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[No comment] L’euro court toujours : la Lituanie, 19e victime

Wednesday 2 July 2014 at 00:03

Source : Le Monde

P.S. “Dans un sondage Eurobaromètre publié en novembre, 49 % des Lituaniens se déclaraient hostiles au remplacement du litas par l’euro par crainte d’une hausse des prix. 40 % y étaient favorables.” (Le Figaro)

P.P.S. “le salaire minimum mensuel en Lituanie est de 1 000 LTL (290 €)”. (Source : Cleiss)

Source: http://www.les-crises.fr/l-euro-19e-victime/


[Vidéo] Les “experts” ont parlé : il n’y a pas de nazis en Ukraine !

Tuesday 1 July 2014 at 04:01

Excellente vidéo de Vincent Parlier, qui fait un gros boulot sur des vidéos :

A faire suivre largement…

Par ailleurs, les nervis pro-Kiev ont arrêté (puis finalement relâché) Vladislav, plus connu dans la blogosphère comme “Streamer Vlad”, jeune citoyen de 16 ans à Marioupol. Révolté par ce qu’il voyait se passer dans sa ville, il a décidé, seulement armé de sa caméra, d’informer le monde sur la réalité du conflit ukrainien :

Voici son interrogatoire – tout va bien (alloooo Caroline Fourest ?) :

N’hésitez pas à consulter les vidéos de Vincent Parlier ici, et les informations de Bertrand du Déclin ou de Danielle Bleitrach

Source: http://www.les-crises.fr/les-experts-ont-parle/


Une nouvelle récession et un nouveau monde débarrassé de l’arrogance américaine ?, par Paul Craig Roberts

Tuesday 1 July 2014 at 02:25

Billet de Paul Craig Roberts du 26 juin 2014.

Je rappelle que cet économiste et journaliste paléoconservateur américain a été sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982), et est un des pères fondateurs des Reaganomics. Il a également été rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal. Sa vision décape, en général…

Le chiffre définitif de la croissance réelle du PIB des Etats-Unis pour le premier trimestre 2014 est tombé le 25 juin: pas de progression de 2,6%, comme l’avaient prédit en janvier les économistes qui ne savent rien, mais une baisse du PIB de 2,9%.

Cette croissance négative de -2,9% est en elle-même un euphémisme car, si l’on obtient ce chiffre en déduisant l’inflation du PIB nominal, la mesure de l’inflation est minimisée. Durant les années Clinton, la Commission Boskin a truqué la mesure de l’inflation afin de tromper les bénéficiaires de l’aide sociale sur les ajustements indiciels. Quiconque achète des aliments, du carburant ou autre chose sait que l’inflation est beaucoup plus élevée que le chiffre officiel, et il se peut que la chute du PIB au premier trimestre soit trois fois supérieure au chiffre officiel. Néanmoins, la différence entre la prévision de janvier (+2,6%) et la récession à fin mars (-2,9%) est déjà importante.

Tout véritable économiste (c’est-à-dire qui n’est pas rémunéré par Wall Street, le gouvernement fédéral ou l’Establishment) savait que cette prévision de +2,6% était du pipeau. Les revenus des Américains n’ont pas augmenté, à l’exception de ceux des plus riches (le fameux 1% de la population), et l’unique croissance du crédit concerne les prêts aux étudiants, alors que tous ceux qui ne peuvent trouver un emploi se tournent à tort vers « l’éducation est la solution ».

Dans une économie basée sur la consommation, l’absence de croissance des revenus et du crédit signifie aucune croissance économique. L’économie des Etats-Unis ne peut pas croître parce que les grandes entreprises, poussées par Wall Street, ont délocalisé l’économie. Les produits manufacturés américains sont fabriqués à l’étranger.

Regardez les étiquettes sur vos vêtements, vos chaussures, votre vaisselle et vos casseroles, vos ordinateurs, etc. ! Les emplois américains qualifiés, comme dans l’ingénierie informatique, ont été déplacés à l’étranger. Une économie délocalisée n’est pas une économie. Tout cela s’est déroulé à la vue de tous, tandis que les comparses grassement payés du libéralisme déclaraient que les Américains étaient bénéficiaires de ce système qui donnait les emplois de la classe moyenne aux Chinois ou aux Indiens.

Cela fait près de 20 ans que j’expose ces mensonges, raison pour laquelle je ne suis plus invité à m’exprimer dans les universités américaines ou devant les associations économiques américaines. Les économistes adorent l’argent qu’ils reçoivent pour mentir. Ils ne veulent surtout pas parmi eux d’une personne qui dit la vérité.

Une baisse officielle de 2,9% au premier trimestre implique une baisse du PIB pour le deuxième trimestre. Deux baisses consécutives est la définition d’une récession.

Imaginez les conséquences d’une récession. Cela signifie que les années d’assouplissement quantitatif sans précédent n’ont pas réussi à ranimer l’économie. Cela veut dire que les années de déficits budgétaires keynésiens n’ont pas réussi à ranimer l’économie. Ni la politique budgétaire ni la politique monétaire n’ont marché.

Alors, qu’est-ce qui pourrait ranimer l’économie ? Rien, à part le retour forcé de l’économie que les grandes entreprises anti-américaines ont déménagée à l’étranger. Mais pour se faire, il faudrait un gouvernement crédible. Malheureusement, le gouvernement américain a perdu toute crédibilité. Depuis le deuxième mandat du régime de Clinton [1996], il n’en a plus.

Aujourd’hui, personne dans le monde ne croit plus le gouvernement américain, à l’exception des Américains eux-mêmes, qui lisent et écoutent les « médias du courant dominants » et qui sont en état de mort cérébrale . La propagande de Washington règne sur les esprits des Américains, mais ne produit que railleries et mépris partout ailleurs.Puisse la récession aux Etats-Unis nous débarrasser de l’arrogance de Washington! Les mauvaises perspectives économiques ont conduit les deux plus grands lobbies d’entreprises des Etats-Unis – la Chambre de commerce des Etats-Unis et la National Association of Manufacturers (ou ce qu’il en reste) à entrer en conflit avec la menace du régime d’Obama de nouvelles sanctions contre la Russie.

Selon Bloomberg News, à partir du 26 juin, ces groupements d’entreprises publieront des publicités dans le New York Times, le Wall Street Journal et le Washington Post s’opposant à de nouvelles sanctions contre la Russie. Les associations d’entreprises américaines disent que ces sanctions nuiront à leurs profits et entraîneront de nouveaux licenciements.

Donc, les deux plus grandes associations d’entreprises des Etats-Unis, sources importantes de financement pour les campagnes électorales, ont finalement ajouté leurs voix à celles des entreprises allemandes, françaises et italiennes.

Tout le monde, à part le peuple américain dont le cerveau a été lavé, sait que cette « crise en Ukraine » est entièrement l’œuvre de Washington. Les entreprises américaines et européennes demandent : « Pourquoi nos profits et nos employés devraient-ils encaisser les coups au nom de la propagande de Washington contre la Russie ? »

Obama n’a aucune réponse. Peut-être ses raclures néoconservatrices de Victoria Nuland, Samantha Powers et Susan Rice peuvent-elles trouver une réponse ? Obama peut se tourner vers le New York Times, le Washington Post, le Wall Street Journal et le Weekly Standard pour expliquer pourquoi des millions d’Américains et d’Européens devraient souffrir afin que le vol de l’Ukraine par Washington ne soit pas compromis.

Les mensonges de Washington rattrapent Obama. Angela Merkel, la Chancelière allemande, a beau être la prostituée absolue de Washington, l’industrie allemande dit à la prostituée de Washington que leurs affaires avec la Russie leur importent plus que de souffrir pour le compte de l’empire washingtonien. Les chefs d’entreprises français demandent à François Hollande ce qu’il propose de faire de leurs employés au chômage s’il suit Washington. Les entreprises italiennes rappellent à leur gouvernement, dans la mesure où l’Italie en a encore un, que ces rustres d’Américains n’ont aucun goût et que les sanctions contre la Russie signifient un coup dur porté au secteur économique le plus reconnu d’Italie – ses produits de grand luxe.

Le désaccord avec Washington et les deux grands dirigeants fantoches de l’Europe se creuse.

Le dernier sondage en Allemagne révèle que les trois-quarts de la population allemande rejettent les bases permanentes de l’Otan en Pologne et dans les Etats baltes. L’ancienne Tchécoslovaquie, la Slovaquie et la République Tchèque, bien qu’Etats membres de l’Otan, ont rejeté l’installation de troupes et de bases américaines et de l’Otan sur leurs territoires. Dernièrement, un ministre polonais a déclaré que pour plaire à Washington, il fallait lui faire une pipe à l’oeil et ne rien attendre en retour.

Les pressions qu’exercent les crétins de Washington sur l’Otan pourraient faire voler l’organisation en éclats. Prions pour que cela se produise! L’excuse de l’Otan pour justifier son existence a disparue avec l’effondrement de l’Union soviétique, il y a 23 ans. Pourtant, Washington a accru la présence de l’Otan bien au delà des frontières de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. A présent, l’Otan s’étend de la Baltique à l’Asie Centrale.

Afin de justifier la poursuite des opérations coûteuses de l’Otan, Washington a dû se fabriquer un ennemi avec la Russie.

La Russie n’a aucune intention d’être l’ennemie de Washington ou de l’Otan et l’a bien fait savoir. Mais le complexe militaro-sécuritaire de Washington, qui absorbe environ 1.000 milliards de dollars par an de l’argent des contribuables en difficulté, a besoin d’une justification pour maintenir le flux de ses profits.

Malheureusement, les imbéciles à Washington ont choisi un ennemi dangereux. La Russie est une puissance nucléaire, un pays aux vastes dimensions et qui dispose d’une alliance stratégique avec la Chine.

Seul un gouvernement submergé d’arrogance et d’hubris, dirigé par des psychopathes et des sociopathes, choisirait un tel ennemi.

Le président russe, Vladimir Poutine, a fait remarquer à l’Europe que la politique de Washington au Proche-Orient et en Libye est non seulement un échec complet mais qu’elle a également des retombées dévastatrices pour l’Europe et la Russie. Les fous à Washington ont renversé les gouvernements qui réprimaient les Djihadistes. A présent, les Djihadistes violents sont lâchés. Au Proche-Orient, ils sont à l’œuvre pour redessiner les frontières artificielles établies par les Anglais et les Français dans le sillage de la Première Guerre mondiale.

L’Europe, la Russie et la Chine ont des populations musulmanes et ont des raisons de s’inquiéter, maintenant que la violence libérée par Washington pourrait apporter la déstabilisation de régions entières d’Europe, de Russie et de Chine.

Personne, nulle part dans le monde, n’a de raison d’aimer Washington. Personne ! Et encore moins les Américains qui sont saignés à blanc afin que Washington puisse faire étalage de sa force militaire sur toute la planète. La cote de popularité d’Obama est à un lamentable 41% et personne ne veut qu’Obama reste à son poste une fois son second mandat terminé. En contraste, les deux-tiers de la population russe veulent que Poutine reste président après 2018.

En mars, l’agence de sondages Public Opinion Research Center a publié un rapport montrant que la cote de popularité de Poutine se maintenait à 76% malgré l’agitation fomentée contre lui par les ONG russes financées par les Etats-Unis – des centaines d’institutions de la cinquième colonne que Washington a établies durant les deux dernières décennies.

En plus des problèmes politiques des Etats-Unis, le dollar américain a du souci à se faire. Le dollar est maintenu à flot par des marchés financiers manipulés et la pression que Washington exerce sur ses vassaux. Ils doivent faire tourner leurs propres planches à billet afin de soutenir la valeur de la devise américaine en achetant des dollars. Pour maintenir le dollar à flot, une grande partie du monde connaîtra l’inflation monétaire. Lorsque les gens finiront par piger et se rueront sur l’or, ils s’apercevront que les Chinois ont tout pris.

Sergueï Glazyev, un conseiller de Poutine, a dit au président russe que seule une alliance contre le dollar pour qu’il s’effondre pourrait arrêter l’agression de Washington. C’est mon opinion depuis longtemps. Il ne peut y avoir de paix tant que Washington peut créer à volonté de la monnaie pour financer plus de guerres.

Ainsi que le gouvernement chinois l’a déclaré, il est temps de « désaméricaniser le monde ». Le pouvoir à Washington a totalement déçu, ne produisant rien d’autre que des mensonges, de la violence, de la mort et la promesse de plus de violence. Les Etats-Unis d’Amérique n’ont d’exceptionnel que le fait que Washington a, sans aucun remords, détruit en tout ou partie sept pays depuis le début du 21ème siècle. A moins que le pouvoir à Washington ne soit remplacé par des dirigeants plus humains, le vie sur terre n’a aucun avenir.

Paul Craig Roberts a été vice-ministre des Finances sous Reagan, il a été chroniqueur et rédacteur en chef au Wall Street Journal.

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Traduction : [JFG pour QuestionsCritiques]

Source: http://www.les-crises.fr/nouvelle-recession/


[Reprise] L’Europe au rythme de Juncker, par Philippe Grasset

Monday 30 June 2014 at 01:27

Reprise de 2 bons articles de DeDefensa et un de la Tribune sur Juncker.

Enorme ça : des élections montrant que les peuples ne veulent pas de plus d’Europe, et les types choisissent un fédéraliste forcené (issu d’un paradis fiscal), alors que l’Angleterre n’en veut absolument pas !! Ce qui la pousse vers la sortie (ce qui n’est pas un mal pour elle, et pourrait nous donner des idées…)

Au prétexte de “Démocratie”, que le PPE (qui n’existe pas, on est d’accord, un lecteur aurait-il une carte du PPE là ?) aurait “gagné les élections” : “David Cameron, le Premier ministre britannique, refusant de se voir imposer Jean-Claude Juncker, la tête de liste du PPE (conservateurs) qui a pourtant gagné les élections” (Quatremer Inside)  

Question : depuis quand 28 % des sièges, ça s’appelle “gagner les élections” ?

Pour information, les socialistes, dont les rares députés du PS, vont voter pour Junker – normal quoi… Mais rassurez-vous, ils se sont déjà partagés les postes avec le PPE…

 

Épreuve de force et lutte à mort

(billet du 31 mai 2014) Nul ne se plaindra du départ du citoyen-président Barroso, effectivement président de la Commission Européenne (CE) doté de l’exceptionnalité d’une médiocrité sans limites, exercée pendant de longues années colorées d’une ternitude palpable. Barroso avait été choisi pour cela, – sa médiocrité, sa ternitude, – et il a n’a pas démérité : Mission accomplished, comme disait l’autre. Son successeur devrait être l’ancien Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, et l’on passe à une autre dimension, à un autre rythme ; la perspective s’est brusquement éclairée à cet égard avec le très récent tournant de Merkel en faveur du soutien de Juncker (voir le 30 mai 2014, en consultant le Guardian). Avec Juncker, nous changeons de registre par rappeur à Sa-Médiocrité Barroso : activiste, adepte du franc-parler, brillant et corrosif, la pensée ferme et droite, toujours intéressant sinon explosif dans ses déclarations, Juncker est une sorte d’antithèse de son éventuel prédécesseur.

Le choix de Merkel («The German chancellor said at the National Catholic Congress in Regensburg: “I will now lead all negotiations in the spirit that Jean-Claude Juncker should become president of the European commission.”») nous permet d’assumer que Juncker a de fortes chances de devenir le nouveau président de la CE, et nous pouvons raisonner sur cette hypothèse, – mais en comprenant bien que l’hypothèse est un cas-limite d’une situation des institutions européennes qui évoluera complètement, inéluctablement, avec ou sans lui, dans le sens décrit. Effectivement, la nouvelle situation, Merkel regnante, nous permet d’assumer qu’au moins l’esprit de la direction européenne est bien dans le sens qu’opérationnaliserait le choix éventuel de Juncker. Certes, on peut s’arrêter aux considérations démocratiques, qui permettent de badigeonner d’un peu de vernis convenable la situation européenne, puisque Juncker est le choix pour la présidence de la CE du premier parti (PPE, ou centre-droit type-démocrates-chrétiens) du Parlement Européen (PE) renouvelé. Tenons-nous-en là pour ce domaine du simulacre et passons aux choses sérieuses : la montée de Juncker implique le renforcement d’une résolution de la direction européenne qui colore un état de l’esprit particulièrement remarquable. Parlant après le résultat des élections européennes et la montée des “eurosceptiques”, Juncker a abruptement répondu qu’il n’en avait cure (bref, qu’il s’en fout, – “I don’t care”) puisque la vraie et belle “démocratie”, c’est la première place du PPE au PE, et que, “démocratiquement”, il est naturel que lui-même soit désigné. (Effectivement, le PE joue désormais un rôle important dans diverses décisions européennes, et notamment dans la désignation du président de Commission Européenne.)

Poursuivons l’hypothèse et constatons que la désignation éventuelle de Juncker se fait sur un fond déclamatoire qui confirme, que non seulement “on s’en fout”, de la montée des “eurosceptiques”, mais qu’en plus on la tient pour pire encore que ce qu’elle est : la montée de la “peste brune”, résurrection d’une protohistoire toujours prête à servir dans l’arsenal sexydes pro-européens, ces hyper-postmodernistes vivant au rythme des années 1930. Dans un autre article du Guardian, du 28 mai 2014, on lisait des échos de déclarations qui ne nous l’envoient pas dire…

«Speaking at a conference in Berlin, Wolfgang Schäuble, the German finance minister and one of the most influential politicians in the EU, deplored the outcome of the European election in France where Marine Le Pen’s FN made its biggest breakthrough to win the ballot with 25% of the vote. “A quarter of the electorate voted not for a rightwing party but for a fascist, extremist party,” said Schäuble. [...]

»The attack on the FN was taken up by Viviane Reding, the vice-president of the European commission. Asked by a Swiss television station whether the FN’s triumph imperilled democracy in Europe, she responded: “It is absolutely dangerous, like all fascism.” While neo-fascists from Greece, Hungary and Germany won seats in the Strasbourg parliament, the far right also scored dramatic victories in Britain and Denmark and did well in Austria.

»On the other side of the political spectrum, the hard left also won the election in Greece, did well in Ireland and boosted its presence in several countries. Reding branded some of them as fascist, too. “There is also the fascism of the left which will be in the parliament.”»

Un aspect très spécifique de la situation européenne, c’est que l’éventuelle victoire de Juncker serait une défaite cuisante pour le Britannique Cameron. On sait que Juncker déteste les Britanniques, en privé sans aucune retenue et en public avec le sarcasme aux lèvres ; il les juge irrémédiablement anti-européens. “Bien vu”, se réjouiraient certains Français peu sensibles à la contraction du temps et à l’accélération de l’Histoire qui changent toutes les données, et croyant dur comme fer à l’Europe de leurs rêves, celle à laquelle on pouvait encore s’attarder à croire il y a un quart de siècle et même un peu plus. Mais non, Juncker ne dit pas cela parce qu’il veut une Europe indépendante dans le sens qu’elle serait débarrassée de l’influence US que relaient les Britanniques et qui constitue un des aspects importants de son absence d’indépendance politique. Sa démission en 2013 du poste où il semblait inamovible de Premier ministre luxembourgeois (voir par exemple RTBF.info, le 11 juillet 2013) est due au scandale SERL (services de sécurité luxembourgeois). On avait alors appris qu’en 2006-2007, Juncker avait montré un comportement tout à fait indifférent et laxiste devant la révélation que le SERL, bon serviteur du réseau Gladio “géré” par l’OTAN, entretenait un énorme fichier de surveillance des citoyens grands-ducaux, pour servir notamment à l’information et aux entreprises de Gladio, et aussi du MI6 britannique et, par voie de servilité, de la CIA. Juncker n’a pris aucune mesure, il a laissé faire, n’y trouvant rien à redire ; il n’est pas un atlantiste acharné, du type agent actif-neocon, mais simplement un atlantiste disons par habitude sinon par défaut et indifférence, fataliste de la domination US au niveau de toutes ces fonctions régaliennes de la souveraineté et de la sécurité générale, – toutes choses assez étrangères au Luxembourg et à Juncker. Non, répétons-le, si Juncker déteste les Britanniques c’est parce qu’il les juge anti-européens selon ses propres conceptions intégristes de l’Europe, à lui Juncker.

Merkel semble être venue à lui finalement, alors qu’elle favorisait d’abord l’Allemand bon teint Martin Schultz (social-démocrate du Parti Socialiste Européen [PSE] au PE), pour répondre à des pressions nouvelles, y compris en Allemagne même avec un édito fracassant du Bild et d’autres interventions (voir EUObserver le 31 mai 2014), parce que Juncker s’impose comme le candidat le mieux élu et qu’il importe de plus en plus aux instances européennes d’avoir au moins des allures démocratiques. D’autre part, avec Juncker les nécessités démocratiques font bien les choses si l’on considère l’envergure et l’activisme intégriste mais tactiquement habile du personnage. Il faut voir que ces diverses manœuvres tendent à imposer au niveau européen une riposte politicienne des grands partis-Système dont certains font face à une terrible situation au niveau national (en France et au Royaume-Uni, principalement). Considérée d’un point de vue plus élevé, cette évolution installe l’affrontement entre européistes-Système et eurosceptiques-antiSystème à tous les niveaux de pouvoir en Europe ; elle renforce l’antagonisme entre les institutions européennes, salvatrices des grands partis-Système en danger aux niveaux nationaux, et les situations nationales où dans bien des cas monte l’euroscepticisme.

Ce qui est intéressant, c’est que, dans cette passe d’armes, Cameron s’est retrouvé, en s’opposant à Juncker qu’il connaît bien comme européen intégriste sans partage (ses services, MI6 en tête, le tiennent au courant), dans le rôle de défenseur de l’État-nation et de la prise en compte du vote des “eurosceptiques” … «“Europe cannot shrug off theses results. We need an approach that recognises that Europe should concentrate on what matters, on growth and jobs and not try and do so much,” said Cameron. “We need an approach that recognises that Brussels has got too big, too bossy, too interfering. We need more for nation states. It should be nation states wherever possible and Europe only where necessary. Of course we need people running these organisations that really understand that and can build a Europe that is about openness, competitiveness and flexibility, not about the past.”»

“Intéressant” et curieux à la fois, parce que ce rôle-là, ce n’est bien entendu pas Cameron qui aurait dû le jouer mais bien Hollande, parce que la France est de tradition la défenderesse de la souveraineté des nations. Bien entendu, il n’en fut rien et il n’en est rien, le président-poire ajoutant à sa dimension fruitière initiale celle de président-camembert par temps de canicule en pleine dissolution et qui inventerait pour peu le sondage de popularité de type négatif (3% de Français favorables à sa réélection, – bientôt “– 3%” ?) ; par conséquent, il n’en sera rien… Hollande ne peut manifester une véritable opposition de la France au processus en cours, symbolisé par Juncker, puisqu’il n’est plus un acteur français dans le désordre actuel, mais bien un acteur “européen” tenu à bout de bras, relayant le diktat européen à l’Elysée et rien d’autre, et qui plus est “acteur européen” que ses collègues méprisent ouvertement puisqu’il est incapable de tenir sa maison en ordre. C’est une sorte de Juncker en caoutchouc, tout mol, – certes, sans les tripes, la vigueur et le franc-parler, – comme si la France était réduite au Luxembourg, – certes, France réduite au Luxembourg mais sans les banques ni la prospérité. Bref, passons outre puisque la France n’a pour l’instant plus rien d’elle-même dans ses structures principielles vidées de leur contenu, et donc plus aucun rôle institutionnel à jouer.

Poursuivons l’hypothèse Juncker qui est l’hypothèse extrême d’une situation inéluctable d’affrontement entre l’Europe institutionnelle et les nations. Ce qui se profile c’est une machine de guerre institutionnelle européenne (les institutions européennes) plus intransigeante que jamais après ces élections qui lui ont apporté un cinglant démenti. Plus Bruxelles-Europe est mis en question par les événements qu’il suscite, plus Bruxelles-Europe ne supporte pas de l’être puisque Bruxelles-Europe est oint d’une sorte d’huile sacrée nommée “Europe” qui lui interdit d’accepter la moindre réticence, la moindre critique. Il faut entendre du dedans, c’est-à-dire chez certains fonctionnaires de cette direction qui y furent directement impliqués, le récit de la circonstance initiale de novembre 2013 qui déclencha la crise ukrainienne, l’extraordinaire intransigeance du Commissaire à l’Elargissement de la Commission, tchèque de nationalité, qui mena les négociations et refusa la moindre concession à Ianoukovitch, ne lui laissant d’autre choix que de refuser, – et ainsi pourra-t-on mieux comprendre cette crise-là… “Et ainsi” pourrait-on mieux envisager d’autres crises, avec l’évolution probable de l’attitude de Bruxelles-Europe, notamment, et particulièrement d’une manière symbolique pour nous, si Juncker devient président de la CE. Nous aurons une complète intransigeance vis-à-vis des États-Membres, et particulièrement ceux qui ont eu des votes eurosceptiques marquants. S’il le faut et si les circonstances vont dans ce sens, – et rien ne montre qu’elles puissent prendre une autre tournure, – rien n’empêcherait que l’on envisageât de faire subir à la France le sort de la Grèce, et un Juncker, avec toute son alacrité d’acteur européen musclé et expérimenté, jouerait un rôle accélérateur non négligeable dans une telle occurrence.

Cela signifie que nous nous dirigeons vers des affrontements majeurs, parce que, bien entendu, ni la France ni l’Angleterre, pour prendre les deux cas des deux des trois “grands” européens qui ont enregistré la même poussée dévastatrice des eurosceptiques (28% pour l’UKIP, 25% pour le FN), ne sont prêtes à accepter des pressions et des diktat de cette sorte, même adaptés à leurs situations respectives. On envisagerait aisément que de telles circonstances constitueraient un moteur puissant pour accélérer encore des situations quasi-insurrectionnelles vis-à-vis de l’Europe dans ces pays, et la France pourrait alors trouver un rôle à sa mesure, plutôt du type insurrectionnel, dans le registre “Ah ça ira, ça ira, ça ira…” de son inventaire. Les élections européennes suivies du durcissement de Bruxelles-Europe avec des opérateurs tels que Juncker ouvrent donc la voie à une période de grand trouble, – ou bien accélère de façon impressionnante le grand trouble d’ores et déjà existant, – où le facteur économique et le facteur institutionnel pourraient céder la place à des occurrences politiques de violence pure et des menaces graves de rupture. Ce que ces élections européennes décidément historiques d’il y a une semaine menacent de faire céder, c’est l’existence du cordon sécuritaire et quasiment sanitaire que constituaient jusqu’ici les directions nationales, dont le rôle semblait depuis les épisodes intégrateurs de la Constitution européenne, du traité de Lisbonne et de la crise de l’euro, avoir été réduit à la tâche de faire appliquer une “politique européenne” dont on connaît la recette type FMI-Goldman-Sachs, fardée d’une dialectique nationale de circonstance qui avait pour mission de dissimuler la vérité de la situation. Nous sommes désormais à proximité d’un point de rupture menaçant tous les équilibres nationaux et européens, – comme si l’on évoluait vers une véritable épreuve de force à l’échelle d’un continent qui s’est institué lui-même, dans le chef de ses élites-Système, comme un modèle de gouvernance pour le reste du monde et l’avenir de la civilisation. C’est un autre aspect de la crise d’effondrement du Système qui se précise, et toujours avec cette stupéfiante rapidité dans la formation et le développement des événements.

Source : DeDefensa

 

L’Europe au rythme de Juncker

(Billet du 28 juin 2014) C’est un grand jour pour l’Europe, pour l’UE, pour le Parlement européen (PE) & Cie. C’est-à-dire que c’est un grand jour pour les eurosceptiques et pour le processus de déconstruction de la machinerie européenne qui n’est plus qu’un appendice monstrueux du Système. Il s’agit d’une belle occasion où se fait la démonstration que le Système n’a pas de plus sûr ennemi et d’ennemi plus puissant que lui-même, selon la romantique formule qui nous passionne tant, – l’équation surpuissance-autodestruction. Comme dans chaque occasion de cette sorte, les acteurs changent de script selon les circonstances, et le brillant Cameron s’est trouvé temporairement mais d’une façon efficace, en position d’antiSystème. Ecoutez ses geignements et instruisez-vous des principaux éléments de l’affaire, – l’article de Ian Traynor et de Nicholas Watt, du Guardian, ce 28 juin 2014, fait l’affaire…

«David Cameron took Britain closer to the exit door of the European Union last night following a tumultuous EU summit at which his fellow leaders inflicted a crushing defeat on the prime minister by nominating Jean-Claude Juncker for one of the most powerful jobs in Brussels. In what marked a rift in the UK’s long and troubled relationship with the continent, Cameron was left isolated as 26 of 28 countries endorsed Juncker as head of the European commission for the next five years. “This is a bad day for Europe,” said the prime minister as he voiced bitterness over the nomination of Juncker. “Of course I’m disappointed.” He described the nominee disparagingly as “the career insider of Brussels” and criticised other EU national leaders who he said had “taken different views along the way”.

»Accusing the leaders of Germany, France, Italy and another 23 countries of making “a serious mistake” by abandoning an approach that could have brought consensus on an alternative to the former prime minister of Luxembourg, Cameron said: “We must accept the result … Jean-Claude Juncker is going to run the commission.” Cameron admitted that he now faced an uphill struggle to keep Britain in the EU if his mooted in/out referendum on membership goes ahead as scheduled in 2017. “Today’s outcome is not the one I wanted and, frankly, it makes it harder and it makes the stakes higher,” he said. “This is going to be a long, tough fight. Frankly you have to be willing to lose a battle in order to win a war … Europe has taken one step backwards with its choice of commission president.”

»Pierre-François Lovens, a journalist with La Libre Belgique, tweeted a selfie of himself with Juncker in what appeared to be a bar where he was apparently awaiting the result of the vote. Lovens tweeted: “The man waits, serene, calm, smiling.” Juncker tweeted after the vote that he was delighted to have been nominated. “I am proud and honoured to have today received the backing of the European council.” In a second post he tweeted: “I am now looking forward to working with MEPs to secure a majority in the European parliament ahead of the vote on 16 July.”

»On a momentous day in Brussels which shifted the balance of power in Europe, the decision to back Juncker also handed a big victory to the European Parliament over the way the EU is run. No vote has ever been taken among national leaders on who should head the commission, a decision that until now has always been taken by consensus. But given Cameron’s immovable opposition to Juncker, the issue was put to a qualified majority vote, with Cameron supported solely by Viktor Orbán, the pugnacious Hungarian prime minister. Other allies who had previously voiced sympathy with the British line of argument – the Swedish and Dutch prime ministers – have peeled away to side with the majority over the past week, leaving Cameron unusually isolated.

»But the big shift was that no other candidates but Juncker were considered for the powerful EU executive post because the European Parliament set the leaders by insisting on Juncker after his Christian Democrats grouping won last month’s European elections. The German chancellor, Angela Merkel, a Christian democrat, was the key supporter of Juncker, despite Cameron’s earlier confidence that Berlin shared his reservations about the 59-year-old, who ended a 19-year stretch as prime minister of Luxembourg last year.

»Bowing to the European parliament’s insistence on Juncker marked a seismic shift in the way the EU is run, with the national elected leaders ceding power to the parliament on the question for the first time. There were signs that the government chiefs realised they had blundered, but the momentum behind Juncker had become irreversible. While nominating him, they also decided to review the nomination process, suggesting they would try to claw back their prerogatives from the parliament.»

Juncker est une forte personnalité qui dispose d’un poids politique certain. C’est un Président disons “de substance” et “de caractère”, ce qui le relie directement à Jacques Delors (1985-1995). Entre les deux, Santer (1995-1999), Prodi (1999-2004) et Barroso (2004-2014) ont été des personnalités politiques effacées, avec une mention particulière pour le héros de la bande, pour son exceptionnelle médiocrité, dito Barroso l’imbattable. Ce constat est important. Il signifie plusieurs choses, qui ont toutes un aspect involontairement antiSystème par le biais de la doctrine de “la discorde chez l’ennemi” ; laquelle est, en bonne logique et en bonne tactique qui est presque une stratégie, une réplique à peine indirecte de l’art martial du “faire aïkido” qui ne peut que nous séduire. (Voir le 2 juillet 2012 : «L’opérationnalité de la résistance antiSystème se concentre naturellement dans l’application du principe fameux, et lui-même naturel, de l’art martial japonais aïkido : “retourner la force de l’ennemi contre lui…”, – et même, plus encore pour notre cas, “aider la force de cet ennemi à se retourner naturellement contre lui-même”, parce qu’il est entendu, selon le principe d’autodestruction, qu’il s’agit d’un mouvement “naturel”.») Certains le comprennent parfaitement, comme l’UKIP britannique, pour qui Juncker est le choix idéal pour la cause des eurosceptiques (Novosti, le 28 juin 2014) :

«[Senior UKIP’ MEP David] Coburn also warned that Juncker’s nomination as President would have far reaching consequences for the EU and predicted it would lead to the collapse of the entire European project. “In some ways he’s perfect for UKIP because he’ll bring the whole EU project crashing down. I think that will happen sooner rather than later,” Coburn said. “He’s the worst of all possible candidates in a very poor field. He’s a donkey in a field of donkeys,” Coburn added.»

Nous allons détailler dans quels sens, dans quels domaines, etc., le choix de Juncker est le meilleur qu’on pouvait espérer pour la situation présente et pour ses développements ; “meilleur”, dans le sens de la dynamique la mieux appropriée à une exaspération de la situation-Système dans les institutions européennes.

• Juncker est donc une forte personnalité qui a pour particularité de haïr profondément les Britanniques, – sentiment que les Britanniques lui rendent fort bien. Sur les véritables causes et conséquences de cette haine réciproque, et pour qu’aucune illusion ne subsiste à propos de Juncker, ceci, venu d’un texte du 31 mai 2014 :

«Un aspect très spécifique de la situation européenne, c’est que l’éventuelle victoire de Juncker serait une défaite cuisante pour le Britannique Cameron. On sait que Juncker déteste les Britanniques, en privé sans aucune retenue et en public avec le sarcasme aux lèvres ; il les juge irrémédiablement anti-européens. “Bien vu”, se réjouiraient certains Français peu sensibles à la contraction du temps et à l’accélération de l’Histoire qui changent toutes les données, et croyant dur comme fer à l’Europe de leurs rêves, celle à laquelle on pouvait encore s’attarder à croire il y a un quart de siècle et même un peu plus. Mais non, Juncker ne dit pas cela parce qu’il veut une Europe indépendante dans le sens qu’elle serait débarrassée de l’influence US que relaient les Britanniques et qui constitue un des aspects importants de son absence d’indépendance politique. Sa démission en 2013 du poste où il semblait inamovible de Premier ministre luxembourgeois [...] est due au scandale SERL (services de sécurité luxembourgeois). On avait alors appris qu’en 2006-2007, Juncker avait montré un comportement tout à fait indifférent et laxiste devant la révélation que le SERL, bon serviteur du réseau Gladio “géré” par l’OTAN, entretenait un énorme fichier de surveillance des citoyens grand-ducaux, pour servir notamment à l’information et aux entreprises de Gladio, et aussi du MI6 britannique et, par voie de servilité, de la CIA. Juncker n’a pris aucune mesure, il a laissé faire, n’y trouvant rien à redire ; il n’est pas un atlantiste acharné, du type agent actif-neocon, mais simplement un atlantiste disons par habitude sinon par défaut et indifférence, fataliste de la domination US au niveau de toutes ces fonctions régaliennes de la souveraineté et de la sécurité générale, – toutes choses assez étrangères au Luxembourg et à Juncker. Non, répétons-le, si Juncker déteste les Britanniques c’est parce qu’il les juge anti-européens selon ses propres conceptions intégristes de l’Europe, à lui Juncker.»

• … Il n’y aura donc pas de lutte politique à proprement parler entre Juncker et les Britanniques, ce qui n’est d’ailleurs pas une chose mauvaise parce qu’une lutte politique ne serait qu’une occurrence trompeuse par rapport à ce qu’elle nous ferait croire faussement d’une véritable évolution de la situation. Mais il y aura sans aucun doute une lutte bureaucratique, pour deux raisons : 1) parce que Juncker, spécialiste des arcanes européennes et effectivement fédéraliste acharné, n’a pas l’habitude de lâcher prise. Il voudra faire passer ses options fédéralistes dans la monstrueuse bureaucratie de la Commission, c’est-à-dire aller dans le sens de dessaisir les pays-membres de ce qu’il leur reste de miettes de souveraineté. 2) Contre cela, les Britanniques (pas les Français, certes, dans l’état où ils sont) se battront jusqu’au bout. Or, s’ils sont bien peu “européens”, ils ont par contre une grande maestria bureaucratique et ont réussi à placer leurs hommes (tout fonctionnaire UE de nationalité britannique reste par-dessus tout un “homme de l’Angleterre”) dans nombre de postes stratégiques de la bureaucratie de l’UE. C’est dire si Juncker trouvera à qui parler et que, compte-tenu de son caractère, cela se traduira par des batailles internes et des tensions extrêmes à l’intérieur des bureaucraties européennes, – les deux adversaires, Juncker et l’activisme bureaucratique britannique déployant une égale vacherie dans la bataille à venir. Ces batailles auront pour premier effet de contribuer à réduire sinon paralyser les capacités d’influence et d’action des pouvoirs concernés.

• Un autre aspect intéressant de la nomination de Juncker est que ce processus entend s’oindre de l’huile divine de la légitimité démocratique (Juncker, candidat du premier “parti” (?) européen, qui est un rassemblement hétéroclites des droites-Système des pays-membres. Sacré curiosité : allez dire à l’électeur moyen de l’UMP qui s’est déplacé pour les européennes qu’il a participé à la légitimation de Juncker à la tête de la Commission, et demandez-lui la signification de la chose…). Bien, tout cela est politiquement plutôt grotesque, mais c’est une grotesquerie qui roule et à laquelle les politiciens européanisés tiennent ; c’est-à-dire que la participation du PE au fonctionnement des institutions-UE est désormais elle-même institutionnalisé au nom de l’imagerie démocratique de l’ensemble, avec tout ce que cela suppose de tracasseries, d’intrigues politiciennes et ainsi de suite, et finalement d’entraves à la bonne marche de l’exécution des politiques. On a l’exemple-type à Washington d’un système démocratique auquel Roosevelt avait réussi à donner un exécutif “impérial”, et qui a sombré dans des querelles institutionnelles après que la branche législative ait réussi à reprendre une partie du pouvoir, avec la fin de la Guerre froide, – le résultat étant la paralysie type-usine à gaz ou type-Titanic c’est selon.

• A cette aune, on retiendra le commentaire du Guardian : «Bowing to the European parliament’s insistence on Juncker marked a seismic shift in the way the EU is run, with the national elected leaders ceding power to the parliament on the question for the first time. There were signs that the government chiefs realised they had blundered, but the momentum behind Juncker had become irreversible. While nominating him, they also decided to review the nomination process, suggesting they would try to claw back their prerogatives from the parliament.» Les “souverainistes” de certains États-membres doivent-ils marquer ce jour d’une pierre noire en parlant d’une souveraineté nationale encore diminuée ? C’est à voir même si la souffrance est fondée parce que, selon nous, les gouvernements nationaux en leur état présent, avec le personnel inculte et psychologiquement exsangue dont ils disposent, ne servent qu’à donner un alibi d’apparence de souveraineté puisqu’ils usent des restes de cette souveraineté pour en trahir le principe, pour donner leur soutien à la mentalité européenne. Eh bien, certes ! Que ces gouvernements soient encore plus privés de souveraineté, et l’on aura au moins une vérité de situation, – à savoir que la souveraineté n’existe plus nulle part, que les institutions européennes n’auront plus de relais nationaux pour appliquer leurs directives, qu’elles seront placées devant leurs responsabilités, avec la possibilité d’insurrections nationales relayées par les succès des partis antiSystème… C’est à ce point que l’on comprend la logique du MEP du parti UKIP David Coburn («In some ways he’s perfect for UKIP because he’ll bring the whole EU project crashing down…»)

• La désignation “élective” de Juncker ouvre donc bien des perspectives, dans la mesure où elle pourrait être le pas de clerc de la poussée globalisante, s’exprimant en Europe sous le visage du fédéralisme à outrance. Comme Juncker est un dur, on peut compter sur lui pour contribuer à pousser l’expérience jusqu’à son terme, c’est-à-dire contribuer éventuellement à conduire directement l’Europe à sa Guerre de Sécession avant même que leur ambition des “États-Unis d’Europe” soit rencontrée.

Source : DeDefensa

Et enfin un billet de la Tribune, de l’excellent Romaric Godin

Qui est le grand perdant du Sommet européen, Hollande ou Cameron?

Le Sommet européen a mis l’accent sur la croissance et a nommé Jean-Claude Juncker. Mais François Hollande est loin d’avoir obtenu la victoire escomptée depuis son alliance avec les socio-démocrates européens

A l’issue du Sommet européen, tout le monde, comme toujours s’est dit vainqueurs. Mais tout le monde n’a pas raison.

Une « flexibilité » pas si souple…

Comme on s’y attendait, le Conseil a reconnu le droit aux États membres à plus de « flexibilité » dans l’application du pacte de stabilité dès lors qu’il réalise les réformes structurelles demandées. Matteo Renzi, le président du Conseil italien, pouvait y voir un accord « très, très bon » et se vanter, affirmant qu’il n’aurait pas voté pour Juncker « s’il n’y avait pas eu d’abord un bon accord politique. » Mais en réalité, rien ne change vraiment et Angela Merkel l’a immédiatement précisé : « la flexibilité, cela signifie que le pacte de stabilité sera appliqué de la meilleure manière possible. » Et d’ajouter que « ce ne sera pas aux Etats de décider eux-mêmes de l’application de cette flexibilité, mais à la Commission. » Angela Merkel a tenu bon.

Une Europe du changement ?

Autrement dit, comme aujourd’hui, c’est bien Bruxelles qui continuera à accorder des délais pour l’application du pacte, moyennant évidemment l’application d’une politique qui, rappelons-le, reste une politique de consolidation budgétaire qui porte en soi des éléments déflationnistes. La victoire de Matteo Renzi est donc d’abord, comme il l’a reconnu lui-même « terminologique » : la croissance est affichée comme la priorité du Conseil. On promet d’utiliser les outils actuels : la BEI, les « project bonds », etc. Mais là encore : rien de plus que l’existant. Pas de montant sur les investissements en œuvre. La BEI, dirigée par l’ancien secrétaire d’Etat aux Finances libéral allemand Werner Hoyer, a prouvé sa frilosité. Les project bonds sont encore dans les limbes. Or, pour relancer la machine économique, il faut de l’ambition. L’existant, même amélioré ne sera sans doute pas suffisant.

La France grande perdante ?

Reste un constat : l’Italie dispose d’une légère marge de manœuvre, étant sortie de la procédure de déficit excessif. Pour Paris, les chaînes du pacte de stabilité demeurent quasiment les mêmes, sans vraie compensation d’envergure. François Hollande devra négocier avec la prochaine commission les modalités de son nouveau délai pour la rdéuction du déficit sous les 3% du PIB et ne gagne pas vraiment de nouvelles marges de manœuvre budgétaire. Le train actuel de la consolidation budgétaire devra simplement se maintenir. Lorsque l’on observe « le plan d’attaque » de l’Elysée publié dans Le Monde du 25 juin, on comprend que, encore une fois, Paris n’a guère pesé et n’a pas obtenu grand-chose. Sa défaite est complète.

David Cameron n’a peut-être pas tout perdu

Dans un sens, elle est plus cuisante encore que celle de David Cameron. Humilié en théorie par sa défaite sur Jean-Claude Juncker, il a pu montrer aux Britanniques sa détermination à refuser l’Europe « à l’ancienne » incarnée par le premier ministre luxembourgeois. « La position de Cameron pourrait avoir été renforcée après cet épisode, étant donné le risque de voir le Royaume-Uni de quitter l’UE et celui de voir Berlin se retrouver seule avec un « bloc Club Med » », souligne le Think Tank eurocritique Open Europe. Les autres postes européens, notamment ceux de la Commission seront déterminants pour mesurer si Londres a perdu ou gagné la partie.

D’ores et déjà, Angela Merkel a répété sa volonté de ne pas abandonner le Royaume-Uni et de le conserver dans l’UE. Elle a ainsi reconnu le droit d’une « Europe à deux-vitesses » pour les Britanniques. Preuve que Londres n’a pas tout perdu. Il n’est donc pas impossible que le Premier ministre britannique s’en sorte bien, avec un Commissaire chargé des dossiers économiques (chargé d’appliquer la “flexibilité” des règles budgétaires et un programme de libéralisation très “Tories”) .  Dans ce cas, Paris aura bu sa défaite jusqu’à la lie.

Source : La Tribune

 

Source: http://www.les-crises.fr/l-europe-au-rythme-de-juncker/


[No comment] L’Albanie reconnue officiellement candidate à l’Union européenne

Monday 30 June 2014 at 00:10

Source : La Tribune

N.B. : salaire moyen, 230 € par mois…

Source: http://www.les-crises.fr/l-albanie-candidate-a-l-ue/


[Reprise] La Folie-Système à marche forcée, par Philippe Grasset

Sunday 29 June 2014 at 02:09

2 bons articles de DeDefensa + 1 lien :) (pensez à soutenir aussi ce site si vous pouvez)

Pour mémoire, BAO = Bloc Américano-Occidental

Sapir et la chute du dollar

La radio La Voix de la Russie retranscrit, le 19 juin 2014, une interview de l’économiste français Jacques Sapir. Le thème de cet entretien est la question de l’évolution de la position de monnaie de réserve du dollar à la lumière des initiatives russes en développement, telles qu’elles ont été déclenchées par la crise ukrainienne. (Voir notamment le dernier texte sur cette dynamique, le 19 juin 2014.)

La Voix de la Russie. «La Russie et la Chine entendent se débarrasser du dollar dans leurs transactions gazières. Est-ce un projet viable d’après vous ?»

Jacques Sapir. «Il est très clair que l’initiative que comptent prendre les gouvernements russe et chinois est quelque chose de potentiellement très important ! En effet, le dollar joue 3 rôles dans l’économie internationale, à savoir : unité de compte, car beaucoup de prix sont calculés en dollars (en particulier, dans les matières premières et pas que pour le gaz et le pétrole)… C’est aussi vrai pour le blé et différentes céréales… C’est aussi une monnaie de transactions c’est-à-dire la monnaie dans laquelle se font les règlements de ces transactions internationales… Et il est également une monnaie de réserve. Ce que voudrait changer justement cet accord entre les gouvernements russe et chinois, c’est l’usage du dollar comme monnaie de certaines transactions portant en particulier sur le gaz et le pétrole. On peut penser que cela se fera mais ça impose évidemment que le rouble soit reconnu en Chine (ce qui est déjà le cas) et que le yuan soit reconnu en Russie ce qui n’est le cas, en fait, que depuis la fin de l’année dernière où il y a eu les première cotations du yuan sur la bourse de Moscou.

»D’une manière plus large, cette démarche correspond en fait à un souci assez constant de toute une série de pays – et là ça va beaucoup plus loin que la Russie et la Chine… Ca concerne les pays du Golfe Arabo-Persique et ceux de l’Amérique Latine, producteurs des matières premières ; ces pays veulent sortir de la zone dollar pour ce qui concerne la monnaie des transactions. Et ajoutons à cela encore un point. La plainte déposée par le gouvernement américain contre la banque française BNP-Paribas… Une plainte fondée sur le fait que des opérations contraires à la loi américaine ont été faites par cette banque alors que les succursales de cette banque n’étaient pas sises aux Etats-Unis, mais parce que l’on utilisait le dollar et parce que la chambre de compensation de dollar était aux Etats-Unis, le gouvernement américain considère que des lois américaines ont été violées.

»C’est une question juridique extrêmement complexe, mais on voit bien que ce précédent, au sens juridique du terme, ne peut qu’inquiéter toute une série de pays qui font leurs transactions en dollars et ne peut que les inciter à basculer vers d’autres monnaies de transaction.»

La Voix de la Russie. «Existe-t-il une vraie chance de créer une monnaie de réserve hormis le dollar ?»

Jacques Sapir. «C’est un très vieux problème ! Il faut se souvenir que le rôle de dollar comme monnaie de réserve avait été attaqué par le général de Gaulle en 1965-66. Et régulièrement, à chaque nouvelle crise monétaire internationale on reparle de ce problème. D’un côté, il est clair que le système actuel fondé sur un usage non pas exclusif mais très largement dominant du dollar comme monnaie de réserve n’est pas satisfaisant. Et d’ailleurs on le voit dans la structure des réserves de change des différentes banques centrales. On voit par exemple, qu’en plus du dollar il y a l’euro mais aussi maintenant beaucoup de nouvelles monnaies : par exemple, le dollar canadien, le dollar australien et celui de Singapour, etc. Donc il existe évidemment un besoin de diversification au minimum et peut-être plus un besoin de changer le système.

»A partir de là on voit très bien dans quelle alternative nous sommes. Pour opérer un changement complet du système monétaire international, il faudrait que la situation politique soit mûre pour une conférence internationale sur le modèle de la conférence de Bretton Woods qui s’est tenue en 1944. On peut penser qu’aujourd’hui les temps ne sont pas encore mûrs c’est-à-dire que les Etats-Unis qui bénéficient d’une certaine manière de la situation actuelle feront tout pour maintenir cette situation ou dans tous les cas pour freiner un mouvement vers le changement.

»Et donc l’autre branche de l’alternative c’est que l’on voit se développer des monnaies qui, au niveau régional, prennent de plus en plus le rôle de monnaie de réserve régionale. Je pense que c’est l’ambition de la Chine de voir la monnaie chinoise, le yuan, devenir d’ici quelques années, une monnaie de réserve au niveau de la zone Asie-Pacifique peut-être en combinaison avec le dollar australien, voire la monnaie de Singapour. On sait qu’il y a aussi le projet de constituer le rouble en monnaie de réserve pour la zone de la CEI… Et donc on va voir très probablement émerger une multiplicité de monnaies qui vont progressivement éroder la position du dollar comme monnaie de réserve internationale.»

Dans un “commentaire” rajouté en fin d’interview, Sapir précise son point de vue, ou plutôt l’élargit en le portant au niveau de la politique et des relations internationales. Il écrit notamment : «Ainsi donc le bouleversement dans le monde de la haute finance préparé de longue date par les financiers chinois et russes va torpiller la capacité américaine de projeter ses forces armées à l’étranger. Et comme on vit à l’époque de la Bourse mondiale, on ne donnerait pas cher pour la devise d’un Etat dont l’économie souffre des carences de stagnation (à ne citer que Detroit) et qui ne peut plus faire peur. Bref les Etats-Unis n’auront plus les moyens de rançonner le monde et de porter la guerre en Ukraine, en Irak, en Afghanistan et au Proche-Orient. A partir de ce moment-là l’histoire reprendra son cours naturel mais sans Washington qui sera relégué au rang des puissances régionales.»

… Il est vrai que l’on se trouve devant une situation qui devrait finalement apparaître comme paradoxale. Il ne fait aucun doute que les événements sont désormais en route pour une réduction qui s’avérera radicale du rôle du dollar, qui se fera dans la pression des crises politiques, des frustrations, des manœuvres, etc., autour de points de tension qui recèlent les plus grands risques d’explosions et de conflits. La chronologie et l’histoire très récente des trois derniers mois montrent évidemment que c’est un événement politique, – et nullement financier ou monétaire, voire économique, – qui a précipité ce qui doit devenir, sans aucun doute, la crise du dollar avec la perte de son statut privilégié de monnaie de réserve répandant son diktat impératif dans les relations internationales. Sans la crise ukrainienne, en effet, de telles manœuvres et une telle résolution politique (chez les Russes essentiellement) n’auraient sans doute pas été possibles. Il a fallu un événement déstabilisant, avec la menace de pressions encore plus déstabilisantes, sinon déstructurantes (la menace des sanctions), pour conduire sinon forcer le pouvoir russe à lancer sa conversion ouvrant la voie à une dynamique de réduction sinon de dissolution de la position privilégiée du dollar.

(Nous écrivons “pour conduire sinon forcer…“, parce que nous pensons qu’en l’absence d’une crise d’une telle intensité que l’ukrainienne, la Russie n’aurait pas choisi la voie qu’elle a choisie, de crainte de paraître trop dans une posture de confrontation avec ses “partenaires” du bloc BAO, des USA. Le système de l’américanisme, dans son aveuglement habituel, ne mesurera jamais la position de sûreté qu’il a perdue en poussant la Russie à la confrontation, notamment depuis la réélection de Poutine et, ouvertement, depuis le début de la crise ukrainienne. Le système de l’américanisme n’a jamais compris durant toutes ces années, qu’il avait, avec Poutine, un centriste ouvert à une coopération équilibrée, dont l’ambition n’était nullement de défier le Système, voire de chercher à le frapper. Mais on ne peut attendre le moindre éclair de finesse dans le jugement d’un système, celui de l’américanisme, dont on peut dire sans crainte d’être démenti que «la seule chose qu’il attend de la Russie, c’est que la Russie n’existe plus» [phrase fameuse de Leonid Chebarchine, ancien chef des SR russes].)

Il nous semble par conséquent que l’épisode montre bien l’orientation décisive qu’ont pris les événements depuis la grande rupture de l’automne 2008. Il avait été alors question de la mise en cause du dollar, d’une façon assez tranchée (voir le 27 mars 2009) et pourtant sans le moindre résultat, sans la moindre réaction du côté US, sans aucun suivi du côté des accusateurs (les Chinois, mais aussi d’autres pays de même tendance, comme le Brésil de Lula). L’épisode avait finalement montré que la question du dollar, comme toutes les questions concernant la structuration financière et économique du monde sous l’influence du bloc BAO/des USA, c’est-à-dire du Système, étaient dans l’ordre du politique et nullement dans les catégories apparemment impliquées (finance, économie, etc.), et encore dans l’ordre du politique lorsque les situations principielles et ontologiques sont en jeu, – comme dans le cas de la Russie aujourd’hui. L’épisode montre la puissance de la structure existante, autour du dollar et des autres arrangements dans d’autres domaines, structure qui renvoie au Système et qui présente la particularité d’impliquer les intérêts et la situation de ceux-là même qui pourraient s’y opposer, dans une position à la fois de victime et de complice, et cela expliquant que les tentatives pour desserrer l’étau en restant dans les domaines concernés ont jusqu’ici échoué ou même n’ont pas été sérieusement envisagées. La situation est différente, presque renversée, si l’on passe aux domaines fondamentaux. Il fallait un événement de rupture fondamentale, de l’ordre du politique le plus haut, et c’est ce qui s’est imposé avec la crise ukrainienne.

Dans cette logique, nous différons de l’analyse de Sapir pour les suites. Si le statut du dollar doit effectivement être réduit dans une sorte de dissolution diffusée par l’élargissement du rôle d’autres devises, cette opération ne se fera pas “en douceur”, loin de là et même au contraire. Les USA n’accepteront jamais d’être dépossédés de leur statut de puissance hégémonique et dominatrice, – ils le manifestent déjà en affirmant leur “exceptionnalité” au moment où ce qu’il leur reste d’exceptionnel est l’accumulation de fautes et d’erreurs réduisant à une très grande vitesse les restes de leur position qui fut effectivement exceptionnelle dans le domaine arbitraire de leur hégémonie. C’est de ce point de vue qu’il est logique d’attendre des réactions furieuses et absolument irrationnelles de leur part, et c’est en cela que la crise ukrainienne est extrêmement dangereuse et elle-même exceptionnelle ; elle ménage l’alternative qu’on a déjà vue (voir notamment le 3 mars 2014), entre la fonction de cause opérationnelle d’un conflit au plus haut niveau (spectre du nucléaire) et celle de détonateur de la phase finale de l’effondrement du Système. Il s’agit toujours de la même tendance américaniste, suivant l’équation du Système surpuissance-autodestruction, cette tendance conduisant effectivement aux deux termes de l’alternative entre la domination hégémonique et l’emportement irrémédiablement suicidaire. (Toujours la fameuse citation de Lincoln de 1838, encore rappelée le 21 mars 2014, qu’il faut toujours garder en mémoire parce qu’elle montre que le futur président, s’il était un grand politique, était d’abord un fin psychologue des événements à venir : «A quel moment, donc, faut-il s’attendre à voir surgir le danger [pour l’Amérique]? Je réponds que, s’il doit nous atteindre un jour, il devra surgir de nous-mêmes. [...] Si la destruction devait un jour nous atteindre, nous devrions en être nous-mêmes les premiers et les ultimes artisans. En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant.»)

Mis en ligne le 21 juin 2014

Source : DeDefensa

En complément sur le dollar, je vous propose aussi ce billet du même site : Pour une “coalition anti-dollar”, traitant de la vision du conseiller spécial pour l’économie de Vladimir Poutine, Sergei Glaziev

 

Notes sur la folie-Système à marche forcée

28 juin 2014 – Par quoi commencer ? Par le commencement de la séquence, c’est-à-dire ce que certains jugent être “le recul de Poutine“, ce que d’autres jugent être “la manœuvre de Poutine”. Quoi qu’il en soit, il importe de ne pas prendre ce cas avec légèreté, pas plus que les autres que nous traiterons dans ces Notes d’analyse, – la “politique insinuante” de l’UE, la politique de rupture des USA.

… Il s’agit d’une dynamique générale où l’Ukraine, le détonateur de la chose, a une place importante mais qui se relativise à mesure. Elle ne rapetisse pas, non, c’est le reste, le fondamental, qui grandit avec elle en son centre, – mais centre-moteur, centre-dynamique, certainement une source d’inspiration qu’on qualifierait bien entendu de maléfique.

La dynamique de ce qui est désormais un des grands axes géographiques et psychologiques de la crise générale (orientation est-ouest, champ d’application de l’aire transatlantique à l’espace eurasiatique) échappe complètement au seul aspect ukrainien. Elle appartient à la crise générale d’effondrement du Système désormais en place et en développement opérationnel. (Quelle que soit son issue, à cette crise, guerre au plus haut niveau ou enchaînement des crises constituant l’effondrement).

(Ajoutons en complément que le “deuxième axe” de cet énorme phénomène de déstabilisation de ce qui forme l’essence des relations internationale se trouver bien entendu en Irak et alentour, sous la forme non pas d’une géographie linéaire mais d’une géographie tourbillonnante. Nous retenons cette formule de DEBKAFiles, par ailleurs utilisée dans notre Bloc-Notes du 27 juin 2014  : «The Iraqi battle arena is becom[ing] a veritable Babel of war. So far, six countries are involved in varying degrees: the US, Iraq, Iran, Syria, Jordan and Saudi Arabia.»)

Les psychologies et leur résistance

En avant pour Poutine… Nous allons nous attarder à sa pseudo “reculade”, que nous qualifierions plutôt de “manœuvre tactique désespérée”, – car aujourd’hui, toutes les “manœuvres tactiques” semblent désespérées tant la dynamique que nous devons qualifier de métahistorique est en route. Observons tout de même qu’en notant cela, nous tendons vers une des interprétations parmi celles que nous allons offrir, de l’acte symbolique (le 24 juin) de Poutine demandant et obtenant de la Douma qu’elle lui retire l’autorisation d’employer les forces armées dans la crise ukrainienne. C’est un geste qui n’est que symbolique, – Poutine reste chef des armées et donc avec le pouvoir de les utiliser si la situation l’y conduit ; mais “acte symbolique” marquant dans une situation où le système de la communication domine tout.

… Effectivement, le président russe a été l’objet de toutes les attentions, de toutes les interrogations, voire de toutes les suspicions, lorsqu’il a fait sa demande à la Douma. Entretemps, des “négociations”, – guillemets autorisés, – ont commencé entre représentants assez indirects de Kiev et représentants des révoltés du Donbass, alors qu’un “cessez-le-feu”, – guillemets fortement recommandés, – était établi jusqu’au 27 juin. (Il a été reconduit pour 72 heures, a annoncé le président-chocolat le 27 juin 2014.)

Nous allons passer rapidement en revue quelques évaluations de commentateurs que nous connaissons, pour établir combien les interprétations diffèrent. C’est une marque de la confusion dans l’évaluation qu’on peut faire de la situation. Cette confusion se retrouve partout et trouble certains esprits, quand elle en durcit d’autres. La résistance des psychologies diffère notablement selon les psychologies, selon leur résistance aux pressions du Système…

Sous l’influence du Système

D’abord, et plutôt pour l’illustration accessoire de la façon dont les psychologies peuvent varier, montrer une fermeté exemplaire de type antiSystème et soudain s’affaiblir jusqu’à céder aux narrative-Système, voici MK Bhadrakumar. Son évaluation de l’attitude de Poutine, du 24 juin 2014, est indigne de ce qu’il a écrit auparavant sur le sujet. Le chroniqueur est victime dans ce cas d’une fascination qu’il éprouve épisodiquement pour la pseudo-puissance des USA.

Dans son analyse, il souscrit essentiellement à la narrative-Système (US), malgré quelques réserves émises plus loin. Cela revient à dire que Poutine a cédé, à reculé, devant une interprétation-Système qui fait la part belle et fascinée à la soi-disant puissance US d’un Obama faisant sa grosse voix. Du coup, pour lui (Bhadrakumar), la narrative cousue de grossier fil blanc semble dire le vrai.

«Succinctly put, Russia has begun ‘de-escalating’. This follows what appears to have been a tough phone conversation US president Barack Obama had with Putin on Monday where he apparently threatened that the West will impose the so-called ’scalpel sanctions’ on Russia — focused on Russia’s energy and arms industry — unless the Kremlin took a series of measures without further delay such as abiding by the ceasefire ordered by Kiev and halting the flow of weapons across the border into Ukraine.

»In a special briefing on Friday, US state department had disclosed details of the flow of weapons, including tanks, from Russia across the border into Ukraine and hinted that the ’scalpel sanctions’ were imminent. Moscow has apparently understood that a defining moment is reaching…»

Cette façon d’accepter pour argent comptant un briefing du département d’État, cette officine devenue louche à force d’élever le mensonge en pratique quasi-ontologique et qui professe que la Russie a envahi l’Ukraine russophone, détonne de façon remarquable, par exemple, avec ce commentaire du même MK Bhadrakumar, le 1er mars 2014 : «The western politicians all the way down from US President Barack Obama are being hypocritical in calling on Russia to be ‘restrained.’ Some self-restraint on their part through the recent months could well have avoided the meltdown in Ukraine that has begun. The cracks are audible, like ice cracking, as the ethnic mosaic does not seem to able to hold together anymore. [...] In sum, the West’s fifth column in western Ukraine has created an illegitimate, unconstitutional power structure in Kiev manned by people who can be trusted as ‘pro-western’ and, more importantly, viscerally ‘anti-Russian’.»

La surprise de la démarche de Poutine

Bien entendu, la démarche de Poutine trouve d’autres commentaires qu’une simple capitulation devant une Amérique imposant sa volonté. Car cette démarche, si l’on s’y attache un instant, apparaît comme mystérieuse et complexe et certains avouent, dans un premier jet, leur stupéfaction initiale (The Saker, le 24 juin 2014, avant de faire un long développement où il envisage différentes hypothèses : «When I heard this morning that Putin had asked the Federation Council to repeal the resolution on the use of Russian armed forces on the territory of Ukraine I was frankly baffled. Truly, I had not expected such a move…»)

La commentatrice française Karine Bechet-Golovko, juriste installée en Russie et qui édite un site sur la situation russe (Russiepolitic), émet plusieurs hypothèses qui nous restituent aussi bien les interprétations manœuvrières que certaines déceptions des partisans du président russe. (Le 25 juin 2014).

«Et la Russie affirme clairement ne pas vouloir intervenir. Certains d’affirmer l’existence d’un plan caché de V. Poutine, de rappeler sa grande dextérité diplomatique et géopolitique. C’est vrai et espérons. Mais au-delà de l’espoir, plusieurs questions inquiètent. Sans oublier que sur place, ils n’ont pas l’air d’être trop au courant de ce soutien …

»Prenons les choses sous un autre angle. Je sais, on m’a déjà dit que ces choses ne sont pas liées. Et l’on me l’a tellement répété, que j’en ai des doutes. Donc imaginons une autre version, plus cynique, soit, mais qui a aussi le droit d’exister. Dans cette version, la Russie ne fait pas le pari de la paix, elle fait le choix de la tranquillité et du développement économique. Elle en a par ailleurs aussi le droit. La Russie n’est pas obligée non plus d’endosser le rôle du preux chevalier sans peur et sans reproche. Seulement, oui, c’est moins joli, moins romantique, mais cela correspond pas mal à certaines élites en place. Et au calendrier en cours …»

Le “cessez-le-feu en chocolat” et les diverses “réalités”

Quoi qu’il en soit de ce “cessez-le-feu en chocolat”, on sait parfaitement qu’il n’a pas fait pour autant cesser le feu. La faute en a été aussitôt attribué, du côté du bloc BAO, aux insupportables “terroristes”-parlant-russe de la partie russophone du pays. Rien de surprenant dans ces prolongements, sinon l’installation d’une situation d’une double “réalité”, comme la décrit la même Karine Bechet-Golovko : «Et nous avons l’impression que deux réalités parallèles se mettent en place, se font concurrence. D’un côté la réalité diplomatique, celle d’un cessez-le-feu et de la rencontre de bonnes volontés, d’un autre côté la réalité crue du quotidien dans laquelle les gens continuent à se battre, à être blessés et à mourir. Comme si la volonté politique, avec le soutien médiatique, devait permettre de faire triompher une réalité sur une autre. Bref, une guerre post-moderne, sans armée régulière, avec des opérations coups de poings sans insignes et la caméra sur l’épaule…»

Cette situation n’est pas nouvelle tant le jeu des différentes “réalités” est devenu courant dans notre époque, mais jamais elle n’a paru si polarisée, si frappante entre ses deux extrêmes, qu’avec la crise ukrainienne. Le déni de la situation opérationnelle et humanitaire dans le Donbass par le bloc BAO, notamment dans l’activité de ce bloc au sein du système de la communication par le biais de la presse-Système, est d’une telle puissance qu’il nourrit les surprises les plus fortes, les tensions souterraines les plus grandes, les explosions les plus inattendues, lorsque la réalité de la situation parvient à se faire entendre. Cela implique que la crise est là pour durer, pour croître et se multiplier dans ses effets, ce dont on se doutait ; le terrain de la communication ne sera certainement pas le moins sollicité, il constituera même le principal champ de la bataille… «I have to agree with several Russian analysts who have recently warned that we are in this conflict for the long run and that it would be the height of irresponsibility to assume that now it’s all over and all is well. For one thing, the Banderastani part of the Ukraine is guaranteed to explode before the end of the year (Russia will shield Novorussia from this explosion by direct aid and economic ties). Finally, the information war will now only heat up even if the purely military aspects might become less central.» (The Saker, dans le texte déjà cité.)

Parole d’oligarque

Pour achever de mesurer l’extrême complication du désordre ukrainien, – il y a des désordre plus “désordonnés” que d’autres, et l’ukrainien est l’un de ceux-là, sans doute le plus “performant”, – on citera cet extrait d’un texte d’Alexander Donetsky, sur Strategic-Culture.org, le 26 juin 2014. Il indique combien la fragmentation du pays que la crise a mise à jour et à nu touche également les forces dites “de Kiev”, notamment avec la présence des oligarques constitués en autant de seigneurs féodaux, ou de “seigneurs de guerre”, – on choisira l’image qui convient. La crise ukrainienne montre plus qu’aucune autre les connexions directes de la politique, de l’idéologie, de la guerre secrète, des extrémismes affichés, avec les fortunes incertaines des oligarques “profiteurs de crise”, le crime organisé, les pouvoirs parallèles..

Ici, le cas de l’oligarque Kolomoisky qui a sa fortune, sa banque, son armée, sa politique, ses projets (c’est lui qui voudrait verrouiller la frontière russo-ukrainienne d’un ouvrage composé d’une clôture électrifiée, de champs de mines, etc.) … On mesure les limites du pouvoir du président-“roi du chocolat” dans cette situation, de ce fait devenue encore plus typiquement postmoderne. «However, some of the government troops had no intention of obeying the ceasefire order. When the suspension of hostilities was announced during Poroshenko’s trip to the Donetsk region, the governor of the Dnepropetrovsk region, the oligarch Igor Kolomoisky, openly told the president that he “will never obey and his army will finish off these separatists anyway”. It was Kolomoisky who financed the creation and arming of several battalions of mercenaries (using funds from his bank, Privat) who distinguished themselves with the cruelty of their slaughter of the civilian population in many cities in the Donbass: Mariupol; Krasny Luch; Slovyansk; Schastye; and Stanitsa Luganskaya … This all goes to show that in reality Poroshenko not only has no control of the Kiev-based Maidan movement that is unwilling to either fight or release the buildings they captured six months ago, but he also has no firm grip on either the troops that were mobilized with so much effort or the regions that still profess outward loyalty to him.»

“… Se préparer à la guerre”

Finalement, pour en revenir à Poutine et quitter la seule crise ukrainienne pour passer à la big picture qui s’est constituée autour de cette crise, on retiendra également une dernière interprétation de son attitude. Elle est de Paul Craig Roberts, le 24 juin 2014, et elle se présente comme une approbation complète de les décisions du président russe de rechercher une issue diplomatique au travers des négociations ukrainiennes et de demander le retrait de l’autorisation d’intervenir militairement de la Douma.

C’est un point d’autant plus intéressant que PCR, en une autre occurrence, au début mai, avait critiqué implicitement la position attentiste et arrangeante de Poutine … (Le 2 mai 2014 : «Will Putin sit there with his hopes awaiting the West’s good will to work out a solution while Washington attempts to engineer his fall? The time is approaching when Russia will either have to act to terminate the crisis or accept an ongoing crisis and distraction in its backyard.… [...] Yet, the Russian government spokesman again expressed the hope of the Russian government that European governments and Washington will put a stop to the military strikes and pressure the Kiev government to accommodate the protesters in a way that keeps Ukraine together and restores friendly relations with Russia. This is a false hope…»)

Cette fois, PCR soutient la position de Poutine. Voit-il plus d’espoir qu’au début mai ? Au contraire, son point de vue s’est largement assombri. Sa thèse est alors que Poutine doit tenter de trouver une entente, notamment et essentiellement avec des pays européens qui finiraient par comprendre le danger de la situation (la France et l’Allemagne sont citées [voir le 26 juin 2014]). Si Poutine ne réussit pas, si les Européens cités restent fermés à une telle initiative, alors ce sera la guerre, juge Paul Craig Roberts… Cela justifie sa position : il n’y a plus rien à perdre, il faut tout tenter pour détacher des Européens des USA, dont la course est celle de la guerre, tout faire pour éviter cette guerre qui risquerait grandement et évidemment d’être nucléaire. Ainsi PCR voit-il la démarche de Poutine.

«Putin knows that the UK is a complete vassal puppet state, that Cameron is just as bought-and-paid-for as Blair before him. Putin’s hope for diplomacy over force rests on Germany and France. Both countries face Europe’s budget and employment woes, and both countries have significant economic relations with Russia. German business interests are a counterweight to the weak Merkel government’s subservience to Washington. Washington has stupidly angered the French by trying to steal $10 billion from France’s largest bank. This theft, if successful, will destroy France’s largest bank and deliver France to Wall Street.

»If desire for national sovereignty still exists in the German or French governments, one or both could give the middle finger to Washington and publicly declare that they are unwilling for their country to be drawn into conflict with Russia for the sake of Washington’s Empire and the financial hegemony of American banks.

»Putin is betting on this outcome. If his bet is a bad one and Europe fails not only Russia but itself and the rest of the world by accommodating Washington’s drive for world hegemony, Russia and China will have to submit to Washington’s hegemony or be prepared for war.»

D’un “choix de civilisation” (l’UE)…

Avec ce commentaire de Paul Craig Roberts, nous sortons du seul cadre de la crise ukrainienne pour embrasser tout son environnement, sa puissance fondamentale, son poids énorme de “crise haute ultime” (voir le 24 mars 2014). C’est là, dans un mouvement centripète caractéristique, à partir de la crise ukrainienne et hors d’elle, que sont nés et se développent les foyers qui font de la crise ukrainienne cette “crise haute ultime”.

Hier, l’UE a signé un accord d’association avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie (voir Itar-TASS, le 27 juin 2014). C’est le même accord que Ianoukovitch avait refusé de signer en novembre 2013, ce qui avait fourni le détonateur de la crise ukrainienne. Cet accord fait entrer les signataires dans l’orbite de l’UE, avec un pied dans l’OTAN par le seul fait des dispositions de sécurité glissées dans l’accord sans qu’aucune des bureaucraties concernées (celles de l’UE) n’en mesure les effets, – car, précisément, ces accords, rédigés par des spécialistes de l’économie, imbriquent mécaniquement des dispositions standard dont l’effet véritable pourrait s’avérer explosif. C’est ainsi que les détonateurs de crise, ou de relance de crise, se créent subrepticement, sans réelle volonté planifiée contrairement à l’analyse générale, mais par un mécanisme de système, ou disons plus justement “du Système”… Cela, pour le côté européen, où l’on engage à des choix dont nul ne mesure les effets.

Du côté russe, par contre, on comprend parfaitement la vérité de la situation. Avertis de ces accords d’association il y a quelques jours par des délégués de l’UE dépêchés expressément, dans un esprit de conciliation qui est véritablement et ingénument dans le chef de cette démarche de l’UE, le vice-ministre des affaires étrangères de Russie a laissé tomber : «C’est un choix de civilisation.» Il voulait dire par là qu’au-delà des termes économiques et de libre-échange, c’est bien une conception du monde, et une conception absolument mensongère du monde, que les trois pays rejoignent. Ce faisant, ils se trouvent placés en confrontation avec la Russie, quelles que soient leurs intentions à cet égard. Nous insistons beaucoup sur cet aspect d’automatisme, car effectivement la “puissance” de l’UE est fondée sur une vision totalement amputée du monde et, dans certains domaines essentiels et pérennes comme la sécurité et la souveraineté qui en découle, elle est totalement aveugle et semble raisonner selon les croyances les plus naïves … C’est de cette façon que les choses se passent, et nullement selon des conceptions et une vision intellectuelles élaborées.

… A un autre “choix de civilisation” (les BRICS)

En échange de l’avis qu’ils ont reçu de l’UE concernant les accords d’association, les Russes ont parlé à leurs interlocuteurs de la prochaine réunion des BRICS en juillet. Cette réunion apparaît d’une extrême importance, selon les Russes, et un travail intense est en cours à cet égard. Les BRICS travaillent sur deux accords fondamentaux, celui, déjà connu, d’une banque d’investissement, et celui, nouveau d’un pool de monnaies de réserve pour leurs échanges. Ce dernier point est une étape fondamentale dans la concrétisation de la dynamique de “dé-dollarisation” dont nous avons déjà beaucoup parlé (voir le 14 mai 2014 et le 19 juin 2014).

La chose a été présentée avec modestie aux délégués de l’UE, – lesquels ont l’habitude de traiter avec le plus parfait mépris les initiatives russes, et en général non-bloc BAO, de cette sorte. Les Russes ont présenté ce projet comme étant le produit d’une situation qui les a forcés à y venir. Ce n’est pas à notre sens une précaution oratoire tactique mais bien une réalité … Cette attitude correspond à ce que nous écrivions le 21 juin 2014, avec pour la compréhension du texte l’extension du “système de l’américanisme” à l’ensemble du bloc BAO :

«Nous écrivons “pour conduire sinon forcer…”, parce que nous pensons qu’en l’absence d’une crise d’une telle intensité que l’ukrainienne, la Russie n’aurait pas choisi la voie qu’elle a choisie, de crainte de paraître trop dans une posture de confrontation avec ses “partenaires” du bloc BAO, des USA. Le système de l’américanisme, dans son aveuglement habituel, ne mesurera jamais la position de sûreté qu’il a perdue en poussant la Russie à la confrontation, notamment depuis la réélection de Poutine et, ouvertement, depuis le début de la crise ukrainienne. Le système de l’américanisme n’a jamais compris durant toutes ces années, qu’il avait, avec Poutine, un centriste ouvert à une coopération équilibrée, dont l’ambition n’était nullement de défier le Système, voire de chercher à le frapper. Mais on ne peut attendre le moindre éclair de finesse dans le jugement d’un système, celui de l’américanisme, dont on peut dire sans crainte d’être démenti que “la seule chose qu’il attend de la Russie, c’est que la Russie n’existe plus” (phrase fameuse de Leonid Chebarchine, ancien chef des SR russes).»

Le suprématisme du bloc BAO

Ce que distinguent les milieux européens qui nous ont informés sur ces divers contacts avec les Russes, c’est une situation complètement bloquée d’antagonisme contre les Russes, de la part de l’UE et des USA, mais d’une façon différente. Il serait à notre sens simpliste de voir dans la situation ce qu’on dénonce habituellement comme une allégeance aveugle mais explicitement coordonnée de l’entité européenne aux USA. Il y a bien deux positions distinctes, mais caractérisées toutes les deux par une sorte de “suprématisme” commun ; on sait que ce trait psychologique constitue à nos yeux la véritable “valeur” invertie du bloc BAO, supplantant et surpassant complètement le racisme, auquel il ressemble dans ses aspects les plus vils mais dont il diffère fondamentalement, quasiment par une essence différente, par l’affirmation de la nécessité de l’abaissement, sinon de l’anéantissement de l’autre.

Il faut bien se persuader que ce sentiment joue un rôle considérable dans les politiques de ces entités bureaucratiques (l’UE comme on la voit, la bureaucratie américaniste en mode de surpuissance en l’absence d’un pouvoir politique centralisateur et disposant de l’autorité d’une légitimité, – Obama n’a plus rien de tout cela). Nous rappellerons ce que nous écrivions à ce propos le 4 juin 2014 , et à propos de l’exceptionnalisme qui est le miroir conceptuel, ou de communication, de ce suprématisme, et qui touche aussi bien l’UE que les USA ; c’est bien là la force principale qui mène le bloc BAO dans cette affaire comme dans tant d’autres, – le mépris suprématiste inconscient et réflexif pour les Russes, qui est de même nature que celui éprouvé, dans une autre occurrence, pour les Iraniens. (Cela pourrait expliquer ce fait que les directions politiques du bloc BAO ne se formalisent pas vraiment quand le Premier ministre ukrainien désigne les Ukrainiens russophones de l’Est du pays de “sous-hommes”, selon un vocabulaire générique bien connu) :

«Ainsi parlons-nous d’exceptionnalisme, et encore plus de suprématisme, en observant que l’UE, et donc les pays européens, ont endossé cette dialectique prédatrice caractérisant aujourd’hui l’Occident dans son entier, sous l’habit du bloc BAO en mode de surpuissance-autodestruction. On pourrait dire que le suprématisme est au racisme, dans l’échelle des délits éventuels, ce que l’assassinat prémédité systématique est à un homicide involontaire accidentel, pour ce qui est de l’intensité et de l’orientation de la psychologie gouvernant l’attitude qui en résulte. L’exceptionnalisme-suprématisme a complètement envahi l’UE, à visage découvert, véritablement comme une doctrine active de fonctionnement, dans tous les cas depuis le coup de force de novembre 2013 (négociations avec l’Ukraine). Ce qui était sur le moment le simple résultat d’une mécanique bureaucratique est devenue une sorte de doctrine activiste, fondée sur l’affirmation d’une sorte de supériorité morale, psychologique et technologique comme un équivalent postmoderniste à la supériorité raciale et ethnique des suprématismes des XIXème-XXème siècles. Il s’agit du plus récent avatar de l’extension du concept d’“occidentalisation” (que nous nommons plutôt “anglosaxonisation”) identifié par le philosophe de l’histoire et historien des civilisations Arnold Toynbee après 1945, qui s’est très fortement sophistiqué au niveau de la de la communication et de la perception que ceux qui l’éprouvent en ont, jusqu’à changer de nature pour devenir l’actuel et postmoderne exceptionnalisme-suprématisme…»

Différences fraternelles ou fratricides

En effet, ce suprématisme n’a plus rien de spécifiquement anglo-saxon. Il est devenu la marque d’un esprit-Système, fondé sur l’arsenal dialectique qu’on connaît bien au travers de diverses narrative, – de l’excellence en matière de “gouvernance” à la démocratie triomphante, à l’hyperlibéralisme et au marché libre, au droitdel’hommisme, au multiculturalisme et autres vertus sociétales allant jusqu’au “mariage pour tous” & Cie… A partir de ce tronc commun, l’UE et les USA diffèrent dans leurs démarches, ce qui les distingue dans leurs russophobies respectives. Les deux démarches vont dans le même sens mais sont beaucoup moins liées qu’on ne le croit ; elles ont certes souvent la vertu d’être complémentaires, de s’entendre sur des thèmes tels que les sanctions et autres moyens de coercition n’impliquant pas une attaque directe ; néanmoins, elles peuvent différer en cas de montée de la tension, comme ce pourrait être le cas face à la Russie.

• L’UE pousse les matières économiques et sociétales, l’intégration par succion, par dissolution des vertus pérennes. L’UE dissout plus qu’elle ne déstructure ceux qu’elle veut absorber, elle dilue la substance de l’autre dans sa propre substance bureaucratique, régulatrice et moralisante ; elle intervient sans aucun souci des principes de souveraineté lorsqu’il s’agit du domaine sacro-saint de l’économie, en référence à la doctrine sacré de l’hyperlibéralisme, mais prétend agir hors du camp politique et de sécurité, et hors de toute polémique trop marquée. Ainsi exerce-t-elle ses pressions sur la Russie d’une façon indirecte.

• Dans le cas ukrainien et face à la Russie, les bureaucraties-Système des USA avec leur incitatifs de la communication se sont durcies avec la crise ukrainienne et retrouvent totalement leurs réflexes de la Guerre froide sans le frein d’une diplomatie solide et prudente comme ce fut le cas durant la période. (Voir le 20 mars 2014.) Du coup, les techniques de l’“agression douce” ne sont plus l’essentiel de leur arsenal comme ce fut le cas contre Poutine, à partir de 2012 et jusqu’à la crise ukrainienne. Désormais, les USA agitent des menaces qui sont proches de l’ordre du militaire et certains de leurs relais de communication (un sénateur McCain, par exemple) ne se cachent plus de suivre la fameuse doctrine du regime change, avec tous les moyens du bord. Ils agissent seuls en ce sens, selon une ligne différente de l’UE et sans coordination avec elle, ce qui pourrait devenir un motif de désaccord dans des circonstances extrêmes.

… C’est en effet le fond du problème, déjà abordé à diverses reprises, et encore très récemment (voir le 26 juin 2014) ; c’est évidemment le fond du problème pour les Russes et pour Poutine… Il s’agit de savoir si, dans ce cadre général, et notamment en fonction de la ligne suivie par l’UE qui pourrait différer de celle des USA, des résistances ne peuvent pas s’affirmer chez certains des membres les plus importants de l’UE. Dans ce cas, on sait que les Russes se sont découverts des alliés inattendus, membres de plein droit du Système, puisqu’il s’agit du corporate power, très hostiles à cet affrontement avec la Russie à cause de ce qui peut être perdu en matière de business pour le bloc BAO. Les patronats allemands, français et italiens, mais également des groupes du patronat US sont opposés à la politique actuelle et le disent publiquement.

L’enjeu suprême

Le champ ne cesse de s’ouvrir plus largement pour un affrontement direct du bloc BAO avec la Russie, avec la perception clairement affirmée que cette bataille constitue un enjeu suprême pour la “victoire” du Système. (Le Système, qui est pourtant omniprésent, ne cesse de rechercher des actes de “victoire” supplémentaires, donnant ainsi libre cours à sa surpuissance qui est aussi proche de l’autodestruction que le Capitole de la roche tarpéienne.) Cette interprétation n’est pas ouvertement développée du côté du bloc BAO parce que cet ensemble vit dans le déni de l’aspect agressivement déstructurant de sa politique, mais elle est de plus en plus implicitement admise. Du côté russe, même à des niveaux officiels proches du pouvoir, et très largement dans des milieux politiques responsables, voire dans la population elle-même, cette même interprétation est dite ouvertement et largement acceptée. Il est aujourd’hui acquis que les perspectives les plus catastrophiques sont envisagées, comme celle qu’agite Paul Craig Roberts. Il y a quelque jours encore, le 24 juin 2014, un article (de Eric Zuess, sur le Washington’s blog) évoquait les préparatifs, sous la forme d’exercices intensifs des structures militaires russes, à la possibilité d’une attaque nucléaire US (voir le 9 juin 2014).

Il s’agit d’une évolution psychologique très rapide depuis que la crise ukrainienne a pris le cours qu’on lui connaît (voir le 3 mars 2014), et qui dépasse très largement la crise ukrainienne bien entendu. Du côté russe, nombre d’acteurs extérieurs prennent conscience de cet enjeu. Ils en seront encore plus instruits lors du prochain sommet des BRICS, où cet aspect fondamental de la crise sera évidemment évoqué. Cette situation d’extrême tension évolue sur le fond de la possibilité d’une issue catastrophique. Nous évoquions déjà cette situation de la psychologie, et, au-delà, de l’esprit, dans le texte cité du 3 mars 2014. Sa conclusion est toujours valable, parce qu’elle évoque cette issue catastrophique, non sous la forme de la fatalité d’un conflit mais sous la forme d’un dilemme entre cette possibilité de conflit et le destin du Système, qui est dans un état de tension maximale, avec sa tendance à basculer de sa dynamique de surpuissance à sa dynamique d’autodestruction en suscitant sa propre crise d’effondrement.

«Pour le conformisme de l’historiographie-Système, la Grande Guerre est “sortie de rien”, sorte d’accident monstrueux et incompréhensible. Notre thèse est exactement le contraire, comme l’on voit dans la présentation de ‘La Grâce de l’Histoire’ (“Dans ce premier tome, on analyse la séquence historique identifiée comme la dynamique conduisant à la crise actuelle, à partir de la rupture de la fin du XVIIIe siècle avec ses trois événements fondamentaux : la Révolution américaniste (guerre d’Indépendance des USA), la Révolution française et la révolution du choix de la thermodynamique engendrant le développement industriel et technologique. Dans la dynamique de cette séquence historique, la Grande Guerre de 1914-1918 occupe une place centrale, à la fois pivot de la dynamique en question, à la fois ‘réplique sismique en amont’ annonçant notre grande crise du début du XXIe siècle…”). On comprend que ce qui nous rapproche de 1914, ce n’est pas nécessairement l’événement (la guerre) mais l’esprit d’un temps perdu dans une ivresse aveuglante et qui se trouve soudain confronté aux réalités catastrophiques de lui-même. La crise ukrainienne, et la réalisation que les pressions du Système (du bloc BAO, son factotum) peuvent conduire à l’extrême catastrophique des affaires du monde, peuvent aussi bien, grâce au ‘formidable choc psychologique’ dont nous parlons et à l’immense crainte qu’il recèle, déclencher une autre dynamique d’une puissance inouïe. Notre hypothèse à cet égard, rencontrant l’idée de la formidable puissance symbolique du centenaire de la Grande Guerre (voir le 2 janvier 2014), est que cette dynamique est celle de l’effondrement du Système dont rien, absolument rien ne réclame qu’il se fasse dans l’apocalypse nucléaire, parce qu’alors elle pourrait bien être, cette dynamique, le fruit de la panique psychologique totale naissant de la perspective soudain apparue que le risque de la guerre nucléaire existe plus que jamais…»

Source : DeDefensa

Lire aussi : Notes sur la métamorphose furieuse des cloportes

Source: http://www.les-crises.fr/la-folie-systeme-a-marche-forcee/


Revue de presse internationale du 29/06/2014

Sunday 29 June 2014 at 00:07

Dans la revue internationale cette semaine, la Chine est ses métaux, le chômage des jeunes en Europe, l’espionnage de la population, des travailleurs très “malmenés”, ou encore les USA écartelés. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-29-06-2014/


[Travail collaboratif] Ce we, c’est vous qui travaillez sur l’accord UE-Ukraine :)

Saturday 28 June 2014 at 17:10

Je ne le dis probablement pas assez – et ne vous remercie sans doute pas suffisamment -, mais ce blog est vraiment boosté par les apports de nombreux contributeurs, montrant la force apportée par les nouveaux réseaux d’intelligence collaborative.

En l’espèce, je n’ai pas le temps de parcourir l’intégralité du long traité d’association et de libre échange UE-Ukraine, signé hier que je joints (source).

D’autant, que, comme d’habitude, il est seulement en anglais !!  (merci l’Europe :(  )

J’aimerais donc que des volontaires se proposent de le parcourir, et d’indiquer les perles / points les plus problématiques en commentaire (dans l’idéal en traduisant en français…). Merci de vous signaler en commentaire quand vous allez vous occuper d’un document pdf, en l’indiquant, pour éviter les doublons…

Je compte sur vous ! :) Merci d’avance

P.S. désolé pour la lenteur de la modération, j’étais en congés dans la magnifique Crète. Et cela recommencera la semaine prochaine, étant à Aix en Provence, où vous pourrez me croiser durant les journées économiques et déconnomiques

Disclaimer: Please note that the documents published on this website are only for information purposes. The official version of the Association Agreement – once signed – will be published in the Official Journal of the European Union. The texts are capable of neither conferring any rights nor creating any legally binding obligations of public international law.

Text of the initialled Agreement

Preamble [149 KB]

Title I: General Principles [54 KB]

Title II: Political Dialogue and Reform, Political Association, Cooperation and Convergence in the Field of Foreign and Security Policy [73 KB]

Title III: Justice, Freedom and Security [77 KB]

Title V: Economic and Sector Cooperation [290 KB]

Title VI: Financial Cooperation, with Anti-fraud Provisions [58 KB]

Title VII: Institutional, General and Final Provisions [173 KB]

ANNEXES to the Agreement

Annexes to Title IV: Trade and Trade-related Matters

Annexes to Title V: Economic and Sector Cooperation [1005 KB]

Annexes to Title VI: Financial Cooperation, with Anti-fraud Provisions [255 KB]

PROTOCOLS to the Agreement

Protocol I (Title IV: Trade and Trade-related Matters) [2 MB]

Protocol II (Title IV: Trade and Trade-related Matters) [99 KB]

Protocol III (Title V: Economic and Sector Cooperation) [63 KB]

De nouveau, Saint Plé-Rompuy, tenant la Bible

Source: http://www.les-crises.fr/travail-collaboratif-accord-ukraine/


Revue de presse du 28/06/2014

Saturday 28 June 2014 at 01:04

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-28-06-2014/


Accord de libre échange Ukraine-UE : ah hié !

Friday 27 June 2014 at 23:07

Eh bien, c’est fait, l’UE a donc signé le traité de libre échange (vous noterez que le mot n’apparait généralement pas dans la presse ! Sauf l’Humanité, qui met l’accent sur le vrai gros problème) avec l’Ukraine… (la partie politique avait été signée le 21 mars pour mémoire)

Belle preuve d’intégrisme et d’irresponsabilité pour un pays en proie à une guerre civile…

Tout est dans la photo…

On apprend au passage : “L’Union européenne a promis un vaste programme d’aide de 11 milliards d’euros à l’Ukraine.” (FranceTV), ce qui est beaucoup pour nous, mais dérisoire face aux besoins de l’Ukraine (et à ce que voulait donner la Russie…).

Ca vaut le coup pour avoir une nouvelle armée de pauvres à exploiter – presque chez nous en plus ! :

Les choses vont devenir intéressantes dans les mois à venir…

Surtout si on continue le délire genre :

D’autant qu’on a affaire à de vrais pro de la géopolitique :

Source: http://www.les-crises.fr/accord-de-libre-echange-ukraine-ue/