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[Soutien à Jacques Sapir] La propagande de guerre de Libération

Tuesday 25 November 2014 at 03:01

Je reprends le billet de Jacques Sapir du 27/10 – partageant son indignation.

L’aberration de Libération

Libération vient ce commettre un mauvais coup, quelque chose dont ce journal moribond nous avait donné l’habitude depuis 2005 et la campagne du référendum sur le projet de constitution européenne. Mais, cette fois, ce mauvais coup porte sur la Russie et prend la forme d’une pseudo-enquête sur les « réseaux de Poutine » en France. Il est frappant que, dans l’esprit de ces « journalistes », on ne puisse défendre des positions qu’au travers de réseaux. Sans doute est-ce le reflet du monde grégaire dans lequel ils vivent. Mais il y a plus grave. Il y avait une tradition dans la presse française, qui remontait à Émile Zola ; c’était celle de « J’accuse ». Aujourd’hui, les journalistes dénoncent. Le passage d’un mot à un autre en dit long sur le processus de dégénérescence. Cette « dénonciation » se trouve dans le numéro de vendredi 24 octobre. Je n’aurais pas relevé ce qu’elle avait d’ignominieux si certains de mes collègues et amis n’étaient aussi mis en cause.

Du journalisme d’investigation au journalisme d’inquisition

Le soi-disant dossier fait sept pages. C’est rendre beaucoup d’honneur à ceux qui sont mis en cause. Je suis persuadé que d’autres, hommes politiques ou industriels, sauront y répondre. Je me contenterai de ce que je connais, et je prêcherai pour ma paroisse.

Courriel de présentation de la journaliste de Libération

De: “Lorraine Millot” <lorrmillot@gmail.com>

À: sapir@msh-paris.fr

Envoyé: Lundi 8 Septembre 2014 17:05:08

Objet: Interview avec Libération

Cher Monsieur Sapir,

serait-il possible de vous rencontrer pour un entretien avec Libération? Je voudrais vous interroger sur la relation franco-russe et l’image du régime russe en France, dans le contexte actuel du conflit en Ukraine.

En tant qu’ancienne correspondante à Moscou, et Washington, je serais aussi très heureuse de cette occasion de faire votre connaissance.

Lorraine Millot

Libération

—–

La journaliste, qui s’était présentée ainsi le lundi 8 septembre, commence son papier par cette affirmation : « il nous cueille par une question, la même exactement que celle posée par John Laughland de l’étrange Institut de la démocratie et de la coopération ‘pouvez-vous prouver que la Russie est intervenue cet été en Ukraine ?’ » C’est tout simplement faux. La conversation n’a pas commencé sur ce point, et je ne suis pas si mal élevé que j’apostropherais de la sorte une personne ayant demandé à me voir. Quand la discussion est venue sur ce sujet, j’ai demandé à la journaliste si elle avait les preuves d’une présence massive de l’armée russe dans l’Est de l’Ukraine. Je lui ai fait part de mes doutes sur ce point, mais aussi du fait qu’il était certain que la société russe s’était assez largement, et avec l’accord du gouvernement, portée au secours des forces insurgées. La présentation de cette partie de notre entretien est tout simplement mensongère.

Nous avons ensuite longuement évoqué mes recherches sur la Russie, qui datent de 1976 et je me suis attardé sur les problèmes de financement que connaissent les chercheurs. Ceci donne, retraduit en langage de journaliste de Libération : « Pour ce qui est des financements de son centre d’études, Jacques Sapir explique bénéficier de contrats avec des entreprises occidentales ». Le fait que le CEMI et le séminaire Franco-Russe aient bénéficié d’un soutien constant et intangible tant de l’EHESS, dont nous dépendons, que la Fondation Maison des sciences de l’homme, est ainsi passé sous silence. Que plusieurs de mes thésards aient eu des allocations de recherches (on dit aujourd’hui « bourses doctorales ») est tout autant ignoré, et je suis bien obligé de constater que cela est volontaire, et fait avec une évidente intention de nuire. Par ailleurs, oui, nous avons eu des contrats, des administrations (par exemple le Ministère de la Défense) comme de sociétés occidentales, et pour tout dire françaises. En quoi cela est-il différent de la situation des centres de recherches en économie de Toulouse (où officie Jean Tirole) et de Paris de l’EHESS ? Ici encore, on ne peut que relever l’intention de nuire, de discréditer. Je le dis sans fard : je suis fier d’avoir trouvé pour certains de mes étudiants des contrats. Je sais que nous, économistes, avons plus de facilité pour ce faire que les historiens ou les anthropologues. C’est pourquoi j’ai toujours considéré de ma responsabilité vis-à-vis de collègues opérant dans des disciplines importantes mais moins reconnues, de trouver par moi-même des financements afin de leur laisser une plus grande part des maigres ressources qui nous sont allouées par l’administration. Cela, je l’ai aussi dit à cette journaliste, mais à la lire, j’aurais pu tout aussi bien pisser dans un violon !

Cerise sur le gâteau, cette journaliste m’a posé une question sur mes revenus personnels. Comme s’il était impossible que l’on ait des positions convergentes avec celle du gouvernement russe sans être payé par ce dernier. Voilà qui en dit long sur la mentalité mercenaire qui sévit, semble-t-il, à Libération. On entendrait les cris d’orfraie de ces journalistes si l’on se mettait à noter la liste de leurs commanditaires. Nous aurions instantanément les oreilles cassées par des cris de défense de la « liberté d’expression ». Qu’une journaliste soit incapable de penser qu’une personne a des postions, justes ou fausses, simplement parce qu’il a fait une certaine analyse de la situation sur le terrain signe le triste constat d’une presse non pas aux ordres mais à gages.

Les individus et la profession

Ceci cependant soulève un problème qui dépasse de loin le cas d’une journaliste. Tout d’abord, et je connais un peu les us et coutumes de la profession, cet article a été discuté en conférence de rédaction. Il a été relu. Nul ne s’est offusqué des imprécisions, mensonges et calomnies fielleuses qu’il contenait. Nul n’a demandé des comptes à la journaliste, ne lui a suggéré que des références aux travaux des uns et des autres, qu’il s’agisse d’Hélène Carrère d’Encausse ou de Philippe Migaut s’imposaient, simplement pour que le lecteur puisse se forger une opinion par lui-même. Il y a donc ici responsabilité collective de la rédaction de Libération dans la volonté non pas d’informer mais de désinformer. C’est en cela qu’il est révélateur d’un problème général qui touche une partie de la presse écrite française. On peut d’ailleurs signaler que les lecteurs de Libération, à la différence de ceux du Guardian en Grande Bretagne, du Spiegel en Allemagne, ne sauront rien des fosses communes découvertes par les insurgés après le repli des troupes du gouvernement de Kiev, ni de l’emploi d’armes à sous-munitions ou de missiles lourds, signalés par l’ONG Human Right Watch. C’est bien à une désinformation, qui s’inscrit dans une propagande de guerre, que se livre Libération.

Non qu’il soit interdit à un journaliste d’avoir des opinions ; bien au contraire. Mais, un journaliste devrait faire la distinction entre ses opinions et les informations qu’il rapporte. Dans la presse anglaise et américaine, ceci est même institutionnalisé par la séparation nette entre articles d’informations et éditoriaux. Mais, il est clair que ce genre de distinction, et donc d’éthique, est étrangère à une partie de nos journalistes, qui vit d’ailleurs bien souvent dans des relations incestueuses avec le monde politique ou celui des affaires. La presse écrite d’information est mourante en France. Il suffit de lire The Guardian ou leWashington Post et de les comparer à Libération ou au Monde pour comprendre pourquoi. Non qu’il n’y ait de bons journalistes en France. On en trouve encore quelques uns. Mais la profession elle-même, faute d’accepter un regard critique sur sa pratique, est en train de faillir. Car ce dossier de Libération n’est hélas ! pas isolé. On se souvient du dossier du Point sur les « néo-conservateurs », qui par un mélange d’insinuations, de mensonges francs, et de détournements d’étiquettes cherchait à construire un bloc qui n’existait que dans le cerveau malade de ses rédacteurs. On se souvient aussi des mensonges proférés à mon égard par des journalistes de l’AFP 1. Mais, dans ce cas, la direction du bureau Russie avait rapidement corrigé le tir et s’était excusée du préjudice commis, ce qui est tout à son honneur, et prouve, s’il en était besoin, qu’il y a encore des femmes et des hommes de conscience et d’honneur parmi les journalistes.

Une mesquinerie

Il reste à signaler une ultime mesquinerie dans cet article crapuleux de Libération. Il est en réalité réservé aux seuls abonnés. Si on ne me l’avait pas signalé, et si un ami ne me l’avait pas fait parvenir, je l’eusse ainsi ignoré. Il semble bien loin le temps où un journaliste, mettant en cause une personne, lui faisait parvenir en avance l’article litigieux pour qu’il puisse, si l’envie l’en prenait, y répondre. Le savoir-vivre se perd, tout comme le savoir-faire. Un petit travail de vérification aurait évité de dire les énormités que l’on peut lire dans cet article. Mais aujourd’hui, visiblement, il ne reste que le faire-savoir. On ne cherche plus à informer, mais à communiquer.

Il n’en reste pas moins, exiger d’une personne mise en cause qu’elle paye pour lire les énormités sur son compte, c’est ajouter à l’escroquerie intellectuelle la rapine en bande organisée.


  1. Voir « Basile est bien vivant et il vit en France », note publiée sur RussEurope le 10 juin 2013,http://russeurope.hypotheses.org/1347 []

Source: http://www.les-crises.fr/la-propagande-de-guerre-de-liberation/


Un journaliste Allemand dévoile le contrôle de la presse par la CIA

Monday 24 November 2014 at 02:09

Udo Ulfkotte, un ancien rédacteur en chef du Frankfurter Allgemeine Zeitung (qui est l’un des plus grands journaux Allemand), a décidé de rendre publique sa participation dans la corruption des «nouvelles» des médias occidentaux, estimant que celles-ci entraînent l’Europe vers une guerre nucléaire contre la Russie, provoquée par l’aristocratie américaine via la CIA.

Il a été un des conseillers du gouvernement Helmut Kohl. Entre 1986 et 1998, Ulfkotte a vécu en : Iraq, Iran,  Afghanistan, Arabie saoudite, Oman, Émirats arabes unis, Égypte et en Jordanie. Il  est membre du German Marshall Fund et a fait partie de la Fondation Konrad Adenauer de 1999 to 2003. Il a gagné le prix civique de la Fondation Annette Barthelt en 2003.

Il a été cofondateur d’un mouvement de paix contre l’extrémisme islamique naissant en Allemagne.

Et maintenant, il sort un livre qui prétend que les États-Unis sont en réalité la plus grande de toutes les menaces à la paix. Le livre est disponible uniquement en allemand, Gekaufte Journalisten, qui signifie «journalistes achetés.” (en tête des ventes dans sa catégorie sur Amazon.de – si un germanophone se sent de faire une fiche de lecture ce serait génial, contactez moi)

 

Voici des extraits de son témoignage à la télévision Russe :

 

Je suis journaliste depuis 25 ans, et j’ai été éduqué à mentir, à trahir, et à ne pas dire la vérité au public. Mais voyant actuellement et durant ces derniers mois, jusqu’à quel point… comment les médias allemands et américains essaient d’apporter la guerre aux Européens, d’apporter la guerre à la Russie. C’est un point de non-retour, et je vais me lever et dire … que ce que j’ai fait dans le passé n’est pas correct, de manipuler les gens, de faire de la propagande contre la Russie et ce que font mes collègues et ont fait dans le passé, parce qu’ils sont soudoyés pour trahir le peuple pas seulement en Allemagne, mais dans toute l’Europe.

La raison de ce livre est que je suis très inquiet d’une nouvelle guerre en Europe, et je ne souhaite pas que la  situation se reproduise, parce que la guerre ne vient jamais d’elle-même, il y a toujours des gens derrière qui poussent à la guerre, et ce ne sont pas seulement les politiciens, ce sont les journalistes aussi.

J’ai juste écrit dans le livre comment nous avons trahi dans le passé nos lecteurs juste pour pousser à la guerre, et parce que je ne veux plus de cela, j’en ai marre de cette propagande. Nous vivons dans une république bananière, et pas dans un pays démocratique où nous aurions la liberté de la presse, les droits de l’Homme. [...]

Si vous regardez les médias allemands, et plus spécialement mes collègues qui, jour après jour, écrivent contre les Russes, qui sont dans des organisations transatlantiques, et qui sont soutenus par les États-Unis pour faire cela, des gens comme moi. Je suis devenu citoyen d’honneur de l’État de l’Oklahoma. Pourquoi au juste ? Juste parce que j’écris pro-américain. J’ai écrit pro-américain. J’étais soutenu par la Central Intelligence Agency, la CIA. Pourquoi? Parce que je devais être pro-américain.

J’en ai marre de ça. Je ne veux plus le faire ! Et alors j’ai juste écrit le livre non pour gagner de l’argent, non, ça va me coûter de nombreux problèmes, juste pour donner aux gens dans ce pays, l’Allemagne, en Europe et partout dans le monde, juste pour leur donner un aperçu de ce qui se passe derrière les portes closes.

[…]

Oui il y a de nombreux exemples de cela : si vous revenez sur l’histoire, dans l’année 1988, si vous allez dans vos archives, vous trouverez en mars 1988 qu’il y a eu en Irak des Kurdes qui ont été gazés avec des gaz toxiques, ce qui est connu du monde entier. Mais en juillet 1988, ils m’ont envoyé dans une ville appelée Zubadat qui est à la frontière de l’Irak avec l’Iran. C’était la guerre entre les Iraniens et les Irakiens, et j’ai été envoyé là-bas pour photographier comment les Iraniens ont été gazés par du gaz toxique, par du gaz toxique allemand. Vous l’appelez LOST, sarin, gaz moutarde, fabriqué par l’Allemagne. Ils ont été gazés et j’étais là pour prendre des photographies de comment ces gens ont été gazés par du gaz toxique venant d’Allemagne. Lorsque je suis revenu en Allemagne, il n’y avait qu’une seule petite photo dans le journal, le Frankfurter Allgemeine [Zeitung], et il y avait un seul petit article, ne décrivant pas comment c’était impressionnant, brutal, inhumain et terrible, de tuer la moitié… de tuer, des décennies après la seconde guerre mondiale, des gens avec du gaz toxique allemand. Ainsi, ce fut une situation où je me suis senti abusé d’avoir été là-bas et juste pour donner un documentaire sur ce qui s’était passé, mais ne pas avoir été autorisé à dévoiler au monde ce que nous avions fait derrière les portes fermées. Jusqu’à aujourd’hui, ce n’est pas bien connu du public allemand qu’il y a eu des gaz allemands, qu’il y a eu des centaines de milliers de gens gazés dans cette ville de Zubadat.

Maintenant vous m’avez demandé ce que j’ai fait pour les agences de renseignement, alors s’il vous plaît, comprenez que la plupart des journalistes que vous voyez dans les pays étrangers prétendent être journalistes, et ils pourraient être journalistes, des journalistes européens ou américains… Mais nombre d’entre eux, comme moi dans le passé, sont soi-disant appelés : « couverture non officielle ». C’est comme ça que les Américains les appellent. J’ai été une  « couverture non officielle ». La couverture non officielle, ça signifie quoi ? Cela signifie que vous travaillez pour une agence de renseignement, vous les aidez s’ils veulent que vous les aidiez, mais jamais, au grand jamais, [...] lorsque vous êtes attrapés, lorsqu’ils découvriront que vous n’êtes pas seulement un journaliste mais également un espion, ils ne diront jamais : « celui-ci était l’un des nôtres ». ils ne vous connaîtront pas. Voilà ce que veut dire une couverture non officielle. Ainsi, je les ai aidés à plusieurs reprises, et je me sens honteux pour cela aussi désormais. De la même manière que je me sens honteux d’avoir travaillé pour des journaux très recommandés comme le Frankfurter Allgemeine, parce que j’ai été soudoyés par des milliardaires, j’ai été soudoyé par les Américains pour ne pas rendre compte exactement la vérité. […] J’imaginais juste lorsque j’étais dans ma voiture pour venir à cet entretien, j’essayais de me demander ce qu’il se serait passé si j’avais écrit un article pro-russe, dans le Frankfurter Algemeine. Et bien je ne sais pas ce qui se serait passé. Mais nous avons tous été éduqués à écrire pro-européen, pro-américain, mais de grâce pas pro-russe. Alors je suis très désolé pour cela…. Mais ce n’est pas la façon dont je comprends la démocratie, la liberté de la presse, et je suis vraiment désolé pour cela.

[…]

Et bien oui je comprends très bien la question. L’Allemagne est toujours une sorte de colonie des États-Unis, vous le verrez dans de nombreux points; comme [le fait que] la majorité des Allemands ne veut pas avoir des armes nucléaires dans notre pays, mais nous avons toujours des armes nucléaires américaines. Donc, oui, nous sommes encore une sorte de colonie américaine, et, étant une colonie, il est très facile d’approcher les jeunes journalistes au travers (et ce qui est très important ici est) des organisations transatlantiques. Tous les journalistes appartenant à des journaux allemands très respectés et recommandés, des magazines, des stations de radio, des chaînes de télévision, sont tous membres ou invités de ces grandes organisations transatlantiques. Et dans ces organisations transatlantiques, vous êtes approchés pour être pro-américain. Et il n’y a personne venant à vous et disant : « nous sommes la CIA. Voudriez-vous travailler pour nous ? ». Non ! Ce n’est pas la façon dont ça se passe.Ce que font ces organisations transatlantiques, c’est de vous inviter pour voir les États-Unis, ils paient pour cela, ils paient toutes vos dépenses, tout. Ainsi, vous êtes soudoyés, vous devenez de plus en plus corrompus, parce qu’ils font de vous de bons contacts. Alors, vous ne saurez pas que ces bons contacts sont, disons, non officiels. Des couvertures non officielles ou des personnes officielles travaillant pour la CIA ou pour d’autres agences américaines. Alors vous vous faites des amis, vous pensez que vous êtes ami et vous coopérez avec eux. Et ils vous demandent : « pourriez-vous me faire cette faveur- ci ? Pourriez-vous me faire cette faveur-là ? ». Alors votre cerveau subit de plus en plus un lavage de cerveau par ces types. Et votre question était : est-ce seulement le cas avec les journalistes allemands? Non ! Je pense que c’est plus particulièrement le cas avec les journalistes britanniques, parce qu’ils ont une relation beaucoup plus étroite. C’est aussi particulièrement le cas avec les journalistes israéliens. Bien sûr avec les journalistes français, mais pas autant que pour les journalistes allemands ou britanniques. … C’est le cas pour les Australiens,les journalistes de Nouvelle-Zélande, de Taïwan, et de nombreux pays. Des pays du monde arabe, comme la Jordanie, par exemple, comme Oman, le sultanat d’Oman. Il y a de nombreux pays où ça se passe, où vous trouvez des gens qui déclarent être des journalistes respectables, mais si vous regardez plus derrière eux, vous découvrirez que ce sont des marionnettes  manipulées par la CIA.

[...]

Excusez-moi de vous interrompre, je vous donne un exemple. Parfois, les agences de renseignement viennent à votre bureau, et veulent que vous écriviez un article. Je vous donne un exemple [ne venant] pas d’un journaliste bizarre, mais de moi même. J’ai juste oublié l’année. Je me rappelle seulement que le service de renseignement allemande pour l’étranger, le Bundesnachrichtendienst (c’est juste une organisation sœur de la Central Intelligence Agency, elle fut fondée par cette agence de renseignement) [...] est venu à mon bureau au Frankfurter Algemeine, à Francfort. Et ils voulaient que j’écrive un article sur la Libye et le colonel Mouammar Kadhafi. Je n’avais absolument aucune information secrète concernant le colonel Kadhafi et la Libye. Mais ils m’ont donné toutes ces informations secrètes, et ils voulaient juste que je signe l’article de mon nom.

Je l’ai fait. Mais c’était un article qui fut publié dans le Frankfurter Algemeine, qui originellement venait du Bundesnachrichtendienst, de l’agence de renseignement pour l’étranger. Donc pensez-vous réellement que ceci est du journalisme ? Des agences de renseignement écrivant des articles ?

[...]

Oh oui. Cet article que j’ai reproduit partiellement dans mon livre, cet article était : « Comment la Libye et le colonel Mouhamar Kadhafi a secrètement essayé de construire une usine de gaz toxiques  à Rabta ». Je crois que c’était Rabta, oui. Et j’ai obtenu toutes ces informations… c’était une histoire qui fut imprimée à travers le monde entier quelques jours plus tard. Mais je n’avais aucune information à ce sujet, c’était l’agence de renseignement qui voulait que j’écrive un article. Donc ce n’est pas la manière dont le journalisme devrait fonctionner, que les agences de renseignement décident de ce qui est imprimé ou pas.

[…]

Si je dis non, je vous donne un exemple, un très bon exemple de ce qui se passe si vous dites non. Nous avons secouru des unités en Allemagne avec des hélicoptères dévolus aux accidents de la route. Ils se nomment eux-mêmes les « anges jaunes ». Il y avait un type qui ne voulait pas coopérer, c’était un pilote du service d’hélicoptères des anges jaunes en Allemagne. Ce type a dit non au service de renseignement pour l’étranger, le Bundesnachrichtendienst, lorsqu’ils l’approchèrent et voulurent qu’ils travaillent en tant que couverture non officielle pour l’agence allemande de renseignement pour l’étranger, tout en prétendant être un membre des anges jaunes. Alors ce qui arriva, c’est que cet homme perdit son travail. Et [au] tribunal en Allemagne, le juge décida qu’ils avaient raison parce qu’on ne peut pas faire confiance à un tel type. Il a été viré de son travail parce qu’il n’a pas coopéré avec le service de renseignement pour l’étranger. Ainsi, je savais ce qui arriverait si je ne coopérais pas avec les services de renseignement .

[...]

J’ai dû avoir une, deux, trois… six fois ma maison a été perquisitionnée, parce que j’ai été accusé par le procureur général allemand de divulgations de secrets d’État. Six fois ma maison perquisitionnée ! Et bien, ils espéraient que je ne refasse jamais encore cela. Mais je pense que c’est pire, car la vérité sortira un jour. La vérité ne mourra pas. Et je me fiche de ce qui va arriver. J’ai eu trois crises cardiaques, je n’ai pas d’enfants. Donc s’ils veulent me poursuivre ou me jeter en prison… La vérité en vaut la peine…

Source: http://www.les-crises.fr/journaliste-allemand-presse-cia/


Ukraine : informations faussées et commentaires à sens unique, par Acrimed

Monday 24 November 2014 at 00:01

Depuis la fin du mois d’août 2014, les événements en Ukraine sont chaque jour de plus en plus imprévisibles : alors que les « séparatistes pro-russes » – ainsi qu’ils sont nommés dans les médias français – perdaient du terrain, des renforts, peut-être en provenance de Russie, ont permis de mettre en défaut l’armée ukrainienne. Pour les médias français, cet interventionnisme supposé de Vladimir Poutine est inacceptable. Le président russe serait même en train de déclarer la guerre à l’Europe et de violer le droit international. Retour sur un traitement médiatique unilatéral et biaisé.

À situation complexe, commentaires simplistes : telle semble être la dure loi à laquelle se soumettent quelques diseurs de bonne aventure. Si Acrimed n’entend pas prescrire ce qu’il faut penser de la situation en Ukraine, du moins pouvons-nous débusquer les parti-pris falsificateurs qui ont tendance à inonder une grande partie de la presse française, bien que quelques médias ne sombrent pas dans la caricature (notamment Le Figaro) [1]. Absence de recul sur les événements (en particulier à Libération et au Monde) et pis, oublis, voire réécriture de l’histoire : tels sont les principaux biais de la couverture médiatique du début du mois de septembre 2014. Rien ne semble avoir évolué depuis novembre 2013… Passage en revue de quelques libertés, parmi d’autres, prises avec les faits.

Gouvernement légitime et référendums illégitimes

Bernard Guetta sur France Inter (25 août 2014) en est certain : « l’Ukraine quant à elle, l’écrasante majorité de sa population en tout cas, refuse de revenir à son asservissement passé, défend son indépendance et voudrait pouvoir vite intégrer non pas l’Otan mais l’Union européenne. » C’est pourtant oublier une partie des faits politiques récents de ce pays. Président en place et démocratiquement élu en 2010, Viktor Ianoukovitch – certes corrompu comme ses prédécesseurs – demeurait en tête des sondages d’opinion jusqu’à son départ forcé en février 2014 [2]. Étonnant d’ailleurs que les médias français – pourtant toujours très friands de ce type d’enquête – n’en aient pas révélé l’existence.

En 2012, le parti de M. Ianoukovitch (le Parti des Régions) avait également remporté les élections législatives. Et une élection présidentielle était prévue en 2015… Impatients, les militants de Kiev, tournés vers l’Europe, et soutenus par les États-Unis et l’Union Européenne, n’ont pas souhaité attendre, mettant ainsi en place un gouvernement provisoire essentiellement composé d’indépendants et de membres de partis de centre-droit, de droite et d’extrême-droite [3], pas forcément représentatif de la diversité des manifestants de la place Maïdan.

Ce gouvernement est-il pour autant légitime ? Oui, expliquèrent en substance les commentateurs avisés, car Maïdan était légitime. Il ne s’agit pas ici pour nous de contester le droit de populations à se soulever contre leurs dirigeants, mais bel et bien de relever le « deux poids deux mesures » particulièrement marqué dans la couverture médiatique des différents événements en Ukraine, qui traduit un point de vue partisan rarement assumé par celles et ceux qui l’ont adopté. Libération souligne ainsi que « l’Ukraine est un pays souverain avec des institutions légitimes et démocratiques » (1er septembre) tout en s’enthousiasmant devant le « renversement du régime prorusse et corrompu de Viktor Ianoukovitch par la révolte de Maïdan. » Le fait que l’est du pays ait massivement voté pour lui trois années plus tôt ne semble pas préoccuper les médias français. En effet, M. Ianoukovitch l’avait emporté en 2010, haut la main, à l’est et au sud de l’Ukraine, avec des pics de popularité dans les régions de Donetsk (90,4%), Lougansk (88,8%), ou encore au sein de la République autonome de Crimée (78,3%). Son adversaire, Ioulia Timochenko avait fait le plein à l’ouest, au centre et à Kiev qui avait voté à 69,7% pour l’égérie des Occidentaux [4].

Il n’empêche : sur Arte, le 1er septembre 2014 [5], on présente, sans le moindre recul, les événements de la place Maïdan comme un grand mouvement exclusivement démocratique. Avant de diffuser un véritable clip de propagande (avec musique rythmée et images saccadée) à la gloire des manifestants de la place Maïdan, Élisabeth Quin annonce : « Retour sur Maïdan à l’époque où c’était l’euphorie, destitution d’un autocrate qui a mis le feu aux poudres et précipitation de milliers d’ukrainiens sur le fameux Maïdan en février dernier. » Dans ce même sujet, on affirme que Ioulia Timoshenko aurait reçu « un accueil triomphal » en février 2014 sur cette place… alors qu’elle ne fera que 9% des votes à Kiev lors de l’élection présidentielle, trois mois plus tard.

Pour Bernard-Henri Lévy, dans Le Point (4 septembre 2014), le renversement de M. Ianoukovitch était évidemment le résultat d’une « grande insurrection démocratique et européenne ». Puis, pour la plupart des commentateurs, l’élection présidentielle qui, organisée en mai 2014 par le gouvernement provisoire, a installé aisément Petro Porochenko au pouvoir a été (c’est certain) tout à la fois légale et légitime. Marc Sémo dans Libération (1er septembre 2014) le souligne : « les autorités de Kiev [ont été] légitimement élues ». Il insiste même : « le nouveau président Petro Porochenko a été élu en mai à l’issue d’un scrutin reconnu comme incontestable par la communauté internationale. Le vote a pu se dérouler dans 90% du pays, y compris dans la plus grande partie de l’Est. » François Sergent, dans le même journal parle d’un « gouvernement souverain et régulièrement élu » (3 septembre). Pourtant, une partie du pays n’a pas pu se déplacer pour aller voter à cause des conflits armés dans l’est. Bien qu’élu dès le premier tour, Petro Porochenko ne l’a donc été qu’avec une participation modérée (60%). Légale et légitime ?

Aux yeux des journalistes français, le mouvement de Maïdan était justifié car tourné vers l’Europe. En revanche, les manifestations et les référendums en Crimée et dans l’est du pays (qui rejetaient les mobilisations de Kiev, le gouvernement provisoire, puis le nouveau président) trouvaient peu de soutiens chez nos commentateurs omniscients. Dans Le Monde (31 août 2014), on tord encore la réalité en accusant « le régime du président Poutine » « d’avoir illégalement occupé puis [de] s’être approprié la Crimée au printemps ». Pour François Sergent, dans Libération (3 septembre), « Vladimir Poutine ne s’est pas contenté de la Crimée annexée après un référendum bidon. »

Heureusement, tous les commentateurs ne partagent pas ce parti-pris. Au moment du référendum, des voix médiatiques connues – et très présentes – s’étaient exprimées pour faire part de leur stupéfaction face à la russophobie ambiante, que l’on ne manquera pas de relever ici tant elles ne sont pas, d’habitude, citées en exemple par Acrimed. Ainsi Jacques Attali s’était interrogé : « Pourquoi refuserait-on aux habitants de la Crimée de choisir leur destin ? » (L’Express, 26 mars 2014). Puis, pour l’ancien ministre de l’éducation nationale, Luc Ferry, « dire que l’armée russe envahit la Crimée est tout simplement grotesque. Il faut n’être jamais allé à Sébastopol pour ignorer la présence massive, mais parfaitement légale, puisque ayant fait l’objet d’un accord préalable depuis des années, de l’armée russe. » (Le Figaro, 20 mars 2014)… La Russie de Poutine avait-elle des vues sur la Crimée ? Peut-être. Il est toutefois navrant de constater que la majorité des journalistes français, aveuglés par leur hostilité à Poutine, aient adopté un point de vue aussi unilatéral et partisan, quitte à tricher avec la réalité, parfois par ignorance, souvent par mauvaise foi.

« Sanctionner Poutine » (encore et toujours)

Cela sonne comme un leitmotiv : « Il faut sanctionner la Russie ». À Libération, on en est certain, « la Russie est entrée en guerre contre l’Ukraine. » La preuve : « des milliers de soldats russes se battent à Donetsk et Lougansk, venus au secours des milices prorusses en difficulté. » D’ailleurs, François Sergent a ses propres sources puisqu’il sait déjà que ce sont « les hommes de Moscou [qui ont] abattu l’avion de Malaysian Airlines. » Rude accusation que même Le Monde ne s’est pas permis de porter…

 

 

 

 

 

 

 

 

Loin de nous, à Acrimed, de prendre parti dans un tel conflit, mais étonnons-nous quand même d’un fait : la supposée intervention de la Russie serait illégale, mais tous les événements qui ont mené à celle-ci – avec le soutien réel de l’Union Européenne et des États-Unis – ne le seraient pas ? Le « deux poids, deux mesures » est vraiment une doctrine très présente dans les médias atlantistes. Le Monde, par exemple, a fait sien le propos de Laurent Fabius : « le ministre des affaires étrangères, a eu le mérite de la clarté, vendredi soir : “Lorsqu’un pays envoie des forces militaires dans un autre pays sans l’accord et contre l’accord de cet autre pays, ça s’appelle une intervention, et évidemment c’est inacceptable”, a-t-il déclaré. » Un peu comme la France en Libye ou les États-Unis en Irak ? Le moins que l’on puisse dire est que Le Monden’a pas eu le mérite d’une telle clarté lorsqu’il s’est agi de traiter de l’intervention militaire israélienne contre Gaza.

Pour Bernard Guetta, sur France Inter (25 août 2014), l’intervention de la Russie serait « en train d’enterrer, en Europe qui plus est, deux des plus grands principes sur lesquels les relations internationales étaient fondée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale – l’absolue prohibition des annexions territoriales et l’intangibilité des frontières. » Comme si aucune frontière n’avait été modifiée (la Yougoslavie, la Serbie…) ou comme si aucune annexion territoriale (le Timor Oriental, les territoires palestiniens…) n’avait eu lieu depuis 1945. Bernard-Henri Lévy dans Le Point (4 septembre 2014) ne dit pas autre chose : c’est « la première vraie guerre, depuis des décennies, en Europe ; la première agression d’un État souverain contre un autre État souverain qu’il entend démembrer et vassaliser. » On est gêné par tant de morgue et d’ignorance. Comme s’il suffisait de mentionner l’Europe (sans préciser ses frontières) pour honorer les « grands principes »…

En quelques jours, dans Le Monde, les tribunes de soutien aux gouvernement ukrainien pullulent : « De Dantzig à Donetsk, 1939-2014 » (1er septembre) ; « L’occident inepte face à la crise ukrainienne » (2 septembre) ; « Accueillons l’Ukraine dans l’OTAN » (3 septembre) ; « ”Dossier Mistral” : de la cohérence, de grâce ! » (3 septembre)… Sans oublier l’article cocasse de Sylvie Kauffmann intitulé « Mistral perdant » (1er septembre), en référence aux navires que la France doit livrer à la Russie.

Plusieurs émissions radiophoniques ou télévisées ont fait une véritable propagande au service d’une opposition simpliste : légitimité du mouvement de Maïdan, illégitimité de l’insurrection à l’est. C’est le cas, par exemple, de l’émission « 28 minutes » présentée par Elisabeth Quin sur Arte, déjà citée. Parmi les intervenants, Raphaël Glucksmann, fondateur de l’ONG Centre Européen pour la Démocratie à Kiev, se présente d’emblée comme un « activiste anti-Poutine ». Alexandre Goujon, politologue, explique que « les Ukrainiens savent que sans soutien des Russes, il n’y a pas de séparatistes. […] Il n’y a pas de guerre civile. » Le commentateur semble ici oublier que la guerre civile avait bien lieu déjà à Kiev avant que les Russes ne s’invitent dans le conflit, et surtout il n’évoque pas le fait que la plupart des morts civils sont le fait de bombardements… de l’armée ukrainienne. À l’instar de nombreux médias, Glucksmann se plaint que l’Europe ne veuille pas donner des armes à l’Ukraine [6], ce qui permet à l’animatrice d’enchérir : « C’est mettre l’Ukraine dans les mains de la Russie ! »

Libération avance même des propos tronqués et non vérifiés qu’aurait lâché Vladimir Poutine à José Manuel Barroso. Le 1er septembre d’abord : « Poutine le sait et il en joue, répondant par la menace aux timides admonestations téléphoniques du président sortant de la commission José Manuel Barroso : “Si je le veux, nous sommes à Kiev en quinze jours.”  » Puis le 3 septembre : « Poutine a menacé Manuel Barroso de “pouvoir prendre Kiev en deux semaines”.  » Premièrement, ces propos sont rapportés par un tiers. Deuxièmement, ils proviennent d’une traduction. Enfin, ils sont sortis de leur contexte. De plus, ils ont été tempérés par le Kremlin (comme le rappelle lefigaro.fr). Il n’y a bien qu’un journal au bout du rouleau, dénué de toute déontologie, qui peut vouloir faire ses choux gras d’une telle phrase…

***
Bien que la situation en Ukraine soit complexe, certains médias n’hésitent pas à simplifier à outrance les faits, opposant systématiquement « gentils » ukrainiens pro-européens et « méchants » ukrainiens pro-russes. D’autres médias tombent moins dans la caricature préférant offrir à leurs lecteurs et auditeurs un point de vue plus distancié (c’est le cas du Figaro, de Paris Matchou de certains reportages dans l’est ukrainien glanés sur des chaînes d’information continue). Mais les plus obtus restent obnubilés par les hoquets de Vladimir Poutine, leur nouveau Père Fouettard, s’indignent encore et toujours et glosent sur son autoritarisme et son désir expansionniste. Autoritarisme ? Sans nul doute. Volonté de préserver sa sphère d’influence ? Certainement. Mais, contrairement aux prédictions de la majorité des commentateurs, la Russie n’a toujours pas envahi l’est de l’Ukraine. Le moins que l’on puisse dire est que les expéditions militaires israéliennes ou américaines, bien réelles celles-ci, ne bénéficient pas du même traitement de (dé-)faveur…

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Source : Mathias Reymond pour Acrimed, 15/09/2014

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Notes

[1] À ce sujet, lire « Médias français en campagne ukrainienne », Le Monde Diplomatique, août 2014.

[2] Voir par exemple ce sondage en ukrainien dont les résultats sont traduits dans un tableau de la page Wikipedia des élections ukrainiennes de 2014.

[3] Voir sur le portail du gouvernement ukrainien, la liste des ministres qui ont gouverné le pays du 27 février au 25 mai 2014. Aucun membre du Parti des régions n’en faisait partie.

[4] « Viktor Ianoukovitch, vainqueur de l’élection présidentielle en Ukraine », Fondation Robert Schuman, 7 février 2010.

[5] Emission « 28 minutes » animée par Elisabeth Quin.

[6] Libération par exemple titre ainsi l’un de ses articles : « Il faut donner des armes à l’Ukraine », 1er septembre 2014.

 

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-informations-faussees-et-commentaires-a-sens-unique-par-acrimed/


AG ONU : Lutte contre la glorification du nazisme. BRICS POUR, USA Canada Ukraine CONTRE, UE s’abstient

Sunday 23 November 2014 at 07:00

Dois-je vraiment employer encore le mot “énorme” ?…

Les masques tombent…

La 3e Commission de l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté une intéressante résolution le 21/11/2014 (l’AG elle-même n’a pas encore voté, on en est encore au travail préparatoire, mais il ne manque qu’une vingtaine de petits pays…).

Présentée entre autre par le Brésil et la Russie, elle est ici :

Résolution L56 publié par les-crises

Il prévoit entre autres :

Lutte contre la glorification du nazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée

4. Se déclare profondément préoccupée par la glorification du mouvement nazi, du néonazisme et des anciens membres de la Waffen -SS, sous quelque forme que ce soit, notamment l ’édification de monuments et d ’ouvrages commémoratifs et l’organisation de manifestations publiques à la gloire du passé nazi, du mouvement nazi et du néonazisme, ainsi que les déclarations, expresses ou implicites , selon lesquelles ces membres et ceux qui ont lutté contre la coalition antihitlérienne et collaboré avec le mouvement nazi ont participé à des mouvements de libération nationale;

6. Met l’accent sur la recommandation du Rapporteur spécial selon laquelle « les États devraient interdire toute célébration commémorative, officielle ou non, du régime nazi, de ses alliés et des organisations apparentées »12 et souligne à cet égard qu’il importe que les États prennent des mesures pour lutter contre toute manifestation organisée à la gloire de l’organisation SS et de ses composantes, dont la Waffen-SS, dans le respect du droit international des droits de l ’homme;

7. Se déclare préoccupée par les tentatives répétées de profanation ou de démolition de monuments érigés à la mémoire de celles et ceux qui ont combattu le nazisme durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que d’exhumation ou de levée illégales des dépouilles de ces personnes et, à cet égard, exhorte les États à s’acquitter pleinement des obligations qui leur incombent, au titre notamment de l’article 34 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949;

8. Prend note avec inquiétude de la multiplication des incidents à caractère raciste partout dans le monde, en particulier de la montée en puissance des groupes de skinheads, qui sont responsables de nombre de ces incidents, ainsi que de la résurgence des violences racistes et xénophobes visant, entre autres, les personnes appartenant à des minorités nationales, ethniques, religieuses ou linguistiques;

10. Condamne sans réserve tout déni ou tentative de déni de l’Holocauste;

11. Se félicite que le Rapporteur spécial a it demandé que soient préservés activement les sites où, pendant l’Holocauste, les nazis avaient installé des camps de la mort, des camps de concentration, des camps de travail forcé ou des prisons, et engagé les États à prendre des mesures, notamment législati ves, répressives et éducatives, pour mettre fin à toutes les formes de déni de l ’Holocauste;

12. Engage les États à continuer de prendre des mesures adéquates, notamment par le biais de leur législation nationale, afin de prévenir les incitations à la haine et à la violence à l ’encontre des membres de groupes vulnérables, dans le respect du droit international des droits de l’homme;

14. Souligne que les pratiques susmentionnées font injure à la mémoire des innombrables victimes des crimes contre l ’humanité commis durant la Seconde Guerre mondiale, en particulier ceux commis par l’organisation SS et par ceux qui ont lutté contre la coalition antihitlérienne et collaboré avec le mouvement nazi, et ont une influence néfaste sur les enfants et les jeunes, et que les États qui ne s’attaquent pas effectivement à ces pratiques contreviennent aux obligations que la Charte des Nations Unies impose aux États Membres de l’Organisation des Nations Unies, notamment celles qui sont liées aux buts et principes de celle-ci;

15. Souligne également que de telles pratiques alimentent les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et contribuent à la propagation et à la multiplication des partis politiques, mouvements et groupes extrémistes, y compris les néonazis et les skinheads, et appelle à cet égard à une vigilance a ccrue;

16. Constate avec inquiétude que les dangers que représentent les partis politiques, mouvements et groupes extrémistes pour les droits de l ’homme et la démocratie sont universels et qu’aucun pays n’y échappe;

17. Insiste sur la nécessité de prendre les mesures qui s’imposent pour mettre fin aux pratiques susvisées et engage les États à adopter des mesures plus efficaces, dans le respect du droit international des droits de l ’homme, pour combattre ces phénomènes et les mouvements extrémistes, qui font peser une réelle menace sur les valeurs démocratiques;

19. Prend note de la recommandation du Rapporteur spécial concernant la responsabilité des dirigeants et partis politiques eu égard aux messages qui incitent à la discrimination raciale ou à la xénophobie;

20. Constate avec préoccupation que le profilage ethnique et les actes de violence policière dirigés contre les groupes vulnérables font naître chez les victimes un sentiment de méfiance à l’égard du système juridique qui les décourage de demander réparation et, à cet égard , engage les États à accroître la diversité au sein des services de maintien de l ’ordre et à imposer des sanctions appropriées contre les membres de la fonction publique reconnus coupables de violence à caractère raciste ou de propagande haineuse;

21. Rappelle la recommandation du Rapporteur spécial qui invite les États à incorporer dans leur droit pénal une disposition prévoyant que les motivations ou les objectifs racistes ou xénophobes d’une infraction sont des circonstances aggravantes qui emportent des peines plus lourdes, et encourage les États dont la législation ne comporte pas une telle disposition à tenir compte de cette recommandation;

22. Souligne que les racines de l’extrémisme ont de multiples aspects et qu ’il faut s’y attaquer en adoptant des mesures adéquates comme l ’éducation, la sensibilisation et la promotion du dialogue et, à cet égard, recommande le renforcement des mesures visant à sensibiliser les jeunes aux dangers des idéologies et des activités des partis politiques, mouvements et groupes extrémistes;

24. Appelle l’attention sur la recommandation formulée par le Rapporteur spécial à sa soixante-quatrième session dans laquelle il a fait valoir l ’importance des cours d’histoire pour la sensibilisation aux événements tragiques et aux souffrances humaines nés d’idéologies telles que le nazisme et le fascisme ;

26. Invite les États à continuer d ’investir dans l’éducation, tant scolaire que non scolaire, entre autres, afin de faire évoluer les mentalités et de corriger les idées de hiérarchie et de supériorité raciales défendues par les partis politiques, mouvements et groupes extrémistes et d ’en contrer l’influence néfaste;

29. Réaffirme également que, comme cela est souligné au paragraphe 13 du document final de la Conférence d ’examen de Durban, toute apologie de la haine nationale, raciale ou religieuse incitant à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence doit être interdite par la loi, que toute propagation d ’idées reposant sur la notion de supériorité raciale ou sur la haine raciale, ou l ’incitation à la discrimination raciale ainsi que les ac tes de violence ou l’incitation à commettre de tels actes doivent être érigés en infractions tombant sous le coup de la loi, conformément aux obligations internationales des États, et que ces interdictions sont incompatibles avec la liberté d’opinion et d’expression;

47. Encourage les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les acteurs concernés à diffuser le plus largement possible, notamment, mais non exclusivement, par l’intermédiaire des médias, des informations concernant la teneur de la présente résolution et les principes qui y sont énoncés;

[PS : Mission accomplie pour DiaCrisis :) ]

Les votes :

Vote résolution L56 publié par les-crises (source sur l’ONU ici)
J’ai pris le G20 (-UE + Ukraine) :

POUR : les BRICS en particulier (dont la Russie – on voit à quel point Poutine est d’extrême-droite…)

Abstention : l’Europe

CONTRE : 3 pays seulement : les États-Unis (ça peut se comprendre vu la déification là-bas de la liberté d’expression), le Canada (forte communauté ukrainienne nationaliste) et… l’Ukraine !

P.S. ce n’est pas la première fois que ce type de résolution est votée, avec les même votes.

(OUPS, vos médias habituels n’en ont pas parlé les autres années ?)

(Oubliez aussi pour cette année, RIA en parle, mais pas l’AFP)

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Voici ce que disait la Russie en 2013 appuyant le vote de la résolution :

“La situation actuelle est alarmante : les idéologies qui incitent à la haine raciale, ethnique et religieuse sont en expansion, tout comme l’incidence des crimes qu’elles inspirent. Dans nombre de pays, les organisations néonazies et néofascistes sont de plus en plus nombreuses et attirent un nombre accru de membres de plus en plus jeunes. Malheureusement, on n’en fait pas suffisamment pour remédier à cette situation. Trop souvent, les activités des néonazis sont traitées comme de simples troubles à l’ordre public et parfois comme la manifestation du droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui est contraire à la lettre et à l’esprit des instruments des droits de l’homme, notamment de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui, elle-même, illustre la réaction du monde civilisé face aux crimes monstrueux du nazisme. Les réserves formulées par de nombreux pays occidentaux contre des instruments internationaux des droits de l’homme dans le but de défendre ce qu’ils considèrent comme un droit absolu à la liberté d’expression, de rassemblement et d’association, constituent une violation de la Convention de Vienne sur le droit des traités et servent tout simplement d’alibi aux racistes.

L’interprétation relativiste des événements de la Deuxième Guerre mondiale et des décisions du tribunal de Nuremberg, ainsi que les tentatives de blanchir le nazisme et de minimiser les crimes des Nazis ont créé un climat favorable à la résurgence de cette idéologie criminelle. À cet égard, la Fédération de Russie présente une fois de plus un projet de résolution, qui figure dans le document A/C.3/68/L.55, tout en constatant avec une profonde déception que les démocraties occidentales, dont un grand nombre ont fait partie de la coalition contre les Nazis, se sont abstenues dans le passé de voter en faveur du projet de résolution. Elle demande à toutes les délégations qui se sont abstenues d’appuyer le projet de résolution pour des raisons politiques ou économiques de reconsidérer leur position. Il faut fermement résister à la propagation et la glorification des idéologies nazies et néonazies afin d’empêcher la répétition des monstrueux crimes commis par les Nazis. Les États, les organisations de la société civile, les organisations internationales, les milieux universitaires et tous les autres acteurs concernés doivent unir leurs efforts à cette fin. [...]

Bientôt, 70 ans se seront écoulés depuis la défaite du nazisme. Les personnes qui ont vécu les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale sont aujourd’hui peu nombreuses. La Fédération de Russie, dont la population a payé un lourd tribut à la tolérance des idéologies de suprématie raciale, ne permettra aucune forme de regain du Nazisme.”

(j’ai bien cherché, mais n’ai pas trouvé d’explication de vote des européens, si quelqu’un trouve…)

Maïdan a donc permis de disposer d’un pays de plus votant contre ces résolutions…

L’Assemblée Générale devrait donc adopter une 3e fois ce type de résolution le mois prochain…

Source: http://www.les-crises.fr/ag-onu-lutte-contre-la-glorification-du-nazisme-brics-pour-usa-canada-ukraine-contre-ue-sabstient/


Ce Soir ou Jamais – 26 septembre 2014 – échanges D. De Villepin – H. Védrine sur l’intervention militaire en Irak/Syrie

Sunday 23 November 2014 at 03:00

Ce Soir ou Jamais – 26 septembre 2014 – échanges D. De Villepin – H. Védrine sur l’intervention militaire en Irak/Syrie

Nous livrons ici la transcription intégrale des échanges entre Dominique de Villepin et Hubert Védrine à l’occasion de l’émission Ce soir ou Jamais du 26 septembre 2014, sur l’intervention militaire en Irak et en Syrie.

FT=Frédéric TADDEI ; DDV=Dominique De VILLEPIN ; HV= Hubert VEDRINE.

FT : Alors, cette guerre, DDV, vous pensez que c’est une erreur, j’allais dire une de plus. Vous pouvez nous expliquer pourquoi ?

DDV : Les interventions militaires, quand elles sont circonscrites, avec un objectif ciblé, limité, peuvent être efficaces, et elles font partie de l’arsenal que toute démocratie doit être capable d’utiliser dans certaines circonstances, avec raison, et de la façon la plus maîtrisée possible. Mais dans le cas présent, nous sommes engagés, et le chef de l’état l’a dit de la façon la plus claire – les américains le disent de la façon la plus claire – dans une « guerre contre le terrorisme ». La « guerre contre le terrorisme » ne peut pas être gagnée. On ne peut même pas donner de pourcentage ; l’échec est annoncé. Pourquoi ? Parce que le terrorisme est une main invisible, mutante, changeante, opportuniste. On ne se bat pas contre une main invisible avec les armes de la guerre. Il faut être capable d’employer la force de l’esprit, la ruse, les moyens de la paix pour désolidariser des forces qui s’agglutinent autour de ces forces terroristes. Donc il faut une stratégie politique, une vision politique, et une capacité à penser l’action très au-delà des bombes et de l’action militaire stricto sensu. Donc, c’est inefficace. Tout ce que nous savons – et il n’y a pas de contre-exemple – tout ce que nous savons de ce type de guerre menée depuis des décennies, et en particulier depuis l’Afghanistan, a conduit à l’échec. Il n’y a pas d’exemple aujourd’hui – Afghanistan, Irak, Libye – qui ne conduise pas à davantage de guerre et davantage de chaos. Nous sommes donc dans la situation où, par la guerre, nous voudrions faire mieux que lors de la précédente guerre que nous avons menée…

Ayons conscience que cet « état islamique », DAESH, nous l’avons nous-mêmes en grande partie enfanté : de guerre en guerre, de cette guerre en 2003, du départ [des américains stationnés en Irak] de 2011, du lâchage des rebelles syriens – il y a un cercle vicieux dans lequel nous nous sommes enfermés. Et, par ailleurs, non seulement c’est inefficace, mais c’est dangereux.

Parce que cette région du Moyen-Orient – et on pourrait prendre l’ensemble du monde arabo-musulman – est traversée de crises, traversée de blessures, meurtrie. Il est, en plus, en profonde crise de modernisation, avec en son coeur une crise sociale qui frappe violemment les classes les plus défavorisées, et les classes moyennes, du fait de la corruption, du fait de la rente pétrolière – et qui est marqué de profondes inégalités. Une grande partie de ces djihadistes viennent de cette classe moyenne. Et donc, nous alimentons le cycle de la surenchère.

On veut croire que les images d’horreur que nous voyons malheureusement de ce côté-ci sont des repoussoirs. Mais ce sont aussi des phénomènes d’aimantation pour certains. On ne voit pas les mêmes images de l’autre côté de la Méditerranée, on ne voit pas le même spectacle, on ne les interprète pas de la même façon, parce qu’il y a des identités blessées. Et ce qui est vrai là-bas, est malheureusement aussi vrai chez nous. C’est-à-dire que la surenchère a des conséquences sur le recrutement des djihadistes là-bas, et elle a des conséquences ici.

Par ailleurs, nous frappons en Syrie, et en Irak. Nous frappons un ennemi terroriste. Et quel est le résultat ? L’horreur que nous connaissons pour notre compatriote, Hervé Gourdel, qui est, lui, lâchement assassiné – où ? Dans les montagnes d’Algérie ! C’est dire que, demain, toutes ces minorités, qui brandissent l’étendard de l’Islam, agissent au nom de l’Islam – ce n’est évidemment pas l’Islam, le problème. C’est le drapeau de l’Islam qui est brandi. Hé bien ces minorités qui existent aussi bien en Birmanie, en Malaisie, en Thaïlande, en Indonésie, dans l’ensemble du monde arabe, de la même façon au Maghreb ou en Afrique – hé bien, partout, ces minorités peuvent se solidariser. C’est-à-dire que nous assistons, par cette « guerre contre le terrorisme », à une cristallisation de l’ensemble de ces groupes qui établissent des passerelles entre eux, à une surenchère pour savoir lequel sera le plus cruel, le plus meurtrier, le plus violent : parce que c’est une façon d’attirer les djihadistes, d’attirer de l’argent. Et, au-delà de cela, donc, il y a une course vers la mort, une course vers davantage de djihadistes, qui est effroyablement dangereuse pour nous.

Et je voudrais terminer en disant : je veux bien faire le fanfaron, ce soir. J’aimerais pouvoir dire que nous sommes prêts. J’aimerais pouvoir dire que nous n’avons pas peur. Mais c’est faux. C’est faux parce que nous sommes, nous les français, une société démocratique qui n’a pas engagé de processus sécuritaire au point d’autres sociétés démocratiques – je pense à la société américaine. Les communautés étrangères américaines dans le monde sont bunkérisées, barricadées, il n’y a pas un cheveu qui dépasse. Et donc, le risque est infiniment moindre que pour l’un des nôtres. C’est le chemin qu’a emprunté la société israélienne, c’est le chemin de la politique sécuritaire. Ce n’est pas le chemin de la France. Nous sommes exposés aux quatre vents, en particulier au Maghreb, au Moyen-Orient, en Asie – donc dans une situation de vulnérabilité. Et ce qui est vrai là-bas l’est aussi chez nous.

J’aimerais que nous prenions conscience de la complexité. Je veux bien qu’on prenne la tête d’une croisade, mais je veux qu’on mesure les risques. Et surtout, savoir que cette croisade ne peut pas être gagnante. Nous alimentons un processus de destruction. Nous alimentons un processus de haine.
Et ce que je dis, ce n’est pas pour ne rien faire, car il y a évidemment beaucoup à faire, mais dans une toute autre direction : [celle] d’une stratégie politique, d’une stratégie d’accompagnement militaire, en mettant en avant ceux qui, d’abord, doivent réagir : c’est les pays de la région eux-mêmes – il y a près de 500, 600 avions de chasse dans la région, qui appartiennent aux pays du Golfe. Ils sont parfaitement capables de mener la riposte. Nous suivons les américains qui, comme toujours, cherchent un ennemi à travers la planète, sont engagés dans une sorte de messianisme universel. Nous, français, ce n’est pas notre rôle. Ce n’est pas notre vocation. Nous sommes des faiseurs de paix, des chercheurs de dialogue. Nous sommes des médiateurs. Nous sommes là à contre-emploi et à contresens, entraînés dans une logique qui est sans issue. Car cette « guerre contre le terrorisme », c’est une guerre sans fin. C’est une guerre perpétuelle. Nous savons qu’elle ne peut pas s’arrêter. La haine entraîne la haine. La guerre nourrit la guerre.

FT : HV, vous, vous la jugez inévitable, cette intervention ?

HV :
Oui. Je le dis à regret. Je suis conscient qu’il y a beaucoup d’arguments justifiés dans ce qu’a dit DDV. Je trouve mauvaise l’expression « guerre contre le terrorisme » qui a été utilisée par Georges W. Bush, parce qu’elle appelle facilement les critiques en question –

DDV : reprise par les dirigeants français.

HV : Oui. Mais, bon, c’est pas le fond du sujet, en fait. C’est peut-être une erreur de communication. Mais il ne s’agit pas du terrorisme en général. Il s’agit de ce qui se passe en Irak et en Syrie – dont on peut juger, et je juge ça, que ça atteint un degré de déstabilisation, de barbarie, de risque de contagion, de risque de sanctuaire pour l’ensemble des zones terroristes sous différentes formes, tel qu’une réaction, y compris militaire, mais pas uniquement, était devenue inévitable. Et je pense pas qu’on puisse plaquer sur le président Obama, disons, les critiques habituelles contre les États-Unis comme ils l’étaient à d’autres moments. C’est pas le cas. Obama, il a été élu pour retirer les États-Unis de l’impasse des guerres de Bush. Et s’il se résigne à ça – donc c’est pas du tout sa tentation, c’est pas du tout sa ligne, en fait il aurait voulu l’éviter – c’est que, vraiment, un moment donné, trop c’est trop, et qu’il y a un risque qui n’est pas qu’occidental. Donc je crois pas qu’on puisse parler de croisade. Faut éviter dans nos commentaires de faire de la publicité : « la France qu’une mouche a piqué, la France qui se précipite dans l’affaire… » C’est un phénomène beaucoup plus vaste. Je pense qu’il y a un début de coalition –

DDV : Jusqu’à présent, nous sommes le seul pays européen engagé. Les britanniques vont suivre, mais au départ nous avons pris le leadership dans cette affaire. Seul pays européen.

HV : C’est pas une preuve, car on l’est dans beaucoup de cas, où on dénonce justement la lâcheté, l’incapacité des autres européens. Donc, dans la plupart des cas, c’est plutôt un argument pour la France, ça. En tout cas, je pense qu’il y a une coalition en formation, dans laquelle il y a beaucoup de pays arabes, que ça rejoint une [espèce] d’affrontement immense au sein de l’Islam. C’est en train de produire quelque chose qui est extrêmement intéressant : qui est que, pour la première fois à ce stade, à ce niveau, en fait, on voit des musulmans de partout, notamment en Europe, qui disent – vous avez vu la campagne « Pas en mon nom ». « C’est pas l’Islam, cela ».

FT : « Not in my name », une campagne anglaise. On l’a là, d’ailleurs, on vous la passera tout à l’heure.

HV : Autant c’est choquant quand c’est les autres qui passent leur temps à faire l’amalgame et à dire aux musulmans : « Expliquez-vous là-dessus ! », autant quand ça vient du monde musulman, quand ça vient pas simplement des recteurs ou des imams, hein, mais des gens, des jeunes, des réseaux sociaux.

FT : En France, c’est : « Nous aussi, nous sommes des ‘sales français’ ».

HV : Donc, ça, c’est quand même extrêmement intéressant, et je pense que la réalité de la menace va entraîner donc l’obligation de la coalition, va faire bouger les uns et les autres, que ça va obliger les saoudiens à accepter le retour dans le jeu jusqu’à un certain point des iraniens, que ça va obliger à un moment ou à un autre les turcs à sortir de leur triple jeu, que ça oblige la France à bouger elle-même sur sa position iranienne – d’avant – que ça va l’obliger à bouger sur la question syrienne, que, que, que…enfin, etc. Bref, y a une série de –

FT : On va l’aborder d’ailleurs, cette question de la coalition.

HV : Je le mets dans le positif. Dans le positif dans le sens que j’ai dit que c’était malheureusement inévitable. Je pense que les autres solutions n’existent pas. Je pense que la conclusion de DDV débouche, pour le moment, sur rien.

DDV : Ah non, on en reparlera –

HV : Oui, on va en reparler, mais –

DDV : Il y a beaucoup à faire.

HV : Oui, mais une stratégie, une politique, je –

DDV : Non, non non non non. Il y a beaucoup à faire de choses concrètes.

HV : Je pense qu’il est impossible – et dieu sait que je suis d’accord là-dessus : la stratégie, je pense qu’il y a belle lurette que les occidentaux auraient dû imposer le règlement de l’affaire du Proche-Orient, que c’est une sorte d’absurdité totale, même sur le plan de la Real Politik, qu’il n’y ait pas un état palestinien à côté de l’état israélien, la politique de l’Occident à été nulle, incapable, lâche, tout ce qu’on veut. Bon. Je pense tout ça. Je pense tout ça. Donc, je suis pour la stratégie politique, et je pense que dans la reconstruction de l’Irak après, parce que si après les frappes, il se passe rien, ça va recommencer. Donc, il faut un régime en Irak qui arrive à faire cohabiter les communautés. Donc, il faut un certain degré d’accord avec les iraniens. Donc, il faut changer de politique occiden– Un moment donné, dans l’affaire syrienne, on aura besoin de Poutine. C’est peut-être d’ailleurs une occasion de sortir par le haut de l’impasse dans laquelle on est en Europe sur l’affaire ukrainienne. Donc, il y a toute une grande politique, qui à mon avis pourrait se développer – on retrouverait le terme de stratégie – mais je pense pas qu’on l’obtiendra par la passivité, là.

DDV : Il s’agit pas de passivité.

HV : Je crois pas que le fait de dire « ça nous regarde pas », « l’amalgame », « c’est très compliqué », « c’est dangereux » – je pense que ça nous affaiblirait politiquement plutôt que l’inverse. Donc, sur ce point, j’ai un désaccord assez net ; et pour moi , il n’y a aucune contradiction entre ce qui a été entamé maintenant, et la suite d’une coalition durable, qui fonctionnerait, et qui déboucherait sur une stratégie politique. Je sais que c’est dur. Je sais que s’il y a pas cette stratégie politique, ça – tout ça n’aura servi à rien. Mais, après avoir tout dit, je dis que je pense que c’est inévitable.

Source (oubliez le titre de la page youtube, assez… « peu représentatif » du contenu)

Source: http://www.les-crises.fr/ce-soir-ou-jamais-26-septembre-2014-echanges-d-de-villepin-h-vedrine-sur-lintervention-militaire-en-iraksyrie/


Henri Laborit aurait eu 100 ans : plaidoyer pour une relecture de son œuvre, par David Batéjat

Sunday 23 November 2014 at 00:50

Itinéraire d’un fils de médecin militaire vendéen.

Henri Laborit naît le 21 novembre 1914 à Hanoï (Tonkin) où son père, officier médecin de la Coloniale, était en poste. Interne à 22 ans, il deviendra chirurgien de la Marine juste avant la guerre et embarque en 1940 sur le torpilleur Sirocco qui sera coulé en mai au large de Dunkerque. Il opérera jusqu’à la fin de la guerre de nombreux blessés graves. Ces années de confrontation avec la douleur et la mort le pousseront à vouloir analyser les mécanismes biologiques du choc traumatique et le dirigeront vers la recherche.

Après la guerre, il oriente donc son travail vers la biochimie et la pharmacologie ; son approche transversale lui permet de développer de nombreuses molécules (chlorpromazine, Gamma OH, etc.) et méthodes (hibernation artificielle) qui révolutionneront des disciplines comme l’anesthésie ou encore la psychiatrie et lui vaudront en 1957 le prestigieux prix Albert Lasker de la recherche médicale, équivalent américain du Nobel de médecine.

C’est logiquement que ses travaux et son insatiable soif de comprendre l’amèneront à créer en 1958 le laboratoire d’eutonologie (qu’il définit comme l’étude du comportement humain), dont il sera le directeur jusqu’à sa mort en mai 1995.

De l’inhibition de l’action à l’établissement des hiérarchies de dominance sociale

Pionnier de la cybernétique en biologie, il défend une approche systémique (poly-conceptualiste) par « niveau d’organisation » dont le contrôle se fait par des servomécanismes au niveau d’organisation supérieur.

Inspiré par les travaux de Mac Lean qui décrit dans « Triune Brain » les 3 niveaux d’organisation du système nerveux central (Cerveau reptilien, Système limbique et Néocortex), il résumera ainsi les comportements de base : « Boire, manger pour maintenir sa structure, et copuler pour maintenir l’espèce. ». Et ajoutera : « Confronté à une épreuve, l’homme ne dispose que de trois choix : 1) fuir ; 2) combattre ; 3) ne rien faire ». Ses études notamment sur le comportement des rats l’amèneront à définir l’inhibition de l’action comme « le résultat de la non-possibilité pour un individu de contrôler son environnement au mieux de son plaisir, de son équilibre biologique et de son bien-être ».

Ces travaux seront utilisés par Alain Resnais dans le film Mon Oncle d’Amérique (1980) dont voici quelques extraits :

L’observation des conséquences de l’inhibition de l’action à l’échelle de l’individu l’amène à critiquer vivement le productivisme et ses conséquences pour les sociétés humaines et la biosphère.

Partagé entre un certain fatalisme sur l’incapacité de l’Homme à dépasser le stade des hiérarchies de dominance et une énergie vitale dont la source est certainement à chercher dans ses combats contre la mort et la souffrance pendant la guerre, Henri Laborit s’est rapproché de la politique en fondant avec Robert Buron, Jacques Robin et Edgar Morin le Club des Dix à la fin des années 60. Ces réunions informelles qui dureront jusqu’en 1976 lui permettront de côtoyer d’autres chercheurs dans des disciplines variées (sciences humaines, mathématiques, etc.), des hommes politiques comme Michel Rocard et d’approfondir ses connaissances sur la Théorie de l’information.

Dans le Groupe des Dix, Henri Laborit, René Passet (premier président du conseil scientifique d’ATTAC, dans « L’économique et le vivant », 1979), Edgar Morin, et bien d’autres, aboutissent rapidement à la conclusion que la croissance ne peut être qu’une impasse.

Alors que se dessine la notion d’équilibre socio-économico-technico-environnemental, Laborit ajoute les données bio-anthropologiques : si l’Homme a un effet sur son biotope, s’il est urgent de limiter sa capacité à le détruire, il semble indispensable d’éduquer nos enfants au respect de leur environnement. Mais même cette éducation pourra être encore détournée pour alimenter la compétition, il faut donc remonter aux déterminismes individuels, aux « mécanismes de fonctionnement de l’outil qui a permit de les établir dans leurs statuts actuels : le cerveau humain en situation sociale ».

Henri Laborit dans Mon Oncle d’Amérique d’Alain Resnais (1980)

« Conscience, connaissance, imagination » bases d’une biopédagogie

Pour mettre sa grille à l’épreuve, Henri Laborit a cherché inlassablement à corréler comportement et recherche de la dominance en démystifiant ce qu’il appelait les « formules langagières », ou les « jugements de valeurs qui tentent de justifier les systèmes hiérarchiques de dominance ». Sa rigueur scientifique mêlée à une insoumission frisant souvent la subversion l’amenait à traiter de sujets que nous oublions trop souvent de remettre en cause.

Henri Laborit interviewé en avril 1975 sur RTS

(Attention, l’interview débute à partir de 7’04)

Cliquer sur la photo ou ici pour la voir

Ainsi, sur la liberté il écrivait dans La Nouvelle Grille :

« La liberté commence où finit la connaissance. Avant, elle n’existe pas, car la connaissance des lois nous oblige à leur obéir. Après elle n’existe que par l’ignorance des lois à venir et la croyance que nous avons de ne pas être commandées par elles puisque nous les ignorons. En réalité, ce que l’on peut appeler « liberté », si vraiment nous tenons à conserver ce terme, c’est l’indépendance très relative que l’homme peut acquérir en découvrant, partiellement et progressivement, les lois du déterminisme universel. Il est alors capable, mais seulement alors, d’imaginer un moyen d’utiliser ces lois au mieux de sa survie, ce qui le fait pénétrer dans un autre déterminisme, d’un autre niveau d’organisation qu’il ignorait encore. »

Il aimait à rappeler que quand Freud jeta les bases de la psychanalyse on ne connaissait pas même l’existence des hormones, sans pour autant invalider cette grille de lecture qu’il engloba dans une grille plus générale, La Nouvelle Grille (1974) qui reste certainement son ouvrage de référence dans lequel il définit l’inconscient comme « tout ce qui est automatisé par l’environnement social» plus que comme ce qui est refoulé.

Henri Laborit prônait une « biopédagogie » et se basait sur l’hypothèse qu’un être humain est « compétent ». Il participera en 1969 à l’université de Vincennes à l’invitation des étudiants en urbanisme, interventions dont il tirera un ouvrage, l’Homme et la ville, en 1971.

Voir extraits en pdf.

Son inquiétude pour le futur et son anarchisme traduisaient sa défiance vis-à-vis de la politique, mais pas une résignation. Il avait ainsi pour espoir que nous puissions transformer l’éducation afin de permettre aux prochaines générations d’échapper à ces strates de jugements de valeur, comme le montre cet extrait d’un exposé fait à l’invitation des inspecteurs généraux de l’éducation nationale sur le thème « Réforme de pensée et système éducatif » le 14 septembre 1994 :

“Mais quand on parle de l’éducation que tout le monde s’accorde à développer pour lutter contre la violence, les intégrismes, les jugements de valeur, l’intolérance, on ne précise jamais ce que doit contenir cette éducation. Or de plus en plus, il s’agit d’une information focalisée et les étudiants n’entrent à l’université que dans l’espoir d’y acquérir des connaissances réduites à une activité professionnelle capable de leur procurer un job.

Or je ne vois pas comment ce type d’éducation pourrait faire échec à la violence de la guerre économique qu’elle ne peut que renforcer en renforçant la compétition économique à tous les niveaux d’organisation des individus aux états. Même l’initiation universitaire aux sciences dites humaines (psychologie, sociologie, économie et politique) sera exploitée dans un but de rentabilité marchande au sein des entreprises et toujours dans l’ignorance totale des mécanismes de fonctionnement de l’outil qui a permis de les établir dans leurs statuts actuels : le cerveau humain en situation sociale.”

Pdf de l’intervention intégrale

Mur en trompe l’œil (fresque d’Alan Sonfist) dans le film Mon Oncle d’Amérique

 « Alors Quoi ? » Quel futur ?

Il a fallu presque 200 ans après le début de la révolution industrielle pour que l’Homme prenne conscience des déterminismes environnementaux et des dangers que sa logique expansionniste cause à la biosphère. Combien de temps faudra-t-il pour que l’Homme comprenne que ces déterminismes sont le fruit d’autres déterminismes, biologiques, ancrés dans son cerveau et qui jusqu’ici l’ont toujours poussé à un comportement de dominance ?

Dans un siècle où l’on nous vend de la liberté, parler de déterminisme, qui plus est biologique, dérange. Faut-il y voir la raison pour laquelle Laborit est aujourd’hui savamment ignoré ? A moins que la cause ne soit sa relecture volontairement provocatrice des évangiles ou encore son aversion pour les « bons sentiments » d’un « humanisme de bon ton »…

Sommes-nous encore capables d’accepter que la liberté, telle qu’elle nous est présentée (l’absence de limites ou de contraintes ; la « technologisation » sans fin) est un mythe qui nous enferme et nous asservit plus qu’il ne nous libère ?

Avons-nous renoncé à utiliser l’incroyable potentiel de l’imaginaire issu de notre cortex associatif pour ainsi refuser d’en accepter ses quelques déterminismes ?

Il devient urgent que les parents, les professeurs incluent à leurs enseignements des notions comme « système », expliquent le fonctionnement du cerveau, des régulations, des hormones.

 « Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. »

Henri Laborit prônait que toute personne passe 2h par jour de son temps libre « pour accroître ses connaissances sur les relations interhumaines sous toutes leurs formes (biologique, psychologique, sociologique, économique, politique) » afin que « la politique devienne son activité fondamentale ». Plus qu’une intuition, Henri Laborit a démontré que si l’on ne raisonne pas en transversal et en transgressant les niveaux d’organisation auxquels nous sommes confinés d’un point de vue sociétal, on ne peut imaginer effectuer de contrôle sur un système. En cela, son travail devrait inspirer toutes les dissidences.

A nous de ne pas laisser le travail de cet exceptionnel penseur de côté, de nous en inspirer pour imaginer ensemble le monde de demain avant que d’autres pressions ne nous fassent revenir aux urgences de la (sur)vie… et aux hiérarchies de dominance.

David Batéjat

Administrateur de www.nouvellegrille.info

Remerciements :

Sites dédiés à Henri Laborit :

Vidéos, audios et autres nombreuses ressources  à consulter  sur ces sites

Livres d’Henri Laborit (entre autres) :

Livres sur Henri Laborit :

Film : Mon Oncle d’Amérique (Alain Resnais, 1980)

 

Source: http://www.les-crises.fr/henri-laborit-aurait-eu-100-ans-plaidoyer-pour-une-relecture-de-son-oeuvre-par-david-batejat/


Revue de presse internationale du 23/11/2014

Sunday 23 November 2014 at 00:01

La revue de presse internationale du dimanche. Bonne lecture !

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-du-23-11-2014/


[Vidéo] Une nouvelle crise financière nous pend au nez, par Jean-Michel Naulot

Saturday 22 November 2014 at 03:00

Vidéo du 11/11/2014

Source: http://www.les-crises.fr/video-une-nouvelle-crise-financiere-nous-pend-au-nez-par-jean-michel-naulot/


[Reprises] Le Colonel Schneider et le général exilé

Saturday 22 November 2014 at 02:20

Un regard intéressant – à prendre comme toujours avec recul et esprit critique…

Une nouvelle insolite m’a récemment incitée à réfléchir une fois de plus à l’histoire de la prétendue mission de l’OCDE [en Ukraine] au mois d’avril dernier : un général allemand a été nommé chef d’État-major de l’armée US en Europe.

Le général Markus Laubenthal, ancien commandant de la 12ème brigade blindée d'Amberg, Bavière, est depuis le 29 août 2014 chef d'État-major de l'US Army Europe (USAREUR)

Comment en suis-je venue à faire un lien entre les deux? Eh bien, ledit général était auparavant chef d’État-major des troupes allemandes en Afghanistan et vient des divisions blindées. Et un autre personnage avait lui aussi servi dans l’État-major du commandement afghan et les blindés : justement Axel Schneider, le colonel allemand, qui a été fait prisonnier fin avril à Slaviansk.

Récapitulons toute l’affaire : à l’époque il a été dit qu’une troupe d’observateurs de l’OCDE sous commandement allemand avait été faite prisonnière le 25 avril à un barrage de la milice à Slaviansk. Deux jours après ces personnes ont donné une conférence de presse. Au bout d’une semaine de négociations, elles ont été libérées.

La conférence de presse à Slaviansk le 27 avril 2014

Cette histoire comportait cependant quelques points bizarres. Tout d’abord il ne s’agissait pas d’observateurs de l’OCDE. C’est l’OCDE elle-même qui l’avait déclaré, dès le 25 avril. Et de fait le colonel Schneider, qui commandait la mission, avait déclaré le 23 avril sur la Bayrische Rundfunk (Radio bavaroise) que sa tâche consistait à vérifier les capacités d’intervention de l’armée ukrainienne. Ce qui faisait plutôt penser à du conseil militaire.

Officiellement cette mission s’inscrivait dans le cadre du document de Vienne sur le contrôle des armements et l’instauration d’un climat de confiance [adopté en 1990 par les 57 États-membres de l'OSCE et fortement remanié en 2011, NdT]. Schneider officie au Centre pour les tâches de vérification de la Bundeswehr (ZVBw) qui emploie au total 140 personnes, et où il est chef de section de ce genre de missions ; le directeur du Centre est le général de brigade Jürgen Beyer. Ce dernier commandait auparavant la Centrale de renseignement de la Bundeswehr, destiné par la Bundeswehr à devenir son propre service de renseignements, mais qui a été dissouteen 2007, ses tâches étant transférées au BND (Bundesnachrichtendienst, le SDECE allemand). Au sein du ZVBw on trouve, selon la Süddeutsche Zeitung, une « filiale » du BND. Axel Schneider , « l’otage » de Slaviansk , avant d’être muté au ZVBw, était colonel de l’État-major en Afghanistan où il était chargé, d’après un article paru dans la revue suisse ASMZ, du renseignement militaire: une activité que l’on peut qualifier de proche des services secrets. Ajoutons que le seul supérieur de Schneider, dans son nouveau poste, est le général de brigade Beyer ; il semble peu probable qu’il soit allé en Ukraine pour compter les blindés de l’armée.

Le groupe fait prisonnier à Slaviansk se composait de quatre Allemands, un Polonais, un Tchèque, un Suédois, un Danois, et cinq officiers ukrainiens. D’après un article du Neues Deutschland, ils étaient accompagnés de véhicules de la police. Et pourtant cette troupe est allée droit dans un barrage routier à 4 km de Slaviansk, bien qu’ils aient été en possession d’une carte des barrages. Et tous les membres du groupe étaient en civil.

À l’époque la situation à Slaviansk n’était rien moins que détendue, même si rien n’indiquait de quelle férocité les Ukrainiens se montreraient capables. Le massacre d’Odessa n’avait pas encore eu lieu. Les premiers ballons d’essai de la junte pour lancer les unités spéciales de la police, les « Alpha », à l’assaut de la ville s’étaient heurtés à un refus de celles-ci. Tous les jours des escarmouches se produisaient aux barrages, à Izioum on avait déjà rassemblé des moyens considérables en hommes et en matériel, à Slaviansk des intrus isolés membres du Secteur Droit avaient été fait prisonniers. Les hélicoptères des milices avaient effectué des sorties et le 25 à Kramatorsk un hélicoptère ukrainien avait été abattu. La veille, des avions de l’armée ukrainienne avaient largué sur Slaviansk des tracts expliquant à la population comment se comporter en cas d’assaut sur la ville. Les jours suivants on redouta en permanence cet assaut. Vu de loin, on aurait pu à juste titre s’attendre ce que les choses tournent autrement lorsque le prétendu groupe de l’OCDE tomba sur les milices au barrage.

À peine la première nouvelle de l’arrestation du groupe fut-elle apparue sur les écrans que déjà les médias allemands déversaient un flot démesuré de propagande. Ces « terroristes capables du pire » avaient pris des « otages » dont plusieurs Allemands. La conférence de presse du 27 avril où ils avaient été présentés, « tait un “véritable show” » ; Vyacheslav Ponomarev, le maire de Slaviansk, fut décrit sous les traits d’un demi-fou sanguinaire, dont on pouvait attendre n’importe quoi. Les « observateurs de l’OCDE », des gens au-dessus de tout soupçon, étaient en si grand danger qu’il fallait songer à envoyer les troupes du KSK (Unité de forces spéciales de la Bundeswehr).

Le Bild du 29 avril : « Le KSK va-t-il libérer les otages ? »

Ce fut cette conférence de presse qui me troubla. Très exactement l’attitude physique de Schneider, qui durant toute la conférence a semblé extrêmement tendu ; il se tenait raide comme s’il avait avalé une canne. Graham Philips a enregistré la conférence dans son intégralité ; tout le monde peut la visionnersur Youtube (voir ici) et s’en faire une idée. Ceux qui l’entourent ont tous l’air plutôt détendu, y compris les autres membres du groupe. On peut les comprendre ; en définitive la présence des nombreuses caméras crée un espace sécurisé, non violent, où ils ont davantage le contrôle de leur situation que les jours précédents. Pourquoi Schneider avait-il un comportement à part ?

J’ai pensé à deux états d’âmepouvant engendrer cette attitude ; l’une : la panique, l’autre : la fureur contenue. J’ai écarté la panique (de façon un peu précipitée, je sais) ; elle me semblait invraisemblable parce que je pensais que sa profession l’avait habitué à des situations dangereuses, et qu’en outre (voir plus haut) il ne courait effectivement aucun danger immédiat. Restait donc la fureur. Mais contre quoi ? Et pourquoi pendant la conférence de presse ? Le moment et le lieu excluaient qu’elle soit dirigée contre les gens de Slaviansk. En conséquence elle était dirigée contre la presse. La colère de Schneider s’adressait à l’Allemagne.

Revenons une fois de plus sur le moment même de l’arrestation. Un petit détail revêt une grande importance : tous les membres du groupe étaient en civil. Or si nous admettons que toutes les personnes impliquées considèrent qu’à cet instant l’on est déjà en guerre (nous savons bien que le numéro de la lutte contre le terrorisme est un petit jeu destiné au FMI), la présence de militaires sur la ligne de front ou en territoire ennemi a de très lourdes conséquences. Selon le droit de la guerre, il s’agit alors d’espions, même si on ne peut prouver à ce moment précis qu’ils se livrent à une activité d’espionnage. Les juger et les fusiller ne constitue pas un crime de guerre. Cela fait partie des connaissances de base de tous les membres de la Bundeswehr. Il est probable que Schneider, qui avait fait du renseignement, n’avait pas oublié cette règle. Il serait invraisemblable qu’il ait changé de tenue seulement parce qu’il faisait beau. En définitive, le document de Vienne lui-même précise que les missions doivent être accomplies en uniforme. Il est probable que quelqu’un lui a suggéré ainsi qu’à tout le groupe de se mettre en civil pour une raison quelconque. Si c’était le cas, on les a envoyés sciemment dans un piège sans doute mortel. Ce qui expliquerait sa colère.

Ponomarev, toujours présenté par la télévision allemande comme le maire « autoproclamé » de Slaviansk

Cet aspect juridique explique aussi pourquoi Ponomarev a parlé au début de « prisonniers », mais ensuite d’hôtes. Les médias allemands ont présenté cette dénomination comme une façon de se moquer des « otages » ; or en fait Ponomarev délivrait un message : nous savons ce que nous serions en droit defaire. Et nous vous informons que nous le savons, mais que nous ne le ferons pas. L’accent mis sur la parole d’honneur au cours de la conférence de presse renforçait encore ce message. Derrière cette forme de communication, nettement trop subtile au moins pour la presse allemande on peut supputer la main d’Igor Strelkov [alors chef des forces d'autodéfense du Donbass, accusé par Kiev d'être un agent actif du GRU, le service de renseignements militaires russe, entretemps disparu de la scène, NdT]. Schneider savait en tout cas qu’on l’avait jeté dans la gueule du loup. Lui et tous les autres membres du groupe. Il devait aussi être bien conscient que son apparition en public était la seule chose à même de le sécuriser ; c’est seulement à ce prix qu’il devenait impossible de les tuer lors d’une attaque lancée contre la ville et de déclarer ensuite qu’ils avaient été assassinés par les « séparatistes ». Et en déclarant que cette conférence de presse avait été demandée par ses « hôtes », Ponomarev devait dire la vérité.

Schneider, accueilli à son retour de « captivité » par la ministre de la Défense Ursula von der Leyen

Trois indices étayent cette théorie. Le premier, c’est que l’on aurait tiré sur la voiture qui emportait les « observateurs » vers la liberté sur le trajet convenu en territoire ukrainien (je pars du principe qu’ils étaient de toute façon dans un autre voiture empruntant une autre route). Le deuxième, c’est le curieux silence qui s’est abattu dès que l’affaire a été terminée. Que la presse n’ait pas davantage exploré les coulisses de l’événement n’est pas étonnant. Mais qu’on ait aussitôt cessé de l’utiliser à des fins de propagande, que le colonel Schneider n’ait pas été promené de talk-show en talk-show pour y discourir sur les affreux « séparatistes », voilà qui est plus surprenant. Une si magnifique occasion de jeter de l’huile sur le feu, d’habitude, ça ne se rate pas.

Le troisième indice, c’est le seul cas où les médias allemands ont effectivement rompu le blocus de l’information. Début mai, est sortie une information selon laquelle le BND faisait état de la présence de mercenaires US en Ukraine. Cette information est malheureusement restée sans suite. Ce n’était donc pas une tentative sérieuse de changer de cap. Mais ce pourrait être un petit signal indiquant que quelque chose clochait. Comme le ZVBw est en relation étroite avec le BND, on peut envisager que cette nouvelle soit en lien avec l’affaire de « l’OCDE ». Le but de toute la manœuvre semble avoir été d’impliquer directement et aussi vite que possible l’Allemagne dans le conflit. Vu la manière dont les évènements réels ont été exploités, on peut s’imaginer ce qui se serait passé si les « observateurs de l’OCDE » avaient été fusillés, ce qui était sans doute le plan prévu. Le tabloïd Bild aurait sûrement hurlé à la vengeance en première page, en termes dignes des âges farouches et exigé une attaque immédiate sur Moscou.

Pourtant un jour quelqu’un, dans le vaste paysage médiatique allemand, aurait bien dû demander : qui a pu faire en sorte que ce groupe soit en civil ?

Ce qui suit est pure spéculation. D’accord, ce qui précède interprète les évènements comme une sorte « d’opération sous faux pavillon ». Mais c’était encore fort vraisemblable. Maintenant nous nous aventurons dans des sables mouvants. Mais cette version explique de manière logique deux étranges histoires d’un seul coup (et bien sûr je dis ça pour ne pas risquer de suites judiciaires, car finalement il est ici question de graves délits).

Qui aurait pu faire en sorte que le groupe soit en civil ? On peut sans doute exclure que l’ordre ait été donné directement. Bien sûr je ne connais pas l’armée, mais je connais bien l’administration publique, et elle exige que toute consigne soit expressément documentée. Je pars du principe qu’il en va de même pour les ordres militaires, surtout quand ils constituent une infraction aux règles en vigueur. Il est donc peu probable que le supérieur direct du colonel Schneider lui ait donné l’ordre de se promener en civil.

Il est assez peu probable qu’une telle idée de ce type ait pu être agréée, si elle avait été suggérée par les officiers ukrainiens ou leurs supérieurs. Finalement c’est Schneider qui commandait la mission et les officiers allemands ne sont franchement pas incapables d’attitudes colonialistes. La suggestion d’un Allemand, sous forme d’un conseil amical venant de milieux bien informés, avait les plus grandes chances d’être acceptée. Le personnel militaire ayant tendance à se regrouper également sur le plan privé par rang hiérarchique et armes, le candidat idéal pour transmettre ce conseil amical aurait été un officier des blindés, un grade ou tout au plus deux au-dessus de Schneider et entretenant avec lui des relations amicales (si tel est le cas, cette amitié doit maintenant appartenir au passé). Au-dessus des colonels, il n’y a que les généraux, et comme leur nombre dans la Bundeswehr ne dépasse pas les 200, on a vite fait le tour des candidats potentiels.

Et maintenant passons à la deuxième histoire étrange. Le nouveau général allemand dans l’État-major de l’armée US en Europe vient des blindés et son grade est immédiatement supérieur à celui de Schneider- toutefois depuis deux ans seulement.

Nous l’avons dit : il s’agit là de pures spéculations. Je n’ai aucun moyen de vérifier que Schneider et Laubenthal se soient jamais rencontrés. Il est simplement troublant qu’une personne dont le profil répond le mieux à celui de « l’homme qui a tendu le piège » se retrouve à un poste qui pourrait être la conséquence de cette action (cette mutation étant somme toute assez insolite pour avoir soulevé quelque indignation aux USA).

Admettons qu’il existe un personnage X, qui a donné ce coup de téléphone prétendument amical. Nous avons alors deux possibilités : ou cet appel - et donc toute la manœuvre - était connu et approuvé par une partiedu gouvernement allemand, ou il était télécommandé par une puissance étrangère. Dans le dernier cas, on pourrait tranquillement supposer que notre X aurait connu une fin rapide et discrète, même si l’idée émanait d’une puissance amie. Nous parlons après tout d’une chose qui correspondrait parfaitement au §80 du Codé pénal, préparation d’une guerre d’agression, et en plus par le biais d’une conjuration, et donc d’une organisation terroriste (dès que plus de deux personnes sont impliquées) et par suite d’une trahison d’envergure conséquente. Ou bien ça déclenche une crise au niveau de l’État ou bien on passe discrètement l’éponge.

Or qu’en serait-il, si cette seconde version était la bonne ? Si donc il s’agissait d’une conjuration où sont impliqués des membres du gouvernement et où notre X n’a été que l’exécuteur ? Notre X est alors bien difficile à manier. S’il faisait partie de la Bundeswehr (ce qui est pour le moins logique), il est exclu qu’il y reste. Toute cette histoire est somme toute fort peu édifiante et ne devrait pas vraiment accroître la confiance mutuelle au sein des gradés de haut rang. Parallèlement la solution qui serait de mise dans le deuxième cas est dans celui-ci pour le moins malavisée. Qui peut savoir si notre X n’a pas déposé quelque part une assurance-vie comportant tous les détails, peu ragoûtants, de l’histoire? Et comment conserver le minimum de confiance mutuelle requis pour exécuter de telles manœuvres ?

La solution idéale serait une mutation à un poste en-dehors de la Bundeswehr. Par exemple : dans l’État-major de l’armée US en Europe.

Je l’ai dit : c’est une spéculation. Et normalement il existe des instances étatiques qui devraient se consacrer à de telles questions dès qu’elles prêtent à suppositions. À dire vrai, la question décisive, restée sans réponseque pose l’ensemble de l’affaire des « observateurs de l’OCDE » relève des services du procureur fédéral allemand. Mais nous savons, au moins depuis l’affaire du NSU, que d’éventuelles manœuvres anticonstitutionnellesau sein de l’appareil d’État ne sont pas poursuivies. Il s’agissait alors de fonds publics alloués volontairement par les services secrets à des néo-nazis pour leur permettre d’édifier leurs structures. Malgré l’instauration de nombreuses commissions d’enquête, cette affaire n’a jamais été traitée comme elle l’aurait dû. Dans le cas présent il pourrait s’agir d’une conspiration contre la Constitution émanant du gouvernement,qui ne sera jamais poursuivie.

Des rapprochements avec la République de Weimar ne sauraient être que pertinents.

Matériel utilisé


 

Source : Dagmar HENN, Tlaxcala, 10/10/2014 – traduit par Michèle Mialane.

Source: http://www.les-crises.fr/le-colonel-schneider-et-le-general-exile/


[Reprise] Ukraine : qui nous défendra à notre tour ?, par Danielle Bleitrach

Saturday 22 November 2014 at 01:43

Quelques billets du blog Histoire et Société de la sociologue Danielle Bleitrach (communiste), qui voyage sur place en ce moment. (félicitations pour le boulot réalisé au passage !)


Qui nous défendra à notre tour ?

Jeune femme brandissant un portrait de Stepan Bandera.

Est-il possible déjà de tirer certains enseignements de ce que nous voyons dans cette malheureuse Ukraine ? D’abord un état des lieux, le pays est en proie non seulement à la guerre civile, à la crise économique sociale, mais aussi à la peur face à d’inquiétantes figures. Comment vous dire à quel point cela est palpable ici à Odessa qui parait si tranquille ?… On le sent dans le silence des habitants : ce chauffeur de taxi qui se tait ou répond « ça va… (un silence) si on peut dire » et dont on ne peut pas tirer un mot de plus… La ville entière paraît en pleine torpeur tandis que des jeunes gens, de la racaille, roulent les mécaniques, fixent des regards qui se baissent… Dans cette ville célèbre pour son impertinence… Le soir, dans la nuit des bandes de fêtards, on entend mal et on devine leur cri : « pour notre victoire ! » et ils sautent…

Le fait que des partis fascistes n’aient pas obtenu des voix en masse signifie comme l’abstention un désaveu, mais toutes les listes présentées comme démocratiques, c’est-à-dire « pro-occidentales », ont en tête, éligibles, des fascistes. Parmi les plus excités, il y a des « héros » de la répression dans le Donbass. Et surtout, les fascistes sont devenus partout les auxiliaires zélés de la politique des oligarques qui ont le pouvoir « à fiction démocratique ». Le bilan du Maïdan tient en ce résultat électoral : sur 250 anciens députés de la Rada, 200 ont été réélus, en revanche ont été exclus les communistes et ceux qui tentaient de combattre le FMI, l’OTAN… Voilà pour la Révolution… Et au quotidien, c’est cette enseignante que ses élèves interrogent sur le Donbass et qui le lendemain est renvoyée sur dénonciation de l’un d’entre eux… La « lustration », la purge, cette liste que l’on sait établie mais qui n’est pas encore diffusée… Ces mères qui ne peuvent obtenir justice et dont nous avons déjà parlé… Cette inquiétude devant ces adolescents, quand un peuple a peur de sa jeunesse…

Ce communiste sans parti nous dit: « c’est de notre faute, nous n’avons rien dit quand on nous a imposé la fin de l’Union Soviétique, puis nous n’avons rien dit quand il y a eu l’attaque contre la Yougoslavie, qui aujourd’hui va descendre dans la rue pour nous défendre ? » L’envie nous prend alors d’interpeller les communistes français, les antifascistes et ceux qui plus largement ont une autre vision de la France, de notre rôle dans le monde : qui nous défendra à notre tour ?

Trois pistes de réflexion s’imposent.

1. La responsabilité de notre gouvernement et de l’UE

Il y a un fait incontournable, la responsabilité du gouvernement français comme de l’UE dans l’ouverture de cette crise ukrainienne. Incontournable l’appui à un coup d’État, qui n’a pas été toléré par la moitié de la population et a déclenché tous les autres événements, depuis le référendum d’indépendance de la Crimée et le choix du rattachement à la Russie jusqu’à la guerre civile dans le Donbass et le massacre d’Odessa. Une intervention de l’Europe, longtemps préparée en sous main par les États-Unis qui ont installé leur procurateur en la personne de madame Nuland et pour qui les dirigeants actuels ne sont que des marionnettes. Des ingérences qui ne se sont traduites par rien d’autre que des milliers de victimes civiles et une crise de plus en plus profonde pour la population. On peut accuser Poutine d’intervention, il reste encore à en faire la preuve, alors que celle des États-Unis ne se cache pas.

Ce déni du droit auquel nos gouvernants ont participé n’est pas simplement manifestation de leur incompétence criminelle, mais il a aussi des causes structurelles. Il faut les chercher dans ce qu’est l’UE et la manière dont désormais la France est ligotée à cette réalité institutionnelle.Il faut les chercher dans l’évolution de l’intervention des États-Unis et de ses alliés depuis les années 1990.Encore accélérée par la crise de 2008, qui a engendré une fièvre mercantiliste concurrentielle avec une raréfaction de la demande qui aujourd’hui tend vers la déflation.

L’analyse léniniste de « l’impérialisme stade suprême du capitalisme » n’est pas dépassée même si des événements nombreux sont intervenus et si il y a eu avec la financiarisation des monopoles une transformation de l’impérialisme. Depuis la première grande boucherie européenne et mondialisée, il y a toujours la même concurrence inter-monopoliste à l’échelle mondiale avec la guerre devenue structurelle dans l’accumulation capitaliste autant que dans le mode d’expression des concurrences inter-capitalistes et dans la forme de tentative de maintien des rapports d’exploitation. L’étape de 2008 et les choix d’austérité, d’exaspération concurrentielle face à la raréfaction de la demande a porté à son plus haut niveau cette dimension structurelle de la concurrence intermonopoliste, de la guerre et de la répression des peuples.

La création d’institutions chargées d’assurer la pérennité de ce système au lendemain de la deuxième guerre mondiale a représenté une sorte d’équilibre, baptisé celui de la terreur à cause du nucléaire, l’hégémonie des monopoles subsistait mais était obligée de tenir compte de l’existence d’un camp socialiste et de sa capacité de riposte. La Russie continue d’ailleurs plus ou moins à être de ce fait suspecte d’entretenir ledit équilibre alors même que monte le challenge économique de la Chine et des BRICS. L’Ukraine n’ intéresse les monopoles occidentaux, le complexe industrialo-militaire que comme une marche vers cet affrontement-là.

Avec l’effondrement de l’URSS, alors que demeure d’un côté l’obstacle nucléaire, et que le challenge concurrentiel économique monte avec la Chine, de l’autre côté, le système institutionnel de négociation international, le droit international lui-même, a perdu sa relative stabilité antérieure. Une ivresse de toute puissance semble s’être emparée des monopoles, brisant toute résistance au pillage sur leur passage, a succédé à cette période de relatif équilibre. Comme d’ailleurs la même fièvre les a gagné en matière d’exploitation de la force de travail comme de l’environnement, le caractère sénile et destructeur du capital s’accroit.

L’Europe colonialiste sortie exsangue de la première et deuxième guerre mondiale s’était placée dans le sillage de son rejeton sanglant les États-Unis, qui lui avait bénéficié des guerres. Elle a poursuivi l’allégeance à la chute de l’Union Soviétique. Non parce que les Européens avaient des craintes face aux ennemis caricaturaux – il s’agissait de puissances secondaires, de « terroristes » relevant d’opération de simple police, créatures occidentales et de leurs alliés, mais pour lesquelles était créées des coalitions sous l’hégémonie des États-Unis. L’allégeance n’était donc plus une protection mais parce que l’UE ne pouvait exister autrement qu’en tant que participant à l’impérialisme américain et ses institutions de régulation, le FMI, la banque mondiale, le dollar autant que la puissance militaire à laquelle elle a été annexée. Avec une triple dimension, économique – une politique monétariste régulée par l’austérité – un militarisme qui réclamait la guerre et une mise en concurrence des forces de travail sous la pression des délocalisations et des forces de travail des ex-pays colonisés, puis celle des pays de l’ex-Union soviétique.

Il y a eu une sorte d’illusion gorbatchévienne, qui s’est poursuivie longtemps dans l’ex-Union soviétique et singulièrement en Russie sur la possibilité d’une entente, illusion dont le dernier avatar a été l’idée que l’occident hégémonique accepterait un monde multipolaire, l’Ukraine a fait tomber les masques et montré à quel point la guerre était consubstantielle à ce stade du capitalisme, avec des concurrences n’autorisant aucun développement.

On ne comprend rien à la résurgence du fascisme en Europe si on ne le relie pas à ces caractéristiques capitalistes et impérialistes de l’Europe, pas plus d’ailleurs qu’à l’utilisation de ces forces fascistes comme prétexte à la guerre dans d’autres lieux, l’exemple type étant le Moyen-orient. Le fascisme sert à empêcher par la peur les protestations du monde du travail, les revendications à la souveraineté, le contrôle populaire sur les ressources autant qu’à donner des aliments à la guerre indispensable au profit. C’est ce que vit la malheureuse Ukraine.

Face à ce caractère destructeur , sénile de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme à son stade monopoliste financiarisé, il y a donc l’ébranlement des institutions internationales nées de la seconde guerre mondiale, avec le fait que la disparition du contrepoids que constituait l’Union Soviétique a rompu les digues de la négociation, du compromis. La brutalité du plus fort, d’un monde sans loi est devenu la règle comme l’ont prouvé un certain nombre d’interventions depuis 1991.

Incontestablement l’ingérence de notre gouvernement et de l’UE en Ukraine pour y soutenir les seuls intérêts de l’OTAN et des États-Unis, relève de ces déséquilibres structurels dans lesquels il n’y a plus aucun respect du droit. Mais pour la première c’est avec un cynisme total en Europe et directement avec la Russie en ligne de mire. Il faut donc bien comprendre ce que nos gouvernants cherchent et savoir intervenir en particulier sur la question essentielle de la paix.

Au-delà de la responsabilité en Ukraine, cela devrait nous inciter à une réflexion en profondeur sur la manière dont le France intervient dans ces institutions internationales avec comme but la recherche de la souveraineté du peuple français sur les dites institutions en faveur de la paix, de la justice et de l’élaboration d’un droit démocratique.

2. La remise en cause des droits de l’Homme

Cette crise du mode de production et l’ébranlement des institutions nées de la seconde guerre mondiale ont également leur dimension morale et individuelle autant qu’environnementale. L’Ukraine est l’illustration la plus caractéristique de ce qui est apparu à la chute de l’Union Soviétique. Face aux appétits déchaînés et sans frein de la classe capitaliste et de toutes les formes de pillage, de corruption qu’elle engendre dans son sillage, la crise profonde des institutions internationales et du droit s’accompagne d’une remise en cause des bases mêmes de ce que l’on peut considérer comme les droits de l’homme dans leur aspect le plus universel.

Ce dont a témoigné et ce dont témoigne la situation ukrainienne, en particulier le répression terrible, le génocide dans le Donbass et les événements du 2 mai à Odessa, c’est à quel point il y a un deux poids deux mesures à partir du moment où les intérêts monopolistes et occidentaux sont menacés ou au contraire préservés.

Nous avions l’habitude d’une partialité de nos médias, de nos «élites » en matière de traitement de l’information et des faits, qu’il s’agisse du Moyen orient, de l’Amérique latine, de l’Asie, de l’Afrique, et dans nos pays, la partialité dans le traitement des faits était la règle, mais là nous avons eu droit à un véritable négationnisme, à l’omerta, le silence sur les faits eux-mêmes pour transformer le mal en bien et vice versa. Jamais nous n’avons assisté à une telle manière de justifier le fascisme, de le présenter sous la figure de la démocratie.

Ce qui surgit là à travers ce deux poids deux mesures, ce silence en appui de génocide c’est une conception de l’humanité avec des droits différents, la reconnaissance d’un surhomme, l’allié de l’occident et le sous-homme, le « pro-russe » ou défini comme tel.
Les complicités dans une telle vision sont nombreuses dans notre pays, comment s’étonner de l’emprise du fascisme quand on utilise les droits de l’homme pour une telle remise en cause de ce qui les fonde.

3. Le rôle des partis communistes

Il est frappant de constater qu’au moment où l’on aurait le plus besoin de partis communistes, ceux-ci sont entrés partout et en particulier en France dans une crise profonde faute peut-être d’avoir su repenser à temps la nouveauté de la situation née de la chute de l’Union soviétique. À titre de piste de réflexion, je voudrais suggérer ces quelques idées.

Non seulement l’analyse faite par les communistes eux-mêmes de l’Union Soviétique et de ce qu’elle avait représentée réellement pour les peuples a été évacuée et on s’est contenté de l’analyse de la bourgeoisie, mais encore la stratégie des communistes n’a pas été repensée.

Ainsi le parti communiste français avait élaboré sa stratégie de passage pacifique au socialisme sous la guerre froide. D’un côté, il y avait encore l’équilibre représenté par l’existence d’un camp socialiste, un point d’appui pour penser une stratégie pacifique. Mais dans le même temps, la déstalinisation, accomplie dans de mauvaises conditions idéologiques et politiques, avait encouragé une vision du rassemblement qui nous soumettait à terme à la social démocratie. A débuté alors le primat de l’alliance sur les contenus du rassemblement et ce défaut s’est encore trouvé aggravé quand il y a eu l’effondrement de l’URSS.

La stratégie de passage pacifique au socialisme n’a pas été revue et au contraire ont été privilégiées les alliances et les positions dans les institutions alors que celles-ci faisaient de plus en plus la preuve de leur inadaptation à permettre l’expression des intérêts populaires. De surcroît sans parti communiste capable de vraiment ancrer à gauche ladite gauche, celle-ci n’a manqué de dériver vers le capital et au niveau international en appui d’une adhésion à l’UE et à l’atlantisme.

Le miracle, qu’il s’agisse des ex-pays soviétiques comme des partis communistes occidentaux, a été de se maintenir dans un état de plus en plus faible, de moins en moins crédible dans une telle situation d’absence de stratégie, autant que d’organisations aptes à favoriser l’intervention populaire.

La réflexion de Simonenko, le secrétaire du parti communiste d’Ukraine dont on ne peut qu’admirer le courage, témoigne d’une prise de conscience importante. Au lendemain des élections où il n’a plus été représenté à la Rada, à la fois parce que ses bases traditionnelles avaient soit rejoint la Russie comme pour la Crimée, étaient en guerre civile comme le Donbass ou s’étaient refugiées dans l’abstention comme Odessa, il a déclaré : « »j’ai un grand plaisir à me réinvestir à plein temps dans la vie du Parti. Avant je devais diviser mon temps en deux, la première moitié de ma journée je la consacrait aux activités parlementaires, et l’après-midi aux affaires du parti. Par conséquent, je vais avoir beaucoup plus de temps pour organiser le travail du Parti ».

« Nous allons maintenant rencontrer le peuple. Le potentiel du Parti est resté, et nous pourrons l’engager renforcer nos idées auprès des citoyens d’Ukraine » conclu Petro Simonenko.

S’il n’est pas question de sous-estimer le rôle des élus, en particulier dans la défense des populations qui en ont plus que jamais besoin, cette prise de conscience de la coupure qui a tendu à se développer entre les partis communistes et les populations menacées par la crise et le fascisme nous parait essentielle non seulement pour l’Ukraine mais pour la France.

Danielle Bleitrach


De la désinformation et des pseudos défenseurs des droits de l’homme

En illustration de ce que nous avancions dans le précédent article « Qui nous défendra » sur le dévoiement des droits de l’homme pour mieux instituer un deux poids deux mesures entre êtres humains et appréciation des crimes contre l’humanité, voici encore une autre démonstration. Elle témoigne de la façon dont certaines organisations officiellement de défense des droits de l’homme sont en fait à la solde de l’impérialisme américain. Dans la première image un appel pour protester contre la politique répressive de M. Poutine est accompagné d’une image représentant une femme désespérée près d’un cordon de policiers. La combinaison de l’image au message contre Poutine suggère que la photographie représentent une contrainte de la police de la Fédération de Russie. En fait, l’image a été prise à Odessa, à l’extérieur du Palais des syndicats, brûlé par les Nazis à Kiev, et la police représentée dans le tableau est de la police d’Ukraine.

Désinformation : une photo, deux commentaires.

Danielle Bleitrach


Qu’est-ce qui permet de dire qu’il y a fascisme en Ukraine aujourd’hui ?

Un groupe d’amis avec lequel nous avons eu une après-midi de discussion à Odessa, nous ont dit leur opinion sur « la démocratie » en Ukraine. L’un d’eux a pris la parole en premier pour nous décrire ce qui permettait de parler de la fascisation de l’Ukraine. Une situation dont ils ressentent particulièrement les effets dans le sud et l’est, mais dont les effets se font sentir dans toute l’Ukraine.

Le pouvoir en Ukraine aujourd’hui, selon lui, est représenté par une alliance entre oligarques et fascistes, il s’agit d’une dynamique en évolution. Pour le moment la force principale est celle des oligarques, mais le fascisme peut devenir la force dominante.

1) Le poids du fascisme dans la Rada nouvellement élue

Pour les élections à la rada, si l’on prend les partis que l’occident veut considérer comme démocratiques, puisque pro-occidentaux, il suffit de voir les personnages pour mesurer qu’il s’agit d’un simple toilettage des néo-nazis. Il y a le tout nouveau Front mal dit populaire, né d’une scission de « Patria », le parti de la blonde Timochenko, avec :

Et parmi le bureau militaire du nouveau parti, il y a plusieurs membres de haut rang des bataillons de défense territoriale de l’Ukraine, qui combattent dans la guerre du Donbass, sont membres du bureau militaire du parti. Il faut être clairs, ces bataillons jouent le rôle de la SS par rapport à la Werhmacht et à ce titre sont souvent considérés par l’armée régulière et par les conscrits comme des dangereux psychopathes. Par exemple, André Bilestski sur la liste du Front populaire est le leader des « patriotes d’Ukraine », il s’affirme nazi tout à fait ouvertement nazi. Patriote d’Ukraine (ukrainien : Патріо́т Украї́ни, translittération : Patriot Ukrayiny) est une organisation paramilitaire ukrainienne raciste et néonazie, qui est depuis 2005 sous la direction d’Andriy Belitsky. Il a été crée à l’origine à Lviv, par le parti social national d’Ukraine, sous la direction de Oleh Tyahnybok. L’organisation paramilitaire est officiellement dissoute le 14 février 2004, lorsque le parti social national d’Ukraine prend le nouveau nom d’Union panukrainienne « Liberté », également connu sous le nom de Svoboda. Si le parti a officiellement rompu ses liens avec ce groupe en 2007 en raison de divergences, ceux-ci restent informellement liés. Leurs actions de répression sont soutenues par le ministère des Affaires intérieures, il est sous-colonel dans les forces de police. Par ailleurs ont été élus des commandants des forces armées des bataillons répressifs, par exemple Youri BEREZA, commandant du bataillon Dnieprotsky, reconnu coupable de crimes de guerre dans le Donbass.

Si Svoboda a été éliminé sans doute parce que trop voyant au gré des maîtres américains, un nouveau parti politique est arrivé en troisième position. Il est mené par le maire en exercice de Lviv, Andriy Sadovyi. Il a été fondé le 29 décembre 2012 et se réclame d’une idéologie « de la moralité Chrétienne et du bon sens. » Ce qui ne mange pas de pain, mais on retrouve en deuxième position donc élu un personnage qu’Amnesty International a désigné et dont nous avons déjà parlé dans ce blog à plusieurs reprises y compris son voyage aux États-Unis pour se faire adouber : Semen Semenchenko. « Semenchenko » a établi le Bataillon Donbass parce que « Notre défense a besoin d’État et nous avons décidé que si l’armée ne pouvait pas le faire, nous devrions le faire nous-mêmes ». Il a été désigné par le Ministre des Affaires Interieures Arsen Avakov.

L’élimination des partis fascistes s’accompagne donc de l’élection de vrais néo-nazis qui ont fait leurs preuves dans la répression dans le Donbass et des dirigeants fascistes qui revendiquent l’idéologie nazie. Par ailleurs, les partis dits démocratiques au pouvoir utilisent très ouvertement et très activement les fascistes pour appliquer leur politique[1].

2) La stigmatisation des habitants de l’Est

Notre interlocuteur nous dit que l’idéologie nazie repose sur la définition de sous-hommes face à la race des seigneurs. Les gens de l’est et du sud-est sont décrits dans les médias comme des sous-hommes, on emploie pour les nommer des sobriquets, par exemple colorado. Doryphores à éliminer comme des nuisibles.

Et pour convaincre les gens de leur aspect nuisible, non humain, les crimes commis dans le Donbass par les bataillons fascistes sont attribués aux habitants insurgés. Quand on écoute la télévision ukrainienne ou qu’on lit la presse, pour rétablir l’information, il suffit de mettre à la place des « séparatistes », les forces armées ukrainiennes. Parfois on en arrive à des situations cocasses puisque les « séparatistes » ne cessent de se bombarder eux-mêmes. Ainsi pour les événements du 2 mai à Odessa, la version officielle est qu’il y a eu des bagarres lancées par des « séparatistes russes » contre d’innocents citoyens d’Odessa qui se seraient défendus et les séparatistes se seraient brûlés eux-mêmes avec leurs cocktails molotov.

Il faut criminaliser les gens du sud et du sud-est, en faire un corps étranger de criminels, alors qu’ils sont chez eux et qu’ils sont victimes souvent de gens venus d’une autre partie de l’Ukraine qui accomplissent contre eux des actes criminels.

3) Le maïdan : une révolution démocratique ?

On tente de bâtir une représentation de ce qui s’est passé au Maïdan à Kiev et de ses suites qui n’a rien à voir avec la réalité. Comment pourrait-il s’agir d’une révolution démocratique alors que le rôle déterminant a été joué par les éléments d’extrême-droite sous l’influence manifeste de puissances étrangères ?

Comment peut-on parler de révolution démocratique alors que cela s’est traduit par une répression totale de tous les droits en particulier pour les habitants du Sud-est ? Nous exigions seulement un référendum sur le fédéralisme, nous avons été taxés de « séparatisme » et à ce titre nous subissons la plus terrible des répressions. Même en ce moment où Porenchoko veut faire croire qu’il lâche du lest, il n’y a aucune réponse à la revendication fédéraliste, pas de mesures concrètes, aucun projet n’a été déposé. À Minsk a été arrachée une concession concernant une mesure limitée dans le temps. Et cette décision a été prise après des mois de combat sanglant et de destruction des bâtiments et des populations civiles. Mais ils ne font pas le geste de reconnaître les élections qui ont lieu dans le Donbass, c’est une manœuvre tactique. Pourtant la preuve est faite que cette affaire ne peut pas être résolue par la guerre.

Nous subissons en matière de lois un double standard. Ainsi à Odessa, nous avons fourni les photos de gens qui ont tué des hommes à terre, ils ont tous été libérés, alors que des gens qui ont été arrêtés le même jour et qui tentaient de se défendre sont encore en prison sans jugement.

Comment peut-on parler de démocratie quand il y a une telle inégalité des individus devant la loi en fonction non seulement de leurs opinions mais encore de leur origine ethnique ?

Comment peut-on parler de démocratie quand la presse est muselée, quand les journaux qui tentent de décrire simplement les faits subissent des répressions. Ici il y avait un journal influent, 2000, un hebdomadaire, il était très modéré, on l’a empêché de paraître durant un mois et demi. Il a été refusé à l’imprimerie. Vesti (les Nouvelles) dans son édition ukrainienne a subi par deux fois des perquisitions au mois d’août, à son siège et à l’imprimerie. Un autre journal qui lui soutenait la révolte dans l’Est et qui était issu du parti communiste ukrainien, « classe ouvrière », a été interdit. Des journalistes ont été chassés en mars, parce qu’à gauche, de la chaîne Academia d’Odessa, dès le début. Récemment un jeune blogueur Eugène Anokhine, 28 ans a été arrêté avec comme seule accusation d’avoir collaboré avec des gens arrêtés.

Il y a au-delà de ces exemples les plus voyants, la chasse aux sorcières. Le cas de cette enseignante dans un lycée qui sur demande de ses élèves parle du Donbass, et sur dénonciation de l’un d’entre eux qui a enregistré ses propos en cachette, est chassée.

À ce moment de l’exposé, d’autres intervenants racontent leur propre expérience d’étudiant ou d’enseignant. Il y a dans l’établissement un étudiant, un vrai malade, qui n’est même pas inscrit régulièrement mais dont tout le monde a peur parce qu’il fait partie de Pravy sektor. Ainsi le directeur de l’établissement a convoqué l’enseignant pour lui demander d’être prudent. Ces gens sont très dangereux, ils pratiquent la délation, frappent et sont des auxiliaires précieux de ceux qui veulent faire taire les Odessites. L’abstention dans la zone d’Odessa qui a été très importante avec le vote pour l’opposition (le parti communiste a fait environ 8 % même s’il s’agit quasiment d’un vote visible de tous dans les urnes transparentes vue la taille des bulletins) marque une résistance silencieuse à ce danger permanent. D’ailleurs Simonenko a déclaré hier 1er novembre à Minsk que selon leur décompte parallèle des voix, les communistes auraient dépassé la barre des 5 %.

Un des intervenants insiste sur le fait que tout le monde a peur mais que le désaccord existe, ainsi même dans l’armée il y a des refus. D’abord les appelés sont massivement contre la guerre, la guerre leur apparait injuste, ils refusent le fascisme bien qu’à cause de la propagande la plupart considèrent que la Russie est l’agresseur. Il y a un sentiment anti-guerre instinctif, totalement apolitique, c’est un simple « on ne veut pas de la guerre ! » Il y a des officiers pourtant patriotes. Et il cite le cas de cet officier qui a été le seul dans la Mer Noire qui a marché avec le drapeau ukrainien et celui de son régiment d’infanterie pour aller discuter et dire son désaccord. Il a aussi déclaré que si Pravy sektor attaquait des citoyens innocents, il les défendrait avec son bataillon d’infanterie de marine.

Est-ce qu’ils ont tué l’esprit d’Odessa, ce goût de la plaisanterie, cet air de liberté ? Hier nous sommes allées au marché central. Assises sur de petits bancs devant leur étal d’herbes, deux babouchkas, emmitouflées dans leurs hardes, les mains rouges de froid se sont interpellées, l’une a dit : « Tu te souviens du temps de l’union soviétique ? » Et l’autre en bonne élève du nouveau régime a répondu moqueuse : « je ne voudrais pas retourner en ce temps là !!! »

Danielle et Marianne

Marché d'Odessa.

[1] auquel il faut ajouter le cas extraordinaire de pravy sektor, si cette organisation réalise un score plus que médiocre de l’ordre de 2 %, son chef Dmitry Iarosch est élu sur une liste indépendante de la région de Dnipropetrovsk, où le gouverneur , l’oligarque iisraélo-chypriote-ukrainien Igor Kolomoïsky fait à peu près ce qu’il veut. Nous avons avec ce cas tout de même extraordinaire de « judéo-bandériste », l’exemple de la relation nouée entre oligarchie et extrême-droite néo-nazie.


Le camp de la « démocratie » occidentale se renforce

Des « démocrates »…


Les « camarades » de l’Union slave russe arrivent en Ukraine pour entrer dans le bataillon Azov y combattre les rebelles de la République populaire. Leur chef Dmitriy Dyomushkin annonce une marche à Kiev le 4 novembre, la « marche des Slaves ». Tout est convenu avec les autorités de Kiev qui se félicitent de ce soutien « démocratique » russe… Les organisateurs de la manifestation déclarent qu’ils ont négocié avec leur « frères » du bataillon Azov . L’Union slave a des positionnements anti-impérialiste, anti-communiste et « anti-Poutine »… Dans un article du Guardian de février 2009, intitulé Le pire cauchemar de Poutine, voici comment étaient présentés ces charmants individus :

Leur mission est de nettoyer la Russie de ses « occupants » ethniques, avec une position d’anti-immigrant soutenue par une bonne partie de la population. Et depuis 2004 les plus extrémistes ont assassiné plus de 350 personnes.

Le bataillon Azov a pour sa part été formé le 5 mai à l’initiative du député Oleh Liachko qui le finance en partie, et qui a été soutenu dès le départ par des organisateurs des manifestations de l’Euromaïdan de Kiev : Igor Mossiyitchouk (porte-parole de l’« assemblée sociale-populaire »), Igor Krivoroutchko (membre du conseil politique de l’organisation Pravy Sektor et dirigeant de l’« assemblée sociale-populaire »), Iaroslav Gontchar (un des organisateurs des manifestations d’Automaïdan en marge de l’Euromaïdan) qui vient d’être élu à la Rada dans un liste régionale de Dnipropetrovsk. Azov dont les insignes sont ceux des nazis, qui est financé par l’oligarque ukraino-chyprio-israélien Igor KolomoÏsky, gouverneur de Dnipropetrovsk, organisateur du massacre d’Odessa, et 2e ou 3e fortune du pays. Les premiers membres font partie des services d’ordre de ces différentes organisations, comme le groupuscule d’extrême-droite « Patriotes d’Ukraine » . Le vice-commandant du bataillon, Iaroslav Gontchar, reconnaît que le noyau des hommes est issu des services d’ordre (et de manifestants) de l’Euromaïdan depuis le 21 novembre 2013.

Le commandant Chpara déclare à la presse que ce bataillon « est formé de patriotes ukrainiens ayant déjà une expérience du combat de guerre ». Jusqu’au 18 mai, le bataillon n’a guère que 70 combattants au maximum, lorsqu’arrive à cette date un deuxième groupe d’environ cinquante hommes de 20 à 46 ans, venant de différentes régions d’Ukraine. Certains viennent du mouvement Bratstvo (« Fraternité »), mouvement de Dimitri Kortchinsky un grand nombre d’autres des « Patriotes d’Ukraine », et le reste sans dénomination politique. C’est le véritable départ des opérations.

Le 3 juin 2014, le bataillon intègre une quarantaine de volontaires entre 20 et 30 ans et son chiffre atteint déjà 250 combattants. Ils viennent de toute l’Ukraine et l’un d’eux est citoyen italien. Un noyau dur vient des ultras du stade dynamo de Kiev. On trouve aussi dans cette promotion quelques néofascistes de Suède, d’Italie, de France, mais aussi de Russie déjà, venus ensemble en train. Désormais c’est le gros de la troupe qu’ils rejoignent officiellement après que leur bataillon ait défilé à Kiev.

Ce bataillon est accusé d’actes monstrueux, et la plupart des charniers que l’on découvre dans les zones libérées du Donbass lui sont attribuées.

J’espère que nos médias occidentaux vont être satisfaits de voir que le camp de la démocratie de nos alliés de Kiev se renforce. Parce que le grand vainqueur des récentes élections, le très pro-États-Unis leader du « Front populaire » est l’homme de ces gens-là, celui d’une lutte jusqu’au bout contre le Donbass… L’allié du sanglant oligarque ukraino-chyprio-israélien Igor KolomoÏsky, l’ami de notre ignominie nationale Bernard-Henry Levy, qui a toujours soutenu ces gens-là et a même entraîné des « intellectuels » comme Jacques Weber dans une récente opération à Odessa autour de la promotion de son dernier spectacle dans cette ville martyrisée par ses amis néo-nazis, un spectacle qui, comble de dérision, tournait autour de l’intellectuel européen « engagé ».

Danielle Bleitrach


Sources : billets du blog Histoire et Société de la sociologue Danielle Bleitrach.

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-qui-nous-defendra-a-notre-tour/