les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

[Incroyable !] Après l’Argentine, le Brésil dément les propos de Michel Sapin sur la Grèce

Friday 3 July 2015 at 04:22

Incroyable, ces types mentent encore bien plus qu’en 1992 :

« Maastricht apporte aux dernières années de ce siècle une touche d’humanisme et de Lumière qui contraste singulièrement avec les épreuves cruelles du passé. » (Michel Sapin, ministre socialiste des finances, Le Monde, 6.5.92)

« Le traité d’union européenne se traduira par plus de croissance, plus d’emplois, plus de solidarité. » (Michel Sapin, ministre socialiste des finances, Le Figaro, 20.8.92)

Mais la différence c’est que désormais, Internet veille…

Mis à jour le 2 juillet : après l’ambassadrice d’Argentine en France, Mme María del Carmen Squeff, le conseiller spécial de la présidente brésilienne Marco Aurélio Garcia dément les propos tenus lundi 29 juin 2015 sur France Inter par le ministre français des finances Michel Sapin.

Lors de la matinale de Patrick Cohen, M. Sapin a été interrogé sur le rôle du Fonds monétaire international (FMI) dans la rupture des négociations entre la Grèce et ses interlocuteurs : « Et le FMI ? Tsipras dénonçait la “responsabilité criminelle” du FMI ; est-ce qu’il y a un problème FMI, comme beaucoup le pensent à Bruxelles ? »

Le ministre reprend alors un argument régulièrement avancé par les créanciers d’Athènes. Leur inflexibilité ne découlerait pas d’un choix politique — celui de voir échouer Syriza. Elle s’expliquerait par les pressions exercées par d’autres pays, d’autant plus compréhensibles qu’elles émanent de nations ayant elles-mêmes subi des programmes d’ajustement structurel : « Le FMI ne répond pas devant des pays d’Europe, il répond de sa responsabilité devant l’ensemble des pays du monde, déclare M. Sapin. Et dans ces pays du monde, savez-vous ceux qui étaient les plus exigeants ? L’Argentine, le Brésil. Des pays qui avaient, par le passé, bénéficié de l’aide du FMI et qui posaient une question à la directrice générale [Christine Lagarde] : “Pourquoi êtes-vous plus flexible avec un pays européen que vous ne l’avez été avec nous ?” »

Interrogée par Le Monde diplomatique, Mme del Carmen Squeff dément dans un courriel daté du 30 juin 2015 : « Cette information est totalement inexacte. L’Argentine s’est solidarisée avec la Grèce. D’ailleurs, (…) le ministre [Axel] Kicillof et le chef de cabinet de la présidente Cristina Fernández de Kirchner, M. Aníbal Fernández, ont publiquement soutenu le gouvernement et le peuple grecs, et ont dénoncé les politiques d’ajustement que l’ex-Troïka entend leur imposer. » Invité à réagir, le cabinet du ministre n’a pas souhaité donner suite à notre demande.

Dans un courriel adressé à l’édition brésilienne du Monde diplomatiquele 1er juillet 2015, le Brésil dément également officiellement : « Je viens juste de parler au Professeur Marco Aurélie Garcia, qui se trouve aux Etats-Unis avec la présidente Rousseff [dont il est le conseiller spécial], nous écrit M. Bruno Gaspar, collaborateur de M. Garcia. Il me demande de vous transmettre le message qu’il dément officiellement l’information du ministre français des finances. »

Dans les manuels de formation destinés aux négociateurs en herbe, la stratégie visant à justifier sa position par l’inflexibilité de ses partenaires constitue l’une des toutes premières leçons. On prévient en général les participants qu’essuyer un démenti les exposerait au ridicule. La préoccupation ne semble pas figurer au nombre des priorités des « partenaires » d’Athènes.

Source : Renaud Lambert, pour Le Monde Diplomatique, le 1er juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/incroyable-apres-largentine-le-bresil-dement-les-propos-de-michel-sapin-sur-la-grece/


La Grèce au bord du précipice, par Paul Krugman

Friday 3 July 2015 at 03:51

 

Cela fait déjà quelques temps qu’il apparaît évident que la création de l’euro fut une terrible erreur. L’Europe n’a jamais eu les conditions requises pour la mise en place avec succès d’une monnaie unique – notamment le genre d’union bancaire et fiscale qui, par exemple, fait en sorte que lorsqu’une bulle immobilière éclate en Floride, Washington protège automatiquement ses concitoyens les plus âgés contre toute menace envers leur protection de santé ou leurs économies bancaires.

Par contre, quitter une union monétaire est une tâche bien plus ardue et plus effrayante que la décision de ne jamais la rejoindre et jusqu’à aujourd’hui, même les économies les plus troublées du Vieux Contient se sont éloignées encore et encore de ce précipice. Les gouvernements se sont soumis, encore et encore, aux exigences des créditeurs pour une austérité toujours plus sévère, alors que la Banque Centrale Européenne a réussi à contenir la panique des marchés. Mais la situation en Grèce a atteint aujourd’hui ce qui semble être un point de non-retour. Les banques sont fermées momentanément et le gouvernement a imposé des contrôles sur les capitaux – des limites sur les sorties de capitaux du pays. Il semble très probable que le gouvernement devra bientôt payer des pensions de retraites et des salaires en mandats, créant ainsi une monnaie parallèle. Et la semaine prochaine il y aura un référendum dans le pays pour savoir s’il faut accepter les exigences de la “troïka” – c’est-à-dire les institutions qui représentent les intérêts des créditeurs – pour encore plus d’austérité.

La Grèce devrait voter non et le gouvernement grec devrait être prêt, si nécessaire, à quitter l’euro.
Afin de comprendre pourquoi je dis ça, il vous faut vous rendre compte que la plupart – pas toutes mais la majorité – des choses que vous avez entendues à propos d’une Grèce dépensière et irresponsable sont fausses. Oui, le gouvernement grec dépensait plus que ce qu’il pouvait se permettre à la fin des années 2000.

Mais il a depuis sabré dans les dépenses de manière répétée et relevé les impôts. Le nombre de fonctionnaires de l’état a chuté de plus de 25 pourcent et les pensions de retraite (qui étaient, en effet, trop généreuses) ont été réduites de manière drastique. Si l’on ajoute à cela toutes les mesures d’austérité, cela est plus que suffisant pour combler les déficits d’origine et les transformer en excédent important.

Pourquoi cela ne s’est-il donc pas produit ? Parce que l’économie grecque s’est effondrée, en grande partie à cause de ces mesures d’austérité, entraînant les revenus dans sa chute.

Et cet effondrement est lui-même largement lié à l’euro, qui a piégé la Grèce dans une camisole de force économique. Les cas d’austérité qui fonctionnent, dans lesquels les pays maîtrisent leurs déficits sans entraîner une dépression, impliquent typiquement des dévaluations importantes de leurs monnaies, ce qui rend leurs exportations plus compétitives. C’est par exemple ce qui s’est passé pour le Canada dans les années 1990 et de manière tout aussi importante, ce qui s’est passé plus récemment en Islande. Mais sans sa propre monnaie, la Grèce n’avait pas cette option.
Est-ce que je viens juste de défendre le “Grexit” – la sortie de la Grèce de l’euro ? Pas forcément. Le problème avec le Grexit a toujours été le risque d’un chaos financier, d’un système bancaire perturbé par des retraits massifs et d’entreprises handicapées à la fois par des problèmes bancaires et par une certaine incertitude quant au statut légal de leurs dettes. Voilà pourquoi les gouvernements successifs en Grèce ont répondu favorablement aux exigences d’austérité et pourquoi même Syriza, la coalition de gauche au pouvoir, était prête à accepter l’austérité qui a déjà été imposée. Dans les faits, tout ce que Syriza demandait, c’était l’arrêt de davantage d’austérité.

Mais la troïka refuse catégoriquement. C’est facile de se perdre dans les détails, mais le point essentiel aujourd’hui c’est que l’on a présenté à la Grèce une offre à prendre ou à laisser, une offre qui est impossible à différencier des mesures en place depuis ces cinq dernières années.

Voilà une offre, et c’était certainement prévu ainsi, qu’Alexis Tsipras, le premier ministre grec, ne peut accepter parce que cela détruirait sa raison d’être politique. Le but est donc de le faire démissionner, ce qui va probablement se produire si les électeurs grecs ont suffisamment peur de la confrontation avec la troïka pour voter oui la semaine prochaine.

Mais ils ne devraient pas, et ce pour trois raisons. La première, c’est que nous savons qu’une austérité toujours plus dure est une impasse : après cinq ans ainsi, la Grèce va plus mal que jamais. La deuxième, c’est qu’une grande partie, et peut-être la partie la plus importante du chaos qui serait engendré par le Grexit s’est déjà produite. Avec la fermeture des banques et le fait que l’on impose des contrôles sur les capitaux, on ne peut pas faire beaucoup plus de dommages.

Enfin, céder à l’ultimatum de la troïka serait l’abandon ultime de toute idée d’une soi-disant indépendance de la Grèce. Ne vous laissez pas prendre par des affirmations selon lesquelles les responsables de la troïka ne sont que des technocrates expliquant aux grecs ignorants ce qui doit être fait. Ces soi-disant technocrates sont en fait des fantaisistes qui ont ignoré sciemment tout ce que nous connaissons de la macro économie et qui se sont trompés à toutes les étapes. Il ne s’agit pas d’analyse mais de pouvoir – le pouvoir des créditeurs de mettre à genoux l’économie grecque, qui perdurera tant qu’une sortie de l’euro est envisagée comme impensable.

Il est donc temps de mettre un terme à cette “impensabilité“. Sinon la Grèce se retrouvera face à une austérité sans fin, et une dépression infinie.

Source : Paul Krugman, pour la RTBF, le 30 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/la-grece-au-bord-du-precipice-par-paul-krugman/


Miscellanées du vendredi (Delamarche, Béchade)

Friday 3 July 2015 at 01:30

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : “Ça fait 20 ans qu’on nous dit “demain ça ira mieux” ” – 29/06

Olivier Delamarche VS Rachid Medjaoui (1/2): “Il faut que les Grecs comprennent que le seul moyen pour eux de s’en tirer est de sortir de l’euro” – 29/06

Olivier Delamarche VS Rachid Medjaoui (2/2): “La Grèce n’aurait jamais dû entrer dans l’euro” – 29/06

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : “Patrick Drahi a réévalué la cote de Bouygues” – 24/06

Philippe Béchade VS Thomas Vlieghe (1/2): Marchés: Doit-on s’attendre à un scénario catastrophe en Grèce et en zone euro ? – 24/06

Philippe Béchade VS Thomas Vlieghe (2/2): Peut-on espérer une amélioration des résultats d’entreprises cet été ? – 24/06


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-vendredi-03-07-15/


L’imposture Tsipras, par JM Colombani

Friday 3 July 2015 at 01:12

Rappelons que la prose de cet ancien dirigeant du Monde (qui l’a transformé en le torchon actuel) est distribuée gratuitement dans la presse gratuite…

Je ne commente pas à ce stade.

Alexis Tsipras, le 5 juin 2015. REUTERS/Alkis Konstantinidis.

Alexis Tsipras, le 5 juin 2015.

Le gouvernement grec s’est engagé dans une fuite en avant idéologique pour tenter de sortir de l’impasse dans laquelle il a mené son pays.

Alexis Tsipras et son parti Syriza ont montré leur vrai visage: celui d’un groupe de rupture, antisystème, anticapitaliste, et pour finir anti-européen, dont le modèle, s’il existe, doit être recherché du côté du Venezuela de feu Hugo Chavez. Un national-populisme avec comme moteur en lieu et place de la dénonciation du diable américain, une intense propagande anti-allemande faisant de la seule Angela Merkel la responsable de tous les maux de la Grèce. On comprend mieux désormais pourquoi, en quête d’un allié au lendemain des élections législatives qui l’ont porté au pouvoir, alors que des petits partis pro-européens étaient disponibles, Alexis Tsipras avait choisi «les Grecs indépendants», c’est-à-dire un mouvement authentiquement d’extrême-droite, antisémite et anti-européen.

La proposition de loi, par ailleurs juridiquement discutable, votée à la hâte pour organiser le référendum pour ou contre un accord avec l’Eurogroupe, a été approuvée par trois partis: Syriza, les Grecs indépendants et… Aube dorée, mouvement néo-nazi.

Chantage

Dans une première phase de la discussion avec les créanciers de la Grèce, le gouvernement d’Athènes avait paru s’installer dans une partie de poker menteur dont on pensait qu’elle ne durerait pas. Le chantage était le suivant: nous sommes un Lehman Brothers new look (cette banque d’affaires dont la faillite avait précipité la crise financière internationale en 2008) donc les Européens ne pourront pas, in fine, ne pas accepter d’effacer tout ou partie de notre dette. Pour l’obtenir, il nous suffira de faire quelques pas dans leur direction. Ce scénario avait paru se dessiner à l’approche d’une première date butoir, pour un remboursement au FMI le 30 juin. Puis, alors que tout le monde semblait convaincu de la possibilité d’un accord, Alexis Tsipras a levé le voile. Il organise un référendum pour ou contre un texte qui en fait n’existe pas puisqu’il n’a pas voulu d’un accord.

En outre, les propositions sur lesquelles il veut faire voter ne sont pas celles de la Commission ni celles des autres membres de l’Eurozone. Jean-Claude Juncker l’a expliqué: les propositions mises en avant dans le référendum ne sont pas celles qui ont été discutées à Bruxelles dans la dernière ligne droite. Exemple, Tsipras assure que l’Eurozone veut une fois de plus réduire les pensions de retraités alors qu’il s’agit en fait, pour que le système puisse perdurer, de repousser, comme partout ailleurs, l’âge de la retraite (aujourd’hui, l’âge de départ à la retraite à taux plein est de 60 ans).

Corruption et clientélisme

Deux arguments sont généralement énoncés en faveur de l’attitude grecque, outre bien sûr l’attrait idéologique de Syriza aussi bien auprès de l’extrême-gauche que de l’extrême-droite. En premier lieu, la dénonciation de l’austérité imposée de l’extérieur comme principale cause de la crise. En second lieu, la justification démocratique de l’appel au peuple par la voie du référendum.

Il faut rappeler que la crise grecque est avant tout la conséquence des dérives d’un système à bout de souffle dont on sait qu’il est très largement corrompu et clientéliste. Et sans que jamais les deux grandes «institutions» que sont les armateurs et l’Eglise orthodoxe ne soient mises à contribution. Comme l’a confié récemment une ancienne ministre grecque de l’éducation: «j’ai officiellement fermé 500 classes… dont 300 étaient fictives et destinées uniquement à justifier des subventions européennes».

Avant la crise, la Grèce affichait des déficits abyssaux de 15% du PIB de la balance des paiements et de 15% du PIB de déficit budgétaire. L’austérité qui a suivi a en effet été très sévère, trop sans doute, et aurait gagné à être assortie d’un abandon d’une partie des créances car chacun sait la dette grecque insoutenable. Mais l’attitude de la nouvelle Commission européenne qui fait connaître en toute transparence ses propositions sont désormais a minima et appuyées par une attitude globalement bienveillante des chefs d’Etat et de gouvernement.

Fuite en avant

Quant à l’appel au peuple validé par François Hollande qui considère un peu vite que«c’est la démocratie», il est plutôt l’aveu de faiblesse d’un gouvernement incapable de décider autrement qu’à travers son carcan idéologique. C’est aussi un déni de la démocratie représentative: élu pour gouverner, Alexis Tsipras a conduit son pays dans l’impasse. Il prend en otage le peuple grec par un processus plébiscitaire qui condamne à une réponse univoque à une question posée sur un texte détourné. Incapable de négocier sérieusement avec ses créanciers, le pouvoir grec engage une fuite en avant que seul pourrait peut-être interrompre un vote pro-européen d’une majorité du peuple grec. Gageons que tout sera entrepris par Alexis Tsipras et ses amis pour qu’il n’en soit rien.

Alors que la situation donnait à la fin de 2014, avant les élections législatives, des signes d’amélioration (avec un retour de la croissance pour la première fois depuis sept ans), voici que l’économie grecque est de nouveau à l’arrêt. Les entreprises ne payent plus leurs fournisseurs, l’Etat non plus, et les banques sont au bord du dépôt de bilan. Quand à la plupart des ménages grecs, ils ne remboursent plus leurs crédits immobiliers puisque Syriza a annoncé qu’il empêcherait les saisies.

Dans ce contexte, la tâche des dirigeants européens est particulièrement difficile. Ils ne peuvent pas abandonner les Grecs à leur triste gouvernement. Ils méritent mieux que Tsipras et ses alliés. Comme ils n’avaient pas hier mérité les colonels.

Source : Jean-Marie Colombani, pour Slate, le 29 juin 2015.

============================================

En bonus :

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/limposture-tsipras-par-jm-colombani/


Syriza, le pillage et l’effondrement : Quand la « gauche dure » épouse les politiques de la droite dure

Thursday 2 July 2015 at 02:55

Pour ne pas rester dans la pensée unique, une vision crique et argumentée de Tsipras.

Pour ma part, je concède que je suis réservé :
si c’est bien de faire un référendum, rien ne dit que Tsipras le gagnera dans un tel contexte (mis bon, au oins les Grecs seront responsables de leur sort, s’ils préfèrent écouter Juncker et Merkel plutôt que Stiglitz et Krugman ou même Attali et DSK)
si Tsipras gagne rien ne dit qu’il ne finira pas par se coucher – chat échaudé…

Bref, on se calme, et on en reparle la semaine prochaine…

greece-euro-crisis

La Grèce a fait les manchettes de la presse financière internationale durant les cinq derniers mois, alors qu’un parti de gauche nouvellement élu, « Syriza », s’oppose ostensiblement aux soi-disant « mesures d’austérité » en confrontant la troïka (le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la Banque centrale européenne).

Dès le début, les dirigeants de Syriza, mené par Alexis Tsipras, ont adopté plusieurs positions stratégiques aux conséquences fatales relativement à la mise en œuvre de leurs promesses électorales d’élever le niveau de vie, de mettre fin à la vassalité envers la « troïka » et de se doter d’une politique étrangère indépendante.

Nous allons procéder en décrivant les échecs systémiques initiaux de Syriza et les concessions ultérieures érodant davantage le niveau de vie grec, tout en accentuant le rôle de la Grèce comme collaborateur actif de l’impérialisme étasunien et israélien.

Gagner les élections et céder le pouvoir

La gauche européenne et nord-américaine a célébré la victoire électorale de Syriza comme une rupture avec les programmes d’austérité néolibérale et le lancement d’une alternative radicale, laquelle mettrait en place des initiatives populaires en faveur de changements sociaux fondamentaux. Ces initiatives comprendraient des mesures pour créer des emplois, restaurer les pensions, annuler les privatisations et réorganiser les priorités du gouvernement en favorisant le paiement des salariés avant le remboursement des banques étrangères. La « preuve » de l’existence du programme de réforme radicale se trouvait dans le « Manifeste de Thessalonique », lequel, promettait Syriza, serait le programme guidant ses nouveaux élus.

Toutefois, avant d’avoir été élu et immédiatement après, les dirigeants de Syriza ont pris trois décisions fondamentales empêchant toute modification profonde. En effet, ces décisions ont établi un parcours réactionnaire.

En premier lieu, Syriza a accepté la dette extérieure de plus de 350 milliards de dollars comme légitime, bien qu’elle ait été approuvée par les kleptocrates du gouvernement précédent, des banques corrompues et des intérêts commerciaux, immobiliers et financiers. Pratiquement aucune partie de cette dette n’a été utilisée pour financer des activités productives ou des services cruciaux qui renforceraient l’économie et la future capacité de la Grèce à rembourser les prêts.

Des centaines de milliards d’euros ont été planqués dans des comptes bancaires et des biens immobiliers à l’étranger ou investis dans des actions et des obligations à l’étranger. Après avoir d’abord affirmé la « légitimité » de la dette illicite, Syriza a ensuite déclaré sa « volonté » de payer cette dette. La « troïka » a immédiatement compris que le nouveau gouvernement Syriza serait un otage volontaire se soumettant à plus de coercition, de chantage et de paiements de la dette.

Deuxièmement, en lien avec ce qui précède, Syriza a déclaré sa détermination à demeurer au sein de l’Union européenne et de la zone euro, renonçant ainsi à sa souveraineté et à sa capacité d’élaborer une politique indépendante. Le parti a exprimé sa volonté de se soumettre aux exigences de la troïka. Une fois sous l’emprise de celle-ci, la seule politique de Syriza consisterait à « négocier », « renégocier » et faire de nouvelles concessions aux banques étrangères de l’UE dans un processus totalement unilatéral. La soumission rapide de Syriza à la troïka était la deuxième trahison stratégique de son programme électoral, mais pas la dernière.

Une fois que Syriza eut démontré à la troïka sa volonté de trahir son programme populaire, cette dernière s’est montrée plus exigeante et plus intransigeante. Bruxelles a considéré la rhétorique gauchiste de Syriza et ses gestes théâtraux radicaux comme de la poudre aux yeux de l’électorat grec. Les banquiers européens savaient que lorsqu’il serait temps de négocier de nouveaux accords de prêt, les dirigeants de Syriza capituleraient. Pendant ce temps, la gauche euro-étasunienne a complètement avalé la rhétorique radicale de Syriza sans regarder ses pratiques.

Troisièmement, dès son entrée en fonction, Syriza a négocié une coalition avec les Grecs indépendants, un parti d’extrême-droite, pro-OTAN, xénophobe et anti-immigration, garantissant que la Grèce continuerait à soutenir les politiques militaires de l’OTAN au Moyen-Orient, la campagne brutale de l’Ukraine et Israël contre la Palestine.

Quatrièmement, la majeure partie du Cabinet nommée par le premier ministre Tsipras n’avait aucune expérience dans la lutte des classes. Pire encore, la plupart étaient des universitaires et d’anciens conseillers du PASOK, sans aucune capacité ou volonté de rompre avec les diktats de la troïka. Leur « pratique » académique était constituée en grande partie de « combats » théoriques mal adaptés à de réelles confrontations avec des puissances impériales agressives.

De l’égratignure à la gangrène

En capitulant devant l’UE dès le début, en acceptant, entre autres, de payer la dette illégitime, en s’alliant à l’extrême droite et en se soumettant aux diktats de la troïka, la table était mise pour que SYRIZA trahisse toutes ses promesses et alourdisse le fardeau économique de ses partisans. Les pires trahisons comprennent : (1) ne pas avoir rétabli le paiement des pensions (2) ne pas avoir réinstauré le salaire minimum; (3) ne pas avoir annulé les privatisations; (4) ne pas avoir mis fin aux programmes d’austérité; et (5) ne pas avoir augmenté les fonds pour l’éducation, la santé, le logement et le développement local.

La troïka et ses publicistes de la presse financière exigent que Syriza fasse davantage de compression dans le régime de retraite grec, appauvrissant ainsi plus de 1,5 million de travailleurs retraités. Contrairement aux « exemples » bidons des médias sur les pensions généreuses dont jouissent moins de 5 % des retraités, les Grecs ont subi les plus importantes réductions de fonds de retraite en Europe au cours du dernier siècle. La troïka a réduit les pensions grecques huit fois au cours des quatre dernières années seulement. La grande majorité des pensions ont été réduites de près de 50 % depuis 2010. La pension moyenne est de 700 euros par mois, mais 45% des retraités grecs reçoivent moins de 665 euros par mois, un revenu se situant sous le seuil de pauvreté. Toutefois, la troïka exige des réductions encore plus importantes.

Celles-ci comprennent la fin des subventions budgétaires pour les retraités vivant dans l’extrême pauvreté, une augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans, l’abolition des dispositions des plans de retraite liées aux travaux dangereux et favorisant les mères au travail. Les mesures régressives antérieures, imposées par la Troïka et mises en œuvre par le régime de coalition d’extrême droite précédent, ont sérieusement épuisé la caisse de retraite grecque. En 2012, le programme de « restructuration de la dette » de la troïka a mené à la perte de 25 milliards d’euros en réserves détenues par le gouvernement grec dans des obligations gouvernementales.

Les politiques d’austérité de la troïka ont veillé à ce que les réserves de la caisse de retraite ne soient pas renouvelées. Les contributions ont chuté lorsque le chômage a grimpé à près de 30 % (Financial Times, 05-06-15, p4). Malgré l’assaut frontal de la troïka sur le régime de retraite grec, l’« équipe économique » de Syriza a exprimé sa volonté d’augmenter l’âge de la retraite, de réduire les pensions de 5 % et de négocier pour trahir à nouveau les retraités qui font face à la misère. Syriza a non seulement manqué à sa promesse de campagne consistant à annuler les politiques régressives précédentes, mais s’est aussi engagé dans ses propres traîtrises « pragmatiques » avec la troïka.

Pire encore, Syriza a intensifié les politiques de ses prédécesseurs réactionnaires. Syriza (1) a promis de geler les privatisations, mais le parti s’engage maintenant à les accroître de 3,2 milliards d’euros et de privatiser d’autres secteurs publics; (2) a accepté de transférer des ressources publiques limitées à l’armée, dont un investissement de 500 millions d’euros pour mettre à jour l’Armée de l’Air grecque; (3) a pillé la caisse nationale de retraite et les trésoreries municipales pour plus d’un milliard d’euros afin de payer la dette à la troïka; (4) a réduit les investissements publics pour la création d’emplois dans des projets d’infrastructure afin de respecter les délais de la troïka; (5) a accepté un excédent budgétaire de 0,6 % au moment où la Grèce a un déficit de 0,7 % cette année, ce qui signifie davantage de réductions plus tard cette année; (6) a promis de réduire la TVA sur les éléments essentiels comme la nourriture, mais accepte aujourd’hui un taux de taxation de 23 %.

La politique étrangère de Syriza imite celle de ses prédécesseurs. Le ministre de la Défense de Syriza, Panos Kammenos, issu de l’extrême droite, était un fervent partisan des sanctions étasuniennes et européennes contre la Russie. Malgré la vague habituelle de fausse « dissidence » face aux politiques de l’OTAN, Syriza a totalement capitulé par la suite, afin de maintenir une bonne réputation au sein de l’OTAN. Le régime de Syriza a permis à tous les kleptocrates et fraudeurs fiscaux bien connus de conserver leur richesse illicite et d’augmenter leurs avoirs à l’étranger grâce au transfert massif de leurs «économies » à l’extérieur du pays. À la fin mai 2015, le Premier ministre et le ministre des Finances, Tsipras Varofakis, ont vidé le trésor public pour effectuer des paiements sur la dette, augmentant ainsi les perspectives que les retraités et les travailleurs du secteur public ne reçoivent pas leurs prestations. Après avoir vidé le Trésor grec, Syriza va maintenant imposer la « solution de la troïka » à la masse grecque appauvrie : ou vous acceptez un nouveau plan d’« austérité », réduisant les pensions, augmentant l’âge de la retraite, éliminant les lois du travail protégeant la sécurité d’emploi et les droits de négociation des travailleurs ou les caisses de l’État seront vides, vous n’aurez pas de pensions, le chômage augmentera et la crise économique s’aggravera. Syriza a délibérément vidé le trésor public, pillé les fonds de pension et les fonds municipaux pour faire du chantage à la population et la pousser à accepter comme un « fait accompli » les politiques régressives de banquiers intransigeants de l’UE, les soi-disant « programmes d’austérité ».

Dès le tout début, Syriza s’est plié aux diktats de la troïka, même lorsqu’il simulait leur « résistance de principe ». Ils ont d’abord menti à l’opinion publique grecque, qualifiant la troïka de « partenaires internationaux ». Ensuite, ils ont menti à nouveau en qualifiant le mémorandum de la troïka pour une plus grande austérité de « document de négociation ». Les tromperies de Syriza étaient destinées à dissimuler le fait qu’il maintenait le « cadre » très impopulaire imposé par le précédent régime discrédité de la droite dure.

Alors qu’il pillait les ressources du pays pour payer les banquiers, Syriza s’est davantage soumis aux puissances étrangères. Son ministre de la Défense a offert de nouvelles bases militaires pour l’OTAN, dont une base aérienne-maritime sur l’île grecque de Karpathos. Le parti a accru l’appui politique et militaire de la Grèce à l’intervention militaire des États-Unis et de l’UE au Moyen-Orient, ainsi que son soutien aux « terroriste modérés », invoquant le prétexte ridicule de « protéger les chrétiens ». Syriza, s’attirant les bonne grâces des sionistes européens et étasuniens, a renforcé ses liens avec Israël, évoquant une « alliance stratégique » avec l’État terroriste pratiquant l’apartheid. Dès les premiers jours de son mandat, Kammenos, le ministre de la Défense de la droite dure, a proposé la création d’un « espace de défense commun » incluant Chypre et Israël, appuyant ainsi le blocus aérien et maritime de Gaza par l’État hébreu.

Conclusion

La décision politique de Syriza d’« intégrer » à tout prix l’UE et la zone euro, signale que la Grèce continuera d’être un État vassal, trahissant son programme et adoptant des politiques profondément réactionnaires, tout en claironnant sa fausse rhétorique gauchiste et en feignant de « résister » à la troïka. Bien que Syriza ait pillé la caisse de retraite nationale et les trésoreries locales, de nombreux gauchistes égarés en Europe et aux États-Unis continuent d’accepter et de rationaliser les décisions du parti qu’ils choisissent de qualifier de « compromis réalistes et pragmatiques ».

Syriza aurait pu confisquer et utiliser 32 milliards de dollars d’actifs immobiliers détenus par les Forces armées grecques afin de mettre en œuvre un plan d’investissement et de développement différent, soit louer ces propriétés à des ports maritimes commerciaux, des aéroports et des installations touristiques.

Syriza a enfoncé la Grèce encore plus profondément dans la hiérarchie dominée par la finance allemande en abandonnant son pouvoir souverain d’imposer un moratoire sur la dette, de quitter la zone euro, gérer les ressources financières, rétablir une monnaie nationale, d’imposer des contrôles de capitaux, de confisquer des milliards d’euros dans les comptes illicites à l’étranger, mobiliser des fonds locaux pour financer la reprise économique et réactiver le secteur public et privé. À plusieurs reprises, le faux « secteur gauche » au sein de Syriza a formulé d’impuissantes « objections », pendant que la mascarade Tsipras -Varofakis procédait à la capitulation ultime.

En fin de compte, Syriza a aggravé la pauvreté et le chômage, augmenté le contrôle étranger sur l’économie, érodé davantage le secteur public, facilité le licenciement des travailleurs et réduit les indemnités de départ, tout en augmentant le rôle de l’armée grecque en resserrant ses liens avec l’OTAN et Israël.

Autre fait tout aussi important, Syriza a totalement vidé la phraséologie gauchiste de toute signification cognitive : pour ses membres, la souveraineté nationale se traduit par la vassalité aux puissances étrangères, et l’anti-austérité consiste à capituler de façon pragmatique devant une nouvelle forme d’austérité. Lorsque l’accord Tsipras-troïka sera finalement signé et que l’opinion publique grecque prendra conscience des ravages que fera l’austérité dans les prochaines décennies, nous espérons que les trahisons susciteront une répulsion massive. Peut-être qu Syriza se divisera et que la « gauche » abandonnera enfin ses postes ministériels tranquilles pour aller rejoindre les millions de mécontents afin de former un autre parti.

Article original en anglais: Syriza: Plunder, Pillage and Prostration: How the ‘Hard Left’ Embraces the Policies of the Hard Right, publié le 15 juin 2015.

Traduction: Julie Lévesque pour Mondialisation.ca

Source : James Petras, pour Global Research Canada, le 15 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/syriza-le-pillage-et-leffondrement-quand-la-gauche-dure-epouse-les-politiques-de-la-droite-dure/


Document: l’intégralité des propositions grecques à la Commission Européenne

Thursday 2 July 2015 at 02:49

JEUDI, 25 JUIN, 2015
L’Humanité.fr publie l’intégralité des propositions du gouvernement grec soumises à la Commission Européenne. Ce sont les réformes et projets législatifs que le gouvernement entend entreprendre et mettre en œuvre pour sortir de l’impasse imposée par ses usuriers.

Monsieur le Président,

Vous trouverez ci-joint la proposition complète du gouvernement grec. Ce sont les réformes et projets législatifs que le gouvernement grec va entreprendre et mettre en œuvre avant la fin de l’extension de l’accord cadre d’assistance financière du 20 février 2015. De plus, j’aimerais vous informer du fait que la réponse du gouvernement grec aux exigences des institutions pour couvrir le déficit prévisionnel 2015-2016 a été absolue et complète.

Plus spécifiquement, l’évaluation des institutions a conclu que les mesures fiscales appropriées devraient permettre d’atteindre des objectifs budgétaires équivalents à 1 % du PIB en 2015 et à 2 % du PIB en 2016. Par conséquent, les mesures ci-jointes devraient atteindre 1,5 % du PIB en 2015 et 2,87 % du PIB en 2016.

Les propositions du gouvernement grec aux institutions européennes et au FMI prévoient une augmentation des ressources publiques, uniquement par des mesures paramétriques, à hauteur de 1,51 % du PIB pour 2015 et 2,87 % du PIB pour 2016.

En parallèle, les marges dégagées par les mesures administratives qui sont proposées vont compter, une fois cumulées, pour 0,91 % du PIB en 2015 et 1,31 % du PIB en 2016. Considérant les faits ci-dessus, il est clair qu’il n’y a pas de dérapage fiscal et que les objectifs prescrits ont été dépassés.

Bien cordialement,

Alexis Tsipras.

LES RÉFORMES POUR LA RÉUSSITE DU PROGRAMME ACTUEL ET AU-DELÀ.

Ce document présente un résumé complet des réformes et projets législatifs que le gouvernement grec va entreprendre avant la fin de la prolongation de l’accord-cadre d’assistance financière du 20 février 2015. Il est présenté aux partenaires de la Grèce dans le but de compléter la révision de l’accord actuel avec pour date butoir la fin juin 2015, dans le but que les Grecs et leurs partenaires puissent lancer un nouveau partenariat et ouvrir un nouveau chapitre pour la Grèce qui donne des perspectives au peuple, chez les jeunes et les chômeurs.

Ces propositions de réformes font partie d’une approche intégrée reposant sur trois piliers qui comprennent un nouvel accord financier et un soutien des partenaires européens à la croissance et à l’investissement. Sur le financement, l’achèvement de cette révision va débloquer des financements à court-terme qui permettront au gouvernement grec de respecter ses obligations immédiates et ainsi autoriser une stabilisation de l’économie. Il va aussi conduire à un accord sur le financement à moyen terme qui permettra à la Grèce de regagner durablement un accès au marché.

Ces réformes mettront du temps à porter leurs fruits tandis que la sortie de crise à long terme nécessitera des financements privés, la relance des flux d’investissements exigera un coup de pouce initial. La Grèce doit pouvoir bénéficier des moyens substantiels disponibles grâce au budget de l’UE et de la Banque européenne d’investissement pour soutenir les efforts de réforme et les investissements. Sur la période 2007-2013, la Grèce était éligible à des subventions à hauteur de 38 milliards d’euros, elle doit pouvoir bénéficier du montant restant actuellement sous cette enveloppe. Sur la période 2014–2020, plus de 35 milliards d’euros de fonds européens sont disponibles pour la Grèce. Pour aider à leur absorption, le plan européen d’investissement de la Commission européenne devrait fournir une source d’investissements additionnels ainsi qu’une assistance technique pour que les investisseurs privés ou publics puissent promouvoir et développer des projets fiables et de haute qualité à financer. Ces investissements aideront également l’État grec dans son combat contre la pauvreté, pour l’emploi et dans ses initiatives d’inclusion sociale. Nous comprenons que la Commission européenne est prête à adopter immédiatement un plan de cette nature et nous comptons sur le soutien des autres institutions européennes.

Les actions, législatives ou autres, énumérées ci-dessous, seront entreprises après consultation avec les institutions, dans la fidélité à l’esprit de la déclaration de l’Eurogroupe du 20 février 2015. Le gouvernement grec est prêt à confirmer par un vote au Parlement dans les tout prochains jours son soutien total à l’application de cette série de réformes, dont la nécessaire législation sur la TVA et d’autres mesures nécessaires pour atteindre les objectifs budgétaires fixés.

Affronter la crise sociale et renforcer la justice dans la société

La crise économique a eu un impact sans précédent sur la protection sociale des citoyens grecs. La plus urgente des priorités pour le gouvernement est de fournir un soutien immédiat aux plus vulnérables pour les soulager du poids de la crise économique. Un ensemble de mesures humanitaires sur la nourriture, le logement et l’accès à la santé a déjà été adopté, il est en cours d’application. Permettre aux gens de retourner au travail, éviter l’enracinement du chômage de longue durée relève d’une mission collective. Les autorités, en collaboration avec les partenaires européens, vont initier des mesures pour favoriser la création de 50 000 emplois, en ciblant les jeunes, les femmes, les seniors et les chômeurs de longue durée.

Pour une société plus juste, il faudra que la Grèce améliore son système de protection sociale, avec un filet de sécurité orientant les ressources limitées vers ceux qui en ont le plus besoin. Un régime de revenu minimum garanti ne devrait pas sur le long terme reposer sur la réduction des prestations en nature, notionnelles au revenu réel, sous réserve des règles minimales de cotisation requises (iii), réviser et rationaliser tous les différents systèmes de base (iv), les principaux éléments d’une consolidation des fonds de sécurité sociale (SSFs), y compris toute harmonisation restante des cotisations, des règles de versements des prestations, des règles et des procédures d’un fonds à l’autre (v), l’abolition de la plupart des charges au nom de « tiers » (frais de nuisance) dans le financement des retraites et des compensations en réduisant les prestations ou en augmentant les cotisations aux fonds spécifiques avec effet à partir de [spécifier] ; et (vi) harmoniser les règles des prestations de retraite du fonds agricole (OGA) avec le reste du système de retraite d’une manière proportionnelle (à moins qu’OGA soit fusionné avec d’autres fonds). Cela doit être fait après consultation avec les partenaires sociaux et en plein accord avec les institutions.

La fusion des caisses d’assurance sociale se déroulera en deux phases sur une période de trois ans. En 2015, cette démarche se concentrera sur la fusion des caisses d’assurance sous une seule et même entité, et la première phase de leur fusion opérationnelle se terminera le 31 décembre 2016. L’objectif sera de sécuriser les prochaines réductions de dépenses de fonctionnement grâce à une gestion plus efficace des ressources des caisses, ce qui implique d’équilibrer les besoins entre les fonds les mieux dotés et les moins bien dotés. La codification du droit des assurances s’achèvera dans un futur immédiat et correspondra à l’organisation, plus intégrée, du système de sécurité sociale rénové. Enfin, le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour compenser l’impact budgétaire provoqué par le récent jugement de la Cour constitutionnelle à propos des éléments des retraites de 2012.

Mesures budgétaires paramétriques supplémentaires

Le gouvernement, dans le cadre du budget complémentaire qui doit être adopté en juin 2015, adoptera une série de mesures fiscales paramétriques supplémentaires qui auront un impact durable sur les finances publiques (voir annexe 1 pour une liste des mesures et des recettes). Cela inclura :

• Réduire les dépenses militaires de 200 millions d’euros avec un ensemble d’actions ciblées ;

• Augmenter, en 2015, la contribution de solidarité, dont les taux doivent être progressifs. En septembre 2015, les autorités reverront également l’architecture du Code de l’impôt sur le revenu pour les revenus de 2016, afin d’atteindre plus efficacement la progressivité du système d’impôt sur le revenu, tout en simplifiant le barème du crédit d’impôt sur le revenu ;

• Introduire une réforme du Code de l’impôt sur le revenu, couvrant, entre autres, l’imposition du capital, les instruments de placement, les agriculteurs et les travailleurs indépendants ;

• Augmenter l’impôt sur les sociétés de 26 % à 29 % en 2016 ;

• Pour des raisons de justice sociale, aucune mesure ponctuelle supplémentaire pour atteindre les objectifs budgétaires ne devrait peser sur les pauvres. En ce sens, la taxe spéciale sur les bénéfices des sociétés supérieurs à 500 000 euros devrait s’établir à 12 % comme une mesure ponctuelle pour répondre à l’objectif budgétaire pour 2015 ;

• Introduire une taxe sur les publicités à la télévision, et un appel d’offres public international sera publié pour l’acquisition de licences de télévision en échange d’une redevance pour l’acquisition et l’utilisation des fréquences concernées ;

• Étendre la mise en œuvre de la taxe sur les produits de luxe, sur les bateaux de plaisance de plus de 10 mètres et l’augmentation de son taux de 10 à 13 %, avec une entrée en vigueur à partir de la collecte de l’impôt sur le revenu 2014 et au-delà ;

• En cas de révision de la valeur de la propriété foncière dans une zone, ajuster les taux de l’impôt foncier si nécessaire pour préserver les revenus 2015 et 2016 de l’impôt foncier à 2,65 milliards d’euros et ajuster la taxe alternative minimum sur le revenu individuel ;

• Renforcer la collecte de la TVA faisant l’objet de fraude carrousel notamment par l’application de mesures de lutte contre la fraude. Les autorités présenteront une demande au comité TVA de l’UE et prépareront une évaluation des effets d’un relèvement du seuil de la TVA à 25 000 euros,

• Mettre en place des déductions fiscales spéciales pour les résidents permanents sur les îles grecques dont les niveaux de revenus sont faibles ;

• Promouvoir le recours aux paiements électroniques, en faisant usage des fonds structurels et d’investissement européen pour faciliter l’adoption de ces pratiques ;

• Éliminer la retenue à la source transfrontalière introduite par la loi sur les versements (loi XXXX / 2015) et annuler les récentes modifications au Code de l’impôt sur le revenu dans la loi sur l’administration publique ( loi XXXX / 2015) , y compris le traitement spécial du revenu agricole ;
• Le gouvernement mettra en œuvre la fiscalité sur le produit brut des jeux (PBJ), avec une taxe de 30 % sur les machines à sous qui devrait entrer en vigueur pour le second semestre 2015 et en 2016 ;

• Générer des revenus par le biais de la délivrance de licences 4G et 5G et aussi contracter des remises pharmaceutiques.

Les réformes de l’administration fiscale

La capacité de perception des impôts a été entravée par une longue histoire de législation compliquée. Mauvaise administration, ingérence politique et amnisties généreuses, avec une imposition souffrant d’une faiblesse chronique. Pour rompre avec ces pratiques et améliorer la culture de paiement de l’impôt, les autorités veulent :

• Adopter une législation créant un organisme fiscal et douanier indépendant qui sera complètement fonctionnel d’ici la fin juin 2016 ;

• Mettre en œuvre des mesures de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale et renforcer l’imposition par l’amélioration des outils de collecte tels que les saisies-arrêts ;

• Modifier la législation sur les versements à l’exclusion de ceux qui ne parviennent pas à s’acquitter de leur dette et réduire les délais de paiement pour ceux qui ont la capacité de payer plus tôt ;

• Combattre la contrebande de carburant, en adoptant des mesures législatives pour localiser les réservoirs de stockage (fixes ou mobiles), qui sont utilisés pour déplacer l’essence de contrebande ;

• Intensifier les contrôles sur les transactions bancaires, avec la mise en œuvre d’un plan combiné pour détecter des dépôts issus de revenus non déclarés de citoyens grecs pour la période 2000-2014 dans les établissements bancaires en Grèce ou à l’étranger, en progressant à partir de septembre 2015 vers l’authentification des impôts impayés et le début de leur recouvrement ;

• Prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées en vue de la collecte en temps opportun des catégories de recettes publiques, y compris les amendes pour non-respect du contrôle technique automobile, pour les véhicules non assurés et les prélèvements pour l’utilisation non autorisée de fréquences ;

• Promulguer des dispositions immédiates pour percevoir les impôts dus sur des biens non déclarés qui seront révélés aux autorités grecques en liaison et en accord avec les autorités des pays où ces montants sont déposés par les citoyens grecs ;

• Adopter des mesures pour restructurer le cadre juridique existant du recouvrement de l’impôt, y compris en modifiant la législation actuelle afin de fournir à l’administration fiscale la possibilité de planifier ses priorités en matière de contrôle fiscal sur la base de l’analyse des risques et non pas, comme c’est le cas actuellement, sur la base de l’année d’ancienneté (c-à-d. l’année de radiation). L’option de radier les vieilles créances irrécouvrables sera mise en place par la loi pour faciliter le contrôle de ces cas les plus susceptibles de produire des revenus ;

• Laisser la possibilité d’un règlement administratif des cas qui n’ont pas encore été examinés par les tribunaux et sont pendants à différentes étapes d’une procédure administrative ou judiciaire en vue de finaliser irrévocablement le montant de la dette et à authentifier et collecter immédiatement.

Gestion des finances publiques

Les autorités s’engagent à poursuivre les réformes qui visent à améliorer les contrôles du processus budgétaire et des dépenses, l’apurement des arriérés, et le renforcement des rapports de gestion budgétaire et de trésorerie. Les autorités adopteront encore des réformes des codes de l’impôt sur le revenu et des procédures fiscales, avec l’introduction d’une nouvelle loi pénale sur l’évasion fiscale et la fraude.

La deuxième phase des amendements à la loi organique relative aux lois de finances sera adoptée immédiatement afin que la Cour des comptes limite les audits ex ante, à condition qu’un mécanisme ex ante efficace pour les audits soit mis en place.

Le Conseil fiscal sera pleinement opérationnel.

Les autorités présenteront un plan pour procéder à l’apurement des arriérés, aux remboursements d’impôt et au traitement des demandes de pension d’ici à la fin 2016. Le gouvernement fera en sorte que les cotisations de sécurité sociale inscrites au budget soient transférées des fonds de sécurité sociale aux fonds de santé et aux hôpitaux de manière à éliminer le stock des arriérés liés à la santé.

Sur les soins de santé, un certain nombre de mesures seront prises immédiatement pour : (i) rétablir la pleine prescription en dénomination commune internationale (DCI), sans exceptions ; (ii) réduire le prix de tous les médicaments hors brevet et de tous les génériques du prix du brevet, en abrogeant la clause d’antériorité pour les produits médicaux qui étaient déjà sur le marché en 2012 ; (iii) examiner et limiter les prix des tests de diagnostic pour mettre les dépenses structurelles en conformité avec les objectifs de recouvrement ; (iv) collecter complètement le recouvrement 2014 pour les cliniques privées, les diagnostics et les produits pharmaceutiques, et étendre les plafonds de recouvrement de 2015 à 2016.

Préserver la stabilité financière

Toutes les actions politiques nécessaires seront prises pour préserver la stabilité financière globale et les autorités restent déterminées à préserver suffisamment de liquidités dans le système bancaire en conformité avec les règles de l’Eurosystème, y compris par la présentation trimestrielle des plans de financement à la Banque de Grèce pour assurer le suivi et l’évaluation continue.

La gestion privée des banques grecques sera respectée, et le gouvernement n’interviendra pas dans le processus décisionnel et dans la gestion au jour le jour des banques, qui continueront à fonctionner selon les principes du marché. Les administrateurs et les hauts cadres des banques seront nommés selon le cadre existant et en conformité avec la législation de l’UE et les meilleures pratiques internationales, en tenant compte des règles spécifiques de la loi sur le Fonds hellénique de stabilité financière en ce qui concerne les droits des actionnaires privés qui ont participé à des augmentations de capital des banques dans ce cadre. L’indépendance du Fonds hellénique de stabilité financière sera pleinement respectée. Aucune décision de politique budgétaire qui porterait atteinte à la solvabilité des banques ne sera prise.

Les autorités grecques vont légiférer sur le cadre de l’insolvabilité des entreprises et des ménages, avec des réformes l’harmonisant avec les bonnes pratiques internationales ; elles introduiront une profession d’administrateur judiciaire, non limitée à une profession spécifique, en conformité avec une bonne expérience transfrontalière ; elles modifieront la loi sur les règlements à l’amiable et développeront une stratégie globale pour le système financier.

Cette stratégie visera le retour des banques à la pleine propriété privée en attirant des investisseurs internationaux et l’achèvement à moyen terme d’un modèle de financement durable. Les autorités vont continuer à développer et à mettre en œuvre rapidement une stratégie globale pour traiter la question des prêts irrécouvrables, en s’appuyant sur l’expertise de conseils stratégiques externes tant pour le développement de la stratégie que pour sa mise en œuvre. Elle comprendra également la création d’un filet de sécurité sociale, avec des mesures de soutien pour les débiteurs les plus vulnérables (notamment un moratoire temporaire sur les ventes aux enchères), en distinguant les emprunteurs volontairement défaillants des débiteurs de bonne foi, en renforçant et en simplifiant les procédures pour traiter à temps les arriérés importants.

Les marchés du travail

Au cours des dernières années, des changements importants ont été apportés aux institutions du marché du travail grec et aux systèmes de négociation salariale. Les autorités grecques se sont engagées à réaliser mettre en œuvre les meilleures pratiques de l’UE en matière de législation du marché du travail, par un dialogue constructif entre les partenaires sociaux. Cette approche ne doit pas seulement réaliser l’équilibre entre flexibilité et équité pour les salariés et les employeurs, elle doit aussi prendre en considération le nombre très élevé de chômeurs. Ceci peut être réalisé par la modernisation de la législation, à travers un processus de consultation des partenaires sociaux et en tirant profit du travail de think tanks ainsi que de celui d’organisations internationales telles que l’OCDE et l’OIT.

Les autorités examineront à travers un processus de consultation, les cadres existants pour la négociation collective et les relations au travail, en tenant compte des meilleures pratiques ailleurs en Europe. Des organisations internationales, y compris l’OIT, pourront contribuer à cet examen. En outre, les autorités prendront des mesures pour lutter contre le travail non déclaré dans le but de renforcer la compétitivité des entreprises et de protéger les travailleurs ainsi que les recettes fiscales et de sécurité sociale.

Les marchés de produits

Des marchés plus ouverts sont essentiels pour améliorer l’équité sociale en réduisant les comportements rentiers et les monopoles, qui se traduisent par des prix plus élevés et des niveaux de vie inférieurs. Les autorités vont intensifier leurs efforts pour mener à bien les principales initiatives et propositions de réforme, en misant sur l’expertise technique des institutions, y compris l’OCDE et la Banque mondiale. Les autorités devront légiférer pour :

• Mettre en œuvre les outils révisés de l’OCDE qui, faisant suite aux travaux de l’OCDE en collaboration avec les autorités grecques, comprendront une diversité de marchés de produits et d’autres domaines de réformes structurelles ;

• Ouvrir les professions réglementées et libéraliser les marchés spécifiques, y compris ceux des locations touristiques et du transport par ferry ;

• Éliminer certains frais de nuisance que les entreprises et les particuliers sont appelés à payer et qui sont disproportionnés par rapport au service qu’ils reçoivent ;

• Réduire les formalités administratives, y compris sur les exigences d’octroi de licences horizontales pour les investissements et les activités à faible risque, en collaboration avec la Banque mondiale, établir un comité pour la préparation de la législation.

La réforme des retraites

Les réformes des retraites de 2010 et 2012 ont partiellement amélioré la durabilité du système de retraites, qui était auparavant fragmenté, coûteux et basé sur des charges insoutenables renvoyées aux générations futures. Mais au-delà, des mesures beaucoup plus ambitieuses et courageuses sont requises pour compléter ces réformes et lutter contre les risques que les conséquences de la crise font peser sur le système de retraites, avec la chute des cotisations liée aux niveaux élevés de chômage, tandis que la pression des dépenses devient plus forte, de nombreux citoyens optant pour une retraite anticipée. Pour répondre à ces questions, les autorités se sont engagées à procéder à des réformes en deux phases.

Un premier paquet de mesures sera adopté immédiatement, visant 1,05 % du PIB en économies additionnelles par an d’ici à 2016. L’impact budgétaire des mesures énumérées ci-dessous passera à 1,1 % du PIB en 2017. Avec ces objectifs, les autorités vont:

• Adopter une législation pour créer de fortes contre-incitations à la retraite anticipée en ajustant les pénalités pour retraite anticipée et en éliminant progressivement la possibilité de partir avant l’âge légal de la retraite et les voies de départ anticipé à la retraite, dispositions applicables à tous ceux qui prennent leur retraite (sauf pour les professions pénibles, les mères avec des enfants handicapés et d’autres catégories très spécifiques) après le 1er janvier 2016. Grâce à un décret immédiatement mis en œuvre, des dispositions seront prises pour l’adaptation progressive de règles de retraite anticipée telles que d’ici 2025 le plus jeune âge de départ à la retraite soit de 67 ans, tout en préservant les droits acquis. Les retraits du fonds d’assurance sociale feront encourir une pénalité pour la période de prolongation de l’âge de la retraite équivalente à 10 points de pourcentage au-dessus de la peine actuelle de 6 % ;

• Intégrer tous les fonds de pension complémentaires dans le Fonds unifié d’assurances complémentaires ;

• Mieux cibler les pensions sociales en augmentant les pensions agricoles des retraités non assurés et réorienter ainsi les ressources vers ceux qui en ont besoin ;

• Remplacer progressivement l’allocation de solidarité pour les pensions, entre 2018 et 2020. Cette réforme sera liée à la deuxième phase de la réforme des retraites prévue en septembre 2015 et pourra bénéficier du réexamen prévu du système de protection sociale, lorsque la dotation de solidarité est remplacée par un cadre approprié qui fournit un soutien ciblé à des retraités qui en ont besoin

• Augmenter la contribution santé des retraités à 5 % en moyenne, en tenant compte de la capacité de payer. Cela devrait également concerner les retraites complémentaires ;

• Augmenter les cotisations de santé pour les retraites complémentaires de 0 % à 5 % ;

• Augmenter le taux de cotisation de sécurité sociale pour les fonds supplémentaires de 3 % à 3,5 % ;

• Accroître la contribution des pensions principales de 3,9 % – IKA (niveau précédent).

Pour compléter l’ensemble, les autorités vont, dans la deuxième phase des réformes, établir, à partir d’octobre 2015, un lien plus étroit entre cotisations et bénéfices dans le cadre de l’intégration et du financement tripartite des fonds exceptionnels. Dans la conception de ces réformes, le gouvernement fera en sorte que le fardeau de l’ajustement soit juste, pour protéger les ménages les plus vulnérables tout en évitant des charges excessives sur les générations futures, et favorisera l’établissement d’un lien clair entre les cotisations et les droits de manière à inciter au travail déclaré et à prolonger la vie active. À cette fin, les autorités, se fondant sur une étude actuarielle et en collaboration avec le Groupe de travail de l’UE sur le vieillissement, va légiférer :( i) sur une conception spécifique et des améliorations paramétriques pour établir un lien étroit entre cotisations et prestations ; (ii) sur l’élargissement et la modernisation de la base de cotisation et de pension pour tous les travailleurs indépendants, y compris par la commutation à partir de laquelle la Grèce dépense actuellement bien moins que la moyenne européenne. Les autorités prévoient de bénéficier de l’assistance technique fournie par des organisations internationales.

Des finances publiques durables qui soutiennent la croissance et l’emploi

Les finances publiques ont maintenant une assise plus durable que durant la période pré-crise, bien que la situation budgétaire se soit détériorée au cours des derniers mois en raison des incertitudes. Cette consolidation a exigé, cependant, une réduction dramatique des investissements et des services publics essentiels, qui devront se relever progressivement afin de soutenir le potentiel de croissance. En outre, le fardeau de l’ajustement budgétaire a pesé plus lourd sur certains groupes, en particulier les travailleurs. Cela sera corrigé par l’élargissement de l’assiette fiscale, la suppression des échappatoires et des exemptions qui ont dispensé certains groupes de porter une part équitable du fardeau de l’ajustement.

Les autorités grecques s’engagent à assurer des finances publiques viables et durables et des excédents primaires à moyen terme qui permettront de réduire la dette régulièrement, en conformité avec les excédents primaires d’autres économies de la zone euro dont les niveaux d’endettement public sont élevés. La trajectoire des objectifs budgétaires est compatible avec les taux de croissance attendus de l’économie grecque, qui se remet de sa pire récession enregistrée. Pour démontrer son engagement en faveur de politiques budgétaires crédibles, les autorités grecques :

• à compter du 1er juillet, adopteront un budget complémentaire pour 2015 et une stratégie budgétaire à moyen terme 2016-19, soutenue par un ensemble de mesures évaluables et crédibles ;

• poursuivront une nouvelle trajectoire budgétaire fondée sur un excédent primaire de 1, 2, 3 et 3,5 % du PIB respectivement en 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

• fonderont leur stratégie budgétaire sur les mesures paramétriques qui équivalent à quelque 2,87 points de PIB d’ici à 2016, dont 0,74  point du PIB proviendrait d’une simplification importante du système de la TVA et 1,05 % du PIB proviendrait d’une réforme structurelle des retraites. Un paquet supplémentaire de mesures paramétriques fourniront 1,08 % du PIB, y compris les réformes attendues depuis longtemps pour combler les lacunes du système fiscal et réduire les dépenses sur des postes comme la défense, où de nouvelles économies sont encore possibles.

Ces mesures paramétriques seront soutenues par un large éventail de mesures administratives visant à combler les failles dans la collecte de l’impôt : ces mesures mettront du temps à porter leurs fruits, mais offriront un rendement financier significatif à l’avenir.

Réformes de la TVA

La Grèce dispose d’un système de TVA très fragmenté. Dans le cadre de leur engagement à améliorer la collecte de la TVA, les autorités devront adopter des lois modifiant les paramètres pour élargir considérablement la base de l’impôt à un taux standard de 23 %. Reflétant le besoin de protéger le revenu disponible des ménages à faibles et moyens revenus, un taux réduit de 13 % sera appliqué à un ensemble limité de produits incluant l’énergie, les aliments de base, la restauration et, pour des raisons de compétitivité, l’hôtellerie. Il y aura également un taux super-réduit de 6 % sur les produits médicaux et les livres. Dans le cadre des efforts visant à favoriser l’équité, la réforme permettra d’éliminer les réductions, y compris sur les îles, et de rationaliser les exemptions. Ces modifications législatives de paramètres vont générer un rendement financier annuel de 0,74 % du PIB et seront combinées à des mesures administratives pour combattre la fraude et accroître la conformité.

Privatisations

Les autorités grecques se sont engagées à approuver et à procéder à un ambitieux programme de privatisations. La politique de privatisations et l’utilisation des biens publics et privés seront soumises aux conditions suivantes :

• Un niveau minimum d’investissement pour chaque privatisation ;

• La protection des droits du travail ;

• Des engagements afin d’assurer des avantages aux économies sociales locales ;

• La participation publique (probablement une minorité) significative dans le capital ;

• La protection de l’environnement naturel et du patrimoine culturel.

Les objectifs annuels (à l’exclusion des actions bancaires) pour 2015, 2016 et 2017 sont respectivement de 1,4 milliard d’euros, 3,7 milliards d’euros et 1,2 milliard d’euros. Parmi les autres mesures, les autorités prendront des mesures irréversibles immédiates pour la vente d’aéroports régionaux [des terrains de l’ancien aéroport d’Hellinikon], pour finaliser les termes de la vente des ports du Pirée et de Thessalonique et de l’opérateur ferroviaire, et pour avancer sur l’offre de concession de l’aéroport international d’Athènes. Pour les projets immobiliers, le Fonds de développement des avoirs de la République hellénique fixera des objectifs annuels compatibles avec l’objectif global de recettes de privatisation.

Énergie

Les autorités vont adopter la réforme du marché du gaz et sa feuille de route spécifique, et la mise en œuvre devrait suivre. Elles adopteront et mettront en œuvre la réforme des paiements de capacité et d’autres règles du marché de l’électricité, reverront les tarifs de PPC [la Compagnie publique d’électricité] en fonction des coûts et notifieront les produits de la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Les autorités vont également continuer la mise en œuvre de la feuille de route pour le modèle cible de l’UE dans le marché de l’électricité conformément aux règles de l’UE sur le dégroupage, et en prenant toutes les mesures possibles pour accroître la concurrence dans la production et la promotion de l’investissement.

Les autorités devront préparer un cadre pour le soutien aux énergies renouvelables et pour revoir la fiscalité de l’énergie. Les autorités devront apurer les arriérés du secteur public de PPC et renforcer l’indépendance financière et opérationnelle de l’organisme de réglementation de l’électricité. Les autorités vont introduire un nouveau régime pour le développement de projets de sources d’énergies renouvelables (SER) et pour la mise en œuvre de projets d’efficacité énergétique. Le gouvernement présentera une loi de ratification de la directive 27/2012 sur l’efficacité énergétique et introduira un nouveau plan pour la mise à niveau des réseaux d’électricité afin d’améliorer les performances, améliorer l’interopérabilité et réduire les coûts pour toutes les catégories de consommateurs.

Administration publique

Les autorités devront adopter une législation pour une réforme de la grille salariale unifiée à compter du 1er janvier 2016, en conformité avec les objectifs de la masse salariale convenus, y compris la décompression de la distribution des salaires dans le cadre de la compétence, la performance et la responsabilité du personnel. Des actes législatifs secondaires sont nécessaires pour mettre en œuvre la nouvelle grille des salaires unifiée, avec un point de départ garanti des salaires de chaque employé à partir du 31/12/2014, et une législation visant à rationaliser les grilles de salaires spécialisés sera adoptée d’ici fin novembre 2015. Les autorités définiront un kit de plafond des salaires dans les nouveaux MTFS, et le niveau de l’emploi public sera compatible avec la réalisation des objectifs budgétaires et la trajectoire décroissante de la masse salariale par rapport au PIB jusqu’en 2019. Ils aligneront les avantages non salariaux dans l’administration publique avec les meilleures pratiques de l’UE.

Les autorités vont examiner et mettre en œuvre la législation pour les responsables de recrutement et l’évaluation du rendement de tous les employés, et compléter l’embauche de nouveaux responsables de recrutement d’ici à la fin de l’année. Ils vont continuer à identifier les cas passés d’embauches illégales et d’injonctions temporaires, et prendre des mesures appropriées.

Justice

Les autorités vont légiférer et mettre en œuvre le nouveau Code de procédure civile en accord avec les institutions. Elles vont proposer de nouvelles mesures pour réduire l’arriéré des affaires dans les tribunaux administratifs. Les autorités continueront aussi à travailler en étroite collaboration avec les institutions européennes et l’assistance technique sur la modernisation du système judiciaire, y compris par des initiatives dans le domaine du e-gouvernement (e-justice), de la médiation et des statistiques judiciaires.

Lutte contre la corruption

Les autorités vont examiner et présenter un nouveau plan stratégique contre la corruption (transparence) à la fin juillet. À cette fin, elles ont mis en place un groupe de travail avec la participation de représentants du ministère de la Justice et du secrétariat général pour la lutte contre la corruption.

Les autorités vont modifier et mettre en œuvre le cadre juridique de la déclaration de patrimoine et du financement de l’intervention politique dans des cas individuels. Elles devront également assurer une bonne coordination et le partage d’informations entre les organes d’enquête par un organe de coordination entre les procureurs des finances et les procureurs anti-corruption.

Statistiques : Les autorités grecques devront adopter une législation pour renforcer la gouvernance et l’indépendance d’ELSTAT, et assurer son bon accès aux données administratives.

 

ANNEXE 1

Mesures fiscales 2015/2016

Mesures analytiques paramétriques / GrGov

TVA: 0,38 % / 0,74 %

Réforme de la TVA : 680/1360

PENSIONS: 0,37 % / 1,05 %

Restrictions des retraites anticipées (comptabilité d’exercice) : 60/300

Augmentation de la contribution pour les retraites principales de 3,9 % – IKA (niveau de l’année précédente): 350/800

Augmentation des cotisations de santé pour les retraités de 4 % à 5 % – principale : 135/270

Augmentation des cotisations de santé pour les retraités de 0 % à 5 % – complémentaire : 0/240

Augmentation de la contribution de fonds supplémentaires de 3 % à 3,5 % : 120/250

ENTREPRISES & IMPÔT : 0,66 % / 0,58 »%

Taxe spéciale de 12 »% sur les bénéfices des sociétés au-dessus de 0,5 million : 945/405

Augmentation de l’impôt sur le revenu des sociétés de 26 % à 29 % : 0/410

Augmentation du taux de contribution de solidarité au PIT : 220/250

Autres mesures : 0,10 % / 0,50 %

Dépenses de défense : 0/200

Taxe sur la publicité : 100/100

Augmentation de la taxe sur les produits de luxe, y compris yachts privés : 47/47

ALV : 35/225

Licences 4G et 5G : 0/350

Mesures paramétriques : 2692/5207

% PIB : 1,51 % / 2,87 %

Source : http://www.humanite.fr

 

Source: http://www.les-crises.fr/document-lintegralite-des-propositions-grecques-a-la-commission-europeenne/


La Grèce au XXe siècle : Grecs courageux

Thursday 2 July 2015 at 00:24

Fainéants, fraudeurs, inciviques, ingrats… Les Grecs ont tous les défauts du monde si l’on en croit certains commentaires de la presse européenne.

Il est une qualité toutefois qu’on ne saurait leur dénier, le courage. Et aussi la résilience, la capacité à surmonter les épreuves, notamment celles qu’ils ont subies au cours du XXe siècle du fait des Turcs, des Allemands ou encore des Britanniques.

De la « Grande Catastrophe » à l’agression italienne (1922-1940)

Pour la Grèce, le cycle ouvert par les guerres balkaniques en 1912 s’achève en 1922 par la « Grande Catastrophe » : l’arrivée dans ce petit pays pauvre (4,7 millions d’habitants) de 1,5 million de réfugiés, souvent démunis de tout, chassés « à chaud »de la République turque en gestation ou « échangés » en vertu du traité de Lausanne (24 juillet 1923).

Évacuation de Smyrne à partir du 15 mai 1919

La société grecque sort durablement déstabilisée de cette décennie de conflits. Le 4 août 1936, le général Ioánnis Metaxás instaure une dictature inspirée du fascisme italien, sous l’autorité du roi Georges II.

Ioannis Metaxas (1871-1941)

Malgré cette proximité idéologique, Mussolini attaque la Grèce le 20 octobre 1940.

Metaxás repousse l’ultimatum italien. Son« Όχι » (Non) provoque un enthousiasme patriotique auquel participe jusqu’au Parti communiste (KKE), persécuté la veille encore.

Bien qu’inférieure en nombre et plus encore en matériel, l’armée hellénique repousse l’attaque lancée depuis l’Albanie jusqu’à plus de 50 km au nord de la frontière. Mais du même coup, elle contraint Hitler à sauver son allié de l’humiliation.

Les troupes allemandes pénètrent en Grèce le 6 avril 1941.

L’occupation allemande (1941-1945)

Metaxás meurt de maladie en janvier 1941 et le général Georgios Tsolakoglou capitule en Macédoine occidentale.

Par une décision sans équivalent, Hitler lui-même rend hommage à la combattivité des Grecs en libérant les prisonniers de guerre… dont beaucoup constitueront les premiers maquis !

Les Allemands hissent la croix gammée au-dessus de l'Acropole le 27 avril 1941 (Bundesarchiv)

Le 27 avril 1941, la croix gammée flotte sur l’Acropole.

Tandis que le roi, le Premier ministre et une partie des troupes se replient en Crète, la Résistance s’active dans le pays.

Dès l’arrivée des nazis sur l’Acropole, l’evzone qui avait la garde du drapeau grec s’en enveloppe et se jette dans le vide ; puis le 30 mai 1941, deux étudiants, Manólis Glézos et Lakis Sandas, en arrachent le drapeau nazi.

En ville, les manifestations populaires contre les occupants se multiplient, contraignant par exemple les nazis, cas unique, à renoncer au Service du travail obligatoire.

Les maquis eux-mêmes débordent d’activité et font par exemple sauter le viaduc du Gorgopotamos, ce qui a pour effet de couper le chemin de fer de Thessalonique au Pirée qui approvisionne l’Afrikakorps.

Dans les régions montagneuses où Italiens et Allemands n’osent plus s’aventurer, la population expérimente des formes inédites d’autogouvernement.

La répression est d’autant plus sauvage : après la Pologne et l’URSS, la Grèce connaîtra les pertes humaines et matérielles les plus considérables en Europe (8% à 9% de morts dans la population ; 1,5% en France) sans compter une famine qui tuera entre 250.000 et 300.000 des 7,36 millions de Grecs.

Cynisme britannique

Dès la fin 1942, Churchill crée les conditions d’une autre tragédie en préparant le retour du roi, bien que celui-ci ait été discrédité par son rôle sous le régime Metaxás. Les agents britanniques favorisent par l’argent et les armes les mouvements monarchistes au détriment de l’EAM/ELAS (Front national de libération/Armée populaire grecque de libération), marqué à gauche et sous influence communiste.

Les juifs de Thessalonique (80% des juifs de Grèce) sont déportés entre mars et août 1943 : plus de 75% des 48.974 juifs de Grèce du Nord sont gazés à Auschwitz dès leur arrivée, et une centaine affectés au Sonderkommando.

La terreur se déchaîne à la périphérie des bastions des maquis. Wehrmacht et SS y brûlent les récoltes, tuent le bétail, empoisonnent les puits. 2300 otages sont exécutés dans le seul Péloponnèse de novembre 1943 à juillet 1944 ; d’autres sont encagés en tête des trains afin de dissuader les saboteurs. Les Allemands multiplient les« Oradour » : 700 hommes et adolescents de Kalavryta, à l’est de Patras, sont massacrés à la mitrailleuse le 13 décembre 1943.

Femmes rescapées du massacre de Distomo (10 juin 1944)

Komeno de l’autre côté du Golfe de Corinthe, Klissoura en Macédoine, Distomo, non loin de Delphes, sont d’autres localités martyres.

Dans ce dernier cas, le carnage dure trois jours, du 10 au 13 juin 1944 (il est concomitant du massacre d’Oradour). Le pope est décapité, les hommes sont torturés, pendus ou abattus, les femmes violées, on leur coupe les seins ou leur ouvre le ventre, des enfants sont éviscérés…

Au total, près de 900 villages seront rasés et 500 autres en grande partie détruits.

Le massacre de Distomo (Béotie), samedi 10 juin 1944 (Bundesarchiv)

À Athènes et au Pirée, les Allemands et leurs supplétifs grecs bouclent périodiquement les quartiers populaires.

Le Premier ministre Alexis Tsipras rend hommage aux martyrs de Kaisiriani le 26 janvier 2015 (DR)

Durant ces bloka, les maisons sont pillées et la population rassemblée sur une place où les suspects, désignés par des délateurs cagoulés, sont souvent torturés en public, avant d’être envoyés au camp de concentration d’Haïdari, pendus ou fusillés sur place, comme les 200 habitants de Kaisariani, le « petit Stalingrad » (1er mai 1944), auxquels le Premier ministre Alexis Tsipras est allé rendre hommage le jour de sa prise de fonction le 26 janvier 2015.

À la Libération, dans ce pays ravagé, l’armement maritime est la seule activité qui peut repartir rapidement et faire rentrer des devises, raison pour laquelle elle est alors défiscalisée.

Nombre d’armateurs ont en effet mis leur flotte au service des Alliés et reçoivent, pour compenser leurs pertes, des liberty ships américains ainsi que des navires italiens. Car l’Italie et la Bulgarie payent des dommages de guerre à la Grèce, contrairement à l’Allemagne qui en sera exemptée…

La guerre civile (1945-1949)

Partage des Balkans à Moscou entre Churchill et Staline (octobre 1944), archives nationales de Londres

Cette Libération est cependant pleine de désillusions. Les 9-10 octobre 1944, lors d’une rencontre à Moscou, Churchill et Staline scellent un « accord des pourcentages » qui donne à la Grande-Bretagne (en accord avec les États-Unis) 90% d’influence en Grèce, contre 10% à l’URSS.

Le 14, les Britanniques défilent dans Athènes sous les acclamations de la foule.

Pourtant, le général anglais Ronald Scobie va se comporter davantage en gouverneur de colonie qu’en libérateur. Il s’oppose à l’amalgame des résistants dans l’armée régulière et bloque la formation d’un gouvernement d’union nationale.

Incapable de se faire entendre, l’EAM tente alors d’établir un rapport de force par l’insurrection : le 12, les Anglo-gouvernementaux ne contrôlent plus que quelques km2 dans Athènes et les installations portuaires du Pirée.

Mais Churchill, au grand scandale de Roosevelt, envoie des renforts et fait mitrailler par la RAF les quartiers qui avaient déjà été victimes des bloka allemands quelques semaines plus tôt.

Après un plébiscite sur le retour du roi, le 1er septembre 1946, les libertés individuelles et publiques sont restreintes et la terreur s’amplifie contre les anciens résistants communistes. En réponse, ceux-ci créen l’Armée démocratique (AD) le 28 octobre 1946. C’est le début d’une atroce guerre civile.

Markos Vafiadis en 1931 (1906, Erzurum ; 23 février 1992, Athènes)

Sous le commandement d’un ancien résistant, Markos Vafiadis, l’AD remporte d’importants succès sans toutefois être soutenue par Staline.

De l’autre côté, les Anglais cèdent la place aux Américains, qui dotent l’armée royaliste de conseillers et de puissants moyens.

La guerre civile prend officiellement fin le 16 octobre 1949 en ayant fait au moins 150.000 morts. Mais les exécutions se poursuivront jusqu’en mai 1955.

Aider les Allemands plutôt que les Grecs (1950-1953)

Tous les gouvernements grecs de l’après-guerre demeurent sous l’étroite surveillance des États-Unis, et c’est en réaction à la situation en Grèce et en Turquie que le président américain Truman énonce, le 12 mars 1947, sa nouvelle doctrine de politique étrangère, en application de laquelle est mis en œuvre le Plan Marshall. Mais en Grèce, à cause de la guerre civile, cette aide sera dirigée à 60% vers l’armée.

Le montant des dommages de guerre dus à la Grèce par l’Allemagne est évalué à 7,2 milliards de dollars mais, dans le souci de faciliter le redressement de la nouvelleRépublique Fédérale Allemande, les accords de Londres du 27 février 1953 organisent un défaut de paiement de l’Allemagne.

L’Allemagne voit alors ses différentes dettes réduites (entre 45% et 60%), bénéficie d’un moratoire de cinq ans et d’un rééchelonnement de long terme pour le paiement du solde, les annuités étant limitées à 5% du revenu de ses exportations. Enfin, le règlement des réparations se trouve renvoyé à la conclusion d’un traité de paix avec les Alliés, lui-même conditionné à la réunification.

La question des réparations ne sera de nouveau soulevée qu’en 1996, par le ministre des Affaires étrangères socialiste Pangalos. Mais c’est la crise de 2008-2009 qui la relance véritablement.

L’intransigeance allemande vis-à-vis de la dette grecque aboutit à une paupérisation de masse ainsi qu’à une crise humanitaire sans résultat économique probant. Elle ravive le souvenir de l’Occupation et de la famine, diffusant du même coup dans l’opinion l’idée que si l’Allemagne refuse toute remise de dette à la Grèce, celle-ci se trouve justifiée à lui réclamer le paiement de la dette de guerre jamais payée.

Mais lors de la réunification et précisément pour repousser toute éventuelle demande, le chancelier Helmut Kohl avait obtenu que le traité de Moscou, dit « quatre plus deux » (12 septembre 1990), n’apparaisse pas formellement comme un traité de paix, ce qui a permis à l’Allemagne d’échapper à ses engagements dont l’Italie, la Bulgarie ou la Hongrie ont dû pour leur part s’acquitter.

En janvier 2015, l’arrivée au pouvoir de la coalition Syriza/Grecs indépendants a relancé le dossier des réparations.

En Allemagne même, dès 2011, l’ex-chancelier Helmut Schmidt a mis en garde ses compatriotes contre une politique égoïste (« Nos excédents sont en réalité les déficits des autres. Nos créances sont leurs dettes. ») risquant de réveiller « le sentiment latent de méfiance » généré en Europe par « notre histoire monstrueuse et unique ».

Si Die Linke et les Verts ont reconnu depuis longtemps l’existence d’un problème à régler par la négociation, le gouvernement continue à le nier. Pourtant, lors d’un débat au Bundestag en mars 2015, Thomas Oppermann, président du groupe SPD, a déclaré que « les crimes des nazis n’ont pas de date d’expiration ».

Enfin, c’est le président fédéral, Joachim Gaucke, qui, dans un entretien du 2 mai 2015 à la Süddeutsche Zeitung, déclare : « Nous ne sommes pas seulement des gens qui vivent aujourd’hui, à cette époque, nous sommes aussi les descendants de ceux qui ont laissé derrière eux un sillage de destruction en Europe pendant la seconde guerre mondiale, en Grèce entre autres. (…) Pour un pays conscient de son histoire comme le nôtre, il est juste d’envisager la possibilité qu’il puisse y avoir des réparations ».

Source : Olivier Delorme, pour Herodote, le 24 juin 2015.

==========================================

Et je vous donne aujourd’hui votre Quatremer de ce jour :

Il est marqué dessus : NON, 28 octobre 1940, jour où la Grèce a dit NON à l’ultimatum de Mussolini, qui l’a attaquée…

Source: http://www.les-crises.fr/la-grece-au-xxe-siecle-grecs-courageux/


Qu’est-ce que le FMI fait dans cette galère grecque ?, par Jacques Attali

Wednesday 1 July 2015 at 03:50

Merci de ne critiquer que les propos, pas le personnage (les commentaires seront supprimés, cela a déjà largement été fait dans les billets précédents), c’est lassant à la fin.

La situation grecque, plus ubuesque chaque jour, par toutes ses dimensions, l’est devenue plus particulièrement depuis un an, par le rôle saugrenu et très négatif qu’y joue le Fonds Monétaire International.

Un observateur débarqué de la planète Mars cette semaine se demanderait avec stupéfaction comment les Européens ont-ils pu laisser trois économistes non européens, nommés on ne sait par qui, dépendant d’une institution à dominante américaine , décider du sort de l’euro !?!

Car telle est bien la situation : depuis que, en 2010, on a laissé le FMI participer aux négociations de la dette grecque, sous prétexte qu’ils étaient un de ses créanciers, et surtout depuis qu’on s’est résigné à penser qu’ils pouvaient mieux que la Commission faire des prévisions économiques crédibles, la discussion sur la présence grecque dans la zone Euro a glissé peu à peu dans une dérive hallucinante :
D’abord, les dirigeants politiques de l’Eurogroupe ont laissé le FMI se glisser parmi les négociateurs, jusque-là uniquement venus de la Commission et de la Banque Centrale européenne, de l’ensemble de la dette grecque.

Ensuite, les mêmes dirigeants européens, au lieu d’assumer leurs responsabilités politiques, ont affirmé haut et fort qu’ils n’accepteraient aucun compromis qui ne serait négocié d’abord avec les trois institutions, formant ce qu’on nomma triomphalement « la troïka ». Au point même de refuser de parler avec les Grecs de sujets n’ayant pas l’aval de la troïka !

Ensuite encore, (même si le nouveau gouvernement grec a obtenu, dérisoire victoire, que la troïka change de nom pour devenir « les institutions ») , les dirigeants de celles-ci se sont eux-mêmes défaussés de leurs responsabilité politique au profit de leurs experts, que personne n’ose plus déjuger et qui s’en donne à cœur joie, jugeant à leur guise, une situation grecque qui ne ressemble à aucun des modèles qu’ils ont étudié, dans les bonnes universités américaines ou japonaises.

Enfin, quand les experts européens ont fini par comprendre que ce n’est pas en détruisant les ultimes moyens de la croissance grecque qu’on réduirait leur dette , les soi-disant experts du FMI, ivres de leur pouvoir, ont continué à prétendre imposer des économies suicidaires à ce pays, sans voir qu’il ne pourra jamais rembourser une dette qu’il est urgent d’annuler officiellement. Soutenus en cela très largement par la majorité des actionnaires, asiatiques, africains et américains, de cette noble institution, qui n’ont rien à gagner à la voir être indulgente avec un pays européens.

La seule chose qu’on aurait pu espérer du FMI, dans cette débâcle, c’est que les Américains, dont il dépend plus que de personne, trouvent le moyen de leur expliquer l’importance géostratégique majeure de la stabilité grecque, et donc de son maintien dans la zone euro. Mais non, les Américains n’ont pas pu, ou pas voulu, faire plus que d’appeler les Grecs tous les jours pour leur demander de céder au diktat du FMI.

Au total, qu’elles soient les très grandes qualités de sa directrice générale, dont la réélection serait bienvenue du point de vue français, le FMI s’est trouvé mêlé, et s‘y trouve encore, dans une bataille où il n’a rien à faire. Et qui pourrait servir de détonateur à une nouvelle crise planétaire.

A un moment où les Asiatiques remettent en cause l’existence même des institutions de Bretton Woods, parce qu’on ne leur y fait pas leur juste place, il serait temps pour les Européens de s’interroger sur la pérennité d’une institution qui sera, si les circonstances tournent au pire, le vrai responsable du drame qui suivrait un défaut grec.

La solution, pourtant, est simple, et les Européens l’auraient sans doute appliqué depuis longtemps sans le terrorisme intellectuel des soit disant experts du FMI : un plan d’économies raisonnable, socialement juste, sans aide nouvelle, mais accompagnée d’une réduction de la dette grecque au-dessous de 100% du PIB, par annulation d’une part importante des dettes publiques, bilatérales et multilatérales, dont chacun sait qu’elles ne pourront pas être remboursées, mais qu’on continue à réclamer, pour sauver la face. Et pour cela, créer d’urgence un véritable Fonds Monétaire Européen, amorce d’un Trésor, et d’un ministère des Finances de l’eurozone.

Européens, réglez entre vous vos problèmes. Ne comptez que sur vos propres forces. Ne cédez à aucune pression ou mode de pensée venue de l’autre côté de l’Atlantique, ou du Pacifique. Donnez-vous un projet, et agissez.

Il n’est que trop temps de le faire.

Source : Jacques Attali, pour L’Express, le 29 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/quest-ce-que-le-fmi-fait-dans-cette-galere-grecque-par-jacques-attali/


L’Europe contre la démocratie grecque, par Joseph Stiglitz

Wednesday 1 July 2015 at 02:50

NEW YORK – La dispute et l’acrimonie qui vont croissantes au sein de l’Europe pourraient passer aux yeux d’un observateur extérieur pour le résultat inévitable de la fin de partie peu amène entre la Grèce et ses créanciers. Les dirigeants européens finissent par exposer au grand jour la véritable nature du conflit autour de la dette grecque, et cela n’a rien de plaisant : il s’agit bien plus une question de pouvoir et de démocratie que d’argent et d’économie.

Le programme économique que la troïka (la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI) a imposé à la Grèce il y a cinq ans était une aberration. Il a conduit à une baisse de 25% du PIB du pays. Je ne connais aucune dépression qui ait été provoquée aussi délibérément et ait eu des conséquences aussi catastrophiques. Ainsi le taux de chômage parmi les jeunes Grecs dépasse maintenant 60%.

Il est incroyable que la troïka nie toute responsabilité et refuse d’admettre à quel point ses prévisions et ses modèles étaient erronés. Mais il est encore plus surprenant que les dirigeants européens n’aient retenu aucun enseignement de tout cela. La troïka continue à exiger de la Grèce qu’elle parvienne à un budget primaire en excédent (hors paiement des intérêts de la dette) de 3,5% du PIB en 2018.

Partout dans le monde les économistes condamnent cet objectif comme punitif, car il ne peut que ralentir encore l’économie. Même si la dette de la Grèce était restructurée au-delà de tout ce que l’on peut imaginer, elle resterait en dépression si les électeurs acceptent les propositions de la troïka lors du référendum surprise qui aura lieu dimanche.

Peu de pays ont réussi à transformer un important déficit primaire en un excédent budgétaire comme l’ont fait les Grecs au cours des cinq dernières années. Et bien que le prix à payer en matière de souffrance humaine ait été extrêmement élevé, les dernières propositions du gouvernement grec constituent un grand pas en avant pour répondre aux exigences de ses créanciers.

Soyons clair : seule une très faible partie des énormes sommes d’argent prêtées à la Grèce lui étaient réellement destinées. Elles ont servi à rembourser les créanciers privés, notamment des banques en Allemagne et en France. La Grèce n’a reçu que des miettes, mais  elle a payé le prix fort pour préserver les systèmes bancaires de ces pays. Le FMI et les autres créanciers “officiels” n’ont pas besoin de l’argent qu’ils réclament. Dans une situation classique, ils se contenteraient de l’utiliser pour faire un nouveau prêt à la Grèce.

Mais ce n’est pas une question d’argent. Il s’agit en réalité d’utiliser les dates limites pour contraindre la Grèce à lever le pouce et à accepter l’inacceptable : non seulement l’austérité, mais d’autres mesures régressives et punitives.

Pourquoi l’Europe fait-elle cela ? Pourquoi les dirigeants de l’UE s’opposent-ils à la tenue du référendum et refusent-ils même de reculer de quelques jours la date limite du 30 juin fixée pour le prochain remboursement de la Grèce au FMI ? L’Europe n’est-elle pas avant tout une affaire de démocratie ?

En janvier, les citoyens grecs ont élu un gouvernement qui s’est engagé à mettre fin à l’austérité. Si ce gouvernement voulait simplement tenir ses engagements de campagne, il aurait déjà rejeté la proposition des créanciers. Mais il veut donner aux Grecs l’occasion d’intervenir sur cette question cruciale pour l’avenir de leur pays.

Ce souci de légitimité est incompatible avec la politique de la zone euro qui n’a jamais été un projet très démocratique. La plupart des Etats membres n’ont pas cherché l’approbation de leurs citoyens pour remettre la souveraineté monétaire de la zone entres les mains de la BCE. Quand la Suède l’a fait, les Suédois ont dit Non. Ils ont compris que le chômage augmenterait si une banque centrale concernée uniquement par le taux d’inflation (et qui ne porterait pas l’attention voulue à la stabilité financière) décide de la politique monétaire du pays. L’économie souffrirait parce que le modèle économique sur lequel repose la zone euro est basé sur des relations de pouvoir qui désavantagent les travailleurs.

Il n’est donc pas surprenant que 16 ans après que la zone euro ait institutionnalisé ces relations, c’est l’antithèse de la démocratie qui est à l’oeuvre. Beaucoup de dirigeants européens veulent la fin du gouvernement de gauche du Premier ministre Alexis Tsipras. A leurs yeux il est inacceptable d’avoir en Grèce un gouvernement qui refuse une politique qui a tant fait pour augmenter les inégalités dans nombre de pays avancés et qui veut limiter le pouvoir de l’argent. Ils pensent qu’ils pourront se débarrasser du gouvernement de Tsipras en l’obligeant à accepter un accord en contradiction avec son mandat.

Il est difficile de donner un conseil aux Grecs  pour le vote de dimanche. Dire Oui ou Non aux exigences de la troïka n’est pas chose facile, et tant l’approbation que le rejet sont porteurs d’énormes risques. Le Oui signifierait une dépression presque sans fin. Peut-être un pays dépouillé de tout (un pays qui a vendu tous ses actifs et dont la jeunesse prometteuse émigre) obtiendra-t-il finalement l’annulation de sa dette ; peut-être étant devenu un pays à revenu moyen, la Grèce va-t-elle finalement obtenir l’aide de la Banque mondiale. Cela pourrait se produire au cours de la décennie prochaine, ou de la suivante.

Par contre un Non permettrait au moins à la Grèce, avec sa forte tradition démocratique, de prendre son destin en main. Les Grecs pourraient alors dessiner leur avenir, qui même s’il n’était pas aussi prospère que le passé, sera bien plus porteur d’espoir que la torture invraisemblable qui leurs est imposée aujourd’hui.

Je sais comment je voterais…

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Source : Joseph Stiglitz, pour Project Syndicate, le 29 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/leurope-contre-la-democratie-grecque-par-joseph-stiglitz/


L’Europe, l’Euro et l’Allemagne

Wednesday 1 July 2015 at 01:34

L’Europe, l’Euro et l’Allemagne, par Jacques Sapir

Les journées des 29 et 30 juin ont été marquées par le maintien d’une forte tension entre la Grèce et les institutions européennes. Cette tension était palpable dans les locaux de Bruxelles du parlement européen ou l’auteur de ce carnet se trouvait pour une conférence dans la journée du 30 juin. Au delà des commentaires et des tentatives d’intoxication et d’intimidation qui sont depuis quelques jours monnaie commune (sic) de la part des partisans les plus acharnés de la commission et du conseil, on notera deux faits d’importance.

 

L’Euro n’est plus irréversible…

Le premier n’est autre que la déclaration faite par M. Benoît Coeuré, membre du conseil de la Banque Centrale Européenne. Ce dernier, dans une interview réalisée avec un journaliste des Echos[1] a admis pour la première fois qu’une adhésion à l’Euro n’était pas irrévocable et que ce dernier était de fait réversible. Il est clair qu’un haut responsable de la BCE ne s’exprime pas en son nom personnel. Ceci constitue donc un changement radical de stratégie par rapport aux déclarations précédentes, et en particulier celles de Mario Draghi, qui insistaient au contraire sur le caractère irrévocable d’une adhésion à l’Euro et considéraient donc que ce dernier était irréversible. Or, l’un des arguments avancés était qu’il fallait affirmer cette irréversibilité de l’Euro pour garantir sa crédibilité, et au-delà celle de la BCE. L’importance de cette clause d’irréversibilité tenait au fait que l’Euro existe sans les institutions nécessaires à une monnaie unique. Dès lors, son existence se réduit, on l’a déjà dit dans ce carnet à n’être qu’un système de taux de change fixes entre les monnaies des différents pays membres.

Ce retournement, qui apparaît inévitable du fait de la tournure de la crise entre la Grèce et les autorités de la zone Euro aura des conséquences importantes quant à la crédibilité de la BCE. Cette dernière devra donc prouver dans ses actes et non dans sa seule communication, sa détermination à faire survivre l’Euro. Mais, il est d’ores et déjà clair que le message a été parfaitement compris par les investisseurs « hors Zone Euro », et que le mécanisme de la spéculation sur « qui sera le prochain » est désormais enclenché.

 

L’Allemagne tombe le masque

Le second fait n’est autre que la déclaration de Mme Angela Merkel, opposant une fin de non-recevoir aux tentatives tant de Jean-Claude Juncker que d’Alexis Tsipras de renouer ce mardi une forme de dialogue. Tout le monde a compris que l’Allemagne mène le jeu au sein de l’Eurogroupe. Mais, c’est la première fois qu’un dirigeant allemand prend les devant et affirme une position qui devrait être européenne et non simplement allemande. En bonne logique, il revenait à M. Juncker ou à M. Dijssenbloem de faire une telle déclaration. Mais Mme Angela Merkel ne s’est pas embarrassée de demi-mesure. Elle n’a pas cherché à masquer son geste en y associant l’un des dirigeants de l’Union européenne. Ce fait, venant après la décision du samedi 27 juin d’exclure de fait la Grèce d’une réunion de l’Eurogroupe indique donc que les dirigeants européens, et en particulier les dirigeants allemands, sont prêts à jeter aux orties les règles les plus élémentaires de conduite (le « consensus » quand ce n’est pas l’unanimité) qui étaient celles pour l’instant admises au sein de l’Union européenne.

Ces deux faits nous indiquent à la fois l’état d’affolement des dirigeants européens mais aussi que, désormais, on voit très clairement se multiplier des entorses de plus en plus importantes aux règles. Dans ce processus, l’Allemagne sort du bois et assume désormais ouvertement un nouveau rôle, qui, de fait, constitue une menace pour l’ensemble des autres pays de la zone Euro. Ce n’est plus simplement une théorie de la « souveraineté limitée » qui a cours désormais en Europe, mais c’est aussi une application du principe du livre d’Orwell Animals Farm, « tous les européens sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres ».

 

La faillite de la politique française et ses conséquences

L’effacement du gouvernement français, qu’il s’agisse de François Hollande (Président de la République), de Manuel Valls (Premier ministre) ou de Michel Sapin (Ministre des finances), qui ne se sont pas réellement signalés par leur activisme depuis ces dernières semaines, renforce cette image d’une Europe désormais livrée à l’hybris de l’Allemagne. Cette passivité de la France contribue d’ailleurs à la crise. En se refusant à affronter l’Allemagne sur le terrain des principes au nom de l’Europe (et du mythique couple franco-allemand), il se pourrait bien que nos dirigeants aient provoqué par leur inaction, leur passivité et leur suivisme, le début du délitement de l’Union européenne. Il reste donc à voir comment ceci sera perçu à la fois en Grande-Bretagne, ou un référendum sur l’appartenance à l’UE doit se tenir en 2017, mais aussi chez les « nouveaux entrants », soit les anciens pays de l’Est qui restent, on le sait, très sourcilleux sur les garanties de souveraineté qui existent au sein de l’Union européenne. Les actes symboliques forts qui se succèdent depuis ces derniers jours achèvent de déchirer le voile des illusions qui pouvait subsister quand à la véritable nature de l’Union européenne.

[1] Entretien de Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, 
accordé à Nicolas Barré, Catherine Chatignoux, Jean-Philippe Lacour, Etienne Lefebvre, Guillaume Maujean, Dominique Seux et François Vidal, Les Echos, le 29 juin 2015. http://www.ecb.europa.eu/press/inter/date/2015/html/sp150629.fr.html

Source : Jacques Sapir, 30 juin 2015

=================================================

Tsipras: héros ou pyromane ?

A écouter ici, émission Du Grain à moudre

Invité(s) :
Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne
Romaric Godin, rédacteur en chef adjoint Economie à La Tribune
Vicky Skoumbi, rédactrice en chef de la revue grecque de philosophie “αληthεια”

=================================================

La sortie de la Grèce de la zone euro, qui était un objet théorique, ne peut malheureusement plus être exclue

L’interview de Coeuré de la BCE citée par Sapir.

TROP DROLE, je vous laisse décrypter

Entretien de Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE,
accordé à Nicolas Barré, Catherine Chatignoux, Jean-Philippe Lacour, Etienne Lefebvre, Guillaume Maujean, Dominique Seux et François Vidal, Les Echos, le 29 juin 2015.

La sortie de la Grèce de la zone euro est-elle désormais l’hypothèse la plus probable ?

La sortie de la Grèce de la zone euro, qui était un objet théorique, ne peut malheureusement plus être exclue. C’est le résultat du choix du gouvernement grec de mettre fin à la discussion avec ses créanciers et de recourir à un référendum, qui a conduit l’Eurogroupe à ne pas prolonger le deuxième plan d’aide.

Le souhait de la BCE comme des autorités européennes est que la Grèce reste dans la zone euro. C’est le sens de la proposition qui avait été faite la semaine dernière, par la Commission, le FMI et la BCE sous la forme d’un programme de réformes et d’une offre de financement beaucoup plus favorables que tout ce qui avait pu être proposé par le passé. L’Europe n’a jamais lâché la Grèce.

En quoi ces propositions étaient-elles plus favorables ?

Elles donnaient du temps et de l’autonomie à la Grèce pour réformer son économie, comme par exemple son marché du travail, tout en prévoyant une trajectoire budgétaire exigeante mais qui tient compte de la dégradation de la situation économique. L’excédent primaire demandé était ramené à 1% de PIB en 2015, contre 3% précédemment. Nous proposions également des coupes plus importantes dans les dépenses militaires pour créer des marges de manœuvre ailleurs.

La responsabilité de la rupture est-elle donc entièrement grecque ?

La décision d’interrompre les discussions a été prise par les autorités grecques. Cela nous a d’ailleurs surpris, car nous arrivions au terme d’échanges intenses et assez fructueux.

Vous parlez des propositions au passé. La BCE considère-t-elle que la question qui sera posée aux Grecs lors du référendum est d’ores et déjà caduque, puisque l’extension du plan d’aide ne sera plus d’actualité le 30 juin au soir ?

D’un point de vue formel, le programme va en effet expirer mardi soir. Ceci dit, si la réponse est « oui », je n’ai pas de doute sur le fait que les autorités de la zone euro trouveront les moyens, sous une forme ou sous une autre de tenir leurs engagements. La question est politique. La réponse à cette question, ce sont les Grecs qui la détiennent.

Et si les Grecs répondent « non »…

Ce serait un refus de l’offre des 18 autres pays de la zone euro. Il serait alors très difficile de renouer un dialogue politique. L’Eurogroupe a clairement considéré que les propositions des trois institutions étaient allées à la limite de ce qui était acceptable.

Alexis Tsipras estime que les Européens n’ont pas tenu leurs engagements sur la restructuration de la dette…

La question de la dette était en effet une priorité pour le gouvernement grec. Mais dès le 20 février, les ministres de l’Eurogroupe avaient dit que cette discussion ne viendrait que dans un second temps, et qu’il fallait d’abord décider d’un programme de réforme crédible. La Grèce a choisi d’interrompre les discussions avant la deuxième partie de la séquence.

Cette dette ne doit-elle pas être restructurée pour que l’économie grecque soit viable ?

D’abord, elle a été aménagée à trois reprises, depuis 2012. En cumulant l’échange et le rachat de la dette privée puis la révision de la maturité et des taux d’intérêt des prêts européens, ce sont plus de 100% de PIB d’allègements de dette qui ont été consentis. La charge de la dette grecque représente 4% du PIB, moins qu’en Italie ou en Espagne. La question n’est donc pas de savoir s’il faut réaménager la dette mais s’il est utile pour la Grèce de la réaménager une quatrième fois. Le plus important pour l’avenir de la Grèce, c’est de récréer de la croissance. Pour cela, il faut lever les rigidités de l’économie grecque, les barrières tarifaires, les rentes qui entravent l’activité et pèsent sur le pouvoir d’achat de salariés à qui on a demandé un gros effort. L’exécutif grec n’a jamais mis ces questions au cœur des discussions et cela a été une vraie déception de la part d’un gouvernement dont tout laissait à penser qu’il serait très engagé dans la lutte contre les rentes.

Quid des fonds réservés, dans le cadre du deuxième plan, au soutien des banques grecques ?

Cet argent soit 10,9 milliards d’euros, disparait avec l’arrêt du programme, mardi soir, comme l’ensemble des aides à la Grèce qui étaient encore disponibles mais conditionnées à la mise en œuvre du programme.

La BCE a maintenu son programme d’aide d’urgence aux banques (ALE). La question de son annulation s’est-elle posée le week-end dernier ?

La BCE agisse dans le cadre de ses règles. Nous pouvons fournir l’assistance de liquidité d’urgence (ALE) aux banques à condition qu’elles soient solvables, que les garanties apportées soient de bonne qualité, et que cela n’interfère pas avec politique monétaire de la BCE. Jusqu’à dimanche, ces conditions étaient remplies. Il a été constaté dans le même temps que le crédit du gouvernement grec s’était fortement dégradé, en particulier après la décision de l’Eurogroupe  de retirer le filet de sécurité accordé à la Grèce. Cela nous a conduits à ne pas autoriser de nouveaux tirages sur la Banque centrale, tout en maintenant le stock actuel de liquidités. J’estime qu’il s’agit d’une décision proportionnée, car elle ne crée pas de situation irréversible.

Vous allez maintenir l’aide aux banques jusqu’à dimanche soir ?

Nous allons maintenir l’aide jusqu’à nouvel ordre. La situation est réexaminée en permanence par le conseil des gouverneurs.

Quelle est l’exposition de la BCE au risque grec ?

Il y a d’une part les prêts accordés par l’Eurosystème aux banques grecques pour un montant de plus de 116 milliards d’euros. D’autre part, l’encours du programme de rachat de dettes décidé en 2010 (SMP) s’élève à près de 20 milliards d’euros.

On arrive à un scénario de perte potentielle proche de 135 milliards d’euros en  cas de sortie de la Grèce de l’euro?

Je ne veux pas spéculer là-dessus. La Grèce peut rester dans la zone euro.

Quelles seraient les conséquences pour la zone euro d’un non au référendum, qui serait sans doute le prélude à un « Grexit » ?

Il faut différencier l’impact de court terme de celui de long terme. La réaction des marchés financiers mondiaux, ce lundi, montre qu’il y a eu un effet de surprise. Jusqu’à vendredi soir, le scénario envisagé n’était pas celui d’une rupture des négociations et d’un référendum. Les marchés sont devenus averses au risque. Mais leur réaction reste relativement modérée. Cela montre à quel point la Grèce est un cas unique, à quel point la situation dans laquelle elle se trouve aujourd’hui est singulière.

D’autres pays de la zone euro ont connu de lourdes difficultés. Ils sont passés par des programmes d’ajustement dont ils sont sortis. Cela a été pour eux une parenthèse close avec succès. C’est le cas de l’Irlande ou du Portugal. Le programme chypriote est toujours en cours, et il se déroule bien, ce qui devrait permettre prochainement à la BCE de commencer à acheter des titres chypriotes. Je ne sous-estime pas l’effort qu’ont représenté ces programmes et leur coût social. Les citoyens de ces pays l’ont payé chèrement. Mais quand des programmes de réformes ambitieux sont adoptés et mis en œuvre, cela marche ! Ces pays sont sur la voie de la reprise.

Les marchés sont plutôt modérés, pour l’instant. Mais si la situation s’aggrave ?

Leur réaction montre aussi la résilience de la zone euro à des chocs extérieurs. Les filets de sécurité mis en place ces dernières années jouent leur rôle. Je pense au Mécanisme Européen de Stabilité (MES), à l’Union bancaire, et à aux différents programmes de la Banque centrale européenne. Mais il faut être vigilant. La BCE a clairement indiqué dimanche qu’elle surveillait attentivement la situation économique et les marchés. Si des risques survenaient, nous nous tenons prêts à utiliser les instruments dont nous disposons – le Quantitative easing et l’OMT -  et nous nous tenons même prêts à utiliser de nouveaux instruments, dans le cadre de notre mandat.

Quels pourraient être ces nouveaux instruments ?

Le conseil de gouverneurs de la BCE analyse la situation en temps réel. Nous avons déjà dit que nous étions prêts à faire plus en matière de politique monétaire si nécessaire. Jusqu’à maintenant, la BCE a toujours trouvé les réponses aux crises, dans le cadre de son mandat. La Cour européenne de justice a validé le dispositif OMT mis en place en 2012 (programme d’achats de titres pour les pays sous aide financière, qui n’a pas été utilisé à ce jour, NDLR). Et dans son jugement, elle a estimé que la BCE devait bénéficier de larges modalités d’appréciation pour choisir ses instruments.

A long terme, un « Grexit » ne risquerait-il pas d’acter le fait qu’un pays peut désormais sortir de la zone euro, que sa construction n’est pas irréversible ?

Si la Grèce devait sortir de la zone euro, cela risquerait de jeter un doute sur la nature de l’union monétaire et sur son fonctionnement. Cela créerait une fragilité. Ce serait un drame pour la Grèce et son économie d’abord. Ce serait un défi pour l’Europe qu’elle devrait relever au plus vite, en renforçant sérieusement son cadre institutionnel. La stabilité de la zone euro repose sur un équilibre entre responsabilité et solidarité. Pour être plus forts et plus convaincants, il faut des initiatives concrètes pour renforcer ces deux dimensions.

Que diriez-vous aux Grecs pour les convaincre de ne pas sortir ?

L’essentiel c’est que la Grèce soit remise sur une trajectoire de croissance, qu’un consensus soit trouvé pour recréer pour le pays un modèle économique viable. La productivité globale des facteurs en Grèce n’a augmenté qu’à un rythme de 1% par an, entre 1981 et 2014 contre 2% par an dans la zone euro, et ce, en dépit des transferts importants dont la Grèce a bénéficié. Pour y parvenir l’économie grecque doit rester insérée dans le grand marché européen et pouvoir s’appuyer sur ses institutions. J’ajoute que si la Grèce devait sortir, l’austérité serait bien pire encore. Elle ne bénéficierait plus de la solidarité de la zone euro, qui lui a donné le temps de faire les ajustements nécessaires.

=================================================

Et je vous donne aujourd’hui votre Quatremer de ce jour :

Il est marqué dessus :

Source: http://www.les-crises.fr/leurope-leuro-et-lallemagne/