les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

Le mouvement illusoire de Bernie Sanders, par Chris Hedges

Sunday 13 March 2016 at 03:35

Allez un article avec une vision différente pour changer

Source : Le Partage, Chris Edges, 22-02-2016

bern-777x437

chris_hedgesArticle original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 14 février 2016.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.


Bernie Sanders, qui s’est attiré la sympathie de nombreux jeunes universitaires blancs, dans sa candidature à la présidence, prétend créer un mouvement et promet une révolution politique. Cette rhétorique n’est qu’une version mise à jour du « changement » promis en 2008 par la campagne de Barack Obama, et avant cela par la Coalition National Rainbow de Jesse Jackson. De telles campagnes électorales démocratiques, au mieux, élèvent la conscience politique. Mais elles n’engendrent ni mouvements ni révolutions. La campagne de Sanders ne sera pas différente.

Aucun mouvement ni aucune révolution politique ne se construiront au sein du parti démocrate. L’échec répété de la gauche états-unienne à comprendre la fourberie du jeu des élites politiques, fait d’elle une force politique stérile. L’histoire, après tout, devrait servir à quelque chose.

Les Démocrates, comme les Républicains, n’ont pas intérêt à mettre en place de véritables réformes. Ils sont liés au pouvoir corporatiste. Ils sont dans l’apparence, mais n’ont pas de substance. Ils parlent le langage de la démocratie, et même du réformisme libéral et du populisme, mais empêchent obstinément la réforme sur le financement des campagnes, et font la promotion d’un ensemble de politiques, dont les nouveaux accords commerciaux, qui dépossèdent affaiblissent les ouvriers. Ils truquent les élections, non seulement avec de l’argent, mais aussi avec des soit-disant superdélégués — plus de 700 délégués qui n’ont aucun compte à rendre, parmi plus de 4700 au congrès démocrate. Sanders a peut-être remporté 60% des voix au New Hampshire, mais il a fini avec moins de délégués d’état que Clinton. Un avant-goût de la campagne à venir.

Si la nomination de Sanders est rejetée — la machine Clinton et l’establishment du Parti Démocrate, ainsi que leurs maitres marionnettistes corporatistes, utiliseront les subterfuges les plus bas pour s’assurer qu’il perde — son soit-disant mouvement et sa révolution politique s’évanouiront. Sa base mobilisée, et c’était aussi le cas lors de la campagne d’Obama, sera fossilisée en listes de donateurs et de bénévoles. Le rideau tombera dans un tonnerre d’applaudissements, jusqu’au prochain carnaval électoral.

o-sanders-web0719

Le Parti Démocrate est entièrement solidaire de l’état corporatiste. Cependant, Sanders, bien que critique vis-à-vis des honoraires de conférences exorbitants d’Hillary Clinton auprès de firmes comme Goldman Sachs, refuse de dénoncer le parti et les Clintons — comme Robert Scheer l’a souligné dans une colonne en Octobre — pour leur rôle de majordomes de Wall Street. C’est un mensonge par omission, ce qui cependant reste un mensonge, de la part de Sanders. Et c’est un mensonge qui rend le sénateur du Vermont complice du jeu de dupe orchestré par l’establishment du Parti Démocrate, et dont l’électorat états-unien est victime.

Les partisans de Sanders pensent-ils pouvoir disputer le pouvoir à l’establishment du Parti Démocrate, et ainsi le transformer ? Pensent-ils que les forces sur lesquelles repose le véritable pouvoir — le complexe militaro-industriel, Wall Street, les corporations, l’état sécuritaire et de surveillance — peuvent être renversées par la campagne de Bernie Sanders ? Pensent-ils que le Parti Démocrate autorisera que sa direction soit dirigée par des procédures démocratiques ? N’acceptent-ils pas le fait qu’avec la destruction des organisations syndicales, du mouvement anti-guerre, du mouvement pour les droits civiques, et du mouvement progressiste — une destruction souvent orchestrée par les organes de sécurité comme le FBI — ce parti ait viré à droite au point de n’être aujourd’hui qu’un remake de l’ancien Parti Républicain ?

Les élites utilisent l’argent, ainsi que le contrôle qu’ils ont sur les médias, les tribunaux et le corps législatif, leurs armées de lobbyistes et de « think tanks », pour invalider le vote. Nous avons subi, comme John Ralston Saul l’a écrit, un coup d’état corporatiste. Il ne reste aucune institution, au sein de la société civile, qui puisse être qualifiée de démocratique. Nous ne vivons pas dans une démocratie capitaliste. Nous vivons dans ce que le philosophe politique Sheldon Wolin appelle un système de « totalitarisme inversé ».

En Europe, le Parti Démocrate états-unien serait un parti d’extrême droite. Le Parti Républicain serait un parti extémiste. Il n’y a pas de classe politique libérale — et encore moins de gauche ou progressiste — aux États-Unis. La croissance des groupes protofascistes ne prendra fin que lorsqu’un mouvement de gauche soutiendra une militance sans équivoque pour défendre les droits des ouvriers et entreprendre la destruction du pouvoir corporatiste. Tant que la gauche se soumet à un Parti Démocrate qui se targue de valeurs libérales tout en obéissant aux intérêts corporatistes, elle se détruira elle-même ainsi que les valeurs qu’elle prétend représenter. Elle attisera la rage justifiable du sous-prolétariat, et particulièrement du sous-prolétariat blanc, et renforcera les forces politiques les plus rétrogrades et racistes du pays. Le fascisme prospère non seulement grâce au désespoir, à la trahison et la colère, mais aussi au libéralisme en faillite.

Le système politique, comme nombre de supporters de Sanders vont le découvrir, est immunisé contre les réformes. La seule résistance efficace sera le fait d’actes massifs de désobéissance civile soutenue. Les Démocrates comme les Républicains ont l’intention de continuer l’assaut contre nos libertés civiles, l’expansion des guerres impérialistes, le pouponnage de Wall Street, la destruction de l’écosystème par l’industrie des combustibles fossiles et la paupérisation des ouvriers. Tant que les Démocrates et les Républicains restent au pouvoir, nous sommes condamnés.

La réponse de l’establishment démocrate contre toute insurrection interne, c’est de l’écraser, de la coopter et de réécrire les règles afin d’empêcher une nouvelle insurrection. Ce fut le cas en 1948 avec Henry Wallace, en 1972 avec George McGovern — deux politiciens qui, contrairement à Sanders, défièrent l’industrie militaire — et en 1984 et 1988 avec les insurrections menées par Jackson.

Corey Robin, du site web Salon, explique comment les Clintons ont pris le pouvoir à l’aide de cet agenda réactionnaire. Les Clintons, et l’establishment démocrate, écrit-il, ont rejeté l’agenda progressiste de la campagne de Jackson et ont usé de langage codé, particulièrement en ce qui concerne la loi et l’ordre, pour attirer les électeurs blancs racistes. Les Clintons et les mandarins du parti ont impitoyablement évincé ceux que Jackson avait mobilisés.

Les supporters de Sanders peuvent s’attendre à un accueil similaire. Qu’Hillary Clinton puisse mettre en place une campagne capable de faire oublier sa longue et sordide histoire politique est l’un des miracles de la propagande de masse moderne, et une preuve de l’efficacité de notre théâtre politique.

Sanders a dit que s’il n’était pas nominé, il soutiendrait le candidat du parti; il ne fera pas opposition. Si cela se produit, Sanders deviendra un obstacle contre le changement. Il récitera le mantra du « moins mauvais ». Il fera alors partie de la campagne de l’establishment démocrate visant à neutraliser la gauche.

Sanders est un démocrate en tout point, sauf en titre. Il fait partie du caucus démocrate. Il vote 98% du temps pour les Démocrates. Il soutient régulièrement les guerres impérialistes, l’arnaque corporatiste de l’Obamacare, la surveillance de masse et les budgets de défense colossaux. Il a fait campagne pour Bill Clinton lors de la course présidentielle de 1992, et lors de celle de 1996 — après que Clinton ait précipitament fait adopté l’ALENA (Accord de libre échange nord-américain), grandement étendu le système d’incarcération de masse et détruit les aides sociales — et pour John Kerry en 2004. Il a appelé à ce que Ralph Nader abandonne sa campagne présidentielle en 2004. Les Démocrates reconnaissent sa valeur. Ils récompensent Sanders pour son rôle de gardien du troupeau depuis déjà longtemps.

Kshama Sawant et moi-même avons demandé à Sanders, en privé, lors d’un évènement à New York où il faisait une apparition, la nuit précédant la marche pour le climat de 2014, pourquoi il ne se présentait pas en tant qu’indépendant à la présidence. « Je ne veux pas finir comme Ralph Nader », nous a-t-il répondu.

Sanders avait raison. La structure de pouvoir démocratique a passé un arrangement avec lui. Elle ne présente pas de candidat sérieux contre lui dans le Vermont pour son siège de sénateur. Sanders, en contrepartie de cet accord Faustien, constitue le principal obstacle à la création d’un troisième parti viable dans le Vermont. Si Sanders défiait le parti démocrate, il se verrait privé de sa séniorité au Sénat. Il perdrait sa présidence de commissions. Le parti machine le transformerait, à l’instar de Nader, en paria. Il l’expulserait hors de l’establishment politique. Sanders a probablement considéré sa réponse comme un arrangement pratique vis-à-vis d’une réalité politique. Mais il a aussi admis sa lâcheté. Nader a payé le prix fort pour son courage et son honnêteté, mais il n’était pas un raté.

Sanders, selon moi, sait parfaitement que la gauche est brisée et désorganisée. Les deux partis ont créé d’innombrables obstacles à la naissance de partis tiers, en commençant par les évincer des débats, puis en défiant leurs listes électorales, pour les empêcher de participer aux votes. Le parti Vert est mutilé de l’intérieur par des dissensions et des dysfonctions endémiques. Dans de nombreux états, il est représenté majoritairement par une population blanche vieillissante, prisonnière de cette nostalgie narcissique autoréférentielle des années 1960.

Pour voir la vidéo : Bernés par Bernie (Stimulator – février 2016) 

J’ai discuté, il y a trois ans, au maigre rassemblement d’état du parti Vert dans le New Jersey. Je me suis senti comme un personnage du roman de Mario Varga Llosa « La Vraie Vie d’Alejandro Mayta ». Dans ce roman, Mata, un idéaliste naïf, subit les humiliations des petites sectes belligérantes non pertinentes de la gauche péruvienne. Il en est réduit à organiser des réunions dans un garage avec sept révolutionnaires autoproclamés qui composent le RWP(T) — le parti des travailleurs révolutionnaires (trotstkiste) — un groupe dissident du parti marginal des Travailleurs Révolutionnaires. « Empilés contre les murs », écrit Llosa, « il y avait des piles de « Voix du Peuple » et de prospectus, de manifestes et de déclarations incitant à la grève ou la condamnant, qu’ils n’avaient jamais trouvé le temps de distribuer ».

Je suis pour une révolution, un mot que Sanders aime marteler, mais je suis pour une révolution véritablement socialiste, qui détruise l’establishment corporatiste, y compris le parti Démocrate. Je suis pour une révolution qui exige le retour de la régulation par les lois, et pas juste pour Wall Street, mais pour ceux qui mènent des guerres préventives, qui ordonnent l’assassinat de citoyens états-uniens, qui permettent à l’armée d’établir un contrôle domestique et de détenir indéfiniment des citoyens sans aucune forme de procès, et qui favorisent la surveillance totale des citoyens par le gouvernement. Je suis pour une révolution qui place l’armée, ainsi que l’appareil de sécurité et de surveillance, y compris la CIA, le FBI, le département de sécurité intérieure et la police, sous le contrôle strict de la société civile, et qui réduise drastiquement leurs budgets et pouvoirs. Je suis pour une révolution qui abandonne l’expansion impérialiste, en particulier au Moyen-Orient, et qui rende impossible le profit par la guerre. Je suis pour une révolution qui nationalise les banques, l’industrie de l’armement, les compagnies et services d’énergie, qui brise les monopoles, détruise l’industrie des combustibles fossiles, finance les arts et la radiodiffusion publique, fournisse le plein emploi et l’éducation gratuite, y compris universitaire, annule toutes les dettes étudiantes, bloque les saisies bancaires et les saisies de maisons, garantisse la gratuité et l’universalité des soins publics et un revenu minimum pour ceux qui ne peuvent travailler, en particulier les parents seuls, les handicapés et les personnes âgées. La moitié du pays, après tout, vit maintenant dans la pauvreté. Aucun de nous n’est libre.

La lutte sera longue et désespérée. Elle exigera une confrontation ouverte. La classe des milliardaires et les oligarques corporatistes ne peuvent être domptés. Ils doivent être renversés. Ils seront renversés dans les rues, pas dans une salle des congrès. Les salles de congrès, c’est là où la gauche va mourir.

Chris Hedges


Traduction: Nicolas Casaux

Édition & Révision: Maria Grandy, Héléna Delaunay

Source : Le Partage, Chris Edges, 22-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-mouvement-illusoire-de-bernie-sanders-par-chris-hedges/


Comment la Turquie exporte le pétrole de Daech dans le monde : la preuve scientifique

Sunday 13 March 2016 at 02:10

13Source : Zero Hedge, le 28/11/2015

Au cours de ces quelques dernières quatre semaines, les médias ont prêté une attention particulière au commerce lucratif de pétrole brut “volé” de l’État islamique.

Le 16 novembre, dans un effort largement couvert par les médias, les avions de guerre américains ont détruit 116 camions citernes de Daech en Syrie. 45 minutes avant, des tracts avait été lâchés pour conseiller aux chauffeurs (dont Washington était totalement sûr qu’ils n’étaient pas eux-mêmes membres de Daech) de “sortir de leurs camions et de s’échapper.”

Leaflet_0

Ce qu’il y a de bizarre quant à ces frappes américaines est que le Pentagone ait mis presque quatorze mois à réaliser que la façon la plus efficace de paralyser le commerce de pétrole de Daech est de bombarder… le pétrole.

Avant novembre, la “stratégie” américaine tournait autour de bombardements de l’infrastructure pétrolière du groupe. Il s’avère que cette stratégie était, au mieux, d’une efficacité médiocre et il n’est pas certain qu’un effort d’information ait été fait auprès de la Maison-Blanche, du Congrès ou du public sur l’inefficacité des frappes. Il y a deux explications possibles aux raisons pour lesquelles Centcom a tenté de faire croire à une campagne plus réussie qu’elle ne l’était en réalité, I) le directeur des services secrets nationaux, James Clapper, a joué les Dick Cheney et fait pression sur le major-général Steven Grove pour qu’il fournisse des rapports triomphaux, ou II) le Pentagone et la CIA étaient satisfaits de bombardements inefficaces parce que les officiels des renseignements voulaient préserver les revenus pétroliers de Daech pour que le groupe puisse continuer à opérer comme élément déstabilisant majeur vis-à-vis du régime d’Assad.

En fin de compte, la Russie a crié à la triche au vu de la facilité avec laquelle Daech transportait son pétrole illégal et, quand il est devenu clair que Moscou était prêt à frapper les convois de pétrole du groupe, les É-U n’ont pratiquement pas eu d’autre choix que de se raccrocher à la locomotive. Les avions de guerre de Washington ont détruit 280 camions citernes supplémentaires plus tôt cette semaine. La Russie affirme avoir pulvérisé plus de 1000 véhicules de transport en novembre.

Bien sûr, la question la plus intéressante, sur les rentrées pétrolières de plus de 400 millions de dollars annuels de Daech, est : où ce pétrole finit-il et qui en facilite les livraisons ? Dans une tentative de commencer à répondre à ces questions, nous avons écrit :

Le rôle de la Turquie dans l’aide à la vente du pétrole de Daech a été débattu depuis quelque temps. Extrait de “L’OTAN est en train d’héberger l’État Islamique : pourquoi la meilleure des guerres de la France contre Daech est une mauvaise blague, et une insulte aux victimes des attaques de Paris,” par Nafeez Ahmed :

“La Turquie a joué un rôle-clé dans l’aide au nerf de la guerre de l’expansion de Daech : les ventes de pétrole sur le marché noir. Des sources politiques et du renseignement haut placées en Turquie et en Irak confirment que les autorités turques ont activement soutenu les ventes de pétrole de Daech à travers le pays. L’été dernier, Mehmet Ali Ediboglu, un député du premier parti d’opposition, le Parti républicain du peuple, a estimé les ventes de pétrole de Daech à environ 800 millions de dollars – et c’était il y a plus d’un an. Aujourd’hui, ceci implique que la Turquie a facilité la vente de plus d’un milliard de dollars de pétrole de Daech sur le marché noir.”

Voici ce que l’ex-parlementaire Ali Ediboglu a dit l’année dernière :

“Les 800 millions de dollars dont l’ÉI a disposé dans les régions qu’il occupait cette année (les champs pétroliers de Rumeilan dans le nord de la Syrie – et plus récemment à Mossoul) proviennent de la vente en Turquie. Ils ont installé des oléoducs depuis des villages proches de la frontière turque à Hatay. Des conduites similaires existent aussi dans les régions (frontalières turques) de Kilis, Urfa et Gaziantep. Ils transfèrent le pétrole en Turquie et le convertissent en argent liquide. Ils retirent le pétrole des raffineries à un coût nul. Ils utilisent des moyens ultra simples, ils raffinent le pétrole dans des zones proches de la frontière turque et le vendent ensuite via la Turquie. Tout celà à hauteur de 800 millions de dollars.

Plus tôt ce mois-ci, Ediboglou déclara aux médias russes que “L’ÉI détient la clé de ces ventes et en commun avec un certain groupe de personnes, notamment de ceux qui sont proches de Barzani et quelques hommes d’affaires turcs, ils s’occupent de vendre ce pétrole” (“Barzani” est une référence à Massoud Barzani, le président de la région kurde d’Irak).

Mais alors que les liens entre la Turquie et le commerce pétrolier de l’ÉI sont restés cachés au vu et au su de tous pendant quasiment deux ans, les médias occidentaux ignorent largement la question (ou du moins son importance et le degré de complicité du gouvernement Erdogan) car, après tout, la Turquie est membre de l’OTAN.

Malheureusement pour Ankara, la décision d’Erdogan de descendre un SU-24 russe à proximité de la frontière syrienne mardi a déclenché la colère de Vladimir Poutine, et l’a décidé à dévoiler la combine de la Turquie avec l’ÉI aux yeux du monde. Voici ce que Poutine a dit hier après une rencontre à Moscou avec le président français François Hollande :

“Des véhicules, transportant du pétrole, formaient une colonne qui s’étendait au-delà de l’horizon. Les vues ressemblent à un oléoduc vivant, s’étendant depuis les zones de Syrie contrôlées par les rebelles jusqu’en Turquie. Nuit et jour, ils roulent vers la Turquie. Les camions partent là-bas chargés et reviennent à vide. Nous parlons d’un approvisionnement en pétrole à échelle commerciale depuis les territoires syriens occupés par les terroristes. C’est depuis ces zones (que vient le pétrole) et non d’aucune autre. Et nous pouvons voir depuis le ciel, où se rendent ces véhicules.”

“Nous considérons que le pouvoir politique au sommet de la Turquie ne peut ignorer quoi que ce soit au sujet (de ce commerce de pétrole illégal) ou bien c’est très difficile à imaginer,” poursuit Poutine, qui ajoute “si le pouvoir politique au sommet n’en sait rien, ils devraient se renseigner.”

ISISErdogan_0

Poutine est de toute évidence ironique. Il est fortement convaincu que le gouvernement d’Erdogan est lourdement compromis dans le transport et la vente du pétrole par l’ÉI. Juste après l’incident du Su-24, Poutine déclara la chose suivante à propos d’Ankara :

Comme contribution à notre effort pour repérer et informer sur le commerce de pétrole par l’ÉI, nous présentons des extraits d’une étude de Georges Kiourktsoglou, professeur invité à l’Université de Greenwich à Londres et du Dr Alec D Coutroubis, professeur à l’Université de Greenwich à Londres. L’article intitulé “La porte d’entrée de l’ÉI sur les marchés mondiaux de pétrole brut” examine les courbes d’enlèvement  depuis le port de Ceyhan en vue de déterminer si le pétrole brut de l’ÉI est expédié depuis le sud-est de la Turquie.

*  *  *

De “La porte d’entrée de l’ÉI sur les marchés mondiaux de pétrole brut

Les commerciaux/intermédiaires responsables du transport et de la vente de l’or noir affrètent des convois comprenant jusqu’à trente camions vers les sites d’extraction du produit. Ils concluent leurs accords avec l’ÉI sur le site, encouragés par les rabais aux acheteurs et les facilités de paiement. De la sorte, le brut quitte les puits de l’ÉI rapidement et traverse les zones de Syrie tenues par les insurgés, l’Irak et la Turquie.

Dès lors que les raids aériens des É-U et ses alliés ne visent pas les camions de peur de provoquer des réactions de la part des populations locales, les opérations de transport se déroulent efficacement, le plus souvent en plein jour. Les acheteurs attirés par les profits élevés sont actifs en Syrie (même dans les territoires tenus par le gouvernement), en Irak et dans le sud-est de la Turquie.

Le parcours d’approvisionnement comprend les localités suivantes: Sanliura, Urfa, Hakkari, Siirt, Batman, Osmaniya, Gaziantep, Sirnak, Adana, Kahramarmaras, Adiyaman et Mardin. Ces différentes filières commerciales se terminent à Adana, domicile du principal port d’expédition pour les pétroliers du port de Ceyhan.

TradingHubsISIS

Ceyhan est une ville au sud-est de la Turquie, peuplée de 110 000 habitants dont 105 000 vivent dans la principale zone urbaine. C’est la deuxième ville de la province d’Adana par sa population, après la capitale Adana qui compte 1 700 000 habitants. Elle est traversée par la rivière Ceyhan et se trouve à 43 km à l’est d’Adana. Ceyhan est le point de convergence des oléoducs et gazoducs du Moyen-Orient, et d’Asie Centrale et de Russie (d’après la municipalité de Ceyhan 2015).

Ceyhan_0

Le port de Ceyhan est l’hôte d’un terminal pétrolier maritime situé sur la partie méditerranéenne de la Turquie qui est en fonctionnement depuis 2006. Il reçoit des hydrocarbures qui sont ensuite chargés dans des tankers qui transportent les marchandises aux marchés mondiaux.

De plus, le port est pourvu d’une jetée à cargos et d’un terminal pétrolier, chacun de 23,2 m de profondeur qui peuvent charger des tankers de plus de 500 pieds de long (Ports.com 2015). La capacité d’exportation annuelle du terminal s’élève à 50 millions de tonnes de pétrole. Le terminal est géré par Botas International Limited (BIL), une entreprise d’état turque qui gère également le pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan sur le territoire turc.

Les quantités de pétrole brut qui sont exportées au terminal de Ceyhan dépassent le volume d’un million de barils par jour. En prenant la mesure de ce contexte et étant donné que l’ÉI n’a jamais été capable d’échanger plus de 45 000 barils par jour (voir Section 2 : “Le montant du commerce de pétrole de l’ÉI”), il devient évident que la détection de quantités similaires de pétrole de contrebande ne peut avoir lieu en utilisant une méthode de comparaison comptable des stocks. Cependant les auteurs de ce papier pensent qu’il existe un autre indicateur documentaire, bien plus sensible aux quantités de pétrole de contrebande très bon marché. Ce sont les tarifs d’affrètement pour les tankers chargeant à Ceyhan.

Le Baltic Exchange (2015 a) piste les tarifs d’affrètement sur les routes de transport maritime du pétrole brut. Pour rendre son service plus efficace et facilement compréhensible, il utilise le système des Indices “Baltic Dirty Tanker” (Baltic Exchange 2015 b). Un de ces indices fut le BDTI TD 11, 80 000 à travers la Méditerranée depuis Banias en Syrie (entre Tartous et Lataquié sur la côte Syrienne) jusqu’à Lavéra en France (Étang de Berre) – Voir la Carte VI. La route 11 a été interrompue en septembre 2011, en raison de la guerre civile en Syrie et rapidement par la suite il a été remplacé par le BDTI TD 19 (TD19-TCE_Calculation 2015), avec exactement les mêmes spécifications que le BDTI TD 11, à l’exception que le port de chargement était Ceyhan au lieu de Banias.

Depuis juillet 2014 jusqu’à février 2015, la courbe de TD 19 comprend trois pics inhabituels qui ne correspondent pas aux tendances généralement observées par les autres routes maritimes commerciales du Moyen-Orient (voir graphique IV) :

  1. Le premier pic se développe du 10 au 21 juillet 2014, s’étendant sur environ 10 jours. Il coïncide avec la chute du plus grand champ de Syrie, Al Omar, aux mains d’ISIS (Reuters 2014) ;
  2. Le second pic a lieu de la fin d’octobre à la fin de novembre 2014, sur environ un mois. Il arrive en même temps que des combats acharnés entre les fondamentalistes et l’armée syrienne pour le contrôle des gisements gaziers de Jhar et Mhar, ainsi que ceux de la société Hayyan gaz dans l’est de la province d’Homs (International Business Times 2014; Albawada News 214) ;
  3. Le troisième pic s’étend de la fin janvier jusqu’au 10 février 2015, sur environ 10 jours. Il arrive simultanément à une campagne intense d’attaques aériennes menée par les États-Unis martelant les bastions d’ISIS dans et autour de la ville de Hawija à l’est de Kirkuk riche en pétrole (Rudaw 2015) ;

TankerRates_0

Les auteurs de cet article voudraient préciser tout d’abord qu’il ne s’agit pas d’une preuve irréfutable. La démonstration est insuffisante. Mais même si les volumes de brut d’ISIS ont trouvé accès, au-delà de tout doute raisonnable, aux marchés de pétrole brut internationaux via le terminal Ceyhan, ce fait n’indiquerait pas de façon concluante la collusion entre les autorités turques et le réseau fantôme de contrebandiers, sans parler des agents secrets d’ISIS.

Cependant, ayant clarifié une question si sensible politiquement, les auteurs croient qu’il y a de fortes présomptions pour qu’une chaîne d’approvisionnement illicite expédie le brut d’ISIS à partir de Ceyhan. La recherche principale indique un réseau fantôme extrêmement actif de contrebandiers et de commerçants de pétrole brut (voir section 2.1, page 3), qui transporte le brut d’ISIS vers le sud-est de la Turquie à partir du nord-est de la Syrie et du nord-ouest de l’Irak. Compte tenu de l’existence de la route E 90, le transport correspondant du pétrole ne pose pas de défis géographiques et topologiques insurmontables.

Une manifestation supplémentaire du lien invisible entre Ceyhan et ISIS est devenue évidente par l’étude simultanée des tarifs de charter de navire-citerne du port et la chronologie des engagements militaires des terroristes (voir la section 3.4 à cette page). Il semble que quand l’État Islamique se bat aux alentours d’une zone accueillant des actifs pétroliers, les 13 exportations de Ceyhan explosent promptement. Ceci est peut-être dû à une augmentation supplémentaire de la contrebande du pétrole afin de produire immédiatement des fonds supplémentaires, absolument nécessaires à l’approvisionnement en munitions et en équipement militaire. Malheureusement, dans ce cas aussi, les auteurs ne peuvent pas être catégoriques.

*  *  *

Non, on ne peut être catégorique et franchement, si les auteurs avaient revendiqué avoir découvert une preuve indiscutable, nous aurions été immédiatement sceptiques. Ce qu’ils ont fait cependant, c’est identifier une anomalie statistique et développer une théorie plausible pour l’expliquer.

La chose clé à noter est que c’est un terminal d’État et il semble certain que les tarifs d’affrètement présentent des pics en liaison avec des évènements pétroliers impliquant l’État Islamique. En effet, le fait que les auteurs mentionnent la collusion entre des autorités turques et des agents secrets d’ISIS (même s’ils font cela afin de protéger leurs conclusions) indique que les chercheurs pensent qu’un tel partenariat est possible.

ErdoganISIS2_0

Pour finir, notez que Ceyhan est à moins de deux heures de voiture de la base aérienne de Incirlik à partir de laquelle les É-U pilotent leur sorties anti-ISIS. En d’autres termes, le pétrole d’ISIS est expédié vers le monde juste aux pieds de la base opérationnelle préférée de Washington pour le Moyen-Orient.

Maintenant que nous pouvons ajouter ce qui ressemble à une preuve quantitative que le pétrole d’ISIS est expédié de Turquie à l’énorme preuve qualitative fournie par des ex-législateurs turcs, des journalistes d’investigation, et le gouvernement russe (pour ne citer que quelques sources), nous pouvons maintenant passer à l’examen d’une question finale : où le brut qui aide à financer le califat de Bakr al-Baghdadi arrive-t-il en fin de compte ? Plus sur cela pendant le week-end.

Source : Zero Hedge, le 28/11/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/comment-la-turquie-exporte-le-petrole-de-daech-dans-le-monde-la-preuve-scientifique/


[Vidéo] Michel Raimbaud : Tempête sur le Grand Moyen-Orient

Sunday 13 March 2016 at 01:25

Source : Dailymotion, Le Cercle Aristote, 13-04-2015

Michel Rimbaud

Michel Rimbaud

Conférence de Michel Rimbaud pour le Cercle Aristote donnée le 13 avril 2015.

 

Source : Dailymotion, Le Cercle Aristote, 13-04-2015

Source: http://www.les-crises.fr/michel-raimbaud-tempete-sur-le-grand-moyen-orient/


Revue de presse internationale du 13/03/2016

Sunday 13 March 2016 at 00:01

Cette semaine notamment, la campagne américaine qui vole bas ; l’économie aussi, de la Chine au Brésil ; l’Ukraine, tout ça pour ça ; Israël, toujours plus ; et les “Y” sacrifiés. Bonne lecture, dont quelques articles en traduction, et merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-13032016/


“Le pire ministre des Affaires étrangères a déguerpi” : hommage de l’Ambassadeur Michel Raimbaud à Laurent Fabius

Saturday 12 March 2016 at 02:25

Source : Tunisie-secret, Michel Rimbaud, 28-02-2016,

« Le départ d’un ministre aussi étranger aux Affaires étrangères, qui ne se réveillait qu’au nom de Bachar al-Assad, ne fera guère pleurer que lui-même et ses complices », écrit cet éminent diplomate élevé dans la haute tradition gaulliste. Bien avant le départ de Fabius, Michel Raimbaud disait tout haut ce que les anciens du Quai d’Orsay pensaient tout bas. Sa remarquable rétrospective démontre comment, dans l’affaire syrienne, la diplomatie et la presse françaises ont été au service de la propagande anglo-américaine et comment le gouvernement français s’est mis du mauvais côté de l’Histoire. Michel Raimbaud est l’auteur de “Tempête sur le Grand Moyen-Orient”, publié aux éditions Ellipses en 2015.

Son Excellence Michel Raimbaud, ancien Ambassadeur de France, auteur du livre

Son Excellence Michel Raimbaud, ancien Ambassadeur de France, auteur du livre “Tempête sur le Grad Moyen-Orient”, édition Ellipses, 2015.

Le pire ministre des Affaires étrangères jamais offert à la France [Laurent Fabius] a déguerpi. Il laisse derrière lui une diplomatie ruinée, décrédibilisée et démoralisée : seraient-ils les meilleurs de la planète, nos diplomates ne peuvent faire de miracles lorsqu’ils sont amenés à ne défendre que des dossiers indéfendables, qui les placent systématiquement du mauvais côté de l’Histoire. C’est là que le bât blesse.

Si le pire n’est jamais sûr, le meilleur l’est encore moins

Le départ d’un ministre aussi étranger aux Affaires étrangères, qui ne se réveillait qu’au nom de Bachar al-Assad, ne fera guère pleurer que lui-même et ses complices. Mais les optimistes inoxydables, inondés d’espoir l’espace d’un adieu, devraient se méfier : si le pire n’est jamais sûr, le meilleur l’est encore moins.

Le partant était un pilier du « groupe des Amis de la Syrie », dont la liste des États membres illustrait alors parfaitement la sentence bien connue : avec de tels amis, plus besoin de se chercher des ennemis. Reprenant le flambeau brandi par la France lors du rezzou de l’Otan sur la Libye, Fabius a tout fait pour propulser notre pays à l’avant-garde des va-t-en guerre de la vertueuse « communauté internationale ». N’est-ce pas lui qui, mi-dépité mi-gourmand, estimait en juillet 2012 qu’il « reste encore quelques renforcements possibles en matière de sanctions », insistant pour que la Grèce cesse d’importer du phosphate syrien ?

Le club Elisabeth Arden (Washington, Londres, Paris), qui prétend depuis un quart de siècle incarner la « communauté internationale », s’est transformé au fil des dernières années en un directoire de pères fouettards ayant pour inspirateurs les néoconservateurs de « l’État profond » des pays d’Occident et d’ailleurs, et pour alliés privilégiés les régimes moyen-orientaux les plus portés sur la flagellation. En 2011, après l’Irak, le Soudan, l’Afghanistan, la Somalie, la Palestine, la Yougoslavie, l’Iran ou l’Ukraine et quelques autres, nos pères fouettards, pourtant bien absorbés par leur tâche du moment, vont réserver à la Syrie un traitement de choix. C’est ainsi que les sanctions vont pleuvoir en giboulées dès les premiers beaux jours.

En juillet 2012 (on taira par décence le nom du journal et ceux des journalistes), une vidéo apparaît sur le net avec un titre en forme de question qui tue : « À quoi servent les sanctions contre la Syrie ?» Celle-ci, note le commentaire écrit, « fait depuis plus d’un an l’objet de mesures de rétorsion de la part de la communauté internationale, avec un succès mitigé ». Il faut « punir et étouffer économiquement le régime de Bachar al-Assad, qui réprime dans le sang ses opposants : tel est l’objectif ». On n’aura pas fini d’entendre cette rengaine.
Notre vidéo précise que, le 23 juillet 2012, l’Union européenne a adopté un nouveau train de sanctions, pour la 17ème fois en un an (sic). Elle rappelle que les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Suisse, la Turquie et la Ligue arabe (kidnappée par le Qatar et les régimes du Golfe) ont pris des mesures équivalentes.

Traitement de choc infligé à la Syrie

Sans dresser une liste interminable des sanctions imposées, renouvelées et renforcées les années suivantes, il n’est pas inutile de rappeler au passage, à l’attention des distraits, des ignorants ou des bonnes consciences, le script général du chef-d’œuvre des dirigeants occidentaux et de leurs bureaucraties sadiques :

1/ D’abord viennent les sanctions classiques « de mise en situation » par le Conseil de Sécurité, prises en mai 2011 :
Les premières mesures prises par l’Union européenne concernent la mise au ban (refus de délivrer des visas) et le gel des avoirs de 150 personnalités du « régime syrien ».

Par ailleurs, une cinquantaine de sociétés « soutenant le régime » sont soumises à boycott dont cinq organismes militaires, conformément à l’embargo adopté « sur les exportations d’armes et de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression ». Il est ainsi interdit d’exporter vers la Syrie des équipements, des technologies ou des logiciels destinés à surveiller ou intercepter des communications sur Internet ou les téléphones.

2/ Le 10 août 2011, le gouvernement US prend des sanctions économiques contre les sociétés de télécommunication syriennes et les banques liées à Damas, empêchant les citoyens états-uniens de mener des affaires avec la Banque commerciale de Syrie, la Banque syrienne libanaise commerciale ou Syriatel. Les avoirs de ces sociétés aux États-Unis sont gelés, autant dire volés. Hillary Clinton annonce dans la foulée un embargo total sur les importations de pétrole et de produits pétroliers en provenance de Syrie.

Imitant aussitôt ses maîtres, l’Union européenne décide de plusieurs trains de sanctions supplémentaires, y compris un embargo sur le pétrole. La dernière salve visera à réduire les échanges commerciaux afin de finir d’asphyxier l’économie du pays.

3/ Viendront ensuite les sanctions diplomatiques (rappel des ambassadeurs en consultation) décidées dès l’automne 2011, après le double véto russo-chinois sur le projet de résolution islamo-occidental visant à provoquer en Syrie un processus à la libyenne. Les États-Unis ayant rappelé de Damas leur ambassadeur du troisième type, plusieurs États de l’Union européenne rappellent les leurs.
Juppé rappellera le sien une première fois le 17 novembre 2011 : « erreur fatale » pour le ministre ordinateur. Après un faux retour, ce sera le départ définitif en février 2012. Nommé en mai 2012, Fabius fera encore mieux : à peine intronisé, il expulsera l’ambassadrice de Syrie à Paris, ayant oublié que cette dernière est également représentante auprès de l’Unesco et qu’il ne peut la contraindre au départ.

4/ En 2012, ce sera la fermeture de la compagnie aérienne « Syrianair » à Paris, puis l’interdiction de toute liaison aérienne entre la France et la Syrie et, plus généralement, entre les capitales européennes et Damas. Etc…

Les parrains des terroristes

Hélas, se lamentent des experts pleins d’onction et de componction, tout le monde n’est pas d’accord pour mettre en place un embargo, ce qui en limite la portée. La belle unanimité qui, de 1991 à 2011, a rassemblé les cinq Permanents du Conseil de sécurité autour des trois Occidentaux n’existe plus et c’est un élément déterminant qui permet de briser l’arrogance et la toute-puissance des puissances atlantiques. Des doigts accusateurs pointent « certains pays qui ne jouent pas le jeu ? (sic). Mais est-ce bien un jeu ? La Russie et la Chine soutiennent le gouvernement et l’État syriens : ils seront priés de « rejoindre la communauté internationale » (sic). La Syrie peut également compter sur l’aide multiforme de son allié, l’Iran, mais celui-ci est déjà sous lourdes sanctions. D’autres pays, comme le Brésil, ne soutiennent pas les Occidentaux ? En outre, certains États traînent les pieds au sein de l’Union européenne, et les accrocs aux engagements pris contre Damas se multiplient.

Ce blocus qui asphyxie progressivement la Syrie est certes difficile à mettre en œuvre, mais que nos perfectionnistes se consolent : il est indéniable que les résultats escomptés sont là. Après cinq années de sanctions et d’acharnement collectif, le peuple syrien est épuisé et vit dans des conditions terrifiantes. Nos grands dirigeants, si bons et si pudiques, ne connaissent-ils pas la vérité, non pas celle de leurs protégés émigrés qui vivent au chaud ou au frais à l’ombre de leurs protecteurs, mais la vérité des habitants qui ont tenu bon dans leur pays. Loin du paradis de la révolution auquel les premiers feignent de croire, loin du paradis auquel aspirent les djihadistes démocratiques et les terroristes modérés, c’est un enfer que vivent les Syriens de la Syrie réelle, un enfer qu’ils doivent au fanatisme de leurs « libérateurs » et de leurs alliés turcs ou arabes ainsi qu’au sadisme de l’« Axe du Bien », parrain des terroristes et grand déverseur de punitions devant l’éternel.

Les sanctions sont parvenues à détruire un pays qui était plutôt prospère, quasiment sans endettement, autosuffisant pour l’essentiel de ses besoins et globalement bien parti. Elles ont fini par entamer le tissu national syrien, soudé par une tolérance « laïque » assez exemplaire, sans réussir toutefois à le déstructurer. Le but de ce politicide était (et reste toujours) de démoraliser les populations, en les amenant à perdre confiance dans la légitimité de leur État, de leur gouvernement, de leurs dirigeants, de leurs institutions, de leur armée, tout en leur donnant l’illusion que l’Occident est heureusement là pour les « sauver du tyran qui les massacre » et accueillir en son sein les réfugiés et les transfuges.

Des sanctions pour mater un peuple résistant

Le terrible bilan enregistré en Iraq —un million et demi de morts, dont 500 000 enfants— est là pour rappeler que les sanctions sont une arme de destruction massive, utilisée avec un total cynisme par les « maîtres du monde ». Pour Madeleine Albright évoquant sans doute des « dégâts collatéraux », « cela en valait la peine ». On voit le résultat.

En Syrie, les « punitions » occidentales ne sont pas mieux intentionnées. Elles visent à mater un peuple résistant et à le forcer à accepter la fatalité d’un changement de régime, ou bien à l’amener à fuir ou à déserter… Quitte à saigner le pays de sa jeunesse déjà formée, de ses cadres aspirant à vivre mieux dans un climat de paix… Quitte à faire de ces réfugiés un peuple de mendiants, à la merci des trafiquants de toutes spécialités : en témoignent ces femmes et enfants installés la nuit au coin des boulevards parisiens par des équipes inquiétantes.

Depuis cinq ans, nos politiciens combinards, nos journalistes complaisants, nos intellectuels perdus ou dévoyés participent, à quelques exceptions près, à l’énorme conspiration du mensonge qui fait passer la Syrie souveraine et légale pour usurpatrice et massacreuse, et ses agresseurs et leurs parrains, orientaux ou occidentaux, pour des libérateurs révolutionnaires. Outre l’horreur et l’effroi que soulèvent les images de cette guerre sauvage, comment ne pas avoir la nausée devant l’aveuglement, volontaire ou non, de nos élites qui préfèrent donner du crédit aux mensonges de leurs alliés et protégés criminels plutôt qu’aux témoignages innombrables des victimes qui désignent sans ambigüité leurs bourreaux ? Comment ne pas avoir la nausée devant cette complicité assumée, à peine camouflée par une omerta systématique ? Comment enfin ne pas frémir devant cet aplomb et cette bonne conscience bétonnée de nos faiseurs d’opinion ?

Maintenant, il faut lever les sanctions criminelles et scélérates

La solution ne consiste pas à accueillir en Europe les réfugiés que l’on a d’une façon ou d’une autre créés en alimentant la guerre universelle d’agression et le djihad en Syrie. Il faut lever immédiatement, sans délai et sans conditions, les sanctions qui sont destinées à briser tout un peuple. Il faut mettre fin à la guerre et non en décupler l’impact par les moyens minables, sournois et iniques que sont les sanctions à la mode occidentale.

Il faut rendre justice à ce peuple martyrisé et humilié. Et la plus élémentaire des justices, la première, est de ne plus couvrir d’un voile de vertu les criminels féroces qui cherchent à détruire au nom de l’intolérance la Syrie tolérante. Elle implique également de ne plus cautionner les impudeurs des maîtres fouettards qui punissent en toute impunité avec la morgue des arrogants. Assez de mensonges, assez d’hypocrisie, assez de leçons.

Répétons-le, il faut lever les sanctions criminelles et scélérates qui tuent la Syrie et son peuple. Ni dans un mois, ni dans un an, mais maintenant. Ce n’est pas une question de diplomatie, c’est une affaire d’honneur, et la France s’honorerait en prononçant, pour sa part et à titre national, la levée des sanctions.

Michel Raimbaud, article initialement publié sous le titre de « Le mensonge, la nausée et les sanctions ». M.Raimbaud est l’ancien Ambassadeur de France en Mauritanie, au Soudan et au Zimbabwe. Ancien directeur de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. Professeur au Centre d’études diplomatiques et stratégiques (CEDS).

Source : Tunisie-secret, Michel Rimbaud, 28-02-2016,

Source: http://www.les-crises.fr/le-pire-ministre-des-affaires-etrangeres-a-deguerpi-hommage-de-lambassadeur-michel-raimbaud-a-laurent-fabius/


[2014] Repenser la politique étrangère des États-Unis, par Noam Chomsky

Saturday 12 March 2016 at 01:01

Source : Chatham House, le 19/05/2014

noam chomsky, london dec 2002 © chris saunders

Noam Chomsky

Professeur ordinaire et émérite de linguistique au MIT

Directeur : Conor Gearty

Enseignant de loi sur les droits humains et directeur de l’institut des Affaires publiques de la London School of Economics

19 mai 2014

Conor Gearty

Noam Chomsky, merci d’être venu ici à Chatham House. Nous n’avons qu’une heure à disposition car Noam Chomsky a d’autres obligations plus tard. Nous vous sommes infiniment reconnaissants de nous avoir trouvé ce petit moment.

Et nous sommes fiers d’avoir cette conversation. Nous devrions maintenant passer à la politique étrangère des É-U et cesser de bavarder.

Noam Chomsky

C’est ce qu’ils ont annoncé. Autant en parler.

Conor Gearty

J’espère que nous pourrons passer rapidement d’une question à sa réponse pour utiliser au maximum notre temps disponible. Cela exige une grande concision de la part de nous tous et surtout de moi. Par exemple, je vous épargnerai l’ennui d’apprendre mon nom et mes activités. Cette exigence de concision vaut aussi pour vous et je prie, à l’avance, de m’excuser si je vous coupe la parole. Mon but est de faire avancer les choses.

Noam Chomsky

Je n’ai rien contre. J’ai l’habitude d’être interrompu. Mes enfants ont un mot qu’ils utilisaient lorsqu’ils me posaient une question de leur cru. Ils disaient : “Seulement un cours de cinq minutes, s’il te plaît !”

Conor Gearty

Et avec le temps, c’était quatre, puis trois et enfin deux minutes. Je vais exiger de vous la même discipline et être parfois brutal à ce sujet. Je ne veux aucun discours. Je le répèterai plus tard. Plus les questions seront concises, plus cet évènement nous sera profitable. À tous : “Tweetez les questions !” Puisque nous parlons de cela, nous devrions tweeter plus souvent. J’ai un gourou pour Twitter. Elle a pour tâche de créer les tweets mais vous pouvez aussi tweeter. Nous allons donc procéder comme suit, si vous avez subitement une chose assez importante pour vouloir la transmettre, vous le ferez par Twitter (si vous tweetez) sur le hashtag #AskCH. Si vous êtes en dehors de la salle ou si vous n’êtes pas ici, vous pouvez aussi twitter. C’est une façon géniale d’élargir un public.

Noam – Je suppose vaguement, le truc de Snowden. Une surprise ? Par cela, je veux dire : une surprise à quel point c’était extraordinaire ? Ou simplement une surprise ?

Noam Chomsky

Je pense que l’échelle était, au moins pour moi, stupéfiante. C’était même phénoménal. Un nouveau livre de Glenn Greenwald, j’ignore s’il est édité ici, examine une grande partie de cette campagne et la synthétise. C’est un travail colossal. Ils veulent clairement tout reprendre, tout ce qui se dit, toutes les rencontres, qui va voir qui et tout ce que vous pouvez imaginer. Le but est une base de données contenant absolument toutes les informations sur tous les ennemis de l’État. Cela révèle un drame dont nous devrions tous être conscients : pour les États, l’un de leurs grands ennemis est leur population. Ils doivent la contrôler. Elle est dangereuse. Si vous examinez les décisions prises en politique, elles sont en phase avec la nécessité de contrôler cet ennemi dangereux.

Cela dépasse de très loin tout ce qui a été fait auparavant. Bien sûr, il y a eu beaucoup d’événements analogues auparavant. Pendant les années 60, j’étais fortement impliqué dans des activités de résistance à la guerre du Vietnam. Nous comprenions que nous ne pouvions pas parler au téléphone. Pour tout sujet sérieux, quelque chose qui impliquait des humains particuliers – comme un déserteur ou autre – on ne pouvait même pas parler à un groupe d’amis, car il y avait probablement un agent du gouvernement parmi eux. Tout devait être fait par groupes d’affinités. Tout cela est bien connu et remonte loin dans le temps mais cela n’est jamais arrivé à cette échelle. Et la Grande-Bretagne est d’accord, comme vous l’avez probablement vu. Le gouvernement britannique a demandé à la NSA de lui fournir une quantité considérable d’informations détaillées sur des téléphones cellulaires, des médias sociaux et d’autres formes d’interactions des citoyens britanniques considérés comme des ennemis de l’État.

Aux États-Unis, c’est franchement dramatique à cause du quatrième amendement de la constitution qui est un élément de la Déclaration des droits de l’Homme (Bill of Rights). Il garantit la sécurité des citoyens dans leur intégrité physique, leurs maisons, leurs papiers et leurs biens et interdit formellement toute enquête ou saisie infondée. Les dirigeants britanniques demandèrent le droit de pénétrer dans les maisons pour les fouiller. Cela provoqua d’amères épreuves de forces. À Boston même, où je vis, des citoyens s’organisèrent pour bannir les prétendus mandats d’assistance qui autorisaient les policiers anglais à entrer quand ils voulaient et où ils voulaient. C’est une des choses qui a fait éclater la révolution américaine. Tout de suite après, quand le “Bill of Rights” a été introduit dans la constitution, il a très clairement certifié l’existence d’une barrière contre de telles pratiques étatiques. Maintenant, le quatrième amendement de la constitution est violé d’une façon si dramatique que vos collègues juristes ont de la peine à les rendre compatibles.

Conor Gearty

Mais ils peuvent toujours trouver un professeur pour faire ce travail.

Noam Chomsky

C’est le rôle des avocats. Ils vont trouver une façon de déclarer que savoir tout ce que vous faites justifie les perquisitions et les saisies.

Conor Gearty

Quand vous comparez la réponse au Watergate, qui lorsque vous regardez ce qui arrive aujourd’hui semble peu de chose et qui pourtant a démoli un président. Peut-être était-ce la dissimulation, peut-être pas. Mais la culture en Amérique a-t-elle considérablement changé maintenant 50 ans après cette période ?

Noam Chomsky

Je dois vous dire que j’étais minoritaire et peut-être même le seul à penser que le Watergate était une sorte de goûter pour enfants. La New York Review m’a demandé aussitôt d’écrire au sujet du Watergate et j’ai accepté, mais à condition que je puisse expliquer que c’était peu de choses. En fait, c’était assez saisissant. Les révélations du Watergate sont apparues au même moment que celles concernant COINTELPRO (le programme de contre-espionnage). COINTELPRO était une opération gouvernementale criminelle massive à l’encontre de la population et qui s’étendit sous quatre mandats présidentiels, principalement sous Kennedy, Johnson et Nixon (cela avait commencé un tout petit peu plus tôt). L’opération avait pour objectif non seulement de surveiller toute pensée et action critique mais aussi de les perturber. C’est allé au-delà du cas Snowden. C’est allé jusqu’à l’assassinat politique pur et simple. En fait, au moment du Watergate il y eut des révélations du fait qu’en 1969, dans l’une des opérations COINTELPRO – il s’agit d’une opération menée par le FBI (le FBI est la police politique fédérale) – ils étaient en train de détruire le mouvement de protestation noir. Ils l’ont véritablement décimé.

Le pire exemple, qui était juste apparu au moment du Watergate, fut l’assassinat de Fred Hampton. Fred Hampton était membre des Black Panther, un organisateur, un organisateur très compétent. Aucune poursuite criminelle ne fut entamée, rien du tout. Il organisait les ghettos de Chicago. Le FBI, sous couvert de COINTELPRO, voulait l’assassiner. Ils ont d’abord tenté de manœuvrer un gang criminel du ghetto, les Blackstone Rangers, pour le tuer. Ils envoyèrent de fausses lettres aux dirigeants des Rangers, écrites dans un genre de faux argot “noir”, que les destinataires décodèrent instantanément – le FBI n’était pas très malin – pour tenter de leur dire que Fred Hampton agissait contre eux, et qu’ils devaient donc réagir. Mais ils ne réagirent pas. Le FBI avait placé un informateur, un garde du corps de Hampton. Ils donnèrent de fausses informations à la police de Chicago à propos d’armes à feu dans son appartement. A 4 heures du matin la police débarqua, vraiment une intervention genre Gestapo, et simplement le tua dans son lit.

Ce fait à lui tout seul montre le marécage des révélations du Watergate. Il est intéressant que cela ne soit presque jamais mentionné. Et il s’agit ici d’un seul exemple. Ils réalisèrent bien d’autre choses dans le cadre de COINTELPRO, des choses bien plus graves que le Watergate, et je pense même plus graves que la NSA.

Conor Gearty

Est-ce, dans une forme moderne, la même chose que l’utilisation de drones pour tuer des gens à l’étranger ? Les drones sont-ils un équivalent moderne de ces pratiques ? Et je voudrais poser une question annexe à ce propos, qui est la suivante: la nature de l’opinion publique américaine. Vous la dépeignez actuellement, dans vos écrits, un tableau où apparaît une communauté amorphe et facilement manœuvrée, qui peut être induite dans telle direction et déviée de telle autre, etc.

Noam Chomsky

Prenez par exemple COINTELPRO, il est difficile de dire que les gens ont été induits en erreur – ils ignorent les faits. Il y a une chose appelée le journalisme, qui est théoriquement destinée à présenter au public des choses significatives et importantes pour que les gens jouent un rôle dans une société démocratique. Mais ce rôle est parfois joué de manière très limitée sinon inexistante. Dans le cas de COINTELPRO il n’y eut pratiquement aucune couverture médiatique. A propos de l’assassinat de Hampton, les gens n’ont pas pu protester car personne n’en a eu connaissance.

Prenons les drones. La campagne de drones est une campagne de terrorisme globale mise en œuvre par l’administration Obama et qui ne présente aucune justification. Dans le temps certaines notions avaient cours – les juristes se souviendront peut être de cette vieillerie nommée Magna Carta, dont on commémorera la mort l’an prochain, 800 ans.

Conor Gearty

Evitez que Sir Robert Worcester vous entende, ou bien vous allez beaucoup l’énerver.

Noam Chomsky

Ce texte avait établi – dans une forme minimale, mais néanmoins avait établi la notion de présomption d’innocence. Dans une forme minimale qui fut étendue au fil des années. Cela a été réduit en miettes. Actuellement, coupable signifie qu’Obama a décidé mardi matin de vous tuer. Voilà la nouvelle définition de coupable. Le mardi matin il y a ces réunions à la Maison-Blanche où ils lisent des extraits de saint Augustin sur les guerres justes et puis ils décident qui nous allons assassiner aujourd’hui. Ils sont reconnus suspects. C’est énorme. Partout dans de grandes parties du monde.

Conor Gearty

Et ce peuvent être des Américains, comme cela a déjà été le cas.

Noam Chomsky

C’est intéressant, il y quelques cas, je crois qu’il y en a quatre, où des citoyens américains ont été tués. Cela a entraîné beaucoup de débats et de discussions, ce qui est curieux. L’hypothèse implicite est que si vous voulez tuer un non-Américain c’est possible – faites ce que vous voulez. Mais tuer des citoyens américains soulève quelques questions constitutionnelles, du coup il y a débat. Mais supposons que par exemple l’Iran ait la capacité d’assassiner des gens aux États-Unis ou en Israël qu’ils considèrent comme des menaces – et qu’ils aient de bonnes raisons de les considérer comme des menaces. De grandes figures et des dirigeants de haut rang des États-Unis et d’Israël qui déclarent régulièrement que toutes les options sont sur la table, ce qui veut dire que si nous voulons effectuer une attaque nucléaire contre eux nous le ferons. John McCain lorsqu’il était candidat, au cours de sa campagne, préconisait : bombardez, tout simplement bombardez, bombardez, n’attendez pas, bombardons-les. Il y a donc des tas de gens qu’ils pourraient considérer comme des menaces. Imaginons qu’ils décident de les assassiner. Est-ce que nous resterions tranquillement assis à dire c’est normal ? Ce ne sont pas des citoyens iraniens, donc pourquoi ne pas les assassiner ? Mais lorsque c’est nous qui agissons ainsi c’est considéré comme légitime.

C’est assez frappant que le gouvernement américain reconnaisse deux choses importantes. L’une est qu’ils ne tuent pas seulement des suspects, ils génèrent des terroristes. Ils savent parfaitement que ces campagnes génèrent des terroristes. Lorsque vous commencez à assassiner des gens dans des sociétés tribales qui ont une culture de défense et de vengeance, ils répondent. Prenez le 11-Septembre. Il s’avère que 11 des 19 pirates de l’air appréhendés venaient d’une tribu au Yémen qui avait été sévèrement réprimée et attaquée, premièrement par le pouvoir central puis par leurs soutiens internationaux. Ils prenaient leur revanche. Il y a un livre très important à ce sujet d’Akbar Ahmed, un anthropologiste pakistanais vivant aux États-Unis. Il est un des meilleurs experts des sociétés tribales. Il appelle cela une guerre contre l’islam tribal et les sociétés tribales en général, qui réagissent.

L’autre point est qu’il s’agit vraiment de terrorisme massif, de terrorisme à grande échelle. Le fait que nous l’acceptions est assez remarquable. Mais l’acceptation est limitée. L’ancien dirigeant de la CIA, Michael Hayden, a souligné récemment qu’il n’y avait pas un seul gouvernement au monde qui accepte la base juridique que Washington donne pour la campagne de drones, avec deux exceptions : Israël et l’Afghanistan. Je suspecte qu’il ait tort pour l’Afghanistan. Voilà le soutien.

Donc vous générez des terroristes, vous tuez qui vous voulez, et il n’y a aucun soutien pour cela. Mais ça continue.

Conor Gearty

Qu’en est-il de l’argument que, ouais, nous allons nous aliéner quelques types, mais nous supprimons les chefs, pour utiliser cette sorte d’image militaire. Et deuxièmement, vous pouvez l’appeler terrorisme, mais c’est notre terrorisme – le fameux « choc des civilisations » qui était protégé par le droit d’auteur dans les groupes de réflexion américains et les livres sur le moindre mal, etc. Nous avons la démocratie, nous avons l’État de droit – nous sommes du bon côté dans tout ça. Vous méprisez absolument ça, mais je me demande s’il n’y a pas au fond une certaine vérité de base dans le fait que ces sociétés sont différentes.

Noam Chomsky

Bien sûr. Nous sommes beaucoup plus violents et agressifs. En fait, quand cela se déroule dans une société plus ou moins démocratique, les citoyens sont beaucoup plus coupables que quand cela se passe dans un État autoritaire. Supposons que l’Iran assassine les gens qui le menacent aux États-Unis, en Israël et probablement en Grande-Bretagne. Des citoyens iraniens ne pourraient pas faire grand-chose. C’est un État dur, autoritaire. Ici, c’est différent. Nous sommes assez libres. Si nous acceptons cela et le tolérons, c’est moralement très condamnable.

Vous pouvez vous rappeler, j’espère que vous l’avez lu, l’introduction d’Orwell à la Ferme des animaux. Comme vous le savez probablement, elle n’a pas été publiée, elle a été trouvée 30 ans plus tard dans ses papiers non publiés. Mais c’est intéressant. Dans cette préface, il s’adresse au peuple anglais : « libérez l’Angleterre ». Vous ne devriez pas vous juger indemnes de cette dénonciation satirique de l’ennemi totalitaire, dit-il, parce qu’en Angleterre des idées impopulaires peuvent être supprimées sans utiliser la force. Un des mécanismes qu’il mentionne est un bon enseignement. Si vous êtes allés aux meilleures écoles – London School of Economics, etc.

Conor Gearty

Merci pour ce rappel. Un rappel assez ambivalent.

Noam Chomsky

– donc vous avez incorporé dans votre compréhension qu’il y a des choses qu’il vaudrait mieux ne pas dire. Je pense qu’on peut ajouter : qu’il ne vaudrait mieux ne pas penser. C’est un élément significatif dans les sociétés libres et cela va de pair avec une sérieuse responsabilité morale, bien plus dans ce cas que pour des gens qui subissent un État autoritaire ou totalitaire. Je pense que c’est quelque chose à quoi nous accordons trop peu d’attention.

Conor Gearty

Est-ce que cela signifie que vous finissez par vous contenter de regarder, comme par exemple, de regarder les Russes envahir la Crimée, ce qui se passe en Syrie, ou en Chine et au Tibet – vous finissez comme simple spectateur, parce que vous avez perdu tout pouvoir d’intervenir, est-ce la position logique à laquelle vous êtes conduit ?

Noam Chomsky

Prenons la Crimée, c’est un exemple intéressant. L’invasion de la Crimée par les Russes est indéniablement un acte criminel. Cela viole la Charte des Nations Unies, cela viole des traités particuliers dans lesquels la Russie a accepté avec d’autres de respecter les frontières de l’Ukraine. Donc c’est un acte criminel. Est-ce le seul acte de ce genre dans le monde ? Par exemple, qu’est-ce qu’on peut lire au sujet d’un cas beaucoup plus sérieux : l’invasion par les États-Unis du sud-est de Cuba il y a 110 ans ? Les États-Unis ont conquis le sud-est de Cuba au fusil – techniquement il y eut un traité mais sous occupation militaire, vous savez ce que cela signifie. Il y eut un traité au sujet de ce que nous appelons Guantanamo, qui comprend le port le plus important de Cuba. Les États-Unis n’ont absolument aucune légitimité dessus. Quoi qu’on pense de la Crimée, il y a une légitimité : un soutien populaire, l’histoire, la transmission de la Crimée à l’Ukraine par Khrouchtchev sans consultation des habitants. Le referendum de 1991 qui fit apparaître à peu près le même résultat que celui qui vient de se tenir. Le caractère de base navale du port de mer essentiel pour les Russes. Il y a des raisons à prendre en compte.

Dans le cas de l’invasion américaine du sud-est de Cuba, il n’y a rien de tel. Depuis l’indépendance de Cuba en 1959, le gouvernement cubain a essayé de repousser cette intrusion. Les États-Unis, naturellement, refusent. La seule justification est que cela handicape sérieusement le développement économique de Cuba. Depuis 50 ans les États-Unis sont engagés dans une véritable guerre contre Cuba. Sous la présidence de Kennedy ce fut une campagne terroriste à grande échelle. Ici on n’en parle pas mais ce fut une très vive campagne terroriste, et qui s’est poursuivie. Un embargo étouffant. L’invasion du sud-est de Cuba freine sévèrement le développement cubain, voilà le point important. C’est bien pire que ce que font les Russes qui, en dépit de leurs actions criminelles, ont un dossier bien plus solide. Que peut-on lire dans la presse là-dessus ? Et ce n’est pas le seul cas.

Conor Gearty

Là-dessus je serais probablement d’accord, mais j’ai rencontré un type – le Chinois qui est l’équivalent de notre chargé de presse, autrefois Alastair Campbell. Ils ont l’habitude de publier ce rapport sur combien l’Amérique est terrible, tous ces gens qui sont morts, tués, les viols, les assassinats raciaux. A chaque fois que l’on soulève la question des droits de l’homme avec eux, ils disent, en ce qui concerne ce que vous venez de dire : l’Amérique, regardez toute cette violence, regardez Rodney King. Peut-on considérer cela toujours comme une réponse adéquate ? Parce qu’il me semble que ce que vous dites est : ce que fait la Russie est moche, ce que fait la Chine est moche, mais bon sang, regardons ce que fait l’Amérique. Ça me paraît un genre de détour pour éviter la critique, n’est-ce pas ?

Noam Chomsky

Je ne vois pas en quoi ce serait un détour. Nous acceptons ce principe en ce qui concerne tous les États ennemis. Ainsi par exemple, si Shirin Ebadi critique l’Iran mais ne critique pas Israël, ou si Ai Weiwei critique la Chine mais ne dénonce pas les États-Unis, ou Sakharov, Havel d’autres – nous les admirons pour cela. C’est cela qu’ils devraient faire. Ils devraient se concentrer sur les crimes de leurs propres pays. Pour nous c’est encore plus significatif comme je l’ai déjà dit. Nous pouvons influencer ces politiques. Ai Weiwei ne peut pas faire grand-chose au sujet des politiques de la Chine. Nous l’admirons parce qu’il les condamne. Personne ne désire qu’il écrive à propos des crimes américains ou britanniques, ce serait une perte de temps. Ce qu’il doit faire c’est exactement ce qu’il fait. Nous nous avons une bien plus grande responsabilité parce que nous sommes responsables de ces politiques d’une autre manière que les dissidents des États autoritaires, et nous pouvons les influencer. C’est assez saisissant que nous reconnaissions ces principes de réflexion vis à vis d’États ennemis et que nous ne puissions pas nous les appliquer à nous-mêmes, là où c’est plus significatif.

Conor Gearty

Si vous prenez, disons, un exemple de critique de l’intérieur, Mearsheimer et Walt ont causé de grands remous avec la parution de leur livre traitant du pouvoir du lobby israélite aux États-Unis. Dans un certain sens c’est comparable à ce que Piketty provoque en ce moment avec son livre sur le capital. Est-ce que ces livres ont une influence sur la société américaine ? Ils sont publiés en Amérique, ils font parler d’eux en Amérique. Ou est-ce qu’ils disparaissent ? Quid de la forte contestation au sein même de la tradition politique américaine ?

Noam Chomsky

Le livre de Piketty a reçu un bon accueil, il a été beaucoup commenté, principalement par les économistes et la presse spécialisée. C’est indubitablement un livre important, il n’y a aucune raison qu’il ne le soit pas.

C’est un peu différent pour Mearsheimer et Walt. Dans un premier temps, leur livre soulève de nombreuses questions – vous êtes familier avec ce dernier, j’en suis sûr. Une première chose étant la qualité de leurs affirmations. Une deuxième concerne la réception de l’ouvrage. Je pense qu’il est bien reçu. Je pense que c’est parce qu’il disculpe le gouvernement des États-Unis. Il affirme : regardez, tout va bien, mais que pouvons-nous faire ? Il y a ce puissant lobby juif qui nous contrôle. Nous serions heureux de nous porter volontaires comme bénévoles et d’aider des gens, ce sont nos instincts naturels, mais nous sommes piégés par ce lobby juif. Je pense que c’est une très bonne explication du bon accueil de ce livre.

Une deuxième question concerne l’hypothèse soulevée. Est-il vraiment raisonnable de penser qu’un modeste lobby ethnique contrôle la politique des États-Unis ? Si quelqu’un souscrit à cette thèse, il y a une suggestion tactique qui s’ensuit immédiatement : mettez votre cravate et votre veston, allez aux bureaux exécutifs de Lockheed Martin, General Electric, Goldman sachs, JPMorgan Chase, et expliquez-leur que vos intérêts sont lésés par un lobby modeste, que de plus vous pourriez renverser en cinq minutes. C’est la suggestion tactique qui s’ensuit. Est-ce que quelqu’un la suit ? Non, car elle est absurde.

Mearsheimer et Waltz sont de très bons académiciens. Ils font partie de l’école réaliste des relations internationales. Si l’on en croit l’école réaliste, l’État poursuit ce qu’on appelle l’intérêt national, principalement la sécurité. Le monde est anarchique et les États essaient de garantir leur propre sécurité et le confort de leur propre population, c’est l’intérêt national. Il y a de nombreuses questions ouvertes ici. Premièrement, quel est cet intérêt national ? Est-ce que l’intérêt national du PDG de General Electric est le même que l’intérêt du concierge qui nettoie ses sols ? Non, leurs intérêts sont bien différents. Donc quel est l’intérêt national ? En pratique, il se trouve qu’il s’agit de l’intérêt du pouvoir de l’État et de la concentration du pouvoir économique. Observez la mise en place d’une politique, c’est ce qu’elle défend.

Est-ce que l’intérêt national, dans ce sens, est mis en danger par l’attitude politique américaine envers Israël ? Difficile d’y croire. Evidemment, les centres du pouvoir américain ne le pensent pas. Prenez Lockheed Martin ou l’industrie militaire en son entier, un puissant lobby. Ils pensent que c’est génial. Lorsque les États-Unis donnent quelques milliards de dollars à Israël afin d’acheter de l’armement sophistiqué, c’est un cadeau offert à Lockheed Martin. En fait, c’est un double cadeau, parce que c’est ce qu’on appelle dans le commerce de détail une aguiche. Cela signifie que juste après l’Arabie saoudite débarque et dit : attendez-voir une minute, nous voulons acheter pour 60 milliards de dollars d’équipement de piètre qualité que nous ne savons pas utiliser. Et l’industrie militaire peut le leur vendre. Donc c’est génial. Qui plus est, Israël teste son équipement de pointe sur des cibles vivantes. Vous apprenez des choses de ce genre de tests.

Il y a des relations très engagées dans l’espionnage, vraiment très engagées. Cela remonte à longtemps. En fait c’est une des révélations intéressantes de Snowden. Israël est le seul pays qui reçoit des données brutes – en opposition à celles appelées compactées. La plupart des données de la NSA sont censées être filtrées, afin de ne pas s’encombrer de ce qui est vraiment illégal ou indécent. Ces données ainsi filtrées sont celles transmises aux prénommés “cinq yeux” (l’Angleterre, l’Australie, les alliés proches). Mais pas Israël. Eux reçoivent les données directement. Les relations dans l’espionnage sont très engagées.

Les relations militaires sont aussi proches. Un des éléments intéressants révélés par Wikileaks était une liste des sites super stratégiques, des sites tellement importants que les États-Unis se devaient de les défendre coûte que coûte. Il n’y en a pas beaucoup. L’un d’eux se situait juste à l’extérieur de Haïfa : les industries militaires Rafael. C’est un des sites super significatifs que les États-Unis doivent défendre. C’est de l’industrie militaire, de l’industrie militaire de pointe. C’est un des endroits où ils ont développé massivement la technologie des drones. Leurs relations avec le Pentagone sont tellement proches qu’ils ont déplacé leur département de gestion à Washington, là où il y a l’argent.

Jetez un coup d’œil aux investisseurs américains comme Warren Buffett, Intel. Ils investissent partout en Israël. Buffett a récemment dépensé environ un milliard de dollars pour acquérir une certaine entreprise israélienne et a proclamé qu’Israël est le meilleur endroit pour des investisseurs américains à l’extérieur des États-Unis. Intel installe sa nouvelle plus grande usine de puces dernière génération en Israël. Ces gens pensent-ils que leurs intérêts sont mis à mal par cette relation ?

Conor Gearty

John Kerry vous donne un coup de fil demain et dit : cette chose à deux États, c’est un échec, Noam. J’en ai par-dessus la tête que vous me disiez quoi faire – je ferai tout ce que vous me dites. Il n’a qu’une minute, les avis fusent de toute part. Et ensuite? Un seul État ?

Noam Chomsky

Je suis désolé d’être en minorité une fois encore, mais je pense que tout ce discours à ce propos est extrêmement trompeur. Le débat habituel, presque universel, de la part des autorités israéliennes, des Palestiniens, des commentateurs internationaux, de presque tout le monde, est qu’il y a deux options : deux États ou, si c’est fini, un État. En fait beaucoup de Palestiniens le soutiennent. Ils disent : bien, nous avons Israël, donnons-leur les clés. Ils reprennent le contrôle du territoire entier, nous dirigerons une lutte pour les droits civils, une sorte de lutte anti-apartheid.

Tout cela est chimérique. Ce ne sont pas les deux options. Il y a deux options : une est le consensus international sur deux États; la deuxième option est qu’Israël continue à faire exactement ce qu’il fait maintenant, avec le soutien américain. Israël ne veut pas prendre le contrôle de la population palestinienne. En fait, ce qu’ils font, sous vos yeux, c’est de mener à bien l’implantation et les programmes de développement qui partagent la Cisjordanie – Gaza est gardée comme une prison – de façon à intégrer à Israël les parties de la Cisjordanie qu’ils veulent : la banlieue agréable de Jérusalem et Tel Aviv ; la vallée du Jourdain, d’où ils excluent les Palestiniens ; les couloirs qui passent à l’est, Ma’ale Adumim au sud, Ariel au nord. Divisez la région en des sortes de cantons. Prenez le contrôle des ressources majeures, y compris l’eau, mais tenez à l’écart la population. L’idée est qu’il y ait très peu de Palestiniens dans les régions intégrées à Israël, et finalement annexées.

Ainsi en fait il n’y aura pas ce qu’on appelle le problème démographique bien connu, trop d’Arabes dans un État juif. Cela n’arrivera pas. Ce qui arrivera est en fait que la proportion des Juifs dans un Israël plus grand grandira avec l’introduction des colons. Tout d’abord, il n’y a pas beaucoup de Palestiniens dans ces zones et ceux qui y sont seront éjectés. C’est la deuxième option. Donc si vous n’avez pas une solution à deux États, c’est ce qui va arriver. Tant que les États-Unis et la Grande-Bretagne donnent leur appui, bien sûr. C’est crucial.

Source : Chatham House, le 19/05/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/2014-repenser-la-politique-etrangere-des-etats-unis-par-noam-chomsky/


Revue de presse du 12/03/2016

Saturday 12 March 2016 at 00:01

Cette semaine notamment en Géopolitique, enfin une émission censée sur la Syrie ; des youngs leaders à la relance, de la démocratie sans doute ; le travail, ou pas, en France ; et même de l’art(gent). Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-12032016/


Sanders : cachez cet antisémitisme que nous ne saurions voir…

Friday 11 March 2016 at 04:20

Alors petite question : sachant que

1/ la société Américaine, restée en partie raciste, relègue une part importante des Noirs dans une grande pauvreté

Inégalités de patrimoine USA Etats-Unis suivant origine

2/ et que Bernie Sanders défend les pauvres (il propose par exemple la Sécurité sociale pour tous et une hausse de 40 % du salaire minimal)

pourquoi diable les Noirs Démocrates ne votent-ils pas Sanders au lieu de Clinton ?

Exemple d’un sondage sur le Michigan (ou finalement Sanders l’a emporté de peu) :

michigan

Par exemple, dans le New Hampshire, où il a très peu de Noirs, les Démocrates pauvres votaient Sanders :

Les médias vont-ils nous expliquer ce mystère ?

Comment Hillary Clinton s’est appropriée le vote des Noirs

Source : Le Parisien, O8-03-2016

Hillary Clinton, le 7 mars 2016 lors d'un meeting à Detroit (AFP/Geoff Robins)

Hillary Clinton, le 7 mars 2016 lors d’un meeting à Detroit (AFP/Geoff Robins)

Alabama, Louisiane, Tennessee: la liste des Etats du Sud américain remportés par Hillary Clinton lors des primaires démocrates ne cesse de s’allonger, témoignant d’un engouement massif des électeurs noirs pour l’ex-Première dame.

La candidate de Wall Street donc,

Depuis le début des primaires le 1er février, Hillary Clinton a écrasé son unique adversaire Bernie Sanders, dans une dizaine d’Etats concentrés essentiellement dans le sud du pays, où les Noirs constituent une part importante de l’électorat.

Mardi, le scénario a toutes les chances de se reproduire pour les primaires du Mississippi (sud) et du Michigan (nord).

Bien vu pour le Michigan, où il était donné battu de 13 à 37 %…

michigan

Mais si ce soutien des minorités ethniques à Mme Clinton est devenu une évidence pour de nombreux commentateurs, ses ressorts demeurent complexes.

C’est bien, on va avoir toutes les hypothèses pertinentes du coup…

L’ancienne secrétaire d’Etat, présente sur la scène publique depuis plus de trois décennies, aime à rappeler son engagement contre le racisme dès ses jeunes années lorsqu’elle avait enquêté sous la direction d’une grande militante noire-américaine, Marian Wright Edelman, sur la ségrégation dans les écoles en Alabama.

Ah… Ok.

Ensuite, son expérience en tant que première dame de l’Arkansas a marqué sa vision des relations raciales en Amérique, assure la candidate qui mentionne régulièrement ses convictions religieuses chrétiennes, une valeur-clé pour une bonne partie de l’électorat noir.

Ahhhhhhhhh, mais c’est à peine effleuré, vous noterez, chuut.

En Caroline du Sud, Mme Clinton s’est récemment exprimée devant la plus ancienne association d’étudiantes noires du pays.

Dans cette campagne “elle parle avec force des questions (raciales), elle le fait d’une manière qui n’était pas la sienne auparavant et qui n’est pas habituelle pour un candidat à la présidence”, commente Stefanie Brown James, ancienne conseillère de Barack Obama sur le vote des Noirs en 2012.

“Mon adversaire, c’est le racisme. Il n’a pas de visage…” ?

Ce sent la sincérité quoi…

Sans la mobilisation décisive de cette partie de l’électorat dans sept Etats il y a quatre ans, Barack Obama aurait perdu au profit de Mitt Romney, selon l’analyse non-partisane du Cook Political Report.

– L’échec de Sanders en question –

Bernie Sanders, sénateur d’un Etat rural du nord-est où seul 1% de la population est noire, communique moins bien que sa rivale sur le sujet.

Euh ? Ah bon…

Son discours est avant tout axé sur les inégalités économiques et ses tentatives pour rappeler ses prises de positions contre le racisme -comme son arrestation dans les années 1960 pour avoir combattu la ségrégation sur son campus à Chicago- ne semblent pas porter leurs fruits.

“Typiquement, c’est un problème que les Noirs ont avec les progressistes blancs, ces derniers analysent tout à travers le prisme des classes sociales et oublient que la question raciale continue d’être importante“, analyse Andra Gillespie, professeure associée de sciences politiques à l’Emory College d’Atlanta.

Ah. Donc Sanders s’occupe trop des pauvres (dont la plupart sont Noirs), mais pas assez du Racimse. Hmm…

Hillary Clinton s’appuie énormément sur l’héritage de son mari Bill, qui conserve auprès de nombreux Américains la réputation d’un président ayant oeuvré pour les Noirs dans les années 1990 lorsque le taux de chômage baissait et les salaires augmentaient au sein de cette communauté.

Ah, si le mari (sic.) a aidé les Noirs, alors…

Bill Clinton, soignant son image d’homme issu d’un milieu très modeste originaire du Sud, a en effet multiplié les gestes envers ses concitoyens noirs.

– Prison et pauvreté –

Bien qu’il ait nommé un nombre record de Noirs dans son administration ou soutenu la discrimination positive, le bilan de M. Clinton est aussi controversé.

L’ombre de deux textes votés durant sa présidence — le Welfare Reform Act de 1996 et le Crime Bill de 1994 — pèse désormais sur la campagne d’Hillary.

Le premier texte de réforme de l’aide sociale est accusé d’avoir accentué encore les inégalités frappant déjà des familles noires défavorisées, tandis que le second est souvent cité comme responsable de “l’incarcération de masse” dont sont victimes les Noirs aux Etats-Unis.

Ah, super le mari, donc…

“En tant qu’homme noir aux Etats-Unis, si j’étais né aujourd’hui j’aurais une chance sur trois de finir en prison au cours de ma vie”, a lancé à la candidate Don Lemon, un présentateur noir de CNN lors d’un débat dimanche soir.

Hillary Clinton se trouvant à court d’arguments, M. Lemon s’y est repris à deux fois pour lui demander: “Compte tenu de ce qui s’est passé depuis 1994, pourquoi les Noirs devraient-ils vous faire confiance cette fois-ci pour faire les choses correctement ?”

Comme son mari auparavant, Mme Clinton a concédé que “certains aspects de cette loi constituaient une erreur” tout en promettant de s’en prendre au “racisme généralisé régnant sur le système judiciaire”.

Source : BFM TV, AFP, Adrienne Sigel, 09/03/2016

Bref, article super clair, on comprend bien pourquoi Hillary Clinton a obtenu parfois 80 % des voix des Noirs…

et3

Enfin, presque… Essayons encore :

====================================================

Primaires démocrates: Clinton et Sanders se disputent le vote noir

Source : BFM TV, Adrienne Sigel, 09/03/2016

24eb85e050cc635b18f4b9d874292

Alors qu’Hillary Clinton accumule les victoires aux primaires démocrates dans les Etats comptant une forte communauté afro-américaine, son rival Bernie Sanders peine encore à faire une percée auprès de cet électorat.

sanders

Mais c’est quoi ce délire ? Ce type a été arrêté en manifestant pour les Noirs, et on veut nous faire croire que ce sujet ne l’intéresse pas ????

Mais alors, qu’est-ce qui peut expliquer son rejet, hmmm ?

======================================================

Bonus : tiens, je ne savais pas qu’Hillary Clinton faisait partie des “jeunes Républicains” en 1964, et soutenait le Républicain Goldwater :

1964

======================================================

C’est sûr que la carte des victoires d’Hillary interpelle :

primaires-democrates

blacks

Bien, bien…

Rappelons quand même, ce que personne ne fait, que Bernie Sanders est juif (il appelle à la neutralité américaine dans le conflit Israelo-Palestinien), ce qui n’est nullement un avantage aux USA, pour la raison suivante :

antisemitisme-usa-2

Aïe, il n’y a qu’un quart des Noirs américains qui n’ont pas le moindre préjugé envers les Juifs… (Source Anti-Defamation League)

Et c’est décroissant en fonction de l’âge…

Même si c’est en amélioration (enfin, au moins dans les déclarations) :

antisemitisme-usa-1

et bien entendu, sans dire que ça explique tout, c’est une hypothèse à creuser sérieusement en l’espèce, mais ce n’est jamais mis en avant…

Vous comprenez mieux du coup le : “la candidate qui mentionne régulièrement ses convictions religieuses chrétiennes, une valeur-clé pour une bonne partie de l’électorat noir.”

Mais chuuut, on ne va pas dire que Sainte Hillary bénéficie, au moins en partie, de l’antisémitisme des Noirs américains…

vote-noir

Source: http://www.les-crises.fr/sanders-cachez-cet-antisemitisme-que-nous-ne-saurions-voir/


« SCANDALE : Intermarché veut soutenir les agriculteurs, l’Europe refuse », par Charles Sannat

Friday 11 March 2016 at 02:19

Source : Insolentiae, Charles Sannat, 29/02/2016

UERSS

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Intermarché veut soutenir les agriculteurs mais l’Europe refuse alors que le gouvernement est confronté à une colère noire de nos amis agriculteurs sur fond d’effondrement des cours, dont il faut tout de même rappeler un peu l’origine.

L’un des plus gros clients de la filière porcine française était… la Russie. En décrétant un embargo pour des raisons politiques plus ou moins avouables à l’égard des Russes, nous avons tiré une balle dans le pied d’un certain nombre de pans de notre économie. Parce qu’il est toujours important de dire la vérité et de rappeler l’enchaînement funeste de mauvaises décisions, nos dirigeants ont aggravé la situation en prenant des sanctions au niveau européen à l’encontre de la Russie.

Ces sanctions ont conduit à l’état catastrophique actuel de notre filière porcine qui connaît un effondrement sans précédent de ses cours, ce qui précipite des milliers d’exploitations, d’agriculteurs et leurs familles dans des difficultés financières insoutenables très longtemps.

C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier la crise agricole qui secoue notre pays et le chahutage de nos mamamouchis en goguette au Salon de l’agriculture.

Pour soutenir son écosystème, Intermarché s’était engagé à acheter le porc à 1,40 euro le kilo minimum

Si mon objectif n’est pas d’encenser la grande distribution qui a des habitudes absolument détestables autour de ses fournisseurs, des prix et de la qualité des produits vendus, il n’en demeure pas moins que notre objectivité doit nous faire noter que les grandes enseignes essaient de soutenir les éleveurs.

Rassurez-vous, il ne sont pas devenus gentils et altruistes en une journée. Leur soutien est très intéressé mais nous ne nous en plaindrons pas ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les grands distributeurs évoluent dans un écosystème avec de très nombreux producteurs et fournisseurs. Si les fournisseurs meurent, alors les distributeurs n’ont plus grand-chose à vendre : c’est donc un équilibre subtil qu’il faut maintenir.

L’Europe, qui crée la crise, refuse le soutien d’Intermarché et ouvre une enquête ! Et Valls a un petit zizi…

Cette Europe d’europathes complètement malade de l’idéologie dégoulinante de la libre concurrence – ce qui est un terme pudique pour parler du totalitarisme marchand qu’elle nous impose – ne pouvait donc pas laisser passer une telle entorse aux sacro-saintes règles du libéralisme mondialiste sans réagir. Même si nous devons tous mourir, nous mourrons sans entraves au libre-échange !

“La Commission européenne a ouvert une enquête sur Intermarché, car elle estime que le choix de l’enseigne d’acheter la viande plus cher aux éleveurs français est une entrave à la concurrence étrangère.

Le groupement de distributeurs indépendants Intermarché (Les Mousquetaires) est sous le coup d’une enquête de la Commission européenne, après s’être accordé l’an dernier avec son concurrent Leclerc pour acheter du porc à un prix plancher, a affirmé vendredi son président Thierry Cotillard.”

C’est dans ce contexte que le Premier ministre Valls, en visite au Salon de l’agriculture, a reçu quelques noms d’oiseaux dont la palme revient à cet agriculteur qui a dit, comme le raconte cet article de L’Express : “Va te cacher. T’as rien compris petit zizi, tu vas pas changer l’Europe…”

Hormis le langage fleuri de cet impertinent des campagnes, son constat est d’une cruelle vérité. Valls, malgré toute sa bonne volonté, ne changera pas l’Europe parce que pour changer l’Europe, il faut la quitter !

Quel est le pouvoir que nos dirigeants qui, toutes couleurs confondues, ont abdiqué la France contre cette Europe ?

Quel est le courage qu’ils savent manifester ?

Quelle est l’indépendance qu’ils veulent nous montrer ?

Quelle est la force qu’ils peuvent utiliser contre des institutions européennes qui, aujourd’hui, martyrisent les peuples d’Europe ?

Il n’y a rien à attendre car nos mamamouchis n’ont qu’un mot à la bouche : l’Europe. Une trahison, l’Europe, une compromission, l’Europe, une soumission, l’Europe. Aucun d’eux n’aura le courage de dire non à cette Europe et de la mettre au pied du mur. Nous sommes la France, et l’Europe sans la France c’est la fin de cette Europe. Ils n’ont qu’un mot à dire : non.

Ils ne le disent pas, mais le destin s’en chargera et le vent de l’histoire les balaiera.

En attendant mes chers amis, préparez-vous, il est déjà trop tard !

Charles SANNAT

Source : Insolentiae, Charles Sannat, 29/02/2016

 

Intermarché visé par une enquête de Bruxelles pour son soutien aux éleveurs

Source : Le Figaro, AFP, 28/02/2016

XVM3ff89a88-de20-11e5-93f9-40a1f7179302

L’enseigne avait convenu avec Leclerc d’acheter le kilo de porc à un prix plancher. «L’Europe considère que cet accord était discriminant vis-à-vis des pays tiers», a déclaré Thierry Cotillard, président du groupe.

Le groupement de distributeurs indépendants Intermarché (Les Mousquetaires) est sous le coup d’une enquête de la Commission européenne, après s’être accordé l’an dernier avec son concurrent Leclerc pour acheter du porc à un prix plancher, a affirmé vendredi son président Thierry Cotillard.

«Sur le porc, l’été passé, Intermarché s’était accordé avec Leclerc pour acheter le kilo (de porc) 1,40 euro (…). Mais ça n’a pas tenu. Maintenant, Bruxelles nous tombe dessus et enquête», a déclaré le patron d’Intermarché, dans un entretien au quotidien Libération mis en ligne vendredi soir. «L’Europe considère que cet accord était discriminant vis-à-vis des pays tiers. Donc maintenant, nous sommes très prudents pour trouver des solutions», poursuit le dirigeant, précisant que son groupe risque une amende potentielle «à hauteur de 5% de notre chiffre d’affaires».

Lutter contre la volatilité des prix

L’an dernier, alors que les cours du porc s’étaient effondrés en dessous du prix de revient des agriculteurs, le gouvernement avait fixé un objectif d’achat de 1,40 euro le kilo lors de négociations avec la filière, et des enseignes comme Leclerc et Intermarché s’étaient engagées à procéder à des achats de cochons à ce niveau.

Le 25 février dernier, l’enseigne avait réaffirmé son engagement et sa volonté de soutenir les éleveurs. Le groupe avait annoncé la mise en place d’une contractualisation avec les producteurs partenaires, garantissant un prix plancher de 1,28 euros le kilo de porc, et pouvant atteindre les 1,50 euros. «A terme, l’ambition est que la moitié de nos volumes de production soit contractualisée, ce qui représente au moins 1,2 million de têtes», avait déclaré le président du groupe. Les contrats ne porteront au plus que sur 50% de la production des éleveurs, pour leur laisser de la flexibilité, avait ajouté Thierry Cotillard.

Ce mécanisme de contractualisation n’est pas nouveau. Déjà présent dans la filière laitière, il est envisagé par le gouvernement pour lutter contre la volatilité des prix de la filière porcine française. Le géant des produits laitiers Danone a annoncé le 24 février dernier avoir passé un accord avec 2.000 des 2.600 éleveurs qui approvisionnent ses cinq usines françaises. Le groupe s’est engagé «à définir une nouvelle formule de prix intégrant les coûts de production, en concertation avec chacune des parties pour être au plus près des spécificités locales».

Source : Le Figaro, AFP, 28/02/2016

 

«Intermarché va rogner les marges de l’abattoir et du distributeur, on a les deux !»

Source : Libération, Philippe Brochen, 26/02/2016

Pour Thierry Cotillard, patron des enseignes des Mousquetaires, on ne sortira de cette crise que si on n’est pas dans une course effrénée à la compé­titivité.

Fils d’aviculteurs de Saint-Carreuc (Côtes-d’Armor), Thierry Cotillard, 41 ans, est président du groupement Intermarché qui compte 1 850 enseignes des Mousquetaires en France et 300 magasins Netto. Cet ingénieur en agroalimentaire diplômé de HEC, qui possède deux supermarchés à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), livre son regard sur la crise et avance des propositions.

Les distributeurs, dont vous faites partie, sont accusés par les producteurs de pratiquer des marges trop importantes. Que leur répondez-vous ?

Cette crise est complexe, car elle n’est pas que conjoncturelle, mais structurelle. Il faut d’abord gérer l’urgence, comme dans le lait, afin de créer une charte entre les trois acteurs de la filière. Sur le porc, l’été passé, Intermarché s’était accordé avec Leclerc pour acheter le kilo 1,40 euro, car nous sommes les deux seules enseignes à posséder des abattoirs. Mais ça n’a pas tenu. Maintenant, Bruxelles nous tombe dessus et enquête. Nous risquons une amende à hauteur de 5 % de notre chiffre d’affaires.

Pourquoi ?

Parce que l’Europe considère que cet accord était discriminant vis-à-vis des pays tiers. Donc maintenant, nous sommes très prudents pour trouver des solutions. Intermarché compte 62 usines et sites de production, 7 abattoirs, une laiterie, des usines de charcuterie…

Avec Leclerc, vous êtes la seule enseigne à ne pas être seulement distributeur mais aussi transformateur. Quel est votre intérêt ?

Ces choix ont été faits il y a quarante ans. Nous couvrons à peu près tous les secteurs d’activité avec nos usines. Avec 4 milliards d’euros annuels de chiffre d’affaires réalisé en France, nous sommes le quatrième ou cinquième industriel alimentaire hexagonal, derrière Nestlé mais devant Coca-Cola. Ce n’est pas opportuniste de notre part de dire qu’il faut des circuits courts, des contrats avec des producteurs. Quand il y a eu la crise du porc il y a trente ans, la première enseigne qui a assuré le kilo à 7 francs était Intermarché. Depuis, le coût de la vie a augmenté, et on est quasiment au même niveau de rémunération pour les éleveurs. C’est incroyable, non ?

Quelles sont les solutions ?

On ne sortira de cette crise que si on n’est pas dans une course effrénée à la compétitivité, parce que 1 000 vaches sur du béton alimentées par un technicien dans un cockpit, ce n’est pas le modèle français. Il faut aller vers quelque chose de plus vertueux, avec un cahier des charges, une qualité, et l’assumer à terme avec la pédagogie auprès du consommateur pour dire qu’il y a un juste prix. On peut faire le choix d’acheter le porc à 1 euro le kilo demain, mais alors on choisit de ne plus avoir d’agriculture en France.

Que proposez-vous ?

Depuis un an, face à la volatilité des cours des produits agricoles, Intermarché travaille à assurer un prix minimum sur le porc. La formule est trouvée à 1,5 euro le kilo. Mais attention : un cahier des charges a été défini sur le plan qualitatif, par rapport aux taux de graisse, etc. Les premiers contrats qui garantiront ce prix équitable de 1,5 euro sur cinq ans aux éleveurs seront signés la semaine prochaine avec une vingtaine de producteurs partenaires dans notre abattoir de Josselin (Morbihan). Et on n’a pas mis de prix plafond. C’est-à-dire que si ça monte à 1,80 euro, on paiera 1,80 euro. Très rapidement, d’autres éleveurs s’engageront dans cette contractualisation.

C’est un engagement fort…

Un gros pari, oui. Nous misons sur le long terme. Et on a la conviction que le consommateur ne fera pas le choix d’une enseigne que sur le prix, mais aussi sur les engagements sociaux et sociétaux. Nous, on affiche le logo «viande de France» sur tous nos emballages.

Y compris sur les produits avec de la viande transformée ?

Oui. Nous estimons que la traçabilité est essentielle. Chez Intermarché, parmi les plats cuisinés, 84 % sont made in France, quand la plupart de nos concurrents sont à 20 %, 30 %, 40 %, et le meilleur à 50 %. On a fait aussi le travail sur la viande fraîche et la charcuterie avec notre marque Monique Ranou, qui produit 100 % français. Aujourd’hui, on en assume le coût, car on ne peut pas le répercuter sur le prix de vente au consommateur. Du moins à court terme, car j’espère qu’à moyen terme les choses bougeront.

Vous faites le choix du marketing éthique…

Les gens disent qu’ils veulent acheter français. Mais quand il y a un écart de prix significatif, ils achètent le moins cher. A court terme, vu le prix auquel on va acheter la viande aux producteurs, on ne répercutera pas la hausse sur le prix de vente au client, sinon on va être pénalisés. Donc on va rogner la marge de l’abattoir et la marge du distributeur, puisqu’on a les deux !

Comment parvenir à concilier des prix bas en rayons et des rémunérations décentes pour les producteurs ? C’est une sorte de quadrature du cercle, non ?

Je ne suis pas certain qu’on ait des gens assez responsables pour pouvoir fonctionner sans une modification de la loi avec un cadre plus répressif.

Car il y a des transformateurs qui ne jouent pas le jeu ?

Oui, je n’ai aucun problème à le dire. Et les agriculteurs commencent à comprendre que tout le monde a sa part de responsabilité, et qu’il y a des coopératives ou des gros transformateurs qui ne rémunèrent pas comme ils le devraient. Il n’y a qu’à voir leurs résultats.

Où est l’argent qui ne va pas dans les poches des producteurs ?

Il y a très clairement une guerre tarifaire entre distributeurs qui a provoqué des baisses de prix, a détruit de la valeur et qui n’est pas responsable. L’an passé, il y a eu 1,7 milliard de baisse de prix sur les 2 000 produits qui se vendent le plus en France. Pour le consommateur, cela représente 36 euros par ménage et par an. Si, pour 3 euros par mois d’économie par famille, on casse l’agriculture, ce n’est très clairement pas acceptable.

Et quid de la part de responsabilité du transformateur ?

Il y a effectivement des sociétés qui vivent bien. Danone a annoncé 1,2 milliard de bénéfices en 2015 au niveau européen. Ces bénéfices ont été engendrés grâce à la baisse à l’achat du prix du lait. Là, c’est clairement la marge des producteurs qui a été rognée. Les géants de la transformation laitière cotés en Bourse affichent 10 % de résultat net par rapport à leur chiffre d’affaires. Sur la viande de bœuf, les gros acteurs français sont à 7 % ou 8 %. Intermarché, c’est entre 2 % et 2,5 %.

Source : Libération, Philippe Brochen, 26/02/2016

agriculteurs-2

agriculteurs

Source: http://www.les-crises.fr/scandale-intermarche-veut-soutenir-les-agriculteurs-leurope-refuse-par-charles-sannat/


Accord turco-européen sur les migrants : “Nous avons affaire à des maîtres chanteurs”

Friday 11 March 2016 at 01:16

Les médias Belges sont plus francs que les nôtres…

Source : Le Soir, Jurek Kuczkiewicz, 08-03-2016

Les 28 et la Turquie se sont entendus sur un schéma d’accord suite à une proposition surprise présentée par le chef de gouvernement turc.

Le premier ministre turc Ahmet Davutoglu. © Photo News

Le premier ministre turc Ahmet Davutoglu. © Photo News

Qui avait parlé d’une réunion cruciale ? Il y a quinze jours, à l’issue du sommet précédent, nombre de dirigeants européens avaient dit tout haut ou laissé entendre que d’ici la réunion extraordinaire de ce lundi, ils voulaient voir des résultats tangibles des efforts des autorités turques pour faire baisser les traversées de migrants et réfugiés par les réseaux de passeurs vers la mer Egée.

Un schéma d’accord

Qu’en est-il, à l’issue du sommet informel où les 28 se sont réunis à Bruxelles avec le premier ministre turc Davutoglu ? « Nous avons franchi une étape supplémentaire dans la bataille pour résoudre la crise des réfugiés », a commenté sobrement le premier ministre belge Charles Michel. Lequel avouait ensuite son « sentiment mitigé : je ne dis pas ‘eurêka ‘, nous avons trouvé la solution. C’est un pas dans la bonne direction. »

Les 28 et la Turquie se sont mis d’accord sur le cadre d’un nouveau plan, basé sur une proposition surprise présentée par le chef de gouvernement turc. L’élément le plus spectaculaire : la Turquie accepte désormais de se faire renvoyer par la Grèce tous les migrants qui y arriveront irrégulièrement. C’est-à-dire tant les migrants économiques qui ne peuvent prétendre à l’asile, que les réfugiés syriens. L’UE quant à elle acceptera d’accueillir directement à partir de la Turquie un réfugié syrien pour un Syrien réadmis par la Turquie.

Les contreparties acceptées par les Européens

L’UE va doubler – de 3 à 6 milliards d’euros – le montant de l’enveloppe qu’elle avait déjà consentie en novembre dernier pour venir en aide aux réfugiés présents en Turquie.« Ce n’est pas de l’argent pour la Turquie qui n’en a pas besoin et qui ne mendie rien, s’emportait M. Davutoglu en conférence de presse : c’est une répartition équitable de la charge. »

Par ailleurs, l’UE va accélérer la libéralisation des visas pour les ressortissants turcs. Cette mesure était prévue pour octobre dans le plan conjoint conclu avec la Turquie en novembre. Elle sera effective en juin, pour autant qu’Ankara adopte une série de lois liées à la sécurité de documents de voyage. « Mais cela va aussi de pair avec les réadmissions, ajoutait Charles Michel. De facto, il y aura d’abord les réadmissions par la Turquie, et ensuite seulement la libéralisation des visas. »

Enfin, l’UE laisse entrevoir l’ouverture de cinq nouveaux chapitres des négociations d’adhésion de la Turquie. L’ouverture d’un nouveau chapitre décidée dans le premier plan d’action EU-Turquie de novembre, avait déjà fait sensation, vu que ces négociations étaient gelées depuis des années, et que plus personne, de part et d’autre, ne croit sérieusement à une adhésion dans un avenir prévisible…

Tout cela ne reste encore à l’heure actuelle qu’un schéma d’accord. Les 28 ont chargé le président du Conseil européen Donald Tusk d’en « élaborer les détails avec la partie turque d’ici la prochaine réunion ordinaire du Conseil européen ». Celle-ci se tiendra dans dix jours, les 18 et 19 mars.

Par ailleurs, les 28 se sont entendus comme annoncé par Le Soir dimanche pour déclarer urbi et orbi « qu’il est mis fin au flux irrégulier de migrants sur la route des Balkans occidentaux » : la route qu’empruntaient les migrants pour remonter de Grèce vers l’Europe du Nord, et que l’Autriche et les pays de l’ex-Yougoslavie s’étaient entendus pour bloquer. Mais, comme l’avait souhaité la chancelière allemande, la phrase la plus dure («  cette route est maintenant fermée ») a été supprimée. Cela ne change rien à l’affaire : les 28 ont bel et bien décidé unanimement d’entériner les faits, et d’en faire un principe : les migrants et réfugiés ne pourront plus circuler sur cette route – et a priori sur d’autres non plus – conformément aux règles de Schengen et du règlement européen de Dublin sur l’asile qui avaient volé en éclat ces derniers mois.

Pléthore de doutes

Pour en revenir aux aspects neufs du « deal » avec la Turquie, il reste pléthore de doutes. À commencer par la base légale des renvois de réfugiés syriens vers la Turquie, pour les réadmettre ensuite en Europe. Selon Jean-Claude Juncker et ses services, la légalité est assurée, dans la mesure où la Turquie est considérée (en l’occurrence par la Grèce) comme un pays d’origine sûre. Mais nombre de diplomates ont des doutes, et Donald Tusk lui-même indiquait que « nous devons rester prudents à ce sujet ».

Mais tous les dirigeants et leurs collaborateurs assuraient que l’on a trouvé dans ce schéma de réadmission la meilleure façon de réduire le business modèle des passeurs et trafiquants. « Cela ne concernera probablement pas plus de 10.000 réfugiés syriens qui arriveront encore sur les îles grecques, expliquait une source européenne. Et ce n’est qu’un instrument temporaire pour ramener à zéro le flux de passages irréguliers. C’est cet accord qui permettra ensuite d’entamer le plan à grande échelle de réinstallation en Europe de réfugiés directement à partir de la Turquie, que nous avons planifié depuis longtemps. »

Un plan que le Premier ministre belge aurait voulu voir déjà « beaucoup plus opérationnel ». Notamment aussi sur le volet européen de partage de réfugiés, par relocalisations (à partir de la Grèce et l’Italie) ou par réinstallations (directement de Turquie). Mais les pays d’Europe centrale expriment toujours leurs réticences ou, dans le cas de la Hongrie, leur refus catégorique d’y participer. « J’ai rappelé que les fonds de cohésion (qui bénéficient aux pays ou régions les plus retardés, NDLR) représentent quelque 280 milliards d’euros. Alors qu’on parle par exemple de 3 ou 6 milliards d’aide aux réfugiés de Turquie », a insisté Charles Michel ; Lequel reproche aux pays d’Europe centrale d’avoir une conception d’Europe-Bancontact, mais de refuser de faire montre de solidarité envers les autres.

L’offre de la Turquie de mettre en œuvre à brève échéance la réadmission de tous les migrants qui arriveront désormais en Grèce est un véritable « game changer », soutenait encore notre source européenne. Qu’est-ce qui explique ce déblocage turc, auquel personne ne s’attendait ? « C’est l’aveu de leur impuissance à juguler les trafics des passeurs chez eux, confiait au Soir une source haut placée, et c’est notamment dû à l’extraordinaire corruption. » Et ce serait la longue négociation nocturne d’Ahmet Davutoglu avec Merkel et Rutte qui aurait produit la rédaction de l’offre turque, que beaucoup de diplomates pensent avoir été directement rédigée par les Allemands et les Néerlandais.

Au passage, nombre de délégations ne se sont pas privées pour critiquer en « off » la façon dont Donald Tusk a été débordé par le duo Merkel-Rutte, qui a négocié séparément avec Davutoglu pour débarquer au sommet avec un projet qu’ils pensaient faire accepter séance tenante par les autres. « C’est scandaleux », confiait un diplomate de haut rang, tandis qu’un collègue tout aussi haut placé qualifiait de « très rock’n’roll » le déroulement du sommet.

La Turquie et son adhésion à l’UE

Les 28 ont encore, selon la déclaration finale, « discuté de la situation de la presse en Turquie avec le Premier ministre turc ». Allusion à la descente et la prise de contrôle du quotidien d’opposition Zaman. Charles Michel s’est voulu plus offensif sur ce sujet : « Je ne change pas d’opinion. Je continue de penser que la Turquie est très très loin de rencontrer les conditions d’un processus comme celui de l’adhésion. La liberté de la presse est un droit intangible non négociable. Nous avons plaidé pour l’insertion d’une phrase à ce sujet [dans la déclaration finale]. Cette phrase est un pas dans la bonne direction, mais elle est à mon sens insuffisante. » En conférence de presse, après Ahmet Davutoglu qui assurait que « la liberté d’expression est une valeur de base pour nous » et que « personne ne peut accuser la Turquie d’en être privée », Donald Tusk a repris la parole brièvement pour clore à sa façon le sujet : « La liberté de la presse reste l’une des principales conditions à l’adhésion à l’UE ».

Façon de dire qu’on en est loin. Mais ce n’est clairement pas cela qui empêchera la coopération avec la Turquie pour endiguer le flux migratoire vers l’Europe, y compris des renvois massifs de migrants. Un haut dirigeant portait ce jugement lapidaire, après les douze heures de sommet avec ou autour de la Turquie : « Nous avons affaire à des maîtres chanteurs. Et ils savent très bien jouer de nos divisions et de nos faiblesses européennes. »

Source : Le Soir, Jurek Kuczkiewicz, 08-03-2016

Source: http://www.les-crises.fr/accord-turco-europeen-sur-les-migrants-nous-avons-affaire-a-des-maitres-chanteurs/