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[Pétition] Soutien à la Wallonie contre le CETA + scandale en préparation

Wednesday 26 October 2016 at 00:55

Nous avons déjà parlé du CETA ce week-end.

Le parlement Wallon tient toujours courageusement tête à l’UE, demandant des avancées dans le traité :

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Je vous recommande l’excellent article sur ce sujet du grand Romaric Godin, sur le site de La Tribune.

Il est assez probable qu’il finisse par céder (cela reste des politiciens, et la pression est colossale) – il faudra alors voir ce qui aura été obtenu.

On passera ensuite à la ratification des 28 pays, ça va être drôle – surtout aux Pays-Bas avec le referendum d’initiative populaire…

En attendant, je reprends cet article très important, qui en dit long :

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CETA : selon Verhofstadt, l’Europe pourrait contourner le « non » wallon

Selon lui, le Conseil commerce du 11 novembre pourrait considérer le Ceta comme relevant de la compétence exclusive de l’UE.

Le chef de file des libéraux et démocrates au Parlement européen, Guy Verhofstadt (Open VLD/ADLE), a estimé mardi que le Conseil commerce du 11 novembre prochain pourrait revenir sur la proposition de la Commission européenne de faire du CETA un ’accord non-mixte’, pour le considérer comme relevant de la compétence exclusive de l’UE.

«Il est clair qu’il n’y aura pas de sommet avec le Canada le 27 octobre, c’est impossible. Soyons donc prêts dans les prochaines semaines avec l’accord de tous les parlements, tant nationaux que régionaux. (…) Si ce n’est pas le cas, il y a une autre piste», a commenté l’ancien Premier ministre belge au Parlement européen.

Le Conseil pourrait décider « facilement »
Si le blocage de la signature du traité par certaines entités fédérées belges persistait, Guy Verhofstadt pense que le Conseil pourrait «facilement» décider que le CETA est un accord purement européen. Cela constituerait une «très bonne décision» et un « pas en avant dans l’intégration européenne », selon le libéral.

«Ce que montre cette question du CETA, c’est que nous devons revenir à des négociations commerciales qui soient uniquement de compétence européenne», a-t-il ajouté.

C’est encore une très belle illustration : un “pas en avant dans l’intégration européenne”, c’est une zone de plus qui échappera au contrôle démocratique. Les représentants des oligarques négocient des accords au bénéfice des multinationales des oligarques, validées ensuite par les députés affidées aux oligarques. Normal.

D’ailleurs, l’information est bien sortie en Belgique, mais seule RT en a parlé en France le 25/10 :

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En attendant, un soutien populaire est important.

J’ai signé pour ma part cette pétition qui marche très fort :

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C’est ici :

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À suivre…

Source: http://www.les-crises.fr/petition-soutien-a-la-wallonie-contre-le-ceta/


Miscellanées du Mercredi (Berruyer, Delamarche, Barré, ScienceEtonnante, DataGueule)

Wednesday 26 October 2016 at 00:10

I. Olivier Berruyer

SMIC européen : vertueux ou aberrant ?

http://www.boursorama.com/actualites/smic-europeen-vertueux-ou-aberrant-af77c972bdb593a7cef6da8f22f88e54

II. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche : L’Europe n’est pas une démocratie – 24/10

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (1/2): Cac 40: Quid de cette convergence de bonnes nouvelles sur les marchés ? – 24/10

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-delamarche-vs-pierre-sabatier-12-cac-40-quid-de-cette-convergence-de-bonnes-nouvelles-sur-les-marches-2410-878901.html

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (2/2): CETA: La Wallonie bloque l’accord de libre-échange UE/Canada – 24/10

http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-delamarche-vs-pierre-sabatier-22-ceta-la-wallonie-bloque-l-accord-de-libre-echange-uecanada-2410-878903.html

III. Pierre-Emmanuel Barré

Le pays des gros – la drôle d’humeur de Pierre-Emmanuel Barré

IV. ScienceEtonnante

Les prix Nobel 2016 — A chaud #4

V. DataGueule

À qui profite le miel ? #DATAGUEULE 20


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Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-berruyer-delamarche-barre-scienceetonnante-datagueule/


[Vidéo] Ça se passe comme ça au Parlement ukrainien…

Tuesday 25 October 2016 at 01:59

Vous vous rappelez du nouveau Président du Parlement ukrainien (nommé Rada), Andry Parouby – qui a cofondé le parti néo-nazi Ukrainien en 1991 ?

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Le voici à l’oeuvre, dans une éloquente vidéo sur “la nouvelle Ukraine enfin démocratique”, sur les votes à la Rada (il y a 450 élus, il faut donc 226 voix pour un vote, l’opposition vient très peu) :

andryIl est donc clair qu’ils ont bien tout compris aux principes européens du vote sur l’Union européenne 🙂

Source: https://www.les-crises.fr/ca-se-passe-comme-ca-au-parlement-ukrainien/


Duterte aligne les Philippines avec la Chine, et dit que les États-Unis “ont perdu”, Reuters

Tuesday 25 October 2016 at 01:50

Encore un nouvel “ennemi” pour nos médias – celui-ci étant pour le coup vraiment moins sympa que Poutine…

Je rappelle que les Philippines (100 millions d’habitants, 12e pays mondial) ont été la principale colonie des États-Unis de 1898 à 1942.

Duterte aligne les Philippines avec la Chine, et dit que les États-Unis “ont perdu” – Reuters

Source : Ben Blanchard, Pékin, Reuters, 20/10/2016

Le président philippin Rodrigo Duterte a annoncé sa “séparation” avec les États-Unis ce jeudi, déclarant qu’il s’était réaligné avec la Chine étant donné que les deux pays ont convenu de régler leurs différends sur la mer de Chine méridionale par des pourparlers.

Duterte a fait ces commentaires à Pékin, où il était en visite avec au moins 200 hommes d’affaires pour ouvrir la voie à ce qu’il appelle une nouvelle alliance commerciale, alors que les relations d’alliance de longue date avec Washington se détériorent.

“À l’occasion de cette visite, j’annonce ma séparation avec les États-Unis,” a dit le présidente Duterte aux hommes d’affaires chinois et philippins, qui ont applaudi, lors d’un forum dans le Grand Hall du Peuple en présence du vice Premier ministre chinois Zhang Gaoli.

” À la fois au niveau militaire, peut-être pas au niveau social, et aussi au niveau économique. L’Amérique a perdu.”

Les efforts de Duterte pour se rapprocher de la Chine, des mois après qu’un tribunal de La Haye a jugé que Pékin ne disposait pas de droits historiques en mer de Chine méridionale, dans une affaire introduite par l’administration précédente à Manille, marque un renversement de la politique étrangère ; l’ancien maire de 71 ans a pris ses fonctions le 30 juin dernier.

Son secrétaire au commerce, Ramon Lopez, a déclaré que des partenariats commerciaux d’un montant 13,5 milliards $ seraient signés au cours de son voyage en Chine.

« Je me suis rallié à votre positionnement politique et peut-être que j’irai aussi en Russie pour parler à (Vladimir) Poutine et lui dire que nous sommes au moins trois contre le reste du monde – La Chine, les Philippines et la Russie -. C’est la seule issue, ” a dit Duterte à son auditoire à Pékin.

Quelques heures après le discours de Duterte, ses conseillers économiques ont publié une déclaration disant que, alors que l’intégration économique asiatique se faisait « attendre depuis longtemps », cela ne signifiait pas que les Philippines tournaient le dos à l’Occident.

« Nous allons maintenir des relations avec l’Occident, mais nous désirons une plus forte intégration avec nos voisins », ont déclaré le secrétaire des finances Carlos Dominguez et le secrétaire de la planification économique Ernesto Pernia dans une déclaration commune.

« Nous partageons la même culture et avons la meilleure compréhension de notre région. Les Philippines sont intégrés à l’ASEAN, comprenant la Chine, le Japon et la Corée du Sud.”

ACCUEIL AVEC TAPIS ROUGE

La Chine a mis le paquet pour la venue de Duterte, en faisant venir une fanfare lors de la cérémonie de vœux officiels à l’extérieur du Grand Hall du Peuple, ce qui n’est pas offert à tous les dirigeants.

Le président Xi Jinping, qui a rencontré Duterte tôt dans la journée, a appelé la visite une « grande étape » dans les relations entre les deux pays.

Xi a dit à Duterte que la Chine et les Philippines étaient frères et qu’ils pourraient “gérer de manière appropriée leurs différends”, mais il n’a pas mentionné la mer de Chine méridionale dans ses remarques faites devant les journalistes.

« J’espère que nous pourrons respecter les souhaits de la population et utiliser cette visite comme une occasion de construire des relations entre la Chine et les Philippines sur des bases amicales et améliorer entièrement les choses », a déclaré Xi.

Après leur rencontre, au cours de laquelle Duterte a précisé que les relations avec la Chine étaient entrées dans un nouveau « printemps », le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Liu Zhenmin a déclaré que la question de la mer de Chine méridionale ne représentait pas la totalité de leurs relations.

“Les deux parties se sont mises d’accord pour faire ce qu’elles ont convenu il y a cinq ans, à savoir poursuivre le dialogue et les échanges bilatéraux dans la recherche d’un règlement approprié sur la question de la mer de Chine méridionale”, a déclaré Liu.

La Chine réclame la majeure partie de la mer de Chine méridionale, riche en ressources énergétiques, à travers laquelle environ 5 milliards de dollars de marchandises passent chaque année. Ses voisins Brunei, la Malaisie, les Philippines, Taiwan et le Vietnam ont également des revendications sur cette zone.

En 2012, la Chine a saisi le contesté récif de Scarborough et refusé l’accès des pêcheurs Philippins à cette zone de pêche.

Liu a dit que le récif n’avait pas été mentionné. Il n’a pas répondu à une question qui demandait si les pêcheurs philippins y seraient autorisés. Il a dit que les deux pays avaient convenu de mettre en place une coopération entre les garde-côtes et sur les zones de pêche, mais n’a pas donné de détails.

LA DISPUTE MARITIME EST « MISE DE CÔTÉ ».

Le ton de Duterte envers Beijing contraste fortement avec les mots qu’il a utilisés contre les États-Unis, après avoir été exaspéré par la critique américaine dans sa sanglante guerre contre la drogue.

Il a traité le président américain Barack Obama de « fils de pute » et lui a dit d’« aller en enfer », tout en faisant allusion à la rupture de ses liens avec l’ancienne puissance coloniale.

Ce mercredi, sous les acclamations de centaines de Philippins à Pékin, Duterte a déclaré que la politique étrangère des Philippines se réorientait vers la Chine.

« Je n’irai plus en Amérique. Là-bas, nous serons juste insultés », a déclaré Duterte. “Il est donc temps de dire au revoir mon ami.”

Le même jour, environ 1 000 manifestants anti-américains se sont rassemblés devant l’ambassade des États-Unis à Manille demandant le retrait des troupes américaines de l’île méridionale de Mindanao.

Cependant, il est peu probable que le brusque basculement de Duterte de Washington vers Pékin soit majoritairement populaire dans le pays. Mardi, un sondage d’opinion a montré que les Philippins font toujours bien plus confiance aux États-Unis qu’à la Chine.

Duterte a déclaré mercredi que l’arbitrage de la mer de Chine méridionale “serait mis de côté” lors des pourparlers, et qu’il attendrait que les Chinois soulèvent la question avant de le faire lui-même.

Xi a déclaré que les problèmes qui ne pourraient pas être résolus immédiatement devraient être mis de côté, selon le ministère chinois des Affaires étrangères.

La Chine a accueilli avec satisfaction l’approche des Philippines, alors même que Duterte a juré de ne pas abandonner toute souveraineté à Pékin, qui considère la décision de La Haye sur la mer de Chine méridionale comme nulle et non avenue.

La Chine a également exprimé son soutien à sa guerre contre la drogue, qui a soulevé des inquiétudes dans les capitales occidentales sur les exécutions extrajudiciaires.

(Ecrit par Michael Martina et Ryan Woo, édité par Nick Macfie et Alex Richardson)

Source : Ben Blanchard, Pékin, Reuters, 20/10/2016

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Les insultes :

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Je complète par une analyse de l’activiste André Vltcheck – que je trouve comme souvent avec lui un peu excessive dans la forme, mais pas inintéressante sur le fond. À prendre avec recul donc, et à confronter avec la vision d’autres médias.

Vont-ils réellement tenter d’assassiner le président Duterte ?

Source : Le Grand Soir, Andre Vltchek, 18-10-2016

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Andre VLTCHEK

A l’heure qu’il est, Rodrigo Duterte, le Président des Philippines au franc-parler, fait très probablement partie de la liste noire occulte, prestigieuse et permanente de l’Empire.

La liste est très longue et l’est depuis déjà plusieurs décennies. On pourrait facilement perdre le compte et s’embrouiller : combien de personnalités ont été marquées et secrètement condamnées à mort ? Combien sont effectivement mortes ?

La liste se lit comme un catalogue de leaders mondiaux illustres : de Patrice Lumumba (Zaïre), Mohammad Mossadegh (Iran), Hugo Chavez (Venezuela), Sukarno (Indonésie), Juvénal Habyarimana (Rwanda), Salvador Allende (Chili) à Mouammar Kadhafi (Libye ), Al-Basheer (Soudan) et Fidel Castro (Cuba), pour ne citer que quelques-uns.

Certains ont été directement assassinés ; d’autres ont été « seulement » renversés, tandis que seule une poignée de « listés » ont effectivement réussi à survivre et rester au pouvoir.

Presque tous avaient commis des crimes graves et de nature similaire, dont : défendre des intérêts vitaux de leurs nations et de leur peuple, refuser d’autoriser le pillage effréné des ressources naturelles par les sociétés multinationales, et s’opposer aux principes de l’impérialisme. La simple critique de l’Empire a aussi été souvent punie de mort.

M. Duterte est en train de les commettre tous. Il semble être « coupable de tous les chefs d’accusation ». Il plaide coupable et semble même être fier des accusations portées contre lui.

« Est-ce qu’il en marre de la vie ? » se demandent certains. « À-t-il perdu l’esprit ? Est-il prêt à mourir ? »

Est-il un héros, un nouveau Hugo Chavez asiatique, ou tout simplement un populiste hors de contrôle ?

Ce qui est certain c’est qu’il risque gros et peut-être même tout. Il est en ce moment en train de commettre les péchés les plus impardonnables aux yeux des régimes occidentaux : il est ouvertement insultant envers l’Empire et ses institutions (y compris l’ONU, l’OTAN et l’UE). Il leur crache même à la figure !

Et pour ne rien arranger, il ne se contente pas de paroles ; il prend des mesures décisives ! Il essaie d’aider les pauvres dans son pays, il flirte avec le Parti communiste et les socialistes, et pour comble, il demande l’aide de la Chine et de la Russie.

Ca barde. Régulièrement des personnalités ou des institutions telles que Obama, le Pape, les États-Unis, l’UE et l’ONU se voient conseillées d’aller en enfer, ou sont rebaptisées fils-de-putes !

Et les Philippins adorent ça. Duterte a remporté les élections avec une marge très faible, mais les dernières enquêtes d’opinion lui attribuent un taux de popularité incroyable de 76%. Certains soutiennent donc que si la « démocratie » est réellement la « volonté du peuple » (ou du moins un reflet de la volonté du peuple), alors tout va bien aux Philippines.

Alors qu’Eduardo Climaco Tadem, Maître de Conférences des Etudes Asiatiques (Université de Diliman), est critique de la forme « peu présidentielle » du discours de Duterte, et trouve négative sa politique en matière de « droits civils et politiques », il est néanmoins clairement impressionné par ses réalisations dans plusieurs autres domaines. Comme il me l’a récemment écrit dans une lettre :

« Des initiatives positives ont été prises sur d’autres fronts. La nomination de cadres du Parti Communiste à des postes ministériels pour entreprendre une réforme agraire, le travail sur le social et le développement, et les programmes de lutte contre la pauvreté sont bons. D’autres personnalités de l’aile gauche et progressistes occupent d’autres postes ministériels dans le travail, l’éducation, la santé, la science et l’environnement. Plus important, des initiatives positives ont été prises pour faire avancer la redistribution des terres, mettre fin au travail précaire, entrer en contact et apprendre des programmes de santé de Cuba, et réduire les opérations destructrices sur l’environnement des grandes entreprises minières. En outre, les négociations de paix tant avec le CPP que le MILF / MNLF ont été relancées avec des premiers signes encourageants.

Une politique étrangère indépendante a été annoncée et, à la différence des présidents qui l’ont précédé, Duterte ne se prosterne plus devant les puissances américaines et occidentales. Il est également en train de se réconcilier avec la Chine en prenant une voie différente et moins belliqueuse dans la résolution des conflits territoriaux dans la mer de Chine du sud … »

En ce qui concerne Washington, Londres et Tokyo, tout ceci est « mauvais », très mauvais. Un tel comportement ne passe jamais inaperçu ni impuni !

Cette fois-ci, la réponse de l’Empire n’a pas tardé.

Le 20 Septembre, 2016, International Business Times a rapporté :

« Le gouvernement des Philippines a affirmé qu’un coup d’Etat était orchestré contre le président Rodrigo Duterte et a dit que l’administration sévissait contre les comploteurs présumés. Un porte-parole du gouvernement a déclaré que certains Américano-philippins de New York avaient l’intention de renverser le dirigeant troublion.

Sans révéler les noms des conspirateurs présumés ni leurs plans, le Secrétaire des Communications du gouvernement philippin Martin Andanar a dit que ceux qui conspiraient contre Duterte devraient « réfléchir à deux fois . J’ai reçu des informations provenant de sources crédibles aux États-Unis. Oui, nous avons des noms, mais je ne veux pas en parler. Nous examinons la situation avec sérieux. Nous enquêtons. » a déclaré le haut fonctionnaire du gouvernement.

Les coups d’état, les complots d’assassinat. Les coups d’états mous, les coups d’état durs : Brésil, Argentine, Bolivie, Venezuela, Syrie, Ukraine, Libye, Paraguay, Honduras et le Soudan, la moitié de l’Afrique… Tous, au cours des dernières années seulement… et maintenant les Philippines ? Bravo, l’Empire donne un coup d’accélérateur ! L’éthique de travail de ses égorgeurs est en nette amélioration.

Le Président Duterte a tout compris. Comme mentionné ci-dessus, il a déjà qualifié le président Obama de « fils de pute », et a récemment suggéré qu’ « il aille en enfer ».

C’est même plus cru que ce que le président Hugo Chavez avait coutume de dire à propos de George W Bush, connu aussi comme « Señor W ». […]

La vérité est que l’Empire ne pardonne jamais à ceux qui lui renvoient son propre image. Il tue sans pitié pour les plus infimes gestes de désobéissance ou de rébellion. Son appareil de propagande et sa main droite – les médias – arrivent toujours à élaborer une explication et une justification appropriée. Et l’opinion publique nord-américaine et européenne est totalement complaisante, endoctrinée et passive ; elle ne défend que ses propres intérêts étroits, jamais la victime, surtout si la victime se trouve quelque part dans un pays lointain peuplé de « non-personnes ».

Le grand président indonésien Sukarno fut renversé et détruit (entre autres choses) pour avoir crié publiquement à l’ambassadeur des États-Unis : « Au diable avec votre aide »… Et aussi bien sûr pour avoir défendu les intérêts de son peuple contre l’Empire. Patrice Lumumba fut assassiné pour avoir osé dire que les Africains n’avaient aucune raison d’être reconnaissants envers les colonisateurs.

Duterte dit beaucoup plus. Il est amer et il a d’innombrables raisons de l’être. Les Etats-Unis ont assassiné plus d’un million de Philippins, la plupart à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle. Dans l’histoire récente, ils ont transformé cette nation autrefois fière et prometteuse en un paillasson, une semi-colonie humiliée, entièrement dépendante des caprices de Washington. Capitaliste et totalement pro-américaines, les Philippines ont évolué, comme l’Indonésie, en un « État défaillant », une catastrophe sociale et une friche intellectuelle.

Le Président Duterte a réussi à mettre en place un cabinet déterminé et cohérent d’intellectuels et bureaucrates.

Comme RT l’a rapporté récemment :

« Le Ministre des Affaires étrangères de Duterte, Perfecto Yasay, qui a parfois tenté de minimiser les commentaires de son patron, a publié une déclaration sur Facebook intitulée « L’Amérique nous a trompé » dans laquelle il dit que, s’il y a « d’innombrables choses pour lesquelles nous serons éternellement reconnaissants envers les Etats-Unis », ils n’ont jamais vraiment respecté l’indépendance des Philippines.

« Après avoir proclamé le 4 juillet 1946, que les Philippins avaient été formés de manière adéquate pour l’autodétermination et la gouvernance, les États-Unis ont imposé des chaînes invisibles qui nous ont mené vers la dépendance et la soumission comme des petits frères de couleur incapables d’une véritable indépendance et de liberté, » a dit le Ministre dans la déclaration. »

Ces déclarations sont très rarement répercutées par les grands médias occidentaux, où Duterte et son cabinet sont sans cesse diabolisés et ridiculisés.

Voici les derniers titres sur les Philippines :

« La fille du playboy-baron Antony Moynihan, trafiquante de drogue, abattue aux Philippines » (Daily Mail).

« Le président des Philippines accusé de nourrir un crocodile avec un homme vivant » (Le Journal.ie via Yahoo UK & Ireland News)

« Rapport spécial – dans la guerre de Duterte contre la drogue, les résidents locaux aident à dresser les listes noires » (Reuters)

« Duterte a tué un fonctionnaire de la Justice, déclare un tueur-à-gages devant le Sénat philippin » (AFP)

Rien sur la lutte pour la justice sociale ! Rien sur la lutte contre l’impérialisme occidental.

La guerre contre la drogue …

Oui, beaucoup de Philippins sont véritablement préoccupés par « le tas de cadavres » et les méthodes de ce gouvernement pourraient être qualifiées de brutales, et même d’intolérables.

Mais la situation n’est pas si simple. Ici, ce n’est pas l’Europe. C’est l’Asie avec sa propre dynamique et ses problèmes culturels. Aux Philippines, le taux de criminalité a atteint des sommets grotesques, inconnus presque partout ailleurs en Asie-Pacifique. Une grande partie de la criminalité est liée à la drogue. Et les gens en ont véritablement marre. Ils exigent une action décisive.

Pendant de nombreuses années, M. Duterte a été maire de Davao, une ville sur l’île de Mindanao. Davao était synonyme de délinquance ; un endroit difficile à vivre, et beaucoup disaient un endroit presque impossible à gouverner.

M. Duterte est honnête. Il admet ouvertement qu’il n’aurait pas duré longtemps comme maire de Davao s’il avait « obéi aux 10 commandements ». Peut-être que personne n’aurait pu.

Il est extrêmement sensible à la critique de son bilan en matière de droits de l’homme. Que cela vienne de l’ONU, de l’UE ou des Etats-Unis, sa réponse est le plus souvent rebelle et cohérente : « Va te faire foutre ! »

Et c’est tout ce qu’on répercutera généralement en Occident.

Ce qui est omis, c’est ce que Rodrigo Duterte explique en général après :

« Vous me parlez des droits de l’homme ? Que dire des millions que vous tuez dans le monde, y compris récemment en Irak, en Libye et en Syrie ? Qu’en est-il du peuple philippin que vous avez massacré ? Et qu’en est-il de votre propre peuple, les Afro-Américains qui sont abattus par la police, tous les jours ? »

Il ne cache pas sa profonde allergie pour l’hypocrisie occidentale. Pendant des siècles, les États-Unis et l’Europe ont tué des millions, pillé des continents entiers, et maintenant se réservent le droit de juger, de critiquer et bousculer les autres. Directement ou à travers les institutions qu’ils contrôlent, comme les Nations Unies. Encore une fois, sa réponse est clairement Sukarno-esque : « Allez au diable, vous et votre aide ! »

Mais vous ne lirez rien de tout ça dans les pages du New York Times ou The Economist. Pour eux, il n’y a que la « guerre contre la drogue », les « victimes innocentes » et bien sûr « l’homme-fort » Duterte.

Mais la situation évolue rapidement.

Récemment, le président Duterte a ordonné l’arrêt d’un exercice militaire, surnommé le « Philippines Amphibious Landing Exercise » (Phiblex). Il avait commencé le 4 octobre et devait durer plus d’une semaine. Environ 1 400 soldats US et 500 soldats philippins étaient engagés dans les jeux de guerre, certains dangereusement proches des eaux près des îles contestées en mer de Chine du sud.

Selon plusieurs grands intellectuels philippins, les Etats-Unis ont utilisé les Philippines pour servir leurs ambitions agressives impérialistes dans la région, en confrontant et en provoquant sans cesse la Chine.

Le gouvernement Duterte est déterminé à se rapprocher beaucoup plus de la Chine et à s’éloigner de l’Occident. Il est très probable que les Philippines et la Chine seront en mesure de résoudre tous les désaccords dans un avenir prévisible. A condition que les Etats-Unis puissent être tenus à l’écart de manière permanente.

Pour démontrer sa bonne volonté envers la Chine, et pour démontrer sa nouvelle indépendance politique, Manille envisage également d’annuler l’ensemble des 28 exercices militaires annuels prévus avec les États-Unis.

Le Président Duterte sait parfaitement ce qui est en jeu. Pour marquer ses 100 jours de fonction, il a donné plusieurs discours enflammés, en reconnaissant que l’Occident pouvait tenter de le renverser, et même de le tuer :

« Vous voulez me renverser ? Vous voulez utiliser la CIA ? Allez-y … Ne vous gênez pas. J’en ai rien à foutre ! Je serais viré ? Parfait. (Dans ce cas), ça fait partie de mon destin. Le destin recouvre tellement de choses. Si je meurs, cela fait partie de mon destin. Ca arrive, que des Présidents soient assassinés. »

C’est vrai. Il leur arrive souvent d’être assassinés.

Mais récemment, l’un après l’autre, des pays du monde entier ont rejoint la coalition anti-impérialiste. Certains sont actifs ; d’autres sont déstabilisés (comme le Brésil), économiquement dévastés (comme le Venezuela) ou entièrement détruites (comme la Syrie). Toutes les nations du refus, de la Russie à la Chine, de la RPDC à l’Iran sont diabolisés par la propagande occidentale et ses médias.

Mais il semble que le monde en a assez. L’Empire est en ruines ; il est pris de panique. Il tue de plus en plus, mais il ne gagne pas.

Les Philippins sont-ils en train de rejoindre cette alliance ? Après seulement 100 jours de pouvoir, il semble que le président Duterte a pris son parti : Plus de servitude ! Plus jamais !

Est-ce qu’il survivra ? Est-ce qu’il continuera sur la même voie ?

Est-il aussi dur-à-cuire qu’il en a l’air ? Il faut avoir des nerfs d’acier pour faire face à l’Empire ! Il faut avoir au moins neuf vies pour survivre aux innombrables et inextricables complots d’assassinat, aux systèmes de propagande sophistiqués, aux supercheries. Est-il prêt pour affronter tout cela ? Il semble que oui.

Les élites de son pays sont totalement inféodées à l’Occident ; comme celles de l’Indonésie et, dans une large mesure, de la Thaïlande et de la Malaisie.

Ce sera un combat difficile. C’est déjà un combat difficile.

Mais la majorité du pays est derrière lui. Pour la première fois dans l’histoire moderne, le peuple Philippin a une chance de prendre son destin en mains, ses propres mains.

Et si l’Occident n’aime pas ce qui se passe à Manille ? Le Président Duterte s’en fiche. Il a déclaré qu’il a déjà préparé beaucoup de contre-questions. Et si l’Occident ne peut pas y répondre :

« Si vous êtes incapables de répondre, fils de pute, rentrez chez vous, bande d’animaux. Je vais vous botter le cul. Ne venez pas me faire chier. Ils ne sont pas plus intelligents que moi, croyez-moi ! »

Il est très probable qu’ils ne le sont pas ; ils ne sont pas plus intelligents que lui. Mais ils sont certainement plus impitoyables, plus brutaux.

De quoi l’accuse-t-on ? D’une « guerre contre la drogue », qui a coûté environ 3 000 vies ?

Combien de vies est-ce que l’Occident (ou ces « fils de pute », comme disent de nombreux Philippins ces jours-ci) a prises depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, partout dans le monde ? 40 ou 50 millions ? Ca dépend de la manière de compter : « directement » ou « indirectement ».

L’Empire tentera très probablement d’assassiner le président Duterte, et probablement bientôt, très bientôt.

Pour survivre, pour continuer à avancer, pour continuer à se battre, à défendre son pays meurtri et exploité, il fera très certainement bien d’oublier définitivement les 10 commandements.

Andre Vltchek

Traduction “soyez durs, soyez doux, de toute façon l’Empire s’occupera de vous” par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

Source : Le Grand Soir, Andre Vltchek, 18-10-2016

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La réaction :

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Eh oui, pour l’AFP c’est de “la confusion”…

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Hmmm, ça semblait pourtant clair, non ?

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Cet interlude artistique vous est offert par L’Art Contemporain

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Le 22/10 :

Les Philippines maintiennent leur alliance avec les États-Unis

Le président philippin Rodrigo Duterte a affirmé vendredi 21 octobre ne pas rompre les relations d’alliance avec les États-Unis.

Devant des reporters à Davao, après sa visite d’État en Chine, le président Rodrigo Duterte a ajouté que le maintien des relations avec Washington était du meilleur intérêt pour les Philippines.

Auparavant, le ministre philippin du Commerce, Ramon Lopez, avait affirmé que Manille maintiendrait ses relations économiques et commerciales avec les États-Unis. La déclaration de “séparation” des États-Unis du président philippin avait pour but de souligner son souhait de renforcer ses relations avec la Chine et l’ASEAN, au lieu de ne dépendre que d’une seule partie.

Source : Le courrier.vn, 22/10/2016

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Mais ils ont finalement compris je pense :

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Washington met en garde le controversé président des Philippines

Source : La Presse.ca d’après AFP, 24/10/2016

Les tirades incendiaires du président philippin Rodrigo Duterte provoquent la « consternation » et sont une source d’inquiétude croissante à travers le monde, a jugé lundi à Manille le plus haut diplomate américain pour l’Asie.

Aidons l’AFP : “Le Monde”, c’est surtout le Monde occidental, hein… 1 milliard d’habitants sur 7

Le secrétaire d’État adjoint chargé de l’Asie-Pacifique, Daniel Russel, a rencontré les ministres philippins de la Défense et des Affaires étrangères quelques jours après que le président Duterte eut proclamé la « séparation » entre son pays et Washington.

Samedi, M. Duterte avait toutefois fait machine arrière en déclarant qu’il ne voulait pas torpiller une alliance américano-philippine vieille de 70 ans.

« La succession de déclarations et commentaires controversés, le réel climat d’incertitudes quant aux intentions des Philippines suscitent la consternation dans un certain nombre de pays », a néanmoins critiqué M. Russel.

« Pas seulement le mien et pas seulement parmi les gouvernements, mais aussi les populations, et la communauté des expatriés philippins, également dans les conseils d’administration. Ce n’est pas une tendance positive ».

M. Russel a ajouté avoir transmis au chef de la diplomatie de l’archipel, Perfecto Yasay, les préoccupations de Washington concernant la guerre contre la drogue lancée par le chef d’État philippin. Environ 3700 personnes ont été tuées en moins de quatre mois, ce qui fait craindre des meurtres extrajudiciaires.

M. Russel a « réitéré l’importance que nous accordons, et que d’autres accordent, à l’État de droit, et le fait que le respect des droits des citoyens joue aussi un rôle important dans la protection de nos populations ».

Simultanément à Washington, le département d’État a rendu compte lundi d’une conversation téléphonique, dimanche, entre son patron John Kerry et M. Yasay, son homologue philippin.

Les deux ministres « ont parlé des derniers défis qui affectent la relation », de « la rhétorique déplacée que nous continuons d’entendre des dirigeants philippins et de la confusion que cela provoque », a confié le porte-parole de la diplomatie américaine John Kirby.

Rodrigo Duterte a plusieurs fois exprimé sa colère face aux critiques américaines envers sa politique sécuritaire. Il a qualifié le président Barack Obama de « fils de pute », l’enjoignant d’« aller au diable ».

M. Duterte, qui se dit socialiste et entretient des liens étroits avec les communistes, cherche à s’éloigner des États-Unis pour se rapprocher de la Chine et de la Russie.

Sa sortie sur son divorce d’avec Washington a été faite lors d’un séjour à Pékin.

« L’Amérique a perdu », avait-il dit. « Je me suis réaligné sur votre mouvance idéologique [celle de la Chine] et je vais peut-être me rendre aussi en Russie pour parler au [président Vladimir] Poutine et lui dire qu’on est trois contre le reste du monde: la Chine, les Philippines et la Russie ».

En rentrant aux Philippines, il avait assuré qu’il ne voulait pas la rupture avec Washington. Ce qui ne l’avait pas empêché de se lancer dans une nouvelle tirade antiaméricaine.

« S’il y a un domaine dans lequel l’Amérique a lamentablement échoué, c’est celui de la dignité humaine ». « L’aide américaine ? Vous pouvez aller au diable ! », avait-il lancé.

Le gouvernement philippin a cependant pris livraison lundi d’un avion de transport américain C-130 d’occasion, acheté en vertu d’un accord bilatéral sur la fourniture à Manille d’équipements américains en surplus.

Source : La Presse.ca d’après AFP, 24/10/2016

À suivre – mais ça ne va pas durer longtemps à ce rythme…

Bonus – tout va bien :

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Source: https://www.les-crises.fr/duterte-aligne-les-philippines-avec-la-chine-et-dit-que-les-etats-unis-ont-perdu/


Interview de Snowden : Pourquoi les médias ne font pas leur travail

Tuesday 25 October 2016 at 00:15

Source : Columbia Journalism Review, le 10/05/2016

Image by CJR

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La journaliste du Tow Center for Digital Journalism, Emilie Bell, a parlé à Edward Snowden sur une ligne sécurisée au sujet de ses expériences de travail avec des journalistes et son opinion sur le changement du monde des médias. Il s’agit d’un extrait de cette conversation, qui s’est tenue en décembre 2015. Elle paraîtra dans un livre à venir Le Journalisme après Snowden : Le Futur de la Presse Libre sous l’État de Surveillance, qui sera publié par Columbia University Press en 2016.

Emily Bell : Pouvez-vous nous parler de vos interactions avec des journalistes et avec la presse ?

Edward Snowden : L’un des plus grands défis concernant le changement de nature des relations du public avec les médias et de celles du gouvernement avec les médias est que les médias n’ont jamais été aussi forts qu’aujourd’hui. Et en même temps, la presse est moins encline à utiliser ce genre de pouvoir à cause de sa commercialisation croissante. Il y avait cette tradition que la culture médiatique dont nous avions hérité depuis les premières diffusions visait à être un service public. Nous avons peu à peu perdu cela, pas simplement dans les faits mais dans l’idéal même, et ce particulièrement à cause des infos 24h sur 24h.

Nous voyons cela de façon constante, même dans des organes comme The New York Times. The Intercept a récemment publié “The Drone Papers” (les articles du drone), ce qui était un acte extraordinaire de service public de la part d’un lanceur d’alerte de l’intérieur du gouvernement pour porter l’information au public de quelque chose d’absolument vital sur ce que nous aurions dû savoir depuis plus de dix ans. Ce sont ces choses que nous avons vraiment besoin de connaître pour être en mesure d’analyser et d’évaluer les politiques. Mais cela nous a été rendu impossible, donc on se retrouve avec un organe journalistique qui casse le morceau, ils s’arrangent pour obtenir l’information. Mais les grands de la presse, notamment le New York Times, ne relaient pas l’histoire, ils l’ignorent complètement. C’était tellement extraordinaire que la responsable éditoriale public, Margaret Sullivan, a dû s’impliquer pour enquêter sur les raisons pour lesquelles ils avaient supprimé une histoire tellement riche en information. Il faut reconnaître au bénéfice du Times qu’ils ont un responsable éditorial public [responsable de la relation avec le public et de l’éthique journalistique, NdT], mais c’est inquiétant qu’il y ait un tel besoin de cette fonction.

Au Royaume-Uni, lorsque The Guardian mettait à jour l’histoire de la NSA, nous avons vu que s’il y a un climat de concurrence dans le milieu des media, s’il y a de l’argent en jeu, de la réputation, de la reconnaissance possible, quoi que ce soit qui a une valeur tangible qui pourrait profiter à la concurrence, même si cela devait en même temps bénéficier au public, les organes de presse sont de moins en moins désireux d’assurer le service pour le public à leur propre détriment. C’est typiquement ce qui se passe pour les rédactions. Il se peut que cela ait toujours existé, mais on ne s’en souvient pas. Culturellement nous n’aimons pas penser que cela a toujours existé. Il y a des choses que nous devrions savoir, des choses qui ont de l’importance pour nous, mais nous ne sommes pas autorisés à les connaître parce que The Telegraph ou le Times ou n’importe quel autre journal à Londres décide que, comme il s’agit d’une exclusivité de quelqu’un d’autre, on ne va pas en faire mention. Au lieu de cela nous allons tenter une “contre histoire” sur le sujet. Nous allons tout simplement rencontrer des officiels du gouvernement et leur demander de faire une déclaration, et nous en rendrons compte sans nous poser de question d’aucune manière parce que c’est cela qui est notre exclusivité. Indépendamment du fait que c’est beaucoup moins intéressant, beaucoup moins substantiel que les faits réels sur lesquels on peut développer des discussions politiques. Nous sommes, semble-t-il, entrés dans un monde où les rédactions prennent les décisions sur les histoires qui doivent être développées sur la base de l’avantage que cela présente pour le concurrent, plutôt que sur l’intérêt de l’information comme telle.

J’aimerais vraiment avoir vos réflexions là-dessus, parce que bien que j’interagisse avec les media, je leur suis extérieur. Vous connaissez les media. En tant que vous avez travaillé dans ce milieu, percevez-vous la même chose ? Une espèce d’effet Fox News où les faits ont moins d’importance ?

La distance entre la présentation et le fait réalise, parfois, toute la différence.

Bell : C’est une question fascinante. Si vous regardez Donald Trump, il y a un problème lorsque vous avez une presse qui trouve qu’il est important de rendre compte de ce qui s’est passé sans le prisme d’une mise en perspective. C’est le problème de Trump, n’est-ce pas ? Il dit que des milliers de musulmans faisaient la fête dans les rues du New Jersey après les attaques du 11-Septembre et ce n’est clairement pas vrai. Ce n’est même pas une question de nombre, c’est juste inexact. Cependant, cela domine le manège des nouvelles, et il prend toute la place à la télé, et vous ne voyez rien changer dans les enquêtes d’opinion – ou, plutôt, vous le voyez devenir plus populaire.

Il y a là deux choses, je crois, dont l’une n’est pas nouvelle. Je suis complètement d’accord avec vous à propos de la manière dont les forces économiques ont effectivement produit un mauvais journalisme. Une des choses intéressantes, et qui à mon avis est positive à propos du journalisme américain, est que au cours des dix dernières années il y a eu une rupture dans cette relation de libre marché qui dit que vous ne pouvez pas faire du bon journalisme sans faire de profits, et dans la compréhension que le vraiment bon journalisme non seulement n’apporte pas forcément de profits, mais ne va même plutôt jamais produire que des résultats non profitables.

Je pense que vos actes et vos révélations sont réellement intéressants en ce sens que c’est une aventure très coûteuse, et ce n’est pas le genre d’histoire que les publicitaires souhaitent voir à côté de leurs messages. En fait, les gens ne voulaient pas payer pour les lire. Après quoi ils diront, nous aimons bien The Guardian ; nous soutenons leur travail. Donc je suis d’accord avec vous qu’il y a eu une coupure entre les faits et comment ils sont présentés. J’aimerais pouvoir penser que ça s’améliore.

Vous êtes sur Twitter maintenant. Vous devenez un personnage public beaucoup plus consulté et beaucoup de gens ont vu “Citizenfour” [le film qui raconte l’histoire de Snowden, NdT]. Vous avez changé entre le moment où vous étiez cette “personne source” et maintenant que vous êtes activement engagé dans la Freedom of the Press Foundation (fondation pour la liberté de la presse), et aussi en ayant votre flux de publication à travers une société de media sociaux. Vous n’avez plus besoin de l’ouverture d’un accès à la presse. Comment voyez-vous celà ?

Snowden : Aujourd’hui vous avez des gens qui touchent directement leur public avec des outils comme Twitter, et j’ai environ 1,7 million de suiveurs actuellement (ce nombre indique les suiveurs de Snowden en décembre 2015). Ce sont des gens que théoriquement vous pouvez toucher, à qui vous pouvez envoyer un message. Que ce soit une centaine ou un million de personnes, ces individus constituent un public avec lequel vous pouvez parler directement. C’est en réalité un des moyens que vous voyez utiliser par les acteurs des nouveaux média, et aussi par des acteurs malveillants, et exploiter ce qui est perçu comme de nouvelles vulnérabilités dans le contrôle par les média de l’histoire qu’ils veulent présenter, par exemple dans le cas de Donald Trump.

En même temps ces stratégies ne marchent toujours pas [….] pour modifier le regard et persuader les gens sur une plus large échelle. C’est aussi ce qui m’arrive. Le directeur du FBI peut faire une fausse déclaration, ou une sorte de déclaration trompeuse en tant que témoin devant le Congrès. Je peux confronter aux faits et dire que c’est inexact. A moins qu’un organe doté d’un large public ne le répercute, par exemple, un organe de presse reconnu, l’impact de ce genre de déclaration que je peux faire reste plutôt minime. Ils suivent leurs flux d’information et puis rapportent sur ces flux. C’est pourquoi je pense que nous voyons une forte relation et une intéressante interaction émerger entre ces nouveau media d’auto-publication genre Twitter et la fabrication d’histoires et l’utilisation de Twitter comme base par des journalistes.

Si vous regardez qui sont les membres de Twitter en termes d’influence et d’impact qu’ils ont, il y a des célébrités sur Twitter, mais en fait ils sont seulement en train d’essayer d’entretenir leur image, de promouvoir un groupe, d’être mode, de rappeler aux gens qu’ils existent. Ils ne réalisent réellement aucun changement, et n’ont aucune sorte d’influence autre que directement commerciale.

Bell : Abordons la question sous l’angle de votre contribution aux changements du monde, c’est à dire en présentant ces nouveaux faits. Il y a une partie de la presse technologique et de la presse de renseignement qui, au moment des fuites, a dit que nous savions déjà cela, sauf que c’est caché bien en vue. Pourtant, un an après vos révélations, il y eut un important changement dans la perception du public à propos des technologies de surveillance. Cela peut se réduire, et probablement après les attentats de Paris, cela se réduit un peu. Etes-vous déçu qu’il n’y ait pas davantage d’effet de long terme? Avez-vous l’impression que le monde n’a pas changé assez vite ?

Snowden : En fait je ne pense pas cela. Je suis vraiment optimiste à propos de la façon dont les choses ont évolué, et je suis très surpris de l’importance de l’effet produit par ces révélations, bien au-delà de ce que j’avais imaginé. Je suis célèbre pour avoir dit à Alan Rubridger [rédacteur en chef du Guardian, NdT] que ce serait une histoire à trois épisodes. Vous êtes en train de faire allusion à cette idée que les gens s’en fichent, ou que rien n’a réellement changé. Nous avons entendu cela de différentes façons, mais je pense que cela a réellement changé de manière très profonde.

Maintenant quand on parle au sujet de la presse technique, ou dans le registre de la sécurité nationale, et que vous dites qu’il n’y a rien de neuf dans ces domaines, nous le savions déjà, ce discours est tenu pour des raisons de prestige, de la même manière qu’ils sont obligés de signaler que nous sommes des experts, puisque nous savions que cela se passait. Dans de nombreux cas en fait ils ne savaient pas. La différence c’est qu’ils savaient que le potentiel technique existait.

Je pense que c’est ce qui souligne pourquoi les fuites ont eu un tel impact. Il y a des gens qui disent que les premières publications au sujet de la récupération de masse des enregistrements d’internet et des métadonnées remontent à 2006. Il y avait également une histoire sans garantie d’écoutes électroniques au New York Times. Pourquoi n’ont-elles pas eu le même effet de transformation ? C’est parce qu’il y a une différence fondamentale lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre de l’information, différence entre savoir et pouvoir, la déclaration que la possibilité pourrait être utilisée, et le fait qu’elle a été utilisée. La distance entre allégation et fait, parfois, génère toute la différence.

C’est, pour moi, ce qui définit la meilleure forme de journalisme. C’est l’une des choses réellement sous-évaluée à propos de ce qui s’est produit en 2013. De nombreuses personnes me félicitent en tant qu’acteur seul, du genre je suis le personnage incroyable qui a fait cela. Personnellement je me vois comme ayant eu un rôle plus modeste. J’ai été le mécanisme de mise à jour sur un sujet très réduit pour les gouvernements. Ce n’est pas vraiment à propos de la surveillance, c’est à propos de ce que le public comprend – quel contrôle a le public sur les programmes et politiques de leurs gouvernements. Si nous ne savons pas ce que notre gouvernement fait réellement, si nous ne savons pas quels pouvoirs les autorités revendiquent pour elles-mêmes, ou s’arrogent, en secret, on ne peut pas dire que nous tenons le gouvernement en laisse d’aucune manière.

Une des choses qui est réellement oubliée c’est le fait que, aussi valable et important que les informations qui sortirent des premières archives, ce fut l’énorme nombre des très intéressantes révélations que le gouvernement fut obligé de faire, parce qu’ils étaient pris à contre-pied par la nature agressive des faits révélés par les archives. Il y avait des histoires dans le lot qui montraient comment ils avaient abusé de ces possibilités, combien ils étaient intrusifs, le fait qu’ils avaient enfreint la loi dans de nombreux cas ou avaient violé la constitution.

L’un des points les plus importants est que nous avons davantage de publications en concurrence pour un nombre fini et même en diminution de sujets d’intérêt disponibles.

Quand le gouvernement est présenté de manière tout à fait publique, particulièrement pour un président qui a fait campagne sur l’idée de couper court à ce genre d’activités, comme ayant continué de telles pratiques, et dans de nombreux cas de les avoir amplifiées selon des façons contraires à ce que le public attend, ils doivent tenter de se défendre. Alors dans les premières semaines, on a eu droit à la rhétorique genre personne n’écoute vos conversations téléphoniques. Cela n’a pas été très concluant. Alors ils y sont allés de “ce ne sont que des métadonnées”. De fait cela a marché un moment, même si ce n’est pas vrai. En ajoutant de la complexité ils ont réduit la participation. Il est encore difficile pour l’homme de la rue de comprendre que les métadonnées, dans bien des cas, sont en fait plus révélatrices et plus dangereuses que le contenu des conversations téléphoniques. Mais des révélations continuaient. Alors ils ont cédé, oui en effet, même s’il s’agit “seulement de métadonnées” c’est quand même une pratique anticonstitutionnelle, alors comment la justifier? Ils ont fini par dire, dans ce contexte elles sont légales, ou bien dans cet autre contexte aussi.

Tout d’un coup ils ont eu besoin de traiter de la légalité, et cela voulait dire que le gouvernement devait faire état d’ordonnances judiciaires auxquelles les journalistes n’avaient pas accès, auxquelles je n’avais pas accès, et auxquelles personne à la NSA n’avait accès, parce qu’elles étaient attachées à une administration tout à fait différente, le Ministère de la Justice (Department of Justice).

Ici, à nouveau, on passe du soupçon, du déclaratif à des faits avérés. Maintenant, bien sûr, comme il s’agit de réponses politiques, chacune d’elles était intentionnellement trompeuse. Le gouvernement veut se montrer sous son meilleur jour. Mais même des révélations orientées peuvent être intéressantes, à condition qu’elles soient basées sur des faits. Elles constituent une pièce du puzzle qui peut fournir le petit détail dont un autre journaliste travaillant ailleurs indépendamment a besoin. Cela débloque un élément, comble le vide qui restait, et rend l’histoire cohérente. Je pense que cela n’a pas été compris clairement et ça a été produit entièrement par des journalistes qui ne faisaient que du suivi.

Il y a une autre idée que vous avez évoquée : que je suis plus engagé vis-à-vis de la presse que je ne l’étais auparavant. C’est tout à fait vrai. En 2013 j’ai clairement pris la position qu’il ne s’agissait pas tellement de moi, je ne désire pas être l’objet du débat. J’ai dit que je ne veux pas être le correcteur des enregistrements des officiels du gouvernement, même si je pourrais l’être, même si je savais qu’ils faisaient des déclarations trompeuses. Nous voyons dans l’actuel cirque électoral que quoique dise quiconque cela peut devenir l’histoire, devenir la déclaration, devenir l’allégation. Ça devient de la crédibilité politique orientée, oh vous savez Donald Trump l’a dit, donc ça ne peut pas être vrai. Mettez de côté toutes les terribles choses qu’il dit, il y a toujours la possibilité qu’il dise quelque chose de vrai. Mais comme ça vient de lui, ce sera analysé et apprécié sous un jour différent. Pourtant ce n’est pas pour dire que ça ne devrait pas l’être, mais c’était mon avis que sans aucun doute je serai soumis à une campagne de diabolisation. En fait ils m’ont photographié durant mes déclarations avant de révéler mon identité. J’avais prévu qu’ils allaient m’accuser dans le contexte de l’Espionnage Act, j’avais prévu qu’ils diraient que j’avais aidé des terroristes, du sang sur mes mains, et tous ces trucs. Et je suis passé au travers. Cela n’a pas été un incroyable exploit de génie de ma part, c’est juste du bon sens, et c’est toujours comme ça que ça fonctionne dans le cas d’importants lanceurs d’alerte. C’est pour cette raison que nous avions besoin d’autres voix, besoin de média pour porter le débat.

En raison de la nature de l’abus de confidentialité par les autorités des États-Unis, il n’y a personne qui n’ait jamais eu une habilitation en matière de sécurité qui soit vraiment capable de mener ce débat. Les organes des média modernes préfèrent ne jamais avoir recours à leur statut institutionnel pour réclamer des faits au sujet d’une histoire établie, ils préfèrent s’abriter derrière quelqu’un d’autre. Ils veulent pouvoir dire : selon cet expert, ou selon cet officiel, et eux ne pas engager leur responsabilité. Mais, à mon sens, le journalisme doit admettre que parfois il faut le poids institutionnel pour appuyer les demandes qui sont accessibles publiquement, et pour prendre position sur cette base, puis mettre en avant les arguments vis-à-vis de qui que ce soit qui est soupçonné, par exemple le gouvernement dans ce cas, et aller chercher toutes les preuves dans ce sens. Vous dites que ce n’est pas le cas, mais pourquoi devrions nous vous croire ? Y a-t-il une raison pour laquelle nous ne devrions pas dire ceci ?

C’est quelque chose que les institutions répugnent à faire de nos jours parce que c’est considéré comme un plaidoyer. Ils ne veulent pas se trouver en situation de devoir démêler ce qui est factuel de ce qui ne l’est pas. Au lieu de cela ils veulent jouer le jeu de l'”impartialité” et plutôt diffuser des interprétations, des revendications des deux parties, leurs présentations de preuves, mais nous n’allons pas prendre parti.

C’est pour cette raison que pendant les six premiers mois je n’ai pas donné d’interview. Ce n’est pas avant décembre 2013 que j’ai donné ma première interview à Barton Gellman du Washington Post. Durant cette période j’espérais que quelqu’un d’autre se manifesterait du côté politique et deviendrait le visage de ce mouvement. Mais je pensais surtout que cela inspirerait une réflexion dans les organes médiatiques sur ce qu’était leur rôle. Je pense qu’ils ont fait un assez bon travail, notamment parce que c’était une première, notamment parce que c’est un domaine dans lequel la presse a été, au moins au cours des quinze dernières années, extrêmement réticente à présenter un esprit critique vis-à-vis des affirmations du gouvernement. Si le mot terrorisme apparaissait il n’était pas question d’interroger les faits. Si le gouvernement disait, regardez c’est secret pour telle raison, c’est confidentiel pour telle raison, les journalistes en restaient là. A nouveau, et ce n’est pas pour taper sur le New York Times, mais lorsqu’on regarde les rumeurs d’écoutes électroniques qui allaient être publiées en octobre d’une année électorale [les élections ont lieu en novembre, NdT], alors que l’issue de cette élection dépendrait d’une très faible proportion des voix, la plus faible dans une élection présidentielle, au moins dans l’histoire récente. C’est difficile de croire que si cette histoire avait été publiée elle n’aurait pas modifié le déroulement de l’élection.

Bell : l’ancienne rédactrice en chef du Times, Jill Abramson, a déclaré que son article comportait des erreurs avérées, “J’aurais aimé ne pas cacher une partie de l’histoire.” Ce que vous dites fait certainement écho à ce que je connais et comprends de l’histoire récente de la presse US, c’est à dire que les préoccupations de sécurité après le 11-Septembre ont réellement modifié en profondeur la manière de rendre compte de de ce que disent l’administration et l’autorité dans ce pays. Ce que nous savons au sujet des programmes de drones provient de déclarations, ou de ce que “The Intercept” a découvert, et de compte-rendu qu’en a fait Jeremy Scahill, ce qui a été incroyablement important. Mais une grande partie des informations est venue du terrain. Le fait que nous étions conscients que les drones bombardaient des villages, tuant des civils, ignorant les frontières là où ils n’étaient pas supposés se trouver, cela vient des gens qui le faisaient savoir depuis le terrain.

Quelque chose d’intéressant s’est réellement produit au cours des trois dernières années, qui me fait penser à ce que vous dites de la manière dont la NSA opère. Nous voyons une relation beaucoup plus étroite maintenant entre journalisme de technologie et la technologie de communication de masse plus que jamais auparavant. Les gens maintenant font complètement confiance à Facebook. Pour partie c’est lié à un changement commercial aux US, mais vous avez aussi des activistes et des journalistes qui sont régulièrement torturés ou tués, comme par exemple au Bangladesh, où il est impossible d’opérer comme presse libre, mais ils réussissent à utiliser ces instruments. C’est pratiquement comme le média public américain qu’est maintenant Facebook. Je me demande ce que vous en pensez ? C’est un développement tellement récent.

Snowden : l’une des questions les plus importantes est que nous avons beaucoup de publications en concurrence pour un montant fini et en diminution d’attention disponible. C’est pourquoi on constate l’augmentation de ce genre de publications hybrides comme BuzzFeed, qui produisent une énorme quantité de cochonneries. Ils font du test et utilisent les principes scientifiques. Leur contenu est fabriqué spécialement pour attirer l’attention alors qu’il n’a aucune valeur pour le public. Il n’incorpore aucune valeur informative. Du genre voici 10 images de chatons tellement adorables. Mais ensuite ils développent une ligne éditoriale très conformiste, et l’idée est que s’ils entrainent la consultation dans cette direction, théoriquement alors les gens qui consultent les suivront sur les autres sujets.

Il y a des gens qui vont se servir de cela ; si ce n’est pas BuzzFeed, ce sera quelqu’un d’autre. Ce n’est pas une critique d’un modèle en particulier, mais l’idée ici est que le premier clic, la première mise en relation concentre toute l’attention. Plus nous lisons à propos d’une certaine chose, cela en fait réoriente notre cerveau. Tout ce avec quoi nous interagissons a un effet sur nous, une influence, laisse des souvenirs, des idées, instille des expressions mimétiques qu’ensuite nous conservons en nous et qui formatent ce que nous regarderons ensuite, et qui orientent notre regard.

Bell : Oui, c’est la différence entre le journalisme de création et les plateformes technologiques de grande taille, qui ne sont pas foncièrement journalistiques. En d’autres termes, elles n’ont pas d’objectif fondamental.

Snowden : Elles n’ont pas de rôle journalistique, c’est un rôle de simple transmission.

Bell : D’accord, c’est un rôle commercial, et alors ? Quand vous êtes allé voir Glenn et The Guardian, ils n’ont pas hésité une seconde pour savoir que le rôle principal d’un organe de presse est de diffuser cette histoire à l’extérieur aussi vite et de manière aussi sécurisée que possible en s’imposant de protéger une source.

Est-il encore possible de protéger ses sources actuellement ? Vous avez eu une intuition de devin en pensant qu’il était inutile de vous protéger vous-même.

Snowden : J’ai un avantage incomparable.

Bell : Oui, c’est sûr, cependant cela fait une énorme différence par rapport à il y a vingt ans.

Snowden : C’est quelque chose dont nous avons vu d’autres exemples dans l’enregistrement public en 2013. C’était l’affaire James Rosen où on a vu que le Ministère de la Justice (Department of Justice), et plus largement le gouvernement, excédait ses pouvoirs en exigeant les copies des mails et des appels téléphoniques, et dans l’affaire AP où des enregistrements d’appels téléphoniques ont été saisis alors qu’ils étaient effectués depuis le bureau de journalistes.

En soi cela est glaçant, parce que le travail traditionnel de journaliste, la culture traditionnelle, où le journaliste appelle son contact et dit bon maintenant causons, devient soudain quelque chose qui peut conduire à les incriminer. Mais plus sérieusement, si l’individu en question, l’employé du gouvernement qui travaille avec le journaliste pour faire connaître une affaire d’intérêt public, si cette personne est allée si loin qu’elle a effectué un acte journalistique, tout d’un coup ils peuvent être découverts facilement s’ils ne sont pas conscients de la situation.

On voit l’écart entre les périodes pendant lesquelles les gouvernements successifs peuvent garder un secret sont en train de rétrécir. Les secrets deviennent connus du public à un rythme qui s’accélère.

Je n’avais pas cette compréhension au moment où j’essayais de me montrer parce que je n’avais pas de relation avec les journalistes. Je n’avais jamais parlé à un journaliste de manière un tant soit peu consistante. Alors, au lieu de cela, j’ai tout simplement pensé à la relation de confrontation dont j’avais hérité par mon travail en tant qu’officier de renseignement en travaillant pour la CIA et la NSA. Tout est secret et vous avez deux sortes de couverture. Vous avez la couverture du statut qui est la suivante : à l’extérieur vous vivez comme un diplomate pour justifier votre présence. Vous ne pouvez pas dire tout simplement je travaille pour la CIA. Mais vous avez aussi une autre couverture qu’on appelle la couverture “action”. Dans ce cas vous n’allez pas rester longtemps sur place, vous pouvez juste être présent dans un immeuble et vous devez pouvoir justifier votre présence, il vous faut un prétexte. Ce genre de déguisement est malheureusement de plus en plus souvent nécessaire dans le cas de reportage. Les journalistes devraient le savoir, les sources devraient le savoir. N’importe quand, si vous êtes arrêté par un officier de police et qu’il veuille récupérer votre téléphone ou autre chose du même genre, vous pouvez vous retrouver obligé d’expliquer votre présence. C’est particulièrement vrai dans un pays comme le Bangladesh. J’ai entendu dire qu’ils recherchent la présence de VPN (logiciel de réseau virtuel privé) qui évite le barrage de la censure et permet d’accéder à des réseaux d’information non surveillés, ce dont ils se servent comme preuve de comportement d’opposition, une qualification qui peut vous causer de sérieux ennuis dans cette région du monde.

Au moment des fuites je pensais simplement, d’accord le gouvernement — et il ne s’agit plus d’un seul gouvernement maintenant — on parle en réalité de l’alliance de renseignement des Five Eyes (les cinq yeux) [les États-Unis, le Royaume Uni, la Nouvelle Zélande, l’Australie et le Canada] qui forment un super État pluri-continental dans ce contexte de partage, ils vont devenir chèvres avec ces révélations. Il y a des institutions, par exemple, au Royaume-Uni, qui peuvent imposer des remarques D, ils peuvent dire vous ne devez pas publier cela, ou vous ne devriez pas publier cela. Aux États-Unis il n’est pas certain que le gouvernement n’essaierait pas d’exercer une influence à priori de manières légèrement différentes, ou qu’ils n’attaqueraient pas les journalistes comme complices de quelque délit pour intervenir sur le reportage sans aller jusqu’à attaquer l’institution elle-même, seulement les personnes. On a déjà vu cela dans des documents de justice. Ce fut le cas pour James Rosen où le Ministère de la Justice l’avait désigné comme un accessoire — et ils ont dit qu’il était un conspirateur. Donc l’idée qui me venait était que j’avais besoin d’institutions travaillant au-delà des frontières dans de nombreuses juridictions simplement pour compliquer la situation légalement au point que les journalistes pourraient jouer leur partie, légalement et de façon réellement journalistique plus efficacement et plus rapidement que le gouvernement ne pourrait jouer la partition légale pour intervenir vis-à-vis d’eux.

Bell : C’est vrai, mais c’est le genre de choses qui se sont passées lors du reportage de l’affaire.

Snowden : Et c’est d’une manière que je n’avais même pas anticipée, parce que, qui pouvait imaginer qu’une affaire comme celle-là pourrait réellement échapper au contrôle et aller même encore plus loin : Glenn Greenwald qui vivait au Brésil, et faisait des papiers pour l’agence là-bas d’un organe de presse US, mais domicilié au Royaume-Uni, le Washington Post qui fournissait la carte de visite institutionnelle et disait, voyons, ceci est une histoire vraie, il ne s’agit pas d’un simple débat sur le sujet entre gauchistes allumés, et aussi Der Spiegel en Allemagne avec Laura (Poitras). Tous ces éléments représentaient un système dont je ne pensais pas qu’il pourrait être surmonté avant que l’affaire puisse être rendue publique. Le temps que le gouvernement rassemble tous les éléments du dossier et tente d’intervenir dessus, l’histoire se résumerait à ça.

Bell : Vous donnez en fait une analyse sophistiquée aussi bien de ce qui s’est produit dans les pratiques de reportage que des évolutions des structures des média. Comme vous dites, vous n’aviez eu aucune interaction avec des journalistes. Je pense que l’une des raisons pour lesquelles la presse vous a fait bon accueil était que vous-même faisiez confiance aux journalistes, bizarrement. Et puis vous avez continué à penser que vous pouviez faire confiance à ces gens, pas seulement pour votre vie, mais avec une énorme responsabilité. Alors vous avez passé un temps considérable, particulièrement avec Glenn, Laura et Zwen [MacAskill] dans des chambres d’hôtel. Quel a été ce processus d’approfondissement, de rencontre avec eux ? Mon expérience me dit que plus les gens s’approchent de la presse et bien souvent moins ils l’apprécient. Pourquoi est-ce que vous faites confiance aux journalistes ?

Snowden : Ça renvoie à une question plus large — quelle impression j’avais des journalistes, selon quel processus je devenais familier avec eux ? Il y a deux réponses, l’une politique et l’autre pratique. En particulier pour Glenn, je crois très fort qu’il n’y a pas de qualité plus importante pour un journaliste que l’indépendance. C’est à dire une indépendance de perspective, et particulièrement un esprit critique. Plus l’organe de presse est puissant, plus il devrait cultiver l’esprit critique. Il y a un principe qui a été mis en avant par un ancien journaliste, I.F. Stone : “Tous les gouvernements sont pilotés par des menteurs et il ne faut rien croire de ce qu’ils disent.” Selon mon expérience c’est exactement la vérité. J’ai rencontré Daniel Ellsberg et discuté de cela avec lui, et c’est conforme à son expérience également. Il mettrait au courant le Secrétaire de la Défense [équivalent du Ministre de la Défense, NdT] dans l’avion, et lorsque ce Secrétaire de la Défense débarquerait au pied de la passerelle en serrant les mains de journalistes, il dirait quelque chose qu’il savait être absolument faux et contraire à ce qui avait été dit lors de la réunion (précédente) parce que c’était sa fonction. C’était son travail, sa responsabilité en tant que membre de cette institution.

Il y a un principe qui a été mis en avant par un ancien journaliste, I.F. Stone : “Tous les gouvernements sont pilotés par des menteurs et il ne faut rien croire de ce qu’ils disent.” Selon mon expérience c’est exactement la vérité.

Passons à Glenn Greenwald, si on l’envisage comme archétype, vraiment il en représente la forme la plus pure. Je dirais qu’en dépit des faiblesses de n’importe quel journaliste, d’une manière ou d’une autre, s’ils ont cette indépendance de perspective, ils ont la plus grande capacité de rendre compte qu’un journaliste puisse atteindre. Finalement, peu importe si vous êtres brillant, peu importe votre charisme, peu importe la perfection de vos sources ou la qualité de votre entregent, si vous vous contentez de reprendre les déclarations des institutions qui disposent du maximum de privilèges à défendre, et que vous vous contentez de les prendre pour argent comptant, toutes les autres qualités qui jouent en votre faveur ne valent finalement rien parce que vous ratez l’essentiel.

Il y avait la question plus large de ce que représente de travailler avec ces journalistes et de parcourir tout ce processus. Il a été avancé que j’étais naïf, en fait c’est l’une des critiques les plus communes sur moi actuellement — que je suis trop naïf, que j’ai trop confiance dans le gouvernement, que j’ai trop confiance dans la presse. Je ne considère pas cela comme une faiblesse. Je suis naïf mais je pense que l’idéalisme est nécessaire pour réaliser le changement, non pas de la politique mais de la culture, correct ? Parce qu’on peut changer une loi ou une autre, on peut changer un programme politique ou un autre, mais en fin de compte ce sont les valeurs partagées par les gens dans ces institutions qui produisent ces politiques ou ces programmes. Ce sont les valeurs des gens qui sont assis à leur bureau devant la page blanche de leur ordinateur, que ce soit avec Microsoft Office ou n’importe quel autre outil.

Bell : J’espère qu’ils n’utilisent pas Microsoft Office, mais on ne sait jamais.

Snowden : Ils ont une page blanche…

Bell : Ils ont une page blanche, exactement.

Snowden : Dans leur système de gestion de contenu, quel qu’il soit. Comment les individus vont-ils approcher cet ensemble de faits la semaine prochaine, le mois prochain, l’année prochaine ou dans la décennie à venir ? Qu’est-ce que le professeur de l’école de journalisme dira dans ses cours pour imprimer de nouveau ces valeurs dans les esprits, pour les mettre en avant pour la prochaine génération de reporters ? Si on ne gagne pas là-dessus, on a perdu globalement. Plus fondamentalement, les gens disent, pourquoi avez-vous fait confiance à la presse étant donné ses échecs ? En partant du fait que j’étais plutôt connu pour critiquer la presse.

Bell : S’ils avaient fait leur travail, vous seriez chez vous actuellement.

Snowden : Oui, je vivrais bien tranquillement à Hawaï.

Bell : Ce ne serait déjà pas si mal.

Snowden : Les gens demandent comment avez-vous pu faire ça, pourquoi avez-vous voulu le faire ? Comment pouviez-vous faire confiance à un journaliste qui n’avait absolument aucune formation en opération de sécurité pour la protection de votre identité, parce que s’ils foirent, vous allez en prison. La raison était que justement c’est ce à quoi je m’attendais. Je n’ai jamais pensé pouvoir sortir d’Hawaï. Je voulais faire de mon mieux, mais mon but ultime était simplement de remettre cette information dans les mains du public. J’ai considéré que le seul moyen de le faire avec un résultat significatif était de le faire avec la presse. Si on ne peut pas avoir confiance dans la presse, si on ne peut pas faire le pari de la confiance, soit être bien servi par eux, soit mal servi et être déçu par la presse, alors on a perdu d’avance. Vous ne pouvez pas avoir une société ouverte sans communication ouverte. En fin de compte, le test d’une communication ouverte est une presse libre. Si les journalistes ne peuvent pas chercher l’information, s’ils ne peuvent pas contester le contrôle du gouvernement sur l’information, et en bout de course diffuser l’information — pas seulement des informations sur le gouvernement, mais aussi sur les intérêts des grandes entreprises qui ont un effet délétère sur les choix faits par le pouvoir, sur les prérogatives du pouvoir — je me trompe peut-être, mais je dirais que ce n’est pas la démocratie américaine traditionnelle dans laquelle je croyais.

Donc l’idée était que je pouvais prendre ces risques parce que je m’attendais à en supporter les coûts. Je m’attendais à une falaise au bout du chemin. C’est assez bien illustré dans Citizenfour parce que le film montre qu’il n’y avait absolument aucun plan pour le lendemain.

Le plan pour arriver à travailler avec les journalistes, pour transmettre cette information, l’expliquer, la contextualiser, ce plan-là était extrêmement détaillé, parce qu’il fallait qu’il le soit. Au-delà, les risques étaient ma partie. Ils ne concernaient pas les journalistes. Ils pourraient faire tout le reste. C’était aussi intentionnel, parce que si les journalistes avaient fait quoi que ce soit de suspect — par exemple, si j’étais resté à la NSA en tant que source, et qu’ils m’avaient demandé tel ou tel document, cela aurait pu affecter l’indépendance à la base, la crédibilité de l’action, et en fait cela leur aurait fait prendre des risques tels que la profession aurait pu se voir imposer de nouvelles contraintes.

Bell : Donc, rien de ce que vous avez expérimenté dans cette pièce avec cette équipe, ou qui s’est passé après, ne vous a fait vous questionner ou réévaluer le journalisme ?

Snowden : Je n’ai pas dit ça. Travailler réellement plus étroitement avec les journalistes a radicalement refondé ma compréhension du journalisme, et cela continue aujourd’hui. Je pense que vous serez d’accord pour dire que n’importe qui qui a travaillé dans le domaine de l’information, soit directement ou même à sa périphérie, a vu des journalistes, ou plus directement, des éditeurs — qui sont terrifiés, qui détiennent une histoire, qui ne veulent pas publier un détail, qui veulent attendre l’avis des avocats, qui sont inquiets de leurs responsabilités.

Vous avez aussi des journalistes qui se lancent tout seuls et publient des détails qui mettent en péril directement la sécurité de certaines personnes. Il y avait des détails publiés par au moins un des journalistes qui débattaient des méthodes de communication que j’utilisais encore activement et qui avaient été secrètes auparavant. Mais le journaliste ne m’a jamais averti, donc tout à coup j’ai dû changer ma méthode. Ce qui a marché parce que j’avais la possibilité de le faire, mais c’était dangereux.

Bell : Quand est-ce que cela est arrivé ?

Snowden : Cela s’est passé lors du maximum de l’intérêt du public. L’idée ici est que le journaliste, au fond, et particulièrement une certaine catégorie de journalistes, ne doit aucune allégeance à sa source. Ils n’écrivent pas l’histoire selon l’orientation que désire la source, ils ne s’occupent pas du calendrier de publication, en théorie, pour favoriser ou défavoriser la source. Il y a de solides arguments pour qu’il en soit ainsi : la connaissance par le public de la vérité est plus importante que les risques que cette connaissance engendre pour quelques-uns. Mais en même temps, lorsqu’un journaliste rend compte de quelque chose comme un programme classé confidentiel et qui implique des sources gouvernementales, il faut un niveau de prudence incroyablement élevé pour s’assurer que ces sources ne seront pas sanctionnées si quelque chose déraille après la publication. Il faut que le journaliste fasse en sorte de conserver ce détail de l’histoire dans des documents confidentiels, parce que s’il nomme l’officiel du gouvernement cela peut les exposer à de gros ennuis, ou cela peut faire fermer le programme en cause, ou même cela peut entraîner la modification des intervenants des opérations dans quelque pays lointain.

Il s’agit d’être juste prudent, n’est-ce pas ? Mais demandez-vous — faut-il que les journalistes soient juste aussi prudents lorsque celui qui aura le choc en retour d’un détail particulier est leur propre source ? De mon expérience la réponse ne paraît pas aussi évidente que l’on pourrait s’y attendre.

Bell : Est-ce que vous entrevoyez un monde où il n’y aura pas besoin de lanceur d’alerte pour faire sortir le genre de documents que vous avez révélés ? Quel genre de mécanisme interne serait nécessaire de la part du gouvernement ? A quoi cela pourrait-il ressembler à l’avenir ?

Snowden : C’est vraiment une question philosophique intéressante. Cela ne relève pas de mécanismes techniques, cela relève de la culture. On a vu dans l’Union européenne un grand nombre de rapports faits par des commissions parlementaires, par le Conseil de l’Europe, qui disaient il faut protéger les lanceurs d’alerte, en particulier les lanceurs d’alerte dans le domaine de la sécurité nationale. Dans le contexte national aucun pays ne veut vraiment légiférer pour autoriser des individus, à tort ou à raison, à mettre en cause le gouvernement. Mais peut-on fournir un cadre international pour cela? On pourrait dire, particulièrement quand des lois sur l’espionnage sont utilisées dans les poursuites, que cela existe déjà. C’est pourquoi l’espionnage, par exemple, est considéré comme une infraction politique, parce que c’est un délit politique, comme on dit. C’est un argument assez faible, ou une justification assez faible, pour ne pas réformer les lois sur les lanceurs d’alerte. Particulièrement quand, à travers l’Europe de l’Ouest, il ne s’agit que de dire, oui nous aimons ce gars, il a fait de bonnes choses. Mais s’il frappe à la porte on le renverra chez lui immédiatement, sans se soucier de savoir si c’est illégal, simplement parce que les US vont exercer des représailles contre nous. C’est extraordinaire que les membres les plus importants du gouvernement allemand aient dit à propos de cette affaire – ça c’est de la realpolitik ; c’est une question de rapport de force plutôt que de principe.

Maintenant comment pouvons-nous arranger ça? Je pense qu’en grande partie cela dépend de la culture, et nous avons besoin d’une presse plus volontaire et réellement désireuse de critiquer le gouvernement plus qu’aujourd’hui. Bien que nous ayons nombre de bonnes institutions pour cela, ou que nous voulions le faire, on a besoin d’une culture commune. Le seul contre-argument que le gouvernement développe en opposition au lancement d’alerte sur la sécurité nationale, et sur bien d’autres choses qui les ont embarrassées par le passé, est que cela comporte des risques, cela pourrait mal se passer, et ils pourraient avoir du sang sur les mains.

Pourquoi ont-ils des règles de base différentes dans le cas du journalisme sur les questions de sécurité nationale ?

On voit cela non seulement aux États-Unis mais en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, dans tous les pays Occidentaux, et bien sûr dans tous les pays plus autoritaires ils mettent en avant les idées de secret d’État, de confidentialité, et disent vous ne devez pas savoir ceci ou cela.

Nous nous désignons comme des citoyens privés, et nous désignons les représentants élus comme des officiels publics parce que nous devrions savoir tout sur eux et leurs activités. Dans le même temps, ils sont supposés ne rien savoir sur nous car ils exercent le pouvoir et nous présentons toutes les vulnérabilités. Toutefois, de plus en plus le schéma s’inverse où ils sont les officiels privés et nous sommes les citoyens publics. Nous sommes de plus en plus surveillés, suivis, et l’objet de rapports, quantifiés et repérés et influencés, et eux dans le même temps sont davantage protégés, deviennent moins faciles à atteindre et aussi moins sujets à rendre des comptes.

Bell : Mais Edward, quand vous parlez de cette manière, vous laissez entendre que vous considérez que c’est en développement. Certainement il y a un fort accroissement, comme vous le montrez dans la surveillance et les écoutes depuis le 11-Septembre. Est-ce une évolution progressive ?

De l’extérieur il a semblé que l’Amérique post 11-Septembre, pour des raisons compréhensibles, est entrée dans un climat de psychose nationale. Si vous avez grandi en Europe, il y avait régulièrement des actes terroristes dans pratiquement tous les pays après la Seconde Guerre mondiale, toutefois pas sur la même échelle, jusqu’à une brève période de cinq ans de répit jusqu’en 2001. Ensuite la nature du terrorisme a changé. Dans une certaine mesure c’était prévisible. Vous en parlez comme d’un problème en augmentation constante. Avec le Freedom Act en 2015, la presse a repéré cela comme un moment significatif où la température était montée d’un cran. Il ne semble pas que vous pensez réellement cela. Il semble que vous laissez entendre que ce rapport public/privé autour de la confidentialité et de l’espionnage évolue comme un continuum. Si c’est le cas, comment cela est-il en train de changer ? Particulièrement dans le climat politique actuel, après les attaques terroristes de Paris et d’autres nous avons vu apparaitre des arguments pour casser l’encodage.

Snowden : Je ne pense pas que cela soit en contradiction. Je pense que ce dont nous parlons sont les tendances naturelles du pouvoir et des mœurs, que pouvons-nous faire pour les endiguer, pour maintenir une société libre. Donc, quand on pense à ce que les choses sont devenues dans les USA du Freedom Act, et quand nous regardons en arrière les années 1970, c’était même pire alors du point de vue de la facilité que le gouvernement avait de commettre des abus et de ne pas en rendre compte. Un des héritages les plus importants de 2013 n’est pas nécessairement quelque chose qui a été publié, mais c’est l’impact de publications sur la culture du gouvernement. Ça a été la confirmation vite venue dans le sillage des révélations de WikiLeaks qui furent aussi très importantes de ce point de vue, que le secret ne dure pas pour toujours, Si vous autorisez une politique qui est clairement contraire à la loi, il vous faudra un jour vous en expliquer.

La question est la suivante, pouvez-vous garder les choses cachées assez longtemps pour ne plus être aux affaires, et de préférence assez longtemps pour ne plus risquer le genre de choses comme une sanction électorale. On voit l’écart diminuer entre les périodes de temps pendant lesquelles les administrations successives pouvaient conserver un secret. Les secrets deviennent publics à un rythme de plus en plus rapide. C’est une bonne chose. C’est pareil dans le contexte du terrorisme.

Il y a une idée intéressante lorsque vous disiez cet effet bizarre sur les US que vous décriviez comme une psychose collective à la suite du 11-Septembre, alors que les pays européens avaient fait face à des attaques terroristes de façon plus habituelle. Les US avaient en fait été soumis au même phénomène, et en réalité on pourrait même dire soumis à des attaques à fort impact comme par exemple l’attaque d’Oklahoma City où un bâtiment fédéral avait été détruit par un individu isolé, un seul acteur.

Bell : Que pensez-vous des relations entre les gouvernements qui demandent à Facebook et les autres plateformes de communication d’aider à combattre Daesh ?

Snowden : Devons-nous à la base sous-traité à des entreprises la fonction de réglementer le monde ? Si vous regardez dans ce contexte, il devient soudainement très clair que ce n’est vraiment pas une bonne idée, particulièrement parce que le terrorisme n’a pas de définition précise et internationalement reconnue. Si Facebook dit, nous ne prendrons aucun message de quiconque dont le gouvernement dit qu’il est un terroriste, tant que c’est ce gouvernement… et puis tout d’un coup il faut qu’ils le fassent pour un autre gouvernement. Les définitions chinoises à propos de qui est et qui n’est pas un terroriste seront radicalement différentes de celles du FBI. Mais si les entreprises essaient d’être sélectives et disent, bon, on ne va le faire que pour un seul gouvernement, ils perdent immédiatement l’accès aux autres marchés. Donc ça ne marche pas, et c’est une situation dans laquelle les sociétés privées ne désirent pas se retrouver.

Toutefois, même si elles pouvaient le faire, il y a déjà des politiques en vigueur pour qu’elles le puissent. Si Facebook reçoit un avis disant que ceci est un message terroriste, ils peuvent le faire disparaître. Ce n’est pas comme si c’était difficile ou fastidieux lorsqu’il s’agit de violence.

La distinction est que le gouvernement essaie de dire, maintenant nous voulons qu’ils fassent disparaître tout discours radical. Est-ce qu’une compagnie privée serait fiable pour définir, à la place de la société, les limites des conversations publiques ? Et cela va bien au-delà des frontières maintenant. Je pense que ce serait un précédent extrêmement dangereux de prendre ce chemin, et aussi irresponsable de le défendre de la part des responsables Américains.

Les véritables solutions sont sans doute bien plus en termes de nouvelles institutions qui encadreraient la manière de réguler la mise en œuvre des lois, nous éloignant des points de conflits militaires, de conflits sur le secret, et tout simplement en direction de politiques publiques.

Il n’y a aucune raison que nous ne puissions pas avoir une force internationale d’anti-terrorisme qui ait réellement une juridiction universelle. Par universelle j’entends en termes de faits, contrairement au droit actuel.

Edward Snowden est un ancien officier de renseignement qui a servi à la CIA, NSA et DIA (Defense Intelligence Agency) pendant une décennie en tant qu’expert sur la technologie et la cyber sécurité. En 2013 il révéla l’ampleur de la surveillance globale exercée par la NSA en fournissant des documents confidentiels de la NSA aux journalistes Glenn Greenwald, Laura Poitras, Barton Gellman et Ewen MacAskill. Il est exilé en Russie depuis juillet 2013.

Emily Bell est directrice au Tow Center for Digital Journalism à l’école de journalisme de Columbia et professeur invitée au Centre de Recherche sur les Arts, Sciences Sociales et Humanités à l’Université de Cambridge.

Source : Columbia Journalism Review, le 10/05/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: https://www.les-crises.fr/interview-de-snowden-pourquoi-les-medias-ne-font-pas-leur-travail/


Powell reconnait l’existence d’un arsenal nucléaire israélien, par Eli Clifton

Tuesday 25 October 2016 at 00:01

Source : Lobe Log, le 14/09/2016

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Publié le 14 septembre 2016 par Eli Clifton

Selon des mails piratés analysés par LobeLog, l’ancien secrétaire d’État Colin Powell a reconnu l’existence de l’arsenal nucléaire d’Israël, un secret connu que les politiques américains et israéliens refusent d’admettre comme faisant partie de la stratégie nucléaire ambigüe d’Israël. Powell a également rejeté les affirmations que l’Iran, à l’époque, n’était qu’à “une année” seulement de disposer d’une arme nucléaire.

Les e-mails, diffusés par le groupe de hackers DCLeaks, révèlent un Powell évoquant le discours controversé du Premier ministre Benjamin Netanuyahu avant une rencontre au Congrès avec son partenaire en affaires, Jeffrey Leeds.

Leeds résume les paroles de Netanyahu en disant “qu’il avait dit tout ce qu’il fallait au sujet du président et tout ce qu’il a fait pour aider Israël. Mais (Leeds) a dit que ce contrat était foireux dès le début, sous-entendu que vous êtes un imbécile de ne pas l’avoir vu.”

Powell a répondu que les négociateurs américains ne peuvent pas obtenir tout ce qu’ils attendent d’une négociation. Mais en faisant écho à un point que de nombreux faucons iraniens ont soulevé, Powell a dit que l’arsenal nucléaire israélien et l’instinct de conservation rationnel rendent très peu probable pour les leaders iraniens le choix de produire et d’essayer une arme nucléaire.

Powell a écrit :

Les négociateurs ne peuvent obtenir ce qu’il souhaite. Cependant, les Iraniens ne pourront pas en utiliser une s’ils arrivent, au final, à en produire une. Les gars à Téhéran savent qu’Israël en compte 200, toutes pointées sur Téhéran, et que nous en avons des milliers. Comme Akmdinijad (sic) (l’a dit), “Que ferons-nous d’une seule bombe, la lustrer ?” J’ai discuté publiquement avec les deux, nK et l’Iran. Nous balayerons la seule chose qui les intéresse, la survie du régime. Où, et comment pourraient-ils en tester une ?

Israël, qui n’est pas signataire du traité de non-prolifération nucléaire, a depuis longtemps maintenu une ambiguïté au sujet de la taille et même de l’existence de son programme d’armes nucléaires.

Plus tard, dans l’échange de mails, Powell a reconnu le droit de l’Iran à enrichir de l’uranium à titre d’énergie nucléaire, disant que les seules sanctions ne seraient pas suffisantes pour “casser” l’Iran, soulignant que l’affirmation selon laquelle l’Iran se précipiterait pour obtenir la bombe et construire une arme nucléaire dans l’année était exagérée.

Powell a écrit :

Ils disent, avec raison, qu’ils ont tous les droits pour enrichir dans un but énergétique. Les Russes les ont aidés à construire un réacteur à Busher. Toutes nos sanctions ne seront pas suffisantes pour les briser. Beaucoup de conneries sur leur avancement. Bibi aime dire “dans un an”, comme nos gars des services secrets. Ils le disent depuis des années. Ce n’est pas si facile à faire.

Powell a finalement approuvé l’accord nucléaire obtenu par l’administration Obama, affirmant, le 6 septembre 2015, lors d’un “Meet the Press” (rencontre avec la presse) que “c’est plutôt un bon accord.” Dans son intervention, Powell a eu des mots durs pour les experts de politique étrangère qui sont restés silencieux ou se sont opposés à l’accord.

Le 30 août 2015, Powell a écrit à Ken Duberstein, l’ancien chef de cabinet du président Ronald Reagan, qui avait suggéré que Powell devrait s’abstenir de saluer l’accord lors d’un entretien télévisé durant lequel il aurait à faire face à des questions concernant les emails d’Hillary Clinton.

Powell a répondu qu’il pourrait gérer les questions politiques, prenant la défense de l’accord face à Duberstein car “c’est un bon accord pour le pays”, se montrant cinglant pour Richard Haass, président du Conseil des Affaires étrangères, et le général à la retraite David Petraeus, pour être publiquement restés tous deux indécis au sujet de cet accord. Powell a dit à Duberstein :

L’accord iranien est bon pour le pays et nos alliés. Les généraux et amiraux retraités ont réagi. J’ai étudié cela de près… J’ai fait des emails avant la télé. On doit s’occuper de l’EI. Haass, Petraeus et les autres ont affirmé être indécis. Des conneries, ils protègent juste leur avenir. Je n’en ai pas et n’en veux pas. Baker, Shultz savent ce qui est bien, comme Henry. Brent a montré qu’il en a.

Mais même Duberstein, qui avait enjoint Powell à éviter une forte approbation du contrat et ne l’a pas évoqué publiquement, n’a pu s’empêcher de partager avec Powell l’affirmation de l’ancien ambassadeur des Nations Unies de l’administration George W. Bush, John Bolton, qui décrit dans un mail l’accord nucléaire comme “la crise la plus importante en terme de sécurité mondiale.”

Duberstein a transmis cet email à Powell, ajoutant ce simple message en en-tête : “Ha ha ! Mais que fume-t-il ?”

Source : Lobe Log, le 14/09/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: https://www.les-crises.fr/powell-reconnait-lexistence-dun-arsenal-nucleaire-israelien-par-eli-clifton/


Les 7 propositions de Donald Trump que les grands médias nous cachent, par Ignacio Ramonet

Monday 24 October 2016 at 01:33

Source : Mémoire des luttes, Ignacio Ramonet, 21-09-2016

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Il y a encore quelques semaines – à plus de deux mois de l’élection présidentielle du 8 novembre prochain aux Etats-Unis –, tous les sondages donnaient Hillary Clinton, la candidate du Parti démocrate, gagnante. Il semblait alors évident que, malgré la masse des préjugés machistes, Mme Clinton serait la première femme à occuper le bureau ovale de la Maison Blanche et à tenir les rênes de la plus grande puissance de notre temps.

Qu’était-il arrivé au candidat du Parti républicain, le médiatique Donald Trump dont l’ascension était considérée comme « irrésistible » ? Pourquoi s’était-il effondré dans les sondages ? Sept Américains sur dix déclaraient alors qu’ils n’en voulaient pas comme président ; et à peine 43 % l’estimaient « qualifié » pour siéger à la Maison Blanche (65 % considérant, en revanche, que Mme Clinton était parfaitement apte à exercer cette tâche).

Rappelons qu’aux Etats-Unis, les élections présidentielles ne sont ni nationales ni directes. Il s’agit plutôt de cinquante élections locales, une par Etat, qui désignent les 538 grands électeurs chargés d’élire à leur tour le (ou la) chef de l’Etat. Ce qui relativise singulièrement les sondages à caractère national.

Face à de si mauvais résultats cependant, le candidat républicain Donald Trump décida, en août dernier, de remanier son équipe et de nommer un nouveau chef de campagne, Steve Bannon, directeur du site ultra conservateur Breitbart News Network. Trump modifia aussi son discours pour s’adresser à deux groupes d’électeurs décisifs : les Afro-américains et les Hispaniques.

Parviendra-t-il pour autant à inverser la tendance et à s’imposer sur la dernière ligne droite de la campagne ? Ce n’est pas impossible. En fait, Trump semble d’ores et déjà avoir, en partie, rattrapé son retard par rapport à Mme Clinton. Personnage atypique, avec ses propositions odieuses, grotesques ou sensationnalistes, Trump a déjà déjoué les pronostics. Face à des poids lourds comme Jeb Bush, Ted Cruz ou Marco Rubio qui, de surcroît, comptaient sur l’appui décidé de l’ensemble de l’establishmentrépublicain, peu d’analystes donnaient Trump gagnant aux primaires du Parti républicain. Et cependant, il a écrabouillé ses adversaires, les réduisant en cendres.

Depuis la crise dévastatrice de 2008 (dont nous ne sommes pas encore sortis), plus rien n’est comme avant nulle part. Les citoyens sont profondément déçus, désenchantés et désorientés. La démocratie elle-même, comme modèle, a perdu une grande part de son attrait et de sa crédibilité. Tous les systèmes politiques ont été secoués jusqu’aux racines. En Europe, par exemple, les séismes électoraux inédits se succèdent, depuis la victoire de l’extrême droite en Autriche jusqu’au Brexit anglais ou la récente défaite de la chancelière allemande Angela Merkel dans son Land de Mecklembourg-Poméranie.

Mais le bouleversement ne se limite pas à l’Europe, il suffit de voir l’écrasante victoire électorale, en mai dernier, de l’inclassable et tonitruant Rodrigo Duterte aux Philippines… Tous les grands partis traditionnels sont en crise. On assiste partout à l’ascension de forces de rupture, soit des partis d’extrême droite (en Autriche, pays nordiques, Allemagne, France), soit des partis populistes et anti-système (Italie, Espagne). Partout, le paysage politique est en voie de transformation radicale.

Cette métamorphose atteint aujourd’hui les Etats-Unis, un pays qui a déjà connu, en 2010, une vague populiste ravageuse, incarnée à l’époque par le Tea Party. L’irruption du milliardaire Donald Trump dans la course à la Maison Blanche prolonge cette vague et constitue une révolution électorale que nul n’avait su prévoir. Même si, apparemment, la vieille bicéphalie entre démocrates et républicains demeure, en réalité la montée d’un candidat aussi atypique que Trump constitue un véritable tremblement de terre. Son style direct, populacier, et son message manichéen et réductionniste, qui sollicite les plus bas instincts de certaines catégories sociales, est fort éloigné du ton habituel des politiciens américains. Aux yeux des couches les plus déçues de la société, son discours autoritaro-identitaire possède un caractère d’authenticité quasi inaugural. Nombre d’électeurs sont, en effet, fort irrités par le « politiquement correct » ; ils estiment qu’on ne peut plus dire ce qu’on pense sous peine d’être accusé de « raciste ». Ils trouvent que Trump dit tout haut ce qu’ils pensent tout bas. Et perçoivent que la « parole libérée » de Trump sur les Hispaniques, les Afro-Américains, les immigrés et les musulmans comme un véritable soulagement.

A cet égard, le candidat républicain a su interpréter, mieux que quiconque, ce qu’on pourrait appeler la « rébellion de la base ». Avant tout le monde, il a perçu la puissante fracture qui sépare désormais, d’un côté les élites politiques, économiques, intellectuelles et médiatiques ; et de l’autre côté, la base populaire de l’électorat conservateur américain. Son discours anti-Washington, anti-Wall Street, anti-immigrés et anti-médias séduit notamment les électeurs blancs peu éduqués mais aussi – et c’est très important –, tous les laissés-pour-compte de la globalisation économique.

Le message de Trump diffère de celui des leaders néofascistes européens. Il n’est pas un ultra droitier conventionnel. Il se définit lui même comme un « conservateur avec du bon sens ». Sur l’échiquier politique traditionnel, il se situerait plutôt à la droite de la droite. Chef d’entreprise milliardaire et star populaire de la téléréalité, Trump n’est ni un militant antisystème ni, évidemment, un révolutionnaire. Il ne critique pas le modèle politique en soi, mais plutôt les responsables qui pilotent ce modèle. Son discours est émotionnel et spontané. Il fait appel aux instincts, « aux tripes », pas à la réflexion ni à la raison. Il s’adresse à cette partie de l’électorat américain gagné par le découragement et le mécontentement, et aux gens lassés de la vieille politique et du système des « privilégiés », des « castes ». À tous ceux qui protestent et qui crient : « Qu’ils s’en aillent tous ! » ou « Tous pourris ! », il promet d’injecter de l’honnêteté dans le système et de renouveler le personnel et les mœurs politiques.

Les grands médias ont beaucoup diffusé certaines de ses déclarations et propositions. Surtout les plus ignobles et les plus odieuses. Rappelons à cet égard, par exemple, ses affirmations à propos des immigrés mexicains illégaux qui seraient, selon lui, « des corrompus, des délinquants et des violeurs ». Ou bien son projet d’expulser quelque 11 millions d’immigrés latinos illégaux qu’il propose d’embarquer de force dans des bus et de les renvoyer au Mexique. Ou sa proposition, inspirée de la série « Le trône de fer » (Game of Thrones), de construire une colossale muraille le long des 3.145 kilomètres de frontière avec le Mexique, qui chevaucherait vallées, montagnes et déserts, pour empêcher l’arrivée de migrants latinos et dont le financement (21 milliards de dollars) serait à la charge du gouvernement mexicain.

Dans le même ordre d’idées, il a annoncé vouloir interdire l’entrée de tous les migrants musulmans, et s’est attaqué avec véhémence aux parents d’un militaire américain de confession musulmane, Humayun Khan, mort au combat en 2004 en Irak. Il a également a affirmé que le mariage traditionnel formé par un homme et une femme constitue « la base d’une société libre » et a critiqué la décision de la Cour suprême de reconnaitre le mariage entre personnes du même sexe comme un droit constitutionnel. Il soutient ce qu’on appelle les « lois de liberté religieuse » promues par les conservateurs dans plusieurs Etats pour refuser des prestations aux personnes LGBT. Il ne faut pas oublier non plus ses déclarations sur le « mensonge » du changement climatique qui serait, selon lui, un concept « inventé par et pour les Chinois pour provoquer la perte de compétitivité du secteur manufacturier américain. »

Un tel catalogue de détestables inepties a été diffusé par les médias dominants non seulement aux Etats-Unis mais partout dans le monde. Au point qu’on se demande comment un personnage avec de si misérables idées peut rencontrer un tel succès chez les électeurs américains qui, évidemment, ne sont pas tous décérébrés ? Quelque chose ne cadre pas.

Pour résoudre cette énigme, il a fallu fendre le mur de l’information et analyser de plus près le programme complet du candidat républicain. On découvre alors sept autres options fondamentales qu’il défend, et que les grands médias passent systématiquement sous silence.

1) En premier lieu, les journalistes ne lui pardonnent pas ses attaques frontales contre le pouvoir médiatique. Ils lui reprochent d’encourager régulièrement son public à huer les médias « malhonnêtes  ». Trump affirme souvent : « Je ne suis pas en compétition avec Hillary Clinton, mais avec les médias corrompus. » Récemment, il a tweeté : « Si les grands médias, répugnants et corrompus, couvraient de manière honnête ma campagne, sans fausses interprétations, je dépasserais Hillary de 20 %. » Il n’a pas hésité à interdire d’accès à ses meetings plusieurs médias importants comme The Washington PostPoliticoHuffington Post et BuzzFeed. Il a même osé attaquer Fox News, la grande chaîne de la droite pamphlétaire, qui pourtant le soutient à fond …

2) Une autre cause des attaques médiatiques contre Trump : sa dénonciation de la globalisation économique qu’il tient pour responsable de la destruction des classes moyennes. Selon lui, l’économie globalisée est une calamité dont le nombre de victimes ne cesse de croître. Il rappelle que plus de 60 000 usines ont dû fermer ces quinze dernières années aux Etats-Unis et qu’environ cinq millions d’emplois industriels ont été détruits.

3) Trump est un fervent protectionniste. Il propose d’augmenter les taxes sur tous les produits importés. Et se dit prêt, s’il arrive au pouvoir, à établir des droits de douanes de 40% sur les produits chinois. « Nous allons récupérer le contrôle du pays et nous ferons en sorte que les Etats-Unis redeviennent un grand pays » affirme-il souvent, en reprenant son slogan de campagne. Partisan du Brexit, il a déclaré que, s’il était élu, il ferait sortir les Etats-Unis de l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA). Il s’est également attaqué au Traité Trans-Pacifique (TPP) et a confirmé que, une fois élu, il retirerait les Etats-Unis de l’accord : « Le TPP constituerait un coup mortel pour l’industrie manufacturière des Etats Unis. » Evidemment, s’il est élu, il stopperait aussi les négociations en cours avec l’Union européenne. Il va même plus loin : « Nous allons renégocier ou sortir de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Ces accords commerciaux sont un désastre. » répète-t-il. Dans des régions comme le rust belt, la « ceinture de rouille » du nord-est où les délocalisations et la fermeture d’usines ont fait exploser le chômage et généralisé la pauvreté, ces propos sont reçus avec enthousiasme et font renaître tous les espoirs.

4) Autre option dont les médias parlent peu : son refus des réductions budgétaires néolibérales en matière de sécurité sociale. De nombreux électeurs républicains victimes de la crise économique, et tous ceux qui ont plus de 65 ans, ont besoin de la Social Security (retraite) et du Medicare (assurance maladie) mis en place par le président Barack Obama que les autres dirigeants républicains veulent supprimer. Trump a promis ne pas revenir sur ces avancées sociales. Il a aussi promis de diminuer les prix des médicaments, d’aider à régler les problèmes des « SDF », de réformer la fiscalité des petits contribuables, et de supprimer un impôt fédéral qui touche 73 millions de foyers modestes.

5) Dénonçant l’arrogance de Wall Street, Trump propose également d’augmenter de manière significative les impôts des traders spécialisés dans les hedge funds (fonds spéculatifs) qui gagnent des fortunes. Il promet le rétablissement de la loi Glass-Steagall (votée en 1933 pendant la Dépression et abrogée en 1999 par William Clinton), qui séparait la banque traditionnelle de la banque d’affaires pour éviter que celle-ci puisse mettre en péril l’épargne populaire par des investissements à haut risque. Evidemment, l’ensemble du secteur financier est vent debout contre Trump et s’oppose au rétablissement de cette loi.

6) En matière de politique internationale, Trump s’est fait fort de trouver des terrains d’entente à la fois avec la Russie et avec la Chine. Il veut notamment signer une alliance avec Vladimir Poutine et la Russie pour combattre efficacement l’organisation Etat islamique (Daesh) même si pour l’établir Washington doit accepter l’annexion de la Crimée par Moscou.

7) Enfin, Trump estime qu’avec son énorme dette souveraine, l’Amérique n’a plus les moyens d’une politique étrangère interventionniste tous azimuts. Elle n’a plus vocation à garantir la paix à n’importe quel prix. Contrairement à plusieurs responsables de son parti, et tirant les leçons de la fin de la guerre froide, il veut changer l’OTAN : « Il n’y aura plus – affirme-t-il  de garantie d’une protection automatique des Etats-Unis envers les pays membres de l’OTAN. »

Ces sept propositions n’oblitèrent pas les déclarations odieuses et inacceptables du candidat républicain diffusées en fanfare par les grands médias dominants, mais elles expliquent sans doute un peu mieux les raisons de son succès auprès de larges secteurs de l’électorat américain. L’aideront-ils à l’emporter ? On ne peut l’affirmer mais il est certain que les trois duels télévisés à venir, face à Hillary Clinton, vont être redoutables pour la candidate démocrate. Car les stratèges militaires le savent bien : dans un affrontement entre le fort et le fou, celui-ci, par son imprévisibilité et son irrationalité, l’emporte bien souvent.

En 1980, la victoire inattendue de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis avait fait entrer le monde dans un cycle de quarante ans de néolibéralisme et de globalisation économique. Une éventuelle victoire de Donald Trump le 8 novembre prochain pourrait, cette fois, faire entrer le monde dans un cycle géopolitique nouveau dont la caractéristique idéologique principale, que l’on voit poindre un peu partout et notamment en France, serait : l’autoritarisme identitaire.

 

Traduction : Rosa Gutierrez

Illustration : Tony Webster

Source : Mémoire des luttes, Ignacio Ramonet, 21-09-2016

Source: http://www.les-crises.fr/les-7-propositions-de-donald-trump-que-les-grands-medias-nous-cachent-par-ignacio-ramonet/


Couvrir Alep, la peur au ventre et le ventre vide, par Karam Al-Masri, Rana Moussaoui

Monday 24 October 2016 at 01:00

Source : Making Of, AFP,  Karam Al-Masri, Rana Moussaoui, 26-09_2016

En cinq ans, il a connu malheur après malheur: la prison du régime puis celle de l’EI, la mort de ses parents dans un raid, le siège de son Alep natal, la faim et l’enfer des bombardements. Malgré ce terrible parcours, notre correspondant Karam Al-Masri, photographe et vidéaste dans la partie rebelle de la deuxième ville de Syrie nous raconte au jour le jour, avec un courage qui ne vacille pas, l’histoire de cette métropole dévorée par une guerre sans merci.

Voici son témoignage, suivi de l’histoire de sa collaboration avec l’AFP racontée par la journaliste Rana Moussaoui.

Alep, juillet 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Alep, juillet 2016 (AFP / Karam Al-masri)

ALEP (Syrie) – Quand la révolte a éclaté en 2011, j’avais presque 20 ans. A peine deux ou trois mois plus tard j’ai été arrêté par le régime, par le service des renseignements politiques. Je suis resté un mois entier en prison, dont une semaine en isolement total dans une cellule d’un mètre carré. C’était pénible, mais je suis sorti à la faveur de la  première amnistie en 2011.  Au début de la révolte, il y avait des manifestations pacifiques. Aucun bombardement. Il n’y avait que la peur de la détention ou des snipers dans la rue”.

L’année suivante en juillet 2012,  Alep a été divisée en deux, le secteur est aux mains des rebelles et le secteur ouest aux mains du régime. En novembre 2013, à 22 ans, j’ai été kidnappé par Daech  (acronyme arabe pour le groupe jihadiste Etat Islamique). Je me trouvais dans une ambulance avec mes amis, un ambulancier et un photographe. Nous avons été conduits tous les trois dans un endroit inconnu. C’était pire que dans les prisons du régime. C’était très, très dur.

Manifestation contre le régime syrien dans le quartier rebelle de Bustan al-Qasr à Alep, en mai 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Manifestation contre le régime syrien dans le quartier rebelle de Bustan al-Qasr à Alep, en mai 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Le photographe et moi sommes sortis six mois plus tard après une « amnistie » mais notre troisième compagnon, le secouriste, a eu moins de chance. Il a été décapité après cinquante-cinq jours de détention, ils ont filmé la vidéo et nous l’ont montrée : « Regardez votre ami, c’est ce qui va vous arriver bientôt ». Ils  nous ont vraiment terrorisés. J’étais très angoissé durant toute ma détention. Je pensais : « demain ça sera mon tour, après demain ça sera mon tour ».

Je me souviens encore de chaque détail. Les 165 jours dans la prison de Daech sont gravés dans ma mémoire. Durant les quarante-cinq premiers jours, ils nous donnaient un repas tous les trois jours. Le repas consistait en une demi-portion de pain arabe, trois olives ou un œuf. Je ne me souviens pas avoir vu un shabbih (homme de main du régime). Ceux qui étaient avec moi étaient des rebelles, militants, journalistes.

Un Syrien libéré après un séjour dans les prisons du régime montre des marques de tortures sur son dos, en août 2012 à Alep (AFP / James Lawler Duggan)

Un Syrien libéré après un séjour dans les prisons du régime montre des marques de tortures sur son dos, en août 2012 à Alep (AFP / James Lawler Duggan)

‘ai été torturé dans les deux geôles. Le plus dur, c’était du côté du régime, car ils voulaient  m’arracher des « aveux ». Chez Daech, l’accusation était toute trouvée : j’avais une caméra donc j’étais un « infidèle » pour eux, ils n’avaient pas besoin de m’interroger.

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‘ai perdu ma famille début 2014, quand j’étais encore prisonnier de Daech. Un baril d’explosifs a été largué sur notre immeuble, qui s’est totalement effondré. Tous les habitants ont péri, dont mes parents. Je ne l’ai su que lorsque je suis sorti de prison. Mes copains ont tenté de me dissuader d’aller chez moi puis m’ont raconté ce qui s’est passé. Je suis resté un mois, complètement désespéré. Non seulement je n’ai rien su du sort de mes parents quand j’étais en prison mais, quand je suis sorti, ils n’étaient plus là. Ils ont attendu de mes nouvelles et, à la fin, ils n’ont pas pu se réjouir de ma libération.

Quand le siège a commencé en 2016, j’avais 25 ans. Pour moi le siège était bien moins douloureux que la prison et la perte de mes parents.

 

 

Après une attaque au barils d'explosifs contre un quartier rebelle d'Alep, le 17 septembre 2015 (AFP / Karam Al-Masri)

Après une attaque au barils d’explosifs contre un quartier rebelle d’Alep, le 17 septembre 2015 (AFP / Karam Al-Masri)

Avant la révolte, ma vie était très simple. J’étais étudiant en droit à l’Université d’Alep.  Je suis fils unique. J’ai tout perdu, ma famille, mon université. Ce qui me manque le plus, c’est ma famille, mon père, ma mère. Surtout elle. Je me souviens d’elle chaque jour, je la vois dans mes rêves. Encore maintenant, je souffre de l’avoir perdue. Je vis tout seul, je n’ai personne. J’ai perdu la plupart de mes amis, morts ou en exil.

Mon existence depuis le début des bombardements d’Alep se résume à essayer de rester en vie. C’est comme si j’étais dans une jungle dans laquelle je tente de survivre jusqu’au lendemain. Fuir les bombardements, les barils. Quand les avions approchent,  j’essaie de me réfugier dans un autre immeuble, quand il y a des tirs d’artillerie, je descends vers les étages inférieurs. C’est une fuite constante.

Un enfant est évacué après une attaque aux barils d'explosifs contre un quartier rebelle d'Alep, le 30 mai 2015 (AFP / Karam Al-masri)

Un enfant est évacué après une attaque aux barils d’explosifs contre un quartier rebelle d’Alep, le 30 mai 2015 (AFP / Karam Al-masri)

Avant le siège, pour me nourrir, je comptais sur les fast-foods, mais maintenant tout a été fermé. Je ne sais pas cuisiner, il y a des jours où je mange un repas et d’autres, rien du tout. Je fais le tour d’Alep-Est, quartier par quartier et je ne trouve qu’une boîte de conserve.  Avant le siège, je passais la journée dehors à chercher des sujets à filmer. Mais avec le siège, j’ai très faim, cela m’a affaibli, et je reste plus de temps chez moi.

L’idée de devenir caméraman a germé dans mon esprit en 2012. Lors des manifs, je filmais avec mon téléphone portable, je téléchargeais sur internet avec pour objectif de montrer qu’il y avait vraiment une révolte, que ce n’était pas, comme le prétendait le régime, juste une dizaine de personnes et des « terroristes ». Non, il y avait des gens qui ne voulaient plus de ce régime, ils voulaient la liberté, la démocratie, la justice.  En 2013, j’ai commencé à travailler comme reporter vidéo indépendant avec l’AFP et, progressivement, mon niveau s’est amélioré. Je regardais les reportages sur les chaînes étrangères, la manière dont c’était filmé, leurs angles et j’essayais de les imiter.

Après un raid aérien contre un quartier rebelle d'Alep, le 20 mai 2015 (AFP / Karam Al-masri)

Après un raid aérien contre un quartier rebelle d’Alep, le 20 mai 2015 (AFP / Karam Al-masri)

Je n’ai jamais pensé devenir un reporter, mais avec le temps, j’ai aimé ce métier. J’ai un profond respect pour le journalisme, et je suis honnête en l’exerçant. Même si je suis un sympathisant de l’opposition et que je vis dans une zone de l’opposition, même si j’ai participé aux manifs contre le régime, j’évite en filmant d’être subjectif et de prendre le parti de l’opposition. Si celle-ci commet une erreur, je le rapporte.

Cette profession, je pense qu’elle est sacrée. Je suis très prudent, s’il y a un doute ou un truc pas réaliste, je ne filme pas.

Traiter avec vous, journalistes vivant à l’étranger et hors de la zone assiégée, c’est comme ma fenêtre pour faire parvenir le message au monde extérieur.

Des habitants d'Alep en état de choc après un raid aérien, le 23 avril 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Des habitants d’Alep en état de choc après un raid aérien, le 23 avril 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Les massacres et les bombardements, c’est devenu habituel, tout comme les images des enfants sous les décombres, des blessés, les corps déchiquetés. Je suis blasé, ce n’est plus comme avant. Fin 2012, lors du premier massacre, quand j’ai vu un homme à la jambe arrachée, je me suis senti mal et me suis évanoui à la vue du sang, car c’était la première fois. Maintenant c’est une scène habituelle pour moi.

Mais le plus dur, c’est de revoir la maison familiale. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu la force d’y aller. Depuis 2014, c’est la seule zone à Alep que je préfère éviter, je ne pourrais pas le supporter. Cela raviverait mes souvenirs. On m’a dit que l’immeuble s’est effondré…

Karam Al-Masri

« Karam ya Karam, ça va ? Quoi de neuf ? »

Par Rana MOUSSAOUI

Une barricade constituée d'épaves d'autobus protège les passants contre les snipers du régime, en mars 2015 dans un quartier rebelle d'Alep (AFP / Karam Al-Masri)

Une barricade constituée d’épaves d’autobus protège les passants contre les snipers du régime, en mars 2015 dans un quartier rebelle d’Alep (AFP / Karam Al-Masri)

BEYROUTH – A entendre quotidiennement la voix de Karam, personne ne peut vraiment croire que ce jeune homme,toujours d’humeur égale, a vécu autant d’horreurs en cinq ans. Sa voix est posée, il ne panique jamais, même lorsque son immeuble est cerné par le feu des bombardements. La guerre lui a tout pris, sauf sa passion d’informer… et son sens de l’humour.

Il a commencé en 2013 à prendre des photos pour l’AFP, puis le service vidéo s’est intéressé à lui. « Nous devions trouver un nouveau pigiste à Alep », se souvient Quentin Leboucher, le coordinateur de l’AFP TV pour la région. « Karam avait contribué au service photo et nous a contactés. Il nous a proposé un premier sujet, sur les bains d’Alep. J’ai tout de suite été frappé par la précision de son travail. Lorsque nous recrutons des pigistes, nous leur envoyons un manuel pour leur expliquer le format de l’AFP TV. Karam avait suivi toutes les indications à la lettre. Ses images ne nécessitaient même pas d’être éditées ».

« Nous avons donc poussé le vice », poursuit Quentin : « Karam nous a proposé un sujet sur un vieil homme, qui avait choisi de rester à Alep malgré la guerre, pour prendre soin de ses voitures de collection. Tout y était. Il nous a donné tout ce dont nous avions besoin pour  raconter son histoire. Les images étaient poignantes. Je garde en mémoire une séquence de ce vieil homme qui écoute un disque sur un gramophone:

Nous avons tout de suite pris conscience de la qualité de son travail et de son potentiel. Il est devenu notre premier contributeur à Alep ».

Deux autres photographes travaillant pour l’AFP, Thaer Mohammed et Ameer Al-Halbi, se trouvent dans la même situation que Karam.

Depuis 2012, le bureau de Beyrouth assure la couverture du conflit en Syrie. Et depuis février 2016, il « vit » au quotidien avec Karam. Il a commencé par nous fournir de brèves informations. Puis, impressionnés par sa rapidité, sa rigueur et sa précision, nous lui avons demandé des reportages.

Alep, décembre 2015 (AFP / Karam Al-masri)

Alep, décembre 2015 (AFP / Karam Al-masri)

Une trêve en février lui a donné l’occasion de faire des sujets sur les Alépins déboussolés au premier jour du cessez-le-feu après des années de bombardements : les médecins et les secouristes goûtant à la quiétude, les rebelles qui profitent eux aussi de la cessation des hostilités pour jouer aux jeux vidéo et faire leurs achats, ou encore les chauffeurs de taxi qui espèrent relancer leurs affaires.

Mais son Alep est aussi une ville qui « meurt de soif » après la destruction des stations de pompage et une cité « aux vitres brisées » en raison des bombardements. Ce sujet fut l’occasion d’un reportage signé à la fois de lui et d’un journaliste vivant de l’autre bord de la ville divisée:

Avec le siège imposé en juillet, ses sujets ont porté sur les affres des pénuries qui contraignent les gens à ne se nourrir que de pourpier et d’aubergines, sans pain, ou encore sur la quête de carburants alternatifs. A l’occasion d’une nouvelle trêve également avortée, il décrivait dans un reportage les enfants au ventre vide qui s’amusaient sur des balançoires de fortune.

Un Syrien fabrique du carburant de fortune à l'aide de plastic usagé, le 10 septembre 2016 à Alep. Quelques jours plus tard, cet homme sera tué par une explosion accidentelle au cours du processus de raffinage (AFP / Karam Al-masri)

Un Syrien fabrique du carburant de fortune à l’aide de plastic usagé, le 10 septembre 2016 à Alep. Quelques jours plus tard, cet homme sera tué par une explosion accidentelle au cours du processus de raffinage (AFP / Karam Al-masri)

Avec Karam, le mode de communication de prédilection est WhatsApp, car rapide et efficace. Comme avec les autres correspondants de l’AFP à travers la Syrie, nous avons créé un groupe WhatsApp, intitulé « Aleppo with Karam » dans lequel les conversations s’étendent à longueur de journée. Celle-ci commence invariablement vers 08H00 par « Karam ya Karam, ça va ? Quoi de neuf ? ». Outre les infos, les journalistes du bureau lui demandent inlassablement : « comment vas-tu ? », « rassure-nous», ou encore : « t’es où ? ».

Karam adore utiliser les emojis pour s’exprimer. Depuis le siège et l’enfer des bombardements, ce sont surtout les figures tristes qui dominent. Chaque fois qu’un obus s’abat sur son quartier, il nous informe, en ajoutant un emoji blême de peur ou qui transpire. « Les barils d’explosifs pleuvent », dit-il, ou encore : « un obus vient de s’abattre près de chez moi ».

Lorsque le siège a été brièvement brisé par les rebelles début août  2016, il se félicitait un jour en écrivant « j’ai mangé une pizza » accompagné d’un émoji tirant la langue. Mais sitôt le siège revenu, il répondait invariablement qu’il était en train de chercher « quelque chose à manger ».  « Vous avez du nouveau sur l’aide ? Il est où ce convoi ? », nous demandait-il, en espérant à travers nous une information de l’ONU. A notre collègue anglophone Maya qui lui demandait s’il avait bien pris son café ce matin, il répondit un jour : « pas de café depuis un mois». De quoi nous culpabiliser avec nos grands mugs d’Americano ou de café au lait sirotés au fil des heures.

Des habitants d'Alep font la queue pour acheter du pain, en juillet 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Des habitants d’Alep font la queue pour acheter du pain, en juillet 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Sur son profil WhatsApp, cette phrase laconique : « L’odeur de la faim fait peur ».

Karam confiait récemment à notre collègue arabophone Rouba que son plat préféré était les frites, mais qu’il a «oublié à quoi ressemblait une pomme de terre ». Il rêve de pouvoir manger de nouveau des kiwis et des cerises.

« Je pèse désormais 58 kilos. Je faisais 67 avant le siège  il y a deux mois », lâchait-il, avant de plaisanter : « je me suis habitué à manger du persil, je l’aime bien maintenant. Mon chat Nanouche est comme moi, à la diète, et a perdu du poids ».

Le quartier de Bab al-Hadid à Alep, en mai 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Le quartier de Bab al-Hadid à Alep, en mai 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Quant aux carburants, il affirma un jour que les deux bonbonnes de gaz dont il dispose représentent « une fortune ». Et de s’esclaffer:  « J’espère recevoir beaucoup d’offres pour les vendre ».

«Ça me fend le cœur quand on lui demande de couvrir quelque chose et qu’il nous dit qu’il a faim. C’est le plus dur », s’émeut Layal, autre journaliste arabophone.

Depuis l’échec, le 19 septembre, de la dernière trêve initiée par Moscou et Washington, le ciel d’Alep s’est littéralement embrasé des bombardements incessants des avions du régime et des Russes et, pour la première fois, nous sentons que Karam est plus sombre que d’ordinaire.

Des blessés dans un hôpital de fortune à Alep après un raid aérien, le 24 septembre 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Des blessés dans un hôpital de fortune à Alep après un raid aérien, le 24 septembre 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Mercredi 21 septembre

« Le ciel est illuminé comme s’il y avait des feux d’artifice, tellement les bombardements sont violents », nous écrit-il.

« Je suis caché dans le couloir »

« Je me cache dans l’une des chambres »

Un sauveteur dans Alep après un raid aérien du régime, le 23 septembre 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Un sauveteur dans Alep après un raid aérien du régime, le 23 septembre 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Jeudi 22 septembre

« On est entouré par la mort »

« Il n’y a pas d’échappatoire »

« Où se cacher ? »

« Alep brûle, je n’ai plus ni porte, ni fenêtre, les immeubles brûlent tout autour de moi. »

Il nous envoie des images des incendies filmées avec son téléphone portable. L’habituel émoji est en larmes.

Mais l’humour de Karam finit par refaire surface, quelques heures plus tard.  A Maya qui lui demande : « Que comptes-tu faire aujourd’hui ? », il répond, avec un smiley : «Réparer mes portes et mes fenêtres ».

Alep, 18 septembre 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Alep, 18 septembre 2016 (AFP / Karam Al-masri)

Vendredi 23 septembre

« Je n’ai pas fermé l’œil. L’odeur de la poudre est envahissante, je ne peux pas respirer »

« Où vais-je aller ? Nulle part. On attend la mort, à tour de rôle »

« C’est la première fois que je vois de telles destructions. Ce qui se passe maintenant est l’équivalent de tous les bombardements des trois dernières années », me dit-il au téléphone.

Primé à deux reprises pour ses photos pour l’AFP, Karam fait preuve de modestie et surtout de délicatesse. Il s’excuse à chaque fois auprès de nous s’il n’y a pas internet ou de batterie en raison des pannes récurrentes d’électricité.

Notre collègue anglophone Sara me confie qu’elle se sent impuissante quand elle demande de ses nouvelles, tellement l’horreur est évidente. « Tout ce qu’on lui dit semble déplacé », dit-elle.

La semaine dernière, il découvre avec joie un reportage fait par un de nos journalistes dans la partie gouvernementale d’Alep, sur le singe Saïd, connu de toute la ville et coqueluche d’un zoo improvisé depuis 25 ans.

« Je me souviens de ce singe quand j’avais cinq ans. On a le même âge », plaisante-t-il. Avant se raviser : « Mais lui a vieilli. Moi je suis encore jeune ».

Saïd, le babouin le plus célèbre d'Alep (AFP / Youssef Karwashan)

Saïd, le babouin le plus célèbre d’Alep (AFP / Youssef Karwashan)

(Cet article a été écrit avec les contributions des journalistes de l’AFP à Beyrouth et du siège régional de l’agence pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, à Nicosie).

Source : Making Of, AFP,  Karam Al-Masri, Rana Moussaoui, 26-09_2016

Source: http://www.les-crises.fr/couvrir-alep-la-peur-au-ventre-et-le-ventre-vide-par-karam-al-masri-rana-moussaoui/


Le programme du Parti républicain appelle à ranimer le Glass-Steagall Act, par Donna Borak

Monday 24 October 2016 at 00:56

Source : The Wall Street Journal, le 19/07/2016

Cette prise de position place le Parti républicain en phase avec les sénateurs libéraux, et s’accompagnerait d’une révocation du Dodd-Frank Act

Paul Manafort, directeur de campagne de Donald Trump. PHOTO: BLOOMBERG NEWS

Paul Manafort, directeur de campagne de Donald Trump. PHOTO: BLOOMBERG NEWS

Par DONNA BORAK

Le programme du Parti républicain appelle au rétablissement du Glass-Steagall Act qui avait contraint les entreprises de Wall Street à séparer leurs activités de banque de dépôt de celles de banque d’investissement. Un tel changement prudentiel, soutenu par les sénateurs libéraux Elizabeth Warren et Bernie Sanders, constitue une entorse inattendue à l’agenda des Républicains à la chambre.

Les députés des deux camps se sont montrés plutôt réfractaires à l’idée de rétablir cette loi. Pour les démocrates, ce nouvel élément du programme politique ne s’accorde pas aux politiques républicaines visant à l’établissement de garde-fous après la crise, alors que les républicains font du détricotage de la loi de restructuration financière Dodd-Frank de 2010 une priorité supérieure.

Dans une déclaration ce mardi, le sénateur de l’Ohio Sherrod Brown, chef de la représentation démocrate à la Commission bancaire du Sénat, affirmait que si le candidat républicain à la présidence Donald Trump « souhaitait vraiment protéger le travailleur américain des spéculations dangereuses de Wall Street qui ont failli détruire notre économie, il défendrait le Dodd-Frank Act, plutôt que d’appeler à son démantèlement. »

Un assistant de la sénatrice Warren confiait que la sénatrice du Massachusetts était « déconcertée par la manière dont les républicains peuvent concilier cette position avec les assauts de leur programme contre le Bureau de la Protection financière du consommateur, et l’engagement de M. Trump à se débarrasser du Dodd-Frank Act. »

Elle comme d’autres ont soutenu que l’abrogation du Glass-Steagall Act a contribué à la crise financière de 2008. Le sénateur Sanders du Vermont n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Le président de la commission des Services Financiers à la chambre, Jeb Hensarling (républicain, Texas), qui participe à la convention à Cleveland, indiquait dans un communiqué ce lundi qu’il était « plutôt focalisé sur la fin du Dodd-Frank Act, source de stagnation économique, néfaste pour le consommateur, et favorisant le renflouement des banques, et son remplacement » par une mesure qu’il a dévoilée en juin. Le résultat, selon lui, serait « la croissance économique pour tous, et le renflouement des banques pour personne. »

Le plan ébauché par M. Hensarling reverrait à la baisse les réglementations financières adoptées depuis la crise financière de 2008 pour les institutions répondant à certaines normes.

Les délégués de la Convention Républicaine Nationale ont approuvé le programme du parti ce lundi. En plus de réinstaurer la loi datant de la grande dépression, ce programme préconise l’abrogation de la loi de 2010, ce qui impliquerait l’abolition du Bureau de la Protection Financière du Consommateur.

Le directeur de campagne de Trump, Paul Manafort, a mis la question en avant lors d’une conférence de presse ce lundi. Cette proposition n’apparaissait pas dans les précédentes ébauches du programme républicain, mais une simple phrase a été incluse dans le document final.

« Nous sommes en faveur du rétablissement du Glass-Steagall Act de 1933 qui interdit aux banques de dépôt de s’engager dans des activités spéculatives, » selon le programme. Cette loi fut abrogée à la fin des années 90 en vertu d’un projet de loi républicain signé par le président alors en fonction, Bill Clinton, l’époux de la candidate démocrate désignée à la présidence, Hillary Clinton.

« Nous sommes d’avis que les années Clinton-Obama ont vu passer des lois favorables aux grandes banques, ce qui est l’une des raisons de l’afflux d’argent de Wall Street pour financer » Mme Clinton, affirmait M. Manafort lors de cette conférence de presse.

La décision des républicains d’ajouter cette phrase vient juste après celle des démocrates, qui se réunissent la semaine prochaine à Philadelphie, de modifier leur programme pour y demander une « version revue et modernisée » du Glass-Steagall Act.

Les programmes de partis, s’ils sont non-contraignants, sont réputés refléter les valeurs communes du parti.

Mme Clinton a annoncé qu’élue, elle irait au-delà des prescriptions de la loi Dodd-Frank pour renforcer la règlementation dans les secteurs les moins régulés du milieu financier. A la différence de son opposant démocrate à l’investiture, M. Sanders, elle n’a pas été jusqu’à annoncer le rétablissement du Glass-Steagall Act.

L’inclusion du Glass-Steagall Act dans le programme du Parti républicain a été interprétée par certains comme une tentative du parti « de positionner la campagne de Trump à la gauche de Clinton sur la question des services financiers dans le but de promouvoir un discours selon lequel elle est de mèche avec Wall Street, et peut-être même d’attirer quelques supporters de Sanders, » indiquait dans une note à la clientèle Isaac Boltansky, un analyste pour la société de placement Compass Point Research & Trading LLC, spécialisée dans le secteur des services financiers.

La séparation obligatoire des plus grandes banques « pourrait être plus perturbante que beaucoup ne l’imaginent, » a déclaré Brian Gardner, analyste chez KBW Inc, dans une note à ses clients. Il a également remarqué que les programmes du Parti républicain comme du Parti démocrate soutenaient « le rétablissement d’une forme de Glass-Steagall, » suggérant « qu’il pourrait se former une coalition politique unitaire destinée à modifier la loi Dodd-Frank, tout en rétablissant l’ancienne séparation entre les banques de dépôt et d’investissement. »

Tony Fratto, fonctionnaire de l’administration de George W. Bush, maintenant chez Hamilton Place Strategies, a estimé que le rétablissement du Glass-Steagall Act est peu vraisemblable. « Il y a à boire et à manger dans ce programme, » a-t-il dit.

« Si les républicains pensent qu’ils peuvent déborder la sénatrice Warren, ils sont dans le délire, » a déclaré M. Fratto dans une déclaration écrite. « Le retour au Glass-Steagall Act serait destructeur et irréalisable. »

Au dernier point presse, M. Manafort a cherché à dépeindre Mme Clinton comme une amie de Wall Street et comme une candidate qui favoriserait les plus grandes banques du pays au détriment des plus petites, des banques communautaires et des activités ordinaires des États-Unis.

Mme Clinton s’est fréquemment retrouvée sur la défensive au sujet de ses liens étroits avec Wall Street. Les conférences rémunérées de l’ancienne secrétaire d’État pour le secteur financier, ainsi que les contributions de celui-ci à son budget de campagne, ont joué un rôle majeur dans les débats des présidentielles.

« Ils savent qu’elle est leur championne et ils l’ont appuyée sans réserve, » a déclaré M. Manafort. Il a cherché à positionner la campagne de M. Trump comme celle qui va défendre les « petites banques et les gens ordinaires. »

Une étude récente du Center for Responsive Politics a trouvé que la campagne de Mme Clinton dépend largement des contributions de Wall Street, mais que le nombre de cotisants est faible. En mai, 93% des dons et garanties provenaient de cinq donateurs, et la plus grande partie de l’argent est allée à des super PAC [Comité d’action politique, NdT], pas à la campagne officielle de Mme Clinton.

Source : The Wall Street Journal, le 19/07/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-programme-du-parti-republicain-appelle-a-ranimer-le-glass-steagall-act-par-donna-borak/


ONU : la Russie met son veto à la proposition de la France pour un cessez-le-feu à Alep, par AFP

Monday 24 October 2016 at 00:01

Observez bien le rendu d’un média puis la vidéo finale, les débats sont surprenants…

Source : France Info, AFP,  

Russes et Occidentaux ont à nouveau étalé leurs divergences sur le dossier syrien samedi 8 octobre à l’ONU. La proposition française pour permettre aux habitants d’Alep de bénéficier d’un cessez-le-feu après quinze jours de pilonnage a été rejetée. La contre-proposition russe n’a pas connu meilleur sort.

Cinquième veto russe sur le dossier syrien

Moscou a d’abord bloqué un texte français qui exigeait la cessation des bombardements qui font rage sur la ville d’Alep où sont pris au piège 250 000 habitants, soumis à une offensive d’envergure du régime de Bachar al-Assad depuis deux semaines.

Le texte français a recueilli l’adhésion de 11 des 15 pays membres du Conseil de Sécurité. Le Vénézuela, comme la Russie, a voté contre. La Chine et l’Angola se sont abstenus.C’est la cinquième fois que la Russie utilise son droit de veto à l’Onu concernant le conflit syrien, qui a déjà fait plus de 300.000 morts en cinq ans.

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Ayrault ne baisse pas les bras

La Russie, principal soutien du régime syrien, a ensuite soumis au vote un texte concurrent, appelant plus généralement “à une cessation des hostilités, notamment à Alep” mais sans évoquer les bombardements. Neuf des 15 pays membres du Conseil de sécurité ont rejeté ce texte, dont la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Ces deux textes concurrents confirment une fois de plus la fracture entre Moscou et les Occidentaux sur la façon de régler le conflit syrien. L’ambassadeur britannique à l’ONU, Matthew Rycroft, n’a pas hésité à parler de “veto solitaire” de la Russie et de vote “cynique”. Jean-Marc Ayrault, qui a fait le déplacement à New York pour ce vote, affirmait sur Twitter que “la France ne se résign[ait] pas. Ma détermination est totale.”

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Source : France Info, AFP,  

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Syrie: le Conseil de sécurité vote sur la résolution de la France et Moscou présente son alternative

Source : Youtube, Russia Today, 08-10-2016

Source : Youtube, Russia Today, 08-10-2016

Vous noterez l’incroyable moment à 1’53’45 où les Occidentaux quittent ostensiblement la réunion au moment où le représentant du gouvernement syrien prend la parole.

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Je rappelle par exemple le récit de l’Opération Timber Sycamore de la CIA et de l’Arabie Saoudite, violant le Droit International…

Source: http://www.les-crises.fr/onu-la-russie-met-son-veto-a-la-proposition-de-la-france-pour-un-cessez-le-feu-a-alep-par-afp/