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Actu’Ukraine, 20 septembre, par Nicolas

Saturday 20 September 2014 at 03:55

Situation dans le Donbass

carte-18-09

carte du Donbass au 18/09

L’armée de Novorossie a été créé, et dans la foulée les commandants les plus importants (Bezler, Mauvais Soldat, Strelkov, Mozgovoï, Tsar…) ont été élevés au rang de “général-major”. Le commandant en chef de l’armée est le lieutenant-général Korsun. Cette décision fait râler Oleg Tsayov, le porte-parole de l’Assemblée de Novorossie (et ancien député d’Ukraine, parti des régions), puisque cette décision ne s’est pas prise dans les règles du cadre confédéral, qui imposait que les républiques en décident ensemble. Et de fait, le document fondateur de cette armée est un accord entre les commandants des bataillons de volontaires, selon sa première page qui a été publiée. Il faudra se pencher sur le projet politique novorusse et voir si les généraux n’essaient pas de prendre le pouvoir de façon anti-démocratique. Mozgovoï pour sa part a été très clair, il estime qu’il acquiert sur le champ de bataille la légitimité qui lui permettra de briguer un poste politique important, et il a enjoint tous ceux qui veulent jouer un rôle polotique en Novorossie à se battre pour la Novorossie.

Les échanges de prisonniers se poursuivent, y compris de civils pro-novorusses qui était détenus en raison de leur soutien aux rebelles. Goubaryov est rentré à Donetsk et leur a offert du soutien. Je rappelle que Goubaryov avait été fait prisonnier au début de conflit et échangé pour près de 20 soldats de Kiev (18, de mémoire).

RPD

La situation reste difficile dans l’aéroport de Donetsk. Les troupes de Kiev qui y sont encerclées sont lourdement armées et résistent. Igor Strelkov a affirmé qu’à cause d’un ordre strict de ne pas tirer, les rebelles ont laissé 24 tanks ennemis entrer dans l’aéroport le 16 septembre. “Mauvais soldat” (Plokhoï Soldat), le général major qui gère l’encerclement de l’aéroport, affirme que la majorité de ces tanks sont sortis le lendemain matin avec des blessés. Après cela, les combats ont repris. Les rebelles continuent le “nettoyage” de l’aéroport, et les bombardements de Donetsk par les troupes encerclées se poursuivent. Un couvent de Donetsk a été bombardé. Une école (numéro 45) a également été touchée par un bombardement.

L’encerclement de Debaltsevo évoqué précédemment se poursuit, mais la route Debaltsevo – Artemovsk n’est toujours pas sous le contrôle de la RPD, qui toutefois y a des groupes de saboteurs qui empêchent les renforts ou ravitaillements d’arriver. Pour ceux qui voudraient savoir comment se déroulent une embuscade sur un convoi de Kiev par les rebelles, une vidéo extrêmement violente a été récemment postée sur la chaîne Youtube de Novorussia, sur laquelle on voit comment une compagnie du bataillon Aïdar a été massacrée le 5 septembre. On voit aussi que les 2 prisonniers ne reçoivent pas le moindre coup ni même d’insulte (ça ne va au-delà de “Qu’est-ce que tu es venu faire chez nous?”). Le premier prisonnier, indemne, semble avoir déjà réalisé qu’il s’était fait berner par la propagande.

Un nouveau kotyol aurait été formé le 17 septembre, entre Gorlovka, Enakievo et Makeevka (nord-est de Donetsk), encerclant 2500 soldats de Kiev lourdement armés. L’histoire se répète, les stratèges de Kiev n’ont pas dû remarque le désastre des kotyols précédents, ce qui confirment que les Zuniens ne tirent pas de leçons de l’Histoire. Ce nouveau kotyol est indiqué par le numéro 13, sur la carte de dragon-first (qui a pris la suite de kot-ivanov).

Pas de changement autour de Marioupol, mais les rebelles qui sont dans la banlieue est se font bombarder à l’artillerie lourde. Les autorités de Kiev veulent couper la région de Donetsk en 2 pour créer une région ayant Marioupol comme capitale. La Novorossie réduite au Donbass sans Marioupol dépendrait entièrement de la Russie, alors qu’avec Marioupol elle peut devenir un pays relativement riche (Le Donbass était avant la guerre un gros exportateur net (~8G$, de mémoire) vers le monde entier, grâce au port de Marioupol. Sans le port, le seul débouché est la Russie.

RPL

Au nord de Lougansk, une centrale électrique a été endommagée. Kiev affirme que c’est à cause d’un obus (évidemment tiré par les rebelles / terroristes tchétchènes/ soldats russes / envahisseurs martiens /séparatistes écossais) on y croirait si Sergueï Melnitchouk, un commandant de Kiev, n’avait pas menacé devant une caméra de faire sauter cette centrale, qu’ils avaient déjà minée, en cas de progression des rebelles. Un transformateur, d’une valeur de plus de 10 millions d’euros, a été détruit. C’est pas grave, c’est l’Europe qui paiera, ou la Russie, mais sûrement pas Kiev. La centrale fonctionne encore partiellement. Une usine de Pervomaïsk qui employait 1500 personnes a été détruite.

Les déchets n’étant plus ramassés depuis des semaines à Lougansk, la mairie a demandé à la population de participer

Kiev

dialogue Porochenko-Cameron

dialogue Porochenko-Cameron

Il y a beaucoup d’ambiance ces temps-ci à Kiev. Si vous n’avez toujours pas vu le député Vitaliy Jouravskiy jeté dans une poubelle par des “activistes”, c’est par là. Les “activistes” ont toujours la même idéologie, on voit un drapeau rouge et noir sur la vidéo.

Le célèbre bataillon de police d’élite “Berkut”, dont une grande partie a démissionné, a été supprimé, pour le remplacer par des S.W.A.T, à la sauce américaine.

À cause de la guerre, 300 millions d’euros d’impôts ne sont pas arrivés dans les caisses de l’État. Pas grave, les É-U devraient fournir 350 millions de dollars en armes à l’Ukraine en 2015 si le projet de loi passe (selon la radio russe BFM ). En Ukraine, le volume des constructions a baissé de 63% entre août 2013 et août 2014., la production de charbon s’est écroulée de 60% sur la même période, et la production industrielle s’est de 21,4% , et de 12% entre juillet et août : pas facile sans les commandes russes. La situation sociale continue de se dégrader, mais c’est rien tout ça, Porochenko a promis que l’Ukraine rendra l’Europe plus riche et plus stable. Ah bah oui, entre la guerre et la chute des exportations européennes vers la Russie, c’est du pur bonheur, merci l’ami !

Tout va mal, donc il faut continuer d’accuser la Russie. Aleksandr Danilyuk, citoyen ukro-britannique qui a eu un rôle important lors du coup d’état de Maïdan (il s’est occupé de la prise par la force de ministères) affirme qu’il y a non seulement 5000 soldats russes en Ukraine, mais aussi plus de 15000 mercenaires. Donc en gros il n’y a personne parmi la population qui participe à la rébellion. Bah c’est chouette, ils vont pouvoir arrêter de bombarder la population et recommencer à verser les retraites, et les aides sociales et les salaires des fonctionnaires, des travailleurs médicaux et des employés municipaux alors ?

Statut spécial du Donbass

Les nationalistes n’aiment pas la loi sur le statut spécial du Donbass, qu’ils jugent être une capitulation. Yaroch, un extrêmiste parmi les extrêmiste (il aurait été blessé dans le Donbass) a tout simplement menacé Porochenko d’un coup d’état. Les rebelles aussi, dans l’ensemble, considèrent que ce texte ne les concerne pas puisque c’est une loi ukrainienne. Comme ça tout le monde est content.

Porochenko, en tournée commerciale (d’achat d’armes lourdes) en Amérique du Nord, a déjà expliqué qu’il n’y aura pas de semi-autonomie du Donbass. Bah non, vous vous rendez-compte, l’autonomie, c’est la pente glissante vers la démocratie, demandez aux Écossais ou aux Québécois. Il s’agit seulement de mesures temporaires, 3 ans, pour arriver à la normalisation de la situation dans le Donbass. 3 ans, ça doit être le temps qu’il estime nécessaire pour que les habitants du Donbass oublient que les armées de Kiev ont bombardé leurs maisons, tué leurs voisins, détruit l’infrastructure de la région, et se mettent à chanter “qui ne saute pas est un moskal !”. Et 3 ans est un maximum, le statut spécial peut être annulé au bout d’un an voire de 6 mois.

Quel est ce statut magique qui résout tout ? Le statut spécial du Donbass décrète une amnistie générale, et légalise les milices populaires du Donbass, ce qui évidemment semble totalement inacceptable pour les nationalistes ukrainiens. Le contour de la zone concernée sera décidé par le SBU, alors qu’il aurait dû être décidé par les députés selon le texte qui a été voté. L’Ukraine est une démocratie moderne, européenne : pas besoin que les députés se mêlent de tous les aspects des lois. Le SBU, c’est la branche ukrainienne de la CIA. Difficile de savoir ce que signifie ce changement en douce de la loi, mais on pourra comparer les limites de la zone à statut spécial à la carte des gisements de combustibles fossiles, juste par curiosité. Le statut spécial permettra aussi à la Russie de contribuer au budget du Donbass. Bah elle essaie déjà, avec un 3e convoi humanitaire en préparation, mais faire payer à la Russie les destructions causées par l’armée de Kiev, c’est une idée qui paraît vraiment dépasser toutes les bornes. En novlangue, ça donne quelque chose comme “permettre au Donbass de conserver des liens étroits avec la Russie”.

La fête du nationalisme, c’est tous les jours

Les nationalistes, justement, se font de plus en plus visibles. S’ils continuent, les journalistes de France TV pourraient finir par les remarquer (je plaisante, tant qu’ils ne crient pas “Heil Hitler !” en faisant le salut hitlérien sous des svastikas ya aucun risque, par contre les journalistes allemands et anglais vont finir par se poser des questions sérieuses).

Sur cette vidéo on voit un Secteur Droit parler de près de 10 000 soldats de Kiev tués à la guerre et surtout promettre d’aller jusqu’à Moscou si les troupes russes ne se retirent pas. Le premier joyeux drille porte de façon très visible sur le bras gauche un symbole qui ne devrait pas échapper aux lecteurs les plus attentifs du blog, celui de la division de volontaires SS “Galizien” (Galicie)

SS-Galicie

SS-Galicie

Un autre nazillon, de l’OUN, est très en colère contre le statut spécial du Donbass et explique que ce qu’il faut, c’est arrêter les élections (il a ensuite édité son message, mais FB les laisse disponible). Une bonne dictature militaire, ya que ça de vrai pour intégrer pleinement les valeurs morales du Bloc Américano-Occidental (qui a soutenu des dictatures militaires au Chili, au Brésil, en Grèce, en Espagne etc.)

À Lvov l’OTAN joue à la guerre, parce que la situation n’est pas encore assez grave. Et les nationalistes manifestent pour accueillir l’OTAN. Le joli symbole qui ressemble à une svastika sans en être une, c’est le symbole de l’Union Slave, groupe national-socialiste russe, en version ukrainienne. Néonazis de tous les pays, unissez-vous ? Notez que les initiales d’union slave, en russe, sont “SS” (pour Slavianskiy Soyouz), et que l’indémodable slogan “Idée de la Nation” (toujours la même référence au WolfsAngel inversé de la division “Das Reich”) est visible sur la bannière en tête de cortège.

Le Bataillon Azov a récemment annoncé fièrement sur son compte Facebook:

Aujourd’hui, selon l’ordre du ministre des Affaires intérieures de l’Ukraine Arseniy Avakov, et pour services exceptionnels rendus à l’Ukraine,  du bataillon “Azov” est créé le régiment “Azov”. “Azov” – est l’armée de l’avenir… …Gloire à l’Ukraine!

C’est-à-dire que le bataillon de volontaires devient un régiment “régulier”. Pour ceux qui n’ont pas suivi, Cf. le billet du 12 septembre où je parlais du premier Congrès du Front Populaire. Biletskiy (bataillon Azov) et Avakov étaient ensemble. Notons pour ceux qui n’auraient pas encore compris que le Bataillon Azov est un bataillon de néonazis que parmi les 2 pages que le Bataillon Azov “aime” sur Facebook, il y  l’Assemblée Social-Nationale.

Au parlement européen, Nigel Farage a proposé un truc complètement fou : que l’Europe arrête de provoquer la Russie.

Que Farage s’occupe de l’Angleterre, il n’y a rien à reprocher aux Ukrainiens, qui sont de bons européens, eux, pas comme lui. Et ils savent parfaitement éduquer leur jeunesse. Dans cette vidéo les enfants jouent au jeu des slogans néonazis. Ils crient “Deutschland über alles !”, mais en ukrainien, et saute en chantant “qui ne saute pas est un moskal !”. Une grande partie d’entre eux a probablement une majorité d’arrières grand-parents russes mais c’est pas grave, c’est mignon à cet âge là.

Je mentionnais précédemment que quand on n’impose pas l’ukrainien, il n’est pas très populaire. Personne n’impose quoi que ce soit aux personnes qui sont devant leur ordinateur personnel. Comme certains l’ont déjà mentionné en commentaires, Google révèle que le russe est beaucoup plus populaire que l’ukrainien, y compris dans l’ouest. La région où l’ukrainien est le plus populaire est la région de Rivine où 29,7% des utilisateurs font des recherches en ukrainien contre 67,6% en russe. À Donetsk les pourcentages sont de 1,6% et 93,8%

Lustration

Une loi de lustration a été voté à la Rada. La lustration, c’est l’élimination parmi les fonctionnaires de ceux qui ont collaboré avec le précédent pouvoir, que l’on accuse de tous les maux. Ici, il s’agit de ceux qui ont collaboré avec le président Yanoukovitch (2010-2014), ou qui avaient un rôle important dans le Parti communiste jusqu’en 1991. Un million de personnes sont visées, et seront passées au crible. Logiquement, Porochenko, Tymoschenko et Tourtchinov, tous anciens ministres de Yanoukovitch, devraient être les premiers à dégager. Surtout quand on voit les résultats du ministre de la croissance économique, Porochenko. Mais non, la lustration ne touchera apparemment pas les élus. C’est pratique quand même quand les copains font les lois.

Le Grand Fossé d’Ukraine

klitchko-pensees

Bientôt au rayon “Philosophie de comptoir”, les “Pensées” de Klitchko : “Le plancher du premier étage, c’est le plafond du rez-de-chaussée…®”

La saga du Grand Fossé continue. Vitali Klitchko, le fils d’un attaché militaire du consulat d’Ukraine en Allemagne et à l’OTAN, le grand philosophe qui nous a déjà apporté ses lumière sur le fait que “plus un homme est vieux, plus il a d’années”, “Vladimir Klitchko est comme un frère pour moi”, ou plus récemment “pour que de l’eau froide devienne chaude, il faut la chauffer” et autres perles du même tonneau  a demandé l’aide de l’Allemagne pour construire le grand Mur (Fossé) d’Ukraine. L’ancien boxeur ayant longtemps vécu en Allemagne, il devrait pourtant savoir que ce n’est pas exactement un sujet à évoquer à Berlin. Il est pourtant allé jusqu’à dire que l’Ukraine avait besoin du savoir-faire allemand dans ce domaine.

Klitchko n’a pas la sympathie de l’Augsburger Allgemeine. Il avait 18 ans quand les Berlinois dansaient sur le mur, ça ne lui a pas laissé de souvenir. Ni celle de la Süddeutsche Zeitung, qui estime qu’il a du mal à parler une autre langue que celle des poings et titre “Klitchko et le mur mystérieux”. Les Allemands ont aussi des doutes sur le sérieux de ce projet. Kolomoïskiy, qui devrait pourtant savoir compter, a annoncé que le Mur coûtera 100 millions d’euros, ce qui fait 50 euros par mètre (en fait, un peu plus si le tracé ne suit pas chaque zigzag de la frontière, mais moins de 100 €/m). Le journaliste ironise, en disant qu’à ce prix là on peut peut-être payer un parterre de fleur à Dnipropetrovsk, mais sûrement pas un mur, et rappelle que la Grande Muraille d’Israël (environ 2 fois plus courte) coûte plusieurs milliards de dollars.

D’après Vesti, le coût annoncé du Fossé est même passé à 100 millions de hryvnias, soit 6 millions d’euros. Si vous savez commet poser un grillage de jardin pour moins de 5€ par mètre, ça intéresse Porochenko (et moi aussi en fait). Il s’agit d’une pure opération de communication. On s’en doutait mais maintenant c’est clair.

 Pendant ce temps en Russie

À Moscou le 21 septembre se tiendra une “marche pour la paix”, qui exige que la Russie arrête sa propagande, retire ses troupes d’Ukraine (les troupes que l’OSCE ne voit pas sur place, mais ils les voient depuis Moscou), et arrête sa guerre du gaz contre l’Ukraine (exiger qu’un client paie pour ce qu’il achète, quelle infamie !). Une foule de journaliste et célébrités y seront, Echos de Moscou et le parti de Kasparov en tête. La cinquième colonne est en marche. Évidemment ils veulent l’annulation des mesures anti-sanctions contre les produits européens mais ne disent rien des exactions des soldats de Kiev. Visiblement le fait de ne plus pouvoir acheter de fromage français les désole plus que les bombardements de Donetsk et des autres villes.

La Russie, croyant toujours que le langage des lois vaut mieux que celui des armes, a déposé environ 180 requêtes aux tribunaux d’Ukraine et à la Cour européenne des droits de l’homme concerne les crimes de guerres commis dans le Donbass. Il y aura des centaines de requêtes déposées d’ici la fin de l’année. Ces requêtes sont accompagnées de très nombreuses preuves photographiques et vidéos de meurtres de civils par fusillades ou tirs d’artillerie. Ceci fait suite au rapport d’Amnesty International constatant des dizaines d’infractions du bataillon Aïdar aux droits de l’homme.

Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-19-septembre-par-nicolas/


Revue de presse du 20/09/2014

Saturday 20 September 2014 at 00:04

Suite et fin de la série sur le dollar et second article sur les pathologies du pouvoir, toute ressemblance avec une réalité…
Merci à tous nos contributeurs et, pour la suite, bienvenus aux nouveaux volontaires qui nous ont rejoints.

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-20-09-2014/


Ukraine, journalisme corrompu et foi atlantiste, par Karel van Wolferen

Friday 19 September 2014 at 02:57

Karel van Wolferen est un journaliste Néerlandais et un professeur émérite de l’Université d’Amsterdam.  Depuis 1969, il a publié plus de vingt livres sur les politiques publiques, qui ont été traduits en onze langues et vendus à plus d’un million d’exemplaires dans le monde. En tant que correspondant étranger pour NRC Handelsblad, l’un des journaux-phares de la Hollande, il a reçu la plus haute récompense néerlandaise pour le journalisme, et au cours des années, ses articles ont été publiés dans le New York Times, le Washington Post, The New Republic, The National Interest, Le Monde, et de nombreux autres journaux et magazines.

Source : Karel van Wolferen, Unz.com, 14 aout 2014

L’Union Européenne n’est plus guidée par des politiques dotés d’une solide compréhension de l’ histoire, d’une sobre capacité d’évaluation de la réalité du monde, ou d’un simple bon sens joints à l’intérêt à long terme de ceux qu’ils dirigent. S’il nous en fallait encore la preuve, elle aura certainement été donnée par les sanctions décidées, la semaine dernière, pour « punir » la Russie.

Une bonne manière de comprendre les raisons de leur stupidité est de commencer par les médias puisque quelle que soit leur compréhension du problème, quel que soit leur intérêt personnel, ces politiques doivent être perçus comme prenant la bonne décision. C’est le travail des journaux et des télévisions.

Dans la majeure partie de l’Union Européenne, la compréhension générale de la réalité mondiale, depuis l’affreux destin des passagers de la Malaysian Airline, provient des journaux et des télévisions grand public, lesquels se sont alignés sur l’approche des médias « mainstream » anglo-américains, et ont présenté des « informations » où les insinuations et les calomnies prennent la place de vrais reportages. Des publications respectées comme le Financial Times ou le jadis respecté journal néerlandais NRC Handelsblad, pour lequel j’ai travaillé seize ans en tant que correspondant de l’Asie de l’Est, n’ont pas seulement participé à cette corruption du journalisme, mais ont aidé à le pousser à un stade délirant. « L’expertise » et les éditoriaux qu’a produits ce terreau sont allés plus loin que tout ce que je peux me rappeler d’exemples d’hystérie médiatique entretenue à des fins politiques. L’exemple le plus flagrant nous vient d’un chef de file des anti-Poutine, dans l’édition du 26 juillet de l’Economist Magazine. Son ton est celui d’Henri V haranguant ses troupes avant la bataille d’Azincourt dans la pièce de Shakespeare.

Ce qu’il faut garder présent à l’esprit, c’est qu’à l’échelle européenne, il n’y a aucune publication, aucun journal qui soutienne un espace public européen et fournisse aux Européens intéressés par la politique un moyen de réfléchir et discuter entre eux des grands événements internationaux

Parce que ceux qui s’ intéressent à l’actualité mondiale lisent habituellement l’édition internationale du New York Times ou du Financial Times, questions et réponses à propos des développements géopolitiques sont formatées de façon routinière ou fortement influencées par ce que les éditeurs à New York et à Londres auront considéré comme important.

La pensée qui pourrait significativement en dévier, comme actuellement dans le Spiegel, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le Zeit et l’ Handelsblatt, reste confinée à l’intérieur des frontières allemandes. Par conséquent, nous ne voyons se dessiner aucune opinion européenne sur les évènement mondiaux, même quand ceux-ci ont un impact direct sur les intérêts de l’Union Européenne elle-même.

La complaisance générale qu’entretient le peuple néerlandais pour les événements mondiaux susceptibles de l’affecter a brutalement pris fin lorsque 193 de ses compatriotes (ainsi que de 105 personnes d’autres nationalités) ont péri dans le crash de la Malaysian Airlines, et ses médias se sont empressés de suivre les accusations américaines qui désignaient Moscou. Les explications qui ne mettaient pas en cause d’une façon ou d’une autre la culpabilité du président russe étaient hors-jeu.

Un empressement aux antipodes des propos très sobres tenus par le Premier Ministre néerlandais, qui bien que subissant une pression énorme l’incitant à se joindre aux accusateurs, insistait pour qu’on attende les résultats de l’enquête.

Les journaux télévisés que j’ai regardés les jours suivants avaient invité, entre autres commentateurs anti-russes, des présentateurs télé liés aux néoconservateurs américains, pour présenter l’information à un public déconcerté et vraiment bouleversé.

Un spécialiste néerlandais de politique étrangère a expliqué que le ministre des Affaires étrangères ou son représentant n’avait pu rejoindre le site du crash (comme avaient pu le faire les officiels malaisiens) pour récupérer les restes des citoyens néerlandais, parce que cela aurait signifié la reconnaissance implicite d’un statut diplomatique pour les « séparatistes ». Quand l’Union Européenne reconnaît en bloc un régime né d’un coup d’Etat fomenté par les Américains, diplomatiquement elle est coincée.

Les habitants et les combattants anti-Kiev sur le site du crash ont été dépeints, images de Youtube à l’appui, comme des criminels non coopératifs, ce qui aux yeux de nombreux spectateurs était la confirmation de leur culpabilité. Cela a changé plus tard, lorsque des reportages de vrais journalistes ont montré des villageois profondément choqués et émus, mais cette contradiction n’a pas été expliquée, et les suppositions infâmantes précédentes n’ont pas laissé place à une analyse objective des raisons de leur combat.

Les tweets tendancieux et les « informations » de Youtube étaient devenus le socle de l’indignation officielle néerlandaise envers les Ukrainiens de l’est, et de là est né le sentiment général que quelque chose devait être fait. Mission accomplie, toujours selon le sentiment général, grâce à une grande cérémonie nationale télévisée de réception des restes humains néerlandais (récupérés par l’entremise d’une médiation malaisienne).

Rien de ce que j’ai vu ou lu n’a jamais laissé entendre que la crise en Ukraine – qui a conduit au coup d’Etat et à la guerre civile – avait été créée par les néo-conservateurs et quelques fanatiques “R2P” (« responsabilité de protéger ») du Département d’Etat et de la Maison-Blanche, auxquels le président Obama avait apparemment laissé les mains libres. Les médias néerlandais semblaient également ignorer que la catastrophe avait immédiatement été transformée en un sujet de disputes politiques prolongées pour les besoins de la Maison-Blanche et du Département d’Etat. Ne fut pas évoquée non plus la possibilité que Poutine aurait eu raison de dire que la catastrophe ne serait pas arrivée si sa demande insistante d’un cessez-le-feu avait été acceptée.

De fait, Kiev a rompu le cessez-le-feu – le 10 juin – dans sa guerre civile contre les Ukrainiens de l’Est russophones qui ne souhaitent pas être gouvernés par un regroupement de voyous, de descendants de nazis ukrainiens et d’oligarques amourachés du FMI et de l’Union européenne. Les supposés « rebelles » n’ont fait que répliquer à un début de nettoyage ethnique (terreur par bombardements systématiques et atrocités – au moins 30 Ukrainiens brûlés vifs) mené par les forces de Kiev, à propos desquelles rien ou fort peu n’a été dit dans les reportages européens.

Il est peu probable que les ONG américaines, dont il a été admis officiellement qu’elles avaient dépensé cinq milliards de dollars dans leur campagne de déstabilisation politique, en préalable au putsch de février à Kiev, aient soudainement disparu d’Ukraine. Il est aussi peu probable que les troupes spéciales et les conseillers militaires américains soient restés à se tourner les pouces tandis que les officiers de Kiev et les milices établissaient leur stratégie de guerre civile. Après tout, les nouveaux voyous au pouvoir sont les représentants d’un régime sous perfusion financière de Washington, de l’Union Européenne et du FMI. Ce que nous savons, c’est que Washington encourage les massacres ayant lieu dans le cadre de la guerre civile qu’il a aidé à déclencher.

Mais Washington a toujours eu l’avantage dans cette guerre de propagande qui l’oppose à un adversaire très réticent, contrairement à ce que les médias grand public ont voulu nous faire croire. La propagande, qui prend sa source à Washington, est construite de manière à coller à l’hypothèse d’un Poutine qui, guidé et soutenu par un nationalisme exacerbé par la chute de l’empire soviétique, tente de repousser les frontières de la Fédération de Russie jusqu’aux anciennes limites du défunt empire. Les experts les plus téméraires, touchés par la fièvre néoconservatrice, vont jusqu’à considérer la Russie comme menaçant d’englober l’Ouest. A partir de là, on fait croire aux Européens que Poutine refuse toute diplomatie, alors que c’est ce à quoi il a toujours exhorté. Par conséquent la propagande en cours a eu pour effet de donner une image dangereuse et extrême des actions non pas de Washington , mais bien de Poutine. Quiconque ayant vécu une expérience personnelle montrant Poutine ou la Russie sous un mauvais jour doit se manifester immédiatement ; les éditorialistes néerlandais en sont particulièrement friands en ce moment.

Il ne fait aucun doute que la propagande de Moscou, à laquelle il est souvent fait référence, existe réellement. Mais il y a des moyens, pour les journalistes sérieux, de mettre en balance les propagandes des différents bords et de discerner la part de vérité ou de mensonges ou de foutaises qu’elles contiennent. De ce que j’ai pu voir, cet exercice n’a été fait qu’en Allemagne, et de manière restreinte. Pour le reste, nous devons reconstituer la réalité politique en nous reposant sur les sites web américains, maintenant plus que jamais indispensables, qui accueillent des lanceurs d’alertes et des journalistes d’investigation à l’ancienne et qui, spécialement depuis l’avènement de la « guerre contre le terrorisme » et l’invasion de l’Iraq ont constitué une forme continue de publication samizdat [NdT : « samizdat » d'après Wikipédia : « Le samizdat (en russe : самиздат) était un système clandestin de circulation d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l'Est, manuscrits ou dactylographiés par les nombreux membres de ce réseau informel. »]

Aux Pays-Bas, presque tout ce qui vient du Département d’Etat est pris pour argent comptant. L’histoire américaine depuis l’effondrement de l’Union Soviétique est faite de mensonges à couper le souffle : sur le Panama, l’Afghanistan, l’Iraq, la Syrie, le Venezuela, la Libye et la Corée du Nord; renversements de gouvernement, coups tordus et opérations sous fausse bannière. Et l’existence discrète d’environ mille bases militaires américaines disséminées sur toute la planète est opportunément absente des débats.

La quasi hystérie pendant la semaine qui a suivi la destruction de l’avion de ligne a empêché les gens ayant connaissance de faits ou de récits pertinents de s’exprimer.
De nos jours, la sécurité de l’emploi dans le monde du journalisme est assez incertaine et aller à contre-courant équivaut presque à se retrouver sur une voie de garage avec le diable, car c’est nuire à sa « crédibilité » de journaliste.

Ce qui frappe une ancienne génération de journalistes sérieux et les fait douter de la crédibilité des médias grand public, c’est le fait d’ignorer les indices qui pourraient miner ou démolir la version officielle; une version officielle qui a déjà imprégné la culture populaire comme en témoignent les commentaires désinvoltes qui ornent les critiques de livres, de films, et beaucoup d’autres choses.

Aux Pays-Bas la version officielle est déjà gravée dans le marbre, ce à quoi on devait s’attendre lorsqu’elle a été répétée dix mille fois. Elle ne peut être écartée, bien sûr, mais elle n’est pas basée sur le moindre morceau de preuve.

La présence de deux avions de combat ukrainiens près de l’avion de ligne malaisien, relevée par les radars russes, pourrait constituer un indice intéressant si j’enquêtais comme journaliste ou membre de la commission d’enquête dirigée officiellement par les Pays-Bas.

Ce fait est, semble-t-il, corroboré par la BBC relatant des témoignages oculaires de villageois ayant vu clairement un autre avion, un chasseur, non loin de l’avion de ligne, peu de temps avant le crash et ayant entendu des explosions provenant du ciel.

Ce reportage a récemment attiré l’attention, car il a été retiré des archives de la BBC.

J’aimerais parler avec Michael Bociurkiw, un des premier inspecteurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à atteindre le site du crash et a passé plus d’une semaine à examiner les restes de l’avion et a décrit sur CBC Worlds News deux des trois morceaux de fuselage « vraiment grêlés ». « Cela ressemble à des tirs de mitrailleuse; une très très grosse mitrailleuse qui a laissé ces marques uniques que nous n’avons vu nulle part ailleurs ».

J’aimerais également jeter un oeil aux enregistrements radars et voix, dont on dit qu’ils ont été confisqués, de la tour de contrôle de Kiev, pour comprendre pourquoi le pilote malaisien a dévié de sa route et a rapidement perdu de l’altitude peu de temps avant que son avion ne s’écrase, et découvrir si effectivement les contrôleurs aériens étrangers à Kiev ont été remerciés tout de suite après le crash.

Comme les « VIPS » [anciens collaborateurs des services secrets pour le bon sens], j’exhorterais les autorités qui ont accès aux images satellite de montrer les preuves, qu’ils prétendent avoir, de batteries de missiles BUK entre les mains des « rebelles » et d’implication des Russes et leur demanderais pourquoi ils ne l’ont pas déjà fait.

Jusqu’à maintenant Washington a agi comme un chauffeur qui refuse un test d’alcoolémie. Et comme des officiels des services secrets ont fait fuiter vers certains journaux américains leurs doutes à propos des certitudes américaines telles que présentées par le Secrétaire d’Etat, ma curiosité serait insatiable.

Pour situer le degré de fidélité médiatique à Washington dans le cas ukrainien, et aussi mettre en perspective le comportement servile des politiciens européens, nous devons connaître et comprendre l’Atlantisme. C’est une foi européenne. Il n’a pas produit une doctrine officielle, bien sûr, mais il fonctionne comme tel.

Il est bien résumé par le slogan néerlandais au moment de l’invasion de l’Irak: « zonder Amerika gaat het niet » (sans les Etats-Unis les choses ne marcheront pas).

Inutile de dire que la guerre froide a donné naissance à l’atlantisme. Ironiquement, celui-ci a gagné en puissance , lorsque la menace de l’Union soviétique est devenue moins convaincante pour une part croissante de l’élite politique européenne, probablement en raison de l’arrivée d’une nouvelle génération : plus on s’éloigne de la deuxième guerre mondiale, moins les gouvernements européens se rappellent ce que peut vouloir dire avoir une politique étrangère indépendante pour les problèmes à l’échelle mondiale. Les chefs actuels des gouvernements européens ne savent pas avoir de délibérations stratégiques réalistes. La réflexion habituelle sur les relations internationales et la politique globale est profondément marquée par le contexte de la guerre froide .

Ceci inévitablement imprègne aussi les politiques éditoriales « responsables ». L’atlantisme est une grave maladie de l’Europe : elle génère une amnésie historique, un aveuglement têtu et une colère politique dangereusement déplacée. Mais elle s’épanouit sur un mélange de certitudes sur la protection qui perdurent depuis la guerre froide, de fidélités issues de la guerre froide intégrées à la culture populaire, d’inculture européenne pure et simple, et d’une réticence compréhensible à admettre qu’on a été, ne serait-ce qu’un petit peu, conditionné. Washington peut se permettre tous les excès sans que l’atlantisme ne soit remis en cause, du fait de la distraction de chacun, que les médias font tout pour entretenir. Je connais des néerlandais dégoûtés par la campagne de diabolisation de Poutine, mais pour eux, l’idée de pointer un doigt accusateur sur Washington, dans l’affaire de l’Ukraine, est quasiment inacceptable. De telle sorte que les publications néerlandaises, tout comme beaucoup d’autres en Europe, n’arrivent pas à se résoudre à placer la crise de l’Ukraine dans sa juste perspective en admettant que la responsabilité en revient à Washington, et que Washington, et non Poutine, a la clé de sa résolution.

Cela signifierait un renoncement à l’atlantisme.

L’atlantisme tire en grande partie sa force de l’Otan, son incarnation institutionnelle. La raison de l’existence de l’Otan, qui a disparu avec l’Union Soviétique, a souvent été oubliée. Formée en 1949, elle était fondée sur l’idée d’une coopération transatlantique pour la défense et la sécurité qui était devenue nécessaire après la Seconde Guerre mondiale, face au communisme orchestré par Moscou, qui souhaitait faire main basse sur la planète. On parlait beaucoup moins de la méfiance interne en Europe, alors que les Européens entamaient leur marche vers l’intégration économique. L’Otan constituait, en quelque sorte, la garantie américaine qu’aucune puissance européenne ne tenterait de dominer les autres.

L’Otan est, depuis quelque temps, un handicap pour l’Union européenne, parce qu’elle bloque le développement de politiques concertées d’affaires étrangères et de défense, et a forcé les pays membres à devenir les instruments du militarisme américain. C’est aussi un handicap moral parce que les gouvernements participant à la « coalition militaire en Irak » ont dû vendre un mensonge à leur population : les soldats européens morts en Irak et en Afghanistan auraient représenté un sacrifice nécessaire pour protéger l’Europe des terroristes. Les gouvernements qui ont fourni des troupes à des zones occupées par les États-Unis l’ont généralement fait avec une grande réticence, à telle enseigne qu’une succession d’officiels américains leur ont reproché leur manque d’enthousiasme dans la défense collective de la démocratie et de la liberté.

Comme toutes les idéologies, l’atlantisme est anhistorique. Comme remède de cheval contre le tourment de l’ambiguïté fondamentale de la politique, elle fournit sa propre histoire : celle qui peut être réécrite par les médias grand public américains, dans leur assistance à la diffusion de la parole de Washington.

On peut difficilement rêver meilleure illustration que l’expérience néerlandaise actuelle. Au cours de mes conversations de ces dernières trois semaines, j’ai rencontré des surprises sincères quand j’ai rappelé à des amis que la guerre froide s’était achevée par la diplomatie, avec un traité entre Gorbachev et Bush père, à Malte en décembre 1989. Traité où James Baker avait obtenu de Gorbachev l’acceptation de la réunification de l’Allemagne et le retrait des troupes du Pacte de Varsovie, contre la promesse que l’Otan ne s’étendrait pas d’un pouce de plus à l’est. Gorbachev promit de ne pas utiliser la force en Europe de l’Est, où les Russes avaient 350 000 soldats rien qu’en Allemagne de l’Est, contre une promesse de Bush : les USA ne chercheraient pas à tirer profit du retrait des Soviétiques d’Europe de l’Est. Bill Clinton renia ces promesses américaines quand, pour des raisons purement électorales, il s’est vanté d’un développement de l’Otan, et, en 1999, quand il y intégra la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Dix ans plus tard, neuf pays de plus sont devenus membres, de sorte que le nombre des pays de l’Otan a doublé depuis la guerre froide. Le grand spécialiste américain de la Russie, l’ambassadeur George Kennan, qui est à l’origine de la politique d’endiguement de la guerre froide, a appelé la décision de Clinton « l’erreur la plus tragique de la politique américaine de toute l’ère post-guerre froide ».

L’ignorance de l’histoire encouragée par l’atlantisme se montre de façon saisissante dans l’assertion que la preuve à charge définitive dans le procès fait à Poutine serait son invasion de la Crimée. Encore une fois, la réalité politique a été fabriquée, ici, par les médias grand public américains. Il n’y a pas eu d’invasion, des soldats et des marins russes étaient déjà sur place en toute légalité, puisque la Crimée héberge la base militaire navale russe de la mer Noire. La Crimée a fait partie de la Russie depuis aussi longtemps que les Etats-Unis existent. En 1954, Khrouchtchev, lui-même ukrainien, l’a donnée à la République Socialiste d’Ukraine, ce qui revenait à déménager une région dans une province différente, puisque la Russie et l’Ukraine appartenaient toutes deux au même pays. La population russophone de Crimée était parfaitement heureuse de la situation, puisqu’elle a voté par reférendum d’abord pour se libérer du régime putschiste de Kiev, puis pour sa réunification avec la Russie.

Ceux qui soutiennent que Poutine n’avait pas le droit d’agir ainsi ne sont pas conscients d’un autre fil conducteur de l’histoire récente : Les Etats-Unis ont continuellement rapproché leur système de défense antimissiles (Guerre des Étoiles) des frontières russes, sous prétexte d’intercepter des missiles hostiles venus d’Iran ; mais ces missiles n’existent pas. Les discours moralisateurs sur l’intégrité territoriale et la souveraineté n’ont pas de sens dans un tel contexte, et venant d’un gouvernement qui s’est débarrassé du concept de souveraineté dans sa politique étrangère, c’est complètement grotesque.

Une détestable décision atlantiste fut l’exclusion de Poutine des sommets et réunions liés à la commémoration du débarquement de Normandie, ainsi, pour la première fois en 17 ans, le G8 est devenu de fait le G7. L’amnésie et l’ignorance ont rendu les Néerlandais aveugles à leur propre histoire, l’URSS ayant détruit le cœur de la machine de guerre nazie (qui occupait les Pays-Bas) au prix d’un nombre de morts incomparable et inimaginable ; sans eux, le débarquement de Normandie n’aurait pas été possible.

Il n’y a pas si longtemps, les désastres militaires en Irak et en Afghanistan semblaient prédire la fin inéluctable de l’Otan. Mais la crise ukrainienne et le caractère décidé manifesté par Poutine lorsqu’il empécha la Crimée et sa base navale de peut-être tomber aux mains de l’alliance contrôlée par les Etats-Unis fut du pain bénit pour l’institution chancelante.

Le commandement de l’OTAN est déjà en train d’envoyer des troupes pour renforcer sa présence dans les Pays Baltes, des missiles et des avions d’attaque en Pologne et en Lituanie, et depuis l’affaire de l’avion de ligne malaisien abattu, il s’est préparé à d’autres actions militaires qui peuvent dégénérer en provocations dangereuses contre la Russie. Clairement, le ministre des affaires étrangères polonais, avec les Pays Baltes, qui n’avaient pas pris part à l’OTAN quand sa raison d’être pouvait encore être défendue, est devenu l’un de ses moteurs. Un vent de mobilisation a soufflé au cours de la semaine dernière. On peut compter sur les pantins ventriloques Anders Fogh Rasmussen et Jaap de Hoop Scheffer pour fulminer, sur les plateaux de télé, contre d’éventuelles reculades de la part d’états-membres. Rassmussen, le Secrétaire général, a déclaré, le 7 août dernier à Kiev, que le soutien de l’OTAN à « la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine est sans faille » et qu’il cherche à renforcer le partenariat avec le pays au Sommet de l’Alliance, au Pays de Galles en septembre. Le partenariat est déjà solide, a-t-il déclaré, « et en réponse à l’agression russe, l’OTAN s’est encore rapprochée de l’Ukraine pour réformer ses forces armées et ses institutions de défense ».

Pendant ce temps, au Congrès américain, 23 sénateurs républicains ont proposé une loi, le « Russian Aggression Prevention Act » [Loi sur la prévention de l'agression russe], censée permettre à Washington de faire de l’Ukraine un allié non-OTAN, qui pourrait ouvrir la voie à un conflit militaire direct avec la Russie. Nous devrons probablement attendre que les élections de mi-mandat américaines soient passées pour savoir ce qu’il adviendra, mais elle aide déjà à trouver une excuse politique à ceux qui à Washington veulent gravir un échelon de plus dans leurs manœuvres en Ukraine.

En septembre de l’année dernière (2013), Poutine a aidé Obama en lui permettant d’arrêter une campagne de bombardement sur la Syrie, encouragée par les néo-conservateurs, et l’a également aidé en désamorçant le différend nucléaire avec l’Iran, un autre projet néo-conservateur.

Ceci à mené à un engagement des néo-conservateurs à rompre le lien Poutine-Obama.

C’est un secret de polichinelle que les néo-conservateurs veulent le renversement de Poutine et le démembrement final de la Fédération de Russie.
Ce qui est moins connu en Europe c’est l’existence de nombreuses ONGs en poste en Russie, qui les aideront dans ce but. Vladimir Poutine pourrait attaquer maintenant ou bientôt pour devancer l’OTAN et le congrès américain en prenant l’Est ukrainien, quelque chose qu’il aurait probablement dû faire juste après le référendum en Crimée. Cela aurait été évidemment la preuve de ses intentions diaboliques dans les salles de rédaction européennes.

A la lumière de tout ceci, l’une des questions les plus décisives à se poser dans les affaires mondiales actuelles est la suivante: que doit-il arriver pour que les Européens comprennent que Washington joue avec le feu et a cessé d’être le protecteur sur lequel ils comptaient, et qu’il menace désormais leur sécurité ?

Ce moment arrivera-t-il lorsqu’il deviendra clair que l’objectif de la crise ukrainienne est avant tout d’installer des batteries de missiles de la Guerre des Etoiles (Initiative de défense stratégique) le long d’une longue portion de la frontière Russe, ce qui donnerait à Washington – dans le jargon délirant des stratèges nucléaires – l’avantage d’une « première frappe » ?

La vieille Europe réalise-t-elle que les USA ont des ennemis qui ne sont pas les ennemis de l’Europe, parce qu’elle en a besoin pour des raisons de politique intérieure, pour sauvegarder une industrie de guerre économiquement importante, et pour tester la bonne foi politique des candidats à la fonction publique. Mais, alors que l’utilisation d’états-voyous et de terroristes comme cibles de « guerres justes » n’a jamais été convaincante, la Russie de Poutine, telle que diabolisée par un OTAN militariste, peut aider à prolonger le statu quo transatlantique. La vérité sur la fin du vol commercial malaisien, ai-je pensé à la minute où j’en ai entendu parler, allait être déterminée politiquement . Ses boîtes noires sont à Londres. Dans les mains de l’OTAN ?

D’autres obstacles à un réveil restent gigantesques ; la financiarisation et les politiques néolibérales ont produit un enchevêtrement transatlantique d’intérêts ploutocratiques. Ajoutées à la foi atlantiste, elles ont aidé à contrecarrer le développement politique de l’Union européenne, et avec cela, la capacité de l’Europe à prendre des décisions politiques indépendantes. Depuis Tony Blair, la Grande-Bretagne est tombée dans l’escarcelle de Washington, et depuis Nicolas Sarkozy, la même chose peut plus ou moins être dite de la France.

Ce qui laisse l’Allemagne. Angela Merkel était ouvertement mécontente des sanctions, mais elle a fini par suivre le mouvement parce qu’elle veut rester du bon côté du président américain, et parce que les États-Unis, en tant que vainqueurs de la Seconde guerre mondiale, ont encore du poids à travers un certain nombre d’accords. Le ministre des affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeier, cité dans les journaux et à la télé, a répudié les sanctions et dénoncé l’Irak et la Lybie comme autant d’exemples de résultats désastreux des escalades et des ultimatums, et malgré cela, lui aussi change d’avis et, au bout du compte, suit le mouvement général.

Der Spiegel est l’une des publication allemandes qui offrent un espoir. L’un de ses chroniqueurs, Jakob Augstein, attaque les « somnambules » qui sont tombés d’accord sur les sanctions, et blâme ceux de ses collègues qui montrent Moscou du doigt. Gabor Steingart, qui publie Handelsblatt, s’en prend à la « tendance américaine à l’escalade verbale, puis militaire, à l’isolement, à la diabolisation et à l’attaque d’ennemis » et conclut que « le journalisme allemand est passé de la pondération à l’agitation en quelques semaines. Le spectre des opinions s’est réduit au champ de vision d’une lunette de tireur d’élite ». Il doit y avoir d’autres journalistes, en Europe, qui disent la même chose, mais leurs voix ne passent pas la cacophonie de la diabolisation.

Nous voyons l’histoire s’écrire une fois de plus. Ce qui pourrait décider du sort de l’Europe est que, même hors des zélateurs de la foi atlantiste, des Européens de bon sens n’arrivent pas à croire en la dysfonctionnalité et l’irresponsabilité totale de l’Etat américain.

Karel van Wolferen, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-journalisme-corrompu-et-foi-atlantiste-par-karel-van-wolferen/


Actu’Ukraine, 19 septembre, par Nicolas : Duel de fausses informations

Friday 19 September 2014 at 00:01

P.S. rien à voir mais je cherche quelqu’un résidant aux états-unis qui pourrait me rendre un petit service… Merci de me contacter… Olivier

Duel de fausses informations

Bon, le journal Libération a trouvé une femme qui aurait été maltraitée à Donetsk. Environ 15% d’habitants de Novorossie sont pour l’unité de l’Ukraine, selon les rebelles eux-mêmes. Ils ont (selon les Constitutions de la RPD et de la RPL) droit à leurs convictions, et on les laisse tranquilles. Dans les villes contrôlées par Kiev, ceux qui sont pour la séparation risquent souvent de se faire humilier, tabasser, voire brûler, comme à Odessa. Nos médias ont dû oublier ce détail. Passons sur ce fait divers à la propagande que l’on trouve des deux côtés de la guerre civile. On en trouve de nouveaux exemples tous les jours, essayons de revenir sur les exemple de fausses informations les plus significatives du conflit.

Mensonges sur médias sociaux

Un moyen très simple de faire de la propagande pour montrer les atrocités du camp d’en face, c’est d’utiliser des photos d’autres conflits. La campagne #SaveDonbassPeople a utilisé des photos d’enfants de Syrie, du Liban, et même d’un film russe sur la seconde guerre mondiale pour illustrer les malheurs du Donbass.

Film

Film “Brestskaya Krepost”. Donetsk et Lougansk ne manquent pas de civils tués, mais faire une photo comme ça n’est pas facile. Et puis il faut y aller…

Ensuite, parce que des civils qui se font bombarder n’inspirent visiblement plus aucune compassion (sinon nous ne serions pas une petite minorité à nous indigner du bombardement des villes du Donbass par les armées de Kiev), il faut augmenter le niveau d’horreur. Des messages sont donc apparus sur les réseau sociaux, affirmant que des têtes de rebelles avaient été envoyées à leur famille, dans des boîte en bois. Il n’est pas difficile d’apprendre que les images qui accompagnent ces messages ont été prises en Syrie. D’ailleurs, les mêmes messages sont tournés dans l’autre sens, avec les mêmes images, affirmant que les rebelles envoient des têtes de soldats ukrainiens à leurs familles. Difficile de savoir qui a commencé ces mensonges macabres, et peu importe. Certains pro-rebelles diffusent également sur les réseaux sociaux des photos de tanks détruits dans différents conflits pour illustrer les victoires des rebelles. Dans l’ensemble, il s’agit  de messages diffusés sur internet de façon essentiellement anonyme. Du fait de l’anonymat, beaucoup s’en donnent à cœur joie, dans les 2 camps, en espérant que leur message sera repris par des milliers de personnes.

Fausses informations sur les crimes de Kiev

Les rebelles affirment encore que les armées de Kiev bombardent les villes rebelles avec des bombes à sous-munitions illégales, et avec des bombes au phosphore. Les deux informations sont fausses. La première information est fausse parce que Kiev n’a jamais signé la convention interdisant les bombes à sous-munitions (comme la Chine, l’Inde, Israël, la Russie et les É-U), et la seconde est fausse parce que les bombes incendiaires utilisées par Kiev ne sont pas des bombes au phosphore mais des bombes incendiaires à la thermite et au pyrogel. L’expression “bombe au phosphore” est utilisée dans les pays ex-soviétiques comme une expression générique pour désigner les bombes incendiaires (comme certains disent Frigidaire pour “réfrigérateur”, ou Le Monde pour “torchon”) depuis que la propagande soviétique a démonisé l’usage de ces armes par les É-U et Israël dans les années 1970 et 1980. L’URSS avait renoncé à ces armes. Notons que la convention sur certaines armes classiques n’interdit pas spécifiquement les bombes au phosphore, mais l’usage de bombes incendiaire sur des zones habitées par des civils. Reste à savoir si le soutien occidental à Kiev qui bombarde ses populations est moralement acceptable parce que l’Ukraine ne s’interdit pas les bombes à sous-munitions ou parce qu’elle bombarde les villes avec des bombes à la thermite plutôt qu’avec des bombes au phosphore blanc.

Le soldat sur le fil

Du côté de Starobechevo ont eu lieu de très lourds combats avant la trêve, de très nombreux soldats de Kiev y sont morts. L’un d’eux a eu le malheur de sauter à plus de dix mètres de haut et de rester accroché à un câble de haute tension (220 kV). Les médias de Kiev en ont profité pour montrer à quel point les rebelles étaient des monstres puisqu’ils ont laissé le corps de ce soldat pendu pendant plusieurs jours. La réalité (que l’on peut voir sur Youtube en cherchant en russe, je laisse à la curiosité des lecteurs le soin de trouver les vidéos montrant des cadavres) est que pour venir chercher ce corps il a fallu mobiliser plusieurs personnes, et un camion disposant d’une échelle suffisamment haute. Avant cela, il a aussi fallu couper l’électricité d’une “grande ville d’un gouvernement ami” (Tangarog, en Russie ? L’auteur ne précise pas), ce qui n’était donc pas une mince affaire. Mais surtout, les troupes de Kiev présentes tout près n’ont absolument pas voulu aider cette opération de récupération d’un de leurs soldats, il a fallu que des rebelles s’en mêlent pour que cela se fasse. De toute cette histoire, ce que retiennent les spectateurs des médias de Kiev est que les maudits terroristes russes ont laissé un héros accroché à un câble électrique…

Kiev et ses alliés racontent n’importe quoi

Cela devient plus embêtant lorsque les mensonges sont le fait de représentants officiels de gouvernements. Les exemples ne manquent malheureusement pas. Récemment, le proconsul américain de la province d’Ukraine a cherché à faire croire que des tanks allemands étaient arrivés à Lvov, pour les exercices avec l’OTAN, en publiant une photo de tank Leopard sur Twitter. Cette photo est en fait une image tirée de cette vidéo datant de 2013 (vers 0:25) à laquelle a été ajouté un peu de ciel blanc. Geoffrey Pyatt est donc un menteur, ce qui n’étonnera personne. Mais on peut s’étonner : pourquoi l’Empire américain promet tant à Kiev et apporte si peu ? Le journal canadien Globe and Mail (pas exactement de la propagande russe) apporte une réponse : parce que la corruption est généralisée en Ukraine. Le journal rappelle que lorsque l’armée américaine a commencé à envoyer des rations de combat, ces rations se sont retrouvées  sur un site de vente sur internet. Les milliards qui ont été fournis à l’Ukraine par le FMI etc ne sont jamais arrivés là où ils devaient aller. Ce qui est destiné à l’armée ukrainienne s’évapore en descendant la hiérarchie, et presque rien n’arrive aux soldats. Certains (dont le blogueur Colonel Cassad) spéculent que le plus grand soutien russe consiste à acheter du matériel de l’armée ukrainienne pour le fournir à l’armée novorusse. Tout se vend.

Le convoi humanitaire russe

C’est d’ailleurs essentiellement le problème avec l’aide humanitaire russe, dont le deuxième convoi d’environ 2 000 tonnes est arrivé récemment à destination. Kiev a protesté, en disant qu’il fallait que les camions passent par la frontière sous leur contrôle, puis qu’il fallait que les chargements soient transbordés sur des camions ukrainiens, puis qu’il fallait que les camions russes portent des plaques d’immatriculation ukrainienne, etc. Le fait que les garde-frontière ukrainiens ont pu contrôler tous les camions sans y trouver autre chose que de l’aide humanitaire n’a aucune importance, puisque l’objectif des accusations était d’essayer de voler une part de l’aide, en revendre, exiger des pots-de-vin, récupérer l’aide et l’envoyer en disant qu’elle venait de Kiev, etc. Les médias français n’ont pas hésité à apporter leur soutien à cette corruption qui cherche à profiter du malheur de millions de personnes. Notez que dans la vidéo du Monde, on apprend seulement qu’un camion de 20 tonnes contient “seulement” 8 tonnes de lait concentré, et donc que le convoi pourrait être constitué de moins de camions. La BBC a constaté que dans l’ensemble les camions étaient chargés environ à moitié, soit 10 tonnes par camion. On peut se demander pourquoi le convoi utilise 2 fois plus de camions que nécessaire. L’explication officielle est que d’une part des camions pleins vont moins vite, et que d’autre part, si un camion a un problème et que les conducteurs doivent transborder à la main le chargement d’un camion vers un autre, cela poserait des gros problèmes avec des camions pleins. La deuxième explication n’est pas absurde, mais on peut imaginer qu’il y a aussi une part d’opération de communication : annoncer “plus de 200 camions”, c’est plus impressionnant que “100 camions”. On peut aussi se poser 2 autres questions :
- D’une part, pourquoi la France, éternelle donneuse de leçons, n’envoie pas d’aide humanitaire ? Ne serait-ce que 8 tonnes dans un camion de 20 tonnes? D’autant que la Russie ayant fermé ses portes aux produits agricoles français, de nombreux agriculteurs manquent de débouchés pour leur produits. Nourrir les populations bombardées par nos alliés ne serait-il pas mieux que de jeter ces produits ?
- D’autre part, pourquoi la Russie envoie beaucoup plus d’aide humanitaire vers le Donbass, et de bien meilleure qualité, que Kiev (par exemple un camion envoyé par Kiev contenait des pains sales, non emballés) ? Imaginons que la Bretagne soit frappée par une catastrophe, imagine-t-on l’Angleterre envoyer beaucoup plus d’aide que la France ?

L’invasion russe

C’est bien connu, la Russie a envahi l’Ukraine. D’ailleurs, il y a des preuves :

Bon, certes, cette photo a été prise en août 2008 en Ossétie du Sud, au sujet de laquelle on a bien fini par admettre à demi-mots, 5 ans après les faits, que la Russie a plutôt bien fait d’arrêter les bombardements de la Géorgie sur les villages ossètes, un peu comme elle n’a pas tout à fait eu tort de ne pas soutenir les “freedom fighters” de Syrie que l’OTAN veut maintenant combattre après les avoir soutenus pendant plusieurs années, tout comme elle combat les “freedom fighters” d’Afghanistan après les avoir soutenus, financés et armés à la fin de la guerre froide. La Russie a toujours tort, quoi qu’elle fasse, mais après les faits, si on y réfléchit un peu…

Plusieurs de ces preuves ont été démontées, comme, dès le début de la guerre, la photo d’un barbu en Ossétie du Sud qui ne pouvait être qu’Aleksandr Mojaev (le Cosaque “Babaï”) puisque bien sûr Babaï est le seul barbu. Peu importe, les politiciens ukrainiens continuent d’utiliser cette invasion pour réclamer plus de milliards, plus de soutien militaire, et une intégration à l’UE et à l’OTAN plus vite. Ils sont dans leur rôle : ils ont pris le pouvoir pour ramasser autant de pognon que possible, ils font ce qu’il faut pour qu’on leur en envoie. Ce qui est plus étonnant, c’est pourquoi les gouvernements occidentaux, que les oligarques de Kiev prennent pour des distributeurs de billets, continuent de les prendre au sérieux ?

Encore une “preuve” largement diffusée par les médias de Kiev : l’enterrement en Russie de soldats russes. Selon Kiev, 2 000 soldats russes ont été tués dans le Donbass. Il y a une photo qui le prouve :

Enterrrement de soldats russes

C’est vrai, il s’agit de l’enterrement de soldats russes. Ou soviétiques. Morts il y a plus de 70 ans. Déjà, à l’époque, la Russie s’opposait aux valeurs européennes, immuablement supérieures à la barbarie russe.

Cette photo vient de ce blog, et parle de la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle 300 000 soldats sont morts sur le front de Leningrad. Des restes récemment retrouvés ont été enterrés dans une fosse commune. Quand Kiev affirme avoir tué 2 000 soldats et illustre ce massacre par une photo qui n’a rien à voir avec le conflit en cours (et a été prise en 2013, peu importe), on peut se demander pourquoi 2 000 seulement, pourquoi pas 200 000, tant qu’on est dans le n’importe quoi absolu.

La théorie de “l’invasion russe” a été largement diffusée après le début de la contre-offensive rebelle. En effet, si les troupes de Kiev avançaient et dominaient leur adversaire, comment peut-on expliquer le retournement de situation soudain ? En fait, il suffisait de lire les journaux de Kiev pour apprendre que, dès la fin juillet, la situation avait changé, que les troupes n’avançaient plus, étaient démoralisées, n’avaient qu’un repas par jour, etc., cela 3 semaines avant le début de la contre-offensive. Les rebelles ont attendu le bon moment pour attaquer, il n’y a pas eu de grand changement dans le rapport de force, simplement l’évolution logique des semaines précédentes.

Pour savoir si la Russie a ou non envahi l’Ukraine, on peut aussi se demander se qui se passerait si l’armée russe décidait vraiment d’envahir l’Ukraine, et comparer avec la situation en cours. Certains signes devraient nous aider deux jours après l’invasion :
-Fin des bombardements sur les villes. L’artillerie de Kiev a été anéantie pendant les premières heures de l’invasion,
-Flot incessant de blindés et de camions de soutien en provenance de Russie, impossible de cacher aux satellites (tout comme la moindre colonne de blindés est impossible à cacher),
etc.
On ne voit rien de tout ça, donc on peut tranquillement affirmer que la Russie n’a pas envahi l’Ukraine et que ceux qui disent le contraire se moquent de nous.

On peut aussi se demander tout simplement : si les habitants du Donbass sont victimes d’une invasion par des terroristes tchétchènes / russes / martiens / basques / écossais, pourquoi Kiev les punit en détruisant leurs maisons et leur infrastructure ? Pourquoi Kiev les punit en arrêtant de payer les retraites, les aides sociales, etc.? Tout cela ne tient pas. En fait, tout ce passe comme si Kiev était l’envahisseur. Ce qui n’est pas possible bien sûr, puisque la “communauté internationale” (=BAO) dit le contraire, mais c’est troublant.

MH17

Dans les heures qui ont suivi la catastrophe de l’avion de Malaysian Airlines, les autorités de Kiev ont diffusé (via les médias sociaux, comme d’habitude) un enregistrement audio prouvant que les rebelles avaient abattu l’avion. Une analyse audio permet de discréditer totalement cet enregistrement, qui est un montage assez mal fait. Cela n’a pas empêché les médias, y compris occidentaux, d’utiliser cette “preuve” pour accuser les rebelles d’avoir abattu cet avion. Et cela pose une question : si Kiev est innocent, pourquoi se sont-ils empressés de créer et diffuser une fausse preuve ?

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-19-septembre/


La nouvelle guerre froide et la nécessité d’une hérésie patriotique, par Stephen Cohen

Thursday 18 September 2014 at 04:29

Stephen F. Cohen est Professeur émérite d’Études et Politiques Russes à l’Université de New-York et à l’Université de Princetown. Auteur contributeur au journal The Nation, ses livres les plus récents, désormais disponibles en livres de poche, sont “Destins soviétiques et alternatives perdues : du stalinisme à la nouvelle guerre froide” ; et “Le retour des victimes : les survivants du goulag après Staline”.

Source : Stephen F. Cohen, The Nation, 12 août 2014

J’ai préparé le texte ci dessous pour remarques concernant le forum annuel Etats-Unis – Russie à Washington, DC, le 16 Juin. Malgré le fait qu’il se tienne dans le Hart Senate Office Building, et que l’audience y était nombreuse, l’évènement était organisé en privé, sous aucun auspice officiel. De façon à rester dans les temps alloués aux intervenants, j’ai dû abréger mon texte. Ici, j’ai restauré les suppressions effectuées et transcrit un certain nombre de mes commentaires impromptus. De plus, je me réfère à quelques événements postérieurs pour illustrer certains de mes thèmes. Cependant, je n’ai pas changé significativement mes formulations pour qu’elles soient plus adaptées à la prose que je préfère pour le format écrit.

Nous nous rencontrons aujourd’hui pendant la pire et potentiellement la plus dangereuse confrontation américano-russe depuis plusieurs décennies, probablement depuis la crise des missiles de Cuba de 1962. La guerre civile ukrainienne, précipitée par le changement illégal du gouvernement de Kiev en février, est déjà en train de se transformer graduellement en une guerre par procuration entre les Etats-Unis et la Russie. Ce que l’on croyait impensable est en train de devenir imaginable : une réelle guerre entre l’OTAN, dirigée par les Etats-Unis, et la Russie post-Soviétique. Nous sommes certainement déjà dans une nouvelle guerre froide, que les sanctions à sévérité croissante ne pourront qu’aggraver et institutionnaliser, une guerre potentiellement plus dangereuse que la précédente, à laquelle le monde a à peine survécu. Et ceci pour plusieurs raisons :

- L’épicentre de la nouvelle guerre froide n’est plus à Berlin mais sur la frontière russe, en Ukraine, qui aux yeux de Moscou est une région absolument essentielle à sa sécurité nationale et même à sa civilisation. Ceci veut dire que le genre d’erreurs de calcul, d’incidents et de provocations dont le monde a été témoin il y a des décennies seront encore plus dangereux cette fois-ci. (L’abattage mystérieux d’un avion de ligne malaisien au-dessus de l’Ukraine en juillet en était un exemple alarmant).

- Un risque encore plus sérieux est que la nouvelle guerre froide pourrait inciter à l’utilisation d’armes nucléaires d’une manière que la guerre Etats-Unis – Soviétiques n’incitait pas. J’ai en tête l’argument avancé par certains stratèges militaires russes que si la Russie était menacée directement par les forces conventionnelles supérieures de l’OTAN, elle pourrait recourir à son arsenal bien plus large d’armes tactiques nucléaires. (L’actuel encerclement effectué par les Etats-Unis / l’OTAN de la Russie avec des bases militaires, ainsi qu’avec des défenses anti-missiles terrestres et navales, ne peut qu’augmenter cette possibilité).

- Cependant, un autre facteur de risque réside dans le fait que dans cette nouvelle guerre froide, il manque les règles de modération réciproque qui s’étaientt développées durant les quarante années de la guerre froide, en particulier après la crise des missiles de Cuba. De fait, de lourdes suspicions, rancœurs, idées reçues et désinformations à la fois à Washington et Moscou peuvent rendre cette modération réciproque d’autant plus difficile. Il en va de même pour l’entreprise de diabolisation surréaliste du président russe, Vladimir Poutine – un genre de diffamation personnelle sans précédent, du moins depuis la mort de Staline. (Henry Kissinger a fait remarquer que la “diabolisation de Vladimir Poutine n’est pas une politique, c’est l’alibi pour palier son absence.” Je pense que c’est pire : une abdication de l’analyse factuelle et de l’élaboration d’une politique rationnelle.)

- Enfin, cette nouvelle guerre froide pourrait être encore plus dangereuse puisque, à la différence de la précédente, il n’y a aucune véritable opposition américaine – ni dans l’administration, ni au Congrès, ni dans les média, les universités et les think tanks, ni ailleurs dans la société. À cet égard, nous devons comprendre dans quelle situation difficile nous nous trouvons. Nous, opposants aux politiques américaines qui ont participé si terriblement à la crise actuelle, sommes peu nombreux, sans partisans influents et désorganisés. Nous étions une minorité, mais une minorité substantielle avec des alliés dans les hautes sphères, même au Congrès et au Département d’État. Nos opinions étaient sollicitées par les journaux, la télévision et la radio. En plus d’un soutien populaire, nous avions aussi nos propres organisations de lobbying à Washington, l’American Commitee on East-West Accord, dont le Conseil d’Administration incluait des chefs d’entreprise, des hommes politiques, d’éminents chercheurs et des hommes d’État de la stature d’un George Kennan.

Nous n’avons rien de tout cela aujourd’hui. Nous n’avons pas accès à l’administration Obama, pratiquement aucun au Congrès, qui est un bastion bipartite de la politique de la guerre froide, très peu aux médias traditionnels. (Depuis l’agravation de la crise ukrainienne, qui se souvient d’avoir lu nos points de vue sur les pages éditoriales ou “dissidentes” du New York Times, du Washington Post ou du Wall Street Journal, ou de les voir présentés sur MSNBC ou Fox News, qui diffèrent peu dans leurs émissions asymétriques ?). Nous avons accès à d’importants médias alternatifs, mais ils ne sont pas considérés comme faisant autorité, voire indispensables, à l’intérieur du sérail. De toute ma longue vie, je ne me souviens pas d’un tel échec du discours démocratique américain dans une telle période de crise. (Gilbert Doctorow, spécialiste américain de la Russie et dirigeant expérimenté de multinationale, vivant en Belgique, tente de créer une version américano-européenne de la Commission sur l’Accord Est-Ouest.)

Pour le reste de mon temps limité, je vais parler de façon générale de cette situation désastreuse – presque certainement un tournant fatidique dans les affaires du monde – selon mes trois capacités propres: en tant que participant à ce petit débat autorisé des grands médias ; comme historien académique de longue date de la Russie et des relations américano-russes ; et comme observateur averti qui croit qu’il y a encore un moyen de sortir de cette terrible crise.

* * *

Quant à ma participation épisodique aux débats extrêmement limités des médias mainstream, je parlerai ici d’une facon plus personnelle que je ne le fais habituellement. D’un point de vue extérieur, je voyais mon rôle comme double. Rappelant le vieux dicton américain “Il y a toujours deux parties dans chaque histoire”, j’ai cherché à expliquer le point de vue de Moscou sur la crise ukrainienne, ce qui manque presque intégralement dans sa couverture médiatique. (Sans l’indispensable “Liste Russie” (“Russia List”) quotidienne de David Johnson, des lecteurs non-russophonnes auraient peu d’accès à des perspectives alternatives). Par exemple – que signifiait Poutine quand il disait que les hommes politiques occidentaux “cherchent à nous acculer”, “nous ont menti à plusieurs reprises” et en Ukraine “ont franchi la ligne”, ? . En deuxième lieu, comme je l’ai soutenu depuis les années 1990, la double politique de Washington à l’égard de la Russie pouvait conduire à une nouvelle Guerre Froide et à une crise comme celle d’aujourd’hui— voir mes articles dans The Nation et mes livres Failed Crusade (Croisade échouée) et Soviet Fates and Lost Alternatives (Fatalités Soviétiques et Alternatives perdues) – je voulais apporter mon analyse de longue date sur la crise actuelle.

En conséquence, j’ai été à plusieurs reprises assailli et traité – et pas moins dans les publications prétendument libérales – d’ Américain “apologiste” nº1 de Poutine, d’”idiot utile”, de “dupe”, de “meilleur ami” et peut-être à un niveau encore plus bas dans l’immaturité, d’”homme de paille”. Je m’attendais à être critiqué, comme je l’ai été pendant près de vingt ans en tant que commentateur de CBS News -Nouvelles CBS-, mais pas d’une telle façon personnelle et si calomnieuse. (Quelque chose a changé dans notre culture politique, ceci est peut-être lié à l’Internet.)

Jusqu’à présent, je n’ai répondu à aucune de ces attaques diffamatoires. Je le fais aujourd’hui parce que je pense maintenant qu’elles sont adressées à plusieurs d’entre nous dans cette salle, en effet à toute personne critique de la politique de Washington sur la Russie et pas seulement à moi. (Pas même Henry Kissinger ni le très brillant Ambassadeur du Président Reagan à Moscou, Jack F. Matlock, n’ont été à l’abri). En relisant les attaques, j’en suis arrivé aux conclusions suivantes :

- Aucun de ces assassins en mots ne présente de réfutations factuelles de tout ce que j’ai dit ou écrit. Ils se livrent uniquement à des insultes ad hominem fondées sur des distorsions et sur le principe général que tout Américain qui cherche à comprendre le point de vue de Moscou est un “apologiste de Poutine” et donc antipatriotique. Une telle prémisse n’encourage que la possibilité de la guerre.

- Certains de ces écrivains, ou les gens qui se tiennent derrière eux, sont des partisans de longue date des vingt ans de politique américaine qui ont conduit à la crise ukrainienne. En nous diffamant, ils cherchent à dissimuler leur complicité dans la catastrophe qui se déroule et leur réticence à la reconsidérer. L’incapacité à reconsidérer nous condamne au pire résultat.

- Tout aussi important – ces sortes de néo-maccarthystes essaient d’étouffer le débat démocratique en nous stigmatisant d’une manière qui nous rend « indésirables », tant dans les émissions grand public, les éditoriaux, que chez les décideurs politiques. Et ils y réussissent en grande partie.

Soyons clair. Cela signifie que nous, pas les gens de gauche et de droite qui nous diffament, sommes les vrais démocrates américains et les vrais patriotes de la sécurité nationale des États-Unis. Nous ne cherchons pas à ostraciser ou faire taire les nouveaux guerriers de la guerre froide mais à les engager dans le débat public. Et nous, pas eux, nous comprenons que l’actuelle politique des États-Unis peut avoir des conséquences catastrophiques sur la sécurité internationale et nationale. Les dangers et les coûts d’une nouvelle et longue guerre froide affecteront nos enfants et petits-enfants. A tout le moins, cette politique irresponsable, formulée même à haut niveau en diabolisation incessante de Poutine, est déjà en train de coûter à Washington un partenaire de première importance au Kremlin, dans des domaines vitaux pour la sécurité étatsunienne – de l’Iran, la Syrie, et l’Afghanistan,jusqu’aux efforts pour contrer la prolifération nucléaire et le terrorisme international

Mais je dois ajouter que nous sommes également à blâmer pour le débat unilatéral, voire inexistant. Comme je l’ai dit, nous ne sommes pas organisés. Trop souvent, nous ne nous défendons pas publiquement l’un l’autre, même si je suis personnellement reconnaissant à James Carden, Gilbert Doctorow et Robert Legvold d’être venus à ma défense. Et souvent, nous ne parlons pas avec assez d’audace. (Il ne faudrait pas nous inquiéter, par exemple, si nos arguments coïncident parfois avec ce qui est dit par Moscou car ce faisant, nous ferions de l’auto-censure.)

En effet, certaines personnes qui partagent nos préoccupations en privé – encore une fois, au Congrès, dans les médias, les universités et les groupes de réflexion – n’en parlent pas du tout. Pour une raison quelconque – crainte d’être stigmatisés, crainte pour leur carrière, ou disposition personnelle – ils demeurent silencieux. Mais dans notre démocratie, où le coût de la dissidence est relativement faible, le silence n’est plus une option patriotique. (Personnellement, en tant qu’Américain, j’en suis venu à le ressentir plus fortement, même une indignation morale, quand je regarde et vois le régime pro-américain à Kiev infliger une dévastation inutile, une catastrophe humanitaire et peut-être des crimes de guerre envers ses propres citoyens dans l’Est de l’Ukraine.)

Cependant, je dois aussi mettre l’accent sur le fait que nous devrions exempter de cet impératif les jeunes gens, eux qui ont plus à perdre. Certains ont recherché mes conseils et je leur dis toujours : “Même si les pénalités sont mineures pour une dissidence américaine à propos de la Russie, elles pourraient nuire à votre carrière professionnelle. A ce stade de votre vie, votre obligation première, c’est votre famille et donc votre carrière. Le temps de votre combat viendra plus tard .”

Enfin, dans le cadre de notre lutte pour une politique américaine plus sage, je suis arrivé à une autre conclusion. La plupart d’entre nous ont appris que la modération dans la pensée et la parole est toujours le meilleur principe. Mais dans une crise fatidique comme celle à laquelle nous sommes confrontés maintenant, la modération en soi n’est pas une vertu. Elle devient conformisme, et le conformisme devient complicité.

Je me souviens que cette question était discutée il y a longtemps dans un contexte très différent – par des dissidents de l’ère soviétique quand je vivais parmi eux à Moscou dans les années 1970 et 1980. Quelques-uns de nos supporters qui connaissent cette histoire (y compris Edward Lozansky, un ancien dissident soviétique, républicain reaganien et l’organisateur de l’événement d’aujourd’hui) nous ont récemment appelé «dissidents américains”. L’analogie est imparfaite: mes amis soviétiques avaient beaucoup moins de possibilités de dissidence et risquaient des conséquences bien pires.

Mais l’analogie nous suggère bien une leçon. Les dissidents soviétiques protestaient contre une orthodoxie retranchée faite de dogmes et l’élaboration sans discernement de politiques, ce qui explique pourquoi ils ont été dénoncés comme hérétiques par les autorités soviétiques et les médias. Depuis les années 1990, en commençant par l’administration Clinton, des notions extrêmement imprudentes sur la Russie post-soviétique et la rectitude politique de la politique des USA ont figé une orthodoxie américaine bipartisane. La réponse naturelle historique à l’orthodoxie est l’hérésie. Soyons donc des hérétiques patriotiques, indépendamment des conséquences personnelles, dans l’espoir que d’autres se joindront à nous, comme cela a souvent été le cas dans l’histoire.

* * *

J’en viens maintenant, en ma qualité d’historien, à cette orthodoxie. Le regretté sénateur Daniel Patrick Moynihan a si bien dit : « Tout le monde a droit à ses propres opinions, mais pas à ses propres faits. » L’orthodoxie de la nouvelle guerre froide repose presque entièrement sur des opinions fallacieuses. Cinq de ces erreurs sont particulièrement importantes aujourd’hui :

- Erreur n ° 1 : Depuis la fin de l’Union soviétique en 1991, Washington a traité la Russie post-communiste généreusement comme un ami et un partenaire souhaité, en faisant tous les efforts pour l’aider à devenir un membre démocratique et prospère du système occidental de sécurité internationale. Par refus ou incapacité, la Russie a rejeté cet altruisme américain, et ceci avec force sous Poutine.

Faits : Au début des années 1990, de nouveau avec l’administration Clinton, chaque Président et Congrès américain a traité la Russie post-soviétique comme une nation vaincue avec des droits légitimes inférieurs à l’intérieur comme à l’extérieur. Cette approche triomphaliste, du gagnant-prend-toute-la-mise (“winner-takes-all) a été le fer de lance de l’expansion de l’OTAN, accompagnée par des négociations non réciproques et maintenant des missiles de défense dans les zones de sécurité nationale traditionnelles de la Russie, tout en l’excluant en réalité du système de sécurité de l’Europe. Dès le début, l’Ukraine, et dans une moindre mesure la Géorgie, étaient les objectifs ultimes. Comme un influent chroniqueur du Washington Post l’a expliqué en 2004, « L’Occident veut finir le travail commencé avec la chute du mur de Berlin et poursuivre la marche de l’Europe vers l’Est… Le grand prix est l’Ukraine. »

- Erreur n°2 : Il existe un Etat nommé “Ukraine” et un peuple, “Le Peuple Ukrainien”, qui a voulu échapper à des siècles d’influence russe pour rejoindre l’Ouest.

Fait : Comme toute personne informée le sait, l’Ukraine est un pays depuis longtemps divisé par des différences ethniques, linguistiques, religieuses, culturelles, économiques et politiques, particulièrement dans ses régions de l’Ouest et de l’extrême Est, mais pas uniquement. Quand la crise actuelle a éclaté en 2013, l’Ukraine était encore un Etat entier, mais pas un peuple unique ou une nation unie. Certains de ces clivages ont été agravés après 1991 par les élites corrompues, mais la plupart d’entre eux s’étaient déjà développés au fil des siècles.

- Erreur n° 3 : En novembre 2013, l’Union européenne, soutenue par Washington, a offert au Président de l’Ukraine, Viktor Ianoukovitch, une association bénigne avec la prospérité de la démocratie européenne. M. Ianoukovitch était prêt à signer l’accord, mais Poutine l’a intimidé et l’a corrompu pour qu’il le rejette. C’est ainsi que les manifestations de protestation de Maidan à Kiev ont commencé et tout ce qui a suivi depuis.

Faits : La proposition de l’UE était une provocation irresponsable obligeant le président démocratiquement élu d’un pays profondément divisé à choisir entre la Russie et l’Occident. Il en a été de même avec le rejet de la contre-proposition de Poutine d’un plan russo-américano-européen pour sauver l’Ukraine de l’effondrement financier. À elle seule, la proposition de l’UE n’était pas économiquement réalisable. Offrant peu d’aide financière, elle demandait que le gouvernement ukrainien adopte des mesures sévères d’austérité et restreigne fortement ses relations économiques de longue date avec la Russie. La proposition de l’UE n’était pas non plus entièrement bénigne. Elle comprenait des protocoles d’exigence d’adhésion de l’Ukraine aux politiques européennes “militaires et de sécurité”, ce qui signifiait en effet, sans parler de l’alliance, l’OTAN. En bref, ce n’est pas la prétendue “agression” de Poutine qui a initié la crise d’aujourd’hui, mais plutôt une sorte d’agression de velours par Bruxelles et Washington pour apporter toute l’Ukraine à l’Ouest, y compris (en filigrane) à l’OTAN.

- Erreur n°4 : La guerre civile qui se déroule aujourd’hui en Ukraine a été provoquée par la réaction agressive de Poutine aux manifestations pacifiques de Maidan contre la décision de Ianoukovitch.

Les faits : En février 2014, les manifestations radicalisées de Maidan, fortement influencées par des forces de la rue nationalistes extrêmes et même semi-fascistes, sont devenues violentes. Dans l’espoir d’un règlement pacifique, les Ministres des Affaires Etrangères européens ont négocié un compromis entre les représentants parlementaires de Maidan et Ianoukovitch. Il serait resté en tant que président d’une coalition, un gouvernement de réconciliation, jusqu’aux nouvelles élections de décembre 2014. En quelques heures, des violents combattants de rue ont fait avorter l’accord. L’Europe et Washington n’ont pas défendu leur propre accord diplomatique. Ianoukovitch a fui en Russie. Des partis parlementaires minoritaires représentant Maidan et principalement l’Ouest de l’Ukraine, parmi lesquels Svoboda, un mouvement ultra-nationaliste déjà frappé d’anathème par le Parlement européen pour incompatibilité avec les valeurs européennes, ont formé un nouveau gouvernement. Ils ont également annulé la constitution existante. Washington et Bruxelles ont approuvé le coup d’Etat et en paient le prix depuis. Tout ce qui a suivi – l’annexion de la Crimée par la Russie et la propagation de la rébellion dans le sud-est de l’Ukraine, la guerre civile et l’opération “anti-terroriste” de Kiev – tout cela a été déclenché par le coup d’Etat de février. Les actions de Poutine ont surtout été réactives.

Erreur n°5 : La seule porte de sortie à cette crise, c’est que Poutine mette fin à son “agression” et rappelle ses agents de la partie sud-est de l’Ukraine.

Fait : Les causes sous-jacentes de cette crise sont les propres divisions internes de l’Ukraine, et non à l’origine, les actions de Poutine. Le principal facteur d’escalade de la crise depuis mai a été la campagne militaire “anti-terroriste” de Kiev contre ses propres citoyens, maintenant principalement dans les villes du Donbass, de Donetsk et de Lougansk. Poutine influence et aide les membres de l’”auto-défense” du Donbass, sans aucun doute. Compte tenu de la pression exercée sur lui à Moscou, il va probablement continuer à le faire, voire les aider davantage, mais il ne les contrôle pas. Si l’offensive de Kiev cesse, Poutine peut probablement contraindre les rebelles à négocier. Mais seule l’administration Obama peut contraindre Kiev à arrêter, et elle ne l’a pas fait.

En bref, vingt ans de politique étrangère des USA ont mené à cette confrontation fatidique entre les Etats-Unis et la Russie. Poutine peut y avoir contribué en route, mais son rôle pendant ses quatorze années au pouvoir a été essentiellement réactif – les faucons de Moscou ne se privent pas de le lui reprocher d’ailleurs.

***

En politique, comme en histoire, il y a toujours des alternatives. Au moins trois issues à la crise ukrainienne sont envisageables :

En attendant, la tragédie humanitaire ukrainienne continue à s’amplifier. Des milliers d’innocents ont déjà été tués ou blessés (nous sommes en août), selon les représentants des Nations Unies, et près d’un million d’autres sont devenus des réfugiés en fuite. C’est une tragédie inutile car les gens sensés de tous les bords connaissent les termes généraux des pourparlers de paix :

Si ces principes sont adoptés, ils devraient être garantis, tout comme l’intégrité territoriale actuelle de l’Ukraine, par la Russie et l’Ouest, éventuellement par une résolution du conseil de sécurité de l’ONU. Mais de telles négociations ne pourront débuter tant que les opérations militaires de Kiev dans l’est de l’Ukraine n’auront pas cessé. La Russie, l’Allemagne et la France ont à maintes reprises appelé à un cessez-le-feu mais les “opérations anti-terroristes” ne peuvent s’achever que là où elles ont commencé : à Kiev et Washington. Hélas, cette volonté n’existe pas ici à Washington. Le Président Obama s’est complètement effacé en tant qu’homme d’Etat au cours de cette crise ukrainienne. Le Secrétaire d’Etat John Kerry parle en public plus comme un ministre de la guerre que comme un diplomate. Le Sénat prépare une législation encore plus guerrière. Les médias grand public reprennent sans distance aucune la propagande de Kiev et applaudissent à sa politique. Contrairement au matraquage de l’anéantissement de Gaza, la télévision américaine montre rarement – voire pas du tout – la destruction, par Kiev, de Lugansk, Donetsk ou d’autres villes ukrainienne. De ce fait, il n’y a ni scrupules ni questions à venir de la population.

Alors nous, les patriotes hérétiques, nous nous retrouvons pour la plupart seuls et souvent fort décriés. La perspective la plus optimiste que je peux offrir est de rappeler que l’amélioration dans l’Histoire commence fréquemment par l’hérésie. Et pour citer le témoignage personnel de Mikhaïl Gorbatchev, qui un jour où il s’exprimait sur sa lutte pour le changement au sein de la nomenklatura soviétique d’une rigidité tout orthodoxe : “en philosophie, tout ce qui est nouveau apparait comme une hérésie et en politique, comme l”opinion d’une minorité.”

Stephen F. Cohen

Source: http://www.les-crises.fr/la-nouvelle-guerre-froide-et-la-necessite-dune-heresie-patriotique-par-stephen-cohen/


Actu’Ukraine, 18 septembre, par Nicolas

Thursday 18 September 2014 at 00:30

Nicolas est citoyen franco-américain, a vécu au Japon, en Allemagne, en Russie, et en Italie et est actuellement traducteur et consultant export freelance.

Je lui ai proposé de développer ses commentaires dans des billets réguliers.

Commençons par la situation militaire dans le Donbass.

La situation militaire a dans l’ensemble peu changé. Actuellement, kot-ivanov ne met plus sa carte à jour, un autre blogueur a pris le relais

carte au 15/09

carte au 15/09

RPD

Kiev continue de bombarder Donetsk, Makeevka, Gorlovka, Marinka et plusieurs autres villes de RPD (Oktyabrskiy, Azotniy…). Des centaines de soldats de Kiev sont toujours dans l’aéroport de Donetsk, encerclés, et seraient responsables de nombreux bombardements de Donetsk et Makeevka. Il reste le 16 septembre des centaines de soldats de Kiev (y compris de nombreux mercenaires étrangers d’après les rebelles) disposant de dizaines de blindés à déloger de cette position stratégique. De nombreux combats ont lieu sur le territoire de l’aéroport, et la RPD doit repousser des tentatives de Kiev pour entrer dans l’aéroport avec des blindés et briser l’encerclement. Les troupes de RPD continuent de progresser dans l’aéroport et annoncent (encore une fois) que l’aéroport sera bientôt sous leur contrôle. La population de Donetsk subit les bombardements les plus lourds, avec notamment 20 civils tués pour la seule journée du 14 septembre.

À Gorlovka, les rebelles ont repoussé une tentative de percer vers Konstantinovka. (14/09)

Un groupes de soldats de Kiev est encerclé un peu au sud de Debaltsevo (Jdanovka), les rebelles ont repoussé une tentative de briser leur encerclement (14/09). Des renforts à destination de Debaltsevo sont bloqués par les rebelles, certains affirment donc que Debaltsevo est encerclé ce qui est un peu exagéré pour l’instant : les rebelles n’ont pas encore de positions renforcées ni de blindés au nord de Debaltsevo. Les Cosaques du Don et les “Fantômes” (Prizrak) de Mozgovoï sont dans les environs de Debaltsevo.

Des affrontements ont lieu un peu partout sur le front, notamment à Telmanovo (village clé sur la route vers le bout de côte tenu par les rebelles) et Volnovakha (à mi-chemin entre Donetsk et Marioupol), mais aussi Yassinovataya, Novotroïtskoyé, Nijnaya Krynka. Au sud de Donetsk, Starabechevo et ses environs sont sous le contrôle de Motorola et ses hommes, et des rebelles notent sarcastiquement que les soldats ennemis le savent et évitent activement les affrontements avec eux.

Les rebelles continuent de détruire ou récupérer du matériel ennemi, mais à un rythme très réduit : chaque jour, une pièce d’artillerie, un tank, etc, pas plus de 10 “unités” en tout par jour. Un rare tank T-72-M, a été obtenu en très bon état. Cocorico, il est équipé d’électronique Thales ! Merci la France.

T-72-M-Thales

T-72-M-Thales, modèle rare… espérons.

Pas de changement du côté de Marioupol où l’on continue de construire des tranchées. Les rebelles tiennent toujours plusieurs banlieues côté est et sont bombardés par l’artillerie de Kiev. Un couvre-feu très strict est en place à Marioupol. Après la destruction d’un pont au nord de Marioupol, on signale qu’un autre a été miné.

RPL

La situation y est dans l’ensemble plus calme qu’en RPL. Des affrontements sont toutefois signalés à Schastyé (ville clé au nord de Lougansk, aux mains de Kiev), Zolotoyé, Kamychevakha. Ces combats n’ont pas empêché les habitants de Lougansk de fêter le jour de la ville. (14/09)

Notons la présence visible du groupe de bikers “Les loups de la nuit”. Ce club a été créé en 1989 et est connu notamment pour ses relations amicales avec le président russe. Notons au passage que Vladimir Poutine a également d’excellentes relations avec les Cosaques du Don, qui a récemment prêté serment puis défilé à Perevalsk.

Nous constatons donc que tous ces amis qui semblaient un peu folkloriques à la plupart des occidentaux (surtout à ceux qui savent tout mais ne comprennent pas trop ce qui se passe au-delà du périph’ parisien) sont aujourd’hui en première ligne pour défendre les russophones du Donbass, qui ont demandé leur indépendance par référendum, contre l’invasion de Kiev.

Sur la vidéo de la fête de Lougansk, on peut aussi constater qu’un camion porte à la fois le drapeau de l’URSS (athéiste donc, a priori) et un drapeau montrant un visage christique, ce qui rappelle qu’athées et chrétiens combattent ensemble, ainsi que de nombreux musulmans du monde russe (Tchétchènes, Ossètes etc), et probablement des bouddhistes puisque des Kalmouks sont présents (la Kalmoukie est la seule région bouddhiste d’Europe). De même, communistes tsaristes et nationalistes se battent contre l’ennemi commun. Nous aurons le temps de revenir sur ce sujet. Signalons quand même le plus évident : La grande majorité des rebelles sont citoyens de l’Ukraine, beaucoup sont ukrainiens ethniques, et personne ne leur interdit de parler ukrainien (d’ailleurs l’ukrainien est langue officielle de la RPD, selon sa Constitution).

Le 16 septembre, les armées de RPD et RPL ont été unies en armée de Novorossie.

Côté Kiev

Oleg Lyashko, député nationaliste, affirme que 8 000 soldats sont morts, que le gouvernement cache les pertes réelles, et utilise même un crematorium allemand pour faire disparaître les corps des soldats.

crematorium Lyachko

Selon Lyachko, ceci est la photo satellite d’un crématorium utilisé pour brûler les corps de soldats. On n’est pas obligé d’y croire.

Il y a même une photo satellite pour illustrer ses propos. Cette histoire de crématorium est difficile à prendre au sérieux, mais le chiffre de 8 000 soldats tués est plus réaliste que les ~900 annoncés par Kiev. Un indice concernant cette annonce : la page du site du Parti Radical de Lyashko qui parlait de ce crématorium a été effacée. On voit surtout que les adversaires de Porochenko sont prêts à tout pour le discréditer.
La 3e vague de mobilisation s’est très mal passée selon de nombreux observateurs. Kiev continue cependant d’annoncer des bonnes nouvelles, avec la réparation depuis le début de la trêve de 67 “unités” dont 30 tanks et 20 blindés (juste avant la trêve, les rebelles détruisaient ou capturaient près de 30 blindés par jours, tanks compris. Dans la foulée de l’annonce de Kiev, les rebelles ont annoncé avoir 200 “unités” en cours de réparation, avec 50 réparations effectuées par semaine. Une fois n’est pas coutume, les chiffres annoncés d’un côté comme de l’autre ne sont pas invraisemblables.

Comme annoncé précédemment, l’Ukraine a indiqué qu’elle se défendra contre l’invasion russe, et elle se défend. Avec un mur. Ah, un fossé, en fait.

L’idée est de faire une nouvelle ligne Mannerheim, qui a permis à la Finlande de résister à l’URSS de Iossif Djougachvilivi pendant un certain temps lors de la Guerre d’Hiver. Elle était très largement plus faible que la ligne Maginot. Il semble que l’idée soit de dépenser autant d’argent que possible de la façon la plus inutile possible.

Ci-dessus, des tanks russes s’entraînent à passer des fossés. Démonstration est donc faite que le Grand Fossé d’Ukraine en cours de construction n’a strictement aucun intérêt. La vidéo précédente affirme aussi que le Fossé pourrait arrêter des rebelles à pied, difficile de comprendre comment. Ils vont enduire les parois de savon ? À noter que le “mur”, c’est-à-dire le Fossé, sera aussi creusé le long de la frontière avec la Crimée, qui selon Kiev est ukrainienne et qu’ils reprendront bientôt. L’objectif est donc d’empêcher leur propres tanks de reprendre la Crimée ? Tout cela est difficile à comprendre.

Le ministère de la défense ukrainien a officiellement confirmé que les pays de l’OTAN ont commencé leurs livraisons d’armes et de blindés.

Les élections législatives s’approchent dans le territoire contrôlé par Kiev. Il en sera question dans le prochain billet, ainsi que du statut spécial du Donbass promis par Kiev pour 3 ans qui a été voté le 16 septembre. A priori, c’est trop pour Svoboda, Secteur Droit etc, mais pas assez pour le Donbass qui veut simplement l’indépendance.

Échange de prisonniers

Plusieurs échanges de prisonniers ont eu lieu, c’est le point le plus positif de la trêve. Notons que lorsque Porochenko a annoncé que 1200 soldats de Kiev avaient déjà été libérés, il s’agissait simplement de dire n’importe quoi pour annoncer une bonne nouvelle, il en a grand besoin. Il y avait alors simplement un accord pour libérer les prisonniers “tous contre tous”, et une petite vingtaine de soldats de Kiev seulement avaient à ce moment-là été libérés. Depuis, les échanges se succèdent, sous supervision de l’OSCE. Lors d’un premier échange, 36 (37?) soldats de chaque camp devaient rentrer chez eux, Kiev en a relâché 31, contre 36 en échange. Le 14 septembre, 73 soldats de Kiev auraient été libéré contre 68 rebelles (l’accord était 73 contre 73). Les rebelles libérés racontent leur captivité, et l’on apprend qu’il n’y a pas de torture ni même de mauvais traitements systématiques, y compris par le bataillon Aïdar. Cela est rassurant, puisqu’on connaissait jusqu’à présent plusieurs cas de tortures de rebelles prisonniers, dont 2 avaient été battus pratiquement à mort (Strelkov avait annoncé qu’ils n’avaient aucune chance de survivre), et plus récemment les restes de 8 prisonniers du groupe Prizrak (Fantôme) de Mozgovoï ont été retrouvés en très mauvais état, abattus après avoir été torturés par la garde nationale, qui avait promis d’échanger ces prisonniers contre leurs hommes faits prisonniers par Prizrak. Une vidéo montrant les restes de ces hommes, est disponible sur Youtube.

D’autres échanges auront lieu dans les prochains jours, des centaines de soldats restent prisonniers de chaque côté. Zakhartchenko, le premier ministre de la RPD, affirme qu’une quinzaine de soldats de Kiev sont faits prisonniers chaque jour, en grande partie de leur propre volonté.

Situation humanitaire

Les armées de Kiev ont détruit d’innombrables objets d’infrastructure civile, que les autorités de RPL et RPD s’efforcent de réparer. Parmi tant d’autres exemples, le déminage de la voie ferrée d’Ilovaïsk :

Ilovaïsk avait été le théâtre de très lourds combats, au cours desquels des centaines de soldats de Kiev sont morts. Il resterait encore plus de 100 corps de soldats à récupérer. On voit ici que la voie ferrée a été minée. Son déminage permettra à la Novorossie de rétablir un lien ferroviaire avec la Russie. On peut voir sur cette vidéo quelques dégâts causés à Ilovaïsk. Et sur celle-ci, les habitants parlent des bombardements : les dégâts sur leurs maisons, les blessés, les morts, l’absence de matériaux pour réparer, les enterrements à la va-vite, etc. La première habitante remercie notamment les rebelles, qui aident les blessés. À propos du cessez-le-feu : “Après ce à quoi nous avons survécu, on ne peut plus les croire”.

Toujours concernant les réparations d’infrastructures, le 11/09 2 travailleurs réparant les voies ferrées vers Volnovakha ont été blessés, ils auraient été visés par des obus de mortier. En RPL, une ligne électrique a été tirée de la Russie vers Krasnodon, ville frontalière. La ligne devrait arriver jusqu’à Lougansk, ce qui serait une grande amélioration pour les habitants, et permettrait à Lougansk de ne pas être privée d’électricité si les volontaires de Kiev mettent à exécution leur menace de faire exploser la centrale électrique de Schastié (menace évoquée dans un billet antérieur). Dans la foulée, une conduite de gaz pourrait amener du gaz russe, ce qui permettrait à la population novorusse de continuer à vivre plus ou moins normalement pendant que le territoire contrôlé par les oligarques de Kiev (qui n’auront pas froid cet hiver) manque d’énergie et achète du charbon en Afrique du Sud, en Australie et ailleurs. D’ailleurs, l’affaire du “reverse” polonais est tout à fait remarquable en ce qu’elle illustre l’incompétence et l’infantilisme du gouvernement de Kiev : Kiev avait commencé à recevoir du gaz prélevé sur les achats polonais. Ce n’est qu’après que Yatsenyuk s’est vanté de cette opération illégale (contraire au contrat avec Gazprom) que Gazprom a réduit ses envois vers la Pologne. Il aurait suffi que Yatsnyuk évite de publier un message que l’on peut traduire assez précisément par “na na na na na-nère!” pour que Gazprom continue de livrer les mêmes quantités et pour que des dizaines de millions de personnes puissent passer l’hiver presque correctement. Difficile de savoir si le gouvernement ukrainien a déjà touché le fin fond de la bêtise humaine, mais ils creusent !

Dernier point sur la situation humanitaire, 2 000 tonnes d’aide humanitaire sont arrivées à Lougansk le 13, la distribution de cette aide a commencé le 15. Cette aide dont Kiev a essayé d’empêcher l’arrivée est indispensables à une grande part de la population qui est sans ressources depuis des mois, du fait que Kiev a cessé de payer les retraites, les aides sociales, les frais de fonctionnement des mairies, etc. Le 16 septembre, le ministre ukrainien des affaires étrangères a exigé des Russes qu’ils arrêtent leur provocations sous la formes de convois humanitaires. Apparemment, aider la population du Donbass à survivre est une provocation.

Pendant ce temps en Russie

En Crimée et à Sébastopol, comme dans de nombreuses régions de Russie, les enfants ont le choix de la langue de scolarisation. Plus de 2 000 écoles font les cours en tatar, tchétchène, oudmourte etc., c’est ce qu’on appelle le respect des droits des minorités, un concept difficile à expliquer en France dont l’Éducation nationale a eu pour mission pendant des décennies d’éradiquer les langues régionales (le corse, par exemple, n’est toujours pas langue d’enseignement mais seulement enseignée en option, comme une langue étrangère, le breton a quasiment disparu…). Sur une population de 2 million d’habitants, l’ukrainien a été choisi par 230 écoliers. Il y aura donc un seul lycée pour toute la Crimée, à Simféropol, qui proposera une éducation en ukrainien. Les chiffres ne sont pas donnés pour le tatar de Crimée, qui reste une langue d’enseignement dans plusieurs villes à forte population crimo-tatare, sans changement notable par rapport aux années précédentes. Tous les ukrainiens ethniques ne sont pas de langue maternelle ukrainienne, loin de là. En effet il y a près de 500 000 ukrainiens ethniques en Crimée.  Ceci rappelle ce qui a déjà été expliqué dans le passé dans ce blog : On peut comparer dans ce billet la carte indiquant les proportions de russes ethniques à la carte indiquant la proportion d’habitants de langue maternelle russe (25% contre 48% en région de Zaporojié par exemple). Et cela rejoint l’expérience d’un russe vivant aux É-U qui explique pourquoi il donne 100 000 dollars à l’armée novorusse : lorsqu’il était scolarisé en Ukraine, juste après la chute de l’URSS, un sondage a été fait auprès des parents d’élèves pour savoir s’ils voulaient que l’enseignement se fasse en russe ou en ukrainien. La majorité des parents voulaient un enseignement en russe, l’école est passé officiellement en ukrainien (avec des enseignants qui continuaient alors à parler russe). Ainsi, l’ukrainien est clairement moins populaire lorsqu’on ne cherche pas à l’imposer à la population.

Pour compléter, un mot pour signaler la conférence de presse d’Igor Strelkov, stratège qui a retourné la situation militaire en faveur de la Novorossie puis a quitté son poste de ministre de la défense de la RPD pour aller à Moscou, où il affirme être plus utile. Notons au passage que le drapeau qui est sur la table est le drapeau de l’Empire russe. Strelkov étant loin d’être un poutinophile, certains pensaient qu’il serait de leur côté pour renverser Poutine. Malgré les désaccords de Strelkov avec Poutine, ils ont en commun d’être des patriotes et d’êtres confrontés à ceux qui veulent affaiblir et piller la Russie, comme au temps du “bon démocrate” Eltsine. Eltsine était considéré par les dirigeants occidentaux comme un “bon démocrate” parce qu’il vendait les avoirs de l’État à 2% de leur valeur réelle, et Poutine est considéré comme un dictateur essentiellement parce qu’il a mis un terme à ce pillage. Strelkov se range donc du côté de la Russie contre les tentatives de la 5e colonne et de l’Occident de renverser Poutine.

Strelkov parle de sabotage au sein de l’État russe par des agents d’influence qui ont empêché l’intervention russe au moment où elle aurait pu arrêter le conflit avant que les massacres ne commencent (c’est-à-dire en avril). Il ajoute que ces agents d’influence ont manœuvré avec les oligarques ukrainiens pour diviser les rebelles. Il parle aussi de la programmation neuro-linguistique en Ukraine, qui rend la population incapable de distinguer le vrai du faux.

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-18-septembre/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 17 September 2014 at 23:20

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : Olivier Delamarche sur BFM Business : Un énième quantitative easing, pourquoi faire ? 15/09


Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi: Réunion de la Fed: À quoi faut-il s’attendre ?, dans Intégrale Placements – 15/09 1/2


Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi: Indépendance de l’Écosse: un risque pour les marchés ?, dans Intégrale Placements – 15/09 2/2

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: Le QE de la BCE sera sans réel impact sur la création d’emplois – 12/09


Bilan Hebdo de Béchade & Cussac: Semaine relativement calme sur les marchés – 12/09


Philippe Béchade VS Sébastien Korchia – 10/09 – 1/2

Quid des mesures prises par la BCE pour relancer le crédit ?

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia – 10/09 – 2/2

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia: Marchés américains: quels valeurs privilégier ?

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : Vers une remontée des taux très progressive – 16/09


Jacques Sapir VS Jean-François Robin: Vote de confiance: les scénarios envisageables pour le Premier ministre, dans Intégrale Placements – 16/09 1/2


Jacques Sapir VS Jean-François Robin: Ecosse: quel impact sur les marchés en cas de victoire du “oui à l’indépendance” ? , dans Intégrale Placements – 16/09 2/2

Pour finir, je vous recommande cet intéressant papier d’Arrêts sur Images sur l’indécent (et habituel) traitement médiatique du référendum sur l’indépendance de l’Écosse. 

Point positif, toutes les élites et journaux sont pour le Non, le Oui a donc toutes ses chances  :)

Je suis assez curieux de connaitre le résultat : la volonté de l’indépendance nationale sera-t-elle plus forte que les (fausses) peurs agitées sans cesse par les médias ?

P.S. j’ai vu que Asselineau sera invité chez Ruquier ce samedi, cela devrait donner un moment de débat démocratique intéressant…

P.P.S. Lu sur le blog de Mélenchon :

Répugnante matinée au Parlement européen

Il s’agissait d’adopter l’accord de coopération commerciale avec l’Ukraine. Et un codicille concernant la circulation libre des personnes. Deux votes seulement pour prononcer une annexion économique. Mais l’hémicycle était bondé. Auparavant, il y avait eu une « discussion » entre des rangs certes bien plus clairsemés. Elle portait sur cet accord. Elle était sidérante. Un nombre incroyable de va-t-en-guerre se succédaient pour exiger des mesures de représailles contre la Russie. Je pense que, dans de telles circonstances, on ne se contente pas seulement d’être intellectuellement affligé par la pauvreté des vues que de telles déclarations violentes expriment. On prend conscience du danger d’avoir des élites ou supposées telles à ce point aveuglées dans des moments de l’Histoire aussi tendus qu’à présent. Mais ce jour-là, le pire était encore à venir. Soudain, Martin Schultz, le président de l’Assemblée, dans le style habituel de ses aboiements les plus impératifs, nous demande de nous asseoir et de nous taire. Il s’agissait de pouvoir commencer une séance où l’on voterait en même temps, les uns sous les yeux des autres, grâce à la magie audiovisuelle, au Parlement de Kiev et à Strasbourg, l’accord de coopération entre l’Ukraine et l’Union Européenne. On subit d’abord une petite harangue après laquelle toute demande de prise de parole contraire fut interdite. Puis la parole fut donnée au président de l’Ukraine.

C’était trop pour nous. En tout cas pour moi. Je me levais et je quittais la salle aussi bruyamment que je le pus. En même temps que moi sortirent mes collègues portugais et les Espagnols de Podemos ! Ensuite sortirent également les Grecs de Syriza, la gauche de Die Linke et divers autres courageux. C’est peu dire que nous étions fort fâchés. Cette retransmission en duplex était une pression insupportable. Le refus de la parole était odieux, surtout au moment même où le président de séance nous infligeait de si touchantes odes a la démocratie. Et enfin, c’était vraiment trop de devoir supporter d’entendre, sans pouvoir répondre, un oligarque corrompu comme celui qui préside l’Ukraine. A plus forte raison en le voyant parler devant un Parlement d’où les députés communistes ukrainiens ont été exclus ! Toute cette comédie avait commencé sous les applaudissements nourris d’un bord à l’autre de l’hémicycle, la droite, les sociaux-démocrates et même les Verts pétaradants de joie et confis de postures héroïques. Après la harangue de l’oligarque ukrainien, l’enthousiasme était moins vif. Seule la droite applaudissait. Je note cependant que quelques Français se sont abstenus dans les rangs de l’UMP, dont Alain Cadec député breton. « si l’on veut la guerre totale, c’est comme ça qu’il faut continuer » dit-il très amer ! J’ai voté contre cet accord pourri, cela va de soi. Après le résultat du vote, le bel enthousiasme du début reprit ses droits : la droite, les sociaux-démocrates et les Verts, les uns debout les autres assis, applaudissaient l’heureuse conclusion de cette grossière provocation.

L’enthousiasme de tous ces gens ne durera pas. Pour l’instant, seule l’Europe souffre des sanctions économiques que les Nord-Américains lui ont fait adopter. L’Europe et les États-Unis ne peuvent pas gagner avec ce genre de méthode face à la Russie dorénavant plus intimement liée que jamais au bloc des BRICS. Plus les ponts seront coupés avec les Russes, plus ceux-ci étendront leur liaison avec les Chinois et les Indiens. 450 millions de consommateurs de notre côté, 1,4 milliard de Chinois et autant d’Indiens de l’autre ! Déjà cet été, ces deux pays ont décidé de commercer entre eux, notamment dans le domaine crucial de l’énergie, dans leur monnaie nationale et non plus en dollars. Cette décision vient après celle de Fortaleza au Brésil au mois de juillet, où le pays d’accueil, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Chine et la Russie sont convenus de créer l’équivalent de la banque mondiale et du FMI. Ainsi commence une ère nouvelle : le temps est fini où seul les Nord-Américains étaient en état de frapper les autres pays. À présent que les voici embarqué de surcroît dans une opération extrêmement hasardeuse en Irak et en Syrie, mon opinion est que le nombre de fronts et d’adversaires qu’ils se sont faits avec toutes leurs récentes gesticulations excèdent leurs moyens d’action. Le caniche européen finira bientôt par se rendre compte combien son intérêt est éloigné de tout cela. Mais ce sera trop tard, bien sûr. En attendant, les aventures ukrainiennes, les  sanctions économiques et les autres balivernes vont aggraver la récession. Elles frapperont plus particulièrement l’économie allemande, et par conséquent toutes les autres, et notamment celles de l’Est de l’Europe. La situation est donc extrêmement dangereuse : de tous côtés, sous toutes les formes, s’accumulent les matériaux qui ont l’habitude d’enflammer la vieille Europe.


Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi, ou les sites Soyons sérieux et Urtikan.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-17-09-2014/


Les plans de Washington pour une guerre mondiale, par Patrick Martin

Wednesday 17 September 2014 at 03:55

Source : Patrick Martin, WSWS, 6 août 2014

Un document extraordinaire publié le 31 juillet à propos du calendrier prévisionnel militaire des États-Unis enjoint le Pentagone de se préparer à déclencher jusqu’à une demie douzaine de guerres simultanément, y compris des guerres dans lesquelles les adversaires possèdent des armes nucléaires.

Ce n’est pas les USA qui se battent ils utilisent des tiers

Ce document, intitulé « Ensuring a Strong Defense for the Future » (« Assurer une défense forte pour le futur »), a été rédigé par le National Defense Panel, un groupe d’anciens hauts responsables civils et militaires, missionnés par le Congrès pour fournir un regard critique sur le calendrier prévisionnel officiel du Pentagone publié cette année, le plan quadriennal de défense 2014.

Le National Defense Panel est coprésidé par William Perry, secrétaire à la Défense sous la présidence Clinton, et par le général John Abizaid, ex-chef du Commandement central des États-Unis. Parmi ses membres, il comprend quatre autres généraux à la retraite, ainsi que Michele Flournoy, anciennement secrétaire adjoint à la Défense sous Obama, et Eric Edelman, un éminent néo-conservateur et sous-secrétaire à la Défense dans le gouvernement de George W. Bush.

Il s’agit donc d’un groupe bipartisan [Républicains + Démocrates], qui représente l’intégralité du spectre politique des dirigeants officiels de Washington en matière de sécurité. Son rapport a été publié sous les auspices d’une agence financée par le gouvernement des États-Unis qui se consacre à l’étude des conflits, et dont le nom, choisi avec une logique orwellienne irréprochable, est l’US Institute of Peace [Institut américain de la paix].

Ce document nous prévient des dangers auxquels les États-Unis vont devoir faire face, en parlant en premier lieu de la puissante expansion de la Chine et de la Russie, avant de mentionner la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Moyen-Orient tout entier, puis l’Afrique. La Chine et la Russie ont donc été promues à la première place des cibles potentielles d’une intervention militaire des États-Unis, devant les trois pays mis en avant par George W. Bush dans son fameux discours de 2002 sur « l’Axe du mal ».

Ensuring a Strong Defense for the Future publié par les-crises

Le document précise que pendant les deux décennies précédentes, depuis l’effondrement de l’URSS en 1991, la doctrine militaire des États-Unis a exigé la capacité de pouvoir financer deux conflits militaires majeurs simultanément. Ensuite, il y est demandé un changement radical de cette doctrine :

« Étant donné que, dans le contexte actuel, les menaces s’intensifient, nous croyons qu’un nouveau format renforcé des forces armées, plus complet – un format qui soit différent du format double conflit (NdT : le “two-war construct” est un terme faisant référence à une doctrine militaire classique aux États-Unis et qui prévoit que ses forces armées doivent être dimensionnées de manière à être capables de mener simultanément deux conflits majeurs), mais au moins aussi puissant − est approprié. »

Par la suite, cette idée est davantage détaillée :

« Nous croyons [...] qu’une capacité à faire la guerre partout est la condition sine qua non pour être une superpuissance et s’avère donc essentielle à la crédibilité de la stratégie globale de l’Amérique en matière de sécurité nationale. Dans le contexte actuel de menaces, les États-Unis pourraient, selon toute vraisemblance, être amenés à mener des actions préventives ou à combattre dans plusieurs régions sur des périodes qui se superposent : dans la péninsule coréenne, dans les mers de Chine orientale et méridionale, au Moyen-Orient, en Asie du Sud, et pourquoi pas en Europe. Les États-Unis sont également confrontés à la possibilité d’avoir à faire face à des adversaires dotés de l’arme nucléaire. De surcroît, l’expansion d’Al-Qaïda et de ses émanations dans de nouvelles parties de l’Afrique et du Moyen-Orient implique que l’armée américaine doive pouvoir assumer des opérations antiterroristes au niveau mondial et défendre le territoire américain tout en étant engagée dans des conflits régionaux hors de nos frontières. » (Souligné par nous.)

Cette liste suggère que les États-Unis doivent être préparés à mener de front cinq ou six guerres majeures. Ce n’est rien moins que la demande à l’impérialisme américain de se préparer à gérer une guerre mondiale qui pourrait menacer l’humanité d’extinction.

La mise en avant de la Chine et de la Russie comme cibles potentielles d’une action militaire américaine est de très mauvais augure quant à ses implications, puisque ces deux pays possèdent respectivement le deuxième et le troisième arsenal nucléaire de la planète, derrière les États-Unis eux-mêmes.

Le rapport soutient la position de l’administration Obama, qui prône un « rééquilibrage » des forces militaires américaines pour affronter la Chine, décrivant cette initiative stratégique comme un effort pour réaffirmer « la primauté de la région Asie-Pacifique parmi les intérêts de sécurité des États-Unis.»

En ce qui concerne la possibilité pour qu’une telle guerre se produise, il convient de souligner que le Comité de défense nationale (National Defense Panel) discute actuellement des déclencheurs possibles pour un conflit majeur, en particulier en Extrême-Orient. Les termes utilisés ont beau être pleins de jargon, les perspectives n’en font pas moins froid dans le dos :

« La prolifération de systèmes de plus en plus autonomes et ne nécessitant pas d’intervention humaine, en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient par exemple, aura un impact préjudiciable sur le maintien de la stabilité durant une crise ou sur la gestion de l’escalade si un conflit éclate. Ajoutés à la multiplication d’outils cyber-offensifs et défensifs ainsi que de défense anti-spatiale, ces systèmes affecteront sérieusement le rapport entre force militaire offensive et défensive dans des régions-clés, augmentant ainsi le risque qu’une crise dégénère rapidement en conflit – avant que les politiques et commandements militaires ne puissent réagir à temps ».

En clair, une grande guerre peut éclater, sans intervention humaine, à travers l’interaction de drones et de systèmes de réponse automatisés de part et d’autre.

Le rapport ne remet pas ouvertement en cause les forces militaires composées de volontaires, mais il met l’accent sur leur coût croissant, et appelle à une « réforme raisonnable des soldes et des avantages sociaux » pour les rendre plus abordables. La logique des pressions combinées de la hausse des coûts et des déploiements militaires croissants est inexorable, cependant cela signifie que la classe dirigeante américaine devra à plus ou moins court terme se diriger vers une certaine forme de conscription, même au-delà du projet économique actuel dans lequel les plus pauvres des travailleurs sont enrôlés comme « volontaires » de manière disproportionnée.

Le rapport de défense exprime des préoccupations sur le fait que les contraintes financières pesant sur l’impérialisme américain, et notamment des limitations imposées volontairement telles que la « saisie conservatoire » d’une partie sélectionnée des dépenses militaires imposées par le Budget Control Act (« Loi de contrôle budgétaire ») de 2011, sabrent dans les préparatifs de guerre du Pentagone.

Les auteurs se plaignent de manière répétée des limitations pesant sur les dépenses militaires états-uniennes à cause du fardeau des programmes sociaux domestiques, montrant du doigt « le large fossé grandissant entre les sommes collectées pour financer les programmes, d’une part, en particulier pour la Sécurité sociale et les principaux programmes de santé, et les sommes effectivement dépensées, d’autre part ».

Ils déclarent :

« L’Amérique doit remettre de l’ordre dans sa maison fiscale afin de financer simultanément des dépenses militaires robustes. Une limitation drastique des coûts de santé se doit d’être appliquée à la fois à l’intérieur du Département [c'est-à-dire pour les soldats et leurs familles] et plus généralement à travers tous les programmes gouvernementaux. »

Répétons-le : il s’agit d’un rapport bipartisan. Les démocrates tout comme les républicains, libéraux [NdT : au sens américain = « de gauche »] et conservateurs, ont soutenu sa demande de coupes dans les programmes sociaux dont dépendent les travailleurs pour mettre des trillions à disposition de l’appétit insatiable du complexe militaire américain.

Le caractère bipartisan de ce document témoigne de l’unité de toutes les composantes de la classe dirigeante américaine sur le recours à une violence sans précédent pour sauvegarder sa richesse et sa domination sur de vastes parties du monde. Cela confirme que le combat contre une guerre impérialiste peut être mené si, et seulement si, la classe ouvrière se libère du système politique existant aux États-Unis, et construit un mouvement politique de masse indépendant, fondé sur un programme révolutionnaire socialiste et internationaliste.

Patrick Martin, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr

Source: http://www.les-crises.fr/les-plans-de-washington-pour-une-guerre-mondiale-par-patrick-martin/


Les fantômes de 1914 : L’Ouest risque de créer les « Empires centraux 2.0 »

Tuesday 16 September 2014 at 03:06

Matthew Dal Santo est un écrivain indépendant et correspondant pour les Affaires étrangères. Il a travaillé pour le Département des Affaires étrangères et du commerce en Australie. Cet article a été initialement publié sur le site The Drum, appartenant à l’Australian Broadcasting Corporation.

Source : Matthew Dal Santo, National Interest, 4 août 2014

Voilà un siècle mercredi dernier qu’un aide de camp informait le Chancelier allemand Theobald von Bethmann-Hollweg que le tsar russe Nicolas II avait mobilisé 1,3 million de soldats contre l’Allemagne.

La Crise de juillet n’était pas censée se terminer de cette façon : des semaines durant, Berlin avait apporté un soutien sans faille à son allié Austro-Hongrois, convaincu qu’un éventuel conflit pourrait être circonscrit aux Balkans. Et voilà qu’un conflit militaire à l’échelle de l’Europe entre les Empires centraux, la Russie et la France était devenu inévitable. Le 4 août, les 400 millions de sujets de l’Empire britannique les rejoignaient dans la guerre.

Il y avait de multiples raisons à la division de l’Europe en camps armés opposés ; mais comme le montre le meilleur de la recherche récente sur les origines de la guerre – et dans la marée des ouvrages publiés à l’occasion du centenaire , The Sleepwalker (Le Somnambule) de Christopher Clark et The War that Ended Peace (La guerre qui mit fin à la paix) de Margaret MacMillan sortent du lot -, l’un des trais les plus saillants de la diplomatie européenne à la veille de la Première Guerre mondiale a été l’incapacité grandissante des autres puissances à reconnaître les intérêts stratégiques de la grande puissance – l’Autriche-Hongrie – qui a finalement plongé le continent dans la guerre. Cet effondrement de la sympathie envers la Double Monarchie des Habsbourg – le « cadavre sur le Danube » comme l’appelaient ses détracteurs – était particulièrement prononcé chez les Britanniques, puissance qui avait, par ailleurs, peu de raisons de se fâcher avec Vienne mais beaucoup de s’en tenir à son amitié traditionnelle avec l’Autriche : du fait de sa position stratégique en Europe centrale, l’Autriche avait toujours été un levier utile contre la France ; et les Hasbourg partageaient l’intérêt prépondérant de Londres à contrer les ambitions russes sur les détroits méditerranéens et les Balkans.

La France également, jusqu’à ce que l’empire allemand de Bismarck attire son attention de nouveau vers l’Europe, s’inquiétait des ambitions russes sur la Turquie ottomane. Lors de la guerre de Crimée, la Grande-Bretagne, la France et l’Autriche avaient travaillé ensemble à empêcher sa destruction.

A partir de 1900, cependant, la France, entichée de son allié russe, devenait de plus en plus sourde aux intérêts autrichiens, de façon particulièrement déplorable dans les Balkans, où les entreprises d’armement françaises supplantaient rapidement leurs homologues autrichiennes et où, durant la Crise de juillet, Paris apportait un soutien diplomatique sans faille (pour ne pas dire imprudent) à Saint-Pétersbourg.

Entre 1900 et 1914, la puissance militaire et industrielle allemande s’accrut à une allure soutenue. Et la Grande-Bretagne libérale, tout comme la France républicaine, auraient pu trouver dans l’aristocratique – mais non point autocratique – Autriche un utile contrepoids, sinon comme alliée,du moins en conservant à Vienne le statut de pôle indépendant dans le système des Etats européens.
Ils ne le firent pas.

Au lieu de cela, une certaine fermeture d’esprit franco-anglaise a poussé l’Autriche-Hongrie à chercher, jusqu’à la dépendance, l’appui de l’Allemagne voisine, puissance qui l’avait humiliée sur le champ de bataille en 1866 et qui avait détruit, pour les besoins de sa propre unification, la domination séculaire de Vienne sur les Etats allemands.

En dépit des différences qui demeuraient entre les deux nations (les diplomates autrichiens trouvaient souvent la diplomatie allemande provocatrice et grossière), le mariage de raison se révéla étonnamment solide et efficace : en dépit d’une main d’oeuvre et d’une production industrielle moins importantes, les Empires centraux furent à deux doigts de gagner la guerre (cf. «Ring of Steel» de Alexander Watson à ce sujet).

Aujourd’hui, alors que l’émergence de la puissance chinoise entraîne de plus en plus l’Amérique dans une confrontation de grandes puissances en Asie de l’Est, la myopie des politiques occidentales en Eurasie risque d’accoucher d’une alliance sino-russe destinée à contrer l’endiguement et les sanctions – les « Empires Centraux 2.0 » à l’échelle d’un hémisphère.

Car plus l’Ouest isolera la Russie, plus le mariage de commodité entre Moscou et Pékin deviendra une alliance de fond, sinon un rapport de dépendance. Comme l’a dit All Wyne,depuis le camp adverse, dans “The Strategist” :

En s’isolant encore plus de l’Ouest, la Russie a donné à la Chine encore plus de moyens de pression dans leur relation déjà asymétrique. La Chine regarde de plus en plus la Russie comme une puissance déclinante et non un partenaire stratégique. Afin de rester dans ses bonnes grâces, la Russie va se sentir obligée de fournir à la Chine de l’énergie, des armes et d’autres marchandises à prix bradés. Si l’on y ajoute une diplomatie inféodée, le rapprochement ne sera pas favorable la Russie.

Mais, que l’on rende responsable l’Occident ou la Russie de cette désaffection, elle représente néanmoins pour la Chine l’opportunité d’un immense développement de sa puissance potentielle. La cour faite par l’Union Européenne à l’Ukraine pourrait avoir des répercussions géopolitiques considérables et mettre entre les mains du Parti Communiste chinois l’arsenal nucléaire le plus destructeur au monde, ainsi qu’un sixième des hydrocarbures et des minerais présents à la surface du globe.

De la rivalité pour le pouvoir et l’influence en Asie Centrale (devenant d’ores et déjà une copropriété sino-russe) à l’inquiétant déséquilibre démographique de part et d’autre de leur longue frontière sibérienne, il y a entre Moscou et Pékin beaucoup de raisons de ne pas s’entendre.

Mais s’ils sont poussés à s’allier, sur presque chaque aspect de la puissance potentielle, Russie et Chine formeraient une redoutable coalition.

Alors que la puissance chinoise se développe, il serait logique que l’Occident s’assure d’une relation de coopération avec la Russie. Cependant, les sanctions mises en place pourraient dégrader ces relations pour les décennies à venir.

En quatre siècles, la Russie n’est toujours pas parvenue à comprendre que l’Ukraine représente un intérêt mineur pour elle.

Lors de la Crise de juillet, il y a de cela un siècle, l’Autriche-Hongrie et son puissant allié décidèrent qu’en fin de compte, et ce malgré les risques, la défense des intérêts que d’autres puissances refusaient de prendre en compte justifiait les actions adoptées. Les pays de la Triple Alliance ont perdu. Mais le prix de la victoire alliée fut immense.

Nombreuses furent les raisons qui menèrent à la Seconde Guerre Mondiale, mais on compte parmi elles les décisions pratiquement impossibles prises par les pacificateurs alliés lorsque, confrontés à d’insolubles querelles historiques, ethniques, linguistiques et folkloriques, ils disséquèrent le cadavre austro-hongrois.

Même défaite, l’Autriche-Hongrie reste un avertissement fort pour l’Occident qui devrait éviter de pousser trop allègrement sur les frontières russes. De Grozny à Vladivostok, en passant par le Tatarstan musulman, le Touva bouddhiste et la Yakoutie néo-animiste, une implosion russe pourrait provoquer un bien plus grand cauchemar.

Que ce soit en tant qu’alliée d’une Chine de plus en plus sûre d’elle et autoritaire, en tant que fournisseur d’énergie et de matières premières à la Chine, ou bien encore en tant qu’Etat en déliquescence, la Russie et sa position géopolitique en ce vingt-et-unième siècle représentent un intérêt majeur pour tout gouvernement occidental, tout particulièrement si, comme le fit la Turquie Ottomane qui s’était liguée avec les puissances de la Triple Alliance au siècle dernier, un Iran aigri et isolé venait à se joindre à eux.

Un plan d’action qui prévoit le confinement ou des sanctions pour la majeure partie de l’Eurasie est voué à l’échec.
Mais revenons en 1914.

Lorsque le sévère ultimatum de Vienne contre la Serbie fut lancé, Londres fut incapable de comprendre les considérations politiques et stratégiques qui l’avaient façonné ; pour Churchill, il s’agissait du « document le plus insolent de ce genre qu’on ait jamais conçu ». Londres vit dans les conditions humiliantes de cet ultimatum une déclaration de guerre à peine voilée contre Belgrade – bien que , comme Clark le fit remarquer, Vienne demandait un abandon de la souveraineté serbe moins important que lors de l’ultimatum de l’Otan en 1999 au sujet du Kosovo. Nourri par des années d’indifférence à l’égard des intérêts autrichiens, l’incompréhension de Londres était largement hypocrite, bien sûr. Pendant des siècles, l’Empire britannique s’était agrandi grâce à des infractions coloniales bien moindres que l’assassinat d’un archiduc.

Notre point de vue sur les événements est rarement neutre, mais ses conséquences sont d’une grande portée.

Après plus de dix années de guerre contre les « états voyous » d’Afghanistan et d’Irak, l’Occident devrait mieux comprendre aujourd’hui la détermination de Vienne à écraser le terrorisme d’État qui, la recherche moderne le démontre maintenant, était en train de se saisir des leviers du pouvoir à Belgrade.

Bien sûr, l’Ukraine d’aujourd’hui n’est pas l’Etat quasi-terroriste auquel l’Autriche-Hongrie eut à faire face. Mais, pour Moscou, son admission insidieuse dans un bloc occidental hostile est probablement bien pire.

À l’aube d’un siècle qui va mettre à l’épreuve 500 ans de domination mondiale par l’Occident, la diplomatie occidentale marquerait un énorme but contre son camp si son aveuglement aux intérêts russes en Eurasie occidentale donnait naissance à un bloc semblable à celui de la Triple Alliance au cœur même de la fameuse « Île Monde » de Mackinder.

L’avertissement de 1914 est que si nous choisissons nos ennemis avec insouciance, même en cas de victoire, l’avenir peut toujours être pire.

Matthew Dal Santo, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 

Source: http://www.les-crises.fr/les-fantomes-de-1914/


[Propagande ordinaire à Libération] Irina, pro-Kiev, torturée par les rebelles et tabassée par les habitants

Tuesday 16 September 2014 at 00:01

Je trouve ça assez énorme… Les 2 articles de Libération, et les commentaires à la fin.

(Libération 7 septembre) Ukraine: Irina, pro-Kiev, torturée par les rebelles et tabassée par les habitants

Rédacteur AFP (!!!)

Les séparatistes prorusses l’ont d’abord torturée, puis l’ont exhibée en plein centre de leur bastion de Donetsk où des femmes lui ont donné des coups de pied, ont écrasé des tomates sur son visage. Le crime d’Irina ? Etre pro-Kiev.

Irina Dovgan, une blonde svelte et souriante de 52 ans, raconte à l’AFP son calvaire de quatre jours qui a pris fin lorsque des journalistes étrangers l’ont aperçue à Donetsk, donnant à son histoire un retentissement international.

Portant un t-shirt imprimé «Dieu merci je suis Ukrainienne» offert par une télévision ukrainienne, cette esthéticienne reçoit dans un appartement d’amis à la périphérie de Kiev où elle s’est réfugiée.

Le 24 août, jour de l’Indépendance de l’Ukraine, une dizaine d’hommes débarquent dans sa maison à Iassynouvata, près de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine.

- «Agente des forces punitives» -

Cagoule sur le visage, elle est accusée de guider les tirs d’artillerie pour l’armée ukrainienne et emmenée dans un QG séparatiste à Donetsk.

«Ils tiraient près de mon oreille au point de me rendre pratiquement sourde. Ils me racontaient en détail comment ils allaient me violer en groupe. Ils me frappaient à coups de poing, avec leurs pieds et les crosses de leurs armes», énumère Mme Dovgan, dont un avant-bras et une hanche portent toujours deux gros hématomes, une semaine après sa libération.

«Je me traînais sur le sol et les suppliais de ne pas me toucher», se souvient Irina.

«Puis ils m’ont montré une photo de ma fille de 15 ans en disant +Combien d’hommes va-t-elle supporter avant de crever, à ton avis? Une quarantaine, une soixantaine?+»

Selon Amnesty International qui a publié un rapport dimanche, séparatistes prorusses mais aussi milices ukrainiennes agissant au côté des forces gouvernementales se sont rendus coupables dans l’est de l’Ukraine de crimes de guerre, dont des enlèvements et actes de torture.

Après le passage à tabac, les tortionnaires d’Irina menacent de l’attacher sur la ligne de tir de l’artillerie ukrainienne, enveloppée dans le drapeau ukrainien.

«J’ai pensé +Dieu merci, je serai simplement tuée+», se souvient-elle.

Mais ils changent d’avis et Irina se retrouve dans le centre de Donetsk, drapeau ukrainien jaune et bleu sur les épaules et une pancarte «agente des forces punitives, elle tue nos enfants» sur la poitrine. Des hommes l’insultent, des jeunes se prennent en photo avec elle en arrière-plan. Mais ce sont les femmes qui s’acharnent le plus.

- «Sauvages» -

«Une femme a dit à son mari d’arrêter la voiture. Elle a sorti des tomates du coffre et les a jetées sur moi, puis elle en a écrasé plusieurs sur mon visage. Une septuagénaire m’a frappée au dos et à la tête avec son bâton», raconte Irina.

Une jeune femme lui donne un coup de pied.

C’est à ce moment-là que des journalistes étrangers aperçoivent Irina. Les photos de cette scène publiées par le New York Times suscitent une forte émotion en Ukraine et à l’étranger.

C’est visiblement ce qui sauve Irina, qui se croyait déjà condamnée à mort.

Le lendemain, un chef rebelle la convoque pour lui dire qu’il n’avait rien à lui reprocher et que ses tortionnaires ont été punis. Elle est libérée.

Originaire de Iassynouvata, une petite ville près de Donetsk, Mme Dovgan est l’une des rares à avoir affiché ouvertement sa position pro-ukrainienne dans cette région en proie à une insurrection armée prorusse.

Elle a refusé de quitter sa maison malgré les combats. «Dans toutes les guerres, quand les libérateurs arrivent, il y a ceux qui les accueillent avec un drapeau. Et là, mon destin est d’accueillir les nôtres+», pensait-elle avant son enlèvement.

Pendant deux mois, elle collecte des donations pour acheter des produits alimentaires, médicaments, uniformes et cigarettes aux soldats ukrainiens. Des photos de ces achats découvertes sur sa tablette numérique se sont transformées en principale pièce à conviction contre elle.

Pendant sa captivité, sa maison à Iassynouvata a été pillée et endommagée par des éclats d’un obus. Irina ne sait pas si elle va pouvoir retourner chez elle un jour. Sa famille, assez aisée financièrement, a tout perdu.

«Des amis nous ont dit de ne plus y mettre les pieds si on ne veut pas se faire tuer sur place», dit-elle.

Alors que le gouvernement ukrainien espère avoir négocié un cessez-le-feu durable avec les rebelles, Irina met en garde contre toute tentative d’accord avec eux.

«Ce n’est pas la peine de croire qu’on peut trouver un accord avec les rebelles, les appeler au bon sens. Ces gens n’ont pas de lois, pas d’honneur ou de pitié. Ce sont des sauvages».

Source : AFP, Libération, 7/9/2014
AFP

Ukraine: Irina, pro-Kiev, torturée par les rebelles et tabassée par les habitants

(Libération 12 septembre) « Ils m’ont prise par les cheveux, et l’enfer a commencé »

Rédacteur Hélène DESPIC-POPOVIC

(5 jours plus tard, la deuxième couche – c’ets vraiq ue la première photo n’allait pas du tout)

TÉMOIGNAGE – Irina Dovgan, une esthéticienne ukrainienne de 52 ans, raconte comment elle a été torturée par des séparatistes prorusses à Donetsk.

«Madame, vous êtes devenue la nouvelle star d’Internet.» C’est en entendant ces mots qu’Irina Dovgan, une esthéticienne pro-Ukraine, torturée puis presque lynchée sur la place publique à Donetsk, a compris qu’elle allait survivre, que l’image prise la veille par ce photographe barbu «à l’air intelligent», alors qu’elle était livrée à la vindicte de gens qui étaient convaincus «sans avoir besoin de preuves» qu’elle était une criminelle, lui avait sauvé la mise. Le soir même, ses geôliers lui apportaient de la nourriture pour la première fois depuis quatre jours. Le lendemain, elle était libérée, et le surlendemain, elle regagnait Marioupol où elle retrouvait sa famille, avant de partir pour Kiev, la capitale ukrainienne, où elle et son mari ne sont plus que deux chômeurs déplacés de plus.

C’est à Kiev, où elle a été accueillie gratuitement par un couple de petits entrepreneurs, dans une maison avec jardin située dans une banlieue plutôt cossue, qu’Irina, une blonde élancée de 52 ans, fragile dans ses vêtements noirs, raconte comment elle a cru mourir et comment elle a été sauvée par des journalistes étrangers. Irina est une personne simple, typique de cette classe moyenne qui à l’Est ne soutient pas les rebelles de la DNR, la république autoproclamée de Donetsk, mais le pouvoir central de Kiev. Elle prodigue des soins esthétiques à des clients privés dans un petit appartement que lui a légué sa mère dans sa ville natale de Iassinouvata. Son mari est ingénieur en construction, ils ont une fille de 15 ans. Tout leur argent passe dans la maison qu’ils ont «construite et embellie pendant vingt ans». Irina a voyagé. En mars, alors que les rapports se tendaient à Donetsk entre pro-européens et prorusses, elle était allée en France, près de Bordeaux, faire un stage chez un fabricant de produits cosmétiques qu’elle utilise dans son travail. Elle était revenue de France avec des bouteilles de vin et du foie gras. Elle voulait inviter ses amis pour faire un bon repas, mais la situation s’était encore compliquée et la rencontre était sans cesse repoussée à des jours meilleurs.

« Ce n’était qu’une illusion »

En avril, des groupes armés prennent Slaviansk et Kramatorsk. L’effervescence règne à Donetsk. La région bascule dans la guerre. Mais Iassinouvata, une petite ville collée à Donetsk, reste calme. «Les gens disaient que le maire versait de l’argent à la DNR pour qu’elle ne s’installe pas. Il n’y avait pas de blokposts (ces barrages tenus par des hommes armés, ndlr). Au marché, les femmes disaient : “bravo à notre maire, il nous a épargné bien des tourments”. Mais ce n’était qu’une illusion.»

Vers le 10 août, dit-elle, les rebelles – elle dit les «terroristes» – sont «arrivés par centaines». Irina avait espéré que l’armée ukrainienne, qui n’était plus qu’à 6 kilomètres de Iassinouvata, allait arriver la première, et qu’«on resterait en territoire ukrainien». «La ville s’était divisée, et je ne cachais pas mes opinions. Dans mon milieu, les gens étaient pro-européens et avaient comme moi soutenu le Maïdan»(les manifs anti-Ianoukovitch de l’hiver à Kiev, ndlr). Aussi, quand l’armée ukrainienne campe à proximité, Irina commence à apporter de la nourriture et des vêtements neufs aux soldats. Elle se lie avec des blogueuses pro-Kiev, ramasse de l’argent autour d’elle pour acheter des draps, des médicaments, des uniformes. Elle se sent d’autant sereine que son mari et sa fille ont quitté Iassinouvata pour Marioupol, le grand port du sud de la région, sous contrôle loyaliste. «J’avais collecté 16 000 grivnias (1 000 euros) pour acheter des uniformes. Alors j’ai pris des photos pour montrer aux gens que leur argent allait bien là où ils le voulaient, qu’il n’était pas détourné mais utilisé à bon escient.»

Toutes ces photos sont restées dans sa tablette. Ce sont elles qui vont causer le malheur d’Irina. Elle montre une photo où on la voit avec des soldats ukrainiens qui commencent à enfiler ces nouveaux uniformes. «Je me rendais compte que cette tablette était compromettante. Alors je l’ai enveloppée dans des chiffons et je l’ai donnée à une connaissance qui quittait la ville pour Marioupol. Mais cet homme a été arrêté par des miliciens de la DNR qui ont saisi sa voiture. Le lendemain, ils ont trouvé la tablette, vu les photos de mes livraisons aux soldats ukrainiens, retrouvé le conducteur, l’ont tabassé jusqu’à ce qu’il leur donne mon adresse. Alors ils sont venus me chercher.»

«Ils ont arraché mon soutien-gorge»

Irina est arrêtée comme si elle était une dangereuse terroriste. C’était le 23 août, la veille du jour anniversaire de l’indépendance ukrainienne. «Ils sont venus à trois voitures, bourrées d’hommes armés de fusils automatiques. Ils croyaient que je cachais des soldats ukrainiens. En fait, j’étais seule, en train de m’occuper de mes fleurs.» Le premier jour, Irina, qu’on emmène au 3e étage d’une immeuble inconnu de Donetsk, a affaire à des enquêteurs «très polis». «J’ai appris plus tard que c’était une tactique d’interrogatoire: bon flic, mauvais flic». Ils l’interrogent sur les photos. Elle se tait. C’est alors qu’arrive un groupe de miliciens du Caucase, apparemment des Ossètes, pense-t-elle. «Ils m’ont prise par les cheveux, m’ont traînée au rez-de-chaussée. Alors l’enfer a commencé. Ils étaient entre 10 et 15, entrant, sortant. Ils m’ont mis un pistolet entre les deux yeux, puis ont tiré à côté de mes oreilles, m’assourdissant. Puis les coups de pied ont commencé. Ils voulaient que je leur donne tous mes mots de passe. Je leur ai donnés. Leur informaticien a commencé à fouiller dans mon ordinateur. Il est tombé sur ma correspondance sur Facebook.» Ils trouvent entre autres les messages qu’elle échange avec deux blogueuses, qui organisent l’aide à l’armée ukrainienne. L’une d’entre elles lui a transmis un numéro de téléphone qu’elle pourrait appeler pour donner des informations sur les rebelles. Un numéro qu’Irina n’a jamais utilisé. Les miliciens la battent comme plâtre. «Tout le temps, j’ai subi une énorme pression sexuelle. Ils ont menacé de me violer à tour de rôle, à 20 ou à 100, ont soulevé mon pull, arraché mon soutien-gorge, et se sont moqués de ma petite poitrine. Je leur ai dit que j’étais grand-mère. Le fils que j’ai eu de mon premier mariage a déjà une petite fille. Ils m’ont fait me mettre à genoux, ont fait mine d’enlever leur pantalon, ont approché leurs organes génitaux de moi. J’ai crié, j’ai hurlé.»

«Les gens étaient convaincus que je tuais des enfants»

Convaincus qu’elle n’a rien de plus à dire, ils l’emmènent alors sur ce grand carrefour de Donetsk qu’on appelle Motel. Ils l’enveloppent dans un drapeau ukrainien, lui attachent au cou une pancarte : «Elle a tué nos enfants. C’est une agente des forces punitives». «Je criais : non, je n’ai tué personne. Mais les gens étaient convaincus que je tuais des enfants. Personne ne demandait des preuves. Les gens se sont mis à agir comme des fanatiques religieux pour qui tout adversaire est un assassin. Il y avait des passants. Les hommes ne m’ont pas touchée. Ce sont les femmes qui m’ont battue. J’ai vu leurs yeux plein de haine. Huit femmes m’ont donné des coups. Il y a même eu une vieille femme qui m’a frappée avec sa canne, sur la tête et dans le dos. Soudain, j’ai vu un visage intelligent, un barbu m’a photographiée, peut-être pendant une minute, et il est parti. Le New York Times a publié cette photo faite par Mauricio Lima. Elle a tourné sur Internet. C’est grâce à elle que je suis en vie».

Maison saccagée et comptes bancaires pillés

La suite ressemble à un film. Peu après la publication de la photo, Irina est arrachée des mains de ses tourmenteurs. Le chef du bataillon Vostok, Alexandre Khodakovski, auprès duquel des journalistes anglais et américains étaient venus intercéder pour Irina, a lancé à ses hommes : «Qui a donné l’ordre de torturer cette femme?» «Il avait l’air furieux. Il n’avait pas besoin de cette contre-publicité. Pourtant je n’étais pas seule là-bas. Tout le temps, j’ai entendu les cris d’autres suppliciés.»

Elle est libérée. On lui rend sa tablette, son téléphone, les clés de sa voiture, mais pas les cartes bancaires dont elle a livré les codes et qui serviront à piller ses comptes. On l’accompagne même chez elle pour chercher son chien et ses chats dans sa maison saccagée («ils ont tout pris, draps, matelas…»). Adieu foie gras et vins de Bordeaux! Des journalistes du New York Times l’accompagnent dans sa fuite à Marioupol où elle retrouve son mari et sa fille. «Tout le monde me hait maintenant dans ma ville natale. Ils sont convaincus que je mettais des croix sur les maisons pour indiquer aux artilleurs où et qui bombarder.» Et quand on lui demande pourquoi elle n’avait pas tout simplement effacé son compte Facebook et ses photos de sa tablette, ou tout simplement envoyé le tout sur un espace de stockage externe, elle répond : «C’est mon mari qui gérait nos outils informatiques. Moi, je ne sais pas le faire, je suis une simple esthéticienne. Je n’étais pas préparée à toutes les méchancetés qui accompagnent la guerre.»

Source : Hélène DESPIC-POPOVIC Envoyée spéciale à Kiev, Libération, 12/09/2014

Commentaires

Eh beh… Impressionnant de “journalisme”…

Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas un point de la charte déontologique des journaliste qui traite de ce sujet des témoignages en temps de guerre – c’est pas possible à ce niveau…

Alors pour faire simple :

1/ Problème de crédibilité

Mais qui est cette femme ? Elle a été à l’évidence proche des militaires ukrainiens qui bombardent sa ville. Comment savoir si elle est bien la victime innocente qu’on nous présente, ou si elle n’est pas une membre active de Secteur Droit par exemple ?

Par exemple, il y avait quoi vraiment sur sa tablette (c’est pas louche cette histoire de tablette refilée ? Elle ne peut pas effacer les photos  ? Ou les mettre sur une clé USB bien planquée ? Dommage qu’elles ne ressortent pas sur la toile…) ? Les faits qu’elle relate sont-ils tous vrais ou ont-ils été grossis voire inventés ?

Cela s’est déjà vu…

(lire ici le billet consacré à cette incroyable affaire)

Et finalement, ce qu’on lit là, on peut le lire dans de fabuleux témoignages dignes du Pulitzer ou bien dans des journaux vichystes à propos d’exactions des “terroristes pro-de-Gaulle”…

2/ Problème de pertinence

Mais quand bien même tout serait vrai dans le témoignage de cette femme, qui serait bien une pauvre victime de la barbarie face à une pauvre démocrate europhile, on aurait alors un juste témoignage de la barbarie à l’oeuvre dans toutes les guerres.

OUI LA GUERRE C’EST MAL. Et donc il faut tout faire pour l’éviter, et donc cesser les combats et privilégier les négociations.

Bien.

Mais donc, après, on a le choix éditorial du journal de publier ce commentaire, et de le publier seul – avec une photo larmoyante. Et ça, ce n’est plus du tout innocent. Il y a un choix délibéré de dire “ressentez de la compassion pour cette pauvre victime innocente des pro-russes qui sont des barbares on vous l’avait bien dit”. Et le choix a été fait de ne pas publier un autre témoignage d’une victime des pro-Kiev cette fois, qui aurait pu montrer joliment toute l’horreur et l’absurdité d’une guerre civile – ce qui aurait été l’honneur du journalisme.

Alors Libération, le journal fondé par Sartre, réussit le tour de force d’orienter 100 % de notre compassion vers le camp des soldats qui pilonnent des villes à coups de Katiouchas (!!!) et y ont causé la mort d’environ 3 000 civile…

Conclusion : 

Alors pour faire plaisir aux critiques permanents, OUI, nous condamnons tous les sévices envers la population civile, qu’elle soit pro-Kiev, pro-Moscou, pro-Novorossia ou pro-”m’emmerdez plus et laissez moi tranquille”.

OUI, il y a des brutes pro-russes, oui il y a des brutes néonazies pro-Kiev, oui il y a des résistants héroïques à Donetsk, oui il y a de pauvres appelés dans l’armée ukrainienne qui se demandent pourquoi ils doivent bombarder leurs frères, oui il y a des volontaires russes (et autres) façon brigades internationales qui sont venus courageusement prêter main forte, etc.

Oui, une guerre civile, c’est un merdier immonde.

Alors pourquoi nos gouvernement ne font-ils pas vraiment pression (en particulier sur Kiev, puisque c’est eux qui attaquent) pour que cessent immédiatement les combats, que s’ouvrent des négociations internationales ?

Bref, pour que chaque peuple puisse démocratiquement choisir son destin, qu’il soit en Ukraine de l’Ouest ou de l’Est, en Écosse, au Tibet, en Catalogne, à Gaza, ou en Crimée ?

On appellerait ça l’esprit républicain

Source: http://www.les-crises.fr/propagande-ordinaire-a-liberation-irina-pro-kiev-torturee-par-les-rebelles-et-tabassee-par-les-habitants/