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Que se passera-t-il après la chute de Mossoul lorsque Daech fuira vers la Syrie ?, par Robert Fisk

Saturday 5 November 2016 at 01:30

05Source : Le Grand Soir, Robert Fisk, 20-10-2016

Robert FISK
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Toute l’armée du califat de Daech pourrait être dirigée contre le gouvernement Assad et ses alliés – un scénario qui pourrait provoquer une certaine satisfaction à Washington

L’armée syrienne, le Hezbollah et ses alliés iraniens se préparent à une invasion massive par des milliers de combattants de Daech qui seront chassés de l’Irak lorsque Mossoul tombera. L’objectif réel derrière la “libération” de la ville irakienne planifiée par les Etats-Unis et tant claironné serait, selon l’armée syrienne, d’inonder la Syrie avec les hordes de combattants de Daech fuyant leur capitale irakienne pour leur « mini-capitale » de Raqqa à l’intérieur même de la Syrie.

Depuis des semaines, les médias occidentaux, et les experts américains qu’ils aiment citer, prédisent une combat jusqu’à la mort de Daech à l’intérieur de Mossoul digne du siège de Stalingrad – ou une victoire rapide sur Daech suivie par des combats sectaires entre Irakiens pour le contrôle de la ville. L’ONU met en garde contre les colonnes massives de réfugiés qui se déverseront de la ville assiégée. Mais les Syriens – après avoir été témoins de l’effondrement soudain et l’évacuation de Palmyre lorsque leur propre armée a repris l’ancienne ville syrienne plus tôt cette année – pensent que Daech va simplement abandonner Mossoul et essayer d’atteindre les zones de la Syrie qu’elle contrôle encore.

Déjà, les services de renseignement de l’armée syrienne ont entendu des rapports inquiétants d’une demande faite par Daech dans les villes et villages au sud de Hasaka – une ville syrienne contrôlée par les forces du régime et les Kurdes dans le nord du pays – pour installer de nouvelles sources d’électricité et d’eau en prévision d’un afflux des combattants de Daech en provenance de Mossoul. En d’autres termes, si Mossoul tombe, toute l’armée du califat de Daech pourrait être dirigée contre le gouvernement Assad et ses alliés – un scénario qui pourrait provoquer une certaine satisfaction à Washington. Lorsque la ville irakienne de Fallujah est tombée entre les main de l’armée et des milices irakiennes plus tôt cette année, de nombreux combattants de Daech ont immédiatement fui vers la Syrie.

Sayed Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, qui a envoyé des milliers de ses hommes pour combattre (et mourir) dans la lutte contre Daech et Jabhat al-Nusra en Syrie, a déclaré dans un discours marquant les commémorations de l’Achoura la semaine dernière que les Américains « ont l’intention de répéter le complot de Fallujah lorsqu’ils ont ouvert une voie à Daech pour leur permettre de s’échapper vers l’est de la Syrie » et a averti que « le même plan pourrait être mis en oeuvre à Mossoul. » En d’autres termes, une défaite de Daech à Mossoul encouragerait Daech à fuir ver l’ouest pour essayer d’abattre le régime Assad en Syrie.

Ces soupçons n’ont pas vraiment été apaisées par une série de commentaires de généraux américains et de sources militaires américaines au cours ces dernières semaines. Le commandant américain nouvellement nommé dans la région, le Lt Gen Stephen Townsend – à la tête de ce que les États-Unis ont pompeusement appelé « Opération Résolution Inhérente » – a dit que non seulement Mossoul, mais aussi la ville syrienne de Raqqa, seraient capturées « sous son commandement ». Mais qui croit-il va prendre Raqqa ? L’armée syrienne a toujours l’intention de se battre jusqu’à Raqqa par la route militaire de Damas-Alep à ouest de la ville, après une première tentative plus tôt cette année qui a été abandonnée plus pour des raisons politiques que militaires. La Russie semble penser qu’il est préférable de concentrer sa puissance de feu sur d’autres milices, en particulier al-Nosra / al-Qaïda, que à la fois Moscou et Damas considèrent désormais comme beaucoup plus dangereux que Daech.

Tous deux ont remarqué comment Nosra – qui a changé son nom à Jabhat Fateh al-Sham, le “Front de soutien du peuple du Levant”, dans le but d’effacer ses liens avec Al-Qaïda – est de plus en plus qualifiée par les politiciens et les journalistes occidentaux de « rebelles » [gras par le traducteur qui l’avait effectivement remarqué – NdT], ainsi qu’une pléthore d’autres milices qui combattent le régime syrien. Un général américain non identifié a été cité le mois dernier exprimant sa préoccupation que les forces chiites irakiennes pourraient s’emparer de la ville de Tal Afar, à la frontière irako-syrienne, afin de piéger les combattants de Daech en Irak – et empêcher ainsi leur fuite vers la Syrie. Il a été rapporté que Daech aurait abandonné Tal Afar il y a quelques jours.

Le magazine en ligne Military Times aux États-Unis (qui est, comme on dit, « proche » du Pentagone) a fait valoir que le général Townsend, qui a à peine 5 000 troupes étasuniennes sur le terrain en Irak et l’extrême nord de la Syrie, doit « poursuivre Daech en Syrie, où les Etats-Unis ont peu d’alliés sur place » – c’est le moins que l’on puisse dire – tandis que Townsend lui-même parle d’une « bataille longue et difficile » pour Mossoul. Il a également parlé d’un « siège » de Mossoul. Ce sont les terribles prédictions auxquelles les Syriens ne croient pas.

La propre armée d’Assad, avec ses 65 000 morts dans une guerre qui dure depuis maintenant cinq ans, a déjà été bombardée par les Américains à Deir Ezzor, où au moins 60 soldats syriens ont été tués – Washington a qualifié l’opération d’erreur – et se prépare maintenant à confronter l’énorme afflux de combattants de Daech qui pourrait traverser la frontière après la chute de Mossoul. Nasrallah lui-même y a fait allusion dans son discours. Il a suggéré que si les forces de Daech ne sont pas vaincues par les Irakiens eux-mêmes à Mossoul, alors les Irakiens – sans doute la milice chiite irakienne qui est l’un des fers de lance de l’armée gouvernementale – « seront obligés de se déplacer vers l’est de la Syrie pour combattre le groupe terroriste ».

Compte-tenu de la possibilité que les troupes syriennes et leurs alliés russes pourraient avoir à faire face à ce même groupe, il est peu étonnant qu’ils essaient de conclure leur capture des quartiers est d’Alep – quel que soit le coût en vies humaines – avant la chute de Mossoul.

Robert Fisk

Traduction “encore des pannes de satellites US à prévoir” par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

Source : Le Grand Soir, Robert Fisk, 20-10-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/que-se-passera-t-il-apres-la-chute-de-mossoul-lorsque-daech-fuira-vers-la-syrie/


Brexit : un nouveau référendum écossais sur l’indépendance en préparation, par Romaric Godin

Saturday 5 November 2016 at 01:00

Source : La Tribune, Romaric Godin, 13/10/2016

Nicola Sturgeon, premier ministre écossaise, a annoncé qu'elle lançait un nouveau référendum sur l'indépendance. (Crédits : RUSSELL CHEYNE)

Nicola Sturgeon, premier ministre écossaise, a annoncé qu’elle lançait un nouveau référendum sur l’indépendance. (Crédits : RUSSELL CHEYNE)

La première ministre écossaise Nicola Sturgeon a annoncé qu’elle déposera la semaine prochaine un projet de second référendum sur l’indépendance la semaine dernière. Mais la situation en Catalogne rend la situation très périlleuse pour l’UE.

C’est un nouveau défi pour la première ministre britannique Theresa May. Devant le congrès du Parti national écossais(SNP), Nicola Sturgeon, cheffe du gouvernement écossais a confirmé qu’un « projet de loi proposant un référendum d’indépendance sera publié pour consultation » la semaine prochaine.  « Je suis déterminée à ce que l’Écosse puisse reconsidérer la question de son indépendance et ce avant que le Royaume-Uni ne quitte l’UE si c’est nécessaire pour protéger les intérêts de notre pays », a-t-elle indiqué. Et, sans attendre le résultat de cette consultation, Nicola Sturgeon a appelé ses troupes à faire campagne pour l’indépendance, tout en mettant en garde contre tout sentiment de trop forte assurance. « Il faudra prouver l’intérêt de l’indépendance et la gagner dans les urnes », a-t-elle terminé.

Cette annonce constitue une réponse à la stratégie de Theresa May de refuser de consulter les parlements régionaux sur les négociations avec l’Union européenne concernant la sortie du Royaume-Uni et de prendre le chemin d’un « Brexit dur » en faisant le choix de prioriser la maîtrise des frontières sur l’accès au marché unique. Pour Nicola Sturgeon, toute cette stratégie est contraire aux intérêts de l’Ecosse qui, le 23 juin, a voté à 62 % en faveur du maintien dans l’UE. Et d’interpeller Theresa May : « l’Ecosse n’a pas choisi d’être dans cette situation – c’est votre parti qui nous y a mis. En 2014, vous nous avez dit que l’Ecosse était un partenaire égal dans le Royaume-Uni. Eh bien, c’est le moment de le prouver  ».

La situation a changé par rapport à 2014

Le 18 septembre 2014, les Écossais avaient, à 55 %, choisi de rester dans le Royaume-Uni. A l’époque, l’Union européenne avait fait campagne en faveur du « non » à l’indépendance, menaçant les partisans du « oui » d’obliger le nouvel Etat à se retrouver exclu de facto en dehors de l’UE, obligé de recommencer la procédure d’adhésion depuis le début. La situation est évidemment désormais très différente. Le Royaume-Uni sortant de l’UE, l’argument n’est plus valide. L’exclusion de l’Ecosse de la procédure de négociation est aussi un argument pour les Nationalistes écossais qui peuvent y voir le retour de la domination des intérêts « anglais » et un retour sur la dévolution des pouvoirs de la fin des années 1990.

Mais Nicola Sturgeon aura fort à faire pour imposer un deuxième référendum. D’abord, parce que les 62 % d’Ecossais qui ont voté contre le Brexit ne voteront pas tous en faveur de l’indépendance. Selon l’institut BMG, ce nouveau référendum reste peu populaire et n’est soutenu que par 38 % des Ecossais, 47 % y étant opposés, même si en cas de “Brexit dur”, le camp des Indépendantistes pourrait progresser. La baisse du prix du pétrole a réduit les ressources écossaises et certains mettent en garde contre le coût économique d’une rupture avec Londres. Les questions qui se posaient en 2014 restent d’actualité, notamment celle de la monnaie de la future Ecosse indépendante. En 2014, ces questions avaient aussi joué en faveur du « non » qui avait été porté principalement par la population la plus âgée de la région. Le Brexit peut changer les lignes, mais sera-ce assez ? Rien n’est moins sûr, notamment parce que l’attitude de l’UE reste équivoque.

L’UE moins enthousiaste vis-à-vis de l’Ecosse

Dans les jours qui ont suivi le 23 juin, la Commission européenne a beaucoup choyé Nicola Sturgeon. Alors que son prédécesseur José Manuel Barroso avait toujours refusé de rencontrer Alex Salmond, le premier ministre écossais avant le référendum de 2014, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne avait reçu chaleureusement Nicola Sturgeon.

Mais, rapidement, on en était resté là. L’idée avancée par Bruxelles d’utiliser l’Ecosse comme un moyen de pression sur Londres en lui proposant un statut particulier, voire en soutenant une adhésion directe en cas de référendum avant la sortie officielle du Royaume-Uni de l’UE, avait fait long feu. Car le cas écossais n’est pas isolé.

Il est observé de très près en Catalogne où la majorité parlementaire est indépendantiste. Le gouvernement espagnol, qui refuse toute autodétermination à la Catalogne, n’entend pas favoriser l’indépendance de l’Ecosse. Car si l’UE soutient le séparatisme à Edimbourg, comment pourrait-il s’opposer au séparatisme à Barcelone ? L’attitude négative de l’Espagne est, du reste, fortement soutenue par la France, terrorisée par un précédent qui pourrait donner des idées aux régionalistes. Dès lors, même en cas d’indépendance, le maintien dans l’UE n’est plus assuré et l’Ecosse pourrait devoir demander son adhésion à l’UE. Dans ces conditions, l’attrait direct de l’indépendance pourrait en être réduit.

Quel référendum ?

De fait, une des questions les plus brûlantes du second référendum écossais sera la méthode. En 2014, le référendum avait fait l’objet d’une longue négociation avec le gouvernement britannique. En octobre 2012, un accord entre Londres et Edimbourg avait permis de mettre en place le cadre du vote qui devait être organisé par le parlement écossais selon le principe d’une seule question simple. Le gouvernement britannique s’engageait à respecter le résultat. L’indépendance en cas de « oui » devait intervenir dans les deux ans suivant le scrutin. La légalité de l’accord avait pu être contestée, mais l’engagement de Londres assurait le fait que le vote aurait un impact. Cette reconnaissance par les autorités britanniques conduisait naturellement les puissances étrangères à reconnaître de facto le résultat du référendum.

Mais cette méthode simple ne semble pas d’actualité aujourd’hui. Le parlement écossais peut-il, de son propre chef, décider d’organiser un référendum sur l’indépendance en se passant de l’accord de Londres ? Cela semble peu probable. Le gouvernement britannique est-il prêt alors à renouveler les accords d’octobre 2012 ? C’est ce que Nicola Sturgeon invite Theresa May à faire ce jeudi 13 octobre. Mais le gouvernement britannique a beaucoup changé, désormais. Le Brexit a provoqué un virage à droite vers un style plus autoritaire. Le magazine de gauche New Stateman titre ce mois-ci sur la « revanche de l’Angleterre ». Il n’est pas certain que l’exécutif britannique accepte comme le précédent d’ouvrir un second front en Ecosse en plus de celui qu’il va devoir mener face à l’UE.

Mais alors ? La situation écossaise pourrait ressembler de plus en plus à celle de la Catalogne. Une majorité indépendantiste serait confrontée à un refus du pouvoir central de reconnaître le droit à l’autodétermination de la région autant que son droit à disposer d’un mot à dire dans la politique étrangère du pays. Dès lors, la seule voie pourrait être pour Edimbourg l’unilatéralité et la rupture avec la légalité britannique. C’est la voie qu’est sur le point de prendre la Catalogne puisque le parlement catalan a validé la semaine dernière une nouvelle feuille de route incluant un référendum d’autodétermination unilatéral durant la deuxième semaine de septembre 2017.

Le jeu entre l’Ecosse et la Catalogne, un casse-tête pour l’Europe ?

Ceci rend encore plus complexe la situation écossaise. Si l’Ecosse emprunte le chemin catalan, Londres et Madrid se retrouveront de facto des alliés de fait face à leurs séparatistes. La France elle-même, si elle poursuit sa politique de refus de toute modification de frontières en Europe occidentale devra refuser toute reconnaissance de l’Ecosse comme de la Catalogne.

Il ne sera pas possible, si les situations sont analogues, d’opérer une distinction entre le cas catalan et celui écossais, sous prétexte que l’un serait favorable à l’UE et pas l’autre. Si l’UE reconnaît une indépendance de l’Ecosse issu d’un référendum unilatéral, alors on ne pourra dénier cette reconnaissance à la Catalogne. De même, il sera difficile de soutenir l’indépendance écossaise ici et de combattre celle de la Catalogne là. Ce sera alors un casse-tête considérable pour les Européens.

Car si l’affaiblissement d’Edimbourg devient la priorité de Madrid et Paris, il faudra faire des concessions à Londres pour démobiliser les tentations indépendantistes écossaises. De plus, il sera alors impossible de tenter d’affaiblir Londres en soutenant l’indépendantisme écossais. Au final, le référendum de Nicola Sturgeon pourrait devenir un atout pour les Britanniques dans le cadre des négociations avec le Brexit. C’est pourquoi Londres n’a pas d’intérêt à l’accepter dans l’immédiat. Le grain de sable écossais pourrait donc entraver l’objectif actuel de la France et de l’Allemagne qui cherchent à faire du Brexit une leçon pour les Eurosceptiques français. C’est dire si l’annonce de Nicola Sturgeon rend la situation complexe. Et si ce n’est pas alors une bonne nouvelle pour les dirigeants européens.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 13/10/2016

Source: http://www.les-crises.fr/brexit-un-nouveau-referendum-ecossais-sur-lindependance-en-preparation-par-romaric-godin/


[Vidéo] Privés de savoir ?

Saturday 5 November 2016 at 00:45

Intéressant sujet, auquel je suis souvent confronté…

Source, Youtube, #Datagueule, 17-10-2016

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Dans le monde de la recherche scientifique, publier ses travaux est un passage obligé. Cela permet aux chercheuses et chercheurs de faire connaître leur travail mais aussi d’être identifié par leurs pairs et pourquoi pas d’obtenir un poste, à condition d’être publié dans les bonnes revues. Sauf que cette mécanique de publication – qui permettait à la base de faire circuler le savoir – est devenue une vraie chasse gardée économique : celle des éditeurs scientifiques. Quelques grands noms comme le neerlandais Elsevier ou le groupe Springer/Nature se partagent un marché juteux et privatisent au passage des travaux scientifiques la plupart du temps financés par des fonds publics.

Source, Youtube, #Datagueule, 17-10-2016

Source: http://www.les-crises.fr/video-prives-de-savoir/


À Jacques Julliard, l’oligarchie reconnaissante – Acrimed …

Saturday 5 November 2016 at 00:01

05Source : ACRIMED, Denis Souchon, 07-10-2016

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« C’est avec des hochets qu’on récompense les éditocrates. »

François Hollande remet la cravate de commandeur de la Légion d’honneur au subversif auteur de La Faute aux élites [1], suite à la promotion du 14 juillet dernier, qui élève par la même occasion Alain Duhamel au rang de grand officier. Pour services rendus – mais à qui ?

Si l’on considère qu’on peut évaluer le capital social d’un individu à partir de la composition d’un groupe d’individus qu’il peut rassembler dans une circonstance particulière, alors on conclura de la cérémonie de remise à Jacques Julliard de sa dernière récompense officielle que cet « intellectuel » médiatique a réussi une belle carrière au service des dominants. Décoré le 3 octobre 2016 par le président de la République, cet éditorialiste de Marianne et du Figaro avait convié ses amis issus de différents secteurs du champ du pouvoir.

Voici, par ordre d’apparition dans le compte rendu de ce raout fait par Raphaëlle Bacqué, « grand reporter » au Monde [2], celles et ceux qui en célébrant Jacques Julliard célèbrent une certaine idée de « l’indépendance » de la presse à l’égard des pouvoirs. Une indépendance si sûre d’elle-même qu’elle ne craint ni le mélange des genres ni la connivence.

– Edmond Maire, ancien patron de la CFDT de 1971 à 1988 [3] qui a participé en 2008 à un livre d’hommage à Jacques Julliard [4].

– Jack Lang, dans son propre rôle (d’ex-ministre de la culture et de la communication).

– Pierre Nora, fondateur de la revue Le Débat, éditeur chez Gallimard, directeur d’études à l’EHESS comme Jacques Julliard, et ayant appartenu, toujours comme Jacques Julliard, à la Fondation Saint-Simon [5].

– Jean-Noël Jeanneney, producteur de l’émission « Concordance des temps » sur France Culture, ancien secrétaire d’État, ancien président de Radio France, ancien président de la Bibliothèque nationale de France… et co-auteur en 1979 avec Jacques Julliard de « Le Monde » de Beuve-Méry, paru au Seuil, une maison d’édition où Jacques Julliard fut directeur de collection et dont Jean-Noël Jeanneney fut membre du conseil d’administration [6].

– Mona Ozouf, longtemps collaboratrice au Nouvel Observateur comme… Jacques Julliard.

– « Les patrons de Libération et de Marianne devisent avec celui du Figaro », nous apprend Raphaëlle Bacqué. Comment ne pas reconnaître Laurent Joffrin dont la route croisa celle de Jacques Julliard au Nouvel Observateuret à la Fondation Saint-Simon ? Et comment ne pas être touché par la présence des actuels employeurs du décoré, qui croient manifestement aux bienfaits du travail des seniors (Jacques Julliard a 83 ans) ?

– Jean d’Ormesson, dont Jacques Julliard a fait l’éloge dans le numéro du Figaro daté du jour même de la remise de la breloque : « Passer d’Alfred de Musset à Jean d’Ormesson n’exige aucune transition particulière. C’est la même liberté de ton, la même gaieté d’écriture. Mais il y a plus de tohu-bohu chez Jean que chez Alfred. » Et tous deux sont désormais disponibles dans la « Bibliothèque de la Pléiade », aux éditions Gallimard [7].

– Manuel Valls, le mari d’Anne Gravoin.

– Alain Finkielkraut, ce « philosophe »-médiatique-indépassable (dans son genre), qui co-signa avec Jacques Julliard en 1995 la pétition « Esprit » de soutien au plan Juppé de destruction de la sécurité sociale, et qui invite régulièrement le nouveau commandeur de la Légion d’honneur dans « son » émission « Répliques » sur France Culture [8].

– Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation de Jean-Pierre Raffarin et « philosophe »-médiatique-insurpassable (dans son genre), qui fut membre, comme Jacques Julliard, de la Fondation Saint-Simon, et avec lequel il forma sur LCI un duo mythique de débatteurs d’accord sur tout et opposés sur rien, comme le montrait une savoureuse séquence du film Les Nouveaux Chiens de garde.

Comment expliquer la présence de ces dominants multi-positionnés à cette cérémonie d’hommage à Jacques Julliard ? C’est très simple, il suffit d’appliquer à ce dernier ce qu’il écrit lui-même à propos de Jean d’Ormesson dans Le Figaro du 3 octobre 2016 : « Au fond, [il] mange à beaucoup de râteliers, mais il les choisit bien. »

Le cocktail en l’honneur de Jacques Julliard analysé ci-dessus est certes anecdotique, mais il est exemplaire. Et s’il est dérisoire, il n’est pas insignifiant. Tous les invités de cet éditocrate ont été et seront célébrés, selon des modalités similaires, à l’occasion d’« événements » médiatico-mondains (entrée d’Alain Finkielkraut à l’Académie française, entrée de Jean d’Ormesson dans la « Pléiade », parution du dernier opus de Luc Ferry, colloque consacré à Mona Ozouf, etc., etc.).

Ces pratiques d’auto-célébration ritualisées et continues sont l’un des outils d’intégration et de renforcement de l’entre-soi des dominants – et, apprivoisant ses chefferies, l’un des symptômes, sinon des vecteurs, de l’asservissement du « quatrième pouvoir » au pouvoir politico-économique.
Denis Souchon

Source : ACRIMED, Denis Souchon, 07-10-2016

Source: http://www.les-crises.fr/a-jacques-julliard-loligarchie-reconnaissante-acrimed/


Pour Hillary Clinton, une bonne élection est une élection truquée (Preuve Audio de 2006)

Friday 4 November 2016 at 02:33

C’est tellement mieux quand ils avouent…

Source : La mine d’infos, 01-11-2016

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Le 5 septembre 2006, Eli Chomsky était éditeur et journaliste titulaire dans la « Jewish Press » et Hillary Clinton posait sa candidature pour une réélection à coup sûr en tant que sénatrice étatsunienne. Sa campagne faisant le tour des rédactions l’a amenée à Brooklyn pour rencontrer les rédacteurs de la « Jewish Press ».

La bande n’a jamais été sortie et a seulement été entendue par une petite poignée de rédacteurs lors de la réunion. Selon Chomsky, sa cassette audio de la vieille école est la seule copie existante et personne ne l’a entendue depuis 2006, jusqu’à aujourd’hui quand il l’a fait entendre à la rédaction de The Observer.

La bande dure 45 minutes (procès-verbal) et contient beaucoup de matériel pertinent, comme une analyse de la bataille électorale à laquelle le sénateur Joe Lieberman faisait alors face dans le Connecticut. Mais une remarque apparemment passée inaperçue au sujet des élections dans des zones contrôlées par l’autorité palestinienne a pris une nouvelle tournure au moment où Donald Trump évoque le trucage des élections présidentielles aux Etats-Unis.

Parlant devant la « Jewish Press », le 25 janvier 2006, l’élection pour le deuxième Conseil Législatif palestinien, Clinton a analysé le résultat, qui était une victoire retentissante pour le Hamas (74 sièges) contre le parti du Fatah préféré par les Etats-Unis (45 sièges).

«Je ne pense pas que nous aurions dû faire pression pour une élection dans les territoires palestiniens. Je pense que c’était une grande erreur. Et si nous faisions pression pour une élection, alors nous devrions nous être assurés d’avoir fait ce qu’il fallait pour déterminer qui allait gagner. »

Source : La mine d’infos, 01-11-2016

À lire aussi :

2006 Audio Emerges of Hillary Clinton Proposing Rigging Palestine Election

et Exclusive Interview: Hillary Clinton On Israel, Iraq And Terror [archive]

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Source: http://www.les-crises.fr/pour-hillary-clinton-une-bonne-election-est-une-election-truquee/


A l’intérieur du gouvernement invisible : Guerre, Propagande, Clinton & Trump, par John Pilger

Friday 4 November 2016 at 02:31

Source : Le Grand Soir, John Pilger, 28-10-2016

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John PILGER

Le journaliste américain, Edward Bernays, est souvent présenté comme l’inventeur de la propagande moderne.

Neveu de Sigmund Freud, le pionnier de la psychanalyse, Bernays a inventé le terme « relations publiques » comme un euphémisme pour désigner les manipulations et les tromperies.

En 1929, il a persuadé les féministes de promouvoir les cigarettes pour les femmes en fumant lors d’une parade à New York – un comportement considéré à l’époque comme saugrenu. Une féministe, Ruth Booth, a déclaré, « Femmes ! Allumez un nouveau flambeau de la liberté ! Luttez contre un autre tabou sexiste ! »

L’influence de Bernays s’étendait bien au-delà de la publicité. Son plus grand succès a été de convaincre le public américain de se joindre à la grande tuerie de la Première Guerre mondiale. Le secret, disait-il, était « de fabriquer le consentement » des personnes afin de les « contrôler et orienter selon notre volonté et à leur insu ».

Il décrivait cela comme « le véritable pouvoir de décision dans notre société » et l’appelait le « gouvernement invisible ».

Aujourd’hui, le gouvernement invisible n’a jamais été aussi puissant et aussi peu compris. Dans toute ma carrière de journaliste et de cinéaste, je n’ai jamais connu de propagande aussi influente sur nos vies que celle qui sévit aujourd’hui, et qui soit aussi peu contestée.

Imaginez deux villes. Les deux sont en état de siège par les forces gouvernementales de ces pays. Les deux villes sont occupées par des fanatiques, qui commettent des atrocités, comme la décapitation.

Mais il y a une différence essentielle. Dans une des deux villes, les journalistes occidentaux embarqués avec les soldats gouvernementaux décrivent ces derniers comme des libérateurs et annoncent avec enthousiasme leurs batailles et leurs frappes aériennes. Il y a des photos en première page de ces soldats héroïques faisant le V de la victoire. Il est très peu fait mention des victimes civiles.

Dans la deuxième ville – dans un pays voisin – il se passe presque exactement la même chose. Les forces gouvernementales assiègent une ville contrôlée par la même trempe de fanatiques.

La différence est que ces fanatiques sont soutenus, équipés et armés par « nous » – par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ils ont même un centre de médias financé par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

Une autre différence est que les soldats gouvernementaux qui assiègent cette ville sont les méchants, condamnés pour avoir agressé et bombardé la ville – ce qui est exactement ce que les bons soldats font dans la première ville.

Déroutant ? Pas vraiment. Tel est le double standard de base qui est l’essence même de la propagande. Je parle, bien sûr, du siège actuel de la ville de Mossoul par les forces gouvernementales irakiennes, soutenues par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et le siège d’Alep par les forces gouvernementales de la Syrie, soutenues par la Russie. L’un est bon ; l’autre est mauvais.

Ce qui est rarement signalé est que les deux villes ne seraient pas occupées par des fanatiques et ravagées par la guerre si la Grande-Bretagne et les États-Unis n’avaient pas envahi l’Irak en 2003. Cette entreprise criminelle fut lancée sur la base de mensonges étonnamment semblables à la propagande qui déforme maintenant notre compréhension de la guerre en Syrie.

Sans ce battement de tambour de propagande déguisé en informations, les monstrueux Daesh, Al-Qaida, al-Nusra et tout le reste de ces bandes de djihadistes pourraient ne pas exister, et le peuple syrien ne serait pas en train de se battre pour sa survie.

Certains se souviendront peut-être de tous ces journalistes de la BBC qui en 2003 défilaient devant les caméras pour nous expliquer que l’initiative de Blair était « justifiée » pour ce qui allait devenir le crime du siècle. Les chaînes de télévision US fournissaient les mêmes justifications pour George W. Bush. Fox Newsinvita Henry Kissinger pour disserter sur les mensonges de Colin Powell.

La même année, peu après l’invasion, j’ai filmé une interview à Washington de Charles Lewis, le célèbre journaliste d’investigation. Je lui ai demandé, « Qu’est-ce qui se serait passé si les médias les plus libres du monde avaient sérieusement remis en question ce qui s’est avéré être une propagande grossière ? »

Il a répondu que si les journalistes avaient fait leur travail, « il y a de très fortes chances qui nous ne serions pas entrés en guerre contre Irak. »

Ce fut une déclaration choquante, et confirmée par d’autres journalistes célèbres à qui j’ai posé la même question – Dan Rather de CBS, David Rose du Observer et des journalistes et producteurs de la BBC, qui souhaitaient rester anonymes.

En d’autres mots, si les journalistes avaient fait leur travail, s’ils avaient contesté et enquêté sur la propagande au lieu de l’amplifier, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants seraient encore en vie aujourd’hui, et il n’y aurait pas de Daesh et aucun siège à Alep ou à Mossoul.

Il y aurait eu aucune atrocité dans le métro de Londres le 7 Juillet 2005. Il n’y aurait eu aucune fuite de millions de réfugiés ; il n’y aurait pas de camps misérables.

Lorsque l’atrocité terroriste a eu lieu à Paris, au mois de novembre dernier, le président François Hollande a immédiatement envoyé des avions pour bombarder la Syrie – et plus de terrorisme a suivi, de façon prévisible, produit par la grandiloquence de Hollande sur la France « en guerre » et « ne montrant aucune pitié ». Que la violence de l’État et la violence djihadiste s’alimentent mutuellement est une réalité qu’aucun dirigeant national n’a le courage d’aborder.

« Lorsque la vérité est remplacée par le silence », a déclaré le dissident soviétique Yevtushenko, « le silence devient un mensonge ».

L’attaque contre l’Irak, l’attaque contre la Libye, l’attaque contre la Syrie ont eu lieu parce que les dirigeants de chacun de ces pays n’étaient pas des marionnettes de l’Occident. Le bilan en matière de droits de l’homme d’un Saddam ou d’un Kadhafi est hors de propos. Ils ont désobéi aux ordres et n’ont pas abandonné le contrôle de leur pays.

Le même sort attendait Slobodan Milosevic une fois qu’il avait refusé de signer un « accord » qui exigeait l’occupation de la Serbie et sa conversion à une économie de marché. Son peuple fut bombardé, et il fut poursuivi à La Haye. Une telle indépendance est intolérable.

Comme WikLeaks l’a révélé, ce ne fut que lorsque le dirigeant syrien Bashar al-Assad rejeta en 2009 un projet d’oléoduc qui devait traverser son pays en provenance du Qatar vers l’Europe, qu’il a été attaqué.

A partir de ce moment, la CIA a prévu de détruire le gouvernement de la Syrie avec les fanatiques jihadistes – les mêmes fanatiques qui tiennent actuellement en otage les habitants de Mossoul et des quartiers est d’Alep.

Pourquoi les médias n’en parlent pas ? L’ancien fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères britannique, Carne Ross, qui était responsable des sanctions opérationnelles contre l’Irak, m’a dit : « Nous fournissions aux journalistes des bribes d’informations soigneusement triées, ou nous les tenions à l’écart. Voilà comment ça fonctionnait. ».

L’allié médiéval de l’Occident, l’Arabie Saoudite – à laquelle les Etats-Unis et la Grande-Bretagne vendent des milliards de dollars d’armement – est en ce moment en train de détruire le Yémen, un pays si pauvre que, dans le meilleur des cas, la moitié des enfants souffrent de malnutrition.

Cherchez sur YouTube et vous verrez le genre de bombes massives – “nos” bombes – que les Saoudiens utilisent contre des villages de terre battue, et contre les mariages et les funérailles.

Les explosions ressemblent à de petites bombes atomiques. Ceux qui pilotent ces bombes depuis l’Arabie Saoudite travaillent côte à côte avec des officiers britanniques. Vous n’en entendrez pas parler dans les journaux télévisés du soir.

La propagande est plus efficace lorsque notre consentement est fabriqué par l’élite éduquée – Oxford, Cambridge, Harvard, Columbia – qui fait carrière à la BBC, au Guardian, New York Times, Washington Post.

Ces médias sont réputés pour être progressistes. Ils se présentent comme des gens éclairés, des tribuns progressistes de la morale ambiante. Ils sont anti-racistes, pro-féministes et pro-LGBT.

Et ils adorent la guerre.

En même temps qu’ils défendent le féminisme, ils soutiennent les guerres rapaces qui nient les droits d’innombrables femmes, dont le droit à la vie.

En 2011, la Libye, un Etat moderne, fut détruite sous prétexte que Mouammar Kadhafi était sur le point de commettre un génocide contre son propre peuple. L’information tournait en boucle ; mais il n’y avait aucune preuve. C’était un mensonge.

En réalité, la Grande-Bretagne, l’Europe et les États-Unis voulaient ce qu’ils aiment à appeler un « changement de régime » en Libye, le plus grand producteur de pétrole en Afrique. L’influence de Kadhafi sur le continent et, surtout, son indépendance était intolérable.

Il a donc été assassiné avec un couteau dans son arrière par des fanatiques, soutenus par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Devant une caméra, Hillary Clinton a applaudi sa mort horrible en déclarant, « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort ! »

La destruction de la Libye fut un triomphe médiatique. Tandis que l’on battait les tambours de guerre, Jonathan Freedland écrivait dans le Guardian : « Bien que les risques soient bien réels, le cas d’une intervention reste forte. »

Intervention. Un mot poli, bénin, très « Guardian », dont la signification réelle, pour la Libye, fut la mort et la destruction.

Selon ses propres dossiers, l’OTAN a lancé 9.700 « frappes aériennes » contre la Libye, dont plus d’un tiers étaient destinées à des cibles civiles. Elles comprenaient des missiles avec des ogives d’uranium. Regardez les photos des décombres à Misurata et à Syrte, et les fosses communes identifiées par la Croix-Rouge. Le rapport de l’Unicef sur les enfants tués dit, « la plupart [d’entre eux] avaient moins de dix ans. » Comme conséquence directe, Syrte est devenue la capitale de l’Etat Islamique.

L’Ukraine est un autre triomphe médiatique. Des journaux libéraux respectables tels que le New York Times, le Washington Post et le Guardian, et les diffuseurs traditionnels tels que la BBC, NBC, CBS et CNN ont joué un rôle crucial dans le conditionnement de leurs téléspectateurs pour accepter une nouvelle et dangereuse guerre froide.

Tous ont déformé les événements en Ukraine pour en faire un acte maléfique de la Russie, alors qu’en réalité, le coup d’Etat en Ukraine en 2014 fut le travail des États-Unis, aidés par l’Allemagne et de l’OTAN.

Cette inversion de la réalité est tellement omniprésente que les menaces militaires de Washington envers la Russie sont passées sous silence ; tout est occulté par une campagne de dénigrement et de peur du genre de celui que j’ai connu pendant la première guerre froide. Une fois de plus, les Russkoffs viennent nous chercher des poux, dirigés par un nouveau Staline, que The Economist dépeint comme le diable.

L’occultation de la vérité sur l’Ukraine est une des opérations de censure les plus complètes que j’ai jamais vue. Les fascistes qui ont conçu le coup d’Etat à Kiev sont de la même trempe que ceux qui ont soutenu l’invasion nazie de l’Union soviétique en 1941. Alors que l’on se répand sur les craintes d’une montée de l’antisémitisme fasciste en Europe, aucun dirigeant ne mentionne les fascistes en Ukraine – sauf Vladimir Poutine, mais lui ne compte pas.

Beaucoup dans les médias occidentaux ont travaillé dur pour présenter la population russophone ethnique de l’Ukraine comme des étrangers dans leur propre pays, comme des agents de Moscou, presque jamais comme des Ukrainiens qui cherchent une fédération en Ukraine et, en tant que citoyens ukrainiens, qui résistent à un coup d’Etat orchestré depuis l’étranger contre leur gouvernement élu.

Chez les bellicistes règne pratiquement le même état d’excitation que lors d’une réunion de classe. Le batteurs de tambour du Washington Post qui incitent à la guerre contre la Russie sont les mêmes qui publiaient les mensonges sur les armes de destructions massive de Saddam Hussein.

Pour la plupart d’entre nous, la campagne présidentielle US est un spectacle de monstres, où Donald Trump tient le rôle du grand méchant. Mais Trump est détesté par ceux qui détiennent le pouvoir aux États-Unis pour des raisons qui ont peu à voir avec son comportement odieux et ses opinions. Pour le gouvernement invisible à Washington, le Trump imprévisible est un obstacle au projet de l’Amérique pour le 21e siècle, qui est de maintenir la domination des États-Unis et de soumettre la Russie, et, si possible, la Chine.

Pour les militaristes à Washington, le vrai problème avec Trump est que, dans ses moments de lucidité, il ne semble pas vouloir une guerre avec la Russie ; il veut parler avec le président russe, pas le combattre ; il dit qu’il veut parler avec le président de la Chine.

Dans le premier débat avec Hillary Clinton, Trump a promis de ne pas être le premier à utiliser des armes nucléaires dans un conflit. Il a dit : « Je ne voudrais certainement pas effectuer la première frappe. Une fois l’option nucléaire prise, c’est fini. » Les médias n’en ont pas parlé.

Le pensait-il réellement ? Qui sait ? Il se contredit souvent. Mais ce qui est clair, c’est que Trump est considéré comme une grave menace pour le statu quo entretenu par le vaste appareil de sécurité nationale qui opère aux États-Unis, quel que soit l’occupant de la Maison Blanche.

La CIA veut le voir battu. Le Pentagone veut le voir battu. Les médias veulent le voir battu. Même son propre parti veut le voir battu. Il représente une menace pour les dirigeants du monde – contrairement à Clinton, qui n’a laissé aucun doute qu’elle était prête à aller en guerre contre la Russie et la Chine, deux pays qui possèdent des armes nucléaires.

Clinton a la forme, comme elle s’en vante souvent. En effet, elle n’a plus rien à prouver. En tant que sénatrice, elle a soutenu le bain de sang en Irak. Quand s’est présentée contre Obama en 2008, elle a menacé de « totalement détruire » l’Iran. En tant que secrétaire d’Etat, elle a comploté dans la destruction des gouvernements de la Libye et du Honduras et mis en branle la provocation de la Chine.

Elle a promis de soutenir une zone d’exclusion aérienne en Syrie – une provocation directe d’une guerre avec la Russie. Clinton pourrait bien devenir le président le plus dangereux des États-Unis de mon vivant – un titre pour lequel la concurrence est rude.

Sans la moindre preuve, elle a accusé la Russie de soutenir Trump et d’avoir piraté ses e-mails. Publiés par WikiLeaks, ces e-mails nous révèlent que ce que dit Clinton en privé, dans ses discours aux riches et puissants, est le contraire de ce qu’elle dit en public.

Voilà pourquoi il est si important de faire taire et de menacer Julian Assange. En tant que dirigeant de WikiLeaks, Julian Assange connaît la vérité. Et permettez-moi de rassurer tous ceux qui sont préoccupés, il va bien, et WikiLeaks tourne à plein régime.

Aujourd’hui, la plus grande accumulation de forces dirigées par les Etats-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale est en route – dans le Caucase et l’Europe orientale, à la frontière avec la Russie, et en Asie et dans le Pacifique, où la Chine est la cible.

Gardez cela à l’esprit lorsque le cirque de l’élection présidentielle atteindra son apogée le 8 Novembre, Si Clinton gagne, un chœur des commentateurs écervelés célébrera son couronnement comme un grand pas en avant pour les femmes. Aucun ne mentionnera les victimes de Clinton : les femmes syriennes, les femmes irakiennes, les femmes libyennes. Aucun ne mentionnera les exercices de défense civile menées en Russie. Aucun ne rappellera « les flambeaux de la liberté » d’Edward Bernays.

Un jour, le porte-parole chargé des relations avec la presse de George Bush a qualifié les médias de « facilitateurs complices ».

Venant d’un haut fonctionnaire d’une administration dont les mensonges, permis par les médias, ont provoqué tant de souffrances, cette description est un avertissement de l’histoire.

En 1946, le procureur du Tribunal de Nuremberg a déclaré au sujet des médias allemands : « Avant chaque agression majeure, ils lançaient une campagne de presse calculée pour affaiblir leurs victimes et préparer psychologiquement le peuple allemand pour une attaque. Dans le système de propagande, la presse quotidienne et la radio étaient les armes les plus importantes. »

John Pilger

Traduction “j’avais récemment recommencé à écouter France-Inter mais je n’ai tenu qu’une petite semaine” par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

Source : Le Grand Soir, John Pilger, 28-10-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/a-linterieur-du-gouvernement-invisible-guerre-propagande-clinton-trump-par-john-pilger/


Les alliés des Etats-Unis financent l’Etat Islamique – et Hillary Clinton l’a toujours su…

Friday 4 November 2016 at 02:30

Source : Le Grand Soir, Patrick Cockburn, 17-10-2016

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Patrick COCKBURN

C’est une chance pour l’Arabie Saoudite et le Qatar que l’agitation autour des frasques sexuelles de Donald Trump détourne l’attention des dernières révélations sur les emails de Hillary Clinton. Le plus fascinant est celui qui paraît être une note interne du Département d’Etat, datée du 17 août 2014, au sujet d’une riposte appropriée des Etats-Unis à l’EI dont les forces avançaient rapidement à travers le nord de l’Irak et l’est de la Syrie.

A l’époque, le gouvernement US ne reconnaissait pas que l’Arabie Saoudite et ses alliés sunnites soutenaient des mouvements de type Etat Islamique et Al-Qaeda. Mais la note publiée, qui dit s’appuyer sur « des services de renseignement occidentaux, des services de renseignement étatsuniens et des sources dans la région », ne laisse planer aucun doute sur les soutiens de l’Etat Islamique qui à l’époque massacrait et violait la minorité Yazadi et massacrait les soldats capturés Irakiens et Syriens.

La note précise : « Nous devons recourir à nos moyens diplomatiques et de renseignement traditionnels pour faire pression sur les gouvernements du Qatar et de l’Arabie Saoudite, qui fournissent un soutien clandestin financier et logistique à ISIS (EI/Daesh – NdT) et à d’autres groupes radicaux dans la région. » Un fait à l’évidence communément admis dans les hauts échelons du gouvernement des Etats-Unis mais jamais reconnu publiquement car il était aussi communément admis que cela risquait d’envenimer les relations entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, les monarchies du Golfe, la Turquie et le Pakistan, et saper gravement l’influence des Etats-Unis au Moyen-Orient et un Asie du sud.

Pendant une période extraordinairement longue après le 11/9, les Etats-Unis refusaient de confronter leurs alliés sunnites traditionnels, assurant du coup l’échec prévisible de la « guerre contre le terrorisme ». Quinze ans plus tard, al-Qaeda et ses différents affiliés sont beaucoup plus forts qu’ils ne l’étaient parce que des Etats douteux, sans qui ils n’auraient pas survécu, leur ont donné carte blanche.

Ce n’est pas comme si Hillary Clinton, et le Département d’Etat des Etats-Unis en général, ne savait pas ce qui se passait. Une précédente fuite publiée par Wikileaks d’un câble du Département d’Etat envoyée sous son nom en décembre 2009 indique que « L’Arabie Saoudite demeure un soutien financier important à al-Qaeda, aux Taliban, à LeT [Lashkar-e-Taiba au Pakistan]. » Mais la complicité de l’Arabie Saoudite avec ces mouvements n’a jamais constitué un point politique important pour les Etats-Unis. Pourquoi ?

La réponse est que les Etats-Unis pensaient qu’il n’était pas dans leur intérêt de couper les relations avec leurs alliés sunnites et ils ont investi beaucoup de ressources pour s’assurer que cela ne se produise pas. Ils ont fait appel à des journalistes, des universitaires et des politiciens complaisants prêts à soutenir, ouvertement ou non, les positions saoudiennes.

Ce que pensaient réellement les officiels de la Maison Blanche et du Département d’Etat ne remontait que rarement à la surface et même lorsque leurs déclarations étaient répercutées par les médias, elles étaient vite oubliées. Plus tôt cette année, par exemple, Jeffrey Goldberg de The Atlantic a écrit un article basé sur de nombreux entretiens avec Barack Obama où Obama « a questionné, parfois sèchement, le rôle joué par les alliés sunnites des Etats-Unis dans le terrorisme anti-américain. A l’évidence, il est contrarié par le fait que l’orthodoxie diplomatique l’oblige à traiter l’Arabie Saoudite comme un allié. »

Il mérite d’être rappelé le cynisme de la Maison Blanche quant à la production d’orthodoxie en matière de politique étrangère et la facilité avec laquelle elle pouvait être achetée. Goldberg raconte que « un sentiment largement partagé à la Maison Blanche est que la plupart des think-tanks sur la politique étrangère à Washington travaillent pour le compte de leurs financeurs arabes ou pro-israéliens. J’ai entendu un officiel de l’administration faire référence à Massachusetts Avenue, où nombre de ces think-tanks sont implantés, de “territoire occupé par les Arabes” ».

Malgré cela, les télévisions et journaux qui interviewent ces auto-proclamés experts, issus de ces mêmesthinks-tanks, sur l’Etat Islamique, la Syrie, l’Irak, l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe, ignorent volontairement ou non leur sympathies partisanes.

Le courriel de Hillary Clinton d’août 2014 présente comme un fait acquis que l’Arabie Saoudite et le Qatar financent l’Etat Islamique – mais ce n’était pas la version qui prédominait dans les médias à l’époque. On racontait partout que le nouveau califat auto-proclamé se finançait avec la vente de pétrole, de taxes et d’antiquités ; il s’ensuivait que l’Etat Islmaique n’avait pas besoin de l’argent de l’Arabie Saoudite et des pays du Golfe. On ne pouvait pas donner la même explication pour le financement d’al-Nosra, qui ne contrôlait pas de puits de pétrole, mais même dans le cas de l’Etat Islamique, ces explications ne tenaient pas la route.

Les dirigeants Kurdes et Irakiens ont dit qu’ils n’en croyaient pas un mot, affirmant en privé que l’Etat Islamique faisait du chantage auprès des états du Golfe en les menaçant de violences sur leurs territoires s’ils ne payaient pas. Les officiels Kurdes et Irakiens n’ont jamais présenté de preuves, mais il semble peu probable que des hommes aussi durs et peu scrupuleux que les dirigeants de l’EI se seraient contentés de prélever des taxes sur les camions et les boutiques dans les terres étendues mais arides qu’ils contrôlaient sans chercher à arracher des sommes bien plus importantes de donateurs publics et privés fabuleusement riches dans les états pétroliers du Golfe.

Selon le dernier courriel publié, le Département d’Etat et le renseignement US n’avaient à l’évidence aucun doute que l’Arabie Saoudite et le Qatar finançaient l’EI. Mais il y a toujours eu un étrange décalage entre ce que l’administration Obama savait sur l’Arabie Saoudite et les états du Golfe et ce qu’elle disait en public. Il arrivait parfois que la vérité surgisse, comme lorsque le Vice-Président Joe Biden a déclaré devant des étudiants à Harvard en octobre 2014 que l’Arabie Saoudite, la Turquie et les Emirats Arabes Unis « étaient réellement déterminés à renverser Assad et provoquer une guerre entre Sunnites et Chiites. Qu’ont-ils fait ? Ils ont déversé des centaines de millions de dollars et des milliers d’armes sur tous ceux qui voulaient bien combattre Assad. Sauf que ceux qui recevaient tout ça étaient al-Nusra et al-Qaeda et des éléments extrémistes djihadistes qui arrivaient d’autres parties du monde. » Biden a dénigré l’idée qu’il existerait des Syriens « modérés » capables de combattre à la fois l’EI et Assad.

Hillary Clinton devrait se trouver en difficulté à cause de tous ses échecs en matière de politique étrangère lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat. Mais la démagogie de Trump est telle qu’elle n’a jamais eu à en répondre. Les Républicains se sont focalisés sur des sujets – la mort de l’ambassadeur US à Benghazi en 2012 et le retrait des troupes US de l’Irak en 2011 – dont elle n’est pas responsable.

Une présidence Clinton pourrait signifier un rapprochement avec l’Arabie Saoudite mais les attitudes américaines envers le régime saoudien sont en train de tourner au vinaigre, comme le démontre la décision récente du Congrès de voter à une écrasante majorité le rejet du veto présidentiel sur une loi qui autorise les familles des victimes des attentats du 11/9 de poursuivre en justice le gouvernement Saoudien.

Il y a autre chose qui est en train d’affaiblir l’Arabie Saoudite et ses alliés sunnites. La note parle de rivalité entre l’Arabie Saoudite et le Qatar « pour la domination du monde sunnite ». Mais le projet semble avoir capoté avec l’est d’Alep et Mossoul, deux grandes villes sunnites, sous les bombes et probablement sur le point de tomber. Quelle que soit l’idée que l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie et d’autres avaient derrière la tête, elle ne réussira pas et les Sunnites en Syrie et en Irak en payeront le prix. C’est cet échec qui façonnera les futures relations des états sunnites avec la nouvelle administration US.

Patrick Cockburn 

Traduction « on en saura plus demain matin dans vos médias préférés… nan, j’déconne » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

Source : Le Grand Soir, Patrick Cockburn, 17-10-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/les-allies-des-etats-unis-financent-letat-islamique-et-hillary-clinton-la-toujours-su/


Le mythe du Cheval de Troie

Thursday 3 November 2016 at 01:18

Aujourd’hui je vous propose une petite synthèse sur le mythe du Cheval de Troie. Il est intéressant car on peut l’utiliser à propos de techniques de désinformation. On pensera ainsi au socialisme cheval de Troie du néolibéralisme dans les années 1980…

Le Cheval de Troie reste pour tous l’exemple-type de la ruse dans lequel l’ennemi tombe volontairement. Mais l’on a tendance à oublier, voire à ignorer, que les Troyens ont été « aidés » à tomber dans le piège par d’habiles manipulations du camp grec.

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Reprenons depuis le début. Le Cheval de Troie est un épisode décisif de la guerre de Troie, conflit qui eut probablement lieu au XIIe siècle avant J.C. et qui nous est parvenu au travers des récits fondateurs de la mythologie grecque. Pâris, prince de Troie (cité que l’on appelle aussi Ilion ou Pergame), enlève la belle Hélène, femme de Ménélas le roi de Sparte. Pour la récupérer, ce dernier fait appel aux autres rois grecs et lance avec son frère Agamemnon une expédition sur Troie. Débute alors un siège qui durera dix ans et qui, après de nombreux revers de part et d’autre, prendra fin grâce à la ruse qui nous intéresse avec la victoire des Grecs et la mise à sac de Troie.

Cette ruse est un formidable exemple de ce que Vladimir Volkoff (un grand prédécesseur…) théorisera sous le nom de désinformation. Les Grecs construisent une statue de cheval en bois qui possède deux caractéristiques : la première – la plus connue -, le cheval est creux, à l’intérieur est cachée une escouade composée des meilleurs guerriers grecs ; la seconde est que le cheval est trop grand pour pouvoir passer la porte des murailles de Troie. Cette statue sera le support de désinformation. Après sa construction, l’armée grecque fait mine d’abandonner le siège et s’en va attendre son heure sur une île voisine, non sans laisser sur place un agent d’influence : Sinon. Lorsque les Troyens sortent de la ville pour examiner le campement désert, ils ne trouvent que le cheval et Sinon. Sinon parvient à gagner la confiance de certains Troyens en se faisant passer pour une victime des Grecs.

Puis il développe le thème que les Grecs ont imaginé : ce cheval est érigé pour apaiser la déesse Pallas-Athéna (protectrice des Grecs) qui aurait été courroucée par le fait que le Grec Ulysse ait dérobé une statue à sa gloire dans Troie. Le cheval aurait été construit trop grand de façon à ce que les Troyens ne puissent pas le faire pénétrer dans leur cité, car un devin aurait prédit un grand désastre pour les Grecs si cela advenait. Les Troyens, sensibles à ce thème, le relaient entre eux, d’eux-mêmes.

Enfin, le prêtre Laocoon est tué par deux serpents alors qu’il tentait de prévenir les Troyens d’une ruse possible. Ceux-là attribuent sa mort à Pallas-Athéna qui aurait été fâchée de cette défiance (quand le responsable est probablement Poséïdon, pour aider les Grecs). Cet incident enlève toute rationalité à « l’opinion publique » troyenne et, malgré les avertissements de Cassandre ainsi que certains signes révélateurs (comme le bruit des armes grecques à l’intérieur du cheval lorsque celui-ci est déplacé), les Troyens abattent eux-mêmes les murailles de la ville pour faire rentrer la statue de bois… La nuit tombée, les guerriers Grecs en sortent, font signe aux leurs de revenir, et mettent la ville à sac.

 

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Virgile entouré de deux muses, mosaïque conservée au musée du Bardo, III° siècle après Jésus Christ, Tunis.

Comme l’a résumé Guillaume Weill-Raynal dans son ouvrage “Les nouveaux désinformateurs” :

“Son récit s’appuie pourtant, à chacun de ses épisodes, sur tous les ressorts psychologiques d’une opération de désinformation conduite dans les règles de l’art. Car les Troyens sont la cible d’un « montage » dont le thème leur est sensible au plus haut point – la protection de la déesse Pallas-Athéna à laquelle ils vouent le même culte que leurs ennemis – et dont le cheval constitue le support. Un agent d’influence parvient, en effet, à les convaincre que la hauteur impressionnante de cet étrange trophée abandonné par les Grecs sous les murailles de Troie ne s’explique que par le souci de ces derniers d’empêcher précisément que les Troyens, en le faisant pénétrer dans l’enceinte de leur ville, n’obtiennent l’appui favorable de la déesse. Dans une ambiance festive de chants et de danses orchestrée par les idiots utiles qui se font les relais de cet agent, les murailles de Troie seront donc abattues par ses propres habitants qui, croyant œuvrer à leur victoire, acquiesceront sans le savoir à leur propre défaite.”

Ci-après, l’épisode du Cheval de Troie narré au début du livre II de l’Énéide de Virgile [le texte intégral est disponible sur ce site, avec de nombreuses annotations qui aident à la compréhension] :

« Brisés par la guerre et refoulés par les destins,
après tant d’années écoulées déjà, les chefs des Danaens [les Grecs],
inspirés par la divine Pallas, fabriquent un cheval haut
comme une montagne, aux flancs tressés de planches de sapin :
ce serait une offrande pour leur retour ; c’est le bruit qui court.
Secrètement, ils enferment dans les flancs aveugles de l’animal
des hommes d’élite tirés au sort et remplissent de soldats armés
les profondes cavités du ventre de la bête.
Du rivage on aperçoit Ténédos, île très fameuse,
opulente tant que subsista le royaume de Priam,
aujourd’hui simple baie et port peu sûr pour les bateaux :
là se rendent les Danaens et s’y cachent sur le rivage désert.

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Le Royaume de Priam, 1 : 800000 env. – BNF

Nous, nous les croyions partis pour Mycènes à la faveur des vents.
Dès lors la Troade tout entière se libère d’un long deuil ;
on ouvre les portes ; on se plaît à courir au camp des Doriens,
à visiter ces lieux désertés et le littoral abandonné :
ici campaient les Dolopes ; ici le farouche Achille avait planté sa tente ;
ici était l’endroit réservé à la flotte, là souvent ils s’entraînaient au combat.
Certains sont stupéfaits devant le funeste présent à la vierge Minerve,
et admirent des dimensions du cheval ; Thymétès, le tout premier,
suggère de l’introduire dans les murs et de l’installer sur la citadelle ;
était-ce fourberie, ou le destin de Troie était-il à l’oeuvre déjà !
Mais Capys et les mieux inspirés recommandent
soit de précipiter dans la mer le piège des Danaens
et leur présent suspect, d’y bouter le feu et de le brûler,
soit de forer le ventre du cheval et d’en explorer les coins secrets.
Le peuple indécis se patage en partis opposés.
Alors, en tête d’une importante foule qui l’escorte,
Laocoon dévale, tout excité, du sommet de la citadelle et crie de loin  :
ʻ Malheureux concitoyens, quelle immense folie vous prend ?
Croyez-vous les ennemis partis ? Pensez-vous qu’un seul présent
des Danaens soit exempt de pièges ? Ne connaissez-vous pas Ulysse ?
Ou des Achéens sont enfermés et cachés dans ce cheval de bois,
ou cette machine a été fabriquée pour franchir nos murs,
observer nos maisons, et s’abattre de toute sa hauteur sur la ville,
ou alors elle recèle un autre piège ; Troyens, ne vous fiez pas au cheval.
De toute façon, je crains les Danaens, même s’ils sont porteurs d’offrandes.ʼ
Cela dit, de toutes ses forces il fait tournoyer une longue pique
vers le flanc du monstre et son ventre courbe de poutres jointes.
Elle s’y fiche en vibrant, les flancs du cheval en sont ébranlés,
tandis que résonnent et gémissent ses profondes cavernes.
Et sans les destins des dieux, sans l’aveuglement de nos esprits,
il nous avait poussés à profaner de nos lances les cachettes des Argiens,
Troie maintenant tu serais debout,  tu subsisterais, altière citadelle de Priam !

Reconstitution de la ville de Troie entre le VIème et le VIIème siècle.

Reconstitution de la ville de Troie entre le VIème et le VIIème siècle.

Entre-temps, on aperçoit un homme, les mains liées derrière le dos ;
des bergers dardaniens au milieu des cris traînaient vers le roi.
cet inconnu qui s’était spontanément présenté à eux,
dans ce but précis : ouvrir Troie aux Achéens ;

il était plein de détermination et tout aussi résolu
à mener à bien ses ruses qu’à affronter une mort certaine.
Poussés par la curiosité, les jeunes Troyens se ruent de toutes parts,
entourent le prisonnier, le maltraitent à l’envi.
Écoute maintenant les fourberies des Danaens,
et à partir d’un seul criminel, apprends à les connaître tous.
Donc, dès qu’il se trouva debout au centre des regards, désarmé,
il parcourut des yeux les troupes phrygiennes, et dit :
ʻ Hélas ! maintenant, quelle terre, quelles mers peuvent m’accueillir ?
Que reste-t-il maintenant au malheureux que je suis ?
Je n’ai plus de place nulle part chez les Danaens, et en outre,
les Dardanides, me haïssent et exigent mon supplice et mon sang.ʼ
Ces plaintes retournent les esprits, toute aggressivité retombe.
Nous l’invitons à parler : quelle est sa race, que propose-t-il,
quelle confiance faire à un captif ? qu’il s’explique !

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Lui, abandonnant finalement toute crainte, dit :
ʻ Assurément, roi, quoi qu’il advienne, tout ce que je te dirai
sera la vérité ; je ne cacherai pas que je suis de race argienne ;
c’est la première chose ; et si la Fortune a fait de Sinon un malheureux,
si mauvaise soit-elle, elle n’en fera ni un fourbe ni un menteur.
Peut-être, lors d’une conversation, tes oreilles ont-elles entendu
le nom de Palamède le Bélide, au célèbre renom ;
suite à une fausse révélation, à une horrible accusation, les Pélasges
envoyèrent à la mort cet innocent, parce qu’il s’opposait à la guerre ;
et maintenant qu’il est privé de lumière, ils le pleurent.
C’est à lui que dès mes jeunes années mon  père, un homme pauvre,
m’envoya comme compagnon d’armes, et  proche de lui par les liens du sang.
Aussi longtemps que Palamède vécut sain et sauf dans son royaume
et influent dans les assemblées des rois, mon nom aussi était connu,
j’ai joui d’un certain renom. Depuis que la haine du perfide Ulysse
– je ne dis que des choses connues –, l’a éloigné des rives terrestres,
j’ai traîné dans l’affliction une vie obscure et endeuillée,
m’indignant en mon coeur de la chute d’un ami innocent.
Et, fou que j’étais, je ne me suis pas tu, je me suis même promis,
si le destin le permettait, si je rentrais vainqueur à Argos, ma patrie,
de le venger. Par ces paroles, je me suis attiré d’âpres haines ;
c’est ainsi que j’ai commencé à glisser dans le malheur : sans cesse,
Ulysse m’accablait de nouveaux griefs, faisait courir dans le peuple
des sous-entendus et, préparant son coup, fourbissait ses armes.
En effet, avec la complicité de Calchas, il ne s’arrêta pas avant …
Mais pourquoi donc ressasser en vain ces souvenirs désagréables ?
Ou pourquoi traîner, si vous jugez tous les Achéens à la même aune,
s’il vous suffit d’entendre ce nom ? Infligez-moi sur le champ ma punition :
c’est ce que voudrait l’homme d’Ithaque, et les Atrides payeraient cher pour cela.ʼ

Alors, nous brûlons vraiment de l’interroger, de comprendre,
ignorants que nous étions de si grands forfaits et de la fourberie pélasge.
Il poursuit alors en tremblant et, le coeur plein de duplicité, dit :
ʻ Souvent les Danaens ont voulu s’enfuir, abandonner Troie
et s’éloigner, épuisés qu’ils étaient par cette guerre sans fin.

Ah ! Que ne l’ont-ils fait ! Souvent l’âpre tempête marine les retenait
et, quand ils voulaient se mettre en route, l’Auster les effrayait.
Puis surtout, tandis que déjà se dressait ce cheval en planches d’érable,
les nuages grondèrent dans toute l’immensité du ciel.
Indécis, nous envoyons Eurypyle interroger les oracles de Phébus ;
il rapporte du sanctuaire les tristes paroles que voici :
ʻ Par le sang d’une vierge immolée, Danaens, vous avez apaisé les vents,
lorsque vous avez abordé pour la première fois aux rives d’Ilion ;
dans le sang aussi, vous devrez chercher le retour ; il faut sacrifier
une âme argienne ʼ. Dès que l’oracle eut frappé leurs oreilles,
les assistants stupéfaits sont pris jusqu’aux os d’un tremblement glacial :
de qui préparait-on la mort ? Quelle victime réclamait Apollon ?
Alors l’homme d’Ithaque fait s’avancer le devin Calchas parmi la foule,
dans un grand brouhaha ; il exige de connaître ces ordres des dieux.
Déjà beaucoup me prédisaient le forfait cruel de cet être plein d’artifice
et, en silence, pressentaient ce qui allait se produire.
Durant dix jours, le devin se tait ; retiré chez lui, il refuse
de prononcer la parole qui livrera un homme et l’enverra à la mort.
Finalement, amené avec force cris par l’homme d’Ithaque,
Calchas, comme convenu, rompt son silence et me désigne pour l’autel.
Tous approuvèrent ; et le sort que chacun redoutait pour lui-même,
tous acceptèrent de le voir tourner à la perte d’un seul infortuné.

Ulysse

Ulysse

Déjà était arrivé le jour fatidique ; près de moi, on dispose les objets rituels,
les farines salées et les bandelettes autour de mes tempes.
Je me suis arraché à la mort, je l’avoue, j’ai brisé mes chaînes
et, près d’un lac boueux, la nuit, je me suis tapi, dissimulé
dans les roseaux, attendant éventuellement qu’ils hissent  les voiles !
Désormais, je n’ai plus aucun espoir de retrouver mon ancienne patrie,
ni mes chers enfants ni mon père, que j’ai tant souhaité revoir ;
peut-être ces gens vont-ils les châtier à cause de ma fuite
et venger ma faute en mettant à mort ces malheureux !
Au nom des dieux et des puissances divines au fait de la vérité,
au nom aussi, si elle subsiste quelque part chez les mortels,
de la bonne foi inviolée, aie pitié de si grandes épreuves,
je t’en prie, aie pitié d’un coeur accablé par un sort immérité.ʼ

Émus par ces larmes, nous lui laissons la vie, le prenons même en pitié.
Le premier, Priam ordonne de retirer les fers de ses mains,
de desserrer ses liens ; il s’adresse à lui avec bienveillance :
ʻQui que tu sois, oublie désormais ces Grecs que tu as quittés,
tu seras des nôtres ; et réponds à mes questions en toute sincérité :
Pourquoi avoir dressé ce cheval énorme ? Qui en est l’auteur ?
Que veulent-ils ? Est-ce une offrande ? Une machine de guerre ? ʼ
Priam s’était tu. Sinon, formé aux ruses et aux artifices des Pélasges,
leva vers le ciel ses mains dégagées de liens et dit :
ʻ Feux éternels à la puissance inviolable, je vous prends à témoin ;
vous, autels et glaives maudits auxquels j’ai échappé,
bandelettes sacrées que j’ai portées comme victime :

j’ai le droit de renier mes engagements sacrés envers les Grecs,
j’ai le droit de haïr ces hommes et de révéler tous les secrets
Toi, du moins, respecte tes promesses, ô Troie, et, sauvée,
garde ta parole, si je dis vrai, si je te paie grandement en échange.

Tout l’espoir des Danaens, leur confiance dans la guerre entreprise
a reposé, de tout temps, sur le secours de Pallas. Mais pourtant,
dès le jour où l’impie fils de Tydée et Ulysse, ce fauteur de crimes,
entreprirent d’enlever du temple sacré le Palladium fatidique,
quand ils eurent, après le massacre des gardes de la haute citadelle,
saisi l’effigie sacrée et osé, de leurs mains baignées de sang,
toucher les bandelettes virginales de la déesse, dès ce jour,
l’espoir des Danaens faiblit, s’écoulant puis refluant,
leurs forces se brisèrent, la faveur de la déesse se détourna.
Et la Tritonienne le leur manifesta par des prodiges évidents.
Sa statue venait à peine d’être placée dans le camp : d’ardentes flammes
jaillirent de ses regards fixes ; une sueur salée parcourut ses membres
et par trois fois, d’elle-même,  miracle indicible,
elle se souleva du sol, avec son bouclier et sa lance qui tremblait.
Aussitôt le devin Calchas s’écrie qu’il faut prendre la mer et fuir,
que les Argiens n’anéantiront Pergame sous leurs traits
s’ils ne vont reprendre les auspices à Argos, et en ramènent le Palladium,
qu’ils ont emporté avec eux par-delà la mer, sur leurs nefs creuses.
Et maintenant, qu’ils ont regagné Mycènes leur patrie à la faveur du vent,
et se ménagent des armes et la faveur des dieux, après avoir retraversé la mer,
ils reparaîtront à l’improviste : c’est ainsi que Calchas explique les présages !
Cette statue, ils l’ont dressée sur son conseil, à la place du Palladium,
en réparation à la divinité offensée, pour expier leur funeste sacrilège.
Cependant Calchas a ordonné d’élever cet énorme monument
de planches assemblées, et de le faire monter jusqu’au ciel,
de sorte qu’il ne puisse franchir les portes, ni pénétrer dans vos murs,
ni assurer à votre peuple la protection de son culte ancestral.
Car si de votre main vous profaniez l’offrande à Minerve,
un grand désastre  – puissent les dieux retournert plutôt ce présage
contre le devin ! – surviendrait pour le royaume de Priam et  les Phrygiens.
Mais si de vos propres mains vous  hissiez le cheval dans la ville,
c’est  l’Asie qui dans une guerre terrible se rendrait d’elle-même
sous les murs de Pélops ; tel est le destin réservé à nos descendants ! ʼ
Grâce à ces machinations et à l’habileté du parjure Sinon,
on crut à son récit, et ses ruses entremêlées de larmes
abusèrent ceux que n’avaient domptés ni le fils de Tydée
ni Achille de Larissa, ni dix années de guerre ni mille navires.

image-iliade

Ici, un autre prodige, plus grave, et beaucoup plus effrayant
se présente aux malheureux et trouble leurs cœurs déconcertés.
Laocoon, désigné par le sort comme prêtre de Neptune,
immolait selon les rites un énorme taureau sur les autels.
Or voici que de Ténédos, sur des flots paisibles,
deux serpents aux orbes immenses, – ce récit me fait frémir –,
glissent sur la mer et, côte à côte, gagnent le rivage.
Poitrines dressées sur les flots, avec leurs crêtes rouge sang,
ils dominent les ondes ; leur partie postérieure épouse les vagues
et fait onduler en spirales leurs échines démesurées.
L’étendue salée écume et résonne ; déjà ils touchaient la terre ferme,
leurs yeux brillants étaient injectés de sang et de feu
et ils léchaient leurs gueules sifflantes d’une langue tremblante.
À cette vue, nous fuyons, livides. Eux, d’une allure assurée,
foncent sur Laocoon. D’abord, ce sont les deux corps
de ses jeunes fils qu’étreignent les deux serpents, les enlaçant,
les mordant et se repaissant de leurs pauvres membres.
Laocoon alors, arme en main, se porte à leur secours. Aussitôt,
les serpents déjà le saisissent et le serrent dans leurs énormes anneaux.
Par deux fois, ils ont entouré sa taille, ont enroulé autour de son cou
leurs échines écailleuses, le dominant de la tête, la nuque dressée.
Aussitôt de ses mains, le prêtre tente de défaire leurs noeuds,
ses bandelettes sont souillées de bave et de noir venin.
En même temps il fait monter vers le ciel des cris horrifiés :
on dirait le mugissement d’un taureau blessé fuyant l’autel
et secouant la hache mal enfoncée dans sa nuque.
Mais les deux dragons s’enfuient en glissant vers les temples,
sur la hauteur, gagnent la citadelle de la cruelle Tritonienne,
et  s’abritent aux pieds de la déesse, sous l’orbe de son bouclier.

Alors une terreur inconnue s’insinue dans les coeurs
et fait trembler tout le monde ; Laocoon a mérité, dit-on,
l’expiation de son crime : son arme a outragé le chêne sacré,
il a lancé sur l’échine du cheval son épée criminelle.
Tous crient qu’il faut transporter la statue à sa place,
et implorer la puissance de la déesse !
Nous perçons la muraille et ouvrons les remparts de la ville.
Tous se mettent à l’oeuvre. Sous les pieds du cheval, on glisse
un train de roues ; on tend autour de son cou
des cordes de chanvre ; la machine fatale escalade les remparts,
pleine d’hommes armés.Tout autour, des enfants, des jeunes filles
chantent des hymnes sacrés, et se plaisent à en toucher  les cordes.
La masse monte et, pénètre menaçante jusqu’au centre de la ville.
Ô patrie, ô Ilion, demeure des dieux ! Et vous,remparts des Dardaniens
illustrés par la guerre ! Quatre fois, au seuil même de la porte,
la machine est stoppée et quatre fois  les armes résonnent en son ventre ;
pourtant, nous insistons, inconscients et aveuglés par notre folie,
et nous installons en notre sainte citadelle ce monstre de malheur.
À ce moment aussi, Cassandre ouvre la bouche, dévoilant l’avenir,
elle en qui, sur ordre d’un dieu, les Troyens n’ont jamais cru.
Et nous, malheureux, qui vivions notre dernier jour dans la ville,
nous ornons les temples des dieux de feuillages de fête.

Pendant ce temps, le ciel tourne ; la nuit monte de l’océan,
enveloppant de son ombre infinie la terre et la mer,
et les ruses des Myrmidons ; les Troyens, gisant le long des murs
se sont tus ; le sommeil s’est saisi de leurs membres épuisés.
Et déjà, sur ses navires alignés, la phalange argienne
arrivait de Ténédos, dans le silence complice d’une lune muette
cinglant vers le rivage familier ; dès que le vaisseau royal
eut envoyé un signal lumineux, Sinon,  que protègent
d’ iniques décrets divins, ouvree furtivement les verrous de pin
et libère les Danaens enfermés ; le cheval ouvert rend à l’air libre
ces hommes qui, tout joyeux, sortent de leur caisse de bois :
les chefs Thessandre et Sthénélus, et l’impitoyable Ulysse
glissent le long d’une corde qu’ils ont jetée, avec Acamas et Thoas,
et Néoptolème, descendant de Pélée ; en tête il y avait Machaon
et Ménélas et Épéos, celui-là même qui avait fabriqué le piège.
Ils envahissent la ville ensevelie dans le sommeil et le vin ;
ils abattent les veilleurs et, par les portes ouvertes, font entrer
tous leurs compagnons et réunissent les troupes complices. »

[Traduction Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet]

Il est aussi fait mention de l’épisode du Cheval de Troie dans d’autres textes anciens, ceux-ci ne s’étendent cependant pas autant que Virgile sur la ruse employée par les Grecs face aux Troyens. Les voici cependant présentés par soucis d’exhaustivité :

– Fragments conservés de la Petite Iliade, de Leschès de Pyrrha

On procède à la remise des armes [d’Achille] et Ulysse les reçoit conformément au souhait d’Athéna. Ajax perdant la raison s’attaque violemment au bétail que les Achéens ont capturé puis se tue. Après quoi Ulysse tend une embuscade à Hélénos et le capture, puis Diomède, se conformant à une prophétie qu’Hélénos fait sur la capture de la ville, ramène Philoctète de Lemnos. Ce dernier est guéri par Machaon puis il se bat seul contre Alexandre [=Pâris] et le tue, puis le corps [de Pâris] est outragé par Ménélas, mais les Troyens le récupèrent et lui donnent une sépulture.

Après ceci Déiphobe épouse Hélène. Puis Néoptolème est ramené de Scyros par Ulysse qui lui donne les armes de son père [Achille]. Puis [le fantôme d’] Achille lui apparaît. Eurypyle, fils de Téléphos, [roi des Mysiens] arrive pour assister les Troyens, puis combat comme les plus braves mais est tué par Néoptolème. Puis les Troyens sont enfermés dans la ville. Puis Epéios à l’initiative d’Athéna construit le cheval de bois.

Ulysse se meurtrit le visage et pénètre dans Ilion [=Troie] en reconnaissance, il est découvert par Hélène et s’entend avec elle sur la prise de la ville ; après avoir tué plusieurs Troyens il retourne aux navires. Puis après en compagnie de Diomède, il sort le Palladion [la statue tutélaire de Pallas Athéna] de la ville.

Ensuite les Grecs placent leurs meilleurs combattants dans le cheval de bois ; les autres brûlent leurs huttes et font voiles vers Ténédos. Les Troyens, croyant s’être débarrassés de leurs ennuis, font entrer le cheval de bois dans la ville en ouvrant une brèche dans leur muraille puis commence à célébrer leur supposée victoire sur les Grecs.

[Traduction Wikisource]

– Fragments conservés du Sac de Troie, d’Arctinos de Milet :

Les Troyens se méfient du cheval en bois, ils se tiennent autour et délibèrent: certains veulent le jeter dans un précipice, d’autres veulent l’incendier et d’autres encore disent qu’il faut le consacrer à Athéna, et c’est leur point de vue qui finalement l’emporte. Ils se mettent à célébrer par des festivités la fin de la guerre. Mais au cours de celles-ci deux serpents font leur apparition et tuent Laocoon et l’un de ses deux fils. Alarmés par ce prodige, Enée et ses suivants s’éloignent vers le Mont Ida.

Puis Sinon, après s’être introduit par un subterfuge dans la ville, agite alors, le brandon qui sert de signal aux Achéens. Ils font voile depuis Tenedos, et en compagnie des hommes dans le cheval de bois fondent sur l’ennemi. Puis ils en tuent un grand nombre et s’emparent de la ville. Puis Néoptolème tue Priam, qui s’était réfugié auprès de l’autel de Zeus protecteur de la maison [=Zeus Herkeios] ; Ménélas trouve Hélène et la conduit aux navires après avoir tué Déiphobe.

Ajax fils d’Ilée [=?Oilée] emmenant de force Cassandra, traîne derrière lui la statue en bois d’Athéna. Les Grecs sont furieux et décident de bombarder de pierres Ajax. Mais il se réfugie auprès de l’autel d’Athéna et échappe ainsi au danger immédiat. Plus tard, quand les Grecs rentreront chez eux, Athéna s’arrangera pour le faire périr par la mer.

Puis Ulysse tue Astyanax, Néoptolème prend Andromaque comme part d’honneur et ils se partagent le reste du butin. Démophon et Acamas trouvent Aethra et la prennent avec eux. Ils mettent le feu à la ville et massacrent Polyxène sur la tombe d’Achille.

[Traduction Wikisource]

L’Odyssée, d’Homère :
CHANT IV : VOYAGE DE TÉLÉMAQUE À SPARTE

« Le mélange opéré, son vin servi d’urgence,
Hélène apostrophant derechef son époux :
“Atride Ménélas, venu de Zeus, et vous,
Rejetons d’êtres forts (mais le grand Zeus dispense
Tour à tour biens et maux, il peut tout en effet),
Festinez maintenant, et, joyeux sur vos chaises,
Écoutez mes récits : leur choix sera parfait.
Point ne dénombrerai ni prendrai comme thèses
Les multiples travaux d’Ulysse le constant ;
Mais je raconterai ce qu’entreprit ce brave
Chez le peuple troyen où vous souffrîtes tant.
Il se meurtrit de coups d’une apparence grave,
Et, ceint de vils haillons à l’instar d’un valet,
Il aborda les murs de la ville ennemie.
À quelque mendiant notre homme ressemblait,
Lui qui sur les ponts grecs, ma foi ! ne l’était mie.
Dans Pergame il entra sous ce déguisement.
Nul ne le connaissait ; moi seule vis la ruse,
Et je l’interrogeai : cauteleux, il me ment.
Mais quand je l’eus baigné, frotté d’huile profuse,
Vêtu de neuf, quand j’eus formellement juré
De ne point découvrir Ulysse au populaire
Avant qu’il eût rejoint ses tentes, sa galère,
Vite de vos projets il me fit le narré.
Après avoir féru maint guerrier de sa lame,
Il regagna son camp, et le renseigna bien.
Les Troyennes poussaient d’affreux cris ; moi, mon âme
Se pâmait d’aise, car je n’enviais plus rien

Que ma maison : mes pleurs accusaient Aphrodite
Qui m’avait mise là, loin de mon sol si doux,
Loin de mon Hermione et du lit d’un époux
Qui ne le cède à nul en attraits, en mérite.”

En ces mots lui répond le blond roi Ménélas :
“Tu viens de nous parler, ô femme, avec critère.
J’ai connu les conseils, la prudence ici-bas
De maints héros, j’ai vu presque toute la terre ;
Mais nulle part mes yeux ne virent de mortel
Dont le cœur surpassât celui du noble Ulysse.
Que n’a-t-il point osé ce chef plein d’artifice,
Dans ce cheval de bois où siégeaient tel et tel
Des meilleurs Grecs, en fraude apportant le carnage !
Tu t’approchas de nous ; un démon te guidait,
Soucieux de donner aux Troyens l’avantage.
Le divin Déiphobe à tes côtés rôdait.
Trois fois, en le touchant, tu fis le tour du piège,
Et nommas par leurs noms les premiers des Grégeois,
De leurs chères moitiés contrefaisant la voix.
Or Diomède, Ulysse et moi, de notre siège,
Nous entendîmes tout, quand tu les appelas.
Sur vous, avec Tydide, alors je voulus fondre,
Ou, des flancs caverneux, tout au moins te semondre :
Ulysse nous retint, empêcha nos éclats.
Les autres fils des Grecs observaient le silence.
Seul Anticle prétend t’adresser quelques mots ;
Mais, de ses fortes mains, Ulysse à toute outrance
Ferme sa bouche, et sauve ainsi tous nos héros.
Il le tint, jusqu’à l’heure où t’éloigna Minerve.” »

CHANT VIII : SÉJOUR D’ULYSSE DANS L’ÎLE PHÉACIENNE

« Quand on eut apaisé la soif et la fringale,
Au chantre harmonieux Ulysse ainsi parla :
“Démodocus, ta gloire est pour moi sans égale ;
Apollon ou la Muse à coup sûr te styla.
Tu peins le sort des Grecs d’une façon notoire,
Leurs fatigues, leurs maux, leurs tenaces exploits ;
Ton œil en fut témoin, ou l’on t’en fit l’histoire.
Mais change de sujet, dis ce cheval de bois
Qu’Épéus construisit à l’aide de Minerve,
Et qu’Ulysse par dol, pour détruire Ilion,
Dans ses murs put guider plein d’un noir bataillon.
Si tu sais nous conter ces choses-là de verve,
Je proclamerai, moi, désormais en tout lieu,
Que Phœbus t’a soufflé tes chansons palpitantes.”

L’aède préluda sous l’effluve d’un Dieu.
D’abord il dit comment, ayant brûlé ses tentes,
Des Argiens s’enfuit le contingent naval.
Mais d’autres Grecs, d’Ulysse escorte bénévole,
Restaient au sein de Troie, à l’abri du cheval
Par les mêmes Troyens traîné dans l’acropole.
Il était là ; le peuple incertain et bruyant
L’entourait : trois avis partageaient l’affluence,
Ou d’ouvrir, hache en main, ce colosse effrayant,
Ou de le rompre aux rocs, du haut de l’emmenée,
Ou de l’offrir aux Dieux comme expiation.
Ce troisième conseil eut réussite pleine,
Car le Destin voulait que pérît Ilion,
Dès qu’entrerait le monstre où l’élite achéenne
Siégeait, prête à semer la flamme et le trépas.
Le chantre dit après les enfants de la Grèce
Quittant, pour en finir, leur caverne traîtresse ;
Il montra ces héros pillant tout sur leurs pas.
Ulysse, à Mars pareil, au toit de Déiphobe
S’élance, accompagné du divin Ménélas,
El brave mille morts auxquelles le dérobe,
En assurant ses coups, la fidèle Pallas.

Voilà ce que chantait l’aède plein de charmes ;
Mais Ulysse pleurait, tristement absorbé.
Comme une jeune épouse arrose de ses larmes
Le corps d’un cher mari, sous ses remparts tombé
Pour défendre du joug son foyer et sa ville ;
Elle étreint ce cadavre encore frémissant
Et gémit éperdue ; or, de sa lance vile
Aux bras et dans le dos l’ennemi la blessant
L’emmène en servitude et la voue aux misères ;
Sa face alors s’empreint d’un morne désespoir :
Ulysse ainsi versait mille larmes améres.
Mais nul des conviés ne le vit se douloir ;
Le seul Alcinoüs, de sa table proxime,
L’entendit exhaler d’innombrables sanglots. »

CHANT XI : TROISIÈME RÉCIT : LA DESCENTE AUX ENFERS

« […] moi, je réplique au héros irrité :
“Je n’ai rien su touchant ton géniteur auguste ;
Mais sur ton fils chéri, sur Néoptolémos,
Je t’instruirai du moins d’une manière juste.
C’est moi qui dans ma nef l’amenai de Scyros
Auprès des Achéens aux superbes cnémides.
Lorsque autour d’Ilion s’assemblaient nos Conseils,
Il parlait le premier, plein d’arguments lucides ;
Le seul Nestor et moi nous étions ses pareils.
Mais quand vibrait le fer dans la plaine grondante,
Jamais au sein des rangs il ne s’incorporait ;
Sans émule possible, en avant il courait,
Trouant maint champion de son épée ardente.
Je ne saurais te dire et ne pourrais nommer
Tous ceux que pour la Grèce il immolait en pile ;
Mais sa main renversa le vaillant Euripyle,
Fils de Télèphe : en plus on le vit abîmer
Ses amis Cétèens, qu’alléchaient des princesses.
C’était le plus bel homme après le grand Memnon.
Quand les meilleurs des Grecs s’engouffrèrent aux pièces
Du cheval d’Épéus, moi, leur strict compagnon,
Je dus ouvrir, fermer la porte frauduleuse.
Alors des Argiens les chefs et conducteurs
Se sentaient le cil moite et la jambe trembleuse.

Mais onc je n’aperçus, de mes yeux scrutateurs,
Ni son entrain déchoir ni sa mâle paupière
Se moitir ; il voulait au contraire sauter
À bas ; je le voyais tourmenter sa rapière
Et son lourd javelot, prêt à tout dévaster.
Dés qu’on eut saccagé les remparts Priamides,
Il gagna son navire avec sa riche part,
Sain et sauf, épargné des flèches homicides
El de ces coups d’estoc qui pleuvent au hasard
Dans la mêlée où Mars de tous points nous harcèle.” »

[Traduction Ulysse de Séguier]

Source: http://www.les-crises.fr/le-mythe-du-cheval-de-troie/


Portrait d’une bien « triste Amérique » : interview du journaliste Michel Floquet

Thursday 3 November 2016 at 00:50

Source : France info, Laurent Ribadeau Dumas, 21/06/2016

Drapeaux américains en berne à Washington le 13 juin 2016 après la tuerie d'Orlando.© REUTERS - Kevin Lamarque

Drapeaux américains en berne à Washington le 13 juin 2016 après la tuerie d’Orlando.© REUTERS – Kevin Lamarque

L’Amérique n’est pas forcément celle de l’American Dream, celle de tous les possibles… Elle ne s’est jamais autant intéressée aux armes et à la religion. Et ne s’est jamais autant désintéressée du sort des démunis. Dans son livre, «Triste Amérique», Michel Floquet, correspondant de TF1 aux Etats-Unis de 2011 à 2016, en dresse un portrait documenté, passionnant, mais assez terrifiant. Interview.

Pourquoi ce titre «Triste Amérique» ? S’agit-il d’un pays que nous, Français, ne voudrions pas voir? 
Il y a un peu de provocation dans ce titre ! Pour autant, c’est vrai qu’aujourd’hui, l’American Dream n’existe plus. C’est une imposture, un mensonge. Si l’on y croit, on pense que quelles que soient ses origines, si l’on travaille, l’on vivra mieux que ses parents. Mais c’est l’inverse qui se passe. Dans le même temps, les Etats-Unis ont le taux de reproduction sociale le plus élevé des pays développés.

Comment l’expliquez-vous ?
Notamment par le système d’études. Celui-ci est extrêmement coûteux. A tel point que si l’on n’a pas des parents fortunés ou si l’on n’est pas un élève d’exception à qui l’on accorde facilement une bourse, on a toutes les peines du monde à accéder à l’Université. Et on risque d’en sortir très endetté. Regardez Obama : il a fini de payer ses études quand il est arrivé à la Maison Blanche ! La situation est telle qu’au 1er janvier 2015, l’encours de la dette étudiante s’élevait à plus de 1160 milliards de dollars. Plus que celui des subprimes.

Ce problème est une catastrophe pour le pays. Dans ce contexte, les jeunes se dirigent vers les secteurs les plus rémunérateurs comme médecins ou avocats. Et ils désertent les professions d’ingénieurs. Résultat : les firmes américaines doivent délocaliser ces fonctions, notamment en Inde. Et importer massivement des ingénieurs : pour la seule Californie, il en vient ainsi 80.000 par an, dont de nombreux Français.

Principale cause de cette situation : l’augmentation des frais de scolarité qui ont bondi de 440% en 25 ans. Les bonnes universités ont réalisé de nombreux investissements pour attirer les étudiants les plus riches, et dont les parents peuvent devenir des donateurs. Elles doivent recruter à prix d’or leurs présidents et les enseignants. Existe ainsi désormais un marché du prof comme il existe celui du football américain ! A côté subsistent des universités d’Etat sinistrées, à l’enseignement souvent médiocre. Les premières coûtent en moyenne 40.000 dollars de frais d’inscription annuels, les secondes 15.000. A cela, il faut ajouter environ 10.000 euros pour financer son logement, sa nourriture, ses fournitures…

Des hommes en armes près du lieu d'un meeting de campagne de Donal Trum à Dallas (Texas) le 16 juin 2016. © REUTERS - Brandon Wade

Des hommes en armes près du lieu d’un meeting de campagne de Donal Trum à Dallas (Texas) le 16 juin 2016.
© REUTERS – Brandon Wade

Vous expliquez aussi que «ce qui frappe avant tout» aux Etats-Unis, «c’est le degré de violence»… 
Quand je suis arrivé là-bas en 2011, le niveau de violence est ce qui m’a le plus sidéré. La violence est partout et à tous les niveaux. Elle est sociale, entre riches et pauvres. Elle sévit entre les communautés raciales. On la trouve dans la police. Mais aussi dans les rapports humains au quotidien.

Justement, vous expliquez que dans les relations humaines, «le maître mot semble l’indifférence». Comment l’expliquez-vous?
Aux Etats-Unis, c’est malheur aux faibles, aux pauvres. Du jour au lendemain, on peut perdre son travail et sa maison, et se retrouver à vivre dans sa voiture. Les gens sont indifférents au sort des autres : le matérialisme et l’individualisme sont une réalité palpable.

Les Américains croient à la force et au succès. Si l’on est pauvre et faible, c’est qu’on l’a bien voulu, qu’on ne travaille pas. Les dispositifs d’indemnisation et d’assurance chômage, tels qu’on les connaît en Europe, leur paraissent délirants. Ils s’arrangent avec leur conscience grâce à la charité. Conséquence : le système caritatif est très développé. Au moment de payer dans un supermarché, la caissière pourra vous proposer un jour de donner à une fondation de santé, le lendemain à une institution sociale…

On est donc très loin du mythe américain. Vous décrivez un pays qui s’est bâti, dites-vous, «sur trois piliers : «l’exploitation minière du continent, le génocide des autochtones (les Amérindiens, NDLR) et l’esclavage»…
En 1830, quand a commencé la conquête vers l’Ouest, le continent était vierge et très riche. On comptait environ 10 millions d’Indiens et 20 millions de bisons, qui représentaient le cœur de la civilisation des grandes plaines. Les colons se sont arrogé tous les droits. Résultat : en 1890, au moment de la bataille de Wounded Knee, il ne restait plus qu’un million d’Indiens et quelques centaines de bisons. En 60 ans, les immigrants ont saccagé tout le continent avec une violence et une cupidité invraisemblables.

Le candidat républicain Donald Trump à Las Vegas le 18 juin 2016. © REUTERS - David Becker

Le candidat républicain Donald Trump à Las Vegas le 18 juin 2016. © REUTERS – David Becker

A certains moments, vous semblez décrire un pays devenu fou…
Non, ce n’est pas mon propos. Les Etats-Unis ne sont pas devenus fous.

J’évoque un pays qui s’est bâti sur la violence et qui a du mal à évoluer. Où le système judiciaire repose sur l’argent : vous pouvez être acquitté comme le footballeur O.J. Simpson parce que vous êtes riche alors que tout le monde sait que vous êtes coupable. Un pays, aussi, où l’on constate une perte du sens humain le plus élémentaire. Dans le livre, je raconte l’histoire de ce maître-nageur qui a été licencié parce qu’il avait sauvé la vie d’un homme en dehors de son périmètre de surveillance. Dans la logique américaine, c’est normal ! Ce n’est pas un scandale absolu comme cela aurait été le cas ailleurs.

Ne reconnaissez-vous quand même pas quelques points positifs aux Etats-Unis ?
Ce pays a mille qualités ! Et j’y ai rencontré des gens formidables. Ainsi, j’ai toujours été frappé de voir à quel point les gens comptent d’abord sur eux-mêmes. Ils n’attendent pas qu’on les assiste. En cas de catastrophe, un ouragan par exemple, la première chose qu’ils disent, c’est : «On va reconstruire». Ils ne commencent pas par chercher un responsable et expliquer qu’ils vont porter plainte.

Dans le même temps, les Etats-Unis sont un pays où la vitalité, la créativité, l’énergie sont extraordinaires. Les Américains n’hésitent pas à prendre des risques : si vous avez une idée jugée originale, on croit en vous et on vous aidera à la réaliser.

Pour autant, j’ai fait ce livre pour raconter ce que j’avais découvert : un pays en panne, qui est au bout de son modèle.

Trump en est-il le révélateur ?
Il symbolise une Amérique de classes moyennes blanches et un peu paumées, qui ont beaucoup souffert de la crise de 2007 et qui en sont sorties plus pauvres qu’avant. Une Amérique que le terrorisme inquiète et qui s’angoisse pour l’avenir. Trump, lui, étale sa richesse devant son public. En expliquant : «Si vous croyez en moi, on va tous redevenir riches, forts et puissants !» Trump, c’est le rêve américain ressuscité. Du moins veut-il le faire croire.

© DR

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Source : France info, Laurent Ribadeau Dumas, 21/06/2016

Source: http://www.les-crises.fr/portrait-dune-bien-triste-amerique-interview-du-journaliste-michel-floquet/


Une princesse saoudienne ordonne de “frapper” et “tuer” un artisan parisien

Thursday 3 November 2016 at 00:25

Un simple fait divers – mais tellement illustratif de notre époque…

Vous imaginez si ça avait été la belle fille de Poutine ?

Source : Le Point, Aziz Zemouri, 04-10-2016

Une plainte a été déposée contre la fille de l’ex-roi Salman qui a fait rouer de coups un homme qui effectuait des travaux dans son appartement.

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« Il faut le tuer, ce chien, il ne mérite pas de vivre », s’est emportée la descendante des fondateurs du royaume d’Arabie saoudite à l’encontre d’un artisan parisien venu effectuer des travaux dans son appartement de l’avenue Foch à Paris, dans le 16e arrondissement. Selon le récit circonstancié de la victime, établi devant les gardiens de la paix, alors qu’il prenait une photo de la pièce où il devait intervenir, la princesse a fait héler son garde du corps armé.

Les gorilles étrangers sont en effet autorisés à porter une arme par le ministère de l’Intérieur, alors que cela est interdit aux professionnels de la sécurité privée de nationalité française, sauf rares exceptions.

En dépit des explications de l’artisan – il a l’habitude de prendre des clichés avant travaux afin de remettre les objets et meubles à la même place –, le cerbère l’empoigne. Il est accusé de réaliser des photos afin de les revendre à des journalistes.

Tenu en joue

L’homme de main de la princesse lui assène un coup de poing sur la tempe avant de lui ligoter les mains. Zélé, le garde du corps ordonne à l’artisan de s’agenouiller et de baiser les pieds de la princesse. Récalcitrant, il est alors mis en joue. Selon les policiers qui ont recueilli le témoignage de la victime, les traces de coups étaient encore visibles au moment où il se confiait aux forces de l’ordre. L’artisan affirme que son calvaire a duré près de quatre heures, avant qu’un troisième larron n’intervienne : il réalise une photocopie de sa carte d’identité et lui enjoint de partir en lui interdisant « l’accès au 16e arrondissement à jamais » !

Malgré l’adversité, le petit artisan a demandé à être payé et a présenté sa facture de 20 000 euros. En vain. Et les Saoudiens ont conservé son matériel.

Les mauvais traitements au personnel sont réguliers parmi les riches familles du Golfe, certaines d’entre elles bénéficiant en plus de l’immunité diplomatique. Cela rend aléatoire toute tentative de poursuite judiciaire. À ce stade, le parquet de Paris n’a pas fait connaître la suite qu’il entendait donner à cette plainte.

Source : Le Point, Aziz Zemouri, 04-10-2016

Source: http://www.les-crises.fr/une-princesse-saoudienne-ordonne-de-frapper-et-tuer-un-artisan-parisien/