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[Vidéo] Frédéric Lordon à HEC Débats – Conférence – Présidentielles 2017, Nuit Debout, Capitalisme

Saturday 3 December 2016 at 01:00

03Source : Youtube, Frédéric Lordon, 20-11-2016

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Frédéric Lordon était l’invité d’HEC Débats le 21 septembre 2016

Sociologue et économiste, fin connaisseur de la pensée de Spinoza, Frédéric Lordon est connu pour ses prises de position intellectuelles et politiques. Membre du collectif des Economistes Atterrés, figure éminente du mouvement Nuit Debout, il vient se confronter à un public qu’il connait bien, puisqu’il est lui-même titulaire du MBA HEC !

Après avoir présenté succinctement sa vision du salariat comme rapport d’aliénation, il évoque tour à tour le mouvement Nuit Debout et l’avenir de la gauche et du capitalisme en général.

Cette conférence constitue une bonne introduction à sa pensée et intéressera tous ceux, détracteurs ou partisans, qui s’intéressent au sens de la politique et à l’avenir de la démocratie.

Source : Youtube, Frédéric Lordon, 20-11-2016

Source: http://www.les-crises.fr/video-frederic-lordon-a-hec-debats-conference-presidentielles-2017-nuit-debout-capitalisme/


[Vidéo] Médicaments, l’overdose ?

Saturday 3 December 2016 at 00:48

Comme la propagande touche de nombreux secteurs, voici un beau reportage sur l’industrie pharmaceutique vu sur LCP…

Les Nouveaux Jackpots Des Laboratoires Pharmaceutiques :

Suivi d’un débat : Médicaments, l’overdose ? en présence de : André GRIMALDI, médecin et Jean de KERVASDOUÉ, économiste de la Santé.

Source: http://www.les-crises.fr/medicaments-l-overdose/


Finalement, laisser les Philippines partir, par Jonathan Marshall

Saturday 3 December 2016 at 00:30

Source : Consortium News, le 21/10/2016

Le 21 octobre 2016

Exclusif : Les fonctionnaires de Washington sont dans tous leurs états à propos du rapprochement du Président des Philippines Duterte avec la Chine, et son éloignement des États-Unis, mais ce réalignement augmente la possibilité d’une épreuve de force militaire entre les États-Unis et la Chine, écrit Jonathan Marshall.

Par Jonathan Marshall

Alors que la crise au niveau des relations entre les États-Unis et les Philippines dégénère, les baromètres de la prudence traditionnelle à Washington sont tous fixés sur la zone rouge “danger”. Les habiles responsables politiques américains devraient cependant voir dans cette crise une opportunité pour la paix régionale, apportée par les ouvertures du Président des Philippines Rodrigo Duterte vers la Chine.

L’autoritaire mais populaire, Duterte, qui peut être encore plus dérangeant et narcissique que Donald Trump, a fait les gros titres en se comparant à Adolf Hitler, en se vantant de ses conquêtes sexuelles, et a invectivé d’un langage fleuri à la fois le Président Obama et le pape François. Mais il a causé encore plus d’aigreurs d’estomac à Washington en annonçant bruyamment sa préférence pour le réchauffement des relations avec la Chine.

Le Président des Philippines Rodrigo Duterte (Photo credit: rodrigo-duterte.com)

Le Président des Philippines Rodrigo Duterte (Photo credit: rodrigo-duterte.com)

Lors de sa visite d’État en Chine, Duterte a déclaré mercredi qu’il était “temps” pour les Philippines “de dire au revoir” aux États-Unis alors que son pays redessine une nouvelle carte avec de « nouvelles orientations » dans ses relations extérieures. Cette déclaration n’était pas un hasard. Il y a quelques semaines, il a dit à un auditoire à Manille, “Je vais rompre avec l’Amérique. Je vais plutôt me tourner vers la Russie et la Chine.”

Derrière sa rhétorique musclée, Duterte a promis de mettre fin à des exercices militaires conjoints avec les forces armées américaines et de renvoyer chez elles les centaines de troupes américaines stationnées aux Philippines. Ses vœux contredisent fortement les accords bilatéraux conclus ce printemps, avant son entrée en fonction, qui stipulaient de permettre aux forces américaines d’utiliser cinq bases militaires aux Philippines et de débuter des patrouilles navales conjointes visant à dissuader l’expansion agressive de la Chine dans la Mer de Chine du Sud.

Le rejet de Duterte des liens militaires traditionnels avec les États-Unis a provoqué la panique des analystes de la politique étrangère conventionnelle. Sur le schéma de la Guerre froide, ils voient tous les changements en Extrême-Orient comme un jeu à somme nulle, bénéficiant soit à la Chine soit aux États-Unis, au détriment de la puissance de l’une ou de l’autre.

Un coup au prestige

Selon le Wall Street Journal, les interventions de Duterte “ont remis en question la relation de longue date entre Manille et Washington, en donnant un coup au prestige américain, et en sapant éventuellement les efforts que les États-Unis ont déployés pour endiguer l’influence croissante de la Chine dans la région Asie-Pacifique.”

Le Président de la Chine Xi Jinping.

Le Président de la Chine Xi Jinping.

De même, Andrew Shearer, analyste au Centre d’Etudes Stratégiques et Internationales à Washington, avertit : « Si la Chine réussit à éloigner les Philippines des États-Unis, ce sera une victoire majeure dans la campagne à long terme menée par Pékin pour ébranler les alliances avec les États-Unis dans la région. Cela va alimenter les craintes que la combinaison appropriée d’intimidations et d’incitations pourrait amener d’autres partenaires à s’éloigner de Washington. »

La posture anti-Washington de Duterte reflète plusieurs influences. L’une est son grief nationaliste suscité par les documents montrant la brutalité de la guerre coloniale américaine aux Philippines à partir de 1899. Qui plus est, Duterte déteste les dirigeants américains (ou toute autre personne) lui tenant des discours sur les droits de l’Homme, notamment au sujet de son soutien aux escadrons de la mort qui ont tué des milliers de petits criminels et des enfants des rues. Washington a menacé de retenir une partie de l’aide économique si Manille continue cette horrible politique.

Mais Duterte joue également un jeu astucieux avec la Chine. En juillet, Pékin a ravalé sa fierté après que les Philippines ont gagné une décision d’arbitrage international contre la Chine parce qu’elle avait empiété sur leurs lieux de pêche traditionnels et leurs droits à l’exploitation sous-marine des minerais.

Duterte a été assez malin pour réaliser que, même avec le soutien militaire des États-Unis, il ne pouvait pas se permettre de contester les incursions illégales de la Chine.

“Que pensez-vous qu’il va arriver à mon pays si je choisis d’entrer en guerre ?” demande-t-il. “Nous pouvons seulement dialoguer.”

Au lieu d’exiger une reddition inutile, Duterte a donc choisi d’arroser la Chine d’amour et de respect. Il lance un appel avec brio à la psychologie des fiers dirigeants Chinois, qui sont heureux d’être magnanimes avec les Philippines tout en damant le pion aux États-Unis.

Dialoguer, ne pas combattre

Une porte-parole du Ministère des Affaires étrangères de la Chine a salué l’engagement de Duterte pour résoudre les conflits territoriaux « par le biais de la consultation et du dialogue » et a ajouté : « Celui qui veut vraiment la paix, la stabilité, le développement et la prospérité dans la région Asie-Pacifique » devrait faire bon accueil à la visite d’État de Duterte. Elle était dans le vrai.

Le président chinois Xi Jinping reçoit le président Barack Obama à son arrivée pour le sommet du G20 au Centre de l'Exposition Internationale de Hangzhou, en Chine, le 4 septembre 2016. (Photo Officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Le président chinois Xi Jinping reçoit le président Barack Obama à son arrivée pour le sommet du G20 au Centre de l’Exposition Internationale de Hangzhou, en Chine, le 4 septembre 2016. (Photo Officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Duterte améliore considérablement la sécurité nationale des États-Unis en réduisant les risques de départ d’un conflit avec la Chine en mer de Chine méridionale. En outre, en révisant à la baisse l’alliance militaire entre les États-Unis et les Philippines, il réduit le risque que les forces américaines soient appelées à se battre si les Philippines devaient un jour se livrer à des escarmouches militaires avec la Chine.

Les décisions de Duterte devraient inciter les Américains à se poser des questions fondamentales sur le but des alliances militaires américaines dans la région. Est-ce que notre alliance avec les Philippines sert principalement à protéger la sécurité des États-Unis, ou à protéger généreusement un ami vulnérable contre l’agression chinoise ?

Le précédent raisonnement n’est plus convaincant : les Philippines étaient un assujettissement stratégique pendant la Seconde Guerre mondiale mais ne présentent aujourd’hui aucun intérêt pour la défense de la patrie américaine, qui, à court terme, ne fait face à aucune menace militaire de guerre nucléaire.

Les États-Unis n’ont pas besoin des Philippines pour aider à protéger les voies maritimes commerciales, quelles qu’elles soient. La Chine, avec sa grande dépendance à l’égard du commerce international et du transport maritime, a toutes les raisons de respecter et de défendre la liberté de circulation sur mer. L’expansion de la Chine dans la Mer de Chine du Sud vise à contrer la puissance militaire des États-Unis et à accéder aux ressources sous-marines plutôt qu’à bloquer la navigation commerciale.

La seconde raison devient caduque si les Philippines deviennent rapidement amies avec la Chine. Si notre objectif est de protéger notre ancienne colonie contre l’agression, nous devrions applaudir le réchauffement de ses relations avec Pékin.

Interpeller la Chine

L’une des raisons restante pour l’alliance militaire est – ce que la Chine craint – de contenir Pékin en l’entourant de bases américaines. Le consensus conventionnel, reflété par un rapport de 2015 du Conseil sur les Relations Etrangères, étiquette la Chine comme « le concurrent le plus important des États-Unis pendant les décennies à venir », et recommande la « concertation pour développer les capacités des alliés et amis des américains à la périphérie de la Chine ; et l’amélioration de la capacité des forces militaires américaines pour projeter efficacement le pouvoir dans la région Asie-Pacifique.”

La Chine et ses voisins

La Chine et ses voisins

Mais, fière, nationaliste et toujours plus riche, la Chine ne restera pas bien longtemps à subir l’humiliation d’un statut de seconde zone dans son propre environnement. La politique américaine d’endiguement installée, si elle n’est pas officiellement avouée au sein du “pivot vers l’Asie,” par l’administration Obama, garantit l’hostilité chinoise et la menace croissante d’un conflit avec les États-Unis.

Une politique plus intelligente serait de renverser ce paradigme en accueillant les ouvertures de Duterte vers la Chine et en encourageant les autres pays de la Mer de Chine méridionale à engager des pourparlers bilatéraux ou multilatéraux avec Pékin.

En 1900, au paroxysme de la brutale campagne anti-insurrectionnelle des États-Unis contre les rebelles philippins, l’anti-impérialiste Mark Twain a dit qu’au lieu d’essayer de conquérir les populations locales, il aurait mieux valu « se contenter, de plein gré et par devoir, de rendre ces gens libres, et de les laisser régler à leur manière leurs propres questions internes. » Ceci reste une bonne règle partout, mais surtout dans les Philippines d’aujourd’hui.

Source : Consortium News, le 21/10/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/finalement-laisser-les-philippines-partir-par-jonathan-marshall/


Starship Troopers : l’un des films les plus incompris de tous les temps, par Calum Marsh

Saturday 3 December 2016 at 00:01

Source : The Atlantic, le 07/11/2013

La prise de conscience que ce film de science-fiction est une satire est restée ignorée des critiques lorsqu’elle a émergé 16 années après. Aujourd’hui, certains commencent à saisir la plaisanterie.

Calum Marsh, le 7 novembre 2013

TriStar Pictures; Touchstone Pictures

TriStar Pictures; Touchstone Pictures

Lorsque Starship Troopers de Paul Verhoeven est sorti au cinéma il y a 16 ans, la plupart des critiques américains l’étrillèrent. Dans le New York Times, Janet Maslin éreinta “le spectacle épouvantable et dément” propulsant sur le devant de la scène “de vulgaires accoutrements taillés pour des garçons adolescents.” Jeff Vice, du Deseret News appela cela: “une éclaboussure sans fin aussi dépourvue de goût et de logique qu’elle donne même l’air intelligent à la plus décérébrée des superproductions de l’été.” Roger Ebert, qui avait loué “la satire sociale aiguisée” du Robocop de Verhoeven, trouva le film “unidimensionnel”, d’un néant insignifiant “fait pour des fans de science-fiction de 11 ans.”

Mais ces critiques n’avaient pas compris la subtilité. Starship Troopers est une satire, une parodie impitoyablement drôle et pleinement consciente du militarisme d’extrême droite. Le fait qu’il ait été et continue à être pris au pied de la lettre démontre la très grande vacuité des critiques de films.

Starship Troopers se situe dans un futur lointain, où l’espèce humaine a commencé à coloniser des mondes au-delà des frontières de notre galaxie. Les habitants de la terre ont provoqué une autre espèce d’extraterrestres malveillante ressemblant à des insectes, qui ripostent violemment contre notre planète qu’ils perçoivent soudainement et avec raison comme hostile. Interprétant des tactiques d’autodéfense évidentes pour des manœuvres d’agressions, la race humaine rassemble ses forces mondiales et se lance dans une guerre interstellaire d’un autre temps. La rhétorique tout au long du film est indéniablement fascisante : des soldats d’infanterie terriens à usage unique, parmi lesquels notre héros, un ancien apprenti pilote de la classe d’âge des étudiants des hautes écoles faisant partie intégrante des rangs, se voient galvanisés par des slogans idiots qu’ils régurgitent sur commande avec sincérité pendant qu’ils sont envoyés au massacre (“Le seul bon insecte est un insecte mort ! ” est le slogan favori – les allusions à La ferme des animaux abondent.)

Le film qui en résulte critique le complexe militaro-industriel, le chauvinisme de la politique étrangère américaine, et une culture qui privilégie la violence réactionnaire sur la compassion et la raison. Le scénario d’Edward Neumeier, écrivain de Robocop, a fourni le cadre démodé de science-fiction du roman notoirement militariste de Robert A. Heinlein, avec des archétypes empruntés à des séries pour adolescents et des fictions pour jeunes adultes, sapant le côté sérieux de la farce du texte original. Même la conclusion s’attache à amenuiser tout sentiment résiduel d’héroïsme et de bravoure. Nous voyons nos protagonistes, ayant échappés de justesse à la mort au cours d’une mission quasi suicidaire, partant de nouveau à la bataille dans une vidéo de recrutement glorificatrice, suggérant que dans la guerre la seule récompense d’une bataille bien menée est la perspective d’une nouvelle bataille.

Près de deux décennies après la sortie de ce film, les critiques de Starship Troopers ne se sont pas particulièrement améliorées. Mais on peut sentir le débat qui commence à évoluer, il en est venu à être légitimement apprécié par certains comme un chef d’œuvre méconnu. Arrivant en 20e position l’an dernier sur la liste des 100 meilleurs films des années 1990 (sondage de Slant Magazine dans lequel la publication est complète, je faisais partie des critiques votants), le site de Phil Coldiron le décrit comme “un des plus importants de tous les films anti-impérialistes”, une parodie du genre hollywoodien dont la superficielle “méchanceté” est au centre de sa critique. Il se trouve en bonne place au palmarès du film de A.V. club des années 90 en apparaissant dans le top 50 des votes où il a été salué comme “une satire gonzo [journalisme ultra-subjectif, NdT], destinée, même conçue à être mal comprise.” Scott Tobias, ancien rédacteur en chef de A.V. Club section films a salué Troopers quelques années plus tôt comme “le film de studio majeur le plus subversif de ces dernières années,” faisant remarquer qu’il semble dorénavant absurde de le considérer comme un quelconque film godiche de science-fiction, dont ses détracteurs l’accusaient.

Le slogan pour RiffTrax est “Vos films préférés sont des films drôles !” Ce qu’ils ne semblent pas comprendre, c’est que Starship Troopers est déjà drôle et intelligent.

Mais les idées trompeuses de départ persistent encore. Le 4 octobre, RiffTrax a publié un épisode dans lequel ils se sont moqués de Starship Troopers, un film que leur site web décrit comme « balourd et gueulard » et un « cafouillage imbécile ». Mike J. Nelson et ses acteurs vedettes de RiffTrax Kevin Murphy et Bill Corbett chahutent le film avec autant de perspicacité et d’esprit qu’ils ont mal compris le second degré du film. Exemple d’humour : à un moment donné, une bombe détruit une bestiole géante, et les trois hurlent « Oh non, Raid ! » Plus tard, Denise Richards sourit, et quelqu’un dit, d’une voix robotique : « Sourire-o-tron 3000 engagé. » Ça continue comme ça. Le slogan pour RiffTrax est “Vos films préférés sont des films drôles !” Ce qu’ils ne semblent pas comprendre, c’est que Starship Troopers est déjà drôle et intelligent.

Troopers, bien sûr, est loin d’être le seul exemple de film généralement incompris. En prenant suffisamment de recul, même le film le plus ardemment crucifié peut un jour trouver son héritage ressuscité, gagnant ainsi des décennies plus tard une tardive et légitime reconnaissance. Peut-être que ce temps est proche pour Troopers ; avec un peu de chance, au moins quelques auditeurs de Rifftrax ont dernièrement fait remonter à propos de ce film ce qui s’était réellement passé. Si vous êtes ouvert et en accord avec lui – si vous êtes préparé à la rigueur et l’intensité de l’approche de Verhoeven – vous comprendrez ce que la comédie burlesque de Starship Troopers est en train de vous raconter. Et vous rirez.

Source : The Atlantic, le 07/11/2013

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/starship-troopers-lun-des-films-les-plus-incompris-de-tous-les-temps-par-calum-marsh/


Défense de parler des oligarques dans… la presse des oligarques ! Par Laurent Mauduit

Friday 2 December 2016 at 00:15

Édifiant article sur l’excellent livre de Laurent Mauduit

Source : Blog Mediapart, Laurent Mauduit, 28-11-2016

Mon livre « Main basse sur l’information » a suscité l’embarras ou a été passé sous silence par de nombreux médias qui ont été croqués par des puissances d’argent. Preuve que, du Monde jusqu’à Libération en passant par L’Express, BFM-TV et bien d’autres médias encore, il est interdit de parler des oligarques dans la presse… des oligarques! Ici commence la première des censures.

Mon souhait, en écrivant Main basse sur l’information (Editions Don Quichotte), était d’alerter les citoyens, en ces temps politiques si inquiétants, sur l’état d’asservissement de la presse, et donc sur les graves menaces qui pèsent sur la liberté de la presse dans notre pays, liberté sans laquelle il n’y a pas de réelle démocratie. Las ! La tâche est difficile à accomplir, car comme on s’en doute, les médias croqués par nos milliardaires ne manifestent guère d’entrain à parler d’un essai qui décortique la main mise que les puissances d’argent exercent sur eux.

Je dois certes avouer que je m’en doutais un peu. Décortiquant cette opération de prédation sur la presse – qui est aussi une opération de prédation sur la démocratie – je savais par avance que mon travail ne bénéficierait pas d’une large publicité dans les journaux qui ont été croqués par une poignée de milliardaires.

La sortie de mon livre s’est donc déroulée strictement comme je le subodorais. Mediapart en a publié les bonnes feuilles. Puis des journaux attachés comme nous à la liberté et l’indépendance de la presse se sont fait l’écho de mon enquête, comme L’HumanitéPolitis. Beaucoup de médias étrangers ont fait de même, comme Le Soir ou l’Echoen Belgique, Il Manifesto en Italie, ou encore Le Temps ou La Tribune de Genève, en Suisse. Et puis, il y a eu quelques médias audiovisuels, en vérité peu nombreux, comme TV5Monde, ou encore France 3 Poitou Charente.

Mais partout ailleurs, ou presque partout, j’ai trouvé porte close : défense de parler des oligarques dans la presse des oligarques. Parfois, on me l’a dit carrément : vous n’y pensez pas ! Parfois, je me suis seulement heurté à la stratégie du silence.

Pas une ligne donc dans Libération par exemple, ni dans L’Express ! J’ai ainsi fait l’expérience que dans la presse croquée par le financier Patrick Drahi, il était proprement inconcevable d’évoquer une enquête dévoilant dans quelles conditions ce milliardaire a mis la main sur ces médias et les dangers éditoriaux qu’il fait peser sur eux.

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Participant le 27 septembre sur France Inter à l’émission de Laurent Goumarre « Le nouveau rendez-vous », à laquelle était également invité le directeur de Libération(et ex-directeur de l’Obs) Laurent Joffrin (émission que l’on peut réécouter ici), j’ai d’ailleurs très vite compris l’hostilité que ce dernier nourrissait contre la presse indépendante en général, et contre moi en particulier. Alors que nous étions interrogés sur le licenciement pour motif politique de l’ex-directrice adjointe de la rédaction de L’Obs, Aude Lancelin – fait absolument sans précédent dans la vie du groupe Le Monde – L’Obs, Laurent Joffrin s’est appliqué à défendre la purge mise en œuvre par les actionnaires de L’Obs et du Monde) : le site Acrimed a rendu compte ici de notre échange lors de cette émission.

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Notre controverse ne s’est d’ailleurs pas limitée à la seule affaire Aude Lancelin. Dans la foulée, je lui ai aussi dit ma sidération qu’il ait fait violence à la rédaction de Libération afin d’organiser un Forum sur la liberté de la presse les 9 et 10 octobre 2015 à Libreville, à la demande de l’infréquentable autocrate Ali Bongo qui espérait ainsi redorer son image – forum poisseux qui, sans rire, avait pour intitulé « Le défi de l’indépendance » et qui a rapporté quelque 3 millions d’euros aux actionnaires de Libération, versés par les autorités gabonaises.

Alors forcément, que le quotidien dirigé par le même Laurent Joffrin ne se fasse pas l’écho de l’enquête qui pointe ces dérives, voici qui ne m’a pas franchement surpris. Pas plus que n’ont été surpris les amis que j’ai gardés dans ce journal, qui m’ont aidé par leurs conseils dans mon travail.

Pas une invitation non plus sur BFM-Business, sur BFM-TV ou sur RMC dont le même Patrick Drahi va prendre progressivement le contrôle. Je m’en suis amusé voici quelques temps en adressant un message ironique au patron du groupe NextRadioTV, Alain Weill, qui a choisi de s’allier à Patrick Drahi pour lui passer progressivement le contrôle de ces médias. Lui qui a souvent prétendu vouloir construire un groupe indépendant, j’ai voulu le prendre au mot, en lui adressant ce SMS moqueur (voir ci-contre), lui proposant de lui adresser mon livre, si d’aventure il n’y avait pas eu accès. Mi moqueuse, mi sérieuse, la réponse d’Alain Weill n’a pas tardé, m’assurant que je n’étais pas du tout « black-listé » et que je prêtais décidemment de biens noirs desseins à Patrick Drahi et à lui-même. Et le message était ponctué de ce post-scriptum : « Je parle aux équipe :)) » Echange parfaitement cordial et civil, donc. Mais cela n’a strictement rien changé.

D’ailleurs, dans les jours qui ont suivi, l’un des cadres du groupe d’Alain Weill, Stéphane Soumier, directeur de la rédaction de BFM-Business, très actifs sur les réseaux sociaux, m’a fait comprendre que je ne serai effectivement pas le bienvenu pour parler de la mise sous tutelle des grands médias par les puissances d’argent : « Ben tu nous fais un procès d’intention sur 400 p, tu attendais quoi ? », m’a-t-il dit dans un tweet, prenant fait et cause pour son actionnaire.

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A LCI aussi, où l’on m’invitait pourtant périodiquement pour débattre de l’actualité, j’ai également trouvé porte close. Et face à mon étonnement, on m’a servi l’explication de la direction de la chaîne : il était impossible d’évoquer un livre qui parle longuement de Patrick Drahi et d’Alain Weill car LCI a déjà assez de sujets de friction avec ses concurrents pour en ajouter encore un autre…

Et à cette liste (qui n’est pas exhaustive) des médias embarrassés, il faut encore ajouter Le Monde. Pour dire vrai, quand mon livre est sorti, j’ai pensé une médisance : j’ai supposé que le quotidien n’aurait pas le courage d’évoquer en grand mon enquête, qui détaille les cheminements, parfois tortueux ou sulfureux, des trois oligarques qui en sont maintenant les propriétaires, Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé, mais, un peu faux-cul, qu’il ferait une rapide mention de mon livre. Histoire de ne pas être suspecté de faire acte de censure quand il est question de ses propres actionnaires ; comme la direction du Parisien, maintenant propriété du milliardaire Bernard Arnault, a été mis en cause pour ne pas avoir voulu publier une critique du documentaire Merci patron, consacré au même Bernard Arnault.

Eh bien non ! Je me suis trompé. Le Monde n’a pas plus évoqué Main basse sur l’information et la longue enquête qui y apparaît sur les trois actionnaires du Monde. Pas une allusion ! Pas une ligne…

Jouant les candides, j’ai adressé un mail à mon ancien confrère et actuel directeur du journal, Jérôme Fenoglio, pour m’assurer que le livre avait bien été adressé aux bonnes personnes au sein de la rédaction. Et sans réponse de lui, je l’ai relancé deux semaines plus tard. Sans plus de succès: mon interlocuteur n’a pas même pris la peine de me répondre.

Il faut d’ailleurs observer que ma consoeur Aude Lancelin a sans doute failli connaître le même sort, celui de l’oubli, avec son livre Le monde libre (Les liens qui libèrent), mettant en scène les trois mêmes actionnaires, qui sont aussi ceux de L’Obs, dont elle a été brutalement congédié. Car dans un premier temps, Le Monde n’en a pas fait mention. Mais quand l’ouvrage a été récompensé, le 3 novembre, par le prix Renaudot essai, le silence s’est sans doute avéré impossible à maintenir. Alors, le quotidien y a consacré une courte recension, passablement fielleuse, se concluant de la sorte : « De ce tableau sans nuance, [Aude Lancelin] tire la conclusion de l’extinction programmée d’une forme historique de journalisme, peu à peu remplacée par un ”désert des contenus”dont ”l’esprit”aurait disparu, dans des médias vivant sous le” régime de terreur du capitalisme actionnarial”. Une vision crépusculaire qu’on peut ne pas vouloir partager, tant elle semble à son tour habitée de nostalgie et d’un sentiment d’inéluctable déclin ».

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En somme, les trois actionnaires du Mondepeuvent être sereins : en violation des règles d’indépendance qui, en d’autres temps, régissaient son fonctionnement, le journal fait le silence sur certaines enquêtes qui peuvent les viser ou alors tire au bazooka sur tout auteur qui les met en cause. En d’autres temps toujours, cela aurait ému beaucoup de gens au sein du journal. Mais pour l’occasion, il n’y a guère eu que les courageux et chaleureux correcteurs du Monde qui n’ont pas su, comme cela leur arrive souvent, garder leur langue (piquante) dans leur poche. Signalant la parution dans un billet sur leur blog de mon ouvrage et de celui d’Aude Lancelin, ils ont eu ces mots caustiques : « Leurs auteurs, respectivement Laurent Mauduit et Aude Lancelin, perfides crypto-gauchistes, prétendent que ces honorables milliardaires se paient les médias pour faire avancer leurs propres affaires : il y a toujours des râleurs pour dénigrer nos grands entrepreneurs. » Et dans la foulée, ils s’amuse du titre du livre Le monde libre, faisant valoir qu’il est « un tantinet énantiosémique ». Traduction du mot « énantiosémie » par Wikipedia : « Fait pour un mot de signifier une chose et son contraire, ambivalence de celui-ci autorisant des interprétations opposées ». En clair Le monde libre, c’est Le monde asservi

Mais cessons-là ! Il y a encore bien d’autres médias qui n’ont guère aimé que l’on s’intéresse d’un peu trop près à leurs actionnaires, et aux ravages éditoriaux que leur main mise suscite. Y-aurait-il eu une opération main basse sur l’information ? Les actes de censures, les pratiques d’auto-censure, les exclusions deviendraient-elles monnaie courante ? Avec Xavier Niel, Vincent Bolloré ou encore Patrick Drahi, d’immenses oligopoles ne seraient-ils pas en formation, faisant peser sur le droit de savoir des citoyens des dangers nouveaux et gravissimes ? Chut ! Parlons-en le moins possible, de sorte que cette question ne soit pas inscrite à l’agenda du débat public. De sorte que de « perfides citoyens crypto-gauchistes » n’aient pas l’audace de verser à ce débat public l’idée de durcir les lois anti-concentration contre la mainmise des milliardaires sur la presse, ou de promouvoir des mesures pour favoriser la presse libre et indépendante…

Cet extrême embarras qu’éprouve la plupart des grands médias à parler de leurs actionnaires fonctionne donc comme un révélateur : on peut y discerner les dangers d’asservissement qui les menace ou auxquels ils ont déjà succombé. Ne pas parler des oligarques dans la presse des… oligarques: ici commence la première des censures…

Source : Blog Mediapart, Laurent Mauduit, 28-11-2016

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Main basse sur l’information

Source : Le Huffington Post, Laurent Mauduit,  05/10/2016

Alors qu’il est ambassadeur des États-Unis en France, Thomas Jefferson écrit : “si l’on me donnait à choisir entre un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n’hésiterais pas un moment à choisir cette dernière formule.”

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, jamais la liberté et le pluralisme de la presse n’ont à ce point été menacés. Pourtant, ce droit de savoir était au fondement de notre démocratie, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Certainement serait-il bon de le rappeler :

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

 Depuis quelques années d’un quinquennat laborieux et liberticide, pire encore peut-être que celui de Nicolas Sarkozy, nous avons vécu un véritable tournant. En 2012, la concentration de la presse entre les mains de quelques milliardaires a atteint en France des proportions inimaginables. Ils contrôlent à eux seuls la quasi-totalité des grands médias nationaux, de la presse écrite ou de l’audiovisuel. Des milliardaires qui ont de surcroît presque tous comme point commun de ne pas avoir la presse ou l’information pour métier. Des milliardaires qui ont presque tous acquis des journaux non selon des logiques professionnelles mais d’influence ou de connivence. Qu’on en juge :
  1. Vincent Bolloré est à la tête d’un groupe issu du capitalisme néocolonial français, et a pris de force Canal + pour asservir la chaîne cryptée à ses lubies.
  2. Le financier franco-israélien Patrick Drahi, véritable symbole des excès de la finance folle, s’est lancé dans une course à l’endettement et a croqué en quelques mois Libération, le groupe L’Express avec ses innombrables publications, dont L’Expansion, L’Entreprise, L’Étudiant, Lire, À Nous Paris, Classica, et pris le contrôle de 49 % du capital de NextRadioTV (BFM-TV, BFM-Business, RMC), avec une option exerçable en 2019.
  3. Le trio richissime composé de Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse, après avoir mis la main sur le groupe Le Monde, a élargi son empire en achetant Le Nouvel Observateur. Le même banquier d’affaires Matthieu Pigasse a par ailleurs investi dans le magazine Les Inrocks et la radio Nova, ainsi que dans Vice. À eux trois, ils possèdent désormais Le Monde, M, Le Monde des religions, La Vie, Télérama, Courrier international, L’Obs, Rue89, Vice, et comme actionnaire minoritaire Le Huffington Post.
  4. Le milliardaire du luxe Bernard Arnault, après avoir avalé le premier quotidien économique français, Les Échos, s’est offert le premier quotidien populaire, Le Parisien. Il possède de ce fait Radio Classique, Aujourd’hui en France, Investir, et pour partie L’Opinion.
  5. Le milliardaire libanais Iskandar Safa s’est offert le magazine de droite radicale Valeurs actuelles.
  6. Arnaud Lagardère a en partie liquidé l’immense empire de son père mais a gardé le contrôle de trois grands médias : Europe 1, Paris-Match et Le Journal du dimanche. Le groupe est par ailleurs encore propriétaire de France Dimanche, Elle, Version Femina, Ici Paris, Public, Télé 7 jours, Gulli, MCM, Mezzo, Virgin Radio, RFM.
  7. Martin Bouygues, le roi du béton, détient la première chaîne privée française, TF1, et donc TMC, NT1, HD1, LCI, TV Breizh, Histoire et Ushuaïa TV.
  8. Serge Dassault, avionneur et marchand d’armes de son état, est à la tête du Figaro.
  9. François Pinault, l’autre milliardaire du luxe, est le propriétaire du magazine Le Point.
  10. Les Bettencourt contrôlent et financent massivement le journal L’Opinion.
  11. Bernard Tapie contrôle La Provence.
  12. Le groupe EBRA, propriété du Crédit Mutuel, détient les journaux régionaux Lyon Plus, Top Est, Le Bien public, L’Est Républicain, Les Dernières nouvelles d’Alsace, Le Progrès, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Journal de la Haute-Marne, Vaucluse Matin, Vosges Matin, Le Dauphiné libéré, Le Républicain Lorrain, La Liberté de l’Est.

L’énumération parle d’elle-même, et vaut pour constat. Nous vivons un mouvement de concentration tout à la fois historique et grave. Nous assistons à un retour de la presse de l’entre-deux-guerres, cette presse vénale et corrompue, propriété des plus grandes puissances d’argent, avec lesquelles le CNR avait précisément voulu rompre.

Mais que l’on observe encore les crédits publics à la presse, pour achever ce tour d’horizon : dans le cas des aides directes, ce sont les milliardaires qui sont les premiers servis et, pour tout dire, les aides les plus colossales tombent toujours, semble-t-il, dans la poche des plus riches. Au hit-parade de ces aides directes (chiffres 2014) :

1er – Le Figaro (groupe de Serge Dassault) arrive 1er (15,2 millions d’euros) ;

2ème – Aujourd’hui en France (Bernard Arnault), 2e (14 millions) ;

3ème – Le Monde (Niel, Pigasse et Bergé), 3e (13,1 millions) ;

6ème – Libération (Patrick Drahi), 6e (8 millions) ;

7ème – Télérama (Niel, Pigasse et Bergé), 7e (7,1 millions) ;

9ème – L’Obs (Niel, Pigasse et Bergé), 9e (5,2 millions) ;

10ème – L’Express (Patrick Drahi), 10e (4,9 millions) ;

12ème – Le Parisien (Bernard Arnault), 12e (4,3 millions) ;

14ème – Paris-Match (Arnaud Lagardère), 14e (3,6 millions) ;

15ème – Le Point (François Pinault), 15e (3,5 millions) ;

17ème – Les Échos (Bernard Arnault), 17e (3,4 millions) ;

et ainsi de suite…

Nous avons encore oublié qu’une démocratie se construit avec une presse libre.

Main basse sur l’information, de Laurent Mauduit. Sortie le 8 septembre aux éditions Don Quichotte. 19,90€

Source : Le Huffington Post, Laurent Mauduit,  05/10/2016

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Source: http://www.les-crises.fr/defense-de-parler-des-oligarques-dans-la-presse-des-oligarques-par-laurent-mauduit/


[Vidéo] Aude Lancelin : une journaliste virée à la demande de François Hollande

Friday 2 December 2016 at 00:08

Source : Youtube, Aude Lancelin, 12-10-2016

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« Le héros journalistique […] est toujours un supplétif de la Bourse, de la Maffia ou de l’État.
Il se rêvasse toujours en conseiller du Prince et c’est pourquoi il est l’ennemi des vérités indésirables, chargé simplement d’aider à passer le temps de la liberté dictatoriale du marché.
Quand un journaliste accepte de mettre le doigt sur une dés-information, c’est toujours finalement au service d’une autre idée de l’État et de la marchandise comme si les aventures vénales de la pègre capitaliste et de sa dette intarissable pouvaient nous engager ailleurs que sur les chemins de nouvelles affaires suspectes toujours plus louches.
C’est pourquoi, ce qu’il voit, il ne le regarde que pour ne point voir où cela mène car s’il s’y rendait, il deviendrait non seulement non-recommendable mais complètement infréquentable. »
Francis Cousin, L’Être contre l’Avoir, 2012

« Le spectacle n’abaisse pas les hommes jusqu’à s’en faire aimer; mais beaucoup sont payés pour faire semblant. »
Guy Debord, Réfutation de tous les jugements, tant élogieux qu’hostiles, qui ont été jusqu’ici portés sur le film « La Société du spectacle », 1975

« Tôt dans ma vie, j’ai remarqué qu’aucun événement n’est jamais relaté avec exactitude dans les journaux, mais en Espagne, pour la première fois, j’ai lu des articles de journaux qui n’avaient aucun rapport avec les faits, ni même l’allure d’un mensonge ordinaire.
J’ai vu l’histoire rédigée non pas conformément à ce qui s’était réellement passé, mais à ce qui était censé s’être passé selon les diverses « lignes de parti ».
Ce genre de choses me terrifie, parce qu’il me donne l’impression que la notion même de vérité objective est en train de disparaître de ce monde. »
George Orwell, Réflexions sur la guerre d’Espagne, 1942

« On croyait jusqu’à présent que la formulation des mythes chrétiens dans l’Empire romain n’avait été possible que parce que l’imprimerie n’était pas encore inventée. C’est tout le contraire.
La presse quotidienne et le télégraphe qui répand ses inventions en un clin d’oeil dans tout le globe fabriquent plus de mythes en un jour qu’on ne pouvait en fabriquer autrefois en un siècle (et ces veaux de bourgeois les gobent et les diffusent). »
Karl MARX, Lettre à Kugelmann, 27 juillet 1871

« Le vrai […] a cessé d’exister presque partout, ou dans le meilleur cas s’est vu réduit à l’état d’une hypothèse qui ne peut jamais être démontrée.
Le faux sans réplique a achevé de faire disparaître l’opinion publique, qui d’abord s’était trouvée incapable de se faire entendre; puis, très vite par la suite, de seulement se former. […] Le spectacle organise avec maîtrise l’ignorance de ce qui advient et, tout de suite après, l’oubli de ce qui a pu quand même en être connu.
Le plus important est le plus caché.
[…] Jamais censure n’a été plus parfaite.
Jamais l’opinion de ceux à qui l’on fait croire encore, dans quelques pays, qu’ils sont restés des citoyens libres, n’a été moins autorisée à se faire connaître, chaque fois qu’il s’agit d’un choix qui affectera leur vie réelle.
Jamais il n’a été permis de leur mentir avec une si parfaite absence de conséquence.
Le spectateur est seulement censé ignorer tout, ne mériter rien.
[…] L’autre avantage que l’on trouve à dénoncer, en l’expliquant ainsi, une désinformation bien particulière, c’est qu’en conséquence le discours global du spectacle ne saurait être soupçonné d’en contenir, puisqu’il peut désigner, avec la plus scientifique assurance, le terrain où se reconnaît la seule désinformation: c’est tout ce qu’on peut dire et qui ne lui plaira pas.
C’est sans doute par erreur – à moins plutôt que ce ne soit un leurre délibéré – qu’a été agité récemment en France le projet d’attribuer officiellement une sorte de label à du médiatique « garanti sans désinformation » : ceci blessait quelques professionnels des media, qui voudraient encore croire, ou plus modestement faire croire, qu’ils ne sont pas effectivement censurés dès à présent. »
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, 1988

Source : Youtube, Aude Lancelin, 12-10-2016

Source: http://www.les-crises.fr/video-aude-lancelin-une-journaliste-viree-a-la-demande-de-francois-hollande/


Miscellanées du Jeudi (Delamarche, Sapir, Béchade, ScienceEtonnante, DataGueule)

Friday 2 December 2016 at 00:03

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche : la France fait la pute pour des pays qui posent des bombes chez elle

Olivier Delamarche VS Marc Touati (1/2): Quid du pic de 5 ans pour les crédits au secteur privé en zone euro ? – 28/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-delamarche-vs-marc-touati-12-quid-du-pic-de-5-ans-pour-les-credits-au-secteur-prive-en-zone-euro-2811-889395.html

Olivier Delamarche VS Marc Touati (2/2): Le programme de François Fillon peut-il être efficace ? – 28/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-delamarche-vs-marc-touati-22-le-programme-de-francois-fillon-peut-il-etre-efficace-2811-889397.html

La minute de Delamarche : La pauvre Yellen n’est pas folle ! – 21/11

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (1/2): Quel impact économique attendre des programmes de François Fillon et d’Alain Juppé ? – 21/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-delamarche-vs-emmanuel-lechypre-12-quel-impact-economique-attendre-des-programmes-de-francois-fillon-et-d-alain-juppe-2111-887113.html

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (2/2): Quelles perspectives pour la reprise dans les pays émergents ? – 21/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-delamarche-vs-emmanuel-lechypre-22-quelles-perspectives-pour-la-reprise-dans-les-pays-emergents-2111-887115.html

II. Philippe Béchade

La minute Béchade : “Vous avez déjà vu un CP d’une entreprise côtée sortir en plein après-midi ?

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (1/2): Quel est l’impact du référendum italien sur les marchés ? – 30/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/philippe-bechade-vs-sebastien-korchia-12-quel-est-l-impact-du-referendum-italien-sur-les-marches-3011-890171.html

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (2/2): Le pétrole dictera-t-il les tendances sur les marchés mondiaux dans les prochains mois ? – 30/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/philippe-bechade-vs-sebastien-korchia-22-le-petrole-dictera-t-il-les-tendances-sur-les-marches-mondiaux-dans-les-prochains-mois-3011-890173.html

Philippe Béchade VS Serge Négrier (1/2): Où en est Vinci après avoir été plombé par un faux communiqué ? – 23/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/philippe-bechade-vs-serge-negrier-12-ou-en-est-vinci-apres-avoir-ete-plombe-par-un-faux-communique-2311-887833.html

Philippe Béchade VS Serge Négrier (2/2): La zone euro est-elle assez forte pour relancer l’inflation ? – 23/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/philippe-bechade-vs-serge-negrier-22-la-zone-euro-est-elle-assez-forte-pour-relancer-l-inflation-2311-887837.html

III. Jacques Sapir

La minute de Sapir : Mondialisation, et si les pays émergents avaient enfin leur mot à dire ?

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): Pourquoi l’Italie inquiète-t-elle les investisseurs ? – 28/11 (112)

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/jacques-sapir-vs-cyrille-collet-12-pourquoi-l-italie-inquiete-t-elle-les-investisseurs-2811-112-889765.html

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Qu’attendre des banques centrales européennes ? – 28/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/jacques-sapir-vs-cyrille-collet-22-qu-attendre-des-banques-centrales-europeennes-2811-889767.html

La minute de Sapir: Catastrophe sur les marchés si l’accroissement du déficit US se passe mal

Jacques Sapir VS Jean-François Robin (1/2): Quid du comportement des marchés depuis l’élection de Donald Trump ? – 22/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/jacques-sapir-vs-jean-francois-robin-12-quid-du-comportement-des-marches-depuis-l-election-de-donald-trump-2211-887437.html

Jacques Sapir VS Jean-François Robin (2/2): Peut-on s’attendre à un tapering de la part de la BCE ? – 22/11

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/jacques-sapir-vs-jean-francois-robin-22-peut-on-s-attendre-a-un-tapering-de-la-part-de-la-bce-2211-887439.html

IV. ScienceEtonnante

L’explosion cambrienne et les schistes de Burgess — Science étonnante #36

V. DataGueule

Privés de savoir ? #DATAGUEULE 63


 

Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-jeudi-delamarche-sapir-bechade-scienceetonnante-datagueule-2/


Quand l’Assemblée nationale remballe Noam Chomsky

Thursday 1 December 2016 at 02:46

Petit résumé des faits par Philoisophie Magazine qui co-organisait la rencontre d’hier avec Chomsky.

Source : Philosophie Magazine, 30/11/2016

philomag

Vendredi dernier, le 25 novembre, la rédaction de Philosophie magazine a reçu un e-mail sidérant.

« Bonjour,
j’ai un très gros problème. L’Assemblée nationale, qui devait recevoir Noam Chomsky mercredi pour lui remettre la médaille d’or de philologie change ses plans. Et je me retrouve sans aucune activité mercredi. Je ne sais pas où lui remettre la médaille, ni devant qui. J’aurais pu le faire hier si l’assemblée m’avait prévenu plus tôt, mais je suis donc sans lieu ni public pour mercredi. Serait-il possible d’organiser dans les locaux de votre magazine une petite réception au cours de laquelle je lui remettrais la médaille ?

Florent Montaclair »

Rembobinons. Le philosophe Noam Chomsky, figure mondialement réputée de la linguistique et intellectuel engagé à la gauche de la gauche, devait recevoir, ce mercredi, une distinction scientifique à l’Assemblée nationale, à Paris. L’International Society of Philology (« société internationale de philologie ») qui honore tous les cinq ans un grand grammairien ou un grand critique littéraire devait lui remettre, après Roman Jakobson ou Umberto Eco, une médaille d’or spéciale. Avant que le philosophe américain n’assiste à la séance hebdomadaire de questions au gouvernement.

Est-ce parce que la prestigieuse institution craignait de recevoir un hôte qui a l’habitude d’être très critique avec le monde politique ? L’Assemblée nationale n’a donné aucune explication pour son annulation de dernière minute.

Florent Montaclair, président d’honneur de l’International Society of Philology, a alors appelé au secours Philosophie magazine, qui avait prévu de réaliser un entretien avec le philosophe à l’occasion de sa venue en France.

Dans l’urgence, Martin Legros, rédacteur en chef de Philosophie magazine, de nationalité belge, a donc mobilisé ses contacts. Et obtenu que le Centre Wallonie-Bruxelles, éminent lieu de la culture francophone belge à Paris, offre l’hospitalité à Noam Chomsky. Et lui permette de recevoir sa médaille d’or. […]

Source : Philosophie Magazine, 30/11/2016

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Précisions bien qu’il ne s’agit pas simplement “d’une médaille” ; pour la discipline de Chomsky, la linguistique, c’est comme la médaille Fields en Mathématiques : le “prix Nobel” de la discipline… Et Florent Montaclair en est le récipiendaire précédent, c’est pour cela que la cérémonie avait lieu en France…

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Je peux vous indiquer qu’en fait Chomsky est arrivé mercredi dernier, car il devait rencontrer le ministre de la Recherche, Thierry Mandon. Qui a… finalement décommandé la rencontre, renvoyant Chomsky sur les députés pour la remise de la médaille à l’Assemblée le 30/11…

mandon

Oui “cela suffit”… Et c’est courageux quand la seule façon d’être réélu est de donner 500 € à chaque électeur… Et je ne parle même pas du risque de se faire rosser à coup de manche de pioche en tant qu’ancien ministre de Valls…

Assemblée qui a donc décommandé le vendredi 25/11 – la classe !

Ah oui, ils ont proposé de faire ça “un autre mercredi” éventuellement – c’est sûr, Chomsky, 87 ans, va attendre à Paris 6 ou 7 semaines, pas de souci…

Surtout que quand ils veulent… :

clowns

Mais on, il ne fait pas d’efforts Chomsky aussi :

pamela

Vous imaginez la même chose pour Einstein venant recevoir le Nobel de Physique ? (et n’ayez aucun doute, vu les propos politiques d’Einstein, je suis persuadé qu’il serait traité de la même façon que Chomsky aujourd’hui)

Alors n’hésitez pas à réagir sur Twitter auprès des 3 stars du jour :

@mandonthierry

@claudebartolone

@BrunoLeRoux

Mais finalement, la sympathique équipe du Centre culturel Wallonie-Bruxelles a accepté de prêter sa salle de cinéma pour la remise de la médaille et le discours (finalement presque prononcé en Belgique quoi…).

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Discours que nous avons enregistré grâce à la mobilisation de lecteurs du site (Pierre, Katia et Bruno) – que je remercie chaleureusement. La vidéo sera bientôt là, si je trouve un monteur

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Bref, voici l’accueil que notre pays aura réservé à un des plus grands intellectuels mondiaux – bien entendu à cause de ses prises de position pour la liberté de pensée, le Droit, la Justice, le contrôle du Pouvoir et contre la propagande.

Au niveau médias, cela a été encore plus limité.

Chomsky a cependant fait la Une de l’Humanité, avec une longue interview :

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huma

Extrait :

Et Russia Today qui était là a fait une brève interview :

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Pour les gogols néocons, je vous aide pour les re-tweets : “Chomsky, marionettttttttte de l’infâme Poutiiiiiiiine tueur d’enfants à Alep”…

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Au passage, je rappelle aux médias qui pleurent que les gens s’informent sur Internet qu’il y a 2 types de médias : ceux qui interviewent les grands intellectuels qui laisseront une trace et ceux qui interviewent BHL (bon, ok, il laissera une trace aussi, mais uniquement en catégorie humour, Libye et surtout pâtisserie)…

Mais Twitter a bien buzzé aujourd’hui sur ce x-ème scandale :

trends

Quelques politiques ont réagi :

mnl-2

hamon

attard

Quelques journalistes aussi :

edwy

alonso

Ceci étant Noam Chomsky a dit par le passé : « Toute l’histoire du contrôle sur le peuple se résume à cela : isoler les gens les uns des autres, parce que si on peut les maintenir isolés assez longtemps, on peut leur faire croire n’importe quoi. »

Il nous a permis aujourd’hui en direct, et bientôt sur le site, de rompre avec notre isolement, pour ouvrir notre esprit à plus de lucidité.

Il a aussi déclaré que : « Il existe deux ensembles de principes. Les principes de Pouvoir et de Privilège, et les principes de Vérité et de Justice. Si vous courez après le pouvoir et les privilèges, ce sera toujours au détriment de la vérité et de la justice. »

Il est clair qu’il a passé sa vie au service de la recherche de la Vérité, n’obtenant que bien peu de Privilèges en comparaison de ses précieux apports – et on l’a encore vu avec l’humiliation d’aujourd’hui.

Mais beaucoup de Français sont conscients ceci, de son exemplarité et de la dette particulière que la France a à son égard.

 

Alors en attendant, je vous recommande de regarder l’interview exceptionnelle de Chomsky sur Arrêts sur Images, en ligne ce jeudi soir (pour quelques euros, c’est donné et ça soutient l’équipe…)

asi

Source: http://www.les-crises.fr/quand-lassemblee-nationale-remballe-noam-chomsky/


[Chomsky] Romain Herreros illustre les méthodes de travail du journalisme actuel

Thursday 1 December 2016 at 02:40

Comme nous l’avons vu dans ce billet, bien peu de médias auront parlé de la visite de Chomsky à Paris, mais Philosophie magazine a lancé l’alerte sur le honteux traitement réservé à ce grand intellectuel.

Le Huffington Post (“du groupe “Le Monde…) a été un des rares à consacrer un article à cet édifiant sujet.

Illustrons donc les analyses de Chomsky sur le travail du journaliste, Romain Herreros, “journaliste politique”.

On va voir comment fonctionne ce que la philosophe Paul Nizan appela en 1932 “un chien de garde”, qui a pour but (souvent inconsciemment) de calmer les attaques contre le Pouvoir.

Pourquoi une remise de médaille à Noam Chomsky a été annulée par l’Assemblée nationale

Prévue initialement ce mercredi au Palais Bourbon, cette cérémonie a finalement été organisée ailleurs et au dernier moment.

Source : Romain Herreros, Le Huffington Post, 01/12/2016

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POLITIQUE – “Sidérante régression française!” Sur Twitter, le fondateur de Mediapart,Edwy Plenel, ne cachait pas sa colère ce mercredi 30 novembre, en partageant un article de Philosophie magazine expliquant que l’intellectuel engagé et controversé Noam Chomsky aurait été “remballé” par l’Assemblée nationale.

Le mensuel publie un mail signé par Florent Montaclair selon lequel l’association qu’il représente, l’International Society of Philology, a été informée qu’elle ne pouvait pas remettre dans les locaux du Palais Bourbon une médaille honorifique à l’américain, comme ceci avait été prévu initialement.

“Je ne sais pas où lui remettre la médaille, ni devant qui. J’aurais pu le faire hier si l’Assemblée m’avait prévenu plus tôt, mais je suis donc sans lieu ni public pour mercredi”, écrit l’universitaire.

Reçu vendredi 25 novembre, le mail demandait à la rédaction du magazine si une solution de repli pouvait-être envisagée dans ses locaux (au final cette cérémonie a eu lieu au Centre Wallonie-Bruxelles, dans le 4e arrondissement de la capitale). “Est-ce parce que la prestigieuse institution craignait de recevoir un hôte qui a l’habitude d’être très critique avec le monde politique?”, s’interroge Philosophie magazine.

“Déclarations polémiques”

Au HuffPost, Martin Legros, rédacteur en chef du mensuel, affirme qu’une cérémonie, à laquelle le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone devait prendre part, était bien programmée.

Par ailleurs, Martin Legros indique qu’une rencontre entre Noam Chomski et les parlementaires PS était prévue en marge de la cérémonie. Un agenda que l’entourage de Bruno Le Roux (chef de la majorité socialiste) a confirmé au HuffPost.

“On a finalement décidé d’annuler la rencontre avec le groupe socialiste, compte tenu de certaines déclarations polémiques que Noam Chomsky a tenues, notamment sur Ben Laden”, nous explique-t-on. Il est vrai que l’homme a versé ces dernières années vers le complotisme ou a pris la défense de négationnistes au nom de la liberté d’expression. Des positions pas du tout facile à assumer du côté des parlementaires socialistes.

Pour autant, le groupe PS assure qu’il n’est pas à l’origine de l’annulation de la remise de la médaille, renvoyant la patate chaude à la présidence de l’Assemblée nationale. Ce que l’entourage de Claude Bartolone dément formellement.

“C’est bien le groupe socialiste qui a organisé (puis annulé) cet événement, la présidence de l’Assemblée n’a rien à voir avec ça”, assure l’équipe de Claude Bartolone, précisant que cette cérémonie ne figurait pas à son agenda.

Source : Romain Herreros, Le Huffington Post, 01/12/2016

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On recommence avec le commentaire…

Pourquoi une remise de médaille à Noam Chomsky a été annulée par l’Assemblée nationale

Cool, avec un titre aussi accrocheur, on remercie d’avance Romain Herreros, qui va nous expliquer ce qui s’est passé…

Prévue initialement ce mercredi au Palais Bourbon, cette cérémonie a finalement été organisée ailleurs et au dernier moment.

POLITIQUE – “Sidérante régression française!” Sur Twitter, le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, ne cachait pas sa colère ce mercredi 30 novembre, en partageant un article de Philosophie magazine expliquant que l’intellectuel engagé et controversé Noam Chomsky aurait été “remballé” par l’Assemblée nationale.

OB : Donc Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du Monde est en “colère” que Chomsky ne soit pas reçu, et Philosophie Magazine s’insurge – ce qui fait quand même quelques soutiens de poids pour Chomsky…

edwy

philomag

Mais vous notez l’apparition insidieuse du mot “controversé“, qui semble quand même peu cohérent avec les soutiens précédents. Parce que si on va par là, je connais peu de monde à part l’abbé Pierre, qui ne soit pas “controversé”.

Évidemment, les prises de positions de Chomsky sont là pour alimenter le débat ; mais avez-vous souvent lu dans un grand média que BHL était un “intellectuel controversé” ?

Bon, ne cherchez pas, je l’ai fait pour vous (3 réponses, mais aucune ne concerne BHL)

hp-bhlaz

Le mensuel publie un mail signé par Florent Montaclair selon lequel l’association qu’il représente, l’International Society of Philology, a été informée qu’elle ne pouvait pas remettre dans les locaux du Palais Bourbon une médaille honorifique à l’américain, comme ceci avait été prévu initialement.

OB : je passe sur le style, on n’en est évidemment même plus là à ce stade…

“Je ne sais pas où lui remettre la médaille, ni devant qui. J’aurais pu le faire hier si l’Assemblée m’avait prévenu plus tôt, mais je suis donc sans lieu ni public pour mercredi”, écrit l’universitaire.

Reçu vendredi 25 novembre, le mail demandait à la rédaction du magazine si une solution de repli pouvait-être envisagée dans ses locaux (au final cette cérémonie a eu lieu au Centre Wallonie-Bruxelles, dans le 4e arrondissement de la capitale). “Est-ce parce que la prestigieuse institution craignait de recevoir un hôte qui a l’habitude d’être très critique avec le monde politique?”, s’interroge Philosophie magazine.

OB : bon, jusque là, tout va bien, sauf la dernière alerte qui met le feu aux fesses des politiques : Il faut donc sauver urgemment le député Ryan… Sans exposer le fond des “propos critiques” de Chomsky, genre

anat

“Déclarations polémiques”

OB : Valls ou Fillon  ne font jamais de “Déclarations polémiques” eux, c’est bien connu

Au HuffPost, Martin Legros, rédacteur en chef du mensuel, affirme qu’une cérémonie, à laquelle le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone devait prendre part, était bien programmée.

Par ailleurs, Martin Legros indique qu’une rencontre entre Noam Chomski et les parlementaires PS était prévue en marge de la cérémonie. Un agenda que l’entourage de Bruno Le Roux (chef de la majorité socialiste) a confirmé au HuffPost.

OB : c’est bien le type a fait l’effort d’enquêter. Dommage simplement qu’il ne sache pas écrire “Chomsky”…

Et c’est pas un accident, cf le lien de l’article, donc l’ancien titre :

hp-titre

“On a finalement décidé d’annuler la rencontre avec le groupe socialiste, compte tenu de certaines déclarations polémiques que Noam Chomsky a tenues, notamment sur Ben Laden”, nous explique-t-on. Il est vrai que l’homme a versé ces dernières années vers le complotisme ou a pris la défense de négationnistes au nom de la liberté d’expression. Des positions pas du tout facile à assumer du côté des parlementaires socialistes.

OB : on va y revenir c’est le coeur…

Pour autant, le groupe PS assure qu’il n’est pas à l’origine de l’annulation de la remise de la médaille, renvoyant la patate chaude à la présidence de l’Assemblée nationale. Ce que l’entourage de Claude Bartolone dément formellement.

“C’est bien le groupe socialiste qui a organisé (puis annulé) cet événement, la présidence de l’Assemblée n’a rien à voir avec ça“, assure l’équipe de Claude Bartolone, précisant que cette cérémonie ne figurait pas à son agenda.

OB : le final : on voit donc le courage coutumier des socialistes. Et, heu, ben du coup on reste quand même un peu sur notre faim…

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Donc le journaliste indique carrément que Chomsky :

1/ a tenu des déclarations polémiques sur Ben Laden et a versé dans le complotisme

2/ a pris la défense de négationnistes

Faut-il être ignare du travail de Chomsky, et n’avoir guère lu ses livres : il est détesté par les truthers américains, car il n’a jamais mis en cause “la version officielle” du 11 Septembre…

D’ailleurs, il suffit de taper “Chomsky conspiracy” sur Google, pour que la première page vous renvoie par exemple sur cet article dédié de Chomsky :

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(ben oui, le type ne lis pas le Huffington Post, donc il est informé sur ce que pense vraiment Chomsky)

ou ceci :

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ou cette vidéo

Pour le négationnisme, cette histoire dure quand même depuis 1980, simplement car Noam Chomsky avait déclaré qu’un négationniste devait pouvoir s’exprimer librement (estimant qu’il vaut mieux le laisser dire ses délires sans fondement plutôt qu’en faire un martyr qui va se faire beaucoup de publicité).

C’est un vrai débat, intéressant, mais il faut vraiment être un anti-américain primaire pour reprocher ça à Chomsky, le free speech étant garanti par le 1er amendement de la Constitution américaine – les associations anti-racistes défendent là-bas le droit du Ku Klux Klan à s’exprimer, pour qu’ensuite elles puissent combattre ses idées.

Vrai débat, donc, mais il faut vraiment être bouché au dernier degré ou être contre l’esprit des Lumières (“je suis en désaccord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire”) pour reprocher ça à Chomsky.

Pour Romain Herreros, je rappelle que Chomsky est juif, et qu’une partie de sa famille a péri dans les camps – donc une éthique élémentaire impose qu’un journaliste n’écrive pas le mot “négationniste” dans un papier sur Chomsky…

Je signale aussi que ce 30/12, le grand quotidien israélien Haaretz a repris la dernière interview de Chomsky sans que cela leur pose de problème…

La France est probablement le seul pays au monde qui s’enferme dans de tels délires à propos de Chomsky…

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haaretz

Enfin, un minimum d’esprit critique devrait arriver à la conclusion qu’un type soutenu par Edwy Plenel et Philosophie magazine n’est évidemment pas complotiste ou révisionniste…

Il n’y a plus que les réseaux BHL qui ne comprennent pas – depuis 35 ans :

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Même l’Obs a compris :

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Alors c’est un peu gros de tenter de nous expliquer qu’il est compréhensible que le Groupe Focialiste à l’Assemblée ne l’ait pas invité, alors que Chomsky a même parlé à la Tribune des chefs d’État à l’ONU :

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Mais comment vous dire Romain… ?

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Dernier point, pour illustrer les dérives actuelles du journalisme (et un peu à décharge – si j’ose dire…) : voici les articles écrits par Romain Herreros hier :

romain-herreros

(on voit d’ailleurs que le gars n’est clairement pas au service culture…)

4 articles en 1 jour, donc 2 heures max par article, sur des sujets assez différents, avec une petite enquête au téléphone en quelques minutes par un journaliste qui s’occupe de politique – c’est sûr qu’il ne faut pas attendre des miracles. Le Luppenprolétariat du journalisme…

 

Donc, Romain Herreros, je vous remercie pour avoir illustré cette maxime de Chomsky :

“Dans une société bien huilée, on ne dit pas ce que l’on sait, on dit ce qui est utile au Pouvoir.” [Noam Chomsky]

(même si je ne suis pas sûr que vous en sachiez beaucoup sur lui ; en tous cas vous avez été bien utile au Pouvoir, il vous remercie)

et surtout pour avoir respecté votre promesse de nous éclairer sur “Pourquoi une remise de médaille à Noam Chomsky a été annulée par l’Assemblée nationale” : eh bien, c’est simple, Romain, c’est à cause de journalistes qui travaillent mal depuis 35 ans !

P.S. Enfin, Romain Herreros, je vous rappelle de qui vous avez ainsi parlé ce jour – le grand Noam Chomsky – avec un y :

Noam Chomsky is arguably the most important intellectual alive today

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Source: http://www.les-crises.fr/chomsky-romain-herreros-illustre-les-methodes-de-travail-du-journalisme-actuel/


« Auto-défense intellectuelle » contre la « fabrication du consentement » : Noam Chomsky

Thursday 1 December 2016 at 02:35

Je ressors du coup cet article présentant Chomsky…

Une chance que Chomsky, instruit par la propagande du Vietnam, ait beaucoup travaillé sur le 11 Septembre, on va gagner beaucoup de temps pour le traitement du 13 novembre…

J’ai été très fortement influencé dans ma construction intellectuelle par les remarquables travaux de Noam Chomsky sur la propagande, le plus fascinant étant finalement qu’il ne s’agit nullement de travaux complexes, profonds, mais d’une simple claque de lucidité (comme l’a bien titré Denis Robert dans son livre avec lui), vous obligeant à ouvrir les yeux pour regarder la réalité d’un autre angle, lumineux. J’ai adoré ses travaux, je dispose de 2 mètres linéaires de la quasi-intégralité de ses œuvres, et j’ai créé il y a quelques années le blog www.noam-chomsky.fr ayant traduit des dizaines de ses papiers (blog que j’ai hélas le plus grand mal à alimenter désormais, étant pris par www.les-crises.fr – une aide serait donc largement bienvenue, surtout qu’il a 86 ans).

Alors que nous dit Chomsky ?

« L’endoctrinement n’est nullement incompatible avec la démocratie. Il est plutôt, comme certains l’ont remarqué, son essence même. C’est que, dans un État militaire, ce que les gens pensent importe peu. Une matraque est là pour les contrôler. Si l’État perd son bâton et si la force n’opère plus et si le peuple lève la voix, alors apparaît ce problème. Les gens deviennent si arrogants qu’ils refusent l’autorité civile. Il faut alors contrôler leurs pensées. Pour se faire, on a recours à la propagande, à la fabrication du consensus d’illusions nécessaires. » [Noam Chomsky, Interview à la radio étudiante American Focus]

Qu’il résume brillamment en :

« La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures. » [Noam Chomsky, Noam Chomsky éd. Seven Stories Press, 2002]

Bref, dans sa vision, tout gouvernement, non démocratique comme – surtout – démocratique, doit s’assurer le soutien de la population par de la propagande la convainquant d’adhérer à sa vision (au lieu évidemment du contraire). C’est particulièrement le cas pour les sujets de politique étrangère, surtout quand la guerre rode.

« Les termes du discours politique sont conçus de manière à empêcher de penser. L’un des principaux est cette notion de “défense”. Examinez les archives diplomatiques de n’importe quel pays et vous y trouverez que tout ce que ces pays ont jamais pu faire était “défensif”. » [Noam Chomsky, Comprendre le pouvoir, premier mouvement, 1993]

« J’essaie d’encourager les gens à penser de façon autonome, à remettre en question les idées communément admises. Ne prenez pas vos présomptions pour des faits acquis. Commencez par adopter une position critique envers tout idée “politiquement correcte”. Forcez-la à se justifier. La plupart du temps, elle n’y arrive pas. Soyez prêts à poser des questions sur tout ce qui est considéré comme un fait acquis. Essayez de penser par vous-même. Il y a beaucoup d’information en circulation. Vous devez apprendre à juger, à évaluer et à comparer les choses. Il vous faudra faire confiance à certaines choses, sinon vous ne pourriez pas survivre. Mais lorsqu’il s’agit de choses importantes, ne faites pas confiance. Dès que vous lisez quelque chose d’anonyme, il faut se méfier. Si vous lisez dans la presse que l’Iran défie la communauté internationale, demandez-vous qui est la communauté internationale ? L’Inde est opposée aux sanctions. Le Brésil est opposé aux sanctions. Le Mouvement des pays Non-Alignés est opposé aux sanctions et l’a toujours été depuis des années. Alors qui est la communauté internationale ? C’est Washington et tous ceux qui se trouvent être en accord avec lui. C’est le genre de choses que vous pouvez découvrir par vous-mêmes, mais pour ça il faut travailler. Et c’est pareil pour tous les sujets, les uns après les autres. » [Noam Chomsky, 2010]

Alors comment, selon Chomsky, le pouvoir s’y prend-il pour fabriquer le consentement ? Ce n’est absolument pas pour lui une forme de « complot », avec quelques personnes tirant les ficelles dans l’ombre. C’est bien plus subtil – je reprends ici Wikipedia :

« Les cinq déterminants du modèle de propagande

Le modèle de propagande proposé par Noam Chomsky et Edward Herman se décompose en cinq déterminants essentiels, qui filtrent l’information. Par ordre d’importance, ils sont :

Structuration

Le modèle est présenté tout d’abord par ses structures, Chomsky montrant les liens entre l’industrie des médias et du divertissement et les grands groupes économiques et financiers du pays qui, par un effet de concentration capitalistique ont pris le contrôle de la majorité des organes de presse écrite et télévisée. L’ère des déclarations de principes — telle celle proclamée par le personnage Citizen Kane d’Orson Welles lors de la fondation de son journal proclamant l’indépendance des investigators — est bel et bien révolue compte tenu de ce poids réduisant à cinq acteurs, personnes morales correspondant aux oligopoles, ceux qui « font » les médias aux États-Unis d’Amérique : General Electric (propriétaire de NBC), le groupe Time Warner / AOL, Rupert Murdoch, propriétaire de Fox News, l’empire Turner à l’origine de la chaîne mondiale CNN d’informations en continu, et le conglomérat lié à Columbia Broadcasting System.

La collusion d’intérêts liés aux activités de l’industrie, de la publicité, et d’une manière générale de la rentabilité demandée aux entreprises vient se surajouter à la mission déontologique reconnue des journalistes : apporter l’information sans parti-pris ; la situation obtenue est troublante.

Sans tomber dans le travers d’une théorie du complot, la thèse de Chomsky développée dans le livre « La fabrication du consentement » est que le journaliste, évoluant dans une des entreprises contrôlée par ces groupes, peut passer l’ensemble de sa carrière dans l’illusion d’une liberté d’expression, alors que les sources d’information, les canaux de distribution, et les consignes amenées par les rédacteurs en chef au travers des politiques éditoriales construisent son environnement dans la perspective d’un consensus moral soucieux de ne pas égratigner la sphère politique, les lobbies, et l’« opinion publique » conçue de manière stéréotypée comme un électeur conservateur qu’il convient de conforter dans ses opinions. » [Source : Wikipédia]

Chomsky explique bien ceci :

« Si on analyse de près la presse occidentale, ou même la presse américaine, on constate que d’énormes entreprises y vendent leurs produits à un marché. Je parle ici des médias élitistes, ceux qui déterminent le message. Leur audience est constituée de gens éduqués, privilégiés, de leaders économiques, de docteurs, de décideurs politiques, de professeurs d’université. Ils représentent une petite partie de la population mais ils sont étroitement liés. Ces entreprises vendent une audience privilégiée éduquée à un marché qui regroupe d’autres entreprises importantes. À quoi pouvons-nous donc nous attendre en termes de contenu des médias ?

George Orwell explique très bien cela dans l’introduction de La Ferme des animaux, qui décrit un monstre totalitaire. Il se demande pourquoi en Angleterre libre, des idées impopulaires peuvent être éradiquées sans recours à la force. Selon lui, la première raison est que les médias appartiennent à des hommes riches qui ont toutes les raisons de ne pas vouloir que certaines opinions s’expriment. La deuxième raison est l’endoctrinement. Vous avez reçu une bonne éducation, vous venez d’Oxford ou de Cambridge, vous avez assimilé la croyance qu’il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas dire ni même penser. Par exemple, vous ne pouvez pas penser que les États-Unis et l’Angleterre sont responsables d’une quelconque agression. Cette hypothèse est inconcevable. Vous la formulez néanmoins quand cela vient de la Russie ou de Saddam Hussein. Mais quand nous nous livrons à une agression, il ne peut s’agir que d’une libération et ceux qui résistent sont alors les agresseurs. En Irak, si vous lisez la presse, vous pouvez penser que “le Renégat” fait partie intégrante du nom de Moqtada al-Sadr. On fait constamment référence à lui en tant que “rebelle” ou “membre radical du clergé”. Alors qu’en fait, il résiste à l’agression américaine, à une agression extérieure. » [Noam Chomsky, Revue Médias, juin 2008] 

« Nous avons un objectif : encourager les lecteurs à entreprendre une démarche qu’on pourrait qualifier “d’autodéfense intellectuelle”, et suggérer des manières de procéder ; autrement dit, aider les gens à saper les efforts soutenus consacrés à “fabriquer le consentement” et à les transformer en objets passifs plutôt qu’en individus présidant à leur propre destinée. Notez bien que nous n’avons pas inventé les expressions “fabrication du consentement” et “ingénierie du consentement”. Nous les avons empruntées à des personnalités de premier plan issues de l’univers des médias, de l’industrie des relations publiques et de la recherche universitaire. Comme nous l’examinons dans ce livre et ailleurs, la reconnaissance de la “fabrication du consentement”, dans toute sa dimension, est devenu un thème plus central que jamais dans les sociétés les plus libres.

La capacité de coercition diminuant, il est naturel de chercher à contrôler l’opinion pour asseoir autorité et domination – principe fondamental de gouvernance, comme l’avait déjà souligné David Hume. Notre préoccupation est d’aider les gens à contrer les efforts de ceux qui entendent “régenter chaque parcelle de l’esprit public comme une armée régente les corps de ses soldats“, cette manœuvre permettant aux auto-désignés « hommes responsables » de mener les affaires du monde, sans être gênés par le “troupeau désorienté” – le grand public – qui doit rester marginalisé et dispersé, orienté vers des problématiques d’ordre personnel, au sein d’une “démocratie” bien conduite. Une prémisse non formulée mais cruciale est que l'”homme responsable” acquiert ce statut en servant le véritable pouvoir, réalité qu’il découvrira bien vite si d’aventure il tente de suivre un chemin indépendant. » [Noam Chomsky, Public Anthropology, 2001]

« On avait parfaitement compris, longtemps avant Georges Orwell, qu’il fallait réprimer la mémoire. Et pas seulement la mémoire, mais aussi la conscience de ce qui se passe sous nos yeux, car, si la population comprend ce qu’on est en train de faire en son nom, il est probable qu’elle ne le permettra pas. » [Noam Chomsky, La doctrine des bonnes intentions]

« Des années de recherches consacrées aux médias nous ont convaincus que les médias sont utilisés pour mobiliser un vaste soutien aux intérêts particuliers qui dominent les sphères de l’État et le secteur privé. Leurs choix de mettre en avant un sujet ou d’en occulter d’autres s’expliquent souvent beaucoup mieux dans un tel cadre d’analyse, et dans certains cas avec la force de l’évidence.

Il n’aura échappé à personne que le postulat démocratique affirme que les médias sont indépendants, déterminés à découvrir la vérité et à la faire connaître ; et non qu’ils passent le plus clair de leur temps à donner l’image d’un monde tel que les puissants souhaitent que nous nous le représentions. Ceux qui dirigent les médias crient haut et fort que leurs choix éditoriaux sont fondés sur des critères impartiaux, professionnels et objectifs – ce que cautionnent les intellectuels. Mais s’il s’avère effectivement que les puissants sont en position d’imposer la trame des discours, de décider ce que le bon peuple a le droit de voir d’entendre ou de penser, et de « gérer » l’opinion à coups de campagnes de propagande, l’idée communément acceptée du fonctionnement du système n’a alors plus grand-chose à voir avec la réalité. […]

Il est bien plus ardu de détecter la présence d’un système ou d’un “modèle de propagande” dans le cas de médias privés, en l’absence de censure “officielle”, et c’est encore plus vrai quand des médias, qui se font une active concurrence, attaquent ou dénoncent périodiquement les méfaits ou les abus du gouvernement et du monde du capital, en se positionnant agressivement comme défenseurs de la liberté d’expression ou en se faisant les porte-parole de l’intérêt général. Ce qui est loin d’être évident (et peu discuté dans les médias), c’est la nature “limitée” de telles critiques, autant que la criante inégalité qui régit l’accès aux ressources ; cela se répercute autant sur l’accès aux systèmes médiatiques privés que sur leurs comportements et leurs performances. » [Noam Chomsky, La fabrication du consentement]

« N’importe quel dictateur serait admiratif devant l’uniformité, la docilité et l’obéissance des médias [américains] » [Noam Chomsky, Turning the Tide, 1985]

“Dans une société bien huilée, on ne dit pas ce que l’on sait, on dit ce qui est utile au pouvoir.”  [Noam Chomsky]

Alors que doit faire un honnête homme pour lutter contre cette fabrication du consentement ? La vision de Chomsky est très intéressante et courageuse :

« Je suis citoyen des États-Unis et j’ai une part de responsabilité dans ce que fait mon pays. J’aimerais le voir agir selon des critères moraux respectables. Cela n’a pas grande valeur morale de critiquer les crimes de quelqu’un d’autre – même s’il est nécessaire de le faire, et de dire la vérité. Je n’ai aucune influence sur la politique du Soudan, mais j’en ai, jusqu’à un certain point, sur la politique des États-Unis. » [Noam Chomsky, The Guardian, 2001]

Sa vision est donc : le premier point est d’abord de lutter contre la propagande de son propre gouvernement, chez soi, avant de dénoncer la propagande des autres – sachant qu’il y a de la propagande gouvernementale dans tous les pays.

Mais il y aura des conséquences :

« Il existe deux ensembles de principes. Les principes de pouvoir et de privilège et les principes de vérité et de justice. Si vous courez après le pouvoir et les privilèges, ce sera toujours au détriment de la vérité et de la justice. » [Noam Chomsky]

« L'”homme responsable” acquiert ce statut en servant le véritable pouvoir, réalité qu’il découvrira bien vite si d’aventure il tente de suivre un chemin indépendant. » [Noam Chomsky]

« À maints égards, certes, la société américaine est ouverte et les valeurs libérales y sont honorées. Toutefois, comme les pauvres, les Noirs et les membres des autres minorités ethniques ne le savent que trop, le vernis libéral est très mince. Comme l’a écrit Mark Twain, “c’est par la bonté de Dieu que notre pays dispose de trois choses infiniment précieuses : la liberté de parole, la liberté de conscience et la prudence de ne pratiquer aucune des deux.” Ceux à qui cette prudence fait défaut pourraient bien en payer le prix. » [Noam Chomsky, Quel rôle pour l’État ?]

Donc si vous essayez de dénoncer la propagande du gouvernement et des médias mainstream, le système se tournera contre vous, vous perdrez vos privilèges, et on cherchera à vous discréditer – la moindre parole contredisant le credo officiel étant insupportable, a fortiori s’il n’émane pas de marginaux mais d’intellectuels sérieux argumentant sur des bases solides…

C’est exactement ce qui est arrivé à Chomsky qui, malgré le fait qu’il ait révolutionné la linguistique par ses travaux, a combattu toute sa vie la calomnie qui l’a accusé, lui, juif américain dénonçant les crimes des États-Unis et d’Israël, d’être un traitre voire un antisémite…

Ainsi, dans le modèle de Chomsky, un honnête homme luttant contre la propagande finira immanquablement par être rejeté par le système et les médias quelle que soit la qualité de son travail – ce qui semble assez logique…

Il rejoint ainsi d’autres visions. Citons en conclusion les travaux d’Anne Morelli, exposés dans son remarquable petit ouvrage Principes élémentaires de propagande de guerre, qui reprend la grille de lecture de Lord Ponsonby, un député travailliste anglais pacifiste, réalisés à la fin de la première guerre mondiale. Elle les décrit ainsi, et montre leur remarquable permanence dans le temps (lors de différents conflits) et dans l’espace (employé en même temps par les 2 parties lors d’un même conflit), la propagande visant à faire croire :

  1. que notre camp ne veut pas la guerre. Nous ne voulons pas la guerre ;
  2. que l’adversaire en est responsable. Le camp adverse est le seul responsable de la guerre ;
  3. qu’il est moralement condamnable. Le chef du camp adverse a le visage du diable (ou « l’affreux de service ») ;
  4. que la guerre a de nobles buts. C’est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers ;
  5. que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous). L’ennemi provoque sciemment des atrocités, et si nous commettons des bavures c’est involontairement ;
  6. qu’il subit bien plus de pertes que nous. Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l’ennemi sont énormes ;
  7. que Dieu, le Droit, la Justice, sont avec nous. Notre cause a un caractère sacré ;
  8. que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat. Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause ;
  9. que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous). L’ennemi utilise des armes non autorisées ;
  10. que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traitres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande). Ceux (et celles) qui mettent en doute notre version du conflit sont des traîtres.

Le journaliste Michel Collon les a simplifiés ainsi :

  1. cacher les intérêts économiques ;
  2. occulter l’histoire ;
  3. diaboliser l’adversaire ;
  4. inverser l’agresseur et la victime, se faire passer pour les défenseurs des victimes ;
  5. monopoliser la parole, empêcher le débat, éviter la confrontation.

Toute ressemblance avec une situation actuelle, passée ou même future ne serait hélas pas fortuite…

Olivier Berruyer – 26/11/2014

Annexe : quelques livres de Noam Chomsky recommandés pour découvrir sa pensée :

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Source: http://www.les-crises.fr/auto-defense-intellectuelle-contre-la-fabrication-du-consentement-noam-chomsky/