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Interview d’Axelle Lemaire sur la Loi Renseignement, par Thinkerview

Monday 15 June 2015 at 00:27

Intéressante interview d’Axelle Lemaire (secrétaire d’Etat chargée du numérique) sur la Loi Renseignement, la stratégie européenne, la neutralité du net, la surveillance de masse, etc. au côté de Gilles Babinet, Benjamin Bayart, Eric Scherer et Eric Leandri – réalisée par l’excellente chaine Thinkerview.

Source: http://www.les-crises.fr/interview-daxelle-lemaire-sur-la-loi-renseignement-par-thinkerview/


29 mai, par Jacques Sapir

Sunday 14 June 2015 at 12:25

Le 29 mai 2015, nous fêterons le dixième anniversaire du referendum sur le projet constitutionnel, qui vit ce dernier rejeté par une large majorité (54,68%). Ce vote ne fut pas isolé. Quelques jours plus tard, les électeurs néerlandais rejetaient à leur tour le projet de traité. Mais, ce 29 mais sera l’occasion aussi de commémorer, car peu de gens auront à cœur de « fêter » cela, le déni de démocratie qui vit, quelques années après, l’essentiel du traité qui avait été rejeté être finalement adopté par un tour de passe-passe dans lequel l’UMP comme le P« S » ont été connivents. Ce déni a provoqué une véritable rupture dans la vie politique française. Nous en vivons aujourd’hui les conséquences. Dix années, donc, se sont écoulées, et les enseignements que l’on peut tirer des événements qui sont survenus depuis fondent la situation politique actuelle.

La crise démocratique.

Il ne faut guère aller chercher beaucoup plus loin la crise de la démocratie institutionnelle que traverse notre pays. J’écris « démocratie institutionnelle » et non démocratie, car de nombreux indices témoignent de ce que la démocratie est, elle, bien vivante même si les formes qu’elle prend peuvent surprendre, voire scandaliser. Ce qui est en cause c’est la crise de certaines institutions, crise qui découle de leur perte de légitimité.

Commençons par la presse : rarement depuis qu’il y a une presse libre en France son discours a été aussi et autant discrédité. On le constate dans l’effondrement du lectorat, mais aussi dans l’émergence, certes brouillonne et non dénuée de problèmes et d’abus, d’une « presse alternative ». Cette dernière s’est largement développée sur INTERNET. Le pire y côtoie le meilleur. Mais ce phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur. Le présent carnet en témoigne, avec un nombre de connexions mensuelles et un nombre de lecteur qui sont dignes d’un grand hebdomadaire. Pourtant, si tant de français vont aller chercher sur INTERNET des informations qu’ils n’estiment plus être fiables dans les médias institués, c’est bien parce que ces derniers ont par trop confondu l’opinion – légitime – avec l’information. Le fait qu’en 2005 ils aient pris, dans leur immense majorité, fait et cause pour le projet de traité sans laisser aux opposants, qui allaient pourtant s’avérer majoritaire, un espace d’expression digne et équilibré, n’y est pas étranger.

Mais, cette crise de légitimité touche aussi les partis traditionnels. A multiplier les grands écarts entre les proclamations d’avant les élections et les actes une fois arrivés au pouvoir, en étalant par trop leur cynisme et leur arrogance, ils ont rompu le lien de confiance qui les unissaient à la population. On voit ainsi la côte de popularité monter et descendre dans les sondages au gré de leur exercice du pouvoir. Tel Président, honni à la fin de son mandat, se refait une – timide – santé parce que son successeur s’est avéré aussi hypocrite et aussi cynique que lui même ne l’avait été. Entre le discours du Bourget, où François Hollande clame que « son ennemi est la finance » et la pratique du pouvoir qui le voit s’accroupir devant cette même finance au point de nommer un ancien banquier d’affaires comme Ministre de l’économie, on comprend qu’il y ait un malaise. Et le refus du président d’en prendre acte ne fait que le rendre plus important et plus évident.

Sur le fond, la crise de légitimité qui touche nos institutions, car la justice est elle aussi frappée, traduit l’impuissance, soit subie soit assumée, de ceux qui nous gouvernent. Et cette impuissance a un nom : la crise de l’Etat. Victor Hugo, dans Le Roi s’amuse fait dire au bouffon Triboulet « Je ne viens pas vous réclamer ma fille/ Quand on n’a plus d’honneur on n’a plus de famille ». Ces vers furent l’une des raisons de l’interdiction de la pièce par le pouvoir royal. On peut dire que quand on n’a plus d’Etat, quand on a abdiqué la souveraineté, on ne peut plus prétendre à la légitimité. Ajoutons à cela une atmosphère générale de collusion et de corruption au sein des élites, et l’on aura un tableau, certes pas exhaustif – il y faudrait un livre – des maux qui rongent notre démocratie depuis 10 ans et qui condamnent nombre des institutions de cette dernière.

Les transformations des partis politiques.

Dans ce cadre, on assiste à la transformation à marche forcée des principaux partis politiques français.

Pour le parti « socialiste », il est clair que l’on a deux mensonges pour une même expression. Ce n’est plus un parti depuis longtemps, mais une bande de dirigeants qui consentent, de temps à autre, à se plier aux rites d’une onction, à vrai dire assez peu démocratique, de la part de leurs sympathisants. Ce n’est pas, non plus, un parti « socialiste » ou les mots n’ont plus aucun sens quand ont voit le gouvernement issu de ce parti, et avec l’appui de la majorité de ses représentants, casser le code du travail, détruire l’école républicaine, renier ses promesses aux travailleurs, multiplier les cadeaux aux grandes entreprises alors même que les plus fragiles sont confrontés à une insécurité juridique destructrice. Plus fondamentalement, le parti « socialiste » a acquis sa base de classe. Il est devenu le parti de la petite bourgeoisie cosmopolite, celle qui ne voit dans l’Euro qu’un instrument utile pour ses déplacements (ignorant semble-t-il que moins de 10% des français va passer ses vacances à l’étranger). Assurément, il reste à l’intérieur de ce mouvement des femmes et des hommes de qualité et qui sont porteurs d’une réelle aspiration socialiste et républicaine. Mais, ces personnes sont condamnées à n’être que des buttes témoin d’une évolution aujourd’hui irrémédiable.

Le tableau n’est pas plus brillant pour l’UMP, désormais en passe d’être rebaptisé « Les républicains » par un de ces tours de prestidigitateur dont la communication politique est farcie. Mais, en réalité, nous n’avons qu’un conglomérat d’ambitions personnelles qui, pour l’instant, sont fédérées par un chef, pas si charismatique que cela, et dont on ne sait s’il finira devant le Parquet ou sur le tapis. Le programme de ce conglomérat est une catastrophe dans l’attente d’un détonateur. Qu’il s’agisse des propositions économiques, dont on voit bien qu’elles replongeraient la France dans la récession. Qu’il s’agisse des éléments de programme social, qui rivalisent dans l’ardeur réactionnaire avec celles des « socialistes ». Car, si ce sont eux qui portent à l’école de la République l’assaut final, ce dernier a bien été préparé par les réformes d’un dénommé Luc Chatel, ex-chef de produit chez L’Oréal, et qui avait mis en place tous les éléments idéologiques des décisions actuelles. Mais, du corps idéologique du gaullisme, que l’on pouvait admirer ou combattre mais qui avait sa cohérence et sa logique, il ne reste plus rien.

Face à ces deux transformations, aujourd’hui achevées, le champ politique présente des forces en mutation. La mouvance écologiste, dont EELV est une des principales composantes, est traversée par des crises à répétition. Certains, conscients qu’ils ne seront jamais gagnants préfèrent jouer placés en se rapprochant du P« S ». Si le rêve d’un mouvement écologique indépendant survit, ses forces déclinent alors même que de plus en plus de personnes sont convaincus de l’urgence de la crise écologique. La mouvance écologique a clairement échoué dans sa mutation. Pour la gauche radicale, le Front de Gauche et en son sein le Parti de Gauche, c’est aussi d’un échec qu’il nous faut bien parler. Jean-Luc Mélenchon avait mené une belle campagne lors des élections présidentielles de 2012. Mais, il a gaspillé une large part de son acquis à ne pas savoir choisir entre une logique clairement souverainiste et le fédéralisme européen. Cela témoigne, aussi, d’une incompréhension de la période ouverte avec le résultat du référendum de 2005. Il témoignait de la montée en puissance des thèses souverainistes, que ce soit par une intime conviction ou par le constat de l’échec du fédéralisme européen. Le saut aurait dû être fait, si ce n’est en 2012, très vite en 2013. A avoir trop voulu tergiverser, Jean-Luc Mélenchon, et avec lui le Front de Gauche, ont laissé échapper la possibilité que se constitue en France un mouvement similaire à SYRIZA ou à PODEMOS. On peut le regretter, mais il faut en prendre acte.

Dernière force en mutation, le Front National. On ne dira pas le cheminement compliqué, et seulement en partie réalisé, qui a conduit d’une formation clairement d’extrême droite vers un grand parti populiste. Rien n’était acquis en 2005. Pourtant, l’évolution est claire. Elle a bénéficié de la paralysie du Front de Gauche après l’élection de 2012. En un sens le FN-Phillipot est le produit de l’échec du FdG-Mélenchon. Mais, aujourd’hui, l’espace politique structuré par les idées souverainistes est en passe d’être hégémonisé par le Front National. Ce dernier connaît des crises internes, et la dernière a été la plus spectaculaire. Mais, ces crises sont le symptôme et non le moteur de cette évolution.

Dès lors, pour tous ceux qui ont voté « non » en 2005, il y a dix ans de cela, se pose la question de leurs relations avec le Front National. Dans un espace politique où la question de la souveraineté, c’est-à-dire celle de l’Etat, est aujourd’hui la question centrale en cela que toutes les autres en dépendent, il faudra bien l’aborder de face et trancher ou renoncer.

La crise de l’Union européenne.

Car ce qui donne à la question de la souveraineté toute son importance c’est aussi le fait que dans ces dix dernières années la crise des institutions de l’Union Européenne est allée en s’amplifiant.

Le Traité de Lisbonne, cette monstruosité née d’une forfaiture, établit de fait un régime de souveraineté limitée pour les pays qui en sont signataires. On a vu les conséquences s’en développer depuis la crise de 2008-2009. Le Traité sur la gouvernance européenne, que la France a ratifié sur la base d’un reniement (celui de François Hollande) et d’une nouvelle forfaiture, n’a fait qu’approfondir cette situation. Nous en voyons tous les jours les applications, qu’il s’agisse de notre impuissance organisée sur le plan diplomatique, qui se manifeste tant sur le dossier de l’Ukraine ou sur celui de la négociation du Traité de Libre-Echange transatlantique connu sous le nom de TAFTA, ou qu’il s’agisse de réformes imposées par la logique de Bruxelles et par celle de Francfort, c’est à dire l’Euro. Ces réformes inspirent les mesures mise en place par le gouvernement, que ce soit sur le droit du travail ou sur l’éducation.

Mais, en même temps qu’elle étendait et confortait son pouvoir en dehors de toute sanction démocratique véritable l’Union européenne entrait aussi dans une crise profonde. Les prémisses étaient visibles dès les années 1990 quand l’UE s’est lancée, faute de projet interne cohérent, dans la course aux adhésions, course qui a aboutit aujourd’hui à une crise diplomatique majeure avec la Russie. Mais, cette crise s’est surtout développée au moment même où se jouait la négociation du Traité de Lisbonne. Aujourd’hui il est clair que l’UE est un échec économique. Dans pratiquement tous les pays dits du « Sud » de l’Europe, mais ceci inclut aussi la France, le PIB par habitant stagne, voire est resté inférieur, à ce qu’il était avant la crise de 2008-2009. Et encore ceci n’inclut pas les pays qui ont été ravagés par des politiques d’austérité aussi stupides que meurtrières. Jamais les relations entre les Etats de l’UE n’ont été aussi hypothéquées par des récriminations, des critiques, voire des retours de l’Histoire. L’UE, établie soi-disant au nom de la paix dresse actuellement les peuples les uns contre les autres, provoque par son action inconsidérée des conflits à sa périphérie, et se révèle incapable d’y faire face.

Cette crise de l’Union européenne ne se limite pas à a crise de l’Euro. Car la zone Euro est bel et bien en crise. Quand bien même les problèmes de la Grèce seraient-ils réglés que l’on verrait surgir ceux de l’Italie, et derrière ceux de l’Espagne. Même le très conservateur, et très soumis à Mme Merkel, Premier-ministre espagnol commence à ruer dans les brancards. Il faut y voir, bien entendu, une des conséquences des succès électoraux remportés par PODEMOS récemment. Mais, au-delà de la crise de la zone Euro, on constate tous les jours la réalité d’une crise de l’UE, crise qui aiguise les appétits des Etats et dont la première victime a été le budget de l’UE. Les progrès des partis « eurosceptiques » ou souverainistes dans de nombreux pays ne font que refléter la profondeur de cette crise. Avec le référendum britannique, qui se tiendra soit en 2016 soit en 2017, l’UE va affronter un test sévère.

Si, encore, l’UE reconnaissait la réalité de cette crise, il y aurait un espoir d’évolution. Mais, plus la crise s’approfondit et plus elle est niée par les politiciens européens. Plus elle s’approfondit et plus l’UE se plonge dans les délices d’une gouvernance délivrée de tout contrôle démocratique. Désormais, la « démocratie sans le peuple » semble être son unique avenir. L’UE s’est lentement mais surement transformée en une machine d’oppression. C’est le signe indiscutable qu’elle est entrée dans sa crise terminale. De ce point de vue aussi, les dix ans qui nous séparent du 29 mai 2005 n’ont pas été anodins. Certains diront qu’ils ont révélé la véritable nature de l’UE. Je pense, pour ma part, qu’incapable de supporter la moindre critique, incapable de se livrer à la moindre autocritique, elle s’est lancé dans une fuite en avant qui en a changé la nature.

La révolution qui vient.

Pourtant, d‘autres évolutions auraient été possibles. S’il est bon et juste d’accabler tant Nicolas Sarkozy que François Hollande, les deux vaincus du 29 mai 2005, les deux dirigeants qui s’étaient le plus engagés pour le « Oui » et qui ont été désavoués lors du référendum, ceux là même qui sont devenus par la suite Président de la République, il convient de ne pas oublier la responsabilité de Jacques Chirac. Au soir du référendum, il avait toutes les cartes en main. Il aurait pu fédérer les « non » et s’appuyer sur eux pour tout à la fois imposer une renégociation et reconstruire une alliance politique qui lui aurait permis de faire élire son successeur désiré, dont on peut penser qu’il ne s’appelait pas Nicolas Sarkozy. Venant après l’attitude courageuse qui avait été la sienne en 2003 lors de l’intervention américaine en Irak, ceci lui aurait conféré une écrasante légitimité et l’aurait fait maître du jeu. Mais, il faut croire que toute son énergie avait été dépensée justement en 2003. En 2005, il fit les mauvais choix, et ces chois ont conditionné, en bonne partie, la suite.

Dés lors, et compte tenu de la décomposition sur pied des deux partis dominants, de la perte totale de légitimité qui les frappe et qui frappe aussi certaines de nos institutions, il est de plus en plus évident que nous sommes entrés dans une période révolutionnaire. Il faut cependant bien mesurer les mots. Cela ne veut pas dire qu’il y aura nécessairementune révolution – l’histoire se rit des déterminismes sommaires – ni que cette révolution correspondra nécessairement aux modèles de celles du XIXème et du XXème siècle. Parler de révolution signifie que l’ordre constitutionnel sera probablement interrompu, et en tous les cas probablement à reconstruire et que les partis, et les alliances politiques, que nous connaissons seront vraisemblablement pulvérisés ou à tout le moins profondément transformés. Cela veut aussi dire que la violence directe retrouvera sa place dans la lutte politique. On le sait, « la révolution n’est pas un dîner de gala ».

Dans une période révolutionnaire, il convient avant tout de ne pas se tromper d’ennemi. Le seul, le véritable ennemi des français et de la France, c’est tout ce qui s’oppose à ce que le pays retrouve sa souveraineté et, avec elle et grâce à elle, les conditions réelles de la démocratie. Si nous voulons retrouver la capacité de penser un modèle social dans un cadre collectif, si nous voulons mettre à bas l’euro-austérité, il nous faudra au préalable retrouver notre souveraineté. C’est ce que SYRIZA a bien compris en passant une alliance non pas avec le parti avec lequel les points d’accord étaient les plus grands sur la question sociale, mais avec les “Grecs Indépendants” (ou An.El) qui partageaient avec SYRIZA cette conception de la lutte pour l’austérité.

Le camp de ceux qui veulent sincèrement que la France et son peuple regagnent la souveraineté est composite. On peut y trouver nombre de points d’opposition, voire de fracture. Ceci fut déjà le cas dans la Résistance et l’une des taches du CNR fut justement de donner un cadre où ces oppositions pouvaient se manifester mais sans porter atteinte au combat pour la Libération. Que ce camp soit composite est d’ailleurs profondément logique dans une société qui est largement hétérogène et traversée d’intérêts différents. Mais, la constitution, et ici on a envie de dire la reconstitution de ces « choses communes », de ces res publica est aujourd’hui une priorité absolue. A quoi bon, en effet, se battre pour des parcelles de « pouvoir » si ce dernier est vide de sens ?

Cela impose que, dans le camp des souverainistes, on établisse une trêve sur ce qui divise afin de se concentre sur ce qui nous unit. J’écris « trêve » et non paix, car, une fois la souveraineté retrouvée, une fois l’Etat reconstruit, les luttes sociales et politiques reprendront de plus belle. Mais, dans la période actuelle, il faut comprendre que ces luttes doivent être soumises à l’objectif principal, celui du rétablissement de la souveraineté. Non que ces luttes soient contradictoires avec cet objectif. Je suis persuadé que dans la lutte contre le TAFTA tout comme dans celle contre la réforme des collèges et la casse de l’éducation nationale, c’est en réalité la souveraineté que l’on défend. Mais, nous pouvons avoir, et il n’y a rien de plus normal à cela, des points de vue qui différent dans le cadre de ces luttes. Ces contradictions, il faudra si ce n’est les faire taire, du moins les réguler pour qu’elles n’empêchent pas la constitution d’une large alliance. Cela implique que nos coups devront porter en priorité contre l’ennemi et non entre nous. Mais cela implique aussi qu’entre la souveraineté et l’utopie fédérale, il faudra choisir.

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 28 mai 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/29-mai-par-jacques-sapir/


“D’une crise à l’autre : Vers un nouveau monde?” – Conférence d’Hervé Juvin

Sunday 14 June 2015 at 01:50

Conférence d’Hervé Juvin, donnée à l’École Militaire devant la Société de Stratégie (18/04/2013)

Source: http://www.les-crises.fr/dune-crise-a-lautre-vers-un-nouveau-monde-conference-dherve-juvin/


Revue de presse du 13/06/2015

Saturday 13 June 2015 at 01:13

Merci aux participants de cette revue et bonne lecture !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-13062015/


« Ne jamais croire un Grec, surtout s’il t’amène un présent », par Charles Gave

Saturday 13 June 2015 at 00:13

Une vision du libéral Charles Gave…

“TIMEO DANAOS ET DONA FERENTES “

Laocoon, dans l’Énéide de Virgile, qui voulait refuser l’entrée du cheval à Troie

La tragédie Grecque continue à faire la première page des journaux un peu partout, les journalistes nous expliquant que le gouvernement Grec est d’une incompétence inimaginable et que le pire est à venir pour la population. Plus le temps passe, moins j’en suis sur. Réfléchissons deux minutes.

Imaginons par exemple que le gouvernement grec ait parfaitement compris qu’il n’avait aucune chance de s’en sortir et que la seule solution était pour la Grèce de faire faillite.

Dans la première crise Grecque en 2011, la dette était détenue en quasi-totalité par des banques étrangères (Françaises, Italiennes…) installées en Grèce et qui avaient fait preuve de beaucoup de légèreté dans les crédits qu’elles avaient octroyées à des emprunteurs Grecs. C’est un principe du droit commercial qu’accorder des crédits à des gens qui ne pourront jamais les rembourser est une faute lourde. De ce fait, ne pas rembourser des banques étrangères est historiquement une pratique assez courante. Logiquement donc, les banques étrangères auraient du s’asseoir avec leurs débiteurs Grecs et négocier avec eux les pertes qu’elles allaient devoir prendre.

Hélas, nous sommes dans un monde gouverné par des banquiers, au profit des banquiers. Le but essentiel de la première négociation fut donc non pas de permettre à la Grèce d’assainir une fois pour toutes ses finances, mais de protéger les intérêts des banquiers qui avaient commis une énorme boulette et monsieur Sarkozy se distingua particulièrement dans cette tache.

Papandreou, le premier ministre de l’époque, qui voulait organiser un referendum sur le sujet fut remplacé assez rapidement par le Quisling de service, Lucas Papademos, ancien de la BCE (!) qui négocia un remarquable accord, extrêmement favorable aux banques étrangères et désastreux pour la Grèce, en substituant des organisations internationales aux banques étrangères. Les banques étrangères furent  donc sorties sans trop de dégâts du trou dans lequel elles s’étaient mises  et remplacées par la BCE, le FMI etc.…

L’ennui est que la dette Grecque est  maintenant due à des organisations internationales et qu’il est  impossible juridiquement  de renégocier avec ces organisations des remises de dettes, sauf à perdre pour un grand moment tout crédit auprès d’elles. Voila qui parait être une situation sans issue. La Grèce et son gouvernement sont coincés et bien coincés, du moins en apparence.

Et c’est la qu’entre en jeu monsieur Yanis Varoufakis, bon spécialiste de la théorie des jeux puisqu’il l’enseignait à l’Université du Texas.

Les lignes qui vont suivre ne sont bien sur qu’une tentative pour expliquer que tant que la Grèce reste dans le cadre légal que lui impose l’Euro, elle n’a aucune chance de s’en sortir. Par contre, si elle prend le risque de sortir, alors, elle a beaucoup plus de cartes en main qu’on veut nous le faire croire. Inutile de dire que je n’ai aucune information spéciale, n’étant pas dans le secret des Dieux.

Pour comprendre ce qu’est peut être la stratégie du gouvernement Grec, il faut se rappeler une boutade célèbre : Si vous devez 100.000 euro à votre banquier, vous avez un problème. Si vous lui devez 300 milliards, il a un problème Donc soyons clairs, ce sont la BCE, le FMI etc. qui ont un problème, pas la Grèce.

Or le gouvernement Grec sait très bien  que dés qu’il aura fait faillite, ce qui est inévitable, il n’aura plus accès à aucun financement  et ce pendant un grand moment. Il lui faut donc se constituer un trésor de guerre, que les autorités internationales ne pourront pas saisir. Logiquement, il aurait du installer comme à Chypre, des contrôles des changes, des contrôles des capitaux et que sais je encore, pour garder le peu de devises qu’il avait. Or qu’est que je constate? Les déposants Grecs peuvent librement transférer de l’argent  de leur compte en Grèce à n’importe quel compte étranger (à leurs cousins en Australie, en Allemagne ou aux USA…), ou, s’ils n’ont pas de cousins, ils peuvent transformer leurs dépôts en billets de banque et les mettre dans un coffre chez eux.

La masse monétaire Grecque s’effondre donc, puisqu’elle est en train de se déverser aux USA, en Allemagne ou en Australie. Dans une situation « normale », le taux de change de la monnaie Grecque devrait s’effondrer, mais il n’en est rien puisque ces transferts sont financés par …la BCE.

Explication.

La banque commerciale Grecque de base n’a plus de dépôts et donc plus de cash, mais elle a en réserve d’importantes quantités de bons du Trésor Grecs, émis pour financer le déficit budgétaire Grec par le passé. Notre banque commerciale présente donc ces bons à la banque centrale Grecque, pour réescompte. Laquelle les présente  à la BCE, pour avoir du cash. Et les transmet à la banque commerciale Grecque qui peut financer les retraits. Et ce cash se retrouve dans les poches …des citoyens Grecs.

Le trésor de guerre est dans les mains des citoyens Grecs et ces sommes resurgiront des que la Drachme sera recréée. On parle déjà de plus de 100 milliards d’Euro avancés par la BCE  à la banque centrale de Grèce. .

Ce petit jeu durera aussi longtemps que la BCE escomptera et donc le gouvernement Grec a tout intérêt à faire ses échéances aussi longtemps qu’il le peut puisque tant qu’il paye 500 millions, les citoyens Grecs peuvent tirer 5 milliards. Le but du gouvernement  Grec est à l’évidence de faire trainer les choses le plus longtemps possibles en espérant que la BCE ne va pas siffler la fin de la partie, ce qui la forcerait à prendre ses pertes immédiatement. La BCE est donc dans une situation,ou si elle arrête les financements, elle perd puisque cela forcerait la Grece a sortir et si elle ne les arrête pas, elle perd aussi.

Monsieur Tsipras est dans le rôle du bon flic  tandis que monsieur Varoufakis joue le méchant.

C’est là où le cheval de Troie revient en mémoire, et peut être la BCE  aurait du se poser des questions sur ces paiements mais nos banquiers centraux sont non seulement incompétents mais incultes.

Quand la musique s’arrêtera, l’Etat Grec fera défaut sur 300 milliards, ces 300 milliards étant en grande partie dans les comptes de citoyens Grecs en dehors de Grèce, ou en billets de banque en  Euro, qui resteront parfaitement valables. Quand la Grèce sortira de l’Euro, les citoyens Grecs auront donc une forte hausse de la valeur de leur épargne, ce qui leur permettra de consommer à nouveau. Quand la Drachme sera réintroduite, elle baissera de 50 % ou plus, ce qui permettra à l’économie Grecque de repartir comme une fusée. Je viens de passer quatre jours à Rhodes, où 80 % de l’activité provient du tourisme. Question : Qui ira en Espagne, en Italie ou en France pour payer deux fois plus cher qu’en Grèce?  Réponse, personne.

En Grèce, les transactions domestiques habituelles pour acheter la feta, les olives, ou pour payer les salariés de l’hôtel  se passeront évidemment en monnaie locale, mais si vous voulez vous acheter une maison à Patmos, il faudra le faire en dollar ou en Euro.

Parallèlement, le gouvernement Grec, qui sera toujours dans l’Union Européenne, commencera à ouvrir des négociations avec la Russie par exemple, pour louer à cet autre paria une grande base maritime proche de la Turquie, et ce ne sont pas les ports qui manquent en Grèce. Et la Russie se retrouverait pour la première fois de son histoire avec un port de l’autre coté du Bosphore, ce qui serait bien pratique pour contrôler la première armée Sunnite du monde, l’armée Turque et pour surveiller les flottes Américaines ou Turques. Monsieur Erdogan risque de tousser un peu, mais ce grand démocrate demandera aux USA que faire et j’attends avec impatience la réponse de ce génie de la politique étrangère qu’est monsieur Obama.

Voila qui pose la question à terme du maintien de la Grèce dans l’Otan, mais en virer la Grèce ne sera pas facile. Autrefois, les USA auraient demandé à l’armée Grecque de faire un coup d’Etat, mais il parait que cela n’est plus de mode, sauf en Ukraine bien sur. Avec le brillant résultat que tout un chacun peut constater.

Peut être le gouvernement Grec, s’il a le sens de l’humour, ira-t-il jusqu’à solliciter des crédits aux nouvelles institutions financières qui viennent de voir le jour en Chine, pour financer un gazoduc qui irait de la Russie a l’Autriche, en passant par le Grèce. Ou bien demanderont ils de l’argent pour financer le développement du port d’Athènes, qui après tout, appartient aujourd’hui aux Chinois.

Et donc, contrairement à ce que vous lisez dans tous vos journaux, la Grèce a beaucoup de cartes en main et l’Europe beaucoup moins que l’on essaie de nous en convaincre.

La seule solution pour les puissants esprits qui ont créé l’Euro serait d’annuler totalement la dette grecque, mais l’Italie, l’Espagne et le Portugal demanderaient immédiatement  la même chose, ce qui mettrait le système financier Allemand en faillite puisque les balances « target » qui ne sont que la somme des excédents des comptes courants allemands contre le reste de l’Europe depuis les débuts de l’Euro sont aux alentours de 1000 milliards d’euro. Et ces mille milliards qui n’en vaudront que 500 à tout casser dans le cas de remises des dettes généralisées sont dans l’actif des institutions financières Allemandes  tandis  que les fonds propres de ce système financier Allemand sont de 350 milliards. Prendre une perte de 500 milliards avec des fonds propres de 350 milliards n’est pas chose facile .Et l’électeur de Madame Merkel n’apprécierait sans doute pas.

Bref, l’Euro n’était pas une bonne idée, y faire rentrer la Grèce et l’Italie une imbécillité. Merci Goldman Sachs qui n’a jamais été poursuivi pour avoir  tripatouillé les comptes de ces deux pays, ce qui est bien normal puisque celui qui a négocié avec Goldman pour maquiller les comptes de l’Italie n’était autre que monsieur Draghi.

Conclusion:

Surtout, surtout, ne croyez pas un mot de ce que vous disent les médias. Que le gouvernement Allemand fasse tout ce qui est en son pouvoir pour protéger son système financier est bien normal. Que le gouvernement Grec en fasse autant est plus douteux. Les Grecs ne sont pas des Irlandais. L’Allemagne a déjà subi une défaite gigantesque avec la victoire de Cameron, la sortie de la Grèce constituerait un vrai cataclysme pour nos voisins, et sans doute pour nous. La bonne nouvelle est que nous avançons vers le dénouement car nous commençons à entrevoir la fin du Frankenstein financier qui plombe l’Europe depuis 15 ans, et  cela me rend plutôt content.

“ Il vaut mieux la fin de l’horreur qui horreur sans fin ” (proverbe Allemand)

Source : Charles Gave, Institut des Libertés, le 1er juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/ne-jamais-croire-un-grec-surtout-sil-tamene-un-present-par-charles-gave/


Crise du capitalisme : André Gorz avait tout compris

Friday 12 June 2015 at 02:21

Tribune. Cinq ans après la mort de ce grand penseur de l’écologie politique, il est temps de réaliser qu’il avait prévu les crises que nous traversons, et peut nous aider à en sortir. Par Christophe Fourel et Olivier Corpet.

Né en 1923 à Vienne (Autriche) d’un père juif et d’une mère catholique, naturalisé français en 1954 sous le nom de Gérard Horst, ANDRE GORZ fut placé dans une pension en Suisse au moment de l’envahissement de l’Autriche par l’Allemagne nazie. Il rencontra Jean-Paul Sartre en 1946 venu faire une conférence à Genève. Ce fut le début d’une longue proximité au point que Gorz devint l’un des principaux animateurs de la revue “Les Temps Modernes” au début des années 60. En 1958, il fit paraître “Le Traître”, autobiographie existentielle préfacée par Sartre. André Gorz devint ensuite un intellectuel très écouté dans les milieux syndicaux, parfois davantage en Allemagne et en Scandinavie qu’en France. Journaliste sous le pseudonyme de Michel Bosquet à “L’Express”, puis au “Nouvel Observateur”, dont il fut l’un des fondateurs, il développa, sous la double influence d’Ivan Illich, de Herbert Marcuse, et des approches théoriques de l’École de Francfort, les premières bases de l’Écologie Politique. Sa dernière œuvre publiée de son vivant, “Lettre à D.”, retrace son histoire et dit publiquement tout son amour à sa femme Dorine – avec qui il avait conclu un pacte de fidélité qui les mena jusqu’à leur suicide commun en septembre 2007. Les archives d’André Gorz sont conservées à l’IMEC. (©Fonds André Gorz / Archives IMEC)

Penser la sortie du capitalisme avec André Gorz

Il y a cinq ans, le lundi 24 septembre 2007, une dépêche de l’AFP annonçait en fin d’après-midi que le philosophe André Gorz s’était suicidé en compagnie de sa femme. La nouvelle était presque passée inaperçue, même si le suicide d’un couple «main dans la main» n’est pas chose banale. Ce qui l’était encore moins, c’est qu’André Gorz avait eu la délicatesse de laisser entrevoir cette issue à ses lecteurs un an auparavant.

«Nous aimerions chacun ne pas avoir à survivre à la mort de l’autre», écrivait-il à l’automne 2006 dans «Lettre à D.» (éd. Galilée), cette longue et poignante lettre d’amour où Gorz disait toute sa reconnaissance à celle qui vivait à ses côtés depuis près de soixante ans. L’expression publique d’une telle gratitude d’un homme pour sa femme est suffisamment rare pour être une fois encore soulignée. On ne peut lire ce texte sans en être bouleversé. Il révélait aussi à cette occasion leur itinéraire et leur histoire peu ordinaires. Deux êtres déchirés et déracinés que les «blessures originaires» allaient conduire à s’unir jusque dans la mort. Sans elle, disait-il, il n’aurait pas pu assumer sa propre existence. Sans elle, le philosophe et le théoricien de la critique sociale qu’il fût n’aurait jamais produit son œuvre.

Or, il est fondamental de revenir sur l’œuvre d’André Gorz aujourd’hui. L’acuité de sa pensée, la perspicacité de ses analyses nous sont bien utiles alors que notre société est confrontée à une crise sans précédent. Celle-ci nous empêche d’entretenir un rapport clairvoyant avec notre futur. Les campagnes électorales du printemps ont été éloquentes à ce sujet. Nous semblons attendre misérablement de l’avenir qu’il nous restitue le passé. «Rendez-nous les frontières!»«rendez-nous la monnaie!», semblait clamer l’opinion. «Rendez-nous le capitalisme industriel!» qui permettait, bon an mal an, que le «prolétariat», dans son rapport de force avec le capital, obtienne quelques avancées. «Rendez-nous la société salariale!» dans laquelle les classes moyennes finissaient par s’épanouir. Etc.

Pour Gorz, il faut oser rompre avec cette société qui meurt et qui ne renaîtra plus. L’enjeu n’est pas la sortie de la crise. Pour lui, ce qui se joue désormais est bien la sortie du capitalisme lui-même. La crise financière actuelle, la crise du travail et la crise écologique forment un tout: elles traduisent l’épuisement du système économique dominant. Il n’est pas possible de les séparer ni de les hiérarchiser. Le capital semble avoir approché au plus près son rêve: celui de faire de l’argent avec de l’argent. Mais la menace d’effondrement du système est telle désormais que tout semble possible, le pire comme le meilleur. Il y a potentiellement, pour André Gorz, une «sortie barbare» ou une «sortie civilisée» du capitalisme. Seuls nos choix collectifs décideront de la forme qu’elle prendra et du rythme auquel elle s’opérera.

«On a beau accuser la spéculation, les paradis fiscaux, l’opacité et le manque de contrôle de l’industrie financière, la menace de dépression, voire d’effondrement qui pèse sur l’économie mondiale, n’est pas due au manque de contrôle; elle est due à l’incapacité du capitalisme de se reproduire. Il ne se perpétue et ne fonctionne que sur des bases fictives de plus en plus précaires. Prétendre redistribuer par voie d’imposition les plus-values fictives des bulles (spéculatives) précipiterait cela même que la crise financière cherche à éviter: la dévalorisation de masses gigantesques d’actifs financiers et la faillite du système bancaire.» (Revue «EcoRev’», automne 2007).

Parues dans son ultime texte, plus d’un an avant la faillite de la banque Lehman Brothers, ces phrases prennent cependant un relief plus saisissant encore lorsqu’on les met en regard des propos tenus par Gorz dans un entretien du début des années 1980:

«En ce qui concerne la crise économique mondiale, nous sommes au début d’un processus long qui durera encore des décennies. Le pire est encore devant nous, c’est-à-dire l’effondrement financier de grandes banques, et vraisemblablement aussi d’États. Ces effondrements, ou les moyens mis en œuvre pour les éviter, ne feront qu’approfondir la crise des sociétés et des valeurs encore dominantes» (*).

Vous avez bien lu. Qui pouvait seulement imaginer de tels scénarios il y a trente ans? «Cassandre!» s’écrieront certains. Pas du tout. Ce registre n’aura jamais été celui d’André Gorz. Pour s’en convaincre, quelques lignes supplémentaires de ce même entretien suffiront: «Pour éviter tout malentendu : je ne souhaite pas l’aggravation de la crise et l’effondrement financier pour améliorer les chances d’une mutation de la société, au contraire: c’est parce que les choses ne peuvent pas continuer comme ça et que nous allons vers de rudes épreuves qu’il nous faut réfléchir sérieusement à des alternatives radicales à ce qui existe.»

S’agissant de la crise écologique, qu’il avait anticipée dès le début des années 1970, il aurait aussi pu trouver une certaine satisfaction à voir confirmées ses prédictions. Mais l’écologie était, à ses yeux, inséparable d’une perspective de transformation des rapports sociaux visant l’abolition d’une organisation sociale qui poursuit la croissance pour la croissance.

Au moment où il écrivait ces lignes, la critique d’André Gorz semblait excessive; mais aujourd’hui, ne sommes-nous pas invités à y porter plus d’attention?

La gauche peine en effet à redonner une boussole à une société désorientée. L’exercice n’est pas facile et les obstacles semblent défier l’imagination. La «sortie barbare»? Nous pouvons déjà nous en faire une idée: elle prévaut dans certaines régions d’Afrique dominées par des chefs de guerre, les massacres et les trafics d’êtres humains. Pour en connaître les prolongements, il suffit, nous disait André Gorz, de revoir la série «Mad Max», ce film australien de George Miller, dont le premier épisode paru en 1979 était, selon lui, un récit d’anticipation.

Pour éviter un tel scénario, il nous faut élaborer une vision d’un avenir qui soit désirable par le plus grand nombre. Ce patient travail consiste avant tout à reconstruire ce que Gorz appelait «une culture du quotidien», c’est-à-dire des relations sociales et un milieu social qui favorisent le respect et l’entretien du bien commun. Car les évolutions des dernières décennies font que nos concitoyens ne se sentent nulle part chez eux.

Ils ne se sentent plus chez eux dans leur travail (quand ils ont la chance d’en avoir un), de plus en plus synonyme de pression et de menaces permanentes; ils ne sentent plus chez eux dans leur quartier, qui ne correspond bien souvent ni à la localisation de leur emploi, ni à celle où ils consomment et peuvent se distraire; ils ne se sentent plus chez eux dans leur rapport aux institutions puisque celles-ci leur apparaissent comme des machineries toujours plus complexes dont ils ne subissent que les contraintes sans pouvoir en percevoir le sens. On pourrait d’ailleurs étendre cette litanie à l’échelle de la planète toute entière, puisque même la terre leur semble de moins en moins habitable!

Bref, comme le soulignent avec pertinence les réflexions récentes de Patrick Viveret ou d’Alain Caillé sur le «convivialisme», l’issue de la crise de société que nous subissons depuis des décennies doit être cherchée dans à la fois moins de marché, moins d’Etat et plus d’échanges qui ne sont commandés ni par l’argent, ni par l’administration mais fondés sur des réseaux d’aide mutuelle et les initiatives de la société civile organisée.

Dans un texte de 2005, retrouvé dans ses archives laissées à l’Imec (Institut Mémoires de l’édition contemporaine), Gorz s’interrogeait sur le processus de vieillissement, celui des personnes comme celui des sociétés. «Le vieillissement, écrivait-il, gagne les sociétés de la même façon que les individus sociaux: par l’engluement dans une pratico-inertie de plus en plus encombrante. Les recommencements, les changements de cap, les refondations ‘‘radicales’’ sont interdites aux sociétés vieillies par la complexité pesante de leur machinerie et la nature de leurs connaissances. Elles ne sont plus capables de se penser par l’union de tous leurs membres ni de se projeter vers un avenir commun à tous.»

Puis il ajoutait un peu plus loin: «Nous savons que le moment est proche où le dernier quintal de combustible fossile sera consommé; que notre mode de vie n’est ni généralisable ni durable; et qu’il faudra inventer une civilisation planétaire radicalement nouvelle. Sciemment ou non, nous sommes en rupture avec notre passé. Nous sommes moins vieux que quarante ans plus tôt, et beaucoup plus jeunes par notre conviction qu’“un autre monde est possible”»(*).

Déjà, en 1983, dans «Les Chemins du paradis» (éditions Galilée), alors que la jeunesse avait largement contribué à porter la gauche au pouvoir, André Gorz nous poussait à l’imagination: «Il est des époques où, parce que l’ordre se disloque, ne laissant subsister que ses contraintes vidées de sens, le réalisme ne consiste plus à vouloir gérer ce qui existe mais à imaginer, anticiper, amorcer les transformations fondamentales dont la possibilité est inscrite dans les mutations en cours.»

Certes, envisager une autre économie, d’autres rapports sociaux, d’autres modes de production, et d’autres façons de vivre passe pour «irréaliste», comme si la société de la marchandise, du salariat et de l’argent était indépassable. «En réalité, disait-il, une foule d’indices convergents suggère que ce dépassement est déjà amorcé.» Gorz ne disait pas que ces transformations se produiraient. Il disait seulement que, pour la première fois, nous pouvons vouloir qu’elles se réalisent. C’est la raison pour laquelle il soutenait depuis longtemps les initiatives de l’économie solidaire. C’est pourquoi aussi il suivait attentivement les actions des hackers et le développement des «logiciels libres», capables, selon lui, de miner à la base le capitalisme en menaçant les monopoles. Pour Gorz d’ailleurs, «la lutte engagée entre les logiciels propriétaires et les logiciels libres a été le coup d’envoi du conflit central de notre époque. Il s’étend et se prolonge dans la lutte contre la marchandisation des richesses premières.»

Avant de nous quitter il y a cinq ans, en compagnie de Dorine et à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, André Gorz affirmait que la sortie du capitalisme avait déjà commencé. Dans un même élan, il nous invitait à engager sans tarder «la sortie civilisée du capitalisme». Ce qu’on pourrait appeler «le scénario Gorz»…

Christophe Fourel est auteur (dir.) de «André Gorz, un penseur pour le XXIème siècle» (La Découverte). Olivier Corpet est directeur de l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine (IMEC). 

(*) Le texte de cet entretien est reproduit dans «André Gorz, un penseur pour le XXIème siècle» (La Découverte).

A l’initiative de l’Imec et de la Revue du MAUSS, et avec le soutien deMediapart, du Nouvel Observateur, d’Alternatives Economiques, de NonFiction.fr et de Reporterre.net, un colloque sur l’actualité de la pensée d’André Gorz se tient les 15 et 16 novembre prochain à Montreuil (93) et le 17 novembre à l’Abbaye d’Ardenne, à Caen (14). Renseignements et inscriptions: www.imec-archives.com; 02.31.29.37.37.

Source : Christophe Fourel et Olivier Corpet, pour BibliObs/L’Obs, le 3 octobre 2012.

Source: http://www.les-crises.fr/crise-du-capitalisme-andre-gorz-avait-tout-compris/


Si Rémi Fraisse n’avait pas manifesté, il ne serait pas mort : la nouvelle logique de la répression étatique

Friday 12 June 2015 at 00:10

La commission parlementaire sur le maintien de l’ordre aboutit à des propositions faisant reculer le droit de manifester et couvrant les pratiques dangereuses des forces de police.

La dégradation continue de l’esprit démocratique se poursuit avec un cynisme ahurissant. Après l’émoi qu’avait causé l’homicide d’un manifestant écologiste, Rémi Fraisse, en octobre 2014, par une grenade lancée par un gendarme, une commission d’enquête parlementaire a été créée en décembre. Son titre : « Commission d’enquête sur les missions et modalités du maintien de l’ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation ». La motivation en était de comprendre comment les forces de l’ordre avaient pu tuer un manifestant et comment changer les modalités de leur action pour éviter de tels drames – que complète, hélas, le nombre croissant de manifestants blessés gravement par les projectiles policiers.

Ce rapport a été présenté le 21 mai (il ne sera publié que dans quelques jours sur le site de l’Assemblée nationale). Mais que dit-il ? Par un stupéfiant retournement de raisonnement, les députés qui l’ont adopté ont ciblé essentiellement les manifestants. Et leur principale proposition est de créer une interdiction de manifester pour les personnes signalées par les services de renseignement comme « individus connus en tant que casseurs violents ».

Sans jugement, les policiers seraient ainsi autorisés, avant tout acte donc tout délit, à empêcher telle ou telle personne de participer à une manifestation – un droit pourtant inscrit dans la Constitution et constitutif des libertés publiques. Par exemple, comme l’a indiqué le préfet de police de Paris, Bernard Boucault, lors de son audition« de les attendre à la gare et de les interpeller ». Croisées avec la loi sur le renseignement récemment adoptée, ces méthodes ouvrent la voie à une interdiction de manifester pour toute personne qui sera jugée indésirable, sur des critères incertains, par les services de police.

Une autre proposition vise à rendre obligatoire une concertation préalable sur les manifestations. Comme le souligne le député écologiste Noël Mamère, président de la Commission – et qui a dû s’opposer au rapport de celle-ci -, « il y aurait dès lors un contrôle a priori et systématique de toutes les manifestations, ce qui entraînerait une restriction manifestement disproportionnée du droit de manifester. »

La Commission a paru faire un progrès en préconisant l’abandon des Flashballs. Mais c’est pour proposer de les remplacer par des LBD 40 (Lanceurs de balles de défense) plus puissants et plus précis. Autrement dit, d’accroître l’arsenal des forces de police, qui ont déjà provoqué des blessures graves (telles qu’énucléation) chez au moins trente-six personnes. Cette attitude des députés est d’autant plus choquante que les policiers responsables de ces actes sont quasi-systématiquement absous par la justice.

Le texte, rédigé par le rapporteur PS Pascal Popelin a été adopté par tous les participants de la Commission à l’exception de Noël Mamère et de Marie-Georges Buffet (PC). Il marque un nouveau recul des libertés publiques.

Complément d’info :

Le rapport de la Commission parlementaire d’enquête “chargée d’établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l’ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens” .Télécharger ici :

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L’analyse du rapport par Noël Mamère. Télécharger ici :

PDF - 140.8 ko

Source : Hervé Kempf pour Reporterre, le 22 mai 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/si-remi-fraisse-navait-pas-manifeste-il-ne-serait-pas-mort-la-nouvelle-logique-de-la-repression-etatique/


Les vaches sacrées et le FMI

Thursday 11 June 2015 at 01:37

La croissance potentielle est une notion qui prend en compte les facteur de croissance (de la démographie aux investissements[1] et passant par la formation mais aussi les institutions du marché du travail) et qui cherche à anticiper l’évolution de la croissance dans un environnement macroéconomique « neutre » soit sans accélération ou décélération de l’inflation. Ce concept a été développé dans un cadre très inspiré par la forme moderne de la théorie néoclassique. Mais, l’inclusion d’éléments extérieurs à cette théorie ont abouti à introduire un élément de réalisme important dans cette notion[2]. Cette notion apparaît donc compatible, moyennant certains ajustements, avec la théorie hétérodoxe[3], comme on l’a montré dans un papier de 2012[4]. On peut retrouver, sous certaines conditions, des relations stables entre le capital productif et la croissance potentielle ainsi que cela avait été montré dès le début des années 1960[5].

Le Fond Monétaire International, dans le World Economic Report du mois d’avril 2015[6], exploite alors cette notion. Les résultats de cette étude (le chapitre 3) sont particulièrement intéressantes, parce qu’elles vont à rebours de bien des vaches sacrées du discours économique contemporain. Sans doute est-ce le moment de rappeler que c’est justement dans le cuir des vaches sacrées que l’on taille les meilleures chaussures pour avancer.

Croissance, croissance potentielle et impact de la zone Euro.

Le premier point qui ressort de cette étude est que, dans les économies développées, le déclin de la croissancepotentielle (et non nécessairement réelle) a commencé autour de 2000, et s’est amplifié depuis la crise de 2007-2009. Cette croissance potentielle se situait autour de 2,25% par an en moyenne sur 2001-2007 et atteignait les 2,5% par an sur 1996-2001 ; elle est tombée à 1,3% par an de 2008 à 2014, et ne devrait remonter que vers 1,6% par an pour la période 2015-2020[7]. La croissance potentielle semble donc s’être contractée de l’équivalent de 0,6% par an dans les pays développé et même de 0,9% si l’on compare le niveau avant 2000 avec celui qui est estimé pour les années à venir. A cet égard, le très faible rebond pour la période dite « post-crise » interpelle. Ceci constitue une nouveauté par rapport aux précédentes crises financières, pourtant marquées par de fortes contractions du crédit[8]. L’impact de la réduction de la croissance des investissements dans la zone Euro est ici à noter. Ceci correspond à l’ampleur des politiques d’ajustement fiscal[9].

Les causes de ce déclin sont multiples. Ainsi, aux Etats-Unis, c’est la faiblesse des investissements à partir de 2003 qui en est la cause. Il faut y ajouter l’évolution de la structure démographique et les conditions de formations de la main d’œuvre. Néanmoins, il convient de distinguer la trajectoire des Etats-Unis (et du Canada) de celle de l’Europe. Pour cette dernière, et en particulier pour la zone Euro, le ralentissement de la croissance potentielle apparaît comme particulièrement sévère. Ceci implique que les effets négatifs de l’Union Economique et Monétaire se seraient manifestés au-delà de la croissance réelle, ce qu’avait déjà mis au jour le travail de Jorg Bibow[10]. Non seulement l’Euro aurait entraîné une torsion de la politique macroéconomique dans un sens défavorable à la croissance, ce que l’on mesure très directement[11], mais il aurait aussi eu des effets négatifs sur le potentiel de croissance ce qui implique un affaiblissement structureldes économies de la zone Euro[12]. La zone Euro apparaît plus mal placée que les autres économies développées même si l’on retire l’effet du cycle des affaires[13]. Le point est ici d’une grande importance. Il faut savoir que dans l’étude réalisée par le FMI, seuls 4 pays de la zone Euro apparaissent, l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Mais, ces pays réalisent à eux quatre environ 80% du PIB de la zone. Il est donc clair, et peut être considéré comme établi, que l’Euro a eu des effets négatifs non seulement sur la politique macro-économique (comme démontré par Bibow) mais aussi sur la croissance potentielle. Ici meurt sous nos yeux la première des vaches sacrées.

Quelles réformes pour quel potentiel de croissance.

Mais, l’étude du Fond Monétaire International ne s’arrête pas là. Elle considère l’impact de toute une série de mesures structurelles qui peuvent être décidées à court terme par les gouvernements sur la productivité totale des facteurs et donc sur la croissance potentielle. Le rapport examine leurs effets sur les divers secteurs de l’économie ainsi que sur la croissance potentielle totale.

Source : World Economic Outlook d’avril 2015, publié par le FMI, Chapitre 3, p. 38.

Le rapport classe donc 7 facteurs, outre les investissements en capital productif et les structures démographiques, qui sont susceptibles d’influencer la croissance potentielle :

Or, que constate-t-on ?

Tout d’abord qu’à moyen terme, les deux mesures qui sont susceptibles d’avoir le plus d’effet à moyen-terme (soit à un horizon de 5 ans) sont les investissements en recherche et développement et les investissements en techniques de communication et d’information. Ils signalent qu’i peut y avoir un effet cumulatif avec les investissements en infrastructures (ce qui se conçoit aisément). Les changements dans la réglementation du marché du travail (et ces changements sont naturellement des mesures de flexibilisation de la main-d’œuvre) ne donnent aucun effet. Plus intéressante encore ; si l’on considère maintenant un horizon de court-terme, soit dans l’étude de moins de trois ans, on constate que les mesures portant sur la flexibilisation et le changement des règles du marché du travail aboutissent à faire baisser la croissance potentielle.

Il faut alors rappeler que l’on défend depuis plus de 15 ans de telles mesures comme devant nécessairementaugmenter la productivité et la croissance potentielle. Rappelons qu’en France, telle est l’argumentaire du gouvernement pour faire avaliser par le parlement la trop fameuse « Loi Macron ». Rappelons aussi que c’est l’absence de telles mesures dans le programme de réformes soumis par le gouvernement grec à l’Eurogroupe qui est dénoncé par ce dernier, mais aussi (hélas) par le Premier-ministre français M. Manuel Valls et par le commissaire européen idoine (Pierre Moscovici). Or, si nous suivons le rapport du FMI, nous devons reconnaître que le gouvernement grec a eu raison de ne pas céder sur ce point.

Cela signifie que le discours sur les « réformes structurelles » dans le domaine du marché du travail n’est qu’un discours idéologique et même un modèle, comme celui du FMI, qui reste très imprégné d’économie néo-classique, se révèle incapable de montrer un quelconque effet positif de telles mesures. Ici meurt, sous nos yeux, la deuxième des vaches sacrées du discours économiques tel qu’il est tenu depuis au moins vingt ans. On ne saurait trop remercier les experts du FMI pour l’œuvre de salubrité publique qu’ils ont fait.

Mais on peut craindre qu’au lieu d’aller cacher leur honte (qui devrait être grande) et leur incompétence (qui ne l’est pas moins) les Valls, Macron et Moscovici ne continuent à pérorer et à nous affirmer, avec tout l’aplomb de bonimenteurs de foire (et avec toutes mes excuses pour cette profession) des énormités économiques.

Notes

[1] Sur la notion d’investissement productif, Beffy, Pierre-Olivier, Patrice Ollivaud, Pete Richardson, et Franck Sedillot. 2006. “New OECD Methods for Supply-Side and Medium-Term Assessments: A Capital Services Approach.” OECD Working Paper 482, Organisation for Economic Co-operation and Development, Paris.

[2] Voir en particuleir N.G. Mankyw et R. Reis, What Measure of Inflation Should a Central Bank Target, Harvard University, working paper, Decembre 2002, ainsi que G.N. Mankyw et R. Reis, “Sticky Information versus Sticky Prices: A Proposal to Replace the New Keynesian Phillips Curve” in Quarterly Journal of Economics, vol. 117, n°4/2002, pp. 1295-1328.

[3] R. Boyer et J. Mistral, Accumulation, Inflation, Crises , PUF, Paris, 1978 ; R. Boyer, (ed.), Capitalismes fin de siècle, Paris, PUF, 1986.

[4] Sapir J., Inflation monétaire ou inflation structurelle, un modèle hétérodoxe bi-sectoriel, FMSH, Working Paper n°14, juin 2012. http://halshs.archives-ouvertes.fr/FMSH-WP/halshs-00712645

[5] Jorgenson D.W. (1963), «Capital Theory and Investment Behavior», American Economic Review, vol. 53, n°2, May, pp.247-259

[6] World Economic Outlook d’avril 2015, publié par le FMI, voir Chapitre 3, rédigé par Patrick Blagrave, Mai Dao, Davide, Furceri (responsable du groupe), Roberto Garcia-Saltos, Sinem Kilic Celik, Annika Schnücker, Juan Y.pez Albornoz, and Fan Zhang, avec l’assistance technique de Rachel Szymanski, disponible à partir du 16 avril sur www.imf.org

[7] Idem, p.2.

[8] Claessens, Stijn, and M. Ayhan Kose. “Financial Crises: Explanations, Types, and Implications.” IMF Working Paper 13/28, International Monetary Fund, Washington, 2013. Claessens, Stijn, and Marco E. Terrones, “How Do Business and Financial Cycles Interact?” Journal of International Economics 87 (1), 2012, pp. 178–90.

[9] Baunsgaard T., A. Mineshima, M. Poplawski-Ribeiro, et A. Weber, “Fiscal Multipliers”, in Post-crisis Fiscal Policy, ed. by C. Cottarelli, P. Gerson, and A. Senhadji, Washington: FMI, Washington DC, 2012

[10] Bibow J., « Global Imbalances, Bretton Woods II and Euroland’s Role in All This », in J. Bibow et A. Terzi (dir.), Euroland and the World Economy: Global Player or Global Drag?, New York (N. Y.), Palgrave Macmillan, 2007

[11] Sapir J., Faut-il sortir de l’Euro ?, Le Seuil, Paris, 2012.

[12] World Economic Outlook d’avril 2015, publié par le FMI, op.cit., p. 23.

[13] Furlanetto, F., P. Gelain, et M. Taheri Sanjani. “Output Gap in Presence of Financial Frictions and Monetary Policy Trade-Offs.” IMF Working Paper 14/128, International Monetary Fund, 2014 Washington

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 14 avril 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/les-vaches-sacrees-et-le-fmi/


Ukraine: que reste-t-il de Minsk ?, par Jacques Sapir

Thursday 11 June 2015 at 00:14

La situation en Ukraine et dans les zones insurgées du Donbass se détériore progressivement. Les combats de ces derniers jours, assurément limités, mais qui ont été les plus violents depuis janvier 2015 le prouvent. L’accord « Minsk-2 » est en train de ce dissoudre, et ceci largement du fait du gouvernement de Kiev. Cela était prévisible. Il faut donc revenir sur la situation pour tenter de comprendre comment on en est arrivé là.

Les ruptures du cessez-le-feu

Le cessez-le-feu décrété après les accords de Minsk-2 n’a jamais été parfaitement respecté. Les observateurs de l’OSCE insistent sur le fait que ces violations sont, le plus souvent, le fait des forces de Kiev. Les bombardements de fin mai sont progressivement montés en puissance, provoquant la « contre-offensive » des forces insurgées sur Mariinka. Mais, après avoir pris le contrôle de cette petite ville, d’où des observateurs guidaient les tirs de l’artillerie des forces de Kiev, les forces insurgées n’ont pas poussé plus loin leur avantage.

A - Carte

Le discours tenu le 4 juin par le Président Poroshenko à Kiev, devant le Parlement (laRada) où il évoque les milliers, voire les dizaines de milliers de soldats russes dans le Donbass doit être pris pour ce qu’il est : de la propagande[1]. Kiev a visiblement voulu jouer la carte d’une stratégie de la tension pour tenter de ressouder ses soutiens internationaux qui semble aujourd’hui se déliter. Le moins que l’on puisse dire est que cette tentative s’est plutôt retournée contre ses auteurs.

Ces ruptures du cessez-le-feu ne présagent pas à elles seules d’une possible reprise des combats. Elles ne sont significatives que dans la mesure où elles se situent dans un contexte de non-application de l’accord de Minsk-2. Rappelons que l’accord de Minsk-2 prévoyait un important volet politique en plus du volet militaire (cessez-le-feu, échange de prisonniers). Ce volet politique prévoyait une fédéralisation de fait de l’Ukraine et le respect de l’intégrité territoriale du pays, moyennant une très large autonomie conférée aux régions de Lougansk et Donetsk. D’emblée, le gouvernement de Kiev a montré de fortes réticences a mettre en œuvre le volet politique de l’accord. Or, si l’on ne procède pas à la mise en œuvre du volet politique, la question militaire resurgira nécessairement. C’est bien parce que nous sommes dans une impasse politique qu’il y a un risque de reprise généralisée des combats.

Le camp de la guerre

Il faut ici dire que, des deux côtés, il y a des personnes qui poussent à cette reprise des hostilités. Du côté des forces de Kiev, les différents groupes d’extrême-droite, voire ouvertement fasciste, poussent à l’évidence à une reprise des combats. Outre l’espoir d’obtenir des victoires sur le terrain, ces groupes ont compris qu’ils ne seront importants dans l’espace politique kiévien qu’en raison du maintien d’une atmosphère d’hostilités et de conflits. Que la tension retombe et ces groupes apparaîtront pour ce qu’ils sont, des bandes de dangereux excités et nostalgiques du nazisme. D’autre forces jettent de l’huile sur le feu : ce sont certains des oligarques, qui forment l’épine dorsale du régime de Kiev, et qui cherchent à prospérer sur l’aide militaire (en particulier américaine). Eux aussi ont intérêt à une reprise des combats.

Du côté des insurgés, il y a des groupes et des personnes qui regrettent que les forces de la DNR (Donetsk) et de la LNR (Lougansk) n’aient pu pousser leur avantage en septembre 2014. A ce moment là, l’armée de Kiev était en pleine déroute. Il eut été possible de reprendre Marioupol, voire d’aller vers Kherson. Si l’offensive des forces de la DNR et de la LNR s’est arrêtée là ou elle s’est arrêtée, c’est du fait de l’intervention russe. Le gouvernement russe a clairement fait comprendre aux insurgés qu’ils devaient s’arrêter. Et ici se place l’un des paradoxes de la crise ukrainienne : les pays de l’Union européenne, et les Etats-Unis, auraient dû prendre en compte cette attitude de la Russie. Il n’en a rien été, ce qui n’a pas peu contribué à persuade les dirigeants de Moscou de la mauvaise foi de leurs interlocuteurs. Si les relations sont tellement difficiles aujourd’hui entre ces pays et la Russie, c’est aussi le produit de leur attitude envers la Russie au moment où cette dernière faisait tout pour calmer la situation militaire.

Les relations de Moscou avec la DNR et la LNR sont complexes. Ceux qui veulent ignorer l’existence d’une autonomie de décision de Donetsk (plus que de Lougansk) commettent une grave erreur. Bien entendu, les dirigeants de la DNR et de la LNR cherchent à être dans de bons termes avec la Russie, mais leurs objectifs ne coïncident pas nécessairement.

La vie dans le statuquo

Faute d’une mise en œuvre du volet politique de l’accord de Minsk, la vie tend à s’organiser sur la base d’une indépendance de fait des régions de Lougansk et Donetsk. Et il est clair que cette vie est tout sauf facile. La population totale des zones sous le contrôle des insurgés est d’environ 3 millions d’habitants, dont environ 1 million est réfugié en Russie. La persistance des combats sur la ligne de front empêche tout effort sérieux de reconstruction pour l’instant, à l’exception du rétablissement de la ligne de chemin de fer entre Lougansk et Donetsk. Une des raisons, d’ailleurs, dans le maintien des combats et les violations incessantes du cessez-le-feu par les forces de Kiev, est la volonté ouvertement affichée par les dirigeants de Kiev de maintenir la population du Donbass dans une insécurité importante et dans une atmosphère de terreur.

Le gouvernement de Kiev a suspendu le paiement des retraites et pensions, ce qui équivaut d’une certaine manière à reconnaître qu’il ne considère plus Lougansk et Donetsk comme relevant de sa juridiction. Rappelons d’ailleurs que le gouvernement russe avait toujours maintenu le versement des retraites et des pensions en Tchétchénie dans la période ou Doudaev avait proclamé la soi-disant « indépendance » de cette république. Il n’est pas dit que les dirigeants de Kiev aient mesuré toutes les implications juridiques de leurs actions. L’un des points de l’accord de Minsk-2 était justement de veiller à la reprise de ces versements. Inutile de dire que Kiev continue de s’y opposer. La population est largement tributaire de l’aide humanitaire russe. Une production minimale continue de sortir des mines de charbons et de certaines usines. Cette production était vendue à Kiev jusqu’en décembre. Puis, à la suite de la destruction par les forces de Kiev de la ligne de chemin de fer, ces ventes se sont interrompues et ont été remplacées par des ventes à la Russie.

Insistons sur ce point : il entraine une progressive raréfaction de la Hryvnia dans le Donbass et la montée en puissance du Rouble russe. De plus, compte tenu de la meilleure solidité du Rouble par rapport à la Hryvnia, le Rouble est massivement devenu l’instrument d’épargne et l’unité de compte dans le Donbass. Or, la question de la monnaie qui circule est éminemment politique. Le choix, pour les autorités de la DNR et de la LNR, est donc entre trois solutions : conserver le Hryvnia (et reconnaître que la DNR et la LNR sont des républiques autonomes dans le cadre de l’Ukraine), basculer vers le Rouble, ce qui prendrait la dimension d’une annexion par la Russie, ou créer leur propre monnaie, et revendiquer leur indépendance. Cette dernière solution n’est pas impossible. Les Pays Baltes, avant d’adopter l’Euro, ont eu chacun leur monnaie. Mais, elle soulève des problèmes extrêmement complexes à résoudre. En réalité, autour de la question de la monnaie se déploie la question du futur institutionnel du Donbass. Les autorités de la DNR et de la LNR, pour l’instant, conservent la Hryvnia. Mais, la raréfaction des billets et la disponibilité du Rouble pourraient bien les obliger d’ici quelques mois à changer d’avis. On voit alors ce qui est en cause. Donetsk et Lougansk vont-ils avoir le statut de république autonome au sein de l’Ukraine, dont il faudra alors réviser la Constitution, ou s’oriente-t-on vers une indépendance de fait, qui ne sera pas reconnue par la communauté internationale ? La Russie, pour l’instant, pousse plutôt pour la première solution alors que les dirigeants de la DNR et de la LNR ne cachent pas leur préférence pour la seconde.

La position des occidentaux

Face à cette situation qui dégénère du fait de l’absence de volonté de mettre en œuvre une solution politique, on a noté ces dernières semaines une certaine évolution de la position tant des Etats-Unis que des pays de l’Union européenne.

Les Etats-Unis, par la voix de leur Secrétaire d’Etat, John Kerry, insistent désormais sur la nécessité pour Kiev d’appliquer l’accord de Minsk-2[2]. Très clairement, les Etats-Unis n’entendent pas porter le fardeau de l’Ukraine, dont l’économie se désintègre et qui pourrait dans les jours ou les semaines qui viennent faire défaut sur sa dette, comme semble l’annoncer l’échec des négociations avec les créanciers privés[3].

A - Dette Ukr

L’Ukraine, qui connaît depuis ces derniers mois une inflation galopante et dont la production pourrait baisser de -10% en 2015, après une baisse de -6% en 2014, a désespérément besoin d’une aide massive. Or, les Etats-Unis n’ont aucune intention de la lui fournir. Ils se tournent vers l’Union européenne, mais cette dernières est, elle aussi, plus que réticente. Bien sur, le secrétaire d’Etat à la défense, Ash Carter, insiste pour que de nouvelles sanctions soient prises contre la Russie[4]. Mais, ceci est plus à mettre sur le compte de l’inefficacité maintenant constatée des sanctions précédentes.

La position française a commencé à évoluer depuis ces derniers mois. Non seulement on commence à reconnaître au Quai d’Orsay que la question ne peut se résumer en un affrontement entre « démocratie » et « dictature », mais on sent, à certaines déclarations, une réelle fatigue devant les positions du gouvernement de Kiev qui ne fait rien pour appliquer les accords de Minsk. On commence à regretter, mais sans doute trop tard, d’être entré dans une logique diplomatique dominée par les institutions de l’UE, qui donnent de fait un poids hors de toute proportion aux positions des polonais et des baltes sur ce dossier. Le sommet européen des 21-22 mai qui s’est tenu à Riga a, de fait, sonné le glas tant des espoirs ukrainiens que de ceux de certains pays boutefeux au sein de l’UE[5].

L’Allemagne, elle aussi, commence à évoluer sur cette question. Après avoir adopté une position hystériquement anti-russe depuis des mois, elle semble avoir été prise à contre-pied par le changement de position des Etats-Unis. Très clairement, elle perçoit que si ces derniers réussissaient à faire porter le fardeau ukrainien à l’Union européenne, c’est l’Allemagne qui aurait le plus à perdre dans cette logique. Il est extrêmement intéressant de lire dans le compte rendu de la réunion de Riga que l’accord de Libre-Echange ouDeep and Comprehensive Free Trade Agreement (DCFTA) est désormais soumis dans son application à un accord trilatéral. Deux des parties étant évidents (l’UE et l’Ukraine) on ne peut que penser que la troisième partie est la Russie, ce qui revient à reconnaître les intérêts de ce dernier pays dans l’accord devant lier l’Ukraine à l’UE. En fait, on est revenu à la situation que les russes demandaient en 2012 et 2013, mais ceci après un an de guerre civile en Ukraine.

Il semble donc bien que seule la Grande-Bretagne continue de soutenir une position agressive à l’égard de la Russie, alors que dans d’autres capitales c’est bien plutôt la lassitude devant la corruption, l’incompétence et le cynisme politique de Kiev qui domine.

La Russie en position d’arbitre

Les derniers évènements montrent que la Russie est en réalité dans une position d’arbitre sur le dossier ukrainien. La position officielle du gouvernement russe est d’exiger l’application complète des accords de Minsk-2. Mais, d’un autre côté, il sait que le temps joue pour lui et il pourrait être tenté de laisser pourrir la situation.

Incapable de se réformer, en proie à une crise économique dramatique, Kiev est d’ores et déjà en proie à des problèmes de plus en plus graves. La guerre des oligarques qui se poursuit dans l’ombre montre clairement qu’au sein de l’alliance au pouvoir à Kiev existent des divergences importantes. La nomination par le Président Poroshenko de l’ancien président géorgien, Mikhaïl Sakaachvili, l’homme qui fut responsable de la guerre en Ossétie du Sud et 2008 et qui est poursuivi pour abus de pouvoir dans son propre pays, comme gouverneur de la région d’Odessa montre bien que Kiev se méfie comme de la peste des grands féodaux ukrainiens qui sont susceptibles de changer d’allégeance du jour au lendemain. Un sondage réalisé récemment montre que la popularité de Poroshenko reste très différente entre l’Ouest et l’Est du pays. Les événements de ces 18 derniers mois n’ont nullement fait disparaître l’hétérogénéité politique et de population en Ukraine.

A - Sondage Ukr

La réalité du pays, une nation diverse et fragile, traversée de conflits importants, peut être masquée pour un temps par la répression et la terreur, comme ce fut le cas ces derniers mois. Mais, ces pratiques ne résolvent rien et les problèmes demeurent ?

Mais, surtout, même le gouvernement ukrainien comprend le rôle économique déterminant que jouaient les relations avec la Russie jusqu’en 2013. Sans un accord avec la Russie, l’Ukraine ne peut espérer se relever et se reconstruire. Cela, le gouvernement russe le sait aussi. La Russie sait donc qu’elle va gagner, que ce soit avec un gouvernement de Kiev devenant progressivement plus sensible à ses arguments ou que ce soit du fait de l’éclatement de l’Ukraine. Elle préfèrerait gagner au moindre coût mais, soyons en sur, elle ne mégotera pas le prix à payer pour cette victoire. Rappelons nous ces strophes du poème Les Scythes :

La Russie est un Sphinx. Heureuse et attristée à la fois,

Et couverte de son sang noir,

Elle regarde, regarde à toi

[1] Sur la question des forces russes au Donbass et la « menace » sur l’Ukraine, on se reportera à l’Audition du général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire, devant la commission de la Défense Nationale et des Forces Armées, 25 mars 2015,http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cdef/14-15/c1415049.asp

[2] Helmer J., 19/05/2015, http://www.nakedcapitalism.com/2015/05/john-helmer-how-angela-merkel-abandoned-by-john-kerry-victoria-nuland-and-vladimir-putin.html

[3] Karin Strohecker et Sujata Rao, « L’Ukraine et ses créanciers loin d’un accord sur la dette », Thomson-Reuters, 6 juin 2015,http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKBN0OM0B920150606

[4] http://www.challenges.fr/monde/20150606.REU6999/ash-carter-souhaite-d-autres-mesures-contre-moscou-sur-l-ukraine.html

[5] Voir la résolution finale, https://www.google.fr/search?client=safari&rls=en&q=joint+declaration+(http://www.consilium.europa.eu/en/meetings/internationalsummit/2015/05/Riga-Declaration-220515-Final_pdf/&ie=UTF-8&oe=UTF-8&gfe_rd=cr&ei=4QJzVdfFM9OkiAav1IFY

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 6 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-que-reste-t-il-de-minsk-par-jacques-sapir/


[Tout arrive...] Saakachvili, sous mandat d’arrêt, nommé gouverneur d’Odessa…

Wednesday 10 June 2015 at 01:07

On est bien d’accord : en 2008, il y a un conflit armé entre la Russie et la Géorgie – dont le président a fini par faire tirer son armée sur des troupes russes… On ne va même pas chercher à détailler le pourquoi du comment à ce stade.

Et là, Porochenko vient tranquillement de donner la nationalité ukrainienne à l’ancien président géorgien, et de le nommer à la tête d’une région très sensible d’Ukraine, où des Russes ont péri brulés il y a un an (hmmm, et l’enquête au fait ?…. )

C’est moi, ou c’est un sacré message de paix aux Russes ça ?

Ukraine: le président géorgien accuse Saakachvili d’avoir “insulté” la Géorgie

Guiorgui Margvelachvili, lors d'une conférence de presse au palais présidentiel le 13 mai 2014 à Tbilisi

Guiorgui Margvelachvili, lors d’une conférence de presse au palais présidentiel le 13 mai 2014 à Tbilisi

Le président géorgien Guiorgui Margvelachvili a qualifié d’”insulte” à la Géorgie la décision de son prédécesseur Mikheïl Saakachvili d’accepter d’être nommé à la tête de la région ukrainienne d’Odessa, après avoir pris la citoyenneté ukrainienne.

“Ce comportement indécent est incompréhensible”, a déclaré M. Margvelachvili dans des commentaires télévisés diffusés dimanche soir. M. Saakachvili, 47 ans, qui s’était vu accorder le week-end dernier la citoyenneté ukrainienne, “a insulté notre Etat”, a-t-il dénoncé. “Il y a des valeurs plus importantes que la carrière, et parmi elles figure la nationalité de son pays”, a ajouté le président géorgien. Selon la loi géorgienne, un Géorgien qui accepte la citoyenneté d’un autre pays perd automatiquement sa nationalité géorgienne. Cette perte doit toutefois être confirmée par décret, ce qui dans le cas de M. Saakachvili n’a pas été fait pour l’instant. Il reste donc citoyen géorgien. “Que cela soit pour lui comme une épée de Damoclès. Cela sera une décision politique et nous la prendrons quand nous voudrons”, a déclaré la ministre de la Justice géorgienne, Tea Tsouloukiani.

Ennemi juré de Vladimir Poutine, M. Saakachvili a été nommé samedi gouverneur de la région stratégique ukrainienne d’Odessa, avec pour objectif d’y préserver la “souveraineté” du pays et de lutter contre la corruption.

Cette nomination a suscité la fureur de la Russie, accusée par Kiev et les Occidentaux de soutenir militairement les séparatistes prorusses dans l’Est de l’Ukraine, ce qu’elle nie. Président de la Géorgie de 2004 à 2013, Mikheïl Saakachvili, arrivé au pouvoir à l’issue de la “Révolution de la rose” – premier d’une série de soulèvements populaires dans des pays de l’ex-URSS -, a toujours été très proche des autorités pro-occidentales de l’Ukraine. M. Saakachvili est notamment crédité de progrès dans la lutte contre la corruption, mais a été accusé par ses détracteurs de dérives autoritaires. Il est poursuivi en Géorgie pour “abus de pouvoir”, et dénonce de son côté des persécutions politiques.

Source : Le Parisien, le 1er juin 2015.


Ukraine: le pouvoir irrite un peu plus la Russie en nommant Saakachvili à Odessa

Le président ukrainien a choisi de nommer Mikhaïl Saakachvili, ancien chef d’État géorgien, gouverneur de la région d’Odessa. Personnage éruptif et contesté, il avait endigué la corruption en Géorgie et engagé de nombreuses réformes. Jusqu’en 2008, quand la guerre en Ossétie du Sud en a fait la bête noire du Kremlin voire son ennemi n°1.

La nouvelle a été annoncée samedi 30 mai et aussitôt mise en ligne sur le site internet de la présidence d’Ukraine. L’ancien président géorgien Mikhaïl Saakachvili est nommé gouverneur de la région d’Odessa, dans le sud du pays, sur les bords de la mer Noire. La veille, il s’était vu octroyer, in extremis, la citoyenneté ukrainienne. Sa mission ? Préserver la « souveraineté » du pays et lutter contre la corruption. « Nous avons besoin de nouvelles règles, de nouvelles personnes, d’une nouvelle direction, afin d’attirer davantage de touristes et – ce qui est plus important – davantage d’investisseurs à Odessa », a déclaré Saakachvili lors de son investiture. Le nouveau gouverneur est allé jusqu’à annoncer son projet de faire de cette ville portuaire « la capitale de la mer Noire » et a promis de changer radicalement la vie dans la région.

Parmi les élus locaux, certains ont réagi positivement à cette nomination. Mais le maire d’Odessa, Guennadi Trukhanov, s’est montré sceptique, comme le rapporte le site d’information ukrainien ZN UA : « Nous avons vu le résultat des réformes que Saakachvili a pu mener en Géorgie dans un court laps de temps, mais je ne dirais pas que l’on peut reproduire l’expérience d’un pays à l’autre. » D’autres, comme le député Nikolaï Skorik, ancien gouverneur d’Odessa lui-même et aujourd’hui membre de l’opposition, ont vivement critiqué l’arrivée de Saakachvili. « Cela fait un an que les gens de son équipe travaillent pour le gouvernement. Et où est la réforme ? Elle n’est pas là. Eux-mêmes commencent à nous enliser dans des scandales de corruption. Je ne crois pas que Saakachvili va vaincre la corruption dans les douanes et réussir à faire appliquer la loi. Je ne crois pas à l’investissement. Dans un pays en guerre, l’argent ne vient pas. »

Si elle peut surprendre, la nomination de l’ancien président géorgien ne tombe pas du ciel. Saakachvili faisait partie des soutiens étrangers à la révolution du Maïdan depuis son commencement, et c’est un homme qui connaît bien l’Ukraine, pays où il a fait son service militaire à la toute fin de l’URSS et où il a suivi ses études, à cette époque où les citoyens soviétiques circulaient d’une république à l’autre. C’est d’ailleurs sur les bancs de l’université de Kiev qu’il avait rencontré Petro Porochenko, l’actuel président ukrainien, lequel fait appel à lui au lendemain de son élection, en mai 2014, pour le conseiller.

Quelques mois plus tard, Porochenko le nomme à la tête du « conseil international consultatif des réformes », un comité qui compte un Américain et plusieurs anciens ministres européens – des personnalités essentiellement issues d’Europe centrale, un Allemand… mais aucun Français. Saakachvili est donc aux premières loges du pouvoir ukrainien depuis déjà plusieurs mois et ce, en même temps qu’un certain nombre d’autres personnalités étrangères.

Petro Porochenko, en voulant s’attaquer à une corruption endémique dans un pays où intérêts des oligarques et stratégies politiques sont intimement liés, a cherché en effet des personnalités détachées du monde des affaires ukrainien. Ont ainsi été nommés en décembre dernier trois ministres étrangers, comme nous le racontions dans Mediapart : l’Américaine d’origine ukrainienne Natalie Iaresko au ministère des finances, le Lituanien Aivaras Abromavicius à l’économie, et le Géorgien Alexander Kvitachvili à la santé.

D’autres Géorgiens qui avaient gouverné aux côtés de Saakachvili dans les années 2000 ont également rejoint l’exécutif, comme Eka Zgouladzé, affectée au poste de vice-ministre de l’intérieur, qui n’est autre que la mère de la grande réforme de la police géorgienne, celle qui a imposé, dans un pays qui se relevait à peine de l’effondrement du bloc soviétique, une réduction drastique des effectifs, une nouvelle formation des policiers, une fusion des services de police avec l’ancien KGB, la fin des pratiques de corruption et une lutte acharnée contre le crime organisé. Les observateurs parlaient alors d’une « révolution culturelle » menée par une jeune ministre à peine trentenaire…

Enfin, d’autres Géorgiens ont rejoint ces derniers mois des institutions ukrainiennes, comme le parquet et le bureau anticorruption issu de la révolution du Maïdan. Figure également, parmi les proches conseillers du gouvernement à Kiev, Guiorgui Vashadzé, député géorgien et ancien vice-ministre de la justice.

Il faut dire qu’à l’image d’Eka Zgouladzé, les membres de l’équipe de Saakachvili se sont distingués pendant les années 2000 par des réformes poussées, s’attaquant notamment à la corruption et à la bureaucratie, et favorisant la libéralisation de l’économie. Le pouvoir à Tbilissi s’est également laissé aller à des dérives, il a cherché à museler l’opposition et les médias et a été fortement contesté, mais la lutte contre la corruption engagée alors par celui que les Géorgiens appelaient « Micha » fut l’un de ses principaux succès et il a été largement applaudi pour cela par différentes organisations internationales.

L’épouvantail qui osa défier l’armée russe

Ainsi, en 2012, un rapport de la Banque mondiale sur la lutte contre la corruption dans l’administration menée entre 2003 et 2011 en Géorgie saluait les progrès de Tbilissi, montrant que les autorités étaient parvenues à mettre fin à « un cercle vicieux de corruption endémique » avec des réformes « appropriées et décisives ». Il indiquait que la méthode employée par l’exécutif de Saakachvili gagnait à être appliquée dans d’autres pays de l’espace postsoviétique, tant sa politique mettait à bas le mythe d’une corruption inscrite dans la culture du pays. Le rapport soulignait que des progrès significatifs avaient été enregistrés dans l’administration fiscale, les services de police, les douanes, mais aussi l’université, le secteur énergétique, les pratiques des entreprises, et les rapports entre usagers des services publics et fonctionnaires.

Mikhaïl Saakachvili a présidé la Géorgie de 2004 à 2013. Il a tout pour être la bête noire du Kremlin : il accède au pouvoir à l’issue du premier des soulèvements populaires qui ont ébranlé, à partir des années 2000, le fragile équilibre postsoviétique. Atlantiste convaincu, passé par les universités américaines après sa formation en Ukraine, il mène en outre, parallèlement aux réformes, une politique ostensiblement pro-américaine. Il fait de son pays l’un des plus gros contributeurs à la coalition militaire en Irak, envoyant jusqu’à 2 000 hommes en 2007, joue la carte du rapprochement européen, espère une adhésion à l’Otan… Et il finit par aller au clash avec Moscou.

Août 2008. Des incidents éclatent à la frontière entre des séparatistes géorgiens soutenus par la Russie et l’armée de Tbilissi. Saakachvili lance alors l’assaut contre les forces militaires russes. Réaction immédiate du Kremlin : en huit jours, le sort de deux provinces frontalières est plié, Tbilissi obligé de reculer devant l’avancée des troupes russes, c’est un lamentable échec pour le président géorgien. La guerre éclair débouche sur l’« indépendance » de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, deux États aujourd’hui reconnus par Moscou.

Même si l’on apprendra quatre ans plus tard, de l’aveu de Vladimir Poutine lui-même, que le Kremlin avait en réalité planifié cette action deux ans en amont, pour Moscou, Saakachvili n’en est pas moins l’épouvantail qui osa défier l’armée russe. Rappelons cette heureuse formule que Vladimir Poutine avait eue à son sujet pendant ces quelques jours de Blitzkrieg : « Saakachvili, je vais le faire pendre par les couilles »

La guerre éclair de Géorgie, en août 2008, et la perte des deux provinces séparatistes © DR

Sa nomination à la tête de la région d’Odessa est-elle une provocation de la part de Kiev à l’égard de Moscou ? Tatiana Jean, chercheuse et responsable du centre Russie – Nouveaux États indépendants à l’Ifri, l’institut français des relations internationales, croit plutôt que c’est un « pied de nez », et que le facteur russe, cette fois-ci, n’a pas joué, ou alors « c’était le facteur 45 »

« Ce que montre cette nomination en réalité, explique la spécialiste à Mediapart, c’est qu’en Ukraine, le pool de managers efficaces, non corrompus, non liés à des intérêts économiques et financiers est extrêmement restreint. Certes, Saakachvili n’est pas le plus mauvais des managers. Mais cette décision étonnante, ambiguë, et qui ne peut évidemment qu’irriter Moscou, est avant tout liée au déficit de compétences dans le pays. »

Aucune manifestation de rejet n’a éclaté pour l’instant dans la ville portuaire ukrainienne. « C’est un signal fort, estime Tatiana Jean. C’est une façon de montrer qu’Odessa n’est pas une ville russe, de réaffirmer l’appartenance ukrainienne de la ville : voyez, on peut nommer Saakachvili gouverneur et personne ne proteste. » La nomination de Saakachvili, au fond, est un terrible aveu : celui de l’impossibilité de trouver, en interne, des personnes au-dessus de la mêlée pour mener les réformes. Mais c’est aussi la marque d’un certain isolement de Kiev. Si le pouvoir tend la main à des personnalités de l’Est, cela montre, en creux, la frilosité de l’Ouest européen à prêter main forte aux Ukrainiens dans la conduite des réformes.

Les soutiens de Porochenko, en tout cas, applaudissent. À les croire, la nomination de Saakachvili n’a aucune raison d’agacer le Kremlin. « Je ne vois pas comment les relations entre l’Ukraine et la Russie peuvent empirer, explique le député Oleg Goncharenko à Odessa, joint par Mediapart. Nous sommes déjà en guerre, les relations n’ont jamais été aussi mauvaises, Poutine n’a pas besoin de cela pour faire ce qu’il veut en Ukraine ! »

Ce député élu en novembre dernier sur les listes du « bloc Porochenko », et anciennement président du conseil régional d’Odessa, est convaincu que Saakachvili peut exporter son expérience en Ukraine. « L’oblast d’Odessa constitue l’une des plus grandes régions d’Ukraine, et c’est la plus longue frontière extérieure du pays. C’est une région pleine de ressources, qui a un gros potentiel. L’expérience d’un étranger comme Saakachvili peut non seulement améliorer la situation localement, mais fournir un exemple et contribuer ainsi aux réformes au niveau national. » L’élu le reconnaît pourtant, si les pro-Maïdan dont il fait partie nourrissent beaucoup d’espoir face à cette nomination, les pro-russes de la région ne s’en réjouissent absolument pas.

La région stratégique d’Odessa, si elle est restée à l’écart de la guerre qui a fait à ce jour plus de 6 200 morts dans le Donbass, est traversée par de vives tensions. Logée entre la Transnistrie, province sécessionniste de Modalvie où stationnent des troupes russes, et la Crimée, annexée par la Russie en mars 2014, la ville d’un million d’habitants en grande partie russophone a été aux premières loges des soubresauts qui ont suivi l’effondrement du pouvoir Ianoukovitch, l’an dernier.

Le 2 mai 2014 en effet, un incendie embrase la Maison des syndicats… 48 militants pro-russes y périssent, sans compter les nombreux blessés. Pour l’heure, un seul activiste pro-Kiev a été inquiété dans cette affaire, l’enquête judiciaire semble au point mort, et de nombreux pro-Russes se disent persécutés, comme le raconte ce reportage du Monde publié le mois dernier. De leur côté, des citoyens, principalement des journalistes, ont formé le « comité du 2-Mai » pour mener leurs propres investigations, s’efforçant d’être le plus impartiaux possible. Leurs conclusions ont écarté le scénario du massacre prémédité, mais racontent l’enchaînement d’agressions mutuelles et l’impuissance et la passivité des forces de police ukrainiennes.

Le déclin du clan Kolomoïski

Aujourd’hui, l’atmosphère reste tendue. Des explosions éclatent parfois ici ou là dans Odessa, et si le soutien aux séparatistes de l’Est s’est en partie estompé devant l’ampleur du conflit, de nombreux habitants de la région s’estiment lésés et nourrissent une rancœur face à l’absence de condamnations, un an après le tragique événement. De nombreux anciens affidés au président déchu Viktor Ianoukovitch sont encore dans les rouages du pouvoir local et ne faciliteront certainement pas la tâche du nouveau gouverneur parachuté.

Odessa, ville portuaire au passé riche et aux nombreuses ressources, constitue un point d’autant plus sensible que si jamais le Kremlin décidait d’étendre les troubles en Ukraine, c’est sans nul doute dans cette direction-là qu’il regarderait après Marioupol, l’autre port de la mer Noire encore sous contrôle ukrainien. Odessa, comme Mediapart le relatait à travers un reportage en septembre dernier, fait partie du territoire de la Novorossia, cette « Nouvelle Russie » de l’époque impériale, invoquée depuis l’an dernier par Vladimir Poutine pour mieux asseoir les nouvelles ambitions de la Russie postsoviétique.

Le Kremlin n’a d’ailleurs pas manqué de railler les nouvelles fonctions de l’ancien chef d’État, tandis que la nouvelle a fait les choux gras des médias russes pendant le week-end. « Saakachvili à la tête de la région d’Odessa. Le numéro de cirque continue… Pauvre Ukraine », a tweeté le premier ministre Dmitri Medvedev. « Saakachvili accusé de crimes contre le peuple géorgien est nommé gouverneur d’Odessa où les néonazis ont brûlé des gens en toute impunité, a tweeté de son côté le délégué aux droits de l’homme du ministère russe des affaires étrangères, Konstantin Dolgov. C’est un symbole profond de la démocratie à la Kiev observée avec bienveillance par l’Occident. »

« Saakachvili à la tête de la région d’Odessa. Le numéro de cirque continue… Pauvre Ukraine », tweet de Dmitri Medvedev

Dans ce contexte, accepter le poste pour l’ancien président Saakachvili relève du défi. Voire d’un coup de folie. Un ancien ministre en poste à Tbilissi sous la présidence Saakachvili nous le confirme : l’ancien chef d’État a besoin d’être « dans le feu de l’action », de « se confronter à la difficulté », de « se sentir nécessaire ». Il témoigne d’un attachement particulier à Odessa. La ville présente en effet des points communs avec Batoumi, ce port géorgien de l’autre rive de la mer Noire, dont Saakachvili voulait faire une vitrine prospère de son pays. C’est sans doute cela qui l’inspire quand il parle de développer le port de marchandises ukrainien. Et c’est dans les rues d’Odessa, au début du XXe siècle, qu’est née cette chanson russe, Kostia Mariaka, « Konstantin le marin », que l’ancien président géorgien a souvent mentionnée comme son air préféré…

Mais il est peu question de sentiments ici. Ambitieux, le nouvel homme fort d’Odessa, qui espère bien retrouver un jour des fonctions politiques dans son propre pays, joue sur ce poste son avenir politique. « S’il se plante sur les réformes à Odessa, il sera fini politiquement. C’est lui – et non pas les Ukrainiens – qui porte tous les risques de cette nomination : risque d’échec sur les réformes, mais aussi risque vital pour sa personne ! », lâche un de ses anciens collaborateurs à Tbilissi.

© Saakachvili, “symbole profond de la démocratie à la Kiev observée avec bienveillance par l’occident” pour Konstantin Dolgov

Étant donné les vents contraires qui soufflent à Tbilissi depuis la fin de son second mandat, Saakachvili, de fait, n’a pas droit à l’erreur. Actuellement poursuivi en Géorgie pour recours abusif à la force lors des manifestations de contestation de son pouvoir, en 2007, il vivait en exil aux États-Unis avant d’être appelé par Porochenko.

À l’annonce de sa nomination à Odessa, la réaction de son successeur à Tbilissi n’a pas été tendre. Pour Guiorgui Margvelachvili, Mikhaïl Saakachvili est le traître à la patrie : « L’ancien président a insulté son pays et l’institution présidentielle. Je ne peux pas comprendre un tel comportement indigne », a-t-il déclaré à une radio russe. Selon la loi géorgienne, accepter la citoyenneté d’un pays tiers conduit, de fait, à la perte de la citoyenneté géorgienne. Mais cette perte doit être confirmée par décret, ce qui n’a pas été fait pour l’instant dans le cas de Saakachvili. Or si ce dernier se voyait privé de sa citoyenneté géorgienne, cela entraînerait la levée des poursuites judiciaires actuellement en cours contre lui : ce n’est pas forcément ce que souhaite l’exécutif en poste aujourd’hui à Tbilissi…

Détesté par Moscou, sous le coup de poursuites judiciaires dans son propre pays, sur le retour d’un exil aux États-Unis, Saakachvili est donc en train d’écrire une nouvelle page surprenante de son parcours. Côté ukrainien, cette nomination confirme le déclin amorcé ces derniers mois du clan de l’oligarque Igor Kolomoïski, l’ancien gouverneur de la grande ville de l’est de Dnipropetrovsk démis de ses fonctions en mars. Le gouverneur d’Odessa sortant est en effet le milliardaire Igor Palytsia, qui n’est autre que le bras droit de Kolomoïski, entré en fonctions l’an dernier après l’incendie de la Maison des syndicats.

Ces derniers mois, le gouvernement a engagé un bras de fer pour reprendre le contrôle d’actifs gaziers et pétroliers et réduire l’influence des oligarques. Kolomoïksi semble accepter le jeu – du moins officiellement. Il s’est retiré de ses fonctions politiques pour mieux se concentrer sur ses affaires et notamment sur son empire médiatique. Mais ce tacticien, 2e ou 3e fortune d’Ukraine, n’a certainement pas dit son dernier mot. Nul doute que d’importantes luttes d’influence continuent de se jouer en coulisses, dans l’ombre du conflit qui se poursuit, dans l’est du pays.

Source : Amélie Poinssot, pour Médiapart, pour les non-abonnés, le 3 juin 2015.


Bonus :

“La nomination de Mikheïl Saakachvili a été violemment critiquée par Moscou avant même d’être officielle. Le délégué aux droits de l’homme du ministère russe des affaires étrangères, Konstantine Dolgov, a ainsi écrit sur son compte Twitter : « Saakachvili accusé de crimes contre le peuple géorgien est nommé gouverneur d’Odessa où les néonazis ont brûlé des gens en toute impunité : c’est un symbole profond de la démocratie à la Kiev observée avec bienveillance par l’Occident ».”

Source: http://www.les-crises.fr/toru-arrive-saakachvili-sous-mandat-darret-nomme-gouverneur-dodessa/