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La désindustrialisation de l’Amérique, par Paul Craig Roberts

Wednesday 3 December 2014 at 02:41

Un billet de Paul Craig Roberts… Je rappelle que cet économiste et journaliste paléoconservateur américain a été sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982), et est un des pères fondateurs des Reaganomics. Il a également été rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal. Sa vision décape, en général… Sans adhérer à tout, elle permet à chacun d’aiguiser son esprit critique…

Source : Paul Craig Roberts, Dave Kranzler et John Titus, www.paulcraigroberts.org, le 8 août 2014.

Le 6 janvier 2004, Paul Craig Roberts et le sénateur américain Charles Schumer ont publié un article commun dans la tribune d’opinion du New York Times intitulée « Réflexions sur le libre-échange. » L’article faisait remarquer que les Etats-Unis sont entrés dans une nouvelle ère économique, dans laquelle les travailleurs américains rencontrent « une concurrence directe internationale à presque tous les échelons – du mécanicien à l’ingénieur informaticien en passant par l’analyste de Wall Street.Tout travailleur dont l’emploi ne demande pas d’interaction quotidienne en face-à-face est maintenant en danger d’être remplacé par un travailleur moins payé, de compétence égale, situé à des milliers de kilomètres. Les emplois américains sont perdus, non pas à cause de la concurrence étrangère, mais à cause des sociétés multinationales qui réduisent leurs coûts en délocalisant dans des pays à bas salaire. »

Roberts et Schumer ont remis en cause la validité du point de vue des économistes selon lequel la délocalisation des emplois ne résulterait que du mécanisme normal d’un libre-échange mutuellement bénéfique, et qu’il n’y aurait pas lieu de s’en inquiéter.

La mise en cause de ce qui était considéré comme le dogme du « mondialisme de libre-échange » de la part — combinaison inattendue — d’un sous-secrétaire au Trésor de l’administration Reagan et d’un sénateur libéral du parti Démocrate de New York, a fait sensation. Un think-tank libéral de Washington, la Brookings Institution, a organisé une conférence à Washington pour que Roberts et Schumer y expliquent, ou peut-être y défendent, leur position hérétique. La conférence a été retransmise en direct sur la chaîne C-Span, qui l’a rediffusée à plusieurs reprises.

Roberts et Schumer ont dominé la conférence, et quand l’auditoire de décideurs et d’économistes de Washington a commencé à comprendre que quelque chose allait effectivement mal dans la politique de délocalisation, en réponse à une question sur l’effet des délocalisations sur les emplois aux États Unis, Roberts a dit : « Dans 20 ans, les USA seront un pays du Tiers Monde. »

Apparemment, Roberts faisait preuve d’optimisme en suggérant que l’économie US durerait encore 20 ans. Dix ans seulement se sont écoulés, et les USA ressemblent déjà de plus en plus à un pays du Tiers Monde. De grandes villes américaines comme Détroit, Cleveland, Saint Louis ont perdu entre un cinquième et un quart de leur population. Le revenu moyen réel des ménages diminue depuis des années, prouvant ainsi que l’ascenseur social qui faisait de l’Amérique une « société de chances pour tous » a cessé d’exister. Selon un rapport d’avril dernier publié par l’organisation Projet de Loi pour l’Emploi National, le revenu médian réel des ménages a chuté de 10% entre 2007 et 2012.

Les Républicains ont tendance à blâmer les victimes. Avant que quelqu’un ne dise « Quel est le problème ? L’Amérique est le pays le plus riche sur terre où même les pauvres ont un poste de télé et peuvent s’acheter une voiture d’occasion pour 2000$, » étudiez le rapport publié récemment par la Réserve Fédérale. Il indique que deux tiers des ménages américains sont incapables de débourser 400$ sans vendre des biens ou emprunter à leur famille ou à des amis.

Même si vous ne le pourriez jamais le savoir en lisant ce que rapporte la presse financière US, les perspectives d’emploi désastreuses auxquelles les Américains font face d’aujourd’hui sont analogues à celles rencontrées en Inde il y a 30 ans. Les diplômés des universités américaines sont employés, quand ils trouvent un emploi, non pas comme ingénieurs informaticiens ou cadres, mais comme serveuses ou barmen.

Ils ne gagnent pas assez pour avoir une existence indépendante et vivent chez leurs parents. La moitié des bénéficiaires de prêts étudiants ne peuvent pas les rembourser. Dix-huit pour cent sont, soit sous recouvrement, soit en retard de paiements. Et 34% ont un report sur leur prêt étudiant. De toute évidence, l’éducation n’était pas la réponse.

La délocalisation des emplois, en réduisant les coûts du travail et en augmentant les gains des entreprises, a enrichi les directeurs des entreprises et les gros actionnaires, mais la perte de millions d’emploi rémunérateurs a fait chuter l’ascenseur social pour des millions d’Américains. En outre, la délocalisation des emplois a détruit la croissance de la demande des consommateurs, dont dépend l’économie des États-Unis. En conséquence, l’économie ne peut pas créer assez d’emplois pour accompagner l’augmentation de la main-d’œuvre disponible.

Entre octobre 2008 et juillet 2014, la population en âge de travailler a augmenté de 13,4 millions de personnes, mais les emplois aux États-Unis n’ont augmenté que d’1,1 million. En d’autres termes, le taux de chômage, par rapport à l’augmentation de la population en âge de travailler pendant les six dernières années, est de 91,8%. Depuis l’an 2000, le manque d’emplois a provoqué une chute du taux de participation à la population active, et depuis que l’assouplissement quantitatif [NdTquantitative easing] a débuté en 2008, le déclin du taux de participation à la population active s’est accéléré.

Il n’y a clairement pas de reprise économique quand la participation au marché du travail s’effondre.

Les idéologues de droite diront que le taux de participation au marché du travail diminue parce que les protections sociales permettent de ne pas travailler. C’est absurde. Durant la même période, les bons alimentaires ont été réduits par deux fois, les indemnités de chômage ont subi des coupes, tout comme nombre de services sociaux. Etre au régime des prestations sociales, dans l’Amérique d’aujourd’hui, c’est être dans une précarité extrême. En outre, il n’y a pas d’offre d’emploi.

Le graphique montre un effondrement du taux de participation à la population active. Les rares petits pics au-dessus de la ligne des 65% montrent les quelques périodes où l’économie a produit assez d’emplois pour absorber la population en âge de travailler. Les pics massifs sous la ligne indiquent les périodes où la pénurie d’emplois a poussé les Américains à abandonner la recherche d’emplois inexistants. Ainsi, ils ont cessé d’être comptablisés dans la population active. Le taux de chômage aux États-Unis de 6,2% est trompeur, parce qu’il exclut les demandeurs d’emploi découragés, ceux qui ont abandonné et quitté la population active parce qu’il n’y a pas d’emploi disponible.

Selon lescalculs de John Williams de Shadowstats.com, le taux de chômage réel aux Etats-Unis est de 23,2%, chiffre en accord avec l’effondrement du taux de participation à la population active aux Etats-Unis.

Au cours des dix années qui ont suivi le cri d’alarme lancé par Roberts et Schumer, les Etats-Unis sont devenus un pays où la norme pour les emplois créés est le temps partiel mal payé dans le secteur des services non-marchands domestiques. Deux tiers de la population vivent sur le fil, incapables de réunir 400$ en liquide. Les économies de la population sont retirées des comptes bancaires pour faire face au coût de la vie.

Les entreprises empruntent, non pas pour investir sur l’avenir, mais pour racheter leurs propres actions et ainsi, faire monter le prix des parts, les bonus du PDG et la dette de l’entreprise. L’augmentation du revenu et de la richesse des « un pour cent » provient du pillage, pas d’une activité économique productive.
C’est le profil d’un pays du Tiers Monde.

Paul Craig Roberts, Dave Kranzler et John Titus, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 

Source: http://www.les-crises.fr/la-desindustrialisation-de-lamerique-par-paul-craig-roberts/


Propagande xénophobe ordinaire au Petit journal

Tuesday 2 December 2014 at 01:22

Au Petit journal : “Tiens, et si pour parler du G20, on faisait un petit reportage de qualité contre Poutine et la Russie” ?

Bref, frappe ton Russe tous les jours, si tu ne sais pas pourquoi, lui, il sait…

Source: http://www.les-crises.fr/propagande-xenophobe-ordinaire-au-petit-journal/


1123 Évolution du commerce exterieur allemand

Tuesday 2 December 2014 at 00:09

Suite du billet sur le commerce extérieur allemand.

Voici son évolution :

commerce exterieur allemagne allemand excedent commercial

Il est plus juste de le suivre en % du PIB qu’en euros constants :

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On constate donc qu’il est proche de son niveau record de 2007 :

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On constate que l’excédent sur la zone euro a été divisé par 2, mais que le déficit avec la Chine se rapproche de zéro :

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Voici le détail avec quelques pays :

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Voici les exportations / importations par partenaire :

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La part de l’Europe dans le solde commercial a donc nettement diminué :

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On notera qu’il n’est pas simple de rapprocher les données. L’Allemagne annonce ainsi 100 Md€  d’exportations vers la France pour 64 d’importations, soit un excédent de 36 Md€ :

commerce exterieur allemagne allemand excedent commercial

Alors que les douanes françaises annoncent 86 Md€ d’importations allemandes pour 70 Md€ d’exportation, soir un déficit de 16 Md€…

commerce exterieur allemagne allemand excedent commercial

Source: http://www.les-crises.fr/evol-commerce-ext-allemand/


[Média] BFM Business, Les Experts – 24 novembre

Monday 1 December 2014 at 04:07

Nicolas Doze m’a invité à son émission sur BFM Business.

Avec Nicolas Mérindol, président du groupe Carmin Finance, et Henri Pigeat, directeur de la lettre Illissos et ex-patron de l’AFP.

Voici la vidéo :

Partie 1 :

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/nicolas-doze-les-experts-12-2411-357826.html 

Partie 2 :

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/nicolas-doze-les-experts-22-2411-357829.html 

Bonus : un petit rappel historique

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Quelques extraits de l’émission (comme BFM passe du temps à les découper, au moins qu’on les diffuse…):

Les banques centrales prennent des risques de plus en plus sidérants:

Compétitivité – coût : on a des attitudes schizophréniques :

Chômage : “On n’est pas les pires du monde”

Relance du crédit bancaire : un manque de volonté des banques :

Dépenses publiques: “le seul truc qui monte c’est la sécu” :

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N’hésitez pas à réagir en direct par mail sur cette émission via ce lien – Nicolas Doze consulte bien les mails en direct, et est très demandeur ;) :

http://www.bfmtv.com/emission/les-experts/

(cliquez sur Lui écrire à droite)

Utilisez aussi Twitter : https://twitter.com/NicolasDOZE

Source: http://www.les-crises.fr/media-bfm-business-les-experts-24-novembre/


1122 Le commerce exterieur allemand en 2013

Monday 1 December 2014 at 03:23

Nous allons aujourd’hui nous intéresser au commerce extérieur allemand.

Mise au point

Le 7 février 2014, l’institut statistique allemand DeStatis a publié un communiqué de presse avec les résultats du commerce extérieur allemand en 2013.

Il a provoqué un petit buzz sur Internet, car il indique :

  1. que l’excédent commercial a atteint un nouveau record historique, avec l’incroyable montant de 199 Md€ en 2013 contre 190 Md€ en 2012 – les exportations étant cependant en légère baisse de -0,2 %, contre -1,2 % pour les importations ;
  2. mais surtout que les exportations dans la zone euro ont atteint 402 Md€ et les importations 401 Md€.

Ce résultat est très étonnant, car on sait bien que l’Allemagne fait une majorité de ses excédents en Europe.

Ce qui a fait dire au Ministre de l’Économie allemand Wolfgang Schaüble  que “au sein de la zone euro, il n’y a pas d’excédent allemand” (Source).

En fait, l’institut a raison, mais le ministre est en phase de manipulation. Car ces premiers chiffres sont les premiers diffusés, et ne sont pas définitifs. Et s’ils donnent ce total, c’est qu’en fait ils ne sont pas encore retraités par l’Institut pour correspondre aux normes classiques. Ce sont des chiffres réels, mais “brut de fonderie” – ou “sortie de caisse”. Il ne regarde à ce stade que le “pays de provenance” façon douanes, et doivent être retraités pour arriver au “pays d’origine”. Si un produit chinois arrive à Rotterdam, puis passe en Allemagne, la provenance c’est les Pays-Bas, mais l’origine c’est bien la Chine ! Donc début février, le produit était compté comme arrivant des Pays-Bas, donc de la zone euro. La méthode qui donne un résultat global rapide (et assez juste) est donc faussée au niveau du détail par pays.

Il en était de même sur le communiqué DeStatis de février 2013 à propos de 2012. Le ministre fait donc de l’enfumage en le reprenant tel quel.

En revanche, la rigueur allemande n’est pas en cause, car l’Institut a avancé et vient de donner une première estimation du détail par pays d’origine (dans ce tableau), que nous allons donc analyser…

N.B. : je remercie ici Guillaume Foutrier, qui a débusqué le sujet sur son blog Mediapart, et a enquêté auprès de DeStatis – merci pour l’alerte, et chapeau !

Détail

Voici donc le résultat pour 2013 :

Avec 198 Md€ d’excédent, il vient de battre son record absolu.

Voici les 15 premiers clients de l’Allemagne (72 % des exportations) :

On constate que 11 sont en Europe.

Et voici les 15 premiers fournisseurs de l’Allemagne (73 % des importations) :

Là encore, 12 sont en Europe..

Intéressons-nous ici à la décomposition des 192 Md€ du solde :

Ainsi, 57 % du solde est réalisé en Europe.

Analysons alors les 15 principaux excédents :

Les États-Unis viennent de dépasser la France – dont les 36 Md€ de déficit sont gigantesques… (comme pour l’Angleterre)

Au niveau des 15 principaux déficits :

Cette fois, la majorité sont hors Europe. Beaucoup correspondent à des achats pétroliers ou de gaz.

Voici le détail par produits :

La grande force de l’Allemagne reste donc ses ventes d’automobiles et de machines… La facture énergétique du pays est très lourde.

Dans le prochain billet, nous examinerons l’évolution de ce commerce extérieur…

Source: http://www.les-crises.fr/commerce-ext-allemand-2013/


[Reprises] “Cyniques,écartez-vous, c’est l’excitation générale autour de la candidature d’Hillary Clinton” par Glenn Greenwald

Sunday 30 November 2014 at 04:00

Il est facile de se montrer cynique lorsque l’on considère l’inévitable (et malheureusement imminente) campagne présidentielle d’Hillary Clinton. Au-delà du fait que c’est une habituée des jeux de pouvoir à Washington, et qu’elle est totalement dénuée de principes et assoiffée de pouvoir, c’est une personnalité politique américaine tout à fait banale. Un des aspects qui la rend unique, peut-être le seul, est la manière dont la première présidence féminine [des États-Unis] sera exploitée (suivant le modèle Obama) pour mieux cacher son véritable rôle de gardienne du statuquo.

Le fait qu’Hillary bénéficie de la succession d’une dynastie en fait une cible toute désignée des critiques qui mêlent le mépris à l’ennui. Les dizaines de millions de dollars que les Clinton ont « gagnés » enpar des conférences devant des parterres de globalistes, de grands groupes industriels, de  »Hedge funds », ou d’autres appendices de Wall Street qui auraient tout intérêt à la voir élue présidente, rendent le spectacle encore plus déprimant. (La photo ci-dessous montre la probable candidate en compagnie du PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, lors d’un événement en septembre).

Mais nous ne devrions pas être aussi cyniques. Il existe une intense et véritable excitation à l’idée d’une (nouvelle) présidence Clinton. De nombreux groupes aux USA considèrent son accession au Bureau ovale comme une opportunité pour un rajeunissement, l’occasion d’un enthousiasme symbole d’espérance et de changement, et d’avancées politiques vitales. Ces groupes toujours plus excités sont les suivants:

Wall Street
Extrait de Politico Magazine du 11 novembre 2014 (“Pourquoi Wall Street aime Hillary”)

« Là-bas à Wall Street, ils ne croient pas une seconde à la rhétorique populiste d’Hillary Clinton. Tandis que l’industrie financière déteste effectivement Warren, les grands banquiers craquent pour Hillary et la veulent absolument à la Maison-Blanche. La plupart des plus riches banquiers et industriels (parmi lesquels le PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, celui de Morgan Stanley, James Morgan, le tout puissant vice-président de Morgan Stanley, Tom Nides, et les dirigeants de JP Morgan Chase et de Bank of America) considèrent Hillary Clinton comme une personne pragmatique trouvant des solutions aux problèmes, et peu encline à la rhétorique populaire. Pour eux, Hilary est de celles qui pensent que tout le monde y gagne si Wall Street et le business américain en général se portent bien. Que pensent-ils de ses incursions dans les sujets rhétoriques les plus chauds ? En réalité aucun d’eux ne croit qu’elle est sincère lorsqu’elle affiche ce populisme.

Même si Hillary n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature, l’opinion de Wall Street est qu’elle est déjà en lice, et que son organisation nationale est en train de se mettre en place en coulisses. Tout cela la rend attirante. Wall Street aime par-dessus tout les vainqueurs, d’autant plus ceux qui ne toucheront pas à son énorme tirelire.[…] »

Le lobby israélien
Traduit de Foreign Policy du 7 novembre 2014 (“Hillary Clinton serait-elle bonne pour la Terre sainte ?” d’Aaron David Miller) :

« Si elle devait être élue présidente, cela aurait un impact bénéfique quasiment garanti sur les rapports avec Israël. N’oublions pas que les Clinton ont aussi traité avec Bibi [surnom familier de Benjamin Netanyahu  – NdT] comme premier ministre. Tout n’a pas été facile, mais c’était clairement beaucoup plus productif que ce que l’on voit aujourd’hui. Pour le dire simplement, en tant que politicienne conventionnelle, Hillary est bonne pour Israël, elle a des relations avec ce pays que l’actuel président n’a pas. Hillary n’est pas de la même génération, et elle a travaillé dans un milieu politique dans lequel être bon pour Israël était à la fois obligatoire et intelligent.

Soyons clairs : lorsqu’il s’agit d’Israël, il n’y a pas de Clinton 2.0. L’ex-président restera probablement unique pour la profondeur de ses sentiments pour Israël et sa disponibilité à mettre de côté ses propres frustrations au vu de certains comportements d’Israël, comme les colonies. Mais cette compréhension vaut aussi pour Hillary. Que ce soit Bill ou Hillary, tous deux sont autant amoureux de l’idée même d’Israël et de son histoire unique qu’il sont prêts à faire des concessions sur le comportement de l’État hébreu, comme par exemple la continuation des constructions dans les territoires occupés. »

Les interventionnistes (i.e. les fous de guerre)
Extrait du New York Times du 15 août 2014 (“Un historien affirme que les événements en Irak ouvrent la voie à un retour des interventionnistes”) :

[…] Mais le meilleur exemple de ce que Robert Kagan(ci-contre) décrit comme sa vision « conventionnelle » de la force américaine tient dans ses relations avec l’ex-secrétaire d’État Hillary Rodham Clinton, qui reste le vaisseau amiral dans lequel de nombreux interventionnistes placent leurs espoirs.[…]

« Je suis très à l’aise à l’idée qu’elle prenne en main la politique étrangère, » a déclaré M. Kagan, ajoutant que la prochaine étape après l’approche très réaliste d’Obama « pourrait théoriquement être n’importe quelle initiative qu’Hillary pourrait prendre, »  si elle était élue présidente. « Si elle poursuit la politique que l’on pense qu’elle suivra, a-t-il ajouté, c’est quelque chose que l’on a autrefois appelé ‘néoconservatisme’, mais il est clair que ses supporters ne vont pas l’appeler comme ça ; ils trouveront un autre nom. »

Les néocons de la vieille école
Extrait du New York Times, le 5 juillet 2014 (“La prochaine action des néocons : … être prêts à s’allier avec Hillary Clinton ?”)

« Après quasiment 10 ans d’exil politique, le mouvement néoconservateur est en train de revenir. Tandis qu’ils fustigent Obama, les néocons se préparent à une entreprise bien plus audacieuse : s’aligner sur Hillary Clinton et sa future campagne présidentielle, dans l’espoir de revenir aux postes de commande de la politique étrangère américaine.

D’autres néocons ont suivi le centrisme prudent et le respect de Robert Kagan pour Mme Clinton. Max Boot, membre historique du Council on Foreign Relations, a fait remarquer cette année dans The New Republic, que “dans les conseils d’administration, Hillary était l’une des voix de principe pour une position ferme sur des questions controversées, que ce soit pour soutenir l’insurrection afghane ou l’intervention en Libye. »

Le fait est que ces néocons ont raison : Mme Clinton a effectivement voté pour la guerre en Irak, soutenu l’envoi d’armes aux rebelles syriens, et comparé le président russe Vladimir Poutine à Adolf Hitler, tout en insistant sur l’importance de promouvoir la démocratie.

Il est facile d’imaginer que Mme Clinton fera de la place aux néocons dans son administration. Personne ne pourrait l’accuser de faiblesse en matière de sécurité nationale avec quelqu’un comme Robert Kagan dans son équipe. Loin d’être terminée, l’odyssée néocon est donc sur le point de repartir. En 1972, Robert L. Bartley, éditorialiste du Wall Street Journal et fervent soutien des néocons, donnait cette définition du mouvement néoconservateur : « un groupe à cheval sur les deux grands partis. » Malgré les âpres batailles de partis au début des années 2000, il est remarquable de noter à quel point les choses ont peu changé.

Alors, que tous les cyniques se rendent à l’évidence !  Il existe une vraie et vibrante excitation politique dans le pays autour d’une présidence d’Hillary Clinton. On voit apparaitre des posters, des pins, on prépare des chèques, et des rencontres sont organisées. Les groupes d’électeurs unis en synergie avec la ploutocratie et les guerres sans fin ont désormais leur candidate favorite. Et il est bien difficile de leur donner tort et d’affirmer que leur excitation et leur affection ne sont pas justifiées.

Glenn Greenwald
The Intercept – 11 novembre 2014
Traduction : IlfattoQuotidiano.fr

Hillary Clinton et Lloyd Blankfein, PDG de Goldman Sachs

Source: http://www.les-crises.fr/reprises-cyniquesecartez-vous-cest-lexcitation-generale-autour-de-la-candidature-dhillary-clinton-par-glenn-greenwald/


Drôle de guerre contre l’Etat islamique, par Francis Briquemont

Sunday 30 November 2014 at 02:00

Drôle de guerre contre l’Etat islamique


 

Une opinion de Francis Briquemont, Lieutenant Général (e.r.)

“Fasse Dieu qu’ils n’y mettent plus jamais les pieds.” Aboul Fida (historien et poète arabe du XIIIe siècle).

Ainsi se termine “Les Croisades vues par les Arabes” de Amin Maalouf (1). Ne plus voir un “Franj” violer la terre d’Islam : tel était le vœu de Aboul Fida. Les historiens arabes ont en effet considéré que les Croisades étaient bien davantage une agression des Francs qu’un “pèlerinage” chrétien pour récupérer le tombeau du Christ. Les récentes décapitations d’Occidentaux par les jihadistes de l’Etat islamique (EI) comparées aux atrocités commises alors par les Francs au nom du Christ et celles commises par les musulmans au nom d’Allah apparaissent comme des incidents mineurs mais, au XXIe siècle, ceux-ci provoquent des réactions émotionnelles des médias et des opinions publiques telles, que les dirigeants politiques se sentent obligés de réagir immédiatement sous peine d’être accusés de faiblesse ou de mollesse. C’est particulièrement vrai aux Etats-Unis et c’est ainsi que Barack Obama a pris la tête d’une vaste (?) coalition internationale qui a pour objectif de détruire l’EI.

Il est paradoxal de voir Barack Obama en leader de cette coalition. Lui, qui est sans doute le premier président des USA à penser que son pays n’a pas vocation à régir seul le monde; qui était, comme sénateur, contre les aventures en Irak et en Afghanistan et avait réussi à s’en extirper, le voilà replongé dans le bourbier ou plutôt le nœud de vipères du Moyen-Orient.

La durée des opérations étant estimée par certains de trois à… trente ans, nous avons le temps de nous poser quelques questions à propos de celles-ci. Fallait-il décider aussi rapidement de partir en guerre contre l’EI ? A la veille d’élections importantes pour lui – la perte de sa majorité au Sénat paralyserait son action pendant les deux dernières années de son mandat présidentiel (2) – il devait “faire quelque chose” pour éviter les critiques acerbes des Républicains et ce d’autant plus que les deux premiers décapités par les jihadistes étaient des citoyens américains.

Détruire l’EI est facile à dire mais comment et surtout pour quel objectif politique final ? La situation géopolitique du Moyen-Orient est plus complexe que jamais. D’une part, trois Etats se disputent le leadership régional : l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Turquie. D’autre part, la Syrie est ravagée par la guerre, le Liban est très instable et que reste-t-il de l’Irak partagé maintenant entre un Kurdistan irakien autonome, l’EI qui s’étend sur le nord-ouest du pays et l’est de la Syrie et enfin l’Irak du sud. Ajoutons à cela, une guerre de religion impitoyable entre sunnites, menés par l’Arabie, et chiites, appuyés par l’Iran et le “tout” morcelé en d’innombrables tribus, clans, plus ou moins fiables. C’était déjà le cas au temps des Croisades ! J’allais oublier le Kurdistan syrien et le Kurdistan turc qui forment un “ensemble terrain” homogène avec le Kurdistan irakien. C’est ce dernier que l’Occident s’empresse d’organiser pour fournir les troupes au sol contre les jihadistes de l’EI.

Ici, il faut bien s’interroger sur la stratégie opérationnelle de la coalition anti-EI et l’homogénéité de celle-ci. Il y a unanimité pour conclure que les frappes aériennes seules ne résoudront pas le problème et qu’il faut des unités opérationnelles au sol capables de reconquérir le terrain perdu non seulement en Irak mais aussi en Syrie. Les jihadistes ont vite compris comment se fondre, sur le terrain et au sein des populations, pour éviter au mieux les frappes aériennes. Détruire des objectifs fixes (raffineries, dépôts, etc.) est chose aisée – la supériorité aérienne de la coalition est totale – mais attaquer des petites unités qui pratiquent la guerre asymétrique, c’est tout autre chose.

L’envoi de troupes occidentales étant exclu et même impensable, les Occidentaux essaient de former des unités de combat avec les Peshmergas (Kurdes) et de reconstituer une armée irakienne digne de ce nom. De l’avis général, cela prendra du temps.

Mais question fondamentale : cette coalition est-elle fiable ? Barack Obama déclare qu’il faut priver l’EI de toute ressource matérielle : est-ce crédible ? L’EI n’est-il pas soutenu financièrement et matériellement par certains membres de la coalition qui ont encouragé des jihadistes de tous poils depuis de longues années ? J’ai déjà connu ce problème en Bosnie en 1993 !

Quid de la Syrie, de l’Irak, du Kurdistan ?

Finalement, en supposant même que l’EI soit un jour éliminé, quel est l’objectif politique des Occidentaux au Moyen-Orient ? Quid de la Syrie, de l’Irak, du Kurdistan ? Ne doit-on pas s’attendre, à plus ou moins long terme, à une modification de certaines frontières, définies il y a un siècle par la France et la Grande-Bretagne (accords secrets Sykes-Picot) dont le principal souci était de délimiter leurs zones d’influence et certainement pas l’intérêt des populations locales ?

Est-ce vraiment celui des Occidentaux de s’immiscer dans les querelles entre sunnites et chiites – ce que craignait déjà Colin Powell à l’issue de la guerre du Golfe en 1991 – ou encore entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, alors qu’ils ont été et sont toujours incapables d’“imposer” une solution au conflit israélo-palestinien, dont le général américain Zinni, envoyé spécial du Président sur place, disait, il y a dix ans, qu’il était le problème le plus urgent à régler au Moyen-Orient ?

Nul ne sait pendant combien de temps les forces aériennes de la coalition vont exécuter des tirs “ciblés” c.-à-d. sans dommages collatéraux, en attendant que Kurdes et Irakiens soient à même de reconquérir la zone irako-syrienne occupée par l’EI et, ce qui ne simplifie pas le problème, d’éliminer Bachar el-Assad. Que va donc faire exactement la coalition dans cette galère ?

Je ne suis pas certain que cet EI constitue une menace sérieuse pour l’Europe mais cette effervescence permanente au Moyen-Orient incite à réfléchir sur l’avenir de cet îlot de paix qu’est l’UE où l’ambiance politique n’est pas bonne. Jean-Claude Juncker a même déclaré au Parlement européen qu’il présidait la Commission de la dernière chance. En effet, des forces centrifuges disloquent peu à peu la cohésion de cette Europe où l’égoïsme sacré des Etats nations reprend de plus en plus le dessus. Et pourtant, comment ne pas être d’accord avec Pierre Defraigne qui, récemment, terminait un article sur le monde futur et le conflit potentiel entre la Chine et les USA en écrivant : “Qui mieux qu’une Europe unie et forte, c.-à-d. dotée aussi d’une défense commune pour asseoir sa crédibilité, pourrait penser un multilatéralisme adapté au monde multipolaire en émergence ? Y a-t-il une meilleure raison de faire l’Europe politique que de contribuer à la paix du monde ?”
(3)

Pour cela cependant, il faut :

1. que les dirigeants européens cessent de jouer aux “princes-souverains” du Finistère de l’Eurasie;

2. que l’Otan subisse une profonde transformation car une défense européenne véritable ne peut être mise sur pied dans le cadre de la structure actuelle de l’organisation.

Ceci n’est certes pas pour demain, mais, dans l’immédiat, le nouveau président de la Commission pourrait proposer la suppression immédiate des sanctions contre la Russie dont l’efficacité reste à démontrer et qui sont d’abord la conséquence d’un lamentable échec de la diplomatie européenne. N’en déplaise à certains, la paix et la stabilité en Europe dépendent de relations correctes avec la Russie.

Pour terminer, revenons à cette drôle de guerre contre l’EI et évoquons un instant ce “terrorisme” des radicaux – islamistes dont nous sommes menacés constamment et d’une manière peut-être trop émotionnelle. Faisons quand même confiance aux services de sécurité européens et aux mesures déjà prises pour protéger au mieux nos populations.

Et fasse Dieu, dirait Aboul Fida, qu’Il ne serve plus jamais d’alibi à des hommes pour tuer leurs semblables. Ne nous faisons pas d’illusions cependant. En 1919, le géographe anglais H. J. Mackinder écrivait : “La tentation du moment est de croire qu’une paix perpétuelle découlera logiquement de la lassitude des hommes face à la guerre. Pourtant, les tensions internationales renaîtront…”
(4)

Vingt ans plus tard, c’était la Seconde Guerre mondiale et en 2014, certains partent toujours à la guerre en criant : Dieu ou Allah donne-nous la victoire !

(1) Aux Ed. Jean-Claude Lattès. 1983. (2) Il l’a perdue ou conservée ce 4 novembre. (3) “La Libre” du 28 août. (4) Cité par R. D. Kaplan dans “La revanche de la géographie” aux Ed. du Toucan. 2014.

Source : lalibre.be

Source: http://www.les-crises.fr/drole-de-guerre-contre-letat-islamique-par-francis-briquemont/


[Reprise] La leçon du G20 et le jeu de la Russie, par Philippe Grasset

Sunday 30 November 2014 at 01:00

Reprise d’un article de Dedefensa

Commençons par ce qui n’est pas d’actualité. Il s’agit d’un article du professeur James Petras, Bartle Professor (Emeritus) de sociologie à l’université de Birmingham dans l’État de New York, USA, le 12 novembre 2014 sur le site 4thMedia.org. Il s’agit d’une analyse de l’évolution de la Russie depuis la chute du Mur et la fin de l’URSS, pour aboutir aux possibilités de l’actuelle Russie de Poutine de s’adapter de façon constructive, voire offensive (ou contre-offensive) aux conditions créées par les sanctions économiques. Petras est de l’avis de Yevgeny Primakov (qui n’est pourtant pas un conservateur poutinien), dite sur Itar-Tass le 27 octobre 2014, qui confirme la version de l’agression du bloc BAO au travers de sa politique des sanctions perçue comme un acte de guerre («The aim of anti-Russian economic sanctions is to weaken Russia, corner us, put into practice the idea of a “color revolution” in our country»)

Petras développe une analyse extrêmement stricte, qui prend en compte tous les événements de l’ère eltsinienne, l’intervention du capitalisme sauvage international sous coordination américaniste, l’effondrement des conditions économiques et sociales, etc. Il reconnaît à Poutine une très grande réussite dans son entreprise de relèvement du pays mais juge que la méthode employée a comporté plusieurs points de faiblesse qui rendent aujourd’hui la Russie vulnérable aux sanctions. L’illustration de la faiblesse principale de la méthode poutinienne a été son comportement vis-à-vis des oligarques qui avaient amassé leur fortune durant les années 1990. Poutine a attaqué les “politiques” (ceux qui ont fait de l’activisme globalisant et considéré comme antirusse, et antipoutinien, à partir de leurs fortunes), les éliminant souvent en les forçant à émigrer, mais il n’a guère pris de mesures contre les oligarques “économiques”, ceux qui n’avaient pas de projet politique et se sont rangés du côté du pouvoir poutinien. Aujourd’hui, ces oligarques “économiques” sont en difficultés ou deviennent suspects du point de vue politique, parce que l’essentiel de leurs fortunes est investie dans le bloc BAO. Finalement, la méthode poutinienne n’a pas été très différente pour l’économie russe elle-même, et elle montre aujourd’hui sa faiblesse à cause des liens de dépendance économique établis avec le bloc BAO. Voici comment Petras conclut cette longue analyse de la situation russe face aux sanctions, – ou comment s’en sortir…

»First and foremost Russia must diversify its economy; it must industrialize its raw materials and invest heavily in substituting local production for Western imports. While shifting its trade to China is a positive step, it mustnot replicate the previous commodities (oil and gas) for manufactured goods trading pattern of the past.

»Secondly, Russia must re-nationalize its banking, foreign trade and strategic industries, ending the dubious political and economic loyalties and rentier behavior of the current dysfunctional private ‘capitalist’ class. The Putin Administration must shift from oligarchs to technocrats, from rentiers to entrepreneurs, from speculators who earn in Russia and invest in the West to workers co-participation– in a word it must deepen the national,public, and productive character of the economy. It is not enough to claim that oligarchs who remain in Russia and declare loyalty to the Putin Administration are legitimate economic agents. They have generally disinvested from Russia, transferred their wealth abroad and have questioned legitimate state authority under pressure from Western sanctions.

»Russia needs a new economic and political revolution – in which the government recognizes the West as an imperial threat and in which it counts on the organized Russian working class and not on dubious oligarchs. The Putin Administration has pulled Russia from the abyss and has instilled dignity and self-respect among Russians at home and abroad by standing up to Western aggression in the Ukraine. From this point on, President Putin needs to move forward and dismantle the entire Yeltsin klepto-state and economy and re-industrialize, diversify and develop its own high technology for a diversified economy. And above all Russia needs to create new democratic, popular forms of democracy to sustain the transition to a secure, anti-imperialist and sovereign state.

»President Putin has the backing of the vast majority of Russian people; he has the scientific and professional cadre; he has allies in China and among the BRICs; and he has the will and the power to “do the right thing”. The question remains whether Putin will succeed in this historical mission or whether, out of fear and indecision, he will capitulate before the threats of a dangerous and decaying West.»

Cette voie que recommande Petras, la réunion du G20 de Brisbane a montré à Poutine qu’elle était de plus en plus inévitable. Rien, absolument rien ne peut être attendu des dirigeants du bloc BAO, qui se tiennent les uns les autres dans un même réseau serré d’obligations fondamentales de radicalisme dont la crise ukrainienne a fait une prison hermétique. Il n’y a aucun argument, aucune raison, aucun espoir de négociation à attendre, et même, à notre sens, l’idée de diviser l’Europe et les USA, – qui sont également fautifs, avec l’UE en tête, dans cette affaire, – est complètement vaine. Le départ avancé de Poutine de Brisbane (voir le Guardian du 16 novembre 2014), d’ailleurs présenté comme étant une mesure de simple efficacité, sans aucune appréciation officielle de critique, ne fait finalement qu’acter une évidence. Tous les sommets et rencontres des processus internationaux et transnationaux dans lesquels le bloc BAO est partie prenante, et où le bloc BAO parvient, soit par le nombre, soit par la préséance de l’organisation (si un membre du bloc est organisateur de la rencontre), à maîtriser et à orienter la communication, devient automatiquement un théâtre de communication dont le seul but est d’accréditer la narrative du bloc BAO. Les arguments sont d’une nullité consternante, les attitudes dignes de l’agitation de jeunes élèves dans une cour de récréation d’école primaire, lorsque se font les rassemblements conformistes où chacun veut briller plus que l’autre en rajoutant sur la sottise originelle.

Ce phénomène quasi-stupéfiant d’infantilisme de comportement est devenu aujourd’hui écrasant, étouffant, bloquant tout dialogue possible, parce que la narrative dominante est celle de l’Ukraine, et qu’elle est absolument construite sur des fondations sans aucun rapport avec la réalité, illustrant des événements également sans rapport avec la réalité. Lorsque deux interlocuteurs se rencontrent et que l’un dit à l’autre “Je vous serre la main mais n’entame une conversation constructive que si vous retirez vos troupes d’Ukraine”, et que l’autre lui répond “Mais je n’ai aucune troupe en Ukraine, comment voulez-vous que je rencontre votre demande” (on notera qu’en exposant cela, nous ne prenons pas position, même si notre position est connue), – on se trouve dans une situation schizophrénique qui n’a aucune issue, où les deux mondes ainsi définis n’ont aucune chance de se rencontrer. Et ce phénomène n’est pas accessoire, il n’est pas “pour la galerie”, “pour les médias”, etc., il est fondamental notamment dans l’attitude du bloc BAO, – parce que le bloc BAO ne peut tenir sa cohésion, sa position, son standing, son “rang” si l’on veut qu’en ne cédant pas un pouce de sa narrative. Il en est aujourd’hui le prisonnier plus que jamais, alors qu’il en a été au départ la dupe plus encore que le constructeur conscient.

Cette situation générale implique que toutes les démarches de Poutine pour parvenir à un arrangement sont absolument vouées à l’échec. Ce n’est pas un constat bien nouveau, certes, mais ce qui est remarquablement nouveau c’est la constance avec laquelle ce constat ne cesse de se renforcer. Comme on observe la situation, nous dirions que la seule issue se trouve dans une “sortie vers le haut”, c’est-à-dire une tension, un affrontement, une crise-dans-la-crise, une crise-au-dessus-de-la-crise, etc., dans des domaines autres que la seule situation ukrainienne (du cas du Mistral à celui de la dédollarisation, à celui de l’évolution des BRICS, il ne manque pas de champs de manœuvre dans ce sens), où des intérêts essentiels de membres du bloc BAO peuvent se trouver en opposition à cette occasion, conduisant à des divergences significatives de position vis-à-vis de la Russie. En attendant, Poutine n’a qu’une seule issue, qui s’imposera de plus en plus à lui, qui est celle de chercher systématiquement un renforcement de la position russe dans des postures étrangères au bloc BAO, ou antagonistes du bloc BAO. Du point de vue russe, c’est dans ce contexte que les observations du professeur Petras deviennent intéressantes, notamment ce paragraphe où il recommande une “nouvelle révolution économique et politique”, – qui pourrait être vue comme une seconde démarche gorbatchévienne, – la première ayant servi à sortir la Russie de l’emprise du Système par l’attaque et la destruction de la bureaucratie soviétique, la seconde, celle de Poutine, allant dans le sens de sortir la Russie de l’emprise du Système par l’attaque et la destruction de de la restructuration capitaliste et corruptrice forcée des années 1990…

«La Russie a besoin d’une nouvelle révolution économique et politique, – à l’occasion de laquelle le gouvernement doit identifier l’Ouest comme une menace impérialiste et pour laquelle il s’appuiera sur une organisation des forces russes du travail et non plus sur des oligarques douteux et suspects. L’administration Poutine a sorti la Russie des abysses et a à réappris aux Russes la dignité et le respect d’eux-même, chez eux autant qu’à l’extérieur en tenant tête à l’agression occidentale en Ukraine. Appuyé sur cette fondation, le président Poutine doit aller de l’avant et démanteler entièrement les structures corrompues de l’État eltsinien et de son économie, pour ré-industrialiser, diversifier et développer ses hautes technologies dans une économie rénovée. Par-dessus tout, la Russie doit créer une nouvelle démocratie, une forme populaire de démocratie pour soutenir cette transition vers un État souverain et anti-impérialiste…»

A cette lumière, nous dirions que le conseil est effectivement bon, mais avec deux ajouts qui pourraient paraître contradictoires et qui seraient éventuellement plutôt complémentaires : le premier, que cette voie est en train de se dessiner peut-être plus vite que ne le croit Petras, sous la pression des événements, parce qu’elle devient la seule échappée possible pour Poutine qui devra s’appuyer de plus en plus et de plus en plus rapidement sur une sorte de souverainisme populiste en s’ouvrant sur ses alliés type-BRICS pour résister aux pressions du bloc BAO ; le second, qu’une amorce d’évolution dans ce sens, ou une évolution déjà en route, susciterait, si elle n’apprête déjà à le susciter, des remous suffisants pour précipiter certains de ces événements que nous évoquions pour une “sortie vers le haut” de la crise ukrainienne, c’est-à-dire vers une crise internationale plus grave encore qui secouerait gravement la cohésion du bloc BAO et certaines situations intérieures de pays du bloc BAO.

Quoi qu’il en soit des calculs des uns et des autres, le jeu de la Russie (dans le sens où l’archi-gaulliste Philippe de Saint-Robert parlait du Jeu de la France) est aujourd’hui d’une importance vitale, non seulement pour la Russie certes, mais bien au-delà, pour l’équilibre et le sort du Système. D’un point de vue absolument objectif et nécessairement métahistorique, le jeu de la Russie n’a de réelle importance que dans la mesure de ses effets sur l’équilibre et le sort du Système. Il n’est pas sûr que cela convienne aux plans et à la prudence de Poutine, mais cela nous paraît une nécessité métahistorique qui écarte tout le reste.

Source : dedefensa.org

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-la-lecon-du-g20-et-le-jeu-de-la-russie-par-philippe-grasset/


Revue de presse internationale du 30/11/2014

Sunday 30 November 2014 at 00:01

La revue de presse internationale du dimanche, avec un grand merci à tous nos contributeurs. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-30112014/


Encore un xénophobe subventionné : Grégoire Leménager

Saturday 29 November 2014 at 20:47

Comme c’est juste sidérant de xénophobie, le texte du critique littéraire de l’Obs se passe du moindre commentaire…

Dans la rubrique Culture !

Bientôt “Comment peut-on aimer l’Allemagne ?” et “”Comment peut-on aimer Israël ?”

Oh, les Russes, quand est-ce que vous aller créer une association de lutte contre le racisme et la xénophobie afin qu’elle puisse attaquer devant les tribunaux ce genre de Céline d’un nouveau temps ?

Comment peut-on aimer la Russie ?

Publié le 29/11/2014

Rolin, Carrère, Volodine, Enard… Malgré les crimes de Staline et la menace Poutine, on ne compte plus les écrivains français qui restent fascinés par l’ex-URSS. Explications.

Je rappelle au passage que l’Ukraine était dans l’URSS…

La Russie fait froid dans le dos. C’est dans tous nos journaux. Elle envahit ses voisins, cultive l’homophobie, verrouille la liberté de la presse, soutient les partis d’extrême droite et de féroces dictateurs qui bombardent leur peuple. Son passé sanguinaire, plein de tsars cruels et de crimes staliniens, complète ces détails charmants. Voilà un moment que l’espoir ne se levait plus à l’Est; Poutine lui a rendu son visage d’épouvantail menaçant.

Je suis de très près, heure par heure, la guerre en Ukraine,raconte le nouveau prix Médicis Antoine Volodine, qui a beaucoup séjourné en URSS des années 1960 aux années 1980. Et les Russes que je connais, effrayés par l’ultranationalisme, pensent à s’exiler.

Mais ici, il y a une russophobie très forte. L’antisoviétisme était déjà une russophobie avant la chute du Mur. Puis la pagaille qui a suivi a été regardée avec sympathie en Occident. Aujourd’hui, dans les analyses du rôle de Poutine en Crimée, en Ukraine, réapparaît le même vieux fond de peur et de détestation des Russes.

Comment peut-on être russophile dans un contexte pareil? Il y a pourtant encore des gens qui regardent ce pays comme une destination fascinante. Ce sont nos écrivains. La Russie leur fait froid dans le dos, mais chaud au coeur. Ils lui consacrent des romans, des récits de voyage, des enquêtes, des «dictionnaires amoureux». Ils rêvent, comme Olivier Rolin, Emmanuel Carrère ou Mathias Enard, de maîtriser la langue de Tolstoï comme d’autres rêvent de finir leurs jours aux Caraïbes.

Ils sont invités, comme Patrick Besson ou Yann Moix, au premier salon Russkaya Literatura, qui s’est tenu ce mois-ci dans le Marais à Paris avec la bénédiction de l’ambassade de Russie : on ne les y a pas vus, mais, à quelques pas d’une buvette qui servait des pirojki à 2 euros, Michel Crépu rappelait que «la Russie a toujours été un objet d’attention privilégié» de sa «Revue des deux mondes»; et le jeune Cédric Gras, domicilié à Donetsk après des années de Sibérie et de Yakoutie, a fait l’éloge d’une Russie plurielle tout en lâchant qu’elle lui «pose des problèmes quand elle veut s’étaler en Ukraine».

Le panel russophile est varié. Sans même parler d’Andreï Makine, qui est russe, il va de Dominique Fernandez au Frédéric Beigbeder d’«Au secours pardon» (2007), et de Sylvain Tesson à Christian Garcin. L’Etat russe a même su en encourager certains lorsqu’il a organisé, avec le Quai-d’Orsay, un grand pèlerinage littéraire à bord du Transsibérien en 2010. Ça a payé. « Un paquet de la littérature contemporaine sur le sujet en est sorti», ironise aujourd’hui un des participants. Le train «Blaise Cendrars» a notamment inspiré Maylis de Kerangal, Sylvie Germain, Mathias Enard, Danièle Sallenave.

La Russie coloniserait-elle notre littérature ? Rien que cet automne, elle a projeté son ombre sur «Avis à mon exécuteur», roman d’espionnage historique signé Romain Slocombe (Robert Laffont), mais aussi sur «le Royaume» de Carrère (P.O.L), où l’auteur d’«Un roman russe» et de «Limonov» ne manque pas une occasion de comparer les débuts du christianisme à ceux du bolchevisme.

Elle a offert son décor post-apocalyptique au puissant «Terminus radieux» d’Antoine Volodine (Seuil). Elle s’est même faufilée dans le «Viva» mexicain de Patrick Deville (Seuil), qui semble y avoir pris beaucoup de plaisir à retracer l’itinéraire de Trotski et ses souvenirs personnels du Transsibérien.

Elle est enfin au coeur du «Météorologue» (Seuil, encore), un des plus beaux livres de la saison, où Olivier Rolin retrace avec une sobriété poignante la destinée d’Alexeï Féodossévitch Vangengheim: un martyr ordinaire du Goulag qui croupit dans les îles Solovki de 1934 à 1937, sans pour autant renier l’idéal révolutionnaire, avant d’être exécuté avec 1115 autres malheureux dans le plus grand secret.

Le cas de Rolin est un des plus intéressants, sinon des plus symptomatiques. Pour son enquête, cet ancien mao de la Gauche prolétarienne s’est rendu à Moscou, aux Solovki, sur les lieux d’un charnier découvert en 1997, et dans les locaux pétersbourgeois de l’ONG Memorial, où «il y a une porte blindée épaisse comme ça parce qu’on craint des gens payés par le FSB».

Avec un ami traducteur, il a épluché les lettres de Vangengheim à sa femme et sa fille, des exemplaires de la «Pravda», les PV d’interrogatoire du NKVD. A la fin de son livre, il s’interroge:

Qu’est-ce qui m’intéresse dans ce pays, qui fait si peu d’efforts pour être aimable et qui d’ailleurs ne séduit personne – c’est une litote – dans la partie du monde où j’habite? Personne, ni moi non plus, d’ailleurs.

On le retrouve dans un restaurant parisien. Il est le premier surpris par sa propre passion: voilà «bientôt trente ans» qu’il «[s]‘entête» à aller là-bas. Son frère, l’écrivain Jean Rolin, qui a lui-même un peu fréquenté les faubourgs moscovites et leurs chiens errants, lui donne du «ton ami Poutine» quand il veut se moquer de lui.

C’est pour rigoler, dit Olivier. Je ne suis pas du tout un ami de Poutine, même si je suis un peu surpris qu’il soit devenu à ce point le grand Satan. Mais il y a une chose à saisir avant de présenter les Russes comme une bande d’ivrognes et de fascistes dirigés par des ploutocrates.
Ils avaient un très grand empire. Ils l’ont dissous à peu près sans un coup de feu – ce qui n’est pas notre cas à nous, Français. Qu’ils aient la nostalgie d’un pays plus puissant ne me semble pas un crime.
Quand on lit “la Fin de l’homme rouge”, de Svetlana Alexievitch, c’est bouleversant. Elle parle de gens formidables qui disent: “On avait un grand pays, on l’a vendu pour des jeans et des Mercedes.” Ce n’est pas réactionnaire. C’est même plutôt progressiste, de regretter un pays où on pensait construire le communisme.

Son premier voyage à lui, c’était en 1986. Rolin avait pris quelques mois de leçons de russe pour partir, seul, dans ce qui s’appelait encore l’URSS. Il ne se faisait «aucune illusion sur le système soviétique», il voulait juste «dire à quoi ressemble un bistro, ce genre de choses». Tout simplement. Ce n’était pas simple.

C’était le tout début de la possibilité de voyager seul. Même à Leningrad, quand je voulais aller au restau le soir, une espèce de portier me disait: “Adin?” (Seul?).
Je répondais : ”Adin.” Il n’en revenait pas. Il n’avait jamais vu ça. Il n’y avait que des tables avec des comités d’entreprise, des syndicats… 

Rolin en avait alors rapporté un récit, «En Russie», en songeant qu’il n’y remettrait jamais les pieds. Il n’a cessé d’y retourner. Son admiration pour Tolstoï, Tchekhov et Vassili Grossman avait préparé le terrain (il«déteste» Dostoïevski, «grand écrivain slavophile, antisémite et anti-Lumières qui incarne ce que je n’aime pas dans la Russie»). Le pays de la vodka a su le prendre par les sentiments:

Ça a quelque chose d’enfantin, mais l’immensité de la Russie reste fascinante, avec ses 9000 kilomètres de Transsibérien et sa dizaine de fuseaux horaires.

Et puis c’est «un sac d’histoires incroyables», avec des aventuriers comme ce «Baron sanglant» qui apparaît dans «Corto Maltese en Sibérie» et qui, en 1920, mit la main sur la Mongolie avec le projet dingo de rétablir une théocratie en Russie, puis en Europe.

Et l’âme russe, alors ? Tchekhov a déjà répondu:

Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez rien. Cette fameuse âme russe n’existe pas. Les seules choses tangibles en sont l’alcool, la nostalgie et le goût pour les courses de chevaux. Rien de plus, je vous assure. 

Mathias Enard le cite en épigraphe de son saisissant roman éthylico-ferroviaire, «l’Alcool et la Nostalgie» (Inculte, 2011). Lui aussi est d’abord sensible à une géographie:

C’est un pays où on peut aller jusqu’au Pacifique à pied, comme une frontière interminable entre l’Europe et autre chose. Le Goulag n’en est que plus terrifiant : la déportation, qui commence au XIXe siècle, consistait à exiler les gens dans son propre territoire. Comme si on vous envoyait en Lorraine… Ça en dit long sur l’image qu’un pays a de soi.

Cette question du Goulag, souligne enfin Rolin, est capitale. Elle fait de la Russie à la fois le berceau et le cimetière de l’idée de révolution au XXe siècle, avec des millions de victimes trop souvent recouvertes de silence, là-bas comme ici.

Je n’ai jamais été fasciné par l’URSS, précise-t-il. Et ma génération, qui a pensé, dit et fait bien des sottises, ne peut être accusée d’avoir fermé les yeux sur le Goulag. Pourtant je me sens atteint par la cécité des intellectuels français. Elle me semble avoir été plus grande que dans tout autre pays. On n’a pas eu d’Orwell. L’hostilité de Sartre à Pasternak, quand il a reçu le Nobel en 1958, m’est restée en travers de la gorge.

Et s’il y avait aussi, dans la russophilie des écrivains contemporains, l’expression diffuse d’une repentance? Un sanglot de l’homme occidental se découvrant indirectement complice des massacres staliniens?

Rolin boucle son récit sur ces mots glaçants :

Nous nous alarmons aujourd’hui à bon droit des risques de voir l’inhumain reparaître en Russie, mais nos alarmes seraient plus crédibles si nous avions prêté attention à ce qui dans l’histoire de ce pays fut humain, et cette humanité fut d’abord celle des victimes.

Volodine nuance :

Moi qui ai vécu le quotidien soviétique, je reste, comme mes personnages, attaché à une morale fraternitaire et libertaire, mais je n’ai jamais fait allégeance au stalinisme. Donc ce poids de culpabilité, je ne l’ai absolument pas.

Et Enard, lui, n’est pourtant pas si loin de penser comme l’auteur du «Météorologue» et de «Tigre en papier»:

Rolin a rêvé du Grand Soir, cet imaginaire-là est moins puissant dans ma génération. Mais la terre russe est bien un immense cimetière: partout on marche sur des soldats, des gens qui ont construit les routes et les voies ferrées. On a du mal à l’assumer, mais ça pourrait bien faire partie de l’histoire de l’Europe.

Qu’on le veuille ou non, on n’en a pas fini avec la Russie.

Grégoire Leménager

A noter : Olivier Rolin, Antoine Volodine et plusieurs autres écrivains français participeront, fin janvier 2015, au prochain festival RussenKo au Kremlin-Bicêtre.  

Article paru dans “l’Obs” du 20 novembre 2014.

Source : L’Obs

Source: http://www.les-crises.fr/encore-un-xenophobe-subventionne-gregoire-lemenager/