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Pourquoi Jeremy Corbyn ne veut pas du Brexit, par Romaric Godin

Friday 22 April 2016 at 00:01

Source : La Tribune, Romaric Godin, 15-04-2016

Jeremy Corbyn veut rester dans l'UE... pour la changer. (Crédits : TOBY MELVILLE)

Jeremy Corbyn veut rester dans l’UE… pour la changer. (Crédits : TOBY MELVILLE)

Le choix était délicat pour le chef du parti travailliste, dont l’euroscepticisme est connu. Mais Jeremy Corbyn est parvenu à prendre une position originale en ménageant l’avenir.

Le moment était attendu et il était périlleux pour le chef du parti travailliste, Jeremy Corbyn. Jeudi 14 avril, il a défendu devant un parterre de syndicaliste et d’étudiants, la position officielle de son parti pour le referendum du 23 juin : il a défendu le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Une position qui n’allait pas de soi pour Jeremy Corbyn. Longtemps représentant de la gauche du Labour, il s’était opposé à l’adhésion du pays à l’UE en 1975, puis au traité de Maastricht en 1992, puis au traité de Lisbonne, comme au projet de constitution européenne trois ans plus tôt, en 2008.

C’est dire si Jeremy Corbyn était attendu au tournant, en dehors du parti, comme en son sein où ses opposants ne manquent pas. On attendait une implication prudente qui aurait rendu le nouveau dirigeant travailliste responsable d’une éventuelle défaite du vote « Remain » (pour le maintien). Mais, comme souvent, ses adversaires ont sous-estimé le député d’Islington Nord qui a tenté de  contourner l’obstacle en se démarquant des arguments habituels des partisans du maintien du Royaume-Uni dans l’UE.

Pas de menace, mais un défi

A la différence de nombreux autres Travaillistes et de l’approche de David Cameron, Jeremy Corbyn n’a donc pas menacé l’électeur britannique d’une apocalypse économique et politique en cas de sortie du pays de l’UE (« Brexit »). Il y voit, en revanche, un défi pour le Labour : changer l’UE pour lui donner une nouvelle couleur, plus « sociale. » « Nous voulons former des alliances avec les partis socialistes du reste de l’Europe pour la changer », a-t-il indiqué. Le chef du Labour ne prétend donc pas aimer l’Union telle qu’elle existe, il prétend précisément la modifier. Mais pour la modifier, il faut être à l’intérieur, pas à l’extérieur. « Vous ne pouvez pas construire un monde meilleur si nous ne vous engagez pas dans ce monde », a-t-il résumé.

Quelqu’un a le 06 de Macron pour les négociations ?

Blague à part, ils sont pathétiques – mais bon, à leur décharge, la propagande est telle qu’ils savent aussi qu’ils ne peuvent tenir un autre discours, et beaucoup doivent attendre que tout se casse la figure naturellement…

Soutenir l’UE comme Jeremy Corbyn a jadis soutenu le Labour…

La démarche permet donc à Jeremy Corbyn de maintenir ses critiques vis-à-vis de l’UE, sans pour autant être partisan du Brexit. Son discours ne consiste donc pas, comme David Cameron, à prétendre que l’UE « réformée » par l’accord passé à Bruxelles le 18 février est une bonne chose pour le Royaume-Uni : il consiste à faire du vote « Remain » un vote de lutte, un début plutôt qu’une fin. Avec ce discours, Jeremy Corbyn sort du discours « négatif » pour entrer dans un discours constructif. Le chef du Labour appuyé son discours par une comparaison avec sa propre attitude vis-à-vis du parti où il a longtemps été dans une position très minoritaire. « J’ai eu quelques divergences avec la direction que le Labour a adopté les quelques dernières années, certains l’auront remarqué, mais je suis sûr que le bon choix pour moi a été de rester membre du parti », a-t-il ainsi indiqué. Un argument fort quand on se souvient de la distance entre le « socialiste » Jeremy Corbyn et des dirigeants comme Tony Blair ou Gordon Brown. Au moment de la guerre en Irak, par exemple, le député a voté contre la décision martiale de Tony Blair. Si le député isolé a pu devenir chef du parti, les Travaillistes britanniques peuvent espérer, s’ils restent dans l’UE, changer l’Europe…

Ne pas laisser le Royaume-Uni aux volontés des conservateurs

Car – et c’est la deuxième partie de l’argument de Jeremy Corbyn – le Royaume-Uni n’a guère d’alternative d’un point de vue de gauche. La sortie de l’UE ôterait en effet aux Conservateurs les dernières règles qui limitent leur action en matière de dérégulation du marché du travail et de privatisation. D’autant qu’un Brexit pourrait déclencher par contrecoup l’indépendance de l’Ecosse, territoire traditionnellement très ancré à gauche. Le Brexit renforcerait ainsi le poids de l’Angleterre conservatrice et ne placerait aucune limite aux volontés des Libertariennes conservateurs et de l’UKIP – les principaux défenseurs du Brexit. Jeremy Corbyn peut donc défendre l’UE comme un rempart. Rempart insuffisant, rempart réduit compte tenu de l’orientation conservatrice de l’UE, mais rempart néanmoins. « L’UE a aidé à soutenir l’investissement, l’emploi et les protections pour les travailleurs, les consommateurs et l’environnement », a déclaré le chef travailliste. Il faut comprendre cette phrase en négatif : il s’agit non pas de juger là encore l’UE comme un « paradis des travailleurs », mais comme un minimum dont la droite britannique se passerait bien. Et sur lequel il est possible de construire du mieux.

S’affirmer comme chef de l’opposition

Jeremy Corbyn adopte donc une position politique originale. Il soigne aussi son image de chef de l’opposition en défendant une position qui, faute d’être entièrement la sienne n’en est pas moins celle des militants et des électeurs du Labour. « C’est la position qui a été choisie à l’issue d’un grand débat par le parti. Et c’est le parti que je dirige », a-t-il martelé. Cette affirmation de son pouvoir basé sur le respect de la majorité du parti est un élément central car on a souvent reproché au député d’Islington Nord d’être « coupé » de la masse des électeurs travaillistes et de vouloir transformer le Labour en un parti « gauchiste. » En s’engageant pour le maintien dans l’UE, il rassure les électeurs qui voient en lui un dangereux bolchéviste et il affirme aux militants qu’il n’entend pas diviser le parti.

Maintenir le clivage droite-gauche

Parallèlement, cet engagement pour le « Vote Remain » n’est pas un ralliement à la position de David Cameron. A la différence de ce que l’on a pu observer lors du référendum du 18 septembre 2014 sur le référendum écossais, il a refusé toute unité de campagne avec les Conservateurs. C’est un élément essentiel, parce qu’il permet de distinguer le vote travailliste visant à rester dans l’UE pour la changer du vote conservateur, heureux de l’UE actuelle. En Ecosse, les Travaillistes avaient été les victimes de l’unité de la campagne pour le « non » à l’indépendance, malgré la victoire de ce dernier. Jeremy Corbyn lui, ne commet pas cette erreur et la campagne pour le 23 juin ne réduit pas ses attaques contre le gouvernement conservateur, bien au contraire. Jeudi, il a lancé une nouvelle fois l’offensive sur la question fiscale contre David Cameron, mais aussi contre l’incapacité de Downing Street à défendre les aciéries menacées de fermeture par le géant indienTata Steel.

Ne pas être pénalisé en cas de Brexit

Enfin, la stratégie d’une défense « critique » de l’UE lui permettra de se défendre, en cas de victoire du « Leave ». Si le Brexit est finalement décidé par les électeurs britanniques, ce qui n’est pas impossible car sa cote remonte dans les sondages, la faute en reviendra au premier ministre qui prétend avoir amélioré l’Europe, pas aux Travaillistes qui, conscients des insuffisances de l’Union voulait la changer. Jeremy Corbyn n’a pas, du reste, cherché à minimiser ses engagements passés. Il les a même assumés : « Est-ce que je me rétracte sur tout ce que j’ai dit ou fait ? Non. » Un vote en faveur du Brexit signifiera que les Britanniques partagent les critiques de Jeremy Corbyn, sans son espoir. Le leader travailliste ne saurait se démettre dans ce cas, à la différence du premier ministre qui aura alors bien du mal à rester au 10, Downing Street. Du reste, on remarque que les défenseurs du « Brexit » de gauche – minoritaires outre-Manche -, comme le quotidien Morning Star, critiquent certes, les arguments de Jeremy Corbyn, en pointant le déficit démocratique de l’UE, mais ne « regrettent » pas d’avoir soutenu le nouveau chef du Labour. Quant à ses adversaires centristes au sein du parti, ils ne pourront pas lui reprocher de s’être aligné sur leurs positions…

Popularité en progression

En adoptant cette position, Jeremy Corbyn donne encore une fois tort à ceux qui voyaient en lui un ridicule « arriéré » qui menait le Labour dans le mur. Certes, sa nomination, suivie d’une campagne de presse très défavorable et de quelques bourdes, comme le refus de chanter l’hymne national, avait plongé les Travaillistes au plus bas dans les sondages pendant quelques mois. Mais les électeurs ont appris à connaître le nouveau chef de l’opposition. Les erreurs et la division des Conservateurs l’ont fait revenir en grâce. La proposition de budget très austéritaire, prévoyant notamment la baisse des allocations pour les handicapés qui a conduit à la démission du ministre du Travail Ian Ducan Smith a ouvert un débat que Jeremy Corbyn a su utiliser. Mais les déboires fiscaux de David Cameron révélé par les « Panama Papers » ont donné un nouvel élan au parti travailliste.

Certes, le chemin est encore long pour le chef de l’opposition. Selon un sondage Yougov du 8 avril, sa côté de confiance n’est que de 30 %, ceux qui ne lui font pas confiance sont 52 % des personnes interrogés. Un déficit de 22 points qui est élevé, mais qui est loin des 40 points de janvier dernier. Et pour la première fois, la différence entre ceux qui lui font confiance et ceux qui ne lui font pas confiance est inférieure à celle de David Cameron (-23 points). Mieux même, sur le sujet de l’évasion fiscale et de l’UE, Jeremy Corbyn est largement jugé le plus compétent, loin devant le premier ministre. Enfin, le Labour est désormais en tête des intentions de vote, avec 34 %, en cas d’élections générales, devant les Conservateurs (31 %).

Les Cassandre contredits

Cette évolution contredit les Cassandre qui jugeait qu’en élisant Jeremy Corbyn, le Labour se « suicidait ». De plus en plus, il apparaît que c’est bien la voie centriste de la sociale-démocratie qui est en crise : en Irlande, le Labour a obtenu 6 % des voix après son alliance avec le centre-droit en février alors qu’en Espagne en décembre, le PSOE a obtenu son plus faible score de l’après-franquisme ; aux Pays-Bas, les Travaillistes de Jeroen Dijsselbloem sont donnés sous les 10 % d’intentions de vote et, en Allemagne, la SPD est à des niveaux historiquement faible, sous les 20 %. A l’inverse, au Portugal, où le premier ministre socialiste Antonio Costa a choisi de s’allier à la gauche radicale contre la politique austéritaire de la droite, le PS progresse de trois points dans les derniers sondages par rapport aux élections d’octobre. L’avenir de la Social-démocratie pourrait donc être, contre l’avis d’un Emmanuel Macron par exemple, dans le maintien d’un vrai clivage droite-gauche…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 15-04-2016

Source: http://www.les-crises.fr/pourquoi-jeremy-corbyn-ne-veut-pas-du-brexit-par-romaric-godin/


Le roi de Jordanie accuse la Turquie d’envoyer des terroristes en Europe, par David Hearst

Thursday 21 April 2016 at 01:48

Source : Middle East Eye, le 25/03/2016

Le roi Abdallah dit aux hommes politiques américains que c’est en Turquie que sont “fabriqués les radicaux, et que cela fait partie de la politique turque”

Le roi de Jordanie Abdallah et le président turc Recep Tayyip Erdogan (AFP)

Le roi de Jordanie Abdallah et le président turc Recep Tayyip Erdogan (AFP)

David Hearst

Selon le site MEE (l’Œil du Moyen-Orient), lors d’une rencontre avec des hommes politiques étatsuniens de premier plan, le roi Abdallah de Jordanie a accusé la Turquie d’exporter des terroristes en Europe.

Le roi a affirmé que la crise européenne des réfugiés n’était pas un accident, pas plus que ne l’était la présence parmi eux de terroristes. « Le fait que des terroristes aillent en Europe fait partie de la politique turque, on donne bien à la Turquie une petite tape sur la main, mais cela ne va pas plus loin. »

À la question de l’un des membres du Congrès présent qui demandait si l’ÉI exportait du pétrole en Turquie, Abdallah a répondu : « Oui, absolument. »

Le roi Abdallah a fait ces déclarations lors d’une importante audition au Congrès le 11 janvier, le jour où une rencontre avec le président Obama avait été annulée.

La Maison-Blanche a été forcée de démentir que le président avait fait un affront à l’un des plus proches alliés des États-Unis au Moyen-Orient et a affirmé que cette annulation était due à un chevauchement de rendez-vous. Le roi et le président se sont toutefois brièvement rencontrés à la base aérienne d’Andrews le lendemain.

À cette réunion du Congrès se trouvaient les présidents et les membres du renseignement du Sénat, des Affaires étrangères et des comités des forces armées, y compris les sénateurs John McCain et Bob Corker et des sénateurs Mitch McConnell et Harry Reid, qui sont les chefs respectivement de la majorité et de la minorité de cette chambre.

Selon un rapport détaillé de la rencontre dont ce site a eu connaissance, le roi a entrepris d’expliquer ce qui, selon lui, était la motivation du président turc, Recep Tayyip Erdogan.

Il a affirmé qu’Erdogan croyait à une solution islamique radicale dans la région.

Il a répété : « La Turquie a cherché une solution religieuse pour la Syrie alors que nous, nous nous intéressons aux éléments modérés du Sud et la Jordanie a insisté pour une troisième option qui n’autoriserait pas une option religieuse. »

Le roi a présenté la Turquie comme faisant partie d’un défi stratégique sur le plan mondial.

Nous sommes sans cesse forcés d’affronter des problèmes tactiques contre l’ÉI, mais pas le problème stratégique. Nous oublions le problème des Turcs qui ne sont pas de notre côté sur ce problème, d’un point de vue stratégique.

Il a assuré que la Turquie avait non seulement soutenu des groupes religieux en Syrie et laissé des combattants étrangers pénétrer dans ce pays mais qu’elle avait aussi aidé des milices islamistes en Libye et en Somalie.

Il a soutenu que « c’est en Turquie que se fabrique la radicalisation » et il a demandé aux sénateurs étatsuniens pourquoi les Turcs entraînaient l’armée somalienne.

Le roi a invité les hommes politiques étatsuniens présents à interroger les présidents du Kosovo et de l’Albanie à propos des Turcs.

Il a affirmé que ces deux pays avaient supplié l’Europe de les admettre en leur sein, avant Erdogan.

Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Judeh, a abondé dans le sens des déclarations du roi. Il a évoqué le président albanais, Bujar Nishani, qui est un catholique marié à une musulmane et a affirmé que c’était là un modèle qui doit être protégé dans un pays à majorité musulmane.

Selon Nasser Judeh, quand la campagne de frappes aériennes russes a empêché la Turquie d’établir, dans le nord de la Syrie, des zones sécurisées destinées à enrayer le flux de réfugiés vers la Turquie, « la Turquie a envoyé les réfugiés en Europe. »

Le roi Abdallah et son ministre ont dit leur opposition au plan de 3 milliards de dollars en faveur de la Turquie. Ils ont fait remarquer que ce pays n’avait que 2 millions de réfugiés pour une population de 70 millions, tandis que la Jordanie faisait face, « proportionnellement, à un plus grand problème. »

La Jordanie et la Turquie sont officiellement des pays alliés. Le Premier ministre turc, Ahmed Davutoglu, a annulé une visite officielle en Jordanie après le dernier en date des attentats à la bombe qui, le 13 mars, a fait 34 victimes à Ankara.

Les Faucons de la Liberté du Kurdistan (TAK), une branche du PKK, ou le Parti des travailleurs du Kurdistan, a revendiqué la responsabilité de cet attentat.

La visite qui a été reportée doit avoir lieu ce week-end et Ahmed Davutoglu aura présent à l’esprit ce que le roi Abdallah a dit aux sénateurs : en substance, la Turquie utilise les Kurdes comme «une excuse » pour sa politique en Syrie.

Selon Galip Dalay, directeur de recherche du Forum Al Sharq et professeur pour les affaires kurdes et turques au Centre d’études Al Jazeera, il est erroné de présenter la Turquie comme un pays qui a pour but stratégique d’établir un gouvernement islamiste en Syrie.

« La Turquie, a-t-il déclaré, a fait de son mieux dans les huit premiers mois de la crise syrienne pour trouver une solution politique à la crise, qui n’aurait pas exclu Bachar el-Assad. À cette époque, dans la région et les pays occidentaux, on critiquait la Turquie pour sa trop grande indulgence vis-à-vis du régime d’Assad et son trop grand optimisme sur les possibilités de réforme de ce gouvernement. Quand il est devenu évident, après huit mois de tentatives laborieuses, qu’Assad n’avait aucune intention d’initier un processus politique et démocratique qui satisferait les exigences des opposants, la Turquie a commencé à soutenir l’opposition.

Galip Dalay a affirmé que l’allégation selon laquelle la Turquie achetait du pétrole à l’ÉI était un mensonge russe, concocté à Moscou après que la Turquie a abattu en vol le bombardier russe. « La Turquie n’est pas la seule à soutenir qu’il n’y a pas la moindre preuve qui appuie ces dires. Les États-Unis l’ont assuré, eux aussi. »

Le gouvernement turc n’a pas souhaité commenter officiellement les déclarations faites par le roi Abdallah le 11 janvier. Un haut responsable turc, cependant, a accusé le roi de devenir « le porte-parole de Bachar el-Assad. »

Selon ce responsable, on n’a pas l’impression que ces déclarations aient été faites par un roi, mais par « un journaliste occidental à l’esprit brouillé, qui connaît très mal la région. »

La Turquie est, sans le moindre doute, en train de lutter de toutes ses forces contre Daech. C’est en Turquie, non en Jordanie, qu’ont lieu les attentats à la bombe. Dans ces conditions, les accusations sans fondement du roi Abdallah sont totalement inacceptables.

« En outre, le fait qu’il s’attaque au problème de Daech en s’appuyant sur des informations aussi dénuées de fondement soulève la question de la légitimité de la Jordanie à jouer un rôle significatif dans la lutte contre Daech. »

Selon Galip Dalay, les déclarations du roi sur la vente de pétrole par l’ÉI à la Turquie sont non seulement absurdes, mais elles prouvent que le monarque n’avait pas la moindre petite idée de ce qui se passait en Syrie.

« Les affirmations du roi et les accusations qu’il porte contre la Turquie ne sont pas nouvelles. Malheureusement, toutes ces allégations sont les mêmes que les calomnies souvent répandues par le régime d’Assad.

« Il serait de l’intérêt de la Jordanie et de la région que ce pays, en tant qu’ami de la Turquie, se mette à travailler à une coopération stratégique avec une puissance stratégique comme la Turquie, au lieu d’agir comme le porte-parole d’Assad. »

Source : Middle East Eye, le 25/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-roi-de-jordanie-accuse-la-turquie-denvoyer-des-terroristes-en-europe-par-david-hearst/


Miscellanées du jeudi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, Farage, ScienceEtonnante)

Thursday 21 April 2016 at 00:10

I. Philippe Béchade

Les indés de la finance: La croissance chinoise se stabilise – 15/04

Philippe Béchade VS Serge Négrier (1/2): Les marchés devraient-ils se réjouir du rebond des exportations chinoises ? – 13/04

Philippe Béchade VS Serge Négrier (2/2): La hausse du pétrole va-t-elle soutenir longtemps les marchés ? – 13/04

II. Michel Onfray

Michel Onfray: “Le quinquennat a supprimé la fonction présidentielle”

III. Nigel Farage

L’armée du peuple l’emportera sur cette Union Européenne anti-démocratique

IV. Coluche

Coluche – Le Chomeur

V. ScienceEtonnante

Pourquoi le pastis devient-il opaque quand on l’allonge ? — Science étonnante #8


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

immigres

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-jeudi-delamarche-sapir-bechade-onfray-farage-scienceetonnante/


Revenus 2014 des Clinton : 28 millions de dollars – la “gauche” américaine évite la paupérisation…

Thursday 21 April 2016 at 00:05

I. Les Résultats de la primaire Démocrate de New-York hier

Sainte Hillary a donc réalisé un bon score chez elle New-York, avec 57 % des voix face à Sanders, qui a désormais bien peu de chances de l’emporter…

Dommage, la remontée de ce dernier au niveau national était assez impressionnante, mais il manquera de temps, et il garde les minorités contre lui :

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Cela présage cependant pas mal de rancoeurs de ses électeurs électrisés…

II. Money, money, money

Je signale au passage que les candidats ont publié leurs déclarations d’impôt 2014, et que la “gauche” américaine peut-être fière de sa réussite :

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Le couple Clinton a ainsi empoché plus de 28 millions de dollars de revenus (oui, on parle de revenus annuels, pas de patrimoines, hein) en 2014, contre 200 000 $ au couple Sanders…

Et on parle bien de l’argent personnel, pas de celui pour les campagnes politiques…

Comme on parle d’argent, voici un graphe intéressant sur la proportion de donc pour la campagne présidentielle venant de donneurs de plus de 5 000 $ et 100 000 $ (le total des sommes est sous le nom – Source) :

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On constate donc l’absence de gros donateurs chez Sanders et Trump, et le poids des très gros donateurs… chez tous les autres !

Le record revenait en fait au frère Bush, qui a abandonné (données plus anciennes d’il y a 1 mois)

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Mention enfin pour les 225 millions de dollars de budget d’Hillary Clinton, presque le double de Sanders (qui a obtenu un total incroyable avec seulement des petits dons…).

C’est qu’il a fallu aider Sainte Hillary en difficultés (Source) :

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Merci George Soros pour ces 7 millions… ! Et comme il est à fooooooond(s) pour la Démocratie sur la planète, il file 7 millions à la candidate qu’il aime bien, et rien au candidat des pauvres, normal quoi….

Au passage, rions avec Cruz : – il a des amis vraiment sympas :

donateurs-clinton

Quant à Trump :

donateurs-clinton

Euh non, milliardaire, il a dit qu’il finançait tout seul sa campagne, et ne voulait pas d’argent, afin de rester libre…

III. Les Résultats de la primaire Républicaine de New-York hier

Sinon, au niveau des résultats, il y a plus de suspens pour les Républicains, où Trump a triomphé sur ses 2 adversaires, avec 60 % des voix :

primaires-2016-04-20

Trump dispose de 846 délégués, il lui en faut 1237 pour être sûr d’être désigné ; il lui manque donc 391 délégués, et il en reste 674 à distribuer. Ce n’est pas gagné, mais ce n’est pas perdu non plus…

republicains-dates

Trump est donné gagnant dans les sondages dans les les grands États restants. Mais on n’aura le résultat que le dernier jour… donc le 7 juin.

On voit que sa côte nationale ne cesse de s’améliorer :

republicains

Celle de Cruz (l’évangéliste ultraconservateur moralisateur) palissant, un peu beaucoup à cause du scandale faisant que le Voici local l’accuse d’avoir 5 maîtresses (on a oublié de vous le dire ? :) ):

Scandale-sexuel-de-Cruz

C’est vraiment à se demander pourquoi les gens sont énervés et votent Trump…

À suivre…

Source: http://www.les-crises.fr/revenus-2014-des-clinton-28-millions-de-dollars/


Donald Trump va l’emporter haut la main. Le créateur de ‘Dilbert’ explique pourquoi, par Michael Cavna

Wednesday 20 April 2016 at 02:00

Source : The Washington Post, le 21/03/2016

Par Michael Cavna

DILBERT-trump-panel

Une planche de « Dilbert. » (Scott Adams / Universal Uclick 1991)

SCOTT ADAMS se souvient du tournant de la partie. Il était jeune et s’améliorait aux échecs, mais le gamin qui menait l’échiquier déjouerait les tactiques d’Adams jusqu’à ce que le jeu tourne en débâcle. À présent, ce gamin ne voulait pas simplement battre Adams ; il voulait l’embarrasser. « Ainsi, après qu’il eut pris les trois quarts de mes pièces et que j’étais découragé, » raconte Adams, « il m’a proposé de tourner la planche et de jouer avec mes pièces. » Et puis effectivement il « gagna » encore.

À ces occasions, Scott Adams, le créateur de « Dilbert, » a perçu le type de personnalité qui aime non seulement le défi de la stratégie de jeu, mais aussi le frisson d’écraser la compétition. C’est le sport de la domination méticuleusement préméditée.

Et cela fait partie des raisons pour lesquelles Adams croit que Donald Trump va gagner la présidence. D’une victoire écrasante.

Adams, en d’autres termes, estime que Trump lui-même a renversé le jeu de la campagne. Dans sa campagne électorale, le magnat de l’immobilier ne fonctionne pas sur la connaissance des chiffres ou l’analyse des données. Il navigue sur nos émotions, dit Adams, et l’attrait sournois pour notre propre irrationalité humaine. Depuis août dernier, en effet, alors que beaucoup qualifiaient l’entrée de Trump de candidature clownesque, le caricaturiste de « Dilbert » avait déjà déclaré que « Le » Donald était un maître des pouvoirs de persuasion, qui allait sans aucun doute monter dans les sondages. Et la semaine dernière, Adams a commencé à bloguer sur la façon dont Trump peut par sa parole démanteler la prochaine candidature de Clinton.

Adams, bien entendu, ne cautionne pas Trump ni ne soutient sa politique. (« Je ne pense pas que mes opinions politiques plaisent à personne, » dit-il à la rubrique Comic Riffs du Post, « pas même à un autre être humain. ») Et il ne dit pas que Trump serait le meilleur président. Ce que le dessinateur installé dans la baie de San Francisco reconnaît, dit-il, c’est l’art méticuleux derrière les techniques d’expression de Trump. Et Donald, dit-il, joue avec ses concurrents comme avec un violon – avant de les battre comme un tambour.

Dit plus simplement : Adams croit que Trump va gagner parce qu’il est « un maître de la persuasion. »

Le magnat de Manhattan est si habile dans sa force de persuasion, qu’Adams croit que le candidat aurait pu fonctionner en tant que démocrate et, en choisissant d’autres sujets brûlants, encore remporter cette présidence. En d’autres termes : Trump est un tel maître en stratégie linguistique qu’il aurait pu retourner l’échiquier politique et encore occuper le terrain.

Adams ne prétend pas être un analyste politique expérimenté. Ses références exposées dans cette arène, dit Adams – qui ne possède qu’un Master en administration des entreprises de l’université de Californie à Berkeley – attestent largement sa qualification d’hypnotiseur et, en tant qu’écrivain, d’auteur de livres de gestion, un éternel étudiant des techniques de rhétorique persuasive. (Son ouvrage de développement personnel est intitulé « Comment échouer à presque tout et toujours gagner gros : un peu l’histoire de ma vie. »)

« Le plus important quand vous étudiez l’hypnose, c’est que vous apprenez que les humains sont irrationnels, » dit Adams à Comic Riffs. « Jusqu’à ce que vous compreniez cela, l’hypnose est difficile à appliquer. […] Pour moi, ce fut ce grand réveil de comprendre que les humains sont profondément irrationnels, et ça a eu probablement la plus grande influence sur moi en terme d’écriture. »

« C’est un truc que j’ai appris de Bil Keane, » le défunt créateur de « Family Circus », explique Adams à Comic Riffs. « Il m’a essentiellement appris à cesser d’écrire pour moi-même, ce que j’ai compris que je faisais – en écrivant une bande dessinée que je voulais lire. »

Donc Adams a pris une nouvelle orientation pour écrire davantage sur les lieux de travail, et le « Dilbert » qui a éclos au début des années 90 s’est intéressé « à cette grande partie de la vie des gens invisible au reste du monde et à la centaine de façons différentes de souffrir. »

« En mentionnant simplement cet univers, » dit Adams, la bande dessinée s’est connectée avec les lecteurs « à un niveau émotionnel. »

Et n’est-ce pas ce que fait Trump essentiellement, à son tour ? Il reconnaît la souffrance de certains, dit Adams, et ensuite joue de l’émotion qu’elle produit.

Et il améliore cette approche, dit Adams, en « exploitant le business model » comme un entrepreneur. Dans ce modèle, dans lequel « l’industrie de l’information n’a pas la possibilité de changer […] les médias n’ont pas vraiment le choix d’ignorer les sujets les plus intéressants », dit Adams, affirmant que Trump « peut toujours être le sujet le plus intéressant, s’il n’a rien à craindre et rien à perdre. »

Le fait de n’avoir rien d’essentiel à perdre augmente alors ses chances de gagner, parce cela élargit son domaine de jeu rhétorique. « La psychologie est la seule compétence nécessaire pour être candidat à la présidentielle, » écrit Adams, en ajoutant : « Trump connaît la psychologie. »

Dans ce contexte, voici ce que ce candidat Trump fait pour gagner les cœurs et les esprits de la campagne, selon Scott Adams :

images.washingtonpost.com

– Avant de faire notre business plan pour l’année prochaine, regardons si nous nous y sommes tenus l’an dernier.

– On a fini par ne rien faire de ce qui était dans notre plan, comme tous les ans.

– Pourquoi ne pas faire l’impasse cette année ?

– Ce serait irrationnel de ne pas avoir de plan.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Trump sait que les gens sont fondamentalement irrationnels.

« Si vous considérez les électeurs comme rationnels, vous serez un homme politique épouvantable, » écrit Adams dans son blog. « Les gens ne sont pas programmés pour être rationnels. Nos cerveaux ont évolué simplement pour nous garder en vie. Les cerveaux n’ont pas évolué pour nous offrir la vérité. Les cerveaux nous projettent simplement des films dans nos esprits pour nous maintenir sains et motivés. Mais rien de tout cela n’est rationnel ou vrai, sauf peut-être parfois par hasard. »

  1. Sachant que les gens sont irrationnels, Trump a pour but de séduire à un niveau émotionnel.

« La preuve est que Trump ignore complètement la réalité et la pensée rationnelle en faveur de la séduction émotionnelle, » écrit Adams. « Bien sûr, une grande partie de ce que dit Trump fait sens pour ses partisans, mais je vous assure que c’est une coïncidence. Trump dit tout ce qui lui donne le résultat qu’il veut. Il a compris que les hommes sont à 90 % irrationnels et agit en conséquence. »

Adams ajoute : « Le vote des gens est fondé sur l’émotion. Un point c’est tout. »

images.washingtonpost.com 2

– Quelles chances y a-t-il pour que tu aies fait cette feuille de calcul sans erreur critique ?

– Quelle importance, du moment que ça me donne le résultat que je veux ?

– Ça devrait avoir de l’importance.

– Mais demande-toi si ça en a.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. En agissant selon l’émotion, les faits ne comptent pas.

« Alors que ses adversaires perdent le sommeil à essayer de mémoriser les noms des dirigeants étrangers – au cas où quelqu’un le demande – Trump sait que c’est une perte de temps…, » écrit Adams. « Il y a beaucoup de faits importants que Trump ne connaît pas. Mais la raison pour laquelle il ne connaît pas ces faits est – en partie – qu’il sait que les faits ne comptent pas. Ils n’ont jamais compté et ne compteront jamais. Alors, il les ignore.

« Juste en face de vous. »

Et citer des chiffres qui pourraient ne pas exactement correspondre aux faits réels peut cependant ancrer ces chiffres, et ces faits, dans votre esprit.

  1. Si les faits ne comptent pas, vous ne pouvez pas vraiment avoir « tort ».

Trump « ne s’excuse pas ni ne se corrige. Si vous n’êtes pas formé à la persuasion, Trump semble stupide, mauvais, et peut-être fou, » écrit Adams. « Si vous comprenez la persuasion, Trump est parfaitement à la hauteur la plupart du temps. Il ignore la pensée rationnelle inutile et les données objectives et martèle sans cesse ce qui compte (les émotions). »

« Est-ce que l’engagement de Trump dans la citoyenneté par la naissance vous perturbe ? » continue à demander Adams. « Vous demandez-vous comment Trump pouvait croire qu’Obama n’était pas un citoyen ? La réponse est que Trump n’a jamais cru quoi que ce soit sur le lieu de naissance d’Obama. Les faits ne sont pas pertinents, il les ignore tout en trouvant une place dans le cœur des conservateurs. Pour plus tard.

« C’est pour plus tard. Il s’y prend à l’avance. »

images.washingtonpost.com 3

– Est-ce que tu préfères me préparer et me servir ma nourriture préférée maintenant ou dans une minute ?

– Pourquoi est-ce que tu utilises toujours cette technique manipulatrice de me faire penser après la vente ?

– Parce que ça marche.

– Dans une minute ! Pas une seconde avant !

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Avec moins de faits en jeu, il est plus facile de tordre la réalité.

Steve Jobs est célèbre pour avoir cherché à créer des « champs de distorsion de la réalité » afin de répondre à ses besoins et atteindre ses fins. Trump emploie des techniques similaires, et apparemment peut être aussi susceptible quand sa « réalité » est contestée. « Le Maître de la persuasion déformera la réalité jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il veut, » écrit Adams, notant que Trump en est déjà « presque à la moitié ».

(Parmi les techniques de persuasion que Trump utilise pour aider à tordre la réalité, dit Adams, figure la répétition de phrases ; « penser après la vente » [faire penser à une conséquence de la vente, comme si la vente était déjà faite et devenue une donnée de base du raisonnement, NdT] de sorte que la première partie de sa prémisse est indiquée comme une donnée, et sachant l’attrait de la réponse la plus simple, en liaison avec le concept du rasoir d’Ockham.)

images.washingtonpost.com 4

– Il paraît que vous traversez une transition de l’identité.

– Non, j’ai juste une mauvaise position à force de regarder un écran toute la journée. Je ne me transforme pas littéralement en Quasimodo.

– Dommage, parce que nous avons besoin d’une nouvelle mascotte dans l’entreprise et vous seriez parfait.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Pour tordre la réalité, Trump est un maître des politiques identitaires – et l’identité est la plus forte persuasion.

Pensez-vous que ce soit une coïncidence si Trump a appelé Megyn Kelly une bimbo, puis qu’elle s’est faite faire une coupe de cheveux qui n’est pas du style bimbo, mais plutôt… eh bien, Trumpienne ?» écrit Adams. « Cela ne semble pas une coïncidence à ce manipulateur expérimenté. »

Une façon d’y parvenir est par le déploiement de « coups linguistiques mortels » qui touchent au vif, et modifient la perception de deux manières.

« Les meilleurs coups linguistiques mortels de Trump, » écrit Adams, « ont les qualités suivantes : 1. un mot dans l’air du temps généralement pas utilisé dans la politique ; 2. qui concerne l’aspect concret du sujet (de sorte qu’on s’en souvient toujours). »

Adams ajoute : « L’identité est toujours le plus fort niveau de persuasion. La seule façon de le battre est avec des trucs sales ou un scénario d’identité plus fort. […] [Et] Trump est en bonne voie pour s’approprier l’identité des Américains, mâles alpha, et les femmes qui aiment les mâles alpha. Clinton est en bonne voie pour s’approprier l’identité des femmes en colère, des hommes bêta, des immigrants et des minorités marginalisées.

« Si c’était du poker, quelle main vous semblerait la plus forte pour une élection nationale ? »

Capture d’écran 2016-04-17 à 19.14.37

– Est-ce que je peux vous poser des questions sur votre voyage vers le succès ?

– Je crains le pire.

– J’essaie de déterminer quel pourcentage du succès d’une personne est de la pure chance.

– Par exemple qui vous a embauché pour votre premier vrai emploi ?

– Mon père. Mais pour ma défense, je suis bon en entretien.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick 2016)

Source : The Washington Post, le 21/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/donald-trump-va-lemporter-haut-la-main-le-createur-de-dilbert-explique-pourquoi-par-michael-cavna/


Une coalition de parlementaires corrompus fait tomber Dilma Rousseff

Wednesday 20 April 2016 at 01:17

Source : France24, Sophie Guignon, David Gaormezano, 17-04-2016

Une coalition de parlementaires corrompus proche de faire tomber Dilma Rousseff

Sauf coup de théâtre, la Chambre des députés brésilienne devrait massivement approuver dans la nuit de dimanche à lundi la destitution de Dilma Rousseff. Analyse de la chute d’une présidente réélue il y a deux ans à peine.

Un peu plus d’un an après les premières manifestations demandant la destitution de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, en mars 2015, l’opposition est en train de voir son rêve se réaliser. Dimanche 17 avril, à partir de 18 h GMT, la Chambre des députés se prononcera, deux tiers des voix étant nécessaires pour que la procédure de destitution soit transmise au Sénat.

Lâchée par ses alliés de centre droit, Dilma Rousseff ne peut plus compter que sur le soutien de son parti, le Parti des travailleurs (PT), au pouvoir depuis 2002, et de quelques autres partis de gauche. Depuis les défections de trois partis de sa coalition intervenues en début de semaine, toutes les estimations sont formelles : pour Dilma Rousseff, les carottes sont cuites. Quelles sont les raisons de l’ubuesque descente aux enfers d’une présidente réélue avec 51,5 % des voix en octobre 2014 ?

De quoi est accusée Dilma Rousseff ?

L’acte de destitution lui reproche son “irresponsabilité” en matière budgétaire. En 2015, son gouvernement aurait maquillé des déficits publics en prêts contractés auprès de banques publiques, ce que la présidente brésilienne nie. Ce tripatouillage de comptes publics est connu au Brésil sous l’appellation intraduisible mais imagée de “pedaladas”.

Ce n’est donc pas son rôle dans le méga scandale de corruption Petrobras qui est en jeu. Ni la nomination de Lula au gouvernement, le mois dernier, qui avait déclenché de violentes réactions parmi les Brésiliens.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis sa réélection, Dilma Rousseff fait face à l’opération “Lava Jato”, une enquête judiciaire de grande envergure qui révèle jours après jours les liens de corruption entre personnages politiques et grandes entreprises (principalement du BTP et du secteur de l’énergie), sans épargner les membres de son parti.

En plus de cette opération “Mains propres” à la brésilienne qui secoue l’establishment du pays, le Brésil s’enfonce dans une violente récession économique. L’incapacité de Dilma à contenir la crise l’a mise sous le feu des critiques des milieux d’affaires, mais aussi de ses soutiens politiques, qui lui reprochent de sacrifier les classes populaires.

Depuis des mois, la présidente parvient difficilement à gouverner en raison de son impopularité. Les dirigeants de l’opposition veulent écourter son mandat pour que le pays puisse “prendre un nouveau départ”.

Selon Luis Almagro, le secrétaire général uruguayen de l’OEA (Organisation des États américains), “pour nous, il s’agit d’une procédure de destitution contre une présidente qui n’est pas accusée d’avoir commis des actes illégaux. C’est d’autant plus préoccupant que ceux qui ont actionné le mécanisme de destitution sont des parlementaires qui sont eux-mêmes sous le coup d’accusations, ou qui ont été condamnés. C’est le monde à l’envers.”

La destitution de Dilma Rousseff est-elle légitime ?

Si la procédure a suivi toutes les étapes constitutionnelles et légales, la destitution de Dilma Rousseff obéit avant tout à une logique politique.

Le combat pour sa destitution voit s’affronter les défenseurs des acquis du Lulisme et l’establishment conservateur brésilien qui, après avoir perdu quatre élections présidentielles successives, veut récupérer le pouvoir à tout prix.

Pour Mario Conti, éditorialiste du journal Folha de Sao Paulo et de la chaine GloboNews, “rien, jusqu’à présent, ne prouve un enrichissement personnel de la présidente. C’est évident qu’elle a contribué à l’état de récession dans lequel est plongé le pays, qu’elle a menti pendant la campagne électorale, qu’elle est irrascible. Mais tout cela ne constitue pas un crime de ‘responsabilité’ et ne justifie pas une destitution”, ajoutant : “Elle n’a pas volé, et c’est une bande de voleurs qui la juge. L’élite brésilienne veut mettre un terme au cycle politique du Parti des Travailleurs quel qu’en soit le prix.”

S’agit-il d’un coup d’État constitutionnel ?

C’est ce que Dilma, Lula et les dirigeants du PT affirment depuis des mois. Une opinion partagée par beaucoup de Brésiliens, militants ou sympathisants de gauche qui défilent depuis des mois derrière le slogan “Nao vai ter golpe” (“Il n’y aura pas de coup d’État”).

Pour beaucoup, c’est la démocratie qui est en jeu. On ne peut démettre une présidente démocratiquement élue parce que l’opposition et l’opinion publique jugent négativement sa gestion de l’économie et de l’État.

Ceux qui affirment que c’est un coup d’État s’appuient sur les sombres réalités de la classe politique brésilienne. L’ultra conservateur évangéliste Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés, est accusé de blanchiment d’argent pour des montants astronomiques (de 5 à 40 millions de dollars selon les sources). Et c’est lui qui, en décembre, avait jugé recevable la demande de destitution au moment où la commission d’éthique du Parlement souhaitait le suspendre de ses fonctions.

Selon Transparency Intenational, 36 des 65 députés qui formaient la commission parlementaire qui a autorisé la mise au vote de la motion de destitution le 11 avril ont déjà été condamnés ou sont inculpés pour des faits allant de malversations électorales au blanchiment d’argent. Selon l’ONG, 60 % des parlementaires brésiliens ont (ou ont eu) affaire à la justice pour des affaires de corruption mais aussi de meurtre, d’enlèvement et séquestration ou encore de déforestation illégale.

De fait, on peut reprocher à Dilma Rousseff une mauvaise gestion économique et un certain autisme politique, mais elle n’est personnellement liée à aucune accusation de corruption ou de détournements de fonds publics. Alors qu’on ne peut en dire autant de nombreux élus brésiliens qui réclament sur tous les tons la destitution de la présidente depuis des mois.

Qui peut succéder à Dilma Rousseff ?

À Brasilia, le vice-président Michel Temer se comporte déjà en nouveau président et consulte en vue de la formation de son prochain gouvernement. “Le traître en chef”, dixit Dilma Rousseff, a même fait fuiter son discours d’investiture à la presse et explique déjà quelle politique il entendrait mener en tant que président. Selon le Jornal do Brasil, il pourrait prêter serment le 10 mai si le Sénat ratifiait la décision des députés. Si une majorité simple des sénateurs vote en faveur de la destitution, Dilma Rousseff sera suspendue 180 jours. En cas de majorité qualifiée des deux tiers, Michel Temer pourra assumer la présidence jusqu’au terme du mandat présidentiel, en 2018.

Cet avocat constitutionaliste de 75 ans a été le colistier de Dilma lors de la campagne de 2010 et de 2014. Sa place sur le ticket présidentiel, il la doit à sa fonction de chef du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), l’un des trois grands partis du pays, avec qui tous les présidents ont fait alliance depuis le retour à la démocratie en 1985, afin d’avoir une majorité au Parlement et pouvoir ainsi gouverner.

Chef d’un parti centriste “attrape-tout” sans colonne vertébrale ni idéologie, roi des marchandages et des intrigues, il pourrait cependant voir ses ambitions sapées par une procédure de destitution concernant des irrégularités commises dans le cadre du financement de sa campagne électorale de 2014.

En cas de destitution du vice-président, peuvent lui succéder, dans l’ordre, Eduardo Cunha, le président de la Chambre des députés, puis Renan Calheiros, le président du Sénat, tous deux impliqués dans des affaires de corruption. Vient ensuite Ricardo Lewandowski, le président de la Cour suprême. Tous trois sont sommés par la Constitution d’organiser de nouvelles élections présidentielles dans les 90 jours qui suivent leur prise de fonction.

Ainsi, plutôt que de mettre un terme à une longue crise politique, la destitution de Dilma Rousseff ouvrirait très certainement une longue période de batailles politiques et judiciaires.

Source : France24, Sophie Guignon, David Gaormezano, 17-04-2016

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Rousseff: «Ils veulent sauver des corrompus»

Source : 20 minutes, AFP, 16-04-2016

BRAZIL-IMPEACHMENT-ROUSSEFF

Les tours de passe-passe budgétaires qui sont reprochés à Dilma Rousseff «ont été pratiqués par tous les présidents avant moi et ont été considérés légaux», s’est défendue la présidente au lendemain du vote de la Chambre des députés en faveur de sa destitution. Elle s’est exprimée lors d’une conférence de presse. (Image – 18 avril 2016)

Dilma Rousseff et son mentor Lula ont déclenché samedi la contre-offensive de la dernière chance pour faire avorter la procédure de destitution de la présidente brésilienne. Les députés décideront dimanche du sort de la dirigeante de gauche.

Le camp présidentiel a attaqué ses adversaires et menait parallèlement en coulisses de fiévreuses négociations auprès des députés encore hésitants. Cette situation sème l’inquiétude dans les rangs de l’opposition de droite.

Mme Rousseff s’en est prise au vice-président Michel Temer, qui brigue ouvertement son mandat, et à son allié le président du Congrès des députés Eduardo Cunha, dans une tribune publiée par le quotidien de Sao Paulo. «Ils veulent condamner une innocente et sauvent des corrompus. Quelle est leur légitimité ?», s’est-elle interrogée.

M. Temer, à la tête du grand parti centriste PMDB qui a quitté fin mars la coalition de Mme Rousseff, est presque tout aussi impopulaire qu’elle. Et, il n’obtiendrait qu’1% des voix à une élection à la régulière, selon un récent sondage.

Son nom a en outre été cité par plusieurs personnes poursuivies dans le cadre de l’enquête sur le réseau de corruption monté au sein de la compagnie pétrolière publique Petrobras. M. Cunha, représentant de l’aile dure du PMDB, est quant à lui inculpé de «corruption et blanchiment d’argent» dans ce dossier.

Lula actif

«L’élite brésilienne n’aime pas la démocratie», s’est exclamé à Brasilia l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, acclamé par plus de mille paysans sans terre, syndicalistes et militants du Parti des Travailleurs (PT-gauche) qui campent près du stade Mané Garrincha. Mais Lula ne s’est pas attardé. «Je dois rentrer (négocier). Nous ne devons pas les laisser remporter les 342 voix», a-t-il expliqué.

Pour faire échouer la tentative de destituer Mme Rousseff dès dimanche, le camp présidentiel devra en effet absolument empêcher l’opposition d’atteindre ce score des deux tiers des députés (342 sur 513) requis pour que la procédure soit renvoyée au Sénat.

Dilma Rousseff serait alors dans une position extrêmement délicate. Au Sénat, il suffirait d’un vote à la majorité simple pour qu’elle soit mise en accusation et écartée du pouvoir pendant un maximum de six mois en attendant le verdict final. Michel Temer assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

Camp présidentiel efficace

«C’est une guerre de chiffres qui montent et qui descendent comme à la Bourse des valeurs», a expliqué Lula à ses partisans. «A un moment, le type dit qu’il est pour nous et après, il ne l’est plus et il faut négocier 24 heures par jour».

Le camp présidentiel semble avoir marqué quelques points ces dernières heures. Ce qui a contraint Michel Temer, qui était rentré chez lui à Sao Paulo, à rentrer d’urgence à Brasilia, selon les médias brésiliens.

Le chef du comité informel militant pour la destitution, le député du DEM (droite) Mendonca Filho, se voulait néanmoins confiant. «Nous avons dépassé la barre des 342 votes. Notre position est consolidée, mais nous ne devons pas céder à la facilité. Il nous faut rester vigilants», a-t-il déclaré.

Dilma Rousseff, un ex-membre de la guérillera sous la dictature (1964-85), est accusée par l’opposition de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et début 2015, mais pas de corruption. Elle se dit victime d’une tentative de «coup d’Etat» institutionnel, alléguant que tous ses prédécesseurs ont eu recours sans être inquiétés aux mêmes tours de passe-passe budgétaires.

Manifestations dimanche

Le suspens du vote de dimanche promet de durer jusqu’à la dernière minute. Les députés ont repris samedi matin leur session extraordinaire à Brasilia. Chacun disposait de trois minutes pour s’exprimer à la tribune.

De grandes manifestations de chaque camp sont prévues pour dimanche à Rio de Janeiro (sud-est), le long de la célèbre plage de Copacabana, à des horaires différents. A Sao Paulo (sud-est), poumon industriel du Brésil et fief de l’opposition, les autorités prévoient une affluence d’un million de manifestants.

(nxp/afp)

Source : 20 minutes, AFP, 16-04-2016

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Brésil : les députés votent en faveur d’une destitution de Dilma Rousseff

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 18-04-2016

Si le Sénat approuve aussi la destitution, la présidente du Brésil sera écartée du pouvoir.

Les députés brésiliens ont ouvert dimanche la voie d’une destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff à une écrasante majorité. Le camp de la destitution l’a emporté par 367 voix, 25 de plus que les 342 requises (2/3) pour autoriser le sénat à mettre la présidente en accusation.

Seuls 137 députés (de gauche et d’extrême gauche pour l’essentiel) ont voté contre la destitution. Sept députés se sont abstenus et trois étaient absents. José Guimaraes, le leader du Parti des Travailleurs (gauche) au Congrès, a réagi :

“Les putschistes ont gagné ici à la chambre [mais ] cette défaite provisoire ne signifie pas que la guerre est perdue.”

Vote du sénat avant le 11 mai

Dilma Rousseff est accusée de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, pour masquer l’ampleur de la crise économique. Mais elle nie avoir commis un crime dit “de responsabilité” et dénonce une tentative de “coup d’Etat” institutionnel.

Depuis sa réélection, elle est embourbée dans une crise politique qui s’est embrasée au mois de mars, avec d’immenses manifestations pour son départ et l’entrée frustrée au gouvernement de son mentor Lula, soupçonné de corruption par la justice.

Plus de 60% des Brésiliens souhaitent désormais son départ. Et son mandat ne tient plus qu’à un fil : d’ici le 11 mai, les sénateurs vont se prononcer. S’ils sont une majorité à se prononcer en faveur de cette destitution, la présidente sera formellement mise en accusation pour “crime de responsabilité” et écartée du pouvoir pendant 180 jours au maximum en attendant un verdict final.

Le vice-président Michel Temer, son ex-allié centriste et désormais rival, assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

“Traître conspirateur”

Cette session extraordinaire du Parlement s’est déroulée dans un lourd climat d’affrontement dès son ouverture par le président du Congrès Eduardo Cunha, ennemi juré de la présidente. Il est lui-même inculpé pour corruption dans le scandale des détournements de fonds du géant pétrolier étatique Petrobras.

A Brasilia, environ 53.000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26.000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats sur des écrans géants devant l’assemblée.

Après les interventions des chefs des groupes parlementaires, chaque élu a eu dix secondes pour annoncer son vote au micro. Le député d’extrême gauche (PSOL) Jean Wyllys s’est montré le plus éloquent. A l’adresse d’Eduardo Cunha et de Michel Temer, il a lancé :

“Je veux dire que j’ai honte de participer à la farce de cette élection indirecte, conduite par un voleur et ourdie par un traître conspirateur.”

“Au nom des communautés homosexuelles, du peuple noir exterminé dans les quartiers périphériques, des sans-toit, des sans-terre, je vote non à ce Coup d’État”, a-t-il martelé.

(Avec AFP)

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 18-04-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/une-coalition-de-parlementaires-corrompus-fait-tomber-dilma-rousseff/


Nous sommes tous l’État islamique, par Chris Hedges

Wednesday 20 April 2016 at 00:30

Source : Le Partage, Chris Hedges, 11-04-2016

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chris_hedges-300x300Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 27 mars 2016.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.


La vengeance est le moteur psychologique de la guerre. Les victimes en sont la monnaie de sang. Leurs corps servent à sanctifier des actes de meurtre indiscriminés. Ceux définis comme l’ennemi et ciblés pour être massacrés sont déshumanisés. Ils ne sont pas dignes d’empathie ou de justice. La pitié et la peine sont l’apanage des nôtres. Nous faisons vœu d’éradiquer une masse déshumanisée incarnant le mal absolu. Les estropiés et les morts de Bruxelles ou de Paris et les estropiés et les morts de Raqqa ou de Syrte perpétuent les mêmes convoitises sinistres. Nous sommes tous l’État islamique.

“La violence n’engendre que de la violence”, écrit Primo Levi, « dans un mouvement pendulaire qui grandit avec le temps au lieu de s’amortir ».

Le jeu du je-te-tue-tu-me-tues ne cessera qu’après épuisement, lorsque cette culture de mort nous aura brisés émotionnellement et physiquement. Nous utilisons nos drones, nos avions de chasse, nos missiles et notre artillerie pour éventrer des murs et des plafonds, exploser des fenêtres et tuer ou blesser ceux qu’ils abritent. Nos ennemis portent des explosifs au peroxyde dans des valises ou des gilets explosifs et pénètrent dans des terminaux d’aéroports, des salles de concert, des cafés ou des stations de métro pour nous faire exploser, et bien souvent eux avec. S’ils possédaient notre niveau de technologie de mort, ils seraient bien plus efficaces. Mais ce n’est pas le cas. Leurs tactiques sont plus brutes, mais nous ne sommes pas moralement différents. T.E. Lawrence a appelé ce cycle de violence : « les anneaux de la tristesse ».

La religion chrétienne épouse la notion de “guerre sainte”, avec autant de fanatisme que l’Islam. Nos croisades valent le concept du jihad. Lorsque la religion sert à sanctifier le meurtre, il n’y a aucune règle. C’est une lutte entre la lumière et l’obscurité, le bien et le mal, Satan et Dieu. Le discours rationnel est banni. Et « le sommeil de la raison », comme dit Goya, « engendre des monstres ».

Essai nucléaire du 3 juillet 1970 à Mururoa (tir Licorne, 1 MT). Parce que « la France » c’est, entre autres : plus de 200 essais nucléaires depuis 1966, avec les conséquences environnementales et sanitaires que l’on sait (ou que l’on devrait savoir). (Coup de pouce : http://www.bastamag.net/Essais-nucleaires-en-Polynesie-la-France-meprise-les-consequences).

Essai nucléaire du 3 juillet 1970 à Mururoa (tir Licorne, 1 MT). Parce que « la France » c’est, entre autres : plus de 200 essais nucléaires depuis 1966, avec les conséquences environnementales et sanitaires que l’on sait (ou que l’on devrait savoir). (Coup de pouce : http://www.bastamag.net/Essais-nucleaires-en-Polynesie-la-France-meprise-les-consequences).

Les drapeaux, les chants patriotiques, la déification du guerrier et les balivernes sentimentales noient la réalité. Nous communiquons à l’aide de clichés creux et insensés, d’absurdités patriotiques. La culture de masse sert à renforcer le mensonge selon lequel nous sommes les vraies victimes. Elle travestit le passé pour le faire se conformer au mythe héroïque national. Nous sommes censés être les seuls à posséder la vertu et le courage. Nous sommes les seuls à avoir le droit de vengeance. Nous sommes hypnotisés et plongés dans une somnolence commune, un aveuglement orchestré par l’État.

Ceux que nous combattons, n’ayant pas accès à nos machines industrielles de mort, tuent de près. Mais tuer à distance ne nous rend pas moins moralement déformés. Les tueries à longue distance, incarnées par les opérateurs de drones des bases militaires aériennes US, qui rentrent diner chez eux, sont tout aussi dépravées. Ces techniciens opèrent la vaste machinerie de la mort avec une terrifiante stérilité clinique. Ils dépersonnalisent la guerre industrielle. Ils sont les « petits Eichmann ». Cette bureaucratie organisée de la mort est l’héritage le plus marquant de l’Holocauste.

La France, c’est aussi l’invasion coloniale d’Anguilla, d’Antigua, de la Dominique, de Grenade, de la Guadeloupe, de la Martinique, de Montserrat, de Saint-Martin (seulement partie nord), de Saint-Barthélemy, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent-et-les Grenadines, de Saint-Eustache, de Tobago, de Sainte-Croix, de Saint Domingue (Aujourd’hui Haïti et République dominicaine), de la Guyane, du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de la République Centrafricaine, du Tchad, du Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Togo, du Cameroun, du Liban, de la Syrie, du Cambodge, du Laos, du Vietnam… c’est aussi la mise en place, le soutien à une grande majorité de présidents et dictateurs africains des anciennes colonies françaises (comme Omar Bongo (Gabon), Gnassingbé Eyadéma (Togo), Paul Biya (Cameroun), Denis Sassou-Nguesso (Congo), Blaise Compaoré (Burkina Faso), ou Idriss Déby (Tchad)). La participation, le soutien, le financement ou l’envoi d’armes lors de nombreuses guerres (comme, par exemple, la guerre civile angolaise, entre 1993 et 1995, qui aurait fait entre 500 000 et 1 000 000 de morts, avec une majorité de civils). D’innombrables guerres (Algérie, Corée, Vietnam, Guerre du Golfe, Afghanistan, Lybie, Mali, Centrafrique, Syrie…) et leurs corollaires : des millions de morts civils, aussi appelés « dommages collatéraux », ainsi que d’innombrables destructions environnementales.

La France, c’est aussi l’invasion coloniale d’Anguilla, d’Antigua, de la Dominique, de Grenade, de la Guadeloupe, de la Martinique, de Montserrat, de Saint-Martin (seulement partie nord), de Saint-Barthélemy, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent-et-les Grenadines, de Saint-Eustache, de Tobago, de Sainte-Croix, de Saint Domingue (Aujourd’hui Haïti et République dominicaine), de la Guyane, du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de la République Centrafricaine, du Tchad, du Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Togo, du Cameroun, du Liban, de la Syrie, du Cambodge, du Laos, du Vietnam… c’est aussi la mise en place, le soutien à une grande majorité de présidents et dictateurs africains des anciennes colonies françaises (comme Omar Bongo (Gabon), Gnassingbé Eyadéma (Togo), Paul Biya (Cameroun), Denis Sassou-Nguesso (Congo), Blaise Compaoré (Burkina Faso), ou Idriss Déby (Tchad)). La participation, le soutien, le financement ou l’envoi d’armes lors de nombreuses guerres (comme, par exemple, la guerre civile angolaise, entre 1993 et 1995, qui aurait fait entre 500 000 et 1 000 000 de morts, avec une majorité de civils). D’innombrables guerres (Algérie, Corée, Vietnam, Guerre du Golfe, Afghanistan, Lybie, Mali, Centrafrique, Syrie…) et leurs corollaires : des millions de morts civils, aussi appelés « dommages collatéraux », ainsi que d’innombrables destructions environnementales.

“La destruction massive d’êtres humains, mécanisée, rationnelle, impersonnelle et soutenue, organisée et administrée par les États, légitimée et mis en marche par des scientifiques et des juristes, approuvée et popularisée par des universitaires et des intellectuels, est devenue une base de notre civilisation, le dernier héritage, périlleux et souvent réprimé, du millénaire », a écrit Omer Bartov dans « Murder in Our Midst: The Holocaust, Industrial Killing and Representation ( Le meurtre parmi nous : l’holocauste, la tuerie industrielle et la représentation) ».

Nous torturons des prisonniers kidnappés, beaucoup captifs depuis des années, dans des sites secrets. Nous entreprenons des « assassinats ciblés » de soi-disant cibles de haute valeur. Nous abolissons les libertés civiles. Nous causons le déplacement de millions de familles. Ceux qui nous combattent font pareil. Ils torturent et décapitent — reproduisant ainsi le style d’exécution des croisés chrétiens — avec leur propre marque de sauvagerie. Ils règnent en despotes. Douleur pour douleur. Coup pour coup. Horreur pour horreur. Cette folie présente une symétrie redoutable. Elle se justifie par la même perversion religieuse. Il s’agit du même abandon de ce que signifie être humain et juste.

Comme l’a écrit le psychologue Rollo May:

« Au début de chaque guerre… nous transformons rapidement notre ennemi à l’image du démon; puis, puisque c’est le diable que nous combattons, nous pouvons nous mettre sur le pied de guerre sans nous poser les questions gênantes et spirituelles que la guerre soulève. Nous n’avons plus à faire face à la réalisation que ceux que nous tuons sont des personnes comme nous. »

Les tueries et les tortures, plus elles durent et plus elles contaminent leurs auteurs et la société qui avalise leurs actes. Elles privent les inquisiteurs professionnels et les tueurs de la capacité de ressentir. Elles nourrissent l’instinct de mort. Elles propagent la blessure morale de la guerre.

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22 vétérans de l’armée US se suicident chaque jour. Ils le font sans ceinture explosive. Mais ils ont en commun, avec les kamikazes, le besoin urgent de quitter le monde et le rôle sordide qu’ils y ont joué.

“Il vaut mieux souffrir certaines injustices que les commettre”, comme l’avaient compris Albert Camus et Emmanuel Kant. Mais les politiciens, les experts et la culture de masse considèrent cette sagesse comme une faiblesse. Ceux qui parlent sainement, comme Euripide avec son chef d’œuvre anti-guerre « les Femmes de Troie », sont vilipendés et bannis.

Qui sommes-nous pour condamner les meurtres indiscriminés de civils? Avons-nous oublié nos bombardements des villes allemandes et japonaises lors de la seconde guerre mondiale, qui tuèrent 800 000 civils, femmes, enfants et hommes ? Et ces familles oblitérées à Dresde (135 000 morts), à Tokyo (97 000 morts), Hiroshima (80 000 morts) et Nagasaki (66 000 morts) ? Et ces trois millions de civils morts après notre passage au Vietnam ?

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Nous avons largué 32 tonnes de bombes par heure sur le Nord-Vietnam entre 1965 et 1968 — des centaines d’Hiroshima. Et, comme Nick Turse l’écrit dans son livre “Kill Anything That Moves: The Real American War in Vietnam (Tuez tout ce qui bouge : la véritable guerre US au Vietnam)”“ ce tonnage ne tient pas compte des « millions de litres de défoliants chimiques, des millions de kilos de gaz chimiques, et des innombrables bidons de napalm, bombes en grappe, balles explosives, bombes coupe-marguerites qui effaçaient tout sur une surface de 10 terrains de football, des missiles anti-personnel, explosifs, incendiaires, des millions de grenades, et de la myriade de mines différentes”.

Avons-nous oublié les millions qui sont morts dans nos guerres directes et par procuration aux Philippines, au Congo, au Laos, au Cambodge, au Guatemala, en Indonésie, au Salvador et au Nicaragua? Avons-nous oublié le million de morts en Irak et les 92 000 morts en Afghanistan ? Avons-nous oublié les presque 8 millions que nous avons chassés de leur foyers en Irak, en Afghanistan, au Pakistan et en Syrie ?

Il y a eu 87 000 sorties ariennes de la coalition au-dessus de l’Irak et de la Syrie depuis le début de la campagne aérienne contre l’État islamique. Il s’agit du tout dernier chapitre de notre guerre perpétuelle contre les damnés de la terre.

La France c’est aussi le deuxième exportateur mondial d’armement en 2015! (avec l’Arabie Saoudite en premier acheteur, pour 10,3 milliards d’euros de contrats en 2015)

La France c’est aussi le deuxième exportateur mondial d’armement en 2015! (avec l’Arabie Saoudite en premier acheteur, pour 10,3 milliards d’euros de contrats en 2015)

Comment pouvons-nous nous indigner vis-à-vis de la destruction de monuments culturels comme Palmyre par l’État islamique alors que nous avons nous-mêmes laissé tant de ruines ? Comme Frederick Taylor le souligne dans son livre « Dresden », durant la seconde Guerre Mondiale et le bombardement de l’Allemagne nous avons détruit d’innombrables « églises, palais, bâtiments historiques, bibliothèques, musées », y compris « la maison de Goethe à Francfort » et les « os de Charlemagne de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle », ainsi que « l’irremplaçable contenu de la bibliothèque d’État vieille de 400 ans de Munich ». Se rappelle-t-on qu’en une seule semaine de bombardement durant la guerre du Vietnam, nous avons oblitéré la majeure partie du complexe de temples historique de My Son ? Avons-nous oublié que notre invasion de l’Irak a causé l’incendie de la Bibliothèque nationale, le pillage du Musée national et la construction d’une base militaire sur le site de l’ancienne Babylone ? Des milliers de sites archéologiques ont été détruits en raison de nos guerres en Irak, en Syrie, en Afghanistan et en Libye.

Nous avons perfectionné la technique du meurtre de masse aérien et de la destruction massive que nous appelons “tapis de bombes”« bombardement à saturation »« bombardement de zone »« bombardement d’oblitération »« bombardement massif », ou dans sa dernière version « terreur et effroi » [« Shock and Awe » en anglais, le nom de la campagne de terreur mise en place contre l’Irak lors de son invasion en 2003]. Nous avons créé, à travers notre richesse nationale, les systèmes de gestion et de technologie que le sociologue James William Gibson appelle « technoguerre ». Que furent les attaques du 11 septembre sinon une réponse aux explosions et aux morts que nous avons semés sur la planète ? Nos assaillants se sont exprimés à l’aide du langage dément que nous leur avons enseigné. Et, comme les assaillants de Paris et Bruxelles, ils savaient parfaitement comment nous communiquons.

Les marchands de mort et les fabricants d’armes font partie de la poignée d’individus qui en profite. Nous sommes, pour la plupart, pris dans un cycle de violence qui ne cessera pas tant que l’occupation US du Moyen-Orient perdurera, qui ne cessera pas avant que nous ayons appris à parler dans une langue autre que le cri de guerre, de meurtre et d’annihilation primitif. Nous recouvrerons un langage humain lorsque nous en aurons eu assez, lorsque trop des nôtres seront morts pour le maintien de ce jeu. Les victimes continueront à être principalement des innocents, piégés entre des tueurs sortis de la même matrice.

Chris Hedges


Traduction: Nicolas Casaux

Source : Le Partage, Chris Hedges, 11-04-2016

 

Source: http://www.les-crises.fr/nous-sommes-tous-letat-islamique-par-chris-hedges/


Treize ans après avoir envahi l’Irak, les États-Unis font toujours les mêmes erreurs, par Trevor Timm

Tuesday 19 April 2016 at 02:19

Source : The Guardian, le 21/03/2016

Les préparatifs de la guerre de 2003 ont été accompagnés de beaucoup de désinformation. Mais aujourd’hui, il n’y a même plus un semblant de débat sur l’intervention militaire

Le président George W. Bush s'adresse à des soldats américains en 2003, quelques semaines avant l'invasion de l'Irak. Photograph: Jeff Mitchell/Reuters

Le président George W. Bush s’adresse à des soldats américains en 2003, quelques semaines avant l’invasion de l’Irak. Photograph: Jeff Mitchell/Reuters

Il y aura treize ans dimanche que nous avons envahi l’Irak, mais les nouvelles à la télé ne vous en parleront presque pas. Peut-être y a-t-il trop d’anniversaires de guerres ces temps-ci pour en garder la trace, ou peut-être est-ce que notre pays n’a quasiment rien retenu de la pire débâcle de politique étrangère qu’ait connue notre génération.

Le gouvernement étatsunien a célébré l’anniversaire de la guerre en Irak en annonçant qu’il allait envoyer plus d’hommes sur le terrain. Vous vous souvenez sûrement que cette guerre était censée être “finie” il y a plus de trois ans. Pourtant des milliers d’hommes y ont été renvoyés depuis fin 2014 pour combattre l’ÉI (l’État Islamique), un groupe dont la création est directement liée à la première guerre en Irak – à moins qu’on l’appelle seconde, suivant la façon de compter.

Au total, les États-Unis ont bombardé l’Irak pendant 25 ans, sous les quatre derniers présidents (vous pouvez visionner un montage vidéo montrant chacun des quatre annonçant respectivement sa campagne de bombardement, ici). Et si vous écoutez les candidats qui sont en tête pour l’investiture de chacun des partis, vous pouvez parier que cette série arrivera à cinq dès le jour de leur intronisation à la Maison-Blanche.

Donald Trump et Hillary Clinton ont tous deux appelé à une expansion de l’action militaire au Moyen-Orient, en réponse à l’ÉI. Trump a évoqué plusieurs fois “un bombardement qui ferait un enfer” de leurs champs pétroliers, bien qu’il n’ait pas eu peur de qualifier de “désastre” la guerre en Irak.

Il est difficile de savoir si Clinton a tiré quelque leçon que ce soit de la guerre en Irak. Elle a décrit son vote en faveur de la guerre, à titre de sénatrice, comme une erreur ; mais cela ne l’a pas empêchée de partir à la charge contre la Libye en 2011, pour renverser un autre dictateur, pour n’aboutir qu’à faire tomber le pays entre les mains de terroristes. Elle a poussé à une stratégie identique pour traiter le cas Bachar el-Assad.

Hillary Clinton, lors d’un événement public en novembre 2015, a fait cette franche remarque peu mentionnée dans les reportages : selon elle, les États-Unis auraient l’obligation d’envoyer des troupes au sol en réponse à l’ÉI.

Mais combien d’Américains savent qu’en fait nous avons déjà des troupes au sol qui combattent en Irak et en Syrie, malgré la promesse, réitérée 16 fois au moins par Obama, qu’il n’y aurait “pas de troupes au sol” dans cette bataille ?

C’est la leçon que l’exécutif semble avoir, plus que toute autre, tirée de l’Irak : pas de débat public sur l’entrée en guerre. En dehors des milliers de “conseillers” militaires qui sont en Irak en ce moment, du financement occulte de rebelles en Syrie, et des frappes de drones à travers le Moyen-Orient, le département de la Défense a une “force spéciale de ciblage expéditionnaire”, déployée tant en Irak qu’en Syrie en missions actives de combat.

Combien d’hommes participent réellement aux combats ? Eh bien, ils ne prennent pas la peine de nous en dire plus. Après la mort d’un marine tué ce week-end en Irak, les États-Unis ont tranquillement annoncé que plus de soldats seraient envoyés en “consultation” avec le gouvernement irakien. Mais, comme le rapportait NBC News : “Le nombre de marines n’a pas été révélé.”

Le Congrès semble avoir appris la leçon de la même façon que l’exécutif. Des centaines de congressistes ont beau avoir à jamais sali leur nom en votant pour la guerre en Irak, ils ne semblent pas avoir appris à refuser des conflits militaires dont on ne voit pas la fin. Au lieu de cela, comme pour la guerre contre l’État Islamique, ils prennent la tangente : leur échappatoire consiste à ne pas se mouiller dans le moindre vote, et à laisser l’exécutif prendre toujours plus de pouvoir en matière de guerre, tout en évitant absolument de leur côté d’en endosser la moindre responsabilité.

Et les médias, alors ? Judy Miller a perdu son boulot au New York Times, mais bien d’autres de ces reporters qui ont poussé à la guerre en Irak, en se fondant sur des sources mensongères et sur des renseignements fallacieux, ont au contraire vu croître leur influence. Alors qu’on peut certainement supposer que le New York Times est maintenant plus prudent (l’est-il ?) dans ses reportages sur la guerre, l’alarmisme dans les infos télé quant au terrorisme est probablement pire qu’en 2003 – quand Dick Cheney jubilait à “Meet the Press”, sa tribune préférée, pour asséner à l’opinion sa propagande belliciste.

Pendant les quinze jours de 2014 qui ont précédé les premières frappes de la guerre à l’État Islamique, l’observatoire progressiste des médias “Fair” a étudié les émissions d’information télévisée (TV par câble et réseaux hertziens). Il a constaté que parmi les 205 invités reçus, seuls 3% étaient opposés au lancement d’une guerre contre l’ÉI. Au cours des talk-shows du dimanche, qui constituent le degré zéro des idées reçues admises à Washington, un seul et unique intervenant parmi 89 invités pouvait être caractérisé comme “anti-guerre” quand le sujet a été abordé.

Treize ans après l’invasion de l’Irak, une chose est sûre : si vous allumez la télévision un dimanche matin et que vous y voyez un partisan de la guerre en Irak – un homme politique, un expert ou un journaliste – en train d’expliquer avec ferveur que nous devrions nous jeter dans notre prochaine guerre, pas un sourcil ne se lèvera.

Source : The Guardian, le 21/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/treize-ans-apres-avoir-envahi-lirak-les-etats-unis-font-toujours-les-memes-erreurs-par-trevor-timm/


Staline aussi voulait sa “solution finale”, par Michel Colomès

Tuesday 19 April 2016 at 01:02

Source : Le Point, Michel Colomès, 13-04-2016

Si le dictateur soviétique n’était pas mort le 5 mars 1953, des millions de Russes auraient été déportés en Sibérie, simplement parce qu’ils étaient juifs.

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Svetlana Alliluyeva, la fille de Staline, raconte qu’au moment de mourir celui qu’une propagande enamourée avait baptisé le petit père des peuples a ouvert une dernière fois les yeux. Son regard « à la fois fou et méchant », dit-elle, a balayé l’un après l’autre tous les dirigeants qui se trouvaient au pied de son lit et il a levé le doigt en un geste de menace qui a glacé d’effroi tous ceux qui étaient venus assister à ses derniers instants. Puis – au grand soulagement de tous –  il a rendu l’âme.

C’est l’un des passages surprenants du livre que l’historien américain Joshua Rubenstein vient de publier aux États-UnisLes Derniers Jours de Joseph Staline. Jusqu’au bout de son dernier souffle, celui qui restera comme l’un des dictateurs les plus sanglants de l’histoire aura fait régner la terreur, non seulement dans son peuple, mais surtout dans son entourage immédiat.

Des trains prévus pour les convois de déportés

Ce que rappelle ce livre, c’est aussi comment la mort a empêché le numéro un soviétique de rivaliser une fois de plus dans l’horreur avec Hitler. Tout était prêt, en effet, pour déporter en Sibérie et au Kazakhstan deux millions et demi de juifs russes. Des camps, proches du cercle polaire, avaient été construits et d’autres, agrandis. Des gardes-chiourmes avaient été engagés. Des trains prévus pour les convois de déportés. Dans les dernières semaines de sa vie, Staline, qui avait déjà envoyé au goulag deux millions et demi de personnes, dont 35 000 enfants, s’apprêtait à doubler, avec les rafles de juifs, le chiffre de ces hommes et de ces femmes promis à une mort plus ou moins lente.

En fait, comme souvent dans sa conduite impitoyable du peuple immense de l’empire soviétique, Staline avait besoin, pour ranimer l’esprit combatif de ses fidèles, d’un nouvel ennemi de l’intérieur.

Le 15 janvier 1953, la Pravda révèle qu’un complot visant à assassiner plusieurs dirigeants vient d’être découvert. Les assassins, dit le journal du pouvoir, sont les médecins qui les soignaient et, en réalité, les empoisonnaient à petit feu. Des médecins qui tous se trouvent être juifs. Dès lors, les arrestations vont se multiplier, les interrogatoires musclés se succéder et les aveux être abondamment publiés dans la Pravda. C’est ce qu’on a appelé « le complot des blouses blanches ». Même le médecin privé de Staline, le docteur Vinogradov, n’y échappera pas.

« les cosmopolites sans racines »

Mais les journaux officiels ne se contentent pas de révéler les desseins des comploteurs. La campagne antisémite, latente depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est relancée dans le courant du mois de février 1953. Non seulement en URSS, mais aussi dans tous les « pays frères » contre « les cosmopolites sans racines ». Le maître du Kremlin a lui-même donné le ton en déclarant au Politburo que « tout sioniste est un agent du renseignement américain ». La préparation psychologique de la grande déportation à venir est donc bien lancée lorsque Staline meurt en quelques heures et dans des conditions qui restent encore mystérieuses, le 5 mars 1953.

Les inculpés du complot des blouses blanches seront tous libérés dans les semaines qui viennent. Et les goulags du Grand Nord prévus pour recevoir des millions de juifs resteront en partie vides. Malenkov, le successeur de Staline pour deux ans, fera même preuve d’une générosité, certes limitée, mais qui permettra de ramener dans leurs foyers plus d’un million de déportés du goulag (sur deux millions et demi) et d’abandonner un certain nombre de travaux pharaoniques, comme une nouvelle ligne de chemin de fer dans le nord de la Sibérie qui à elle seule faisait travailler dans des conditions épouvantables plus de 100 000 prisonniers.

La mort de Staline aura sans doute permis d’éviter une Shoah soviétique. Mais il faudra encore patienter quarante ans avant que ne s’écroule le système qui aurait pu mettre en œuvre cette autre solution finale. Celui que Ronald Reagan appelait fort justement « l’empire du mal ».

Source : Le Point, Michel Colomès, 13-04-2016

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Staline, Hitler, même combat. Quand l’Occident fait dans le révisionnisme

Source : Kakoi, Mattbuge, 14-04-2016

Le Point n’étant vraiment un journal de référence que pour une certaine élite parisienne, on le consulte assez peu ici. Mais un édito a attiré notre attention. Sa plume, Michel Colomès, ancien directeur de la rédaction, a manifestement eu envie de sévir pendant ses années de retraite. A 79 ans, le digne journaliste décide donc de verser de plain-pied dans le révisionnisme – mais aucune crainte ici, il s’agit de révisionnisme validé par les instances supérieures et subventionné par l’Etat. Aucune chance de voir Colomès et le Point être traînés devant les tribunaux. Ouf !

Faisant l’article du nouvel ouvrage de Joshua Rubenstein, historien américain certainement parfaitement impartial, Colomès apporte une pierre à la délirante propagande antirusse qui sévit depuis maintenant quelques années. L’édito démarre en fanfare : Staline aussi voulait sa «Solution Finale». Le ton est donné. Le département comptable des «clics» du Point a dû faire sauter le champagne. Colomès aurait réussi à faire un parallèle dès le titre avec Poutine, le caviar aurait été servi.

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Petit rappel historique

Mais à défaut de réussir à placer Poutine dès le chapeau, la vieille plume était de toute évidence inspirée et nous dit d’entrée de jeu : Son regard « à la fois fou et méchant », dit-elle [Svetlana, la fille de Staline], a balayé l’un après l’autre tous les dirigeants qui se trouvaient au pied de son lit et il a levé le doigt en un geste de menace qui a glacé d’effroi tous ceux qui étaient venus assister à ses derniers instants. Puis – au grand soulagement de tous – il a rendu l’âme. Staline, la version géorgienne de Méphistophélès.

Ce qu’il y a de pratique, avec Staline, c’est qu’il est indéfendable. Ses politiques ayant causé la mort de tant d’innocents, il est possible de raconter absolument n’importe quoi.

Loin de nous l’idée de présenter Staline comme un philosémite. Nombre d’historiens s’accordent à dire qu’il rechignait à ce que Svetlana épouse un Juif. Mais Staline rechignait à tout ce qu’il n’avait pas décidé lui-même. Ni antisémite, ni philosémite, Staline était un pragmatique. «Pragmatique» : terme ambivalent en Occident, généralement positif quand il s’agit de politique libérale, négatif, quasiment synonyme d’affreux cynique, quand on en vient à des systèmes différents.

Staline a passé sa vie entouré de Juifs. Dans l’underground révolutionnaire et pendant la révolution d’abord, la plupart des meneurs s’étant trouvés être juifs. Même si la réécriture de l’Histoire dira sans doute un jour le contraire, le fait qu’il ait passé ces derniers à la moulinette des grandes purges n’avait strictement rien à voir avec leurs origines. Sa haine de Trotski non plus. Il avait d’autres griefs envers le bouillonnant théoricien de la révolution permanente soutenu par l’Occident. Et puis, un énième Juif, Kaganovitch, fut un de ses collaborateurs les plus proches et demeura à ses côtés jusqu’à la fin. Rien à voir avec le général juif allemand Von Manstein qui dissimula sa judaïté en achetant son «Von» pour mieux faire carrière dans l’univers du Troisième Reich.

Lorsque la question de la création d’un Etat juif tomba sur le tapis et que la Palestine donnait quelques maux de tête à l’Occident, Staline proposa de leur refourguer une partie de la Sibérie, le Birobidjan, région disposant toujours à l’heure actuelle du statut d’oblast autonome juif en Russie. Mais la région ne plut guère aux élites internationales qui lorgnaient sur la Palestine. Et le fait est que l’Etat d’Israël n’aurait jamais pu être créé sans l’appui de Staline.

Nécessaire inculture du journaliste

Colomès ne fait évidemment pas état de ces quelques détails d’importance. Calcul éditorial ? Sans doute pas. Le fait est que nos journalistes occidentaux font preuve d’une ignorance crasse – tolérable chez un jeune comme Benoît Vitkine, moins chez un ancien comme Colomès. Quand ce dernier mentionne le complot des «blouses blanches», la dernière manigance du vieux Joseph, il la résume ainsi : Staline avait besoin, pour ranimer l’esprit combatif de ses fidèles, d’un nouvel ennemi de l’intérieur. Colomès néglige ici plusieurs choses.

A cette époque, Staline n’a pas du tout besoin de «ranimer l’esprit combatif de ses fidèles», au contraire. Il est en train de rebattre les cartes. Comme il l’a fait quinze ans auparavant, comme Ivan le Terrible l’avait fait des siècles plus tôt, il est en train de rajeunir la troupe de ses serviteurs et de supprimer la génération précédente, devenue trop puissante. Le géorgien Beria, le russe Molotov, le juif Kaganovitch, l’arménien Mikoyane… tous sont voués à disparaître dans la broyeuse stalinienne au profit d’une nouvelle génération.

Le complot des blouses blanches (ces médecins «juifs» qui auraient voulu assassiner les leaders soviétiques) n’était d’abord qu’une énième variation des symphonies manipulatoires staliniennes, dédiées à la destruction de ses rivaux. Staline n’avait que faire des Juifs, catégorie de citoyens parmi tant d’autres en URSS, même si sa paranoïa pouvait lui faire penser qu’ils constituaient une potentielle «cinquième colonne». Mais Staline avait compris que son ennemi le plus important était devenu Béria, brillant politicien responsable de la police politique, du programme nucléaire, et qui avait été en charge, pendant la guerre… des affaires juives. Professionnel du billard à trois bandes, Staline a monté de toute pièce le complot des blouses blanches pour faire tomber Béria. Inutile de crier au complotisme, même une émission très «main stream» comme Rendez-vous avec X sur France Inter ne faisait que valider cette question. C’est dire…

Colomès semble tellement ignorer les méandres de la politique qu’il en vient même à asséner une belle ânerie : Malenkov, le successeur de Staline pour deux ans, fera même preuve d’une générosité, certes limitée, mais qui permettra de ramener dans leurs foyers plus d’un million de déportés du goulag (sur deux millions et demi) et d’abandonner un certain nombre de travaux pharaoniques, comme une nouvelle ligne de chemin de fer dans le nord de la Sibérie qui à elle seule faisait travailler dans des conditions épouvantables plus de 100 000 prisonniers.

Ce grand bienfaiteur n’est pas du tout Malenkov mais Béria, cet horrible KaGéBiste qui, le lendemain de la mort de Staline fit tout pour libérer de la main d’œuvre. Comme a pu le dire sa fille : si Béria était né aux Etats-Unis et pas en Russie, il serait devenu le PDG de General Motors.

Manipulation psychologique de l’Histoire

Mais ici on touche un des points intéressants de l’article de Colomès. Lorsqu’on lit l’article, en arrivant à la mention de ces prétendues libérations par le gros Malenkov, on a l’impression qu’il s’agit de juifs libérés. L’effet est d’autant plus fort. Staline voulait les foutre au four, et, finalement, ils ont pu s’en sortir grâce à l’intervention d’un clown. En réalité, les Juifs n’étaient qu’une minorité du système du goulag. Ils n’en représentaient qu’un faible pourcentage des détenus et qu’un faible pourcentage des libérés (comme quoi, le système soviétique était équitable). Mais peu importe, il faut tout centrer sur la minorité dominante en Occident donc recentrons.

Parlons donc «de trains», de «gardes-chiourmes», de «déportations» histoire de frapper l’imagination totalement parasitée du lecteur afin que la reductio ad hitlerum soit paufinée. Mais Colomès fait encore mieux : Dans les dernières semaines de sa vie, Staline, qui avait déjà envoyé au goulag deux millions et demi de personnes, dont 35 000 enfants, s’apprêtait à doubler, avec les rafles de juifs, le chiffre de ces hommes et de ces femmes promis à une mort plus ou moins lente. La première partie de la phrase est annihilée par la seconde. Dans les cerveaux formatés, l’amalgame se fait naturellement. Même les 35 000 enfants (sans doute russes, kazakhs, arméniens…). Même eux, dans cette phrase, deviennent juifs. Alors même que ces derniers n’ont pas été déportés puisque :

La mort de Staline aura sans doute permis d’éviter une Shoah soviétique.

Le fantasme devient histoire officielle mais le mot est lâché. «Shoah». Une shoah soviétique qui n’a pas existée, mais pour laquelle on peut sortir les violons quand même. On pourrait même croire que Colomès, Rubenstein et consorts regrettent un peu qu’elle n’ait pas existé, cette entreprise de destruction des Juifs de Russe. C’eût été finalement plus simple pour pointer du doigt la Russie et y infliger un calvaire psychologique aux générations suivantes, comme en Allemagne.

Mais en fin de compte, tout cela est très très cohérent. Cela va de pair avec la réécriture de l’Histoire entreprise depuis 1945 par Hollywood. On sait à quel point les masses européennes ont été lobotomisées pour croire de nos jours que les Etats-Unis avaient défait Hitler. L’opération de propagande est permanente. Récemment, Tarantino était allé jusqu’à s’approprier le cadavre du Führer. Il y a peu on n’a pas hésité à dire que les Ukrainiens (ces mêmes Ukrainiens au sein desquels pullulent les néonazis) avaient libéré Auschwitz. Et bientôt une comédie musicale en glucose va écumer les provinces françaises pour faire entre à coup de marteau dans la tête des enfants que la Seconde guerre mondiale se résume au génocide des Juifs et au débarquement de Normandie.

Mais voler la victoire à la Russie n’était pas suffisant. Il faut manifestement passer à l’étape supérieure, et montrer que, sans les Etats-Unis, la Russie aurait très certainement fait la même chose que l’Allemagne nazie. Les mythes s’écrivent sur le temps long. Le bourrage de crâne va continuer pendant des lustres. Le vingtième siècle doit être, dans les esprits, le siècle de la naissance de l’empire du bien. Et Colomès, enfant de la Guerre Froide, participe volontiers à cette entreprise : Mais il faudra encore patienter quarante ans avant que ne s’écroule le système qui aurait pu mettre en œuvre cette autre solution finale. Celui que Ronald Reagan appelait fort justement «l’empire du mal». Après avoir réussi à faire de Hitler et Staline des synonymes dès le titre de son article, il arrive à opérer une contradiction qui ne le choquerait pour rien au monde. En début d’article, Staline était un fou antisémite isolé, en fin de papier, nous sommes passés à l’URSS, coupable dans son ensemble. Heureusement, effectivement, que la puissance américaine, la plus destructrice de l’Histoire, était là, heureusement qu’elle est encore là ! Et vivement que les Russes s’estiment – comme les Allemands, comme les Français – coupables collectivement, on pourra alors totalement réécrire l’Histoire et se livrer au racket habituel.

Source : Kakoi, Mattbuge, 14-04-2016

Source: http://www.les-crises.fr/staline-aussi-voulait-sa-solution-finale-par-michel-colomes/


Qu’y a-t-il derrière le mur de silence occidental sur la glorification de la collaboration nazie en l’Europe de l’Est ? Par Dovid Katz

Tuesday 19 April 2016 at 00:35

Source : Dovid Katz, 29-03-2016

Dovid Katz est un éminent spécialiste de la langue yiddish et de la culture juive lituanienne. Né à New York, il a fondé et dirigé les études yiddish à Oxford pendant 18 ans (1978-1996) et, après une période à Yale (1998-1999) il s’est établi en Lituanie où il a été professeur d’études juives à l’université de Vilnius de 1999 à 2010 et y a fondé l’Institut yiddish. En 2008, il a commencé à s’opposer publiquement à la politique de l’État visant à poursuivre les survivants de l’Holocauste qui avaient résisté aux nazis, au mouvement croissant du Double génocide (qui a produit cette année la Déclaration de Prague de 2008) et à la nouvelle extrême-droite qui se prétend de centre-droite. Il a fondé le journal en ligne Defending History, et après avoir publié des articles dans le the Guardian, le Irish Times, le Jewish Chronicle, il a été renvoyé en 2010 de l’université de Vilnius, en Lituanie. Il poursuit actuellement des études sur le yiddish et sur (l’activisme contre) le révisionnisme concernant l’Holocauste est-européen et l’antisémitisme dans le contexte géopolitique est-ouest actuel. Il est le co-auteur en 2012 de la Seventy Years Declaration. Son plus récent ouvrage est Yiddish and Power (Palgrave Macmillan, 2015), et il travaille aujourd’hui sur David and Goliath: Standing Up to the New Holocaust Denial, qu’il espère terminer en 2017. Auteur prolifique de nombreux livres et articles, il souhaite écrire un livre sur les questions lituaniennes, mais il est encore à la recherche d’un éditeur. Son site personnel : www.dovidkatz.net.

Après les défilés néo-nazis du 16 février et du 11 mars derniers dans les principales villes de Lituanie, il y a eu le culte annuel letton du 16 mars en l’honneur des Waffen-SS à Riga. Pas le moindre mot de la part d’aucun ambassadeur américain, britannique, canadien ou français pour exprimer leur préoccupation. Que se passe-t-il ?

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Pour paraphraser un vieux dicton yiddish sur les rois et les reines, vous en apprenez beaucoup plus d’une chape de silence des autorités étatiques que d’une liste de proclamations et de déclarations. Quel calcul géostratégique (ou erreur de calcul) pourrait être derrière la décision dissimulée de l’Occident d’accepter une révision radicale de l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, qui non seulement altère ce qu’a été l’Holocauste et glorifie les collaborateurs et tueurs est-européens locaux de Hitler, mais déconsidère le récit historique de la Grande Alliance qui a libéré l’Europe de l’hitlérisme ? Sans oublier les immenses sacrifices consentis par les alliés pour libérer l’Europe du nazisme, qui restent dans la mémoire familiale immédiate de millions de gens.

Nous avons récemment rapporté dans ces pages la manifestation néonazie du 16 février au centre de Kaunas (la capitale de la Lituanie dans l’entre-deux guerres et deuxième ville actuelle), qui arborait une banderole en l’honneur de six héros nationaux, dont cinq étaient des collaborateurs de l’Holocauste. L’article se concluait en mettant le maire de la capitale, Vilnius, au défi d’interdire ou de déplacer la prochaine parade néonazie, prévue le 11 mars au centre de cette ville. Hélas, la manifestation a eu lieu sans commentaire public de sa part, ni de celle d’un ambassadeur américain ou britannique (ou, en l’occurrence, d’aucun autre). La bonne nouvelle est que la manifestation a hissé seulement deux collaborateurs de l’Holocauste au Panthéon des héros figurant sur la banderole de tête, il n’y a eu qu’une seule immense image antisémite, et seulement quelques svastikas de style lituanien (avec des lignes ajoutées) fièrement portées face aux premières institutions gouvernementales du pays sur le trajet de la marche. Il y a eu les insultes habituelles contre les Polonais, les Russes, les LGBT et d’autres encore.

Ensuite, la bizarre cérémonie d’amour balte pour le nazisme, favorisée et autorisée par des décisions officielles dans des centres urbains lors de jours importants pour le pays, ici même, dans l’Union européenne / l’Otan, a célébré à son tour ses Ides de mars annuelles au nord, vers Riga, la capitale lettone. Là encore, le monument à la liberté au centre de cette ville a été offert en cadeau aux fidèles des Waffen SS de ce pays, qui avaient fait le serment d’être loyaux à Adolf Hitler. Leurs nombreux membres ont été recyclés comme exécutants volontaires de l’Holocauste. Tous priaient ardemment pour la victoire de Hitler en Europe. Cette année encore, divers responsables officiels du gouvernement ont pris part à la fête et l’ont encensée. De nouveau, les rares voix de protestations sont venues de Monica Lowenberg à Londres ; d’un député britannique travailliste de l’opposition, Gareth Thomas ; du centre Simon Wiesenthal Efraim Zuroff ; d’un groupe de manifestants allemands qui ont été arrêtés à la frontière, et d’un journaliste britannique qui a été emmené ailleurs par la police, avant l’événement. Même cela n’a pas provoqué un mot de protestation de l’UE contre la brutale violation des frontières intérieures de Schengen ou de la liberté de parole et de la presse.

Rien de nouveau jusqu’ici.

On n’a pas dit aux Occidentaux que des lois criminalisant efficacement les opinions dissidentes sur la Seconde Guerre mondiale – plus exactement : criminalisant l’expression de la simple vérité sur (la spécificité nazie de ) l’Holocauste – ont été adoptées par (entre autres) la Hongrie en 2010 (avec une peine d’emprisonnement maximum de trois ans), la Lituanie la même année (deux ans maximum), l’Estonie en 2012, la Lettonie en 2014 (cinq ans maximum) et l’Ukraine en 2015 (qui plafonne à dix ans d’emprisonnement). Ce sont pour la plupart des lois sur le double génocide qui frappent d’illégalité tout désaccord avec le diktat de l’État selon lequel les crimes nazis et soviétiques sont équivalents et que tous deux constituent également un génocide.

Qu’est-il arrivé aux valeurs occidentales de liberté de parole et de débat ouvert, sans parler de la simple détestation sans ambiguïté du mal raciste particulier qu’est le fascisme et le génocide nazi, pour la défaite duquel le monde libre a tant donné ? Ici en Lituanie, un des contributeurs réguliers de DefendingHistory.com, Evaldas Balčiūnas, a été traîné devant la police et les procureurs à plusieurs reprises pour ses articles protestant contre la glorification en Lituanie des collaborateurs nazis en tant que héros. Lorsqu’en 2012, le gouvernement lituanien a investi dans la ré-inhumation, avec tous les honneurs (des États-Unis), des restes de son honteux Premier ministre nazi fantoche de 1941, c’est l’ambassade américaine ici à Vilnius (incluant à cette époque – et ce n’est pas une coïncidence – un consul proche d’un haut responsable du musée de l’Holocauste de Washington DC) – qui a accompli des heures supplémentaires pour faire tomber un voile de silence empêchant que tout cela soit mentionné dans un média international important.

Cette même année, l’ambassade étasunienne à Vilnius s’est arrangée pour qu’un journaliste du New York Times ne parle au gouvernement lituanien que de son opposition à une déclaration, émanant de 70 membres du Parlement européen – dont huit Lituaniens –, qui protestaient contre les «tentatives d’altérer l’Holocauste en diminuant son caractère singulier et en la jugeant égale, semblable ou équivalente au communisme».L’ambassade a aussi fait en sorte que le journaliste soit informé par un universitaire juif américain, qui devait recevoir une haute décoration de l’État (ce n’était pas mentionné dans l’article) pour son aide à gommer, avec des paroles lénifiantes, les aspérités du révisionnisme est-européen à l’égard de l’Holocauste.

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Donc que se passe-t-il ?

Comme beaucoup de choses apparemment compliquées dans la vie, il y a, au cœur de tout cela, un récit assez simple. C’est la stratégie visant à accepter quelque chose, même un meshugás (mot yiddish signifiant alouette, bizarrerie, obsession, idée folle) de la part de votre allié, lorsque ce meshugás a une importance cruciale pour lui. Depuis 17 ans, à Vilnius, j’ai entendu à de nombreuses reprises des diplomates occidentaux me dire de manière officieuse : «Regardez, Dovid, ces Européens de l’Est (la Nouvelle Europe) sont les seuls qui résistent réellement à la Russie, pas comme en Europe de l’Ouest (la Vieille Europe), et tout ce qu’ils veulent en retour est d’arranger leurs histoires de guerre, celles d’avant notre naissance, mais bon ! Ne vous faites pas de souci, ils vont aussi investir une fortune dans des choses juives, donc tout le monde sera content.» 

Avec le glissement en cours dans la Nouvelle guerre froide, et quelques gouvernements occidentaux eux-mêmes qui investissent dans des historiens pour aseptiser le révisionnisme (en particulier le révisionnisme purifiant les forces fascistes locales d’Europe de l’Est, qui ont fourni la plupart des nazis actuels tueurs de juifs), une extrême-droite est-européenne présentable a été en mesure de se vendre aux Occidentaux naïfs comme centriste ou centriste de droite. Mais ne vous y trompez pas. Quiconque fait des collaborateurs et des exécutants de Hitler des héros est d’extrême-droite est un danger pour les valeurs fondamentales de l’Occident, de l’Union européenne et de l’Otan. Peu importent leur suavité, leurs belles paroles, leur culture et leur capacité à offrir indéfiniment des voyages, des médailles, des honneurs, des garanties et diverses formes de largesses aux Occidentaux qui s’ennuient – les élites et ceux qui prétendent en être.

La dépendance de l’extrême-droite à la nostalgie hitlérienne, l’important révisionnisme et une théorie raciste persistante de la pureté du sang ne sont pas une surprise.

Ce qui est surprenant, c’est que ce soit poursuivi, même de manière tangentielle, par les États vraiment démocratiques et prospères qui ont rejoint l’Union européenne et l’Otan, en particulier les États baltes, qui étaient en fait des Républiques soviétiques plutôt que des satellites du Pacte de Varsovie. C’est extraordinaire qu’ils soient tous devenus d’authentiques démocraties présentant la délicieuse alternance de changements de pouvoir réguliers, pacifiques et ordonnés à la suite des choix issus des urnes.

Mais ne jamais sous-estimer la capacité des universitaires, en particulier les politologues et les types chargés des relations publiques, à venir avec du baratin géopolitique pour rendre respectable même le culte des hitlériens locaux pendant la guerre. L’argument court tout au long de ces lignes : «L’Allemagne a reconnu sa culpabilité et a payé des réparations pour le mal qu’elle a fait, mais la Russie n’a jamais accepté sa responsabilité pour ce qu’elle a fait de mal, et nos parlements ont maintenant décidé que c’était un génocide totalement équivalent à celui de Hitler. Quel grand bâton pour frapper Poutine et faire des Russes des parias permanents !» 

Mais cela ne partira pas au lavage, ni aujourd’hui ni jamais, parce que si la grande Alliance anglo-américano-soviétique qui a vaincu Hitler dans l’Histoire peut être contestée, elle ne sera jamais vaincue – parce que c’est la vérité. C’est aussi simple que de dire que les gens qui ont libéré Auschwitz ne peuvent pas être équivalents aux gens qui y ont perpétré un génocide. C’est fou et contreproductif de frapper Poutine et ses semblables sur des questions historiques à propos desquelles les Russes ont pour l’essentiel raison.

Poutine est un dictateur de plus en plus dangereux, autocrate, brutal, revanchard, et l’Occident doit être vigilant et protéger tous ses membres de l’Otan. Il y a, en fait, d’innombrables bâtons légitimes dans l’arsenal actuel de la démocratie pour le contrer honorablement.

Aucune cause n’est servie, pas d’un iota, en déformant l’Histoire, en brouillant l’Holocauste, en fermant les yeux sur la glorification, comme de supposés héros anti-soviétiques, des auteurs locaux de l’Holocauste en Europe de l’Est, en pratiquant un racisme dans le style aryen ou en admettant des exceptions à la liberté de parole et de circulation sur une question totalement historique.

Il est urgent que les grandes puissances occidentales soient un véritable ami de l’Europe de l’Est, un véritable ami qui dit : «Attendez, quelque chose ne va pas !» lorsque des gouvernements offrent le centre de leurs capitales aux néo-nazis qui saluent en héros les collaborateurs locaux du génocide (ou les ré-inhument avec tous les honneurs), lorsque des gouvernements investissent dans la répression des dissidents sur des questions d’Histoire, lorsque des gouvernements souffrent de meshugás en essayant de corriger l’histoire de l’une des plus grandes réalisations de la civilisation occidentale : vaincre Hitler en Europe.

Source : Dovid Katz, 29-03-2016

Source: http://www.les-crises.fr/quy-a-t-il-derriere-le-mur-de-silence-occidental-sur-la-glorification-de-la-collaboration-nazie-en-leurope-de-lest-par-dovid-katz/