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[Reprise] Après les attentats, la France tentée d’avoir sa propre NSA

Monday 2 February 2015 at 00:01

Après les attentats, la France tentée d’avoir sa propre NSA

Dans un contexte d’émotions, le gouvernement veut faire passer des textes réduisant les libertés, dans la lignée du modèle américain.

“A une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles.” Le message du Premier ministre Manuel Valls devant l’Assemblée nationale se veut tempéré mais ferme. Depuis l’attentat meurtrier contre le journal “Charlie Hebdo” et les attaques terroristes qui ont suivi, le gouvernement est sur le qui-vive pour démanteler et prévenir les filières djihadistes en France. Première cible : le web et les outils de communication numérique.

Manuel Valls a ainsi demandé au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, de lui adresser “des propositions de renforcement” en matière de surveillance, en particulier “concernant internet et les réseaux sociaux qui sont plus que jamais utilisés pour l’embrigadement, la mise en contact, et l’acquisition de techniques permettant de passer à l’acte”.

Le modèle du Patriot Act américain

Le 26 octobre 2001, un mois et demi après l’attentat contre le World Trade Center, les Etats-Unis adoptent la loi pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme, dite “Patriot Act”. Au programme : des lois d’exceptions renforçant considérablement le pouvoir des agences de renseignement et de lutte contre le terrorisme, du FBI à la CIA en passant par la NSA.

Les agences peuvent ainsi récupérer une masse d’informations personnelles sur les clients des opérateurs téléphoniques, des fournisseurs d’accès à internet, des hébergeurs de sites web et des géants du numérique. Le tout sans que les usagers soient au courant et sur simple soupçon. Cette loi d’exception n’a jamais été abrogée. Elle a mis en place un gigantesque réseau d’espionnage s’étendant jusqu’au téléphone d’Angela Merkel, et qui a été révélé par l’ancien consultant Edward Snowden.

Aujourd’hui, le gouvernement français est tenté de s’en inspirer. Pour Bernard Cazeneuve, pas de doute :

100% de précautions ne font pas le risque zéro, mais 0% de précautions font 100% de risques”, a-t-il lancé sur France Inter.

Le ministre de l’Intérieur plaide pour plus “de moyens” en particulier techniques afin de mieux lutter contre “un terrorisme [devenu] en libre accès à cause d’une numérisation de la société”. Cazeneuve comme Valls comptent ainsi renforcer les moyens humains et matériels des différents services de renseignement. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) va recruter 432 nouveaux agents (informaticiens, analystes, chercheurs ou interprètes), dont 140 seront recrutés cette année.

Les services pourront s’appuyer sur la loi contre le terrorisme adoptée, en novembre dernier, dont les derniers décrets doivent être publiés en urgence d’ici début février. Au programme : le blocage des sites “terroristes” et l’extension des écoutes, le tout sans passer par la case justice.

La fausse bonne idée du blocage

Il y a eu des débats sans fin à l’Assemblée nationale, mais finalement nous l’avons fait”, s’est félicité Bernard Cazeneuve.

Le ministre plaide pour la possibilité de bloquer les sites web “provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie”. L’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) sera chargé de lister les sites terroristes comme pédopornographiques, selon des critères d’appréciation inconnus. Fournisseurs d’accès à internet et hébergeurs devront alors les bloquer dans un délai de 24h. Ces intermédiaires techniques devront d’ailleurs “concourir activement à la lutte contre certaines infractions” en mettant en place un système de signalement par les internautes.

Le dispositif risque d’être contreproductif”, tranche le Conseil national du numérique (CNNum) dans un avis rendu en juin. “Les dispositifs de blocage sont facilement contournables par les recruteurs comme par les internautes puisqu’ils ne permettent pas de supprimer le contenu à la source.”

“L’installation en quelques minutes du logiciel Tor ou d’un VPN suffit à contourner un blocage”, confirme à “l’Obs” Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de la Quadrature du Net, association de défense des libertés sur internet.

Pis, bloquer un site risque de bloquer d’autres sites (potentiellement parfaitement légaux) hébergés au même endroit. “Un même serveur pouvant héberger plusieurs sites ou contenus parfaitement légaux, leur blocage collatéral constitue une atteinte directe à la liberté d’expression et de communication”, pointe le CNNum. Par exemple, aux Etats-Unis, le blocage de 10 sites pédopornographiques par les autorités avait causé le blocage de 84.000 sites légaux partageant le même fournisseur de nom de domaine.

Des écoutes larges et massives

Un second décret doit également consacrer la possibilité pour les services de renseignement de placer des mouchards dans l’ordinateur ou le smartphone d’une personne ciblée afin de capter à toutes les données stockées et émises. Sont particulièrement ciblées les conversations émises sur internet en Voix sur IP (dite “VoIP”), avec des logiciels tels que Skype. Mais les autorités pourront aussi accéder à de nombreuses informations, comme l’ensemble des fichiers, les e-mails reçus et envoyés, les SMS échangés, la géolocalisation en temps réel… Le tout sans aucun contrôle d’une autorité judiciaire.

Cette nouvelle forme d’interception va de pair avec le dispositif d’écoutes dont le périmètre a largement été étendu par la loi de programmation militaire de 2013, en particulier à la “prévention du terrorisme”. Au passage, le texte a autorisé les services de renseignement à accéder aux données sur les internautes conservées par l’ensemble les fournisseurs d’accès et hébergeurs. Le tout sans nécessiter l’aval d’un juge, mais vérifié par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui toutefois ne dispose que d’un avis consultatif.

C’est exactement ce que fait la NSA !”, critique Adrienne Charmet de la Quadrature du net. “C’est la mise en place d’une collecte massive de données qui ne visera pas une seule personne mais également tout son entourage. On risque d’aller vers une surveillance généralisée de la population française.”

Mais déjà Bernard Cazeneuve souhaite aller plus loin. “Les moyens technologiques [sont] déterminants”, a-t-il estimé sur France-Inter, relançant l’idée d’étendre les durées de conservations des données sur les internautes afin que les autorités puissent y accéder plus longtemps. Pendant les débats à l’Assemblée, le ministre de l’Intérieur souhaitait porter de 10 à 30 jours la durée de conservation des données interceptées, mais la mesure avait été retoquée par le Parlement. “Aujourd’hui on se rend compte que nous étions dans la lucidité”, lance le ministre.

Facebook et Twitter mis à contribution

Enfin, Bernard Cazeneuve souhaite également mettre à contribution les réseaux sociaux et les géants du net. “Il faut aller plus loin dans une sensibilisation des grands opérateurs internet”, a-t-il estimé sur France-Inter. Il poursuit :

Ce qui m’a frappé [pendant la marche républicaine, NDLR], c’est la volonté de tous les ministres de l’Intérieur de faire en sorte que nous ayons un contact étroit avec Twitter, Google, Facebook et autres opérateurs, pour dire ‘attention, là il y a un problème particulier, il faut que vous vous mobilisiez avec nous’. Je me rendrai prochainement aux Etats-Unis pour rencontrer ces grands opérateurs d’internet”.

Des accords avec les géants du net qui évoquent les dispositifs mis en place par la NSA. Edward Snowden a en effet révélé que la NSA et le FBI disposent d’un accès direct aux serveurs de neuf sociétés internet, dont Google, Microsoft, Apple et Facebook. Sans ordonnance de justice, les services de renseignement américains peuvent notamment lire les e-mails et écouter les conversations des utilisateurs.

Néanmoins, le gouvernement français ne devrait pas aller jusque-là. La secrétaire d’Etat au Numérique Axelle Lemaire a évoqué la possibilité de mettre en place des modules permettant de “signaler directement les propos de haine” directement aux acteurs comme Facebook ou Twitter. “Le signalement communautaire respecte les mécanismes de fonctionnement des réseaux sociaux”, a-t-elle vanté devant l’Assemblée nationale. “Mais il doit être approfondi, en négociation avec les grandes plates-formes numériques, pour être rendu plus efficace et plus préventif, afin d’éviter de nouveaux actes de barbarie.”

De son côté, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a plaidé pour un renforcement de la responsabilité des “intermédiaires techniques” – que sont des acteurs comme Google, Facebook et Twitter – dans la mise en ligne de contenus haineux sur internet. Une vieille rengaine que les acteurs concernés, réunis dans l’Association des services Internet communautaires (Asic), voient comme une manière “d’imposer un contrôle a priori des contenus et une censure généralisée des contenus diffusés sur internet”. Surtout qu’”engager la responsabilité des plateformes ne réduira pas le flot de violence et de haine déversé sur le web”, rappelle à “l’Obs” Merav Griguer, avocate spécialiste du numérique.

Divisions sur la réponse à apporter

Une NSA et un Patriot Act “à la française” ne font pas l’unanimité. La députée UMP Valérie Pécresse tranche : “Il faudra un Patriot Act à la française.”

Une position critiquée par François Fillon, pour qui “aucune liberté ne doit être abandonnée”.

Du côté de l’antiterrorisme, l’ancien patron du renseignement intérieur (DCRI) Bernard Squarcini le répète à l’envie : “Des lacunes existent et il faut plus de moyens légaux pour les combler.” Il pourrait être écouté par le gouvernement qui a accéléré la présentation et l’examen d’une loi-cadre visant à “donner aux services [de renseignement] tous les moyens juridiques pour accomplir leur mission”. Ce projet de loi, issu du rapport parlementaire des députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, est actuellement en “phase finale d’examen interministériel” et devrait être présenté au Parlement au deuxième trimestre.

Au grand dam du juge antiterroriste Marc Trévidic qui a expliqué au CNNum que, si “les dispositions de la loi sont insuffisantes pour contrer les contenus djihadistes sur internet, [...] le maintien d’un contrôle judiciaire reste indispensable”. Marc Trévidic estime ainsi que le blocage de sites djihadistes officiels pourrait tout simplement “rester dans le cadre de procédures judiciaires” classiques. Il souligne enfin que :

Le filtrage des réseaux sociaux, tâche extrêmement vaste et complexe, semble inefficace et très risqué pour le respect de la liberté d’expression des tiers.”

Limiter la liberté d’expression de la population est un dommage collatéral trop important pour justifier la lutte antiterroriste. “Sans juge, on risque de tomber dans une censure aveugle”, renchérit Adrienne Charmet de la Quadrature du Net.

Au-delà, elle craint que les “mesures exceptionnelles” promises par Manuel Valls “ne glissent rapidement de la prévention de la menace terroriste à la lutte contre les troubles publics. On sait combien la définition du trouble à l’ordre public est politique. Il suffit de voir que désormais certains écologistes radicaux sont désignés comme des ‘djihadistes verts’.” L’exemple américain se révèle frappant : sur les 11.129 demandes de perquisitions en 2013 dans le cadre du Patriot Act, seules 51 avaient trait au terrorisme, rapporte l’Electronic Frontier Fondation. Les autres demandes concernaient pour l’essentiel le trafic de drogue.

Des millions de personnes ont défilé en criant ‘liberté’ et le gouvernement répond en promettant plus de protection contre une réduction des libertés”, conclut Adrienne Charmet. Ça ne peut pas être décidé à la hâte dans un contexte émotionnel, il faut passer par une voie démocratique, par le Parlement par exemple.”

Si internet est largement pointé du doigt, il ne faut toutefois pas prendre l’outil pour la cause. “Les phénomènes de radicalisations demeurent des processus complexes qui ne commencent, ni ne se réduisent à Internet “, rappelle l’Asic. En effet, les frères Kouachi, responsables de l’attaque contre “Charlie Hebdo”, se sont radicalisés dans la vie réelle, au contact de mentors, et non sur internet.

Boris Manenti

Source : Boris Manenti, le Nouvel Obs


La lutte contre le “terrorisme djihadiste souffre d’imperfections”

“Il faut donner aux services de renseignement des moyens accrus”, plaide le procureur de la République de Paris, chargé de l’enquête sur les attentats à “Charlie Hebdo” et dans l’Hyper Cacher.

La lutte contre le “terrorisme djihadiste” souffre de “quelques imperfections” qui “nuisent à l’efficacité de l’action de la justice”, estime le procureur de de la République de Paris, François Molins, qui est chargé de l’enquête sur les tueries perpétrées à “Charlie Hebdo” et dans l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, lundi 19 janvier. Aussi a-t-il suggéré d’améliorer sensiblement le dispositif de surveillance.

Partant du constat que le terrorisme islamiste “trouve sa source dans la radicalisation de croyances religieuses”, laquelle doit être “prévenue et combattue”, le chef du parquet de Paris préconise une “surveillance et une vigilance constante” de la pratique radicale.

Pour cela, “il faut donner aux services de renseignement des moyens accrus pour mieux détecter les signaux faibles”, a-t-il affirmé à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée du Tribunal de grande instance de Paris, à laquelle assistait la ministre de la Justice Christiane Taubira.

Etendre les prérogatives des juges

Le procureur Molins estime que la “seule manière de surveiller en temps réel des communications cryptées de bout en bout” est d’étendre les prérogatives des juges d’instruction en leur donnant la “possibilité [de faire de la] captation des données à distance”, c’est-à-dire d’utiliser “des chevaux de Troie judiciaires” pour écouter les conversations des terroristes présumés.

Cette possibilité existe depuis la Lopssi 2 [Loi d'orientation et de programmation sur la performance de la sécurité intérieure, NDLR] du 14 mars 2011, mais ses conditions d’emploi, qui l’assujettissent à un régime d’autorisation administrative, font que ces dispositifs sont inadaptés et n’ont à ce jour, jamais pu être mis en œuvre”, a-t-il affirmé.

En clair, la paperasserie freinerait l’efficacité des écoutes téléphoniques et numériques.

Un décret issu de la loi contre le terrorisme, adoptée en novembre dernier, prévoit également la possibilité pour les services de renseignement de placer des mouchards dans l’ordinateur ou le smartphone d’une personne ciblée afin de capter à toutes les données stockées et émises. Les autorités pourront aussi accéder à de nombreuses informations, comme l’ensemble des fichiers, les e-mails reçus et envoyés, les SMS échangés, la géolocalisation en temps réel…

1.280 djihadistes français

Conscient que le “risque zéro” n’existe pas – et “n’existera jamais” -, le représentant en chef du ministère public s’est dit convaincu que la lutte contre le terrorisme “doit passer par une meilleure répression du financement du terrorisme”.

Sur ce point, nous avons peu de dossiers portant sur des faits de financement”, a-t-il déploré.

Précisant que “près de 25 % des radicalisés sont des convertis”, il a indiqué que ces derniers impliqués dans le djihad en Syrie étaient la semaine dernière au nombre de 1.280, “soit sur le départ, soit sur zone, soit sur le retour, soit déjà revenus sur le territoire français”. A ce jour 125 personnes sont mises en examen dans le cadre de 109 dossiers.

“Davantage à la période de sûreté”

Les “individus comme les Kouachy et Coulibaly”, auteurs des attentats à “Charlie Hebdo” et à l’Hyper Cacher, “déjà condamnés pour des faits de terrorisme” et ayant purgé leur peine “nécessitent une vigilance spécifique accrue”, a encore affirmé François Molins. “Ils sont certes moins nombreux mais posent un véritable enjeu en terme de sécurité s’agissant d’individus qui ont déjà fait la preuve de leur dangerosité.”

D’où l’attention particulière du parquet envers les “détenus radicalisés qui ont vocation à sortir un jour de la détention”.

Partisan d’une “grande sévérité” dans le prononcé des peines comme dans leur exécution, le procureur a considéré qu’il fallait “certainement recourir davantage à la période de sûreté”, laquelle interdit toute remise de peine, “pour les personnes condamnées pour terrorisme”.

Le parquet de Paris est depuis plusieurs mois particulièrement vigilant et restrictif dans son appréciation des demandes d’aménagement de peines qui sont présentées au juge d’application des peines”, a-t-il assuré.

Le procureur mise également sur l’éducation et la prévention de la radicalisation pour vaincre ce fléau, “comme l’ont fait certains pays”. En particulier pour les mineurs et les jeunes majeurs, placés sous contrôle judiciaire ou assignés à résidence sous surveillance électronique.

Denis Demonpion

Source : Denis Demonpion, le Nouvel Obs

Source: http://www.les-crises.fr/la-france-tentee-davoir-sa-propre-nsa/


Un dimanche à Paris : Ah tiens une manif … par Tristan Edelman

Sunday 1 February 2015 at 01:22

17 janvier 2015

Enfin on va avancer l’enregistrement de mon nouvel album, « Ministère Double joker ou le moins pire des mondes possibles ». Mon ingé son, Momo le grand fou, habite à Jacques Bonsergent, ligne 5, près de la place de la République. La mauvaise place au mauvais moment… Impossible d’arriver au studio : une manif. J’ai beau essayer de me frayer un chemin, de prendre un autre métro, de contourner, de rentrer chez moi même… pas moyen : tous les chemins mènent à la manif. J’ai vraiment pas envie. Je peux pas travailler, je peux pas rentrer chez moi, je peux pas m’exprimer librement à travers ma musique. J’essaye de passer en-dessous des cordons faits par la police, qui me rembarre. Je râle : « on peut même plus rentrer chez soi ! ». Un manifestant d’une quarantaine d’année, visiblement exaspéré par ma réaction, me répond « On peut pas tout avoir ». Qu’est-ce ça veut dire ? T’as une manif donc des filcs, pas de flic donc pas de manif. Ok le ton est donné : hyper quadrillé et au pas. Et d’ailleurs, me voilà dans une manif au rythme particulièrement régulier, bien rangé et en ordre. Tu peux même plus râler. « T’as qu’à pas habiter là, pauve con » J’ai compris. Pas le choix : je fais la manif. J’ai bien su les événements, mais n’ayant pas la télé, je n’ai pas vraiment d’opinion. C’est donc avec une certaine innocence que je traverse, bon gré mal gré, ce flot humain et de pancartes ; bien rangé.

On déboule dans une rue. Me voici immédiatement entouré de drapeaux bleu blanc rouge. Ca donne un peu le tournis : j’en avais jamais vu une telle concentration sur un si petit périmètre. J’ai dû tomber dans la mauvaise manif. Je demande, le plus neutre possible, à la petite dame à coté de moi : « C’est bien la contre-manif ici ? ». Elle me répond fermement, voire acariâtre : « Non : ici nous sommes dans la vraie ! ». A ce moment précis monte un chant : la Marseillaise. Je suis un peu confus. Je n’ose pas regarder la dame… bon j’ai dû rater un wagon…

Passe alors un groupement de femmes juives, avec comme pancarte couvrant leur corps : « Je suis Charlie, Je suis juive, je suis flic ». Je flippe un peu. Flic dans une manif pour la liberté d’expression, juif dans une manif laïque, religion et police avec Charlie, ça dissone de partout. J’aurais bien voulu parler un peu avec elles, mais vu leur regard noir, on imagine facilement des matraques derrière leurs affiches…

Ah tiens une main en carton ! Ah mais j’la reconnais, c’est « Touche pas à mon pote », le mouvement des années 80-90 qui a servi à rien sinon à faire la promotion du parti « socialiste » qu’on a maintenant… Qu’est-ce qu’il y a dessus ? « Touche pas à Charlie ». Ah oui… c’est sûr… mais c’est un peu tard, les gars…

Oh des petites pancartes… une phrase : « Même pas peur ». Ca me rappelle quand on était gosses, les virées en voiture avec mon oncle toxico, dans les Alpes au bord des précipices. Pour se donner du courage et espérer arriver vivant, on gueulait pareil « même pas peur ! »… Bon on a quand même fini par se prendre un arbre…

Une autre pancarte, un peu plus longue cette fois : « Le dialogue pour la compréhension, la paix et le respect. ». Je comprends pas très bien et je demande « Euh… quel dialogue ? ». Une grande dame à coté de moi me répond sur un ton prophétique. « On s’en fout. C’est pas grave. Le plus important c’est d’être dehors. Dehors tous ensemble ». On de la chance le temps est ensoleillé…

Le drapeau du PSG (Paris St Germain) ! Le stade dans la manif politique, à quand les manifs politiques dans les stades ? Ca rappelle de mauvais souvenirs…

Très rigolo : des jeunes italiens, visiblement exaltés, courent, sautillant, à travers la manif. Je finis par percevoir le beau drapeau gay multicolore avec écrit « PACE »(Paix). Je les regarde passer avec sympathie, et commence à me demander s’il ne s’agit pas là d’une nouvelle forme de carnaval, où tout s’inverse, le bas est en haut, le haut en bas, les valeurs se mélangent, se confondant pour une fête du non-sens. Peut être pour quelques vieux anars de Charlie, une fête du contre-sens…

Alors là… au milieu de drapeaux américains et français, un drapeau que je connais pas : bleu et jaune. Vous connaissez vous ? Comme d’hab j’me renseigne. Deux mecs d’une carrure de boxeurs poids lourds, avec vraiment une sale gueule, me répondent, comme à un abruti : « Ben c’est l’Ukraine ! ». A moins que ça n’ait changé depuis quinze jours, les neo-nazi ukrainiens soutenus par l’OTAN, ne sont pas des chantres de la liberté d’expression, me semble-t-il. Mais encore une fois j’ai dû rater un wagon…

D’ailleurs pas si loin, j’entends parler américain très très fort et avec conviction. Je me demande ce qu’ils foutent là. Je me retourne. Des jeunes nanas. Peut- être elles suivent Madonna. Y parait qu’elle est à la manif. « Hey all is fine ? Yes yes yes ? What are you doing ? Just to know… » Regard particulièrement méprisant. Je n’insiste pas. Je me dis qu’Obama aurait tellement de leçons à nous donner en ce qui concerne la liberté d’expression, et la liberté tout court, que ça vaut bien de fermer humblement sa gueule…

De superflu en superflu : « La satyre pas des tirs ». Bon ça rime…

Le new-age n’a pas été oublié dans l’affaire : « De l’humour et de l’amour. » il manque plus que nos stars de la variété pour se faire une promo mondiale. Peut-être y sont là en fait…

J’entends des gens apparemment spécialisés dans les mouvements de foule : « Le PS arrive ! Avec l’UMP qui court derrière ! Et le front de gauche ! Y s’courent après pour arriver les premiers ! ». La ballade des gens heureux, la grande messe cool du dimanche, elle est quand même un peu stressée. Pas facile de rester politiquement correct, quand y a autant d’enjeux et de marketing. Mais faut avouer, les gens s’en sortent très bien. A croire que c’est devenu une seconde nature le politiquement correct. Moi j’ai encore un peu de mal, mais j’vais regarder plus souvent la télé…

Je finis par regarder du côté des vagues d’applaudissements, qui se suivent comme une marée montante. Mais pour quoi ? Je regarde au ciel, des fois que j’aurais raté la Vierge Marie… et puis… j’percute… j’me frotte les yeux… mais non… c’est bien vrai… on applaudit au passage des cars de CRS ! On les embrasse même ! Alors là c’est l’pompon. La répression comme symbole de la liberté. Je ne demande rien à personne, parce que je sens que les gens sont devenus très susceptibles en ces temps de laïcité agressive ; et mes questions leur portent vite atteinte. Je fais un effort pour comprendre tout seul. Un flic est mort dans la « bataille », donc : « Je suis CRS ! ». Bon. Imaginons que ce jeune homme noir, musulman, sans papiers, qui a sauvé plusieurs personnes à Vincennes, en les cachant dans une chambre froide, soit un peu moins discret, qu’il ait été tué, et surtout, oui et surtout : qu’il ait été filmé. On aurait tous applaudi, et au passage, on serait devenus : 1- des jeunes hommes noirs (plausible), 2- des musulmans (plus difficile), 3- des sans-papiers (gloups…)… il faut avouer que dans l’état émotionnel où on est, on serait prêts à devenir tout et n’importe quoi…

Tout à coup, comme un funeste présage, j’entends un son de trombone, genre « bienvenu au cirque ». Mais juste un. Vite étouffé. Je me suis demandé si on avait pas demandé au musicien de fermer sa gueule, à lui aussi. C’est sur : ça va pas avec la marche funèbre, les sons du cirque…

Au milieu de cette marche débonnaire, et relativement silencieuse du coup, je vois des fantômes. Je vous jure : de vrais fantômes ! Un vieux noir avec des dread accompagné d’une petite femme à l’air très fatiguée. Ils tiennent à eux deux une banderole, blanche à la base, avec pleins de trucs écrits et pleins de ratures. Franchement on a pas envie de lire. En plus ils ont l’air dépité. Manque de bol, je me retrouve deux fois, pile devant eux. Je finis par lire leur banderole de récup : « Je ne suis pas Charlie, je ne vois qu’une Afrique pillée par l’OTAN qui favorise les pires terroristes. » Ils sont bien seuls, car partout autour : des sourires bienveillants des « Je suis Charlie ». Eureka ! Je comprends la phrase de la dame : « Le plus important c’est d’être dehors, ensemble ». On peut ne pas être d’accord, mais on est tous ensemble unis dans la même manif. Chacun a sa vérité. Pas de fanatisme. On se respecte. On marche ensemble. Respect de la différence. Liberté d’expression. Chacun son truc, mais on marche ensemble. Toutes les positions sont admises. Les gens de la manif ont la cool attitude. Tout se vaut. On est tous égaux. C’est beau. Ensemble dans la manif dans un consensus enfin national. Et en plus le monde entier nous regarde. On a enfin réussi à faire digérer des mots aussi antinomiques, grâce à la manif de la liberté d’expression, que l’OTAN et l’Afrique pillé par l’OTAN : même combat ! Cette petite banderole, au milieu du désert des sourires complaisants, rappelle que manifester pour la liberté d’expression contre le terrorisme, ça a quelque chose d’absurde. C’est comme manifester contre le sida. On peut réclamer plus d’argent pour la recherche et plus de facilités pour les médicaments, mais contre le sida, ca veut rien dire. Ben c’est pareil ici. Le symptôme, pas les causes ! Les causes du terrorisme et de la disparition de la liberté d’expression : on s’en fout ! Même mieux : les causes elles sont là, devant nous : les chefs d’Etat et leur politique, et en plus ils ont même réussi à foutre en l’air le sens de la manif. Et d’ailleurs ils le disent bien les causes : « C’est pas nous c’est les autres ! Et c’est quoi des causes ? C’est juste le chaos et on va remettre tout en ordre ! Tous ensemble ! Allez on frappe dans les mains ! » Les manifestants voient ça de loin, même si on frappe dans les mains. Ca donne le rythme. Comme ça on a une manif tranquille, douce, intelligente ; pas de vague. Un grand moment de paix. Une manif sans débordements. On est enfin mûrs en Occident : bien rangés, tous au même pas. Je me dis que finalement, les flics on en a plus vraiment besoin, on le fait très bien tout seul. Des temps bien étranges… j’ai dû louper tout le train…

***

Comment en est-on arrivés à défiler pour la liberté d’expression, avec comme guide, des chefs d’Etat venus redorer leurs tristes blasons, qui n’ont de cesse de nous normaliser à grands coups médiatiques et à petits coups répétés dans l’organisation de notre vie quotidienne ? Comment en est-on arrivés à soutenir passivement et massivement, ceux qui musèlent justement cette liberté (dont Charlie hebdo comme tant d’autres ont pâti, mais là ils vont pas se refuser de devenir journal officiel pour le prochain musée de la propagande…) ? Comment en est-on arrivés, d’un élan contre un acte inouï, à défiler sous les drapeaux français et un pacte républicain à verve nationaliste et européaniste, qui par ailleurs exclut 25% de la population française, que représente le FN ? Un pacte excluant à la base. A force de tomber à droite, Marine va finir au centre…

En tombant par hasard dans la manif, j’ai eu quelques bribes de réponse.

Malgré les apparences, chacun semblait isolé, tout comme dans le métro. Il est facile d’imaginer que dans cet Isolement, on croit qu’il suffit de penser librement, pour être libre, surtout dans une marche aussi formelle et volatile. Et en l’occurrence la liberté d’expression s’y prête bien : « Je m’exprime donc je suis libre ! » Ca coute rien comme liberté. C’est pas comme les retraites, la sécu, l’éducation, les hôpitaux et la concentration des richesses. Et puis si les autres pensent différent, on s’en fout, car d’ailleurs eux aussi s’en foutent de ce qu’on pense. Mais au moins on s’est tous exprimés. Il se trouve qu’en plus, on pense tous pareil. Facile : quand on est isolés, les médias, eux, s’occupent de nous occuper, et ils parlent tous le même langage, à peu de chose près. On pense tous pareil, ça veut dire on pense tous média. On est isolés puis réuni par l’idéologie des médias et leur censure silencieuse. C’est par cette déconnexion aux autres, qu’on arrive à faire une manif où on est connectés seulement par les medias, mais en se croyant dans l’expression, libre de sa pensée. Et dans la manif c’était plutôt effarant de déconnexion. Franchement proche de l’hallucination de masse. Mais une hallucination cool bobo. Tranquille quoi.

L’histoire 68 tard, critique, un peu anar de Charlie, à la trappe ! Le nationalisme, c’est pas grave, c’est pour la bonne cause ! Les chefs d’Etat qui récupèrent, faut pas leur en vouloir c’est leur boulot ! La vraie liberté d’expression, qui n’existe plus depuis des années, ah bon… mais on dit c’qu’on veut en France… la preuve : on est là à la manif ! Chacun est dans son monde tout puissant, persuadé que la récupération ne le concerne pas. Le miracle de l’expression libre, c’est de croire que le fait même d’aller manifester, au nom d’une liberté d’expression toute formelle, libère de toute récupération, alors même qu’on défile sous la bannière de ses propres censeurs. Mais la bannière dans le for intérieur du manifestant, elle est blanche comme la colombe, et le berger on le méprise vaguement. « On est pas si conc que ça ! ». Et puis les bannières, on finit par plus les voir, et le berger il vous envoie aux champs de bataille pour la nation, l’Europe et les USA…. au nom de Charlie ! C’est quand même miraculeux la liberté d’expression : il suffit de penser qu’on est pas d’accord, et le drapeau eh bien : il disparait ! D’ailleurs il n’a jamais existé ! Hallucination et déni de la réalité. Chacun dans sa toute puissance, cache, sous la bonne conscience du mot respect, la pire des censures : l’indifférence. Au fond on veut pas se le dire, mais on vend, on offre même, notre liberté et nos forces de pensée, à des bergers qui nous bercent de beaux mots. Eh oui, ça vaut cher les tours de prestidigitation et la dose d’hallucination…

Merci Charlie quel retournement, quel coup de théâtre tu nous as offert ! Quelle belle surprise : l’Union nationale autour des valeurs de la République, de l’Europe, de l’OTAN ! Ca y est le pacte transatlantique : validé ! A moindre frais ! Encore quelques terroristes avec des morts et tout le tralala, et on est prêts pour la guerre atomique ! Tant pis si dans le passé t’étais pas d’accord Charlie, maintenant t’es mort, et on parle à ta place : « Les absents ont toujours tort ! Et qui ne dit mot consent ! »

La suite on connaît : commandements contradictoires type pacte républicain excluant, dérive sécuritaire et de surveillance à la défaveur des citoyens, mini 11 septembre pour une politique étrangère agressive, manipulation des masses par la peur vers le nationalisme, mise en état de choc et diversion vers des valeurs abstraites et un bouc émissaire communautaire pour masquer les vrais problèmes créés par la folie du marché sauvage, et en prime, des citoyens isolés au cerveau retourné, qui sont tellement fragilisés par les attaques des médias, de la société de consommation, par l’addiction aux trois écrans, et la peur généralisée, qu’ils sont prêts à suivre n’importe quelle chimère.

Tristan Edelman

Source : www.legrandsoir.info

Source: http://www.les-crises.fr/un-dimanche-a-paris-ah-tiens-une-manif-par-tristan-edelman/


[Reprise] Aucun Américain à Paris dimanche : “Rien ne peut excuser cette absence”, par Vincent Jauvert

Sunday 1 February 2015 at 00:29

Énorme papier du journaliste du Nouvel Obs

Seule l’ambassadrice des Etats-Unis en France représentait l’administration américaine dimanche. Ni Obama, ni Kerry, ni Holder. Une absence qui laissera des traces. Editorial.

Connaissez-vous Jane Hartley ? C’est une femme d’affaires et de médias, PDG d’une société de conseil à Manhattan. Très riche, elle a été l’une des grandes donatrices de la campagne de Barack Obama en 2012. En remerciement, il l’a nommée, en octobre dernier, ambassadrice des Etats-Unis en France. Elle était la seule représentante de l’administration américaine dimanche 11 janvier à Paris dans la marche républicaine historiqueOui, la seule.

On espérait que, bravant les risques que tous les chefs d’Etat présents à Paris encourraient, Obama ne se contenterait pas de sa visite, certs symbolique mais insuffisante, le 8 janvier, à l’ambassade de France à Washington et déciderait de venir au dernier moment, par surprise, ou à défaut, son vice-président Joe Biden. On se serait contenté du secrétaire d’Etat, John Kerry. Même le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui n’est pas un grand fana des manifs, est venu.

Las, il a fallu faire avec Jane Hartley, que personne dans la foule et à la télévision n’a reconnue, et pour cause : personne ne la connaît. Merci tout de même Mme Hartley, d’avoir sauvé l’honneur du plus vieil allié de la France (à ce que l’on répète en tous cas).

A Washington non plus…

Le ministre de la Justice, Eric Holder, était bien à Paris pour une réunion sur le terrorisme. Mais il n’a pas souhaité marcher avec les Français et la cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement qui ont eu le courage d’être là (on aurait préféré que certains s’abstiennent, il est vrai…). N’a pas souhaité non plus se joindre à eux le secrétaire adjoint à la sécurité intérieure des Etats-Unis, Alejandro Mayorkas, qui assistait à la même réunion, dans des bureaux ultra-protégés de la capitale française.

Tenez-vous bien : pour la première fois dans l’histoire, le secrétaire d’Etat américain (John Kerry) et son adjoint (Antony Blinken) sont parfaitement francophones et prétendument ultra francophiles. Beau-fils de Samuel Pisar, Blinken a même vécu en France plusieurs années et Kerry vient régulièrement à Paris pour voir sa famille. Eh bien, répétons-le, aucun des deux n’a marché avec les Parisiens.

“Rien ne peut excuser l’absence de grandes personnalités américaines à Paris”, s’insurge le spécialiste américain (et démocrate) de politique étrangère, Aaron David Miller.”

Après un (émouvant) discours en Français, Kerry a préféré rester à New-Dehli, signalant une fois pour toutes que l’Amérique se tourne vers l’Asie. Et Blinken s’est seulement fendu d’un tweet, dimanche.

Ces “grandes personnalités” n’ont même pas participé dimanche à la marche de solidarité organisée à Washington, à quelque pas du Département d’Etat. Pas plus qu’Obama, évidemment. Ni Joe Biden. Ni aucun membre du gouvernement américain.

Le seul officiel présent dans la capitale américaine auprès de la communauté française était la sous-secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, la célèbre Victoria Nuland. Merci Mme Nuland !

Cynisme

On se souvient que le 12 septembre 2001, au lendemain des attentats, ce fut la France, par la voix de son représentant à l’ONU, Jean-David Levitte, qui fit voter – à l’unanimité ! – une résolution autorisant l’Amérique à user d’un droit de légitime défense. Et quelques jours plus tard, Jacques Chirac fut le premier chef d’Etat occidental à se rendre à New York. Un sacré allié. Bien mal aimé en retour.

Ça se soigne…

On espérait le même soutien pour notre “11 septembre culturel”, comme le dit Gilles Kepel.

1500 morts à Gaza, 4 000 morts en Ukraine, 2 000 au Nigéria là, mais bon, faut aussi s’occuper de nous dare dare… !!!!

Ce n’est pas la première fois qu’Obama laisse tomber la France. On se souvient du 31 août 2013 quand tout était prêt pour frapper le régime Assad, coupable d’avoir utilisé l’arme chimique contre son peuple.

Mensonge, on ne sait pas qui a utilisé les armes chimiques, et encore moins si c’est Assad qui l’ait demandé (un peu couillon de bombarder au gaz des quartiers civils qui vous sont fidèles, mais bon…)

Les avions étaient en l’air. Au dernier moment, Obama a flanché.

Bah oui, une guerre de plus, ce serait bien…

Et il a donc flanché à bombarder le type qui combat l’État islamique, on a bien compris ?

Et pourquoi Hollande n’a pas attaqué seul alors ?

Pour se faire pardonner, il avait invité François Hollande à dîner à la Maison Blanche en tête à tête. Cela ne mange pas de pain, si j’ose dire.

Ca a dû tellement l’ennuyer d’avoir abandonné notre bon Hollande…

Il y a plus cynique encore. Le président américain a décidé de détourner à son profit l’émotion mondiale suscitée par l’attentat à “Charlie Hebdo.

Non faut arrêter, ça n’a pas fait plus que ça la une en Inde, en Chine, etc. C’était une émotion occidentale… Tout comme peu d personnes connaissaient les attentats de Bombay de 2008 par exemple (180 morts)

Le lendemain, il a convoqué une réunion internationale sur la lutte contre le terrorisme mi-février… à New YorkChez lui. Et bien protégé.

Tout cela laissera évidemment des traces. Profondes.

VOUI, on va être indépendants des USA maintenant, NA !!!!

Bon, ou pas…

Et ce n’est pas la visite de rattrapage de John Kerry, jeudi prochain, à Paris, qui va suffire pour panser les plaies. Il faudra d’autres gestes d’amitié forts, concrets.

Sinon la famille transatlantique va définitivement se disloquer.

AH AH AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA

Vincent Jauvert, grand reporter au service Monde du Nouvel Observateur.

PS : faute avouée… La Maison Blanche vient de reconnaître son “erreur”. Lors d’un point presse, son porte-parole a déclaré que l’Amérique regrettait, qu’à la marche de dimanche, elle n’ait pas été représentée par un responsable de plus “haut rang” que l’ambassadrice. Il a néanmoins été incapable d’expliquer pourquoi le ministre de la Justice Eric Holder n’a pu participer au défilé historique.

Ben ils ont déjà envoyé le Ministre pour l’Europe – pourquoi pas le ministre de l’agriculture aussi…

Source : Nouvel Obs

 

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-aucun-americain-a-paris-dimanche-rien-ne-peut-excuser-cette-absence-par-vincent-jauvert/


[Juste pour rire] L’AFFAIRE de la fresque de la salle de garde à l’internat du CHU de Clermont-Ferrand…

Sunday 1 February 2015 at 00:05

NON !!!!!! On ne va pas parler longuement de cette histoire ridicule de fresque. C’est plus l’analyse qui en est intéressante.

Je rappelle en 2 mots le contexte cependant : dans cette salle de garde (non ouverte au public) figurait depuis 15 ans une fresque orgiaque – comme souvent. Des médecins farceurs avaient collé quelques feuilles pour faire des sortes de bulles, pour se moquer de Marisol Touraine et de sa réforme.

Au vu du buzz, la fresque a été effacée.

Comme il a été dire dans un commentaire :

Non il ne s’agit pas d’une scène de viol mais d’une orgie. Dans la plupart des salles de garde il y a ce type de fresques. Certaines sont d’ailleurs de toute beauté. A chaque fois toutes les personnes représentées (ce sont souvent des profs de la fac de médecine) ont l’air consentantes et prennent plaisirdans leurs actes. Et c était aussi le cas de la wonder woman. De l’humour carabin classique.

Ce qui, à la limite, pouvait paraître choquant, ce sont simplement les textes contenus dans les bulles ! Et qui ont été collés juste ces derniers jours. Je rappelle que cette fresque avait 15 ans, ce n’est pas la ministre qui était représentée initialement. Et pas dans une position de viol je le répète. Tout au plus puvait on simplement retirer les bulles …

2 choses intéressantes :

1. On est en janvier 2015, on a un pays meurtri, des lois liberticides en cours, des juges qui embastillent comme des gorets, une économie chancelante, une monnaie en état de coma dépassé, MAIS on trouve le temps de parler d’une fresque de ”la salle de garde (non ouverte au public) à l’internat du CHU de Clermont-Ferrand”…

2. c’est surtout ce long billet dans L’Obs qui m’a fait réagir, de Francoise Degois; “Présidente de l’agence citoyenne” :

“Ils sont minables, osons le dire, ces carabins qui se cachent derrière leur tradition (et quelles traditions, mes aïeux !) pour justifier l’injustifiable : cette fresque, d’une facture assez grossière sur le plan pictural qui met en scène un “gang bang”.”

…. ce qui rappelle les zeures sombres de notre Histoire…

“J’emploie cette expression à dessein celle d’”incitation au viol ” étant, semble t-il d’une telle violence pour ses pauvres petits internes, tellement choquante pour leur pauvre petit cœur fragile, qu’il faudrait donc édulcorer, comme si, entre vous et moi, le gang bang était une pratique courante, usuelle et parfaitement acceptable.”

Disons que je pense que juridiquement, ça va quand même être dur d’interdire les orgies (consentantes), mais bon…

Ça n’a rien à voir avec la liberté d’expression

Certains vont même jusqu’a crier “Charlie est mort une seconde fois”. Grand dieux ! Oser comparer l’assassinat de sang froid de 17 personnes à la kalachnikov à l’offense faite à la liberté de ces étudiants en médecine.

On peut se retrancher derrière des mots mais cette fresque, modifiée volontairement pour cibler Marisol Touraine, cette fresque fait bel et bien l’apologie du viol.

Et nulle tradition ne peut justifier cette outrance, venant de citoyens dont le métier consiste à respecter la vie, à célébrer la vie, à lutter corps et âme pour la vie.

Ah oui, en prison, alors, zou !!!

Mais plus grave encore de mon point de vue, les commentaires sur la page Facebook “Les médecins ne sont pas des pigeons”.

Plus glaçant, un certain Pascal R. (lui aussi futur médecin) : “Hélas non, Florence, Daech est aussi en grève   :) ”, en réponse à une certaine Florence F. qui se désolait ainsi : “Personne pour la chopper et la massacrer à la sortie de ses interviews ?”

Oui, vous lisez bien.

Cette jeunesse qui n’a pas l’air d’être née dans des quartiers déshérités, ne semble pas être manipulée par des imams dégénérés, cette jeunesse peut tranquillement sur facebook, invoquer l’État islamique, appeler au passage à tabac d’une ministre de la République et la traiter de chienne.

La liberté d’expression est encadrée en France. Elle fixe les limites du droit à l’outrance.

Ah, c’est bien d’arrêter avec les slogans à la noix “La liberté d’expression ne doit pas avoir de limites”. En fait, c’est “La loi met des limites à la liberté d’expression”, et donc “Mais que doit-on mettre dans la loi” ce qui déjà pose bien mieux le débat – et lui permet même d’exister.

Bon en l’espèce, elle veut clairement une police de l’humour nase. Intéressant…

Pas de compromis avec la haine

Notre pays se remet à peine de dix jours absolument épouvantables qui ont démontré une solidarité, une puissance populaire jamais vue, mais aussi une libération de la parole raciste, antisémite, terroriste, sur les réseaux sociaux. La justice a frappé fort pour l’exemple.

Est-il acceptable que de tels propos, depuis retirés, aient pu arriver sur la toile en toute impunité, sans aucune sanction pour leurs auteurs ? Non, ça ne l’est pas.

Ah oui, en prison, alors, zou !!!

J’entends déjà le procès fait aux féministes, les rires bien gras – souvent masculins – et cet air de commisération, généralement ponctué d’un “Mais t’as pas d’humour ma pauvre fille” avant d’ajouter “Regarde Charlie”. Pardon mais “Charlie” n’a jamais fait l’apologie du terrorisme encore moins du viol,

malgré le goût prononcé de ses caricaturistes pour les croquis sexuels et souvent très drôles.

Pas plus que “Charlie” n’a fait appel, même en riant, à l’État islamique.

Accepter d’en rire et refuser de s’en offusquer équivaut à faire des compromis avec la haine et la pulsion de mort, même déguisés en fresque ratée et en réactions aussi irresponsables que dangereuses sur les réseaux sociaux.

Le mur des cons était minable, la fresque de Clermont et certains des commentaires qui l’accompagnent sont honteux et dangereux.

Et qu’on ne vienne pas nous parler de politiquement correct et de gauche ou droite morale ! Appelons un chat un chat, pour une fois, sans barguigner et se cacher derrière des justifications aussi fumeuses que lâches.

En parlant d’apologie et de fumeux, je voudrais bien voir ce que les bobos diraient si l’UMP votait dans 2 ans le crime “d’apologie de la drogue ?”

Quant à l’islamophobie…

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MAIS BREF, en fait, ce qui m’a vraiment donné l’envie de ce billet, c’est ça – vous ne notez rien de bizarre ? :

Zut, moi qui avais cru comprendre qu’un dessin / fresque c’était toujours de l’humour et ça ne pouvait jamais blesser ou être nocif…

Donc “Oui à la liberté d’expression des gens qui disent et font des choses qui me plaisent ou ne me déplaisent pas, mais non quand ça me choque”…

Source: http://www.les-crises.fr/juste-pour-rire-la-fresque/


Revue de presse internationale du 01/02/2015

Sunday 1 February 2015 at 00:05

Cette semaine sous le thème Vue d’ailleurs, le lien vers une revue de blogs sur l’actualité brésilienne traduite en français. Outre cela, le blog propose des entrées vers ses articles par mois et par thème pour ceux qui souhaitent s’intéresser à la vision du Brésil et sur le pays. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-01-02-2015/


Jérémie Zimmermann : audition “Internet et terrorisme djihadiste” au Sénat

Saturday 31 January 2015 at 03:30

Table ronde “Internet et terrorisme djihadiste” le 28/01

Intervention de Jérémie Zimmermann, le cofondateur et l’ex-porte-parole de La Quadrature du Net, une organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet.

Vous apprécierez la vision de M. J.P. Sueur, ancien ministre PS, sur le rôle du Conseil Constitutionnel…

Source: http://www.les-crises.fr/zimmermann-audition-internet-et-terrorisme-djihadiste/


[Reprise] Moi, je ne suis pas Charlie ! Je suis Claude !, par P. Piccinin

Saturday 31 January 2015 at 01:42

Édito du Courrier du Maghreb et de l’Orient de ce mois de janvier.

Rappel : Les-crises.fr condamne sans ambiguïté les attentats de Paris – tout comme toutes les incitations à la haine et tous les terrorismes – des forts comme des faibles.

“J’aurais bien voulu être Charlie, mais je dois être Claude.

Claude, c’est un jeune professeur de philosophie politique, qui enseigne dans une école supérieure de la région parisienne.

C’est un fidèle lecteur du Courrier du Maghreb et de l’Orient ; et il suit régulièrement mes coups de gueule sur Facebook…

Claude, il y a quelques jours, a découvert, dans son fil d’actualité, le petit placard que j’avais posté sur ma page, la veille, très tard ; je l’avais moi-même emprunté à un ami algérien, qui vit à Toulouse.

Ce qui m’avait décidé ?

En visant les dernières infos du jour, tandis que je zappais, j’étais tombé sur cette scène : une meute de bienpensants, à New York, qui ânonnaient benoîtement « Je suis Charlie », avec un accent américain abominable…

Probablement ces Charlies états-uniens n’avaient-ils jamais ouvert une seule fois dans leur vie un exemplaire de l’hebdomadaire français, ni jamais vu aucune des caricatures de Cabu, Charb ou Wolinski ; s’il faut en croire l’éditorialiste James Brooks, en tout cas, qui affirmait, dans un article paru dans The New York Times (« I’m NOT Charlie Hebdo »): « S’ils avaient essayé de publier leur journal satirique sur n’importe quel campus universitaire aux États-Unis, durant ces deux dernières décennies, ils n’auraient pas tenu 30 secondes. Les étudiants et les cercles facultaires les auraient accusés d’attiser la haine. L’administration leur aurait coupé toute subvention et leur aurait fait fermer boutique. »

C’en était pathétique ; de ce pathos écœurant que peut exhaler un mouvement de foule idiot, imbécile, une réaction épidermique, où tout le monde fait tout comme tout le monde, sans rien vraiment comprendre aux enjeux, mais pour ne pas être en reste, pour ne pas prendre le risque de se tromper tout seul… Par peur, de se tromper tout seul…

Mais aussi parce que c’est tellement agréable de se sentir solidaire…

Surtout quand ça n’engage à rien !

Claude a imprimé le placard et l’a affiché au tableau noir de sa salle de cours.

Au soir de cette journée-là, Claude m’écrit…

Dans l’après-midi, une petite troupe aux babines haineuses s’est présentée à sa porte. Des étudiants, plusieurs de ses collègues, quelques parents d’élèves…

Ils voulaient le lui faire enlever, son placard.

Claude s’y est opposé.

Devant son refus, la troupe a assailli le rectorat de coups de téléphone et la porte de son directeur de coups de poings.

« Indigné », son directeur s’est joint à la petite foule hystérique. Il a ordonné à Claude d’enlever le placard de dessus son tableau.

Une nouvelle fois, Claude s’y est opposé.

« Déchirez ce torchon ! », s’est alors exclamé un des quidams. « Il faut défendre Charlie ! », a-t-il vociféré de plus belle. « Il faut défendre ‘la liberté d’expression’ ! » (sic)

La troupe, alors, a envahi la salle ; Claude, qui a tenté de résister, a été violemment bousculé, poussé à terre.

Et les fiers et courageux défenseurs de la liberté d’expression ont arraché le placard qu’il avait affiché dessus son tableau noir.

Tous ont applaudi.

Eux tous, qui, très certainement, jamais, dans l’entièreté de leur existence, d’aucune façon, ne se sont mis à un seul moment en danger pour défendre quelque forme de liberté.

Claude voulait poser une question, à propos d’un phénomène.

Peut-être voulait-il aussi remémorer à ses étudiants les vastes tragédies de l’Orient, plus ou moins oubliées dans les méandres d’un inconscient collectif.

Il n’en a pas eu le droit.

Depuis cet événement, Claude est sous le coup d’une procédure disciplinaire.

Peut-être devra-t-il définitivement quitter sa salle de cours et son tableau noir.

Alors, non ! Décidément, non ! Et, après ça, moins que jamais ! Je ne suis pas Charlie !

Parce que je ne saurais m’associer à ces gens-là !

Parce que, si Claude a pleuré le jour où il a appris l’assassinat des journalistes de la rédaction de Charlie Hebdo, ces « Charlies » qui l’ont frappé, « bunkérisés » dans leurs certitudes, dans leurs convictions bornées, eux, ils n’ont jamais levé le petit doigt pour la Syrie, la Palestine et l’Afrique.

Parce que tous les Charlies du Monde qui se sont subitement sentis investis de la mission de défendre « la liberté d’expression » en frappant Claude pour lui clouer le bec, je ne les ai pas vus… Je ne les vois jamais, eux… Lorsque je manifeste pour que l’on apporte de l’aide aux centaines de milliers de réfugiés Syriens… Lorsque je manifeste pour que cesse les carnages à répétitions qu’Israël perpètre à Gaza… Lorsque je manifeste pour que les multinationales arrêtent d’affamer l’Afrique… Les Charlies subitement apparus un peu partout n’ont jamais été ni la Syrie, ni Gaza, ni la Côte d’Ivoire.

Parce que, comme les milliers de familles arabo-musulmanes qui vivent dans les villes d’Occident, je pense à mes proches, à chaque heure, à ceux-là, qui meurent quotidiennement plus nombreux dans les guerres du Moyen-Orient ; parce que je comprends mal pourquoi les Charlies ne se mobilisent pas pour eux.

Parce que je refuse de participer à cette névrose collective, ce qui ne m’empêche pas d’exprimer ma tristesse devant la souffrance et l’horreur des attentats de Paris, même si Charlie Hebdo n’était plus, depuis longtemps, le champion de l’esprit critique et de la vérité à tout prix qu’il a été jadis et si cette rédaction avait passé pas mal de petits compromis avec le politiquement très correct, depuis que Philippe Val y a remis de l’ordre, un ordre très favorable à Israël dont Charlie Hebdo avait pris le parti en 2006, et depuis que le comité s’était élargi à des personnalités de l’acabit de Caroline Fourest, pseudo-intellectuelle chantre de l’islamophobie…

Parce que je refuse de m’associer à ce qui s’est rapidement mué en une scandaleuse pleurnicherie réservée aux membres du grand club occidentalo-occidental, alors que, depuis des années, tous ces gens se fichent éperdument de tragédies autrement plus effroyables qui, de l’autre côté du grand lac Méditerranée, plongent dans l’horreur des centaines de milliers de familles.

Parce que je ne peux pas être Charlie avec tous ces inconscients qui ne savent pas la réelle valeur de « la liberté d’expression », quatre mots dont ils ignorent tout des réalités intrinsèques.

Parce que je suis effrayé par leur sectarisme hypocrite, par ce communautarisme de proximité qui frise le racisme le plus débridé, jamais avoué, ni assumé dès lors.

Parce que je ne peux pas être à la fois la Palestine, la Syrie et l’Afrique… et Charlie. Pas ce Charlie-là, en tout cas ; pas cette indécence qui, je crois, n’aurait peut-être pas vraiment plu à l’un ou l’autre des douze défunts… Qui les aurait embarrassés, gênés.

Parce qu’on n’est pas obligé d’avoir les mêmes sentiments que tout le monde. Parce qu’on ne devrait pas avoir à s’inquiéter si, avec la raison et l’esprit, on n’exprime pas les mêmes émotions viscérales que tous ceux-là qui s’empressent d’hurler le même slogan.

Parce que je n’ai jamais eu la mémoire courte et parce que je me souviens que ceux-là mêmes qui braillent à présent sur toutes les chaînes de télévisions et de radios contre une atteinte à « la liberté d’expression », politiciens, journalistes et simples quidams, il y a quelques mois, en meutes, l’écume aux lèvres, muselaient sans vergogne et avec une arrogance féroce la voix dissidente d’un autre humoriste par trop dérangeant… La liberté d’expression à géométrie variable…

Parce que je m’opposerai toujours à ces policiers de la pensée.

Parce que je n’ai pas besoin de me donner l’impression d’exister, à travers un quelconque « Je suis Charlie ». Même s’il est éminemment politiquement incorrect de l’écrire, c’est effectivement bien de cela qu’il s’est agit, dans le cas de beaucoup des badauds qui se sont rassemblés sous cette épithète, de ces derniers jours…

Mais ce phénomène de masse a surtout eu l’effet pervers d’étourdir les analystes et de les détourner des réels enjeux des trois attaques qui ont frappé la capitale de la France.

Dès les premières heures (et trop souvent à ce stade encore), en effet, toute la communication autour des ces attaques a été axée sur l’idée d’une cible unique et d’une atteinte à la liberté d’expression. Aucun des médias mainstream occidentaux n’a même évoqué la revendication de l’attentat, que l’État islamique, le jour même, se glorifiait d’avoir commandité, information pourtant publiée par plusieurs quotidiens algériens et reprise ensuite dans la presse arabophone.

Ainsi, c’est seulement après la troisième attaque que certains des commentateurs de presse ont commencé à reprendre leurs esprits et, en un habile glissement, à peine perceptible par le grand public, à recentrer leur propos sur l’implication de l’État islamique. Très peu, encore, ont fait le rapprochement avec l’attaque djihadiste qui avait eu lieu quelques mois plus tôt, au Musée juif de Bruxelles, une attaque elle aussi liée à la dimension tentaculaire de l’État islamique.

Les deux attaques, qui, à Paris, ont suivi celle du siège de Charlie Hebdo, confirment la thèse selon laquelle les caricatures de Mahomet n’étaient pas la motivation unique des djihadistes. Charlie Hebdo était une cible parmi d’autres, dans un contexte de guerre, celui du conflit désormais internationalisé qui oppose l’Occident et ses alliés arabes à l’État islamique qui a fait tache d’huile en Syrie et en Irak, un conflit dont la France est partie prenante.

Dès les premiers instants, il était assez évident que ces attaques frontales, comme à Bruxelles, relevaient d’une forme d’action et d’un modus operandi signés de l’État islamique.

Or, c’est précisément dans le cadre de ce conflit qu’il fallait d’emblée inscrire ces événements et à la lumière de ces circonstances qu’il fallait les interpréter : ce n’est pas une question de liberté de presse (ou d’expression; ce qui n’est pas la même chose…) ; c’est une guerre sainte. Ce sont les guerres que l’Occident mène en Orient, qui débordent et inondent aujourd’hui les rues des métropoles européennes. C’est une croisade inversée… mais pas une guerre de civilisation…

Mon éditorial, en ce mois de janvier, devait porter sur la nouvelle politique sociétale et médiatique qui se redessine tout en subtilité dans le Golfe persique, dont les vieilles monarchies, vacillantes, tentent de faire peau neuve et de trouver un second souffle. Il aura été quelque peu bousculé par l’actualité, tout comme Claude.

Notre rédaction a en effet reçu beaucoup de réactions. Des réactions de nos lecteurs en Europe, mais aussi en Afrique et au Moyen-Orient. Et nous ne pouvions faire l’impasse sur cet événement ou, plus exactement, sur les conséquences qui s’en sont déjà faites sentir.

Mais notre revue n’y a en rien perdu. Au contraire, elle a pleinement joué son rôle, celui auquel doit s’astreindre tout organe de presse honnête et sincère ; elle a accompli sa mission, de se battre pour la vérité, pour la justice et, à l’encontre de ceux-là mêmes qui censurent au nom de principes qu’ils foulent au pied, pour la liberté d’expression. Pas seulement celle de quelques-uns. Pas seulement celle d’une majorité. Mais celle de tous. De l’Occident à l’Orient.

Source : P. Piccinin, historien et politologue pour le Courrier du Maghreb et de l’Orient

Source: http://www.les-crises.fr/moi-je-ne-suis-pas-charlie-je-suis-claude/


En Israël, Charlie Hebdo n’aurait même pas eu le droit d’exister…, par Ido Amin

Saturday 31 January 2015 at 01:40

En France, la liberté d’expression est considérée comme un droit universel, une loi israélienne interdit “d’offenser les sensibilités religieuses”.

Par Ido Amin, HAARETZ

Georges Wolinski, le caricaturiste de premier plan de Charlie Hebdo, était parmi les victimes assassinées dans l’attaque terroriste à Paris la semaine dernière. Il était un de mes héros culturels lorsque j’ai débuté.

Ni superman, ni Charlie Brown, ni Astérix ou “Les Aventures de Tintin” ne m’ont parlé de la façon dont les croquis en noir et blanc de Wolinski l’ont fait, avec ses visages tordus et exagérés, révélant ouvertement leurs sombres envies. Ce juif mi-polonais mi-tunisien possédait un esprit d’anarchiste qui n’épargnait aucune vache sacrée.

Chaque communauté a été insultée par son crayon. Sa position à l’égard de ses lecteurs était la suivante : Cela vous gêne? Alors ne lisez pas ! Et si vous voulez me ridiculiser en retour, je ne vous ferai pas de procès.

Après le terrible massacre à Charlie Hebdo et les meurtres qui suivirent dans le supermarché juif, des personnes se sont inquiétées du sort des juifs de France. Ne voient-ils pas qu’il est temps de déménager en Israël, comme le leur a dit le Premier ministre Benjamin Netanyahou, après le meurtre de l’école de Toulouse ?

Et le plus tôt sera le mieux ! Mais si Wolinski était allé en Israël pour y ouvrir un Charlie Hebdo, il aurait eu des ennuis.

En France, la liberté d’expression est considérée comme un droit universel tandis qu’en Israël un tel hebdomadaire ne pourrait pas exister, à cause des lois qui interdisent “l’offense aux sensibilités religieuses”. Durant mes années de dessinateur j’ai dû me familiariser avec les lois restreignant la presse israélienne.

Mais notons bien que la loi contre les offenses des sensibilités religieuses n’est pas une loi contre le racisme, l’obscénité ou la diffamation (il y a d’autres lois pour ça). C’est une loi spécifique très draconienne, une vrai loi anti-Wolinski. La loi interdit toute illustration de Moïse, Jésus ou Mahomet d’une manière qui heurterait la sensibilité des croyants.

Au tout début je ne connaissais pas l’existence d’une telle loi en Israël. Un jour, jeune illustrateur affamé durant un hiver parisien, j’ai abordé Wolinski avec une proposition pour une BD dans Charlie. Il voulait quelque chose concernant le Moyen-Orient, la région autour d’Israël et les pays arabes, j’ai alors suggéré une prise d’otages dans laquelle des terroristes palestiniens s’emparent d’un kibboutz. L’incident tourne en orgie avec les femmes du kibboutz qui sont volontaires ; des religieux extrémistes se joignent aussi à eux.

Il était enthousiasmé par cette idée. Lorsque je suis retourné en Israël, je n’ai montré le dessin à personne car il n’y avait personne à qui le montrer mais je ne pensais pas qu’il était interdit.

Je n’ai découvert cette loi que des années plus tard, lorsqu’une de mes caricatures, parue dans un journal renommé, qui critiquait la cruauté de la coutume du Kaparto – tradition qui consiste à balancer un poulet par-dessus la tête de quelqu’un pour expier ses péchés avant Yom Kippour – déclencha un débat à la Knesset [NdT : le Parlement d'Israël]. (Et il n’y avait même pas de nichons dans le dessin !)

De la tribune, le ministre de la police a comparé mon travail aux caricatures du journal nazi Der Stürmer, et sur les instructions du ministre, mon rédacteur en chef et moi-même avons été convoqués pour répondre à quelques questions. Peu de temps après j’ai été renvoyé.

Depuis que j’ai eu connaissance de cette loi, j’ai remarqué des décisions de justice basées sur elle. En 1997, Tatiana Soskine a été condamnée à une peine de prison pour avoir dessiné son fameux “Poster au Cochon” [NdT : qui représentait le prophète Mahomet sous la forme d'un cochon en train d'écrire le Coran] à Hébron. En 2006, une campagne publicitaire pour le parti Shinui a été interdite pour offense aux sensibilités religieuses.

“On ne trouve des lois contre le mauvais goût qu’en Israël” m’a dit un jour un avocat américain. Cela lui semblait étrange car la liberté de la presse est inscrite dans la Constitution de son pays. Pour les français, cela semble aussi étrange car les lois qui limitent la liberté d’expression ont été retirées des textes à la fin du XVIIIème siècle.

En Israël, comme nous le savons, il n’y a pas de Constitution qui protège la liberté d’expression. Les partis religieux se sont opposés à ce genre de Constitution en 1948. En revanche la loi israélienne contre l’offense aux sensibilités religieuses est un héritage du mandat britannique. Elle fut importée par les colonisateurs britanniques depuis une autre colonie – l’Inde – en 1936 pour éviter que ne se reproduisent des émeutes violentes, religieuses et raciales comme celles de 1929.

Les émeutes de 1929 étaient-elles un événement unique ? Serait-il donc possible d’abolir les lois d’exception ? S’il y a eu un américain, un français ou un britannique pour penser ainsi, alors la réalité l’a giflé au visage lorsqu’un autre massacre a eu lieu dans la même ville, Hébron, en 1994.

Les britanniques avaient-ils donc raison en matière de législation ? Lorsque des groupes différents vivent côte-à-côte dans une petite zone, devrait-on censurer l’expression ? Le respect de nos voisins doit-il être plus sacré que la liberté d’expression ?

Et qu’en est-il de notre métier d’illustrateur ? Pour être honnête, il y a bien longtemps que j’ai arrêté de vivre de mon travail dans les médias papier. Vous ne le saviez pas ? Les médias papier sont morts depuis longtemps.

Ido Amin est illustrateur et animateur.

Source : Haaretz, le 12/01/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/en-israel-charlie-hebdo-naurait-meme-pas-eu-le-droit-dexister-par-ido-amin/


La victoire idéologique de Charlie Hebdo, par Olivier Cyran [2011]

Saturday 31 January 2015 at 00:48

Tribune de 2011 d’Olivier Cyran, ancien journaliste de Charlie Hebdo

La question musulmane, de Guéant au NPA

En ces temps de crise, de désarroi et de division, il est bon que la France se rassemble autour d’une grande cause nationale, qui est aussi un enjeu de civilisation : le droit de dégueuler sur les musulmans.

Quatre jours avant la parution en kiosque du Charlie Hebdo spécial rire anti-musulmans, dont la Une affublée d’un bandeau « Charia Hebdo » et d’une représentation du prophète en clown fouettard promettait de requinquer un peu les ventes moribondes du journal, on avait déjà compris que l’affaire était pliée. Dauber le musulman n’est plus seulement une bonne affaire commerciale, l’équivalent spirituel de la femme à poil en page 3 du Daily Mirror, c’est maintenant un gage d’appartenance à la gauche, et même à la gauche de gauche.

Ce samedi soir-là, en effet, Laurent Ruquier recevait dans son bocal à rires de France 2 le bizut aux élections présidentielles du NPA, Philippe Poutou. Éprouvante séquence, durant laquelle le successeur d’Olivier Besancenot, jeté dans l’arène télévisuelle comme une crêpe dans la poêle, fut sommé de s’expliquer sur l’affaire qui scandalise tout le monde civilisé : la candidature dans le Vaucluse aux dernières élections régionales d’une jeune femme voilée militante du NPA.

Tour à tour, l’animateur hennissant, ses deux chroniqueuses et son philosophe de compagnie, Michel Onfray, mirent Poutou en demeure de renier sa camarade et d’abjurer toute « complaisance » envers le bout de tissu infâme, symbole de la barbarie-qui-sape-nos-valeurs-laïques. Poutou n’a pas quitté le plateau en se retenant d’assommer ses tourmenteurs. Il ne leur a pas conseillé de se mêler de ce qui les regarde, ou de réexaminer leur propre coiffure, pourtant d’allure peu ragoûtante dans le cas d’Onfray (une hyperhidrose du cuir chevelu, peut-être ?).

Le porte-parole « communiste et révolutionnaire » a préféré reluquer ses godasses, s’enfoncer la tête dans les épaules et bredouiller que non, bien sûr, il n’avait « pas été d’accord » avec cette candidature, qu’il avait lu« les livres de Chahdortt Djavann » et qu’au sujet du voile « un vrai débat toujours pas fini » déchirait la formation qu’il représentait.

Sous nos yeux se concrétisait une capitulation historique : la gauche, dans sa déclinaison la plus « radicale » sur le nuancier électoral, se rendait avec armes et bagages à un camp hier encore identifié à l’extrême droite. À la figure de l’Arabe mettant en péril l’identité française s’était substituée celle du musulman qui menace la république, et il a suffi de ce simple coup de bonneteau pour que le vilain raciste d’autrefois se métamorphose en bel esprit voltairien, devant lequel toutes les composantes de la gauche élective doivent à présent se prosterner sous peine d’excommunication médiatique.

Il faut se rendre à l’évidence : idéologiquement, les boute-en-train de Charlie Hebdo ont gagné la partie. Dix ans de vannes obsessives et de piailleries haineuses sur l’islam, consacrées par les « caricatures danoises » et une voluptueuse montée des marches au festival de Cannes aux côtés de BHL, ont diffusé leur petit venin dans les crânes les plus finement lettrés. En juin 2008, les lecteurs de Charlie Hebdo n’avaient déjà rien trouvé à redire à la promotion dans leur journal d’un « caricaturiste hollandais », Gregorius Nekschot, dont « l’humour » consiste par exemple à représenter ses compatriotes blancs en esclaves, chaînes au pied, portant sur leur dos un Noir qui suce une tétine. « Les musulmans doivent comprendre que l’humour fait partie de nos traditions depuis des siècles », avait expliqué ce joyeux drille à son admiratrice, Caroline Fourest.

La parution du « Charia Hebdo » n’avait donc rien pour surprendre, pas plus que le cocktail Molotov qui s’en est suivi. Tout aussi prévisible, le chant d’amour bramé à l’oreille des martyrs de la « liberté d’expression » par la classe politique et médiatique unanime, de Christine Boutin à Jean-Luc Mélenchon, d’Ivan Rioufol à Nicolas Demorand.

Pas si étonnante non plus, la poignée de main entre Charb et Claude Guéant : comme l’expliquerait Oncle Bernard à la table de Libération, c’était « tout de même le ministre de l’Intérieur », et la visite d’un si grand personnage sur les lieux du crime constituait une « marque de la bonne santé républicaine », laquelle crève en effet les yeux de toute part.

Réglées comme du papier à musique, les ventes record du numéro culte : seize pages de grosse poîlade sur les barbus, les burqas, les djellabahs, les vierges, les lapidations et les méchouis. Un exemple, tenez, en page 2 :

« Jeu concours : découpez votre hymen et envoyez-le dans une enveloppe à “Charia Madame”, jeu-concours, Tripoli, Libye. S’il est de première fraîcheur, gagnez un séjour en thalasso dans la Mer Morte. Dans le cas d’un hymen déjà usité, un séjour dans la mer, où la morte, c’est vous. »

Ça ne vous fait pas « marrer » ? C’est parce que vous pactisez en secret avec l’envahisseur islamiste…

Philippe Val est parti, mais ses rejetons ont repris le flambeau. On a même pu voir Charb jurer-cracher sur le plateau du « Petit journal » de Canal + (« l’équivalent télé de Charlie », a apprécié Patrick Pelloux, c’était tout dire) que le « Charia Hebdo », avec son fond de sauce hexagonal dégoulinant de chaque page, ne visait qu’à traiter gentiment « un fait d’actualité étrangère », en l’occurrence la victoire électorale en Tunisie du parti Ennahda. Tartufferie énorme, valienne. Charlie Hebdo a-t-il titré « Talmud Hebdo » et déversé seize pages d’« humour » sur les juifs quand l’extrême droite religieuse est entrée au gouvernement israélien ?

C’était pourtant un « fait d’actualité étrangère » au moins aussi considérable que le résultat du scrutin tunisien. Mais l’animateur n’a pas bronché. Il s’est esclaffé en revanche lorsque Luz, affalé sur le plateau et à moitié dans les vapes, a balbutié :

« Mahomet, c’est un copain, ouaiiis, on va aller en boîte de nuit ensemble. »

Source : Olivier Cyran, pour LMSI (Les Mots Sont Importants). Olivier Cyran avait démissionné de Charlie Hebdo en 2001, échaudé par la conduite despotique et l’affairisme ascentionnel .

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De même pour un autre journaliste, Philippe Corcuff, arrivé en 2001 puis démissionnaire en décembre 2004 :

“Mais, plus récemment, ne se contentant pas de faire l’éloge d’un livre structuré par le schéma de “la conspiration”, Charlie Hebdo s’est directement mis à la fabrication de “complots”, avec les articles de Fiammetta Venner sur l’islam. Recourant à des amalgames répétés entre l’islam comme religion, les différents courants de l’islam politique, l’intégrisme et le terrorisme, Charlie Hebdo – hormis quelques courageux résistants de la nuance et de la complication – s’est alors inscrit dans une croisade de la Civilisation (“européenne”) contre la Barbarie (“musulmane”). […] Mais on doit aussi considérer la vigueur du racisme anti-arabe dans notre société, redoublée par une islamophobie depuis le 11-septembre. C’est pourquoi je me bats pour une réunification du mouvement antiraciste autour d’une double lutte contre deux figures renouvelées de la xénophobie : la judéophobie et l’islamophobie. […] Philippe Val alimente plutôt, quant à lui, les divisions de l’antiracisme.” [ Philippe Corcuff, 2004]

Vous pouvez retrouver de nombreuses sources d’époque à propos de l’affaire des caricatures sur Voltairopolis.

Source: http://www.les-crises.fr/la-victoire-ideologique-de-charlie-hebdo/


Revue de presse du 31/01/2015

Saturday 31 January 2015 at 00:15

Cette semaine dans la revue, Thomas Piketty écouté mais pas en France, le troisième épisode de la série sur le travail zappé la semaine dernière, la BCE, la Pologne très classe, les pommes c’était mieux avant et Jacques Sapir. Merci à nos contributeurs. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-31-01-2015/