifs Géostratégiques, Zbigniew Brzezinski, Basic Books, 1997

« On nous avait promis à Munich, après la réunification de l’Allemagne, aucune expansion de l’OTAN n’aura lieu à l’Est. Ensuite, l’OTAN s’est élargie en ajoutant les anciens pays du Pacte de Varsovie, les anciens pays de l’URSS, et j’ai demandé: “Pourquoi faites-vous cela ? ” Et ils m’ont répondu : ” Ce n’est pas votre affaire.” » – Le président Russe Vladimir Poutine, conférence de presse à Moscou, avril 2014

Les États-Unis se trouvent dans une véritable phase de déclaration de guerre avec la Russie. Les décideurs politiques à Washington ont déplacé leur attention depuis le Moyen-Orient vers l’Eurasie, où ils espèrent atteindre la partie la plus ambitieuse du projet impérial : établir des bases d’opérations avancées tout au long du flanc Ouest de la Russie, pour arrêter l’intégration économique entre l’Asie et l’Europe, et pour commencer l’objectif longtemps recherché de démembrer la Fédération de Russie. Tels sont les objectifs de la politique actuelle. Les États-Unis ont l’intention d’étendre leurs bases militaires en Asie centrale, de se saisir des ressources vitales et des corridors de pipelines, et d’encercler la Chine pour pouvoir contrôler sa croissance future. Cette poussière en Ukraine indique que la cloche de départ a déjà sonné et que l’opération est déjà entièrement en cours de déroulement. Comme nous le savons par expérience, Washington va poursuivre sa stratégie sans relâche tout en s’affranchissant de l’opinion publique, du droit international ou de la condamnation des adversaires et des alliés de la même façon. La seule superpuissance du monde n’a nul besoin d’écouter quiconque. Il s’agit d’un droit en soi.

Ce modèle, est bien sûr, infaillible. Il commence avec des sanctions de type doigts moralisateurs qui agitent l’économique, et de la rhétorique incendiaire, et puis rapidement, il se transforme en bombardements furtifs, attaques de drones, destruction massive des infrastructures civiles, des millions de réfugiés fuyant les villes et les villages décimés, des escadrons de la mort, du carnage humain en gros, de vastes destructions de l’environnement, et la lame stable en échec l’anarchie de l’État… Tout ceci étant accompagné par la répétition fade de la propagande étatique vomie de tous les porte-voix de l’entreprise dans les médias occidentaux.

N’est-ce pas la façon dont les choses se sont déjà déroulées en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie?

En effet, ils l’ont fait. Et maintenant, c’est au tour de Moscou. La survie de Poutine et celle de la Fédération de Russie dépend dans une très large mesure de sa capacité à saisir la nouvelle réalité rapidement et de s’adapter en conséquence. S’il décide d’ignorer les signes avant-coureurs qui sont tant espérés par Washington qui ne saurait être apaisé ou bien les hommes qui dictent la politique étrangère des États-Unis qui seraient peut-être persuadés d’abandonner le soi-disant «pivot vers l’Asie », il pourrait faire face à la même fin que Saddam Hussein ou Kadhafi. Donc, la première priorité est tout simplement d’accepter le fait que la guerre a commencé. Toutes ses futures décisions politiques doivent provenir de cette connaissance de base.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alors qu’est-ce que Poutine sait déjà ?

À cette fin, les médias occidentaux ont façonné un récit absurde en prétendant que la Crimée fait partie d’un plan « diabolique »  de Poutine pour reconstruire l’Union soviétique et revenir aux jours de gloire de l’Empire russe. Bien qu’il n’y ait aucun point à réfuter dans cette allégation risible, il convient de noter que de nombreux journalistes ont contesté l’exubérance des médias en analysant la couverture de propagande gérée par l’Etat. Voilà comment Robert Parry l’a résumé dans un article récent :

«Au cours de mes quatre plus grandes décennies dans le journalisme, je n’ai jamais assisté à un tel spectacle de partialité et de tromperie aussi élaboré par les plus grands médias d’actualité grand public des États-Unis. Même à l’époque de Ronald Reagan … il y avait plus d’indépendance dans les principaux organes de presse. Il y a eu aussi beaucoup de bousculades des médias au large de la falaise de la réalité pendant la guerre du Golfe Persique de George HW Bush et de la guerre en Irak de George W. Bush, qui ont tous deux été manifestement coutumiers de fausses allégations qui ont pu être si facilement avalées par les grands organes de presse américains.

Mais il y a quelque chose de tout à fait orwellien dans la couverture actuelle de la crise en Ukraine, y compris le fait d’accuser les autres de «propagande» quand leurs explications… se révèlent beaucoup plus honnêtes et plus précises que ce que le corps de presse tout entier des États-Unis a mis en production…. La désinvolture de cette propagande … n’est pas seulement du journalisme de la honte, mais c’est aussi particulièrement imprudent de malversation au péril de la vie de nombreux Ukrainiens et de l’avenir de la planète. » (« Ukraine, à travers le miroir des Etats-Unis », Robert Parry, SmirkingChimp )

Malheureusement, le brouillard de la propagande générée par l’État permet de maintenir le public en grande partie dans l’obscurité sur les motifs réels du conflit actuel, ainsi que l’histoire sordide de l’hostilité américaine envers la Russie. Voici un court texte de présentation d’un article paru sur le site World Socialist Web Site qui aide à couper à travers la BS et qui fournit un peu plus d’éclairage sur ce qui se passe réellement :

« Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée à la fin de 1991, Dick (Cheney) voulait obtenir non seulement le démantèlement de l’Union soviétique et de l’empire russe, mais celui de la Russie elle-même, de sorte qu’elle ne puisse plus jamais constituer à nouveau une menace pour le reste du monde, », écrit l’ancien secrétaire à la Défense, Robert Gates,  des États-Unis, dans ses mémoires récemment publiées. Gates faisait allusion à l’époque où Dick Cheney était ministre de la Défense, et plus tard vice-président américain.

Ces déclarations éclairent sous un jour nouveau les dimensions géopolitiques du putsch récent en Ukraine.

Ce qui est en jeu, ce ne sont pas tant de simples questions de nationalité, et encore moins la lutte contre la corruption et pour la démocratie, mais bien au contraire une lutte internationale pour le pouvoir et l’influence qui remonte à un quart de siècle. “( Les dimensions géopolitiques du coup d’état en Ukraine , Peter Schwarz, World Socialist Web Site)

Le Conseiller en Sécurité Nationale du président Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski, constitue bien le principal architecte de la politique actuelle. Dans son désormais classique « Le Grand Échiquier … La suprématie américaine Et Ses impératifs Géostratégiques », Brzezinski argumente que les États-Unis ont un besoin vital de devoir contrôler la masse continentale de l’Eurasie et d’en repousser ses rivaux potentiels, afin de maintenir sa position dominante en tant que seule et unique superpuissance au monde. Les critiques affirment que ce livre est un modèle pour une dictature mondiale, une revendication qui est bien difficile à contester étant donné l’accent particulièrement maniaque de Brzezinski sur ce qu’il qualifie « de la suprématie mondiale de l’Amérique. » Voici quelques extraits du texte qui éclairent bien les réflexions de l’auteur sur l’expansion US en Asie :

«L’Amérique est maintenant la seule superpuissance mondiale, et l’Eurasie devient l’arène centrale du globe. Par conséquent, ce qui va se passer tout autour de la distribution de l’énergie sur le continent Eurasien sera d’une importance décisive pour la primauté mondiale de l’Amérique et de l’héritage historique de l’Amérique. » (P.194) « Il s’ensuit que l’intérêt principal de l’Amérique est d’aider à s’assurer qu’aucune puissance unique ne soit en mesure de contrôler cet espace géopolitique et que la communauté internationale n’aura aucune entrave à son accès financier et économique ». (P148) …
« La consommation d’énergie dans le monde est appelée à augmenter considérablement au cours des deux ou trois prochaines décennies. Selon les estimations du Département de l’Énergie des Etats-Unis, ils s’attendent à ce que la demande mondiale augmentera de plus de 50 % entre 1993 et 2015, la hausse la plus significative de la consommation se produisant en Extrême-Orient. La dynamique de développement économique de l’Asie suscite déjà des pressions énormes pour l’exploration et l’exploitation de nouvelles sources d’énergie et les régions de l’Asie centrale et du bassin de la mer Caspienne sont connues pour contenir des réserves de gaz naturel et de pétrole qui éclipsent celles du Koweït, du Golfe du Mexique ou de la mer du Nord. » (p.125) … »…
« La manière dont l’Amérique gère « l’Eurasie » devient critique. L’Eurasie constitue le plus grand continent du monde et un axe géopolitique. La puissance capable de dominer l’Eurasie contrôlerait deux des trois régions les plus avancées et économiquement productives du monde. … Environ 75 % des habitants de la planète vivent en Eurasie, et la plupart de la richesse physique du monde se trouve concentrée là aussi, à la fois dans ses entreprises et dans son sous-sol.  L’Eurasie représente environ 60 % du PNB de la planète et environ les trois quarts des ressources énergétiques connues du monde entier » p.31) …
(Extraits de « Le Grand Échiquier : la Primauté Américaine et ses Impératifs Géostratégiques » – Zbigniew Brzezinski, Basic Books, 1997)

Pris dans son ensemble, « l’Échiquier » de Brzezinski revient finalement à une stratégie plutôt simple pour gouverner le monde. Tout ce que l’on doit faire, c’est de se saisir de l’approvisionnement énergétique critique et des lignes de transport en commun, d’écraser ses rivaux potentiels, et de subvertir les coalitions régionales, ou encore ce que Brzezinski désigne avec désinvolture, « empêcher les barbares de se mettre ensemble. »
Le plan comporte cependant des risques considérables, (la Russie détient pas mal d’armes nucléaires, après tout…), mais les risques sont largement compensés par la perspective de domination mondiale incontestée pour un avenir prévisible.

Le problème avec la politique de Washington en Ukraine, c’est qu’elle laisse très peu d’options à Poutine.

S’il déploie des troupes pour défendre l’ethnie Russophone à l’Est, alors Obama va immédiatement exiger des sanctions économiques supplémentaires, une zone «d’exclusion aérienne», le déploiement de l’OTAN, et la coupure du gaz naturel et des produits pétroliers en Europe.

D’un autre côté, si Poutine ne fait rien, alors les attaques contre les personnes russophones en Ukraine (comme la fusillade de dimanche à un poste de contrôle de l’Est avec trois morts.) vont s’intensifier et les États-Unis vont fournir un soutien logistique militaire en secret aux extrémistes néo- nazis du ministère de l’Intérieur, tout comme ils l’ont déjà fait avec les terroristes djihadistes en Syrie et en Libye. Cela va entraîner l’Ukraine dans une guerre civile dévastatrice qui pourrait endommager l’économie de la Russie et saper la sécurité nationale.

Quelle que soit l’option que vous pouvez envisager, la Russie perd dans tous les cas.

Le journaliste David Paul a résumé la situation dans un article du Huffington Post intitulé « Oubliez le baratin, Poutine tient une main perdante ». Il a expliqué:

« La formulation stratégique de Brzezinski est conçue pour améliorer la puissance américaine dans la région sur le long terme, et que Poutine arrive à trouver un moyen de se retirer ou bien qu’il choisisse d’envahir n’a finalement aucune importance. Quel que soit le choix que fait Poutine… en fin de compte il va servir les intérêts de l’Amérique, même si une guerre civile ukrainienne et une crise de l’énergie en Europe doivent faire partie du prix à l’arrivée. » ( Huffington Post )

C’est tout le dilemme de Poutine, qui consiste à tenter de choisir le chemin qui est le moins susceptible d’aggraver la situation et de plonger plus profondément l’Ukraine dans l’abîme.

Pour l’instant, le choix semble évident, c’est juste qu’il faut tout simplement s’asseoir bien à l’abri, résister à la tentation de s’impliquer, et ne rien faire d’irréfléchi. Finalement, cette retenue pourra être considérée comme de la force et non plus de la faiblesse et il sera en mesure de jouer un rôle plus constructif en conduisant l’Ukraine vers la paix et la sécurité.

MIKE WHITNEY  vit dans l’État de Washington. Il est un contributeur à  Espoir: Barack Obama et sa politique de l’Illusion (AK Press). Hopeless est également disponible dans une  édition Kindle. Il peut être contacté à  fergiewhitney@msn.com .

par MIKE WHITNEY – http://www.counterpunch.org/2014/04/23/putins-dilemma/ - Traduction Libre © Didier ARNAUD

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-le-dilemme-de-poutine/


URGENT : appel à l’entraide : finalisation traduction financière anglais -> français

Sunday 6 July 2014 at 20:58

Grace à vous, la traduction du document financier a pu être réalisée ce week-end. Merci à tous !

Cependant, comme il va beaucoup circuler, je souhaiterais que 1 ou 2 relectures soient faites, par des personnes avec un excellent niveau en anglais et en français, à l’aide avec le domaine juridique/financier, dans les 2 jours.

C’est vraiment très important – merci de me contacter

Merci d’avance !  :)

Olivier

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-07-14/


Revue de presse internationale du 06/07/2014

Sunday 6 July 2014 at 10:36

Des errements de Greenpeace à l’organisation du contournement des instruments de la puissance économique américaine, et le curieux fonctionnement des marchés.
Merci aux participants de cette revue de presse.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-06-07-2014/


[Vidéo] Einsatzgruppen, les commandos de la mort

Sunday 6 July 2014 at 01:24

Les Einsatzgruppen (mot qui signifie « groupes d’intervention ») fait l’objet de ce documentaire exceptionnel en deux volets de 90 minutes.

Ces unités de police politique militarisées du IIIe Reich ont été chargées, à partir de l’invasion de la Pologne, de l’assassinat systématique des opposants réels ou imaginaires au régime nazi et en particulier des Juifs. Ces groupes sous l’autorité administrative de l’armée étaient principalement composés par des membres de la SS.

De 1940 à 1943, les Einsatzgruppen assassinèrent plus d’un million de personnes, essentiellement des Juifs et, à partir du 22 juin 1941, des prisonniers de guerre soviétiques. Leur action fut la première phase de la Shoah, au moyen, dans un premier temps, de fusillades massives (appelées “Shoah par balles”), et dans un deuxième temps (au vu des dégâts psychologiqes), de camions à gaz itinérants.

“Les Fosses” relate l’amateurisme sanglant de la solution finale mise en oeuvre de juin à décembre 1941 dans le sillage de l’opération Barberousse, tandis que “Les Bûchers” (1942-1945) décrit l’implacable machine à tuer perfectionnée par Himmler à l’Est et dans les pays Baltes. Les images d’archives inédites, les photos, les témoignages de survivants, les analyses des meilleurs historiens composent un document implacable – et parfois insoutenable – sur la déshumanisation à l’oeuvre, la banalisation de l’horreur absolue au fil des progrès techniques. Le réalisateur, Michaël Prazan, a dû affronter ces anciens bourreaux ordinaires pour recueillir les témoignages tranquilles de ces serviteurs zélés de la barbarie

Ce billet complète les billets précédents sur la bien triste histoire de la seconde guerre mondiale en Ukraine. Comme ils ont suscité de nombreux commentaires, je précise qu’ils visaient à bien connaître ce qui s’était passé il y a 70 ans dans ces terres gorgées de sang, afin de comprendre la puissance de certaines images et évocations – comme ré-inhumer des Waffen SS avec les honneurs -, en Ukraine comme en Russie.

Les fosses :

Les bûchers :

Source: http://www.les-crises.fr/einsatzgruppens-les-commandos-de-la-mort/


Revue de presse du 05/07/2014

Saturday 5 July 2014 at 01:59

Pour l’été, nous allons tenter de tenir le rythme des revues de presse. Merci d’avance à tous nos courageux contributeurs !

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-05-07-2014/


Rapides portraits de Porochenko et ses amis oligarques

Saturday 5 July 2014 at 01:02

Tout le monde se rappelle de Sarkozy allant fêter au Fouquet sa victoire aux présidentielles, puis allant sur le yacht de Bolloré.

Regardons donc avec qui Porochenko a fêté sa victoire, avec l’aide de cet article ukrainien.

Petit tour de ces puissants qui sont venus en personne féliciter le nouveau roi de Kiev :


 

Rinat Akhmetov, 47 ans, 15,4 milliards de dollars.

Spécialisé dans la métallurgie, le charbon, l’énergie, télécommunications, finances, médias.

Propriétaire de l’équipe de football FC Chakhtar Donetsk, vainqueur de la coupe UEFA en 2009

Il est, de loin, le plus riche en Ukraine.

Pour vous donner une idée, un exemple parmi tant d’autres, il possède la 6eme propriété la plus chère au monde, d’après un article de Forbes en 2014, un appartement a Londres qui est évalué a la coquette somme de 221 millions de dollars.

Il a ses principales mines dans le Donbass, et a été récemment éconduit de cette région par les indépendantistes.

Depuis le torchon brule, Akhmetov est parti trouver refuge a Kiev, sous la protection du gouvernement, et réclame le retour a une Ukraine unie, et surtout le retour de ses usines.


Igor Kolomoisky, 47 ans, 6.5 milliards de dollar.

Spécialisé dans la métallurgie, la pétrochimie, les finances, et médias.

Propriétaire de l’équipe de football FC Dnipro Dnipropetrovsk

Il est le patron de la plus grosse banque ukrainienne : la PrivatBank, banque dont est issu le ministre des Finances Oleksandr Shlapak, ancien directeur de la branche a Lviv.

Il a été nommé, par le gouvernement provisoire de Kiev, seigneur, pardon gouverneur, de la région de Dnipropetrovsk.

Il joue un rôle important dans les événements en Ukraine, via ses milices, par exemple il a accueilli les Pravy Sektor dans son fief, et leur donne un support, financier, logistique. Yarosh ayant déclaré être impressionné par Kolomoisky, et en collaboration avec lui, sans pour autant être ami. C’est lui aussi qui verse des salaires et des primes pour les miliciens et soldats luttant contre les ‘terroristes’ : 10000$ pour chaque séparatiste arrêté, 200 000$ pour les bâtiments repris.

 


Kostyantyn Zhevago, 40 ans, 1.8 milliards de dollars

Spécialisé dans la métallurgie, finance

Propriétaire de l’équipe de football FC Vorskla Poltava.

il est le patron de la banque “Finance and Credit”.


Oleksandr Yaroslavsky, 54 ans, 3.5 milliards de dollars

Spécialisé dans la construction, chimie, finance.

Propriétaire de l’équipé de football FC Metalist Kharkiv

Il est l’ancien patron de la banque UkrSibbank, banque depuis rachetée par BNP Paribas.


 

Petro Porochenko, 48 ans, 1.6 milliard de dollars

Spécialisé dans le chocolat, média, et industrie automobile.

Propriétaire de la chaine de télévision Channel 5, du magazine Korrespondant


Boris Lozhkin, 42 ans, 144 millions de dollars

Très récemment, Porochenko a nommé Boris Lozhkin à la tête de l’administration présidentielle

Magnat de la presse, il a lancé la version ukrainienne de Forbes par exemple, avant de tout revendre a un autre oligarque dans une affaire louche : Sergei Kurchenko était implique dans de grands scandales lies aux gaz ukrainiens. Une enquête était en cours par les journaux de Lozhkin. Kurchenko a alors acheté tout le groupe afin d’étouffer, avec succès, les affaires. Tant de déontologie laisse songeur quand a son rôle a la tête de l’administration présidentielle …

 

 

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/porochenko-et-ses-amis/


[Traduction] La “Victoire” Irakienne de Washington, par Paul Craig Roberts

Friday 4 July 2014 at 00:39

Billet de Paul Craig Roberts du 14 juin 2014.

Je rappelle que cet économiste et journaliste paléoconservateur américain a été sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982), et est un des pères fondateurs des Reaganomics. Il a également été rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal. Sa vision décape, en général…

Les citoyens des États-Unis ne savent toujours pas pourquoi leur gouvernement détruit l’Irak. La «Sécurité nationale» les empêchera de savoir de toute manière. La «Sécurité nationale» est le tapis sous lequel se cachent les crimes du gouvernement américain.

George Herbert Walker Bush, ancien directeur de la CIA devenu président grâce au fait d’avoir été choisi comme vice-président de Ronald Reagan, a été le dernier président modéré. Quand Bush père a attaqué l’Irak, il s’agissait d’une opération limitée, dont le but était d’expulser Saddam Hussein de son annexion du Koweït.

Le Koweït était une autrefois une partie de l’Irak, mais une puissance coloniale occidentale a créé de nouvelles frontières politiques, comme le Parti communiste d’Union soviétique l’a fait en Ukraine. Le Koweït s’est émancipé de l’Irak en tant que petit royaume pétrolier indépendant. (Lien internet)

Selon les rapports, le Koweït forait à travers la frontière entre l’Iraq / Koweït dans les champs de pétrole irakiens. Le 25 juillet 1990, Saddam Hussein, avec les troupes irakiennes massées à la frontière avec le Koweït, demanda à l’ambassadeur du président George HW Bush, Avril Glaspie, si l’administration Bush avait une opinion sur la situation. Voici la réponse de l’ambassadeur Glaspie:

« Nous n’avons pas d’opinion sur vos conflits arabo-arabes, tels que le litige avec le Koweït. Le Secrétaire [d'Etat James] Baker m’a chargé de mettre l’accent sur la consigne, la première donnée à l’Irak dans les années 1960 – que la question Koweïtienne ne concerne pas l’Amérique ».

Selon cette transcription, Saddam Hussein est en outre assuré par de hauts responsables du gouvernement américain que Washington ne s’oppose pas à sa manière d’intervenir pour la réunification de l’Irak et pour mettre un terme au vol du pétrole irakien par une famille de gangsters :

Lors d’une conférence de presse à Washington le lendemain, le porte-parole du département d’Etat Margaret Tutweiler a été questionnée par les journalistes:

« Est-ce que les États-Unis ont envoyé un quelconque type de message diplomatique aux Irakiens à propos du déplacement de 30.000 soldats à la frontière avec le Koweït ? Y a-t-il eu une quelconque opposition communiquée par le gouvernement des États-Unis ? »,

À laquelle elle a répondu:« Je ne suis pas au courant d’une quelconque protestation ».

Le 31 juillet, deux jours avant l’invasion irakienne [du Koweït], John Kelly, secrétaire d’Etat adjointe pour les affaires du Proche-Orient, a témoigné devant le Congrès que les « États-Unis n’ont aucun engagement à défendre le Koweït et les États-Unis n’a pas l’intention de défendre Koweït s’il est attaqué par l’Irak ».

(voir entre autres sources : http://www.freerepublic.com/focus/f-news/1102395/posts )

Était-ce un coup monté vis-à-vis de Saddam Hussein, ou est-ce que la reprise Irakienne du Koweït n’a pas eu pour effet de produire quelques appels [téléphoniques] frénétiques au Moyen-Orient des associés d’affaires de la famille Bush ?

Quelle que soit l’explication du dramatique, et soudain, revirement complet de position du gouvernement des États-Unis, le résultat produisit une action militaire qui a rapidement tourné à la guerre contre l’Irak lui-même.

De 1990 jusqu’en 2003, la situation Irakienne était acceptable pour le gouvernement américain.

Soudain, en 2003, le régime en Irak n’était plus acceptable. Nous ne savons pas pourquoi. On nous a sorti une ribambelle de mensonges : Saddam Hussein avait des armes de destruction massive qui étaient une menace pour l’Amérique. Le spectre d’un « champignon atomique sur une ville américaine » [1] a été soulevé par le conseiller à la sécurité nationale. Le secrétaire d’État a été envoyé à l’ONU avec une collection de mensonges qui permit de construire l’acceptation de l’agression américaine contre un Irak sans défense. La cerise sur le gâteau a été l’accusation que le gouvernement laïc de Saddam Hussein « avait des connexions avec al-Qaïda », Al-Qaïda portant le blâme pour le 11/9 [2001].

Comme ni le Congrès ni les médias américains n’ont intérêt à connaître les véritables motivations de Washington à propos de l’Irak, la « menace Irakienne » restera un mystère pour les Américains.

Mais les conséquences de la destruction par Washington du gouvernement laïc de Saddam Hussein, un gouvernement qui a réussi à maintenir l’Irak unie sans la violence américaine induite qui a fait du pays une zone de guerre permanente, ont été des années continues de violence à un niveau égal voire supérieur à la violence associée à l’occupation américaine de l’Irak.

Washington est dépourvu de préoccupations humanitaires. L’hégémonie est la seule préoccupation de Washington. Comme en Afghanistan, en Libye, en Somalie, au Pakistan, au Yémen, en Ukraine, en Syrie et en Irak, Washington apporte seulement la mort, et la mort est en cours en Irak.

Le 12 juin, 500 000 habitants de Mossoul, deuxième plus grande ville de l’Irak, bénéficiaires de « la liberté et la démocratie » apportées par Washington, ont fui la ville alors que l’armée [régulière Irakienne] pourtant entraînée par les Américains s’est effondrée et s’est enfui devant l’attaque d’Al-Qaïda. Le gouvernement installé par Washington, craignant que Bagdad soit la prochaine, a demandé à Washington des frappes aériennes contre les troupes d’Al-Qaïda. Tikrit et Kirkouk sont également tombées. L’Iran a envoyé deux bataillons de gardes révolutionnaires pour protéger le gouvernement de Washington installé à Bagdad.

(Après la publication de cet article, le président de l’Iran, Hassan Rouhani a démenti les articles des médias – Wall Street Journal, World Tribune, The Guardian, Telegraph, CNBC, Daily Mail, Times Of Israël, etc – assurant que l’Iran avait envoyé des troupes pour aider le gouvernement Irakien. Une fois de plus les médias occidentaux ont créé une fausse réalité avec de fausses informations)

Qui se souvient de la propagande que Washington utilisa pour renverser Saddam Hussein afin d’apporter « la liberté, la démocratie et les droits des femmes aux Irakiens » ? Nous devions vaincre Al-Qaïda – qui à l’époque n’était pas présent en Irak – « là-bas avant qu’ils ne viennent ici »

Vous rappelez-vous les promesses des néo-conservateurs à propos d’une guerre que se déroulerait « comme du gâteau » ; qui ne durerait que quelques semaines, qui ne couterait que 70 milliards de $ qui seraient de toutes façons payés sur les revenus pétroliers irakiens, [vous rappelez-vous] du conseiller économique de George W. Bush viré pour avoir dit que la guerre coûterait 200 milliards de $ ? Le vrai coût de la guerre a été calculé par l’économiste Joseph Stiglitz et Linda Bilmes – experte en finances publiques de l’Université de Harvard – qui ont montré que la guerre en Irak a coûté aux contribuables 3 000 milliards de dollars, une dépense qui menace le filet de protection sociale des États-Unis.

Vous souvenez-vous des promesses de Washington que l’Irak serait remise sur pied par l’Amérique en tant que démocratie dans laquelle tout le monde serait en sécurité et que les femmes aurait des droits ?

Quelle est la situation aujourd’hui ?

Mossoul, la deuxième plus grande ville en Irak, vient d’être envahie par les forces d’Al-Qaïda. Ce sont les forces que Washington a prétendu à plusieurs reprises avoir complètement vaincues.

Ces forces « vaincues » contrôlent désormais la deuxième plus grande ville d’Irak et un certain nombre de provinces. La personne à qui Washington avait confié l’Irak est à genoux priant pour obtenir de l’aide militaire et un appui aérien contre les forces djihadistes que le régime incompétent de Bush a déchaînées dans le monde musulman.

Ce que Washington a fait en Irak et en Libye, essaye de faire en Syrie, est de détruire les gouvernements qui ont gardé les jihadistes sous contrôle. Washington fait face à la perspective d’un gouvernement jihadiste englobant l’Irak et la Syrie. La conquête néo-conservatrice du Moyen-Orient est en train de devenir une conquête d’Al-Qaïda.

Washington a ouvert la boîte de Pandore. C’est l’accomplissement de Washington au Moyen-Orient.

Même si l’Irak tombe sous la coupe d’Al-Qaïda, Washington fournit actuellement les forces d’Al-Qaïda qui attaquent la Syrie avec des armes lourdes. Les USA diabolisent l’Iran qui a envoyé des troupes pour défendre le régime installé par Washington à Bagdad ! Est-il possible pour un pays de passer pour plus idiot ?

Une conclusion que nous pouvons tirer est que l’arrogance et l’orgueil qui définit le gouvernement américain a rendu Washington incapable de prendre une décision logique et rationnelle. C’est la Mégalomanie qui règne à Washington.

[1] intervention de Condoleeza Rice du 8 septembre 2002 sur CNN

Source : PaulCraigRoberts.org (traduit par Surya pour www.les-crises.fr)

Source: http://www.les-crises.fr/la-victoire-irakienne-de-washington/


[Reprise] Notre exceptionnalisme-suprématisme, par Philippe Grasset

Wednesday 2 July 2014 at 01:27

Je reprends ici un article de l’excellent site DeDefensa (pensez aussi à le soutenir si vous pouvez), que je trouve particulièrement juste et important…

Considérant en toute logique, et selon un point de vue assez objectif sur cette question comme il nous a habitués, le site ZeroHedge.com estimait, le 2 juin 2014, que le bloc BAO, et pour notre cas la partie européenne (UE) du bloc, avait simplement tiré un trait sur l’Ukraine. (Comme elle l’a fait, précédemment, pour la Syrie, après deux ans d’activisme déstructurant et hystérique aboutissant à un complet échec). Ainsi Tyler Durden, de ZeroHedge.comnotait :

«Considering that even German publication Spiegel is now reporting that that “Vladimir Putin has won the propaganda war over Ukraine and the West is divided”, it is hardly surprising that western coverage of the Ukraine civil war has ground to a halt: without a coherent agenda, the western propaganda machine is unsure of just what the right angle is in its coverage of Ukraine events, which is why as in the case of last summer’s Syrian conflict coverage, the “free media” has simply decided to push back events in east Ukraine to the page 8, if cover it at all. Unfortunately, for the locals in the separatist regions, while the west may now chose to simply close its eyes to the consequences of its intervention the civil war is all too real and deadly: as RIA reports, there were multiple casualties after a fighter jet attack struck the eastern city of Luhansk. “The assault was followed by heavy gunfire on the ground, causing panic among civilians.”»

Durden n’avait pas tort quant au silence de la presse-Système, – “silence de mort”, si l’on ose dire d’une façon sinistre. Pour autant, il n’a pas raison du point de vue de l’avis implicite qu’il semble donner, selon lequel il s’agit, de la part du bloc BAO, d’un aveu implicite de défaite («Vladimir Putin has won…», etc.). Il s’agit effectivement d’un silence de convenance, silence de mort qui n’est même pas un salut silencieux aux morts innocents de la chose ; silence de convenance comme, dans les salons, on évite les sujets qui tachent, sinon éclaboussent. Pour le reste, le bloc BAO est plus que jamais assuré de sa vertu, de sa surpuissance, et surtout de sa supériorité. Cela vaut bien entendu pour les USA, mais également, de façon au moins aussi intense et même plus intense dans certains cas, pour l’Europe-UE et ceux des pays-membres qui n’existent et n’agissent qu’en fonction de cette référence. Nous allons d’abord évoquer deux cas dans ce sens…

• Lundi (3 juin) a eu lieu à Bruxelles une rencontre de négociations sur la question de l’énergie (gaz), en relation principalement avec la crise ukrainienne, entre l’UE et la Russie. Ce qui nous intéresse ici n’est pas le déroulement et les effets de cette réunion, qui était de toutes les façons un événement d’un processus qui en comportera d’autres, – donc, rien de décisif ; ce qui nous intéresse, c’est le “document de travail” dont disposaient les représentants de l’UE pour cette réunion. Ce “document de travail“ représente une sorte de “feuille de route“ synthétisant la position de l’UE, son orientation, l’argumentation à suivre, etc., c’est-à-dire qu’il résume l’état d’esprit de l’UE dans ces négociations, sa position psychologique, etc. Une source européenne, non impliquée dans ces négociations mais qui a eu accès au document, nous donne son sentiment à partir de son point de vue qui est d’embrasser les matières concernées en se référant à la situation générale, notamment en tenant compte des facteurs politiques de la situation aussi bien que des facteurs spécifiques à la question en négociation. Le résultat est une extraordinaire démonstration de suprématisme, cet autre nom de l’“exceptionnalisme”, – ou bien son complément pour nous proposer l’expression d’exceptionnalisme-suprématisme…

«Ce document est stupéfiant, observe cette source. Il implique un discours qui constitue une véritable intervention unilatérale et autoritaire. Pratiquement, on dit aux Russes : voici comment cela va se passer, vous allez faire ceci, ceci et ceci, etc. Tout cela est énoncé sans la moindre possibilité envisagée de donner à l’autre le moyen d’objecter, de contre-argumenter, pour chercher par exemple un compromis. Il s’agit d’une dialectique bureaucratique sous une forme implicite, voire parfois explicite, d’ultimatum… Il était enjoint aux fonctionnaires de parler aux Russes exactement comme les représentants de l’UE ont parlé à Ianoukovitch, en novembre 2013, lors de la rencontre qui a mené au refus de l’Ukraine de l’accord de coopération avec l’UE. Nulle part il n’y a la moindre allusion à la situation politique en Ukraine, aux positions russes, etc. Il s’agit d’une dialectique de diktat et rien d’autre.»

• Nous revenons, pour compléter ce rapide dossier, sur une dépêche de l’agence Reuters, du 30 mai 2014. L’événement est anodin, – la visite du ministre tchèque des affaires étrangères Zaoralek à Londres, ce jour-là, – et il est ainsi d’autant plus significatif … L’attitude montrée ici, durant une conférence donnée par le ministre, est quelque chose de naturel, qui est suivie même dans les circonstances les plus anodines, justement.

«Speaking during a visit to London to meet British Foreign Secretary William Hague, Zaoralek said that Russia was clearly behind violent unrest in eastern Ukraine, but that there were no immediately effective steps the West could take to stop it. [...] “I have no doubts that Russia is responsible for the situation in Donetsk and Slaviansk,” Zaoralek said in an interview over breakfast at a west London hotel. “There is no chance for us to solve this situation by power, there is no possibility to solve it in the short term.” [...]

»[...W]hile underlining the importance of a coordinated Western response on sanctions, [Zaoralek] was skeptical of any near-term change in Putin’s stance. “In the real world this process is going to happen over the more long term – to solve it in a few months is probably impossible,” he said. “Putin’s behavior is ambiguous and probably will continue to be. On one side he is trying to show that he is ready to negotiate and make some concessions, and on the other side we see the Russians are delivering uniformed militaries to Donetsk and the Dombas (region).”

»The West’s best chance of securing a shift in policy from Russia is to show them that Europe is an economic partner they need to modernize their economy, Zaoralek said. “For Russia I see no other alternative than to co-operate with Europe when we’re talking about modernizing,” he said. “Maybe for us this situation represents difficulties but for Russia this isolation could be a fundamental problem.” “I see no future development of Russian industry this way. That’s why I can’t understand this Putin decision. From the point of view of future development, it’s a disaster.”»

Bien sûr, Zaoralek, ministre de la Tchéquie, voilà qui est de peu d’importance ; mais c’est ce “peu d’importance” qui fait toute l’importance de la chose. Voici donc un de ces hommes des nouveaux et petits pays de l’UE, tous imprégnés de l’“esprit de l’UE” dans lequel ils croient trouver aussi bien la puissance du bloc BAO que la revanche contre l’ex-URSS, et qui conduit une pensée complètement exceptionnaliste et suprématiste. On passera, – à peine et tout de même en le notant, – sur la certitude du ministre que les Russes sont derrière les événements d’Ukraine orientale, alors que rien, absolument rien, ne justifie un tel jugement et qu’au contraire ont été déjà dévoilés les plus grossiers montages du susdit bloc BAO, à l’actif des institutions les plus “honorables” (voir le 25 avril 2014, à la gloire du quotidien “de référence” de la civilisation entière, le New York Times). On s’arrêtera par contre sur cette affirmation que, sans le bloc BAO, et l’UE plus précisément, la Russie est perdue, destinée à s’enfoncer dans le délabrement industriel et la quasi-barbarie, comme un pays du tiers-monde en train de glisser dans le quart-monde. Zaoralek parle de la Russie de 2014 comme s’il parlait, en outrant le propos, de celle de 1994, celle d’Eltsine, ivre du matin au soir et soumise à l’encan du capitalisme sauvage venu du bloc BAO et des oligarques déchaînés. Et cela est dit, par Zaoralek, en s’appuyant implicitement sur la référence des références, l’exceptionnelle Amérique, qui a notamment, comme exemple de modernité industrielle à proposer à la Russie, la ville de Detroit… (Voir le 20 décembre 2008, – encore n’était-ce que le début de l’agonie de Detroit.)

Ainsi parlons-nous d’exceptionnalisme, et encore plus de suprématisme, en observant que l’UE, et donc les pays européens, ont endossé cette dialectique prédatrice caractérisant aujourd’hui l’Occident dans son entier, sous l’habit du bloc BAO en mode de surpuissance-autodestruction. On pourrait dire que le suprématisme est au racisme, dans l’échelle des délits éventuels, ce que l’assassinat prémédité systématique est à un homicide involontaire accidentel, pour ce qui est de l’intensité et de l’orientation de la psychologie gouvernant l’attitude qui en résulte. L’exceptionnalisme-suprématisme a complètement envahi l’UE, à visage découvert, véritablement comme une doctrine active de fonctionnement, dans tous les cas depuis le coup de force de novembre 2013 (négociations avec l’Ukraine). Ce qui était sur le moment le simple résultat d’une mécanique bureaucratique est devenue une sorte de doctrine activiste, fondée sur l’affirmation d’une sorte de supériorité morale, psychologique et technologique comme un équivalent postmoderniste à la supériorité raciale et ethnique des suprématismes des XIXème-XXème siècles. Il s’agit du plus récent avatar de l’extension du concept d’“occidentalisation” (que nous nommons plutôt “anglosaxonisation”) identifié par le philosophe de l’histoire et historien des civilisations Arnold Toynbee après 1945, qui s’est très fortement sophistiqué au niveau de la de la communication et de la perception que ceux qui l’éprouvent en ont, jusqu’à changer de nature pour devenir l’actuel et postmoderne exceptionnalisme-suprématisme…

(Les pays anglo-saxons et l’anglosaxonisme étaient déjà partie prenante de cette forme de suprématisme, et ce sont eux qui ont mené la transmutation de cette attitude, comme on peut le déduire, notamment, des remarques d’Arnold Toynbee et de nos propres développements dans La Grâce de l’Histoire. On peut lire une approche de ces conceptions le 15 octobre 2013, avec notamment l’observation centrale que l’“occidentalisation”/“anglosaxonisation” développé dans l’exceptionnalisme-suprématisme est d’une nature complètement différente du colonialisme ; la confusion entre les deux implique une énorme confusion des jugements politiques, avec contresens et contradictions, dont le Système profite allégrement … «L’“occidentalisation” du monde est entamée justement, selon Toynbee, juste après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Le paradoxe est que ce démarrage coïncide exactement avec le début de la décolonisation (indépendance de l’Inde en 1947, guerre d’Indochine, etc.). Cela nous conduit à considérer l’“occidentalisation”, non comme la poursuite de la colonisation, comme on l’avance souvent, mais bien comme quelque chose de tout à fait différent de la colonisation. En fait, la décolonisation, c’est-à-dire la destruction de la colonisation, était nécessaire pour permettre le lancement de l’occidentalisation. Il n’y a pas complémentarité ni substitution, mais bien opposition entre les deux termes. [...] La notion de “racisme anglo-saxon” avancée par Toynbee doit être appréciée avec une extrême attention. Pour nous, les Anglo-Saxons ne sont pas racistes, ils sont suprématistes, le suprématisme n’étant pas une catégorie du racisme, mais un caractère en soi… Pour nous, le racisme se définit par rapport aux autres, de diverses façons, dans un univers relatif et circonstanciel ; le suprématisme se définit par rapport à soi, et à soi seul à l’exclusion du reste, comme un caractère identitaire dans un univers absolu. (Le racisme ne conduit pas nécessairement à l’oppression et il peut changer, évoluer, éventuellement disparaître ; le suprématisme ne peut évoluer par définition et conduit nécessairement à l’oppression.) L’anglosaxonisme, ou panaméricanisme, est suprématiste, comme le fut le pangermanisme et son rejeton catastrophique que fut le nazisme…»)

Pour nous, il ne fait aucun doute que ces doctrines ont pénétré avec une rapidité extraordinaire la bureaucratie de l’UE et les directions politiques de nombre des pays-membres de l’UE, particulièrement les plus faibles et les plus irresponsables, et notamment nombre de ceux de l’ancienne Europe communiste, qui trouvent ici un supplément de puissance de communication sans assumer la moindre responsabilité à cet égard. Il est assuré, jugeons-nous, qu’il existe un sentiment de supériorité (suprématisme) complètement implicite et assumé sans véritable conscience de la chose des bureaucraties de l’UE et des pays-membres de l’UE surtout dans les catégories envisagées ; cette attitude conduit par exemple, – et exemple particulièrement puissant et significatif aujourd’hui, – à juger les Russes comme un type humain inférieur du point de vue moral, psychologique et technologique (des “barbares”, des “sauvages” ou Untermenschen, – selon les références culturelles). A cet égard, la proximité avec les doctrines extrémistes des XIXème-XXème siècles est évidente ; l’exemple extrême se trouve dans les sentiments d’hostilité furieuse par rapport aux Russes des ultra-nationalistes est-européens, notamment ukrainiens, polonais et baltes, qui établissent ainsi un lien historique entre le suprématisme actuel et le suprématisme des doctrines du XXème siècle dont ils ont hérité.

Ces divers constats complètent notre appréciation selon laquelle l’UE va de plus en plus évoluer comme une machinerie oppressive et incontrôlable, durcissant son attitude à mesure que la contestation populaire va augmenter, affirmant des doctrines de plus en plus extrémistes sans aucune conscience de leur extrémisme à cause du vernis moraliste qui les habille. En effet, cette attitude qu’on décrit vis-à-vis de la Russie n’est pas limitée à ce pays, mais constitue une émanation parmi d’autres dans le même sens de l’exceptionnalisme-suprématisme. On retrouve l’idée développée au niveau institutionnel le 31 mai 2014.

Mis en ligne le 4 juin 2014 sur DeDefensa

Source: http://www.les-crises.fr/notre-exceptionnalisme-suprematisme/