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Revue de presse du 25/04/2015

Saturday 25 April 2015 at 05:00

Dans la revue cette semaine, encore la loi sur le renseignement (Hollande-Valls-Sarkozy même combat liberticide), le TTIP en difficulté (?), la désinformation en Ukraine téléguidée, les vaches sacrées et le mésusage d’un certain prix Nobel. Merci à nos contributeurs et bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-25-04-2015/


Comment vaincre le terrorisme : cessons de commettre les sept mêmes erreurs

Saturday 25 April 2015 at 04:01

Billet du Washington’s Blog

Sept propositions pour mettre un coup de frein aux actions terroristes

Au lendemain des attentats barbares de Paris, il y a une question que tout le monde se pose : comment faire pour empêcher le retour de tels actes ?

Pour certains il faudrait renforcer l’action militaire dans les pays musulmans… accroître la surveillance… ou restreindre encore plus les libertés civiles.

Pourtant, quoi qu’en disent nos analystes et commentateurs, les méthodes pour prévenir les futures attaques n’ont rien d’un mystère…

Pour commencer, arrêtons de jouer aux pompiers pyromanes.

I. Arrêtons de renverser les modérés et d’armer les fanatiques

Je sais que l’idée va paraître étrange, mais si nous voulions stopper le terrorisme, nous devrions peut être… tenez-vous prêts… arrêter de l’encourager.

Je fais ici référence au fait que nous armons les extrémistes les plus violents au Moyen-Orient, dans le cadre d’une stratégie géopolitique très bête qui consiste à renverser les leaders politiques qui pour une raison ou une autre nous déplaisent (voir section 3 pour plus de détails). Voyez ceci, ceci, ceci, ceci et ceci. Et comme par hasard on s’attaque toujours à des régimes modérés qui jusque là étaient des facteurs de stabilité pour la région car ils empêchaient les djihadistes de s’y implanter.

En effet, les auteurs des attentats contre Charlie Hebdo rentraient apparemment tout juste de Syrie où ils avaient combattu aux cotés des terroristes. C’est là qu’ils ont pu, directement ou indirectement, bénéficier de l’aide américaine en termes d’armes et d’entraînement.

Je répète : si nous voulons arrêter le terrorisme, cessons de lui venir en aide.

II. Arrêtons de soutenir les dictatures qui financent les terroristes

C’est l’Arabie Saoudite qui finance le plus les terroristes islamistes radicaux.

Nous savons que les saoudiens ont financé Daesh et plusieurs autres groupes terroristes violents. D’après les déclarations sous serment d’un membre de la commission d’enquête et du co-président de l’enquête du Congrès sur le 11 septembre, c’était le gouvernement saoudien qui était derrière les pirates de l’air impliqués dans les attentats. (voir à ce sujet la section VII pour plus de détails)

D’autre part, l’Arabie Saoudite est le berceau historique du mouvement islamiste le plus radical au monde, le salafisme. (Daesh et Al Qaida s’en revendiquent tous les deux).

En outre, les saoudiens, avec l’aide des États-Unis, financent les “madrassas”, écoles coraniques dans lesquelles est propagé l’islam radical.

Et pourtant, depuis 70 ans, les États-Unis fournissent aux saoudiens une aide militaire, par le biais de renseignements collectés par la NSA, et plus généralement toute autre forme d’assistance.

Pour finir, selon les meilleurs spécialistes américains du terrorisme, notre soutien aux régimes brutaux et tyranniques du Moyen-Orient comme l’Arabie Saoudite est une des principales motivations des terroristes de la région.

Ainsi, si nous arrêtions de soutenir la maison des saoudes et les autres tyrannies du monde arabe, nous gagnerions sur deux tableaux à la fois :

(1) D’une part nous affaiblirons les principaux soutiens du terrorisme

Et…

(2) D’autre part, nous enlèverons aux terroristes une de leur principales motivations : notre soutien affiché aux régimes les plus brutaux et les plus répressifs du Moyen-Orient

III Cessons nos quêtes impérialistes pour le pétrole du Moyen-Orient

Depuis soixante ans les États-Unis n’ont cessé d’orchestrer des changements de régime pour renverser les leaders arabes gênants. Ça a été le cas en Syrie en 1949, en Iran en 1953, deux fois en Irak et en Afghanistan, puis en Turquie, en Libye… et dans d’autres pays riches en pétrole.

En 1991, les néoconservateurs ont une fois de plus fomenté des changements de régime partout au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Certains hommes politiques américains de premier plan ont reconnu que l’enjeu de la guerre en Irak était le pétrole, pas la lutte contre le terrorisme (des documents en provenance de Grande-Bretagne le confirment). Les guerres contre le terrorisme sont en réalité surtout des guerres pour les ressources naturelles comme le gaz naturel. Ou pour forcer les derniers récalcitrants à se convertir aux systèmes du pétrodollar et de la banque centrale privée.

Pour l’armée américaine, les attaques terroristes contre les États-Unis seraient “un prix dérisoire à payer pour le maintien de notre statut de superpuissance” :

C’est un officier haut gradé appartenant à l’état-major des armées qui a confié au directeur du contre-terrorisme au département d’état, Sheehan, qu’il a entendu plus d’une fois ses collègues qualifier les attaques terroristes “d’un prix bien dérisoire à payer pour le maintien de notre statut de superpuissance”.

Des experts en sécurité conservateurs comme libéraux, reconnaissent que faire la guerre au Moyen-Orient affaiblit la sécurité aux États-Unis et alimente le terrorisme. Voyez ceci, ceci, ceci, ceci, ceci, ceci, ceci et ceci.

Parmi eux, James K. Feldman, ancien professeur d’analyse décisionnelle et d’économie à l’Institut Technologique de l’Armée de l’Air et à l’Ecole des Etudes Avancées de stratégie aérienne, et d’autres experts qualifient l’occupation militaire américaine dans les pays étrangers comme étant la principale cause du terrorisme. Le professeur Robert A. Pape de l’université de Chicago, spécialiste en sécurité internationale, partage le même avis.

Bien que nous ayons mené les guerres les plus longues et les plus coûteuses de notre histoire, nous sommes moins en sécurité aujourd’hui et faisons face à des attentats toujours plus nombreux.

Souvenez-vous, Al-Qaïda n’était même pas présente en Irak jusqu’a l’invasion américaine.

Si nous voulons stopper le terrorisme, nous devons cesser de renverser les dirigeants du Moyen-Orient et d’envahir leurs pays pour s’accaparer du pétrole.

IV. Stoppons les assassinats de civils innocents par des drones

Selon des responsables haut placés de la CIA, les frappes par des drones alimentent le terrorisme (et voyez ceci).

C’est la CIA, agence chargée des frappes de drones, qui a elle-même dit au président Obama que les morts causées par les drones peuvent inciter au terrorisme.

Si nous voulons arrêter de créer de nouveaux terroristes, nous devons arrêter les frappes au moyen de drones.

V. Arrêtons la torture

Les meilleurs experts en matière de terrorisme et des techniques d’interrogatoire sont d’accord pour dire que la torture fabrique des terroristes.

En effet, les leaders de Daesh ont justifié leurs actes par la pratique de la torture par les autorités américaines. (Et l’un des terroristes français a dit qu’il travaillait pour Daesh.)

Encore une fois, nous avons un exemple très récent : le terroriste parisien Cherif Kouachi a dit lors de son procès en 2005 qu’il n’était pas un musulman radical jusqu’à ce qu’il découvre l’existence de la torture des prisonniers irakiens par les américains à la prison d’Abu-Ghraib en Irak.

Vous l’aurez deviné : si nous voulons arrêter de créer de nouveaux terroristes, nous devons également arrêter la torture… définitivement.

VI. Arrêtons la surveillance de masse

Pour les meilleurs experts en sécurité il ne fait pas de doute que la surveillance de masse nous rend PLUS vulnérables aux terroristes. Arrêtons-la.

VII. Arrêtons d’étouffer l’affaire du 11 Septembre

Même si notre gouvernement reconnait qu’une puissance étrangère était impliquée dans les attentats du 11 septembre… l’identité de cette dernière fait débat.

Comme le 11 septembre a été la plus importante attaque terroriste dans l’histoire des États-Unis sur laquelle reposent toutes nos stratégies de sécurité nationale, nous ne pourrons pas stopper le terrorisme tant que toute la lumière n’est pas faite dans cette affaire et l’identité de l’état responsable de l’attaque n’est pas établie.

Beaucoup de responsables américains au sommet de l’étatchefs militaires, agents des services de renseignement et membres de la commission d’enquête – ne sont pas satisfaits, encore aujourd’hui, des résultats de l’enquête sur le 11 Septembre.

Le co-président de la commission d’enquête du Congrès sur le 11 septembre, Bob Graham, et le membre de la commission d’enquête et ex-sénateur Bob Kerrey demandent soit de créer “une commission d’enquête permanente“, soit de mener une nouvelle enquête pour enfin connaître toute la vérité.

Selon le co-président de la commission d’enquête du Congrès sur le 11 septembre et ex-chef du Comité sénatorial sur le renseignement (Bob Graham), l’attentat de Paris, Daesh, et d’autres formes de terrorisme sont le résultat du refus d’affronter l’Arabie Saoudite et de rendre public la partie du rapport d’enquête qui démontre son implication dans cet attentat.

Les présidents de la commission d’enquête sur le 11 septembre, Ron Paul, et nombreux autres hommes politiques américains ont eux aussi appelé à la déclassification de ce rapport.

Encore une fois, chacun peut avoir sa petite idée sur les acteurs derrière le 11 septembre. Mais tant que nous ne sauront pas toute la vérité, les attaques terroristes continueront.

Nous devons être lucides

Nous entendons les défenseurs de la politique actuelle du gouvernement nous dire : “nous devons faire quelque chose pour arrêter les terroristes !”

Certainement…

Mais nous devons également cesser de faire les sept choses évoquées plus haut qui ne font que les encourager. Nous devons arrêter de continuer à nous voiler la face.

Malheureusement notre establishment ne veut pas changer de cap… il tire un pouvoir et une influence immenses de nos actuelles stratégies de guerre contre la terreur.

Par exemple, le complexe militaire s’enrichit par la guerre… donc la guerre sans fin est une caractéristique – pas un dysfonctionnement – de notre politique étrangère.

Les histoires de torture n’ont été que des prétextes pour justifier nos interventions militaires.

La surveillance de masse sert surtout à s’octroyer des avantages économiques et diplomatiques, et à étouffer la contestation.

Le soutien que nous accordons aux chefs musulmans les plus radicaux n’est qu’une affaire de pétrole et de pouvoir… “un prix dérisoire à payer” pour continuer à asseoir notre domination sur le monde.

Dans une étude faite en 2008 par l’un des principaux conseillers auprès de l’armée américaine – la Rand Corporation – et publiée sous le titre “Comment en finir avec les groupes terroristes : manuel de lutte contre Al-Qaïda“, nous trouvons la confirmation de ce que les experts ont dit et répété depuis des années : la guerre contre le terrorisme affaiblit en réalité la sécurité nationale (voir ceci, ceci et ceci).

Voici un extrait d’un communiqué de presse à propos de cette étude :

“Les terroristes doivent être perçus et décrits comme des criminels, pas des “combattants de la guerre sainte” et notre analyse suggère que la réponse au terrorisme ne se trouve pas sur le champ de bataille.”

Nous, le Peuple, devons nous lever et exiger que nos dirigeants assoiffés de pouvoir cessent de faire des choses qui leur donnent plus de pouvoir… mais qui, à coup sûr, feront de nous, la population civile, une cible de plus en plus large des terroristes.

Source : Washington’s Blog, le 10/01/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/comment-vaincre-le-terrorisme-cessons-de-commettre-les-sept-memes-erreurs/


« Charlie » et l’Afrique… Témoignage d’un général français de retour du Mali

Saturday 25 April 2015 at 01:42

« Charlie » et l’Afrique… Témoignage d’un général français de retour du Mali

Par le général Pierre Michel Joana (revue de presse : marechalunjour.unblog.fr – 23/02/15)*

Merci pour ce moment (5 février 2015)

Je viens de rentrer d’une semaine à Bamako, où j’ai travaillé avec des Maliens, des Nigériens et des Mauritaniens, sur des questions de lutte anti-terrorisme. J’étais accompagné là-bas par une collègue belge et un collègue espagnol.

Dans le petit hôtel « le Campagnard », où nous étions logés et où se déroulaient nos réunions, la télévision, comme souvent en Afrique était allumée toute la journée. La chaîne France 24, chaîne chargée de faire connaître le rayonnement de la France, diffusait plusieurs fois par jour, un petit clip d’une minute où l’on pouvait voir toute une succession de personnes, de toutes origines ethniques, portant une pancarte « je suis Charlie ». A la fin, ça devenait énervant, même pour moi. Cela l’était encore plus pour mes amis africains. Depuis la parution du dernier numéro de Charlie Hebdo, vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, à des collectionneurs opportunistes et à des gens sincères, encore sous le coup de l’émotion, les Musulmans d’Afrique noire sont de moins en moins Charlie et de plus en plus Coulibaly.

Ils ne sont pas pour autant complices des djihadistes, dont ils subissent tous les jours les atrocités, dans l’indifférence générale de tous les Charlies, partis depuis en vacances de neige, mais ils n’aiment pas que l’on se moque de leur Prophète.

Évidemment, ils ne sont pas assez développés, ni instruits, ni tolérants, pour apprécier à leur juste valeur les subtilités de la laïcité à la française, de la liberté d’expression et du droit au blasphème germanopratin. Moi non plus d’ailleurs, mais c’est normal étant donné que j’ai passé toute ma vie à essayer, comme «l’adjudant Kronenbourg, soldat à la solde du grand capital», de défendre mon pays et de permettre à ceux de Charlie, qui au fond, me haïssaient, de le faire en toute liberté.

Il n’empêche que grâce à tous ces bien-pensants, les trois abrutis qui ont assassiné les journalistes de Charlie Hebdo, puis les clients du magasin casher de la porte de Vincennes, ont atteint leur but au-delà de tout ce qu’ils avaient pu imaginer dans leurs petites têtes de crapules, rattrapées par la foi.

Le chef d’état du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, doit, rappelons-le, son élection à l’appui du Président du Haut Conseil Islamique de son pays, l’Imam wahhabite Mahmoud Dicko. Il a, je suppose, dû être fortement convaincu de venir à Paris le 11 janvier, pour manifester sa solidarité au nom de ce qu’il doit à la France et à ses amis socialistes. Il est désormais complétement discrédité. Son peuple, depuis la parution du dernier Charlie, lui reproche sa complicité avec les blasphémateurs.

France 24 le lui rappelle toutes les deux heures.

Le chef d’état du Niger, Mahamadou Issoufou, de la même obédience, et en difficulté face à son opposition, mais aussi face à la menace venant de Libye, du Mali et de Boko Haram, a également dû être convaincu par les conseillers de l’Elysée qu’il serait bien qu’il vienne aussi défiler à Paris. Que pourrait-il refuser à Paris dans la situation où il se trouve ? Manque de chance, depuis la sortie de la dernière caricature du Prophète, son peuple l’assimile aux blasphémateurs, aux Chrétiens, aux blancs, aux occidentaux, donc aux Français. Le peuple a d’ailleurs réagi plus violemment qu’au Mali. Les manifestations ont fait plus de dix morts, tous musulmans. 25 églises ont été détruites, le centre culturel français de Zinder également, ainsi que le restaurant « le Toulousain » de Niamey. C’est dans ce petit restaurant, tenu par un Français, qu’avaient été enlevés, par les djihadistes en janvier 2011, deux jeunes Français retrouvés morts le lendemain par nos forces spéciales, près de la frontière malienne. Au Niger aussi, France 24 rappelle toutes les deux heures que nous sommes Charlie.

Et deux de chute, Messieurs les Présidents.

Dans la rue à Bamako, certains vous disent qu’ils sont Coulibaly. Il faut dire que ce patronyme est plus courant là-bas que celui de Charlie.

Coulibaly de France, tu n’es pas mort pour rien.

Ma collègue Belge, qui s’était aventurée de l’autre côté de la rue, devant l’Institut National de Formation Judiciaire de Bamako, où un certain Moussa Coulibaly (encore un) avait fort bien organisé une formation sur « les menaces terroristes pesant sur le Sahel et les moyens d’y faire face », avec notre appui, a été prise à partie par un septuagénaire en boubou, affichant une belle barbe blanche de notable. Ce dernier s’est proposé à deux fois de la gifler, la prenant pour une Française. Il déclarait avoir servi dans l’armée française, et reprochait à notre pays de tout manipuler au Mali, et en particulier son Président, qu’il qualifiait de marionnette. Il lui a annoncé que tout cela finirait très mal pour nous. C’est la première fois, en 45 ans de fréquentation de l’Afrique noire, que je constate ce type de menace, surtout de la part d’un vieil homme qui n’avait rien d’un fou, et s’exprimait très clairement.

Bravo Charlie.

J’ai longuement discuté avec un officier de gendarmerie Nigérien, amoureux de la France et des philosophes français. Comme Musulman, il ne comprenait pas que l’on puisse continuer à soutenir ceux qui avaient humilié son prophète. Il sortait de cette affaire, très admiratif des Américains, qui avaient refusé de montrer à la télévision la caricature du dernier Charlie.

Merci France 24.

J’ai également longuement discuté avec un serveur de mon petit hôtel. Il était licencié en histoire et avait passé plusieurs années en Côte d’Ivoire, où il connaissait très bien tous les anciens petits chefs rebelles, désormais au pouvoir. Il ne m’a pas vraiment dit ce qu’il avait fait là-bas. Il avait renoncé à trouver un poste dans l’éducation nationale malienne, ou dans une autre administration, car la corruption est telle qu’il est impossible pour un pauvre gars comme lui de pouvoir être retenu. Il a conclu son propos en disant que son seul recours désormais était Dieu (lire Allah). D’après l’officier de gendarmerie nigérien, cet homme est mur pour basculer.

Encore un effort Charlie.

Un officier de gendarmerie français m’a dit qu’il avait demandé aux deux femmes qui travaillent à son domicile de venir désormais voilées, car on leur avait lancé des cailloux pour les punir de travailler chez lui.

Bravo la France.

J’ai aussi rencontré un officier français à la retraite, installé au Mali depuis plus de vingt ans, marié à une Malienne, et qui m’a confié que sa femme, musulmane, avec laquelle il avait deux enfants, chrétiens, passait, depuis peu, beaucoup plus de temps à faire ses prières.

Continue Charlie.

Ils croient tous là-bas que nous sommes Charlie. Du coup ils sont de plus en plus Coulibaly et en arrivent à admirer les Américains. C’est un comble.

Bref, j’ai passé une excellente semaine.

Merci pour ce moment.

Photo : Militaire français en opération au Mali

Source : http://marechalunjour.unblog.fr/2015/02/23/france-afrique/

http://marechalunjour.a.m.f.unblog.fr/files/2015/02/merci-pour-ce-moment.pdf

Source: http://www.les-crises.fr/charlie-et-lafrique-temoignage-dun-general-francais-de-retour-du-mali/


[La boucle du ridicule est bouclée] Apologie du terrorisme : un lycéen nantais poursuivi pour un dessin !

Friday 24 April 2015 at 04:08

 

Nantes – 17 Janvier

Un adolescent nantais de 16 ans a été placé en garde à vue pour avoir diffusé sur Facebook un dessin faisant l’apologie du terrorisme. [hmm, vraiment... ?]

Communiquer sur Facebook est une manière de s’exprimer publiquement. C’est ce qu’a considéré le parquet de Nantes en décidant de poursuivre un adolescent de 16 ans pour apologie du terrorisme.

Ce lycéen nantais est soupçonné d’avoir diffusé, quelques jours après l’attentat contre Charlie Hebdo, un dessin via son compte Facebook. Selon un magistrat du parquet des mineurs, ce dessin représente « un personnage avec un journal Charlie Hebdo, touché par des balles, le tout accompagné d’un commentaire « ironique ».

OB : Vous trouverez cet infâme dessin par exemple dans ce texte de Norman Finkelstein, au milieu de la page – du coup il a d’ailleurs la réponse à la question qu’il posait dans l’article…

Cet adolescent imaginait-il les conséquences de son dessin posté sur son compte ? Partagé avec ses amis sur le réseau social, le croquis a été signalé à la police. Jeudi matin, ce lycéen, qui vit chez ses parents et n’avait jamais fait parler de lui auparavant, a été interpellé et placé en garde à vue.

« Ce jeune homme n’a pas un profil évoquant une évolution vers le djihadisme, indique Yvon Ollivier, vice-procureur en charge du parquet des mineurs. Il n’a pas pris véritablement conscience de son geste, qu’il tente de justifier par l’humour. »

« Réfléchir à deux fois » avant de s’exprimer

Vednredi, le lycéen a été déféré au palais de justice. Le parquet a requis son placement en liberté surveillée et sa mise en examen. Une réponse pénale forte, dans la lignée des décisions des magistrats depuis une semaine. Une illustration de « l’extrême réactivité » dont doivent faire preuve les procureurs, selon les consignes données par la ministre de la Justice, Christiane Taubira.

C’est le second fait qualifié d’apologie du terrorisme soumis à l’appréciation des juges nantais cette semaine. Mercredi, une adolescente de 14 ans avait été mise en examen. Non pas pour un dessin mais parce qu’elle avait, lundi, crié dans le tramway, à l’adresse des contrôleurs : « On est les soeurs Kouachi, on va chercher les kalachnikovs. » Mesurait-elle, elle aussi, la portée de ses paroles ? S’agissait-il d’une provocation ? La jeune fille devra réaliser une mesure de réparation pénale.

« Il faut rappeler qu’on doit réfléchir à deux fois avant de tenir certains propos », a réaffirmé, vendredi, le parquet, « et responsabiliser ces jeunes quant aux conséquences de leurs attitudes. »

Isabelle LABARRE.
Source : www.ouest-france.fr

Source: http://www.les-crises.fr/la-boucle-du-ridicule-est-bouclee-apologie-du-terrorisme-un-lyceen-nantais-poursuivi-pour-un-dessin/


On devient terroriste, parce que l’on n’est pas entendu, par Henri Laborit

Friday 24 April 2015 at 01:24

Profitons-en, on devrait normalement prochainement brûler ce livre pour apologie du terrorisme…

La biographie d’Henri Laborit est ici - il aurait 100 ans…

Lire ce billet sur sa pensée ici.

Henri Laborit, Une Vie – Derniers entretiens avec Claude Grenié (1996, Ed. du Félin)

Pages 110 à 113 : Méconnaissance de l’inconscient

C. G. : Peut-il y avoir des pathologies de l’inconscient ?

H. L.: La pathologie de l’inconscient désigne, selon moi, une méconnaissance de l’inconscient. Freud a dit que l’inconscient était constitué par ce que l’on ne veut pas admettre dans la conscience et que l’on refoule. Toute la psychiatrie et la psychanalyse se sont embarquées dans la recherche du refoulé. Mais il me semble, quand je me vois vivre et quand je vois vivre mes contemporains, que ce que l’on appelle l’inconscient, c’est en fait le conscient. Ce qui signifie que nous sommes strictement inconscients de tous nos jugements de valeur, de la façon dont ils se sont établis au cours de notre enfance, de tout ce qui remplit notre cerveau de lieux communs, d’automatismes conceptuels et verbaux. La personnalité d’un homme est, selon moi, déterminée par son inconscient. Elle est ce dont il n’est pas conscient. S’il en était conscient, il pourrait peut être changer, varier, faire autre chose. Mais, en général, il détient une vérité qui est sa conscience et à laquelle il ne touche pas.

C. G. : S’il arrive à se rendre compte que ce qu’il appelle conscient désigne, en fait, tous ses jugements de valeur inconscients, s’il arrive à le comprendre, peut-il modifier sa situation ?

H. L. : Oui. On sera moins affirmatif. Lorsque je disais, hier, que je n’étais pas sûr de moi, je voulais dire que je sais bien que je ne détiens pas la vérité. Ce que je crois être la conscience que j’ai d’un événement vient de tous les automatismes culturels que j’ai emmagasinés dans ma mémoire, depuis ma naissance et en fonction de mon milieu. Cette distinction est fondamentale. Elle doit, selon moi, permettre de ne pas tuer le type de Bosnie-Herzégovine ou le non-juif quand on est juif. Grâce à elle, nous devrions avoir un autre comportement. Nous ne pouvons pas continuer à vivre comme nous l’avons fait dans l’obscurantisme. La science moderne est malheureusement passive, elle ne contribue en rien à cette nécessité de changement.

C. G. : Vous avez dit que si nous nous rendions compte de cette masse inconsciente, les comportements pourraient changer.

H. L. : Je le crois. Je vais apporter une petite modification. Dans la mesure où je sais que je ne suis pas libre, que je suis entièrement automatisé à être ce que je suis, si je rencontre quelqu’un d’intolérant qui, lui, pense qu’il détient la vérité et veut me l’imposer, il ne me restera qu’à fuir, ce que j’ai fait toute ma vie. Si l’on ne peut pas fuir, on se soumet. Mais il n’est pas agréable de se soumettre. On devient alors agressif, on place des bombes. On devient terroriste, parce que l’on n’est pas entendu. Je dirai presque qu’il n’y a rien de plus normal que le terrorisme. Comment ne pas être terroriste quand on est un Palestinien ? Tous nos rapports guerriers ont été des rapports de terroristes et de résistants. Les résistants étant du côté des plus forts, les terroristes du côté de ceux qu’on n’écoute pas. Les terroristes sont ceux qu’on n’entend pas, car ils sont considérés comme nuls et non avenus. Si les six milliards d’hommes de la planète savaient ce que je suis en train de dire, et qui, sans être la vérité, est au moins une opinion qu’ils pourraient discuter, les choses pourraient peut-être changer.

C. G. : Vous aviez convenu qu’il faudrait aborder l’inhibition de l’action à partir des différentes sources d’angoisse et des moyens éventuels d’y remédier.

H. L. : Le premier mécanisme de l’inhibition de l’action, le plus simple et l’un des plus fréquents d’ailleurs, est très psychanalytique en ce sens que l’individu a une pulsion à agir, à faire quelque chose, mais son apprentissage culturel lui interdit en même temps de le faire. Je pense à ce que Freud a décrit en parlant du ça pulsionnel et du surmoi qui est social, et que je qualifierai, moi, de limbique, parce que ce qui est social est appris et que l’apprentissage dépend du système limbique. On apprend aux gens ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire sous peine d’être punis. Or, dans quantités de circonstances, ces gens voudraient agir, pour se faire plaisir, donc pour maintenir leur structure, etc., mais ils le ne peuvent pas, parce que le code social a établi des règles qui font qu’il leur est impossible de réaliser leur désir. Ils sont alors en inhibition de l’action. Bien souvent, ils n’ont pas réalisé le conflit, car il s’agit d’un conflit neuronal entre certains groupes de neurones qui les poussent à agir et un autre groupe qui leur apprend qu’ils ne peuvent pas le faire. On peut, bien sûr, en déduire qu’ils vont refouler tout ce qu’on voudra, toute la phraséologie psychiatrique, mais la chose est relativement simple. L’inhibition de l’action apparaît également en cas de déficit informationnel: un événement survient, que vous n’avez jamais expérimenté. Il n’a laissé aucune trace mémorisée dans votre système nerveux et vous ignorez si l’action que vous allez entreprendre par rapport à cet événement va être source de plaisir ou de déplaisir. Vous vous trouvez en inhibition de l’action, angoissé, parce qu’agir sans savoir est toujours dangereux. Aujourd’hui, dans notre société (je pense à l’ouvrage d’Alvin Toffler, Le Choc du futur, Denoël, 1974), nous sommes assaillis d’informations. Elles ne nous poussent pas à agir, car elles ne sont pas accompagnées d’un appareillage pour les classer. Si l’on apprenait aux gens ce qu’est un ensemble, ce qu’est un niveau d’organisation, un servomécanisme, dans l’afflux d’informations que la radio, la presse ou la télé leur déversent tous les jours, ils pourraient situer les événements à leur place, c’est-à-dire à leur niveau d’organisation, et voir quels sont les systèmes qui les englobent et ceux qu’ils englobent. Ils auraient la possibilité d’organiser d’une façon harmonieuse et cohérente ces fouillis d’informations qui leur parviennent non classées, alors que ceux qui les fournissent ne savent même pas ce qu’est un niveau d’organisation. Ils pourraient ainsi agir efficacement et ne pas partir en guerre pour les beaux yeux de la princesse.

Pour agir, il faut être informé, mais l’information en elle-même ne suffit pas si elle n’est pas liée à une organisation de cette information dans le temps et l’espace. En revanche, lorsque survient un événement expérimenté comme dangereux ou douloureux, ce n’est pas l’angoisse qui nous atteint à ce moment -là, c’est la peur. La peur va libérer des catécholamines, contracter certaines aires vasculaires et aboutir à la fuite ou à la lutte, alors que, dans l’angoisse, les conflits neuronaux intracérébraux aboutissent à l’inhibition de l’action, au fait que nous attendons en tension le moment d’agir, et qu’au bout d’un certain temps nous nous apercevons – par apprentissage encore – que l’action est inutile, qu’elle ne peut être qu’inefficace. À ce moment-là, on tombe dans la dépression. Les déprimés sont des gens en inhibition de l’action, car ils ont la sensation, vraie ou fausse, que leur action sera toujours inefficace. Il est un dernier cadre dans lequel s’inscrit l’inhibition de l’action. Ce cadre est spécifiquement humain. Grâce à son cerveau orbitofrontal, l’homme peut, à partir d’un apprentissage antérieur, créer de nouvelles structures. Il est donc capable d’inventer des scénarios catastrophiques qui ne se produiront jamais. Ce cadre imaginaire dans lequel intervient l’inhibition de l’action est propre à l’homme. Les animaux n’ont ni une imagination, ni un outil cérébral, ni une combinatoire suffisants pour projeter l’avenir dans le présent, et se trouver en inhibition de l’action alors que l’avenir n’est pas encore là. Voilà les trois grands cadres dans lesquels s’inscrit l’inhibition de l’action. Toute la psychiatrie et ses cas particuliers peuvent, selon moi, s’inscrire dans ces cadres. Mais peut-être est-ce prétentieux que de l’affirmer !

L’individu ne parvient pas à comprendre les facteurs de son angoisse et ce qui l’engendre. Que lui reste-t-il pour s’en débarrasser ? L’agressivité, le plus souvent. Elle soulage parce qu’il agit. Mais généralement, elle n’est pas efficace car elle se heurte aux institutions ou aux dominants. L’agressivité, aussi bien sur le plan des individus que sur le plan des groupes sociaux, est un moyen d’éviter l’inhibition de l’ action. Il existe une autre façon d’ y échapper : la névrose; le névrotique est un monsieur, comme le disait Pierre Janet, qui utilise le langage du corps. Le modèle le plus évolué dans sa force, mais de plus en plus rare dans sa forme, c’est…

C. G. : … l’hystérie?

H. L. : Oui, l’hystérie.

 

Autre textes connexes :

USA et productivisme (L’esprit du Grenier p.182 sur l’utilité de la drogue)

Ce que je viens de rédiger, ce sont des banalités. Sur le plan politique, on sait bien que les USA ont créé le concept d’un narcoterrorisme intimement lié avec le communisme qui l’aurait inventé pour déstabiliser des régions, en particulier en Amérique latine, d’obédience économique et politique américaine. Mais en poussant la caricature et la fiction un peu plus loin encore, on en arrive à se poser la question de savoir si le commerce des drogues, le blanchiment si simple de l’argent «sale », ne seraient pas entretenus par certains États eux-mêmes pour éliminer, par le moyen de la drogue, une population inutile, non productive, donc indésirable. La lutte contre la drogue constitue aussi pour ces États, par le renforcement des effectifs de police, un contrôle plus intime des individus dans leur vie privée, et ce contrôle apparaît beaucoup plus rigoureux sur la demande que sur l’offre. Mais là sans doute suis-je en train de commencer à écrire le canevas d’un roman de science-fiction policier. Nous avons rapproché dans ce paragraphe les drogues hallucinogènes, des drogues toxiques de façon plus générale, sans nous étendre sur cette dernière distinction importante.

Pourtant nous pouvons dire que, dans tous les cas, ce sont avant tout des moyens de fuite du déplaisir ayant abouti à l’inhibition de l’action. Cette fuite enlève au toxicomane l’envie de lutter et même de trouver une source de plaisir moins dangereuse mais aussi moins immédiatement efficace. Il devient inutile au maintien de la structure socioéconomique d’une société productiviste et doit donc être éliminé. C’est pourquoi les lois sont généralement coercitives à leur égard, sans que soit jamais envisagée la possibilité d’instauration d’un type nouveau de rapports sociaux, qui ne seraient pas uniquement établis sur la compétitivité économique.

 

Sur l’ONU, les USA et le Nouvel Ordre Mondial (in L’esprit du Grenier p.222-223)

Pour agir, il faut être informé de façon temporairement complète et contradictoire. Il faut savoir que nos prétendus choix sont conditionnés par tous nos automatismes inconscients, notre passé, nos envies refoulées, nos désirs incompris. Savoir pourquoi ils sont relatifs. Ils ne commencent à prendre un sens que si l’action est valable pour l’espèce tout entière (nous préférons le terme d’espèce à celui d’humanité, si galvaudé) et non pour un sous-ensemble de celle-ci, ou pour un gourou, un homme ou un groupe d’hommes providentiels, ou plus simplement pour notre satisfaction narcissique. L’éthique ne peut être que celle de l’espèce. S’il en était ainsi, jamais une action humaine ne pourrait déboucher sur l’intolérance. Malheureusement, si vous savez, l’autre ne sait pas et profitera de votre non-violence. Alors le droit le plus fondamental de l’homme ne serait-il pas d’être informé avant tout sur ce qui se passe en lui ?

Comme il est un point unique de convergence des autres, les vivants et les morts, cela lui permettrait peut-être de les comprendre comme il se comprendrait, et à ses processus imaginaires de progresser vers la création d’un monde humain où les droits de l’homme ne seraient autres que ceux de l’espèce humaine. Nous pouvons donner l’impression que nous tentons nous aussi de vouloir imposer notre point de vue. Nous ne souhaitons imposer quoi que ce soit, mais nous avons voulu fournir les raisons qui font que nous souhaitons qu’on ne nous impose rien.

Un dernier mot concernant la notion de «consensus» dont on nous rebat les oreilles depuis quelque temps. Ce n’est pas parce que des millions d’individus défendent une erreur qu’elle devient pour autant une vérité, et nous savons avec quelle suspicion il faut accueillir toute affirmation de vérité.

Le général de Gaulle en parlant de l’ONU l’appelait le « machin» parce qu’il n’avait pas de pouvoir coercitif décisionnel.

Ces derniers temps il existe, paraît-il, un « consensus» international autour de la dominance américaine qui aboutit à la guerre. Si, comme on voudrait nous le faire croire, il faut en passer par là pour réaliser un « nouvel ordre international », on peut se poser la question de savoir si le «machin» n’était pas préférable. Mais pendant ce temps-là, les comités d’éthique des pays occidentaux

vont discuter de l’emploi d’embryons humains dans la recherche, ou de la légitimité de l’euthanasie. Pourquoi pas d’ailleurs, car il s’agit encore d’une question de niveaux d’organisation: à certains niveaux, certains problèmes se posent, mais au niveau des États les guerres sont toujours des guerres justes, et les meurtres en masse d’hommes non plus «potentiels» mais arrivés à maturation

des actes de courage et d’abnégation. Après leur échec au Vietnam, il a fallu deux cent mille morts irakiens pour rendre aux Américains leur fierté et restaurer l’image idéale qu’ils se font d’eux-mêmes. C’est ce que les médias nous ont dit et montré, et il faudrait rester calme et admiratif en lisant et en voyant cela!

 Merci à David pour les sources

Source: http://www.les-crises.fr/on-devient-terroriste-parce-que-lon-nest-pas-entendu/


La Grèce face à l’hybris européen

Friday 24 April 2015 at 00:35

La question d’un possible défaut de la Grèce dans les jours, voire les semaines, qui viennent est désormais régulièrement posée. Mais, cette question est parfois confondue avec celle des liquidités internes. Or cette question est aujourd’hui le principal instrument utilisé par l’Eurogroupe pour étrangler la Grèce et tenter d’imposer des politiques qui ont été rejetées par les électeurs le 25 janvier. Rien que cela en dit long sur la notion de la démocratie des principaux responsables européens, et en particulier de M. Jean-Claude Juncker (un multirécidiviste sur ce point qui avait déclaré à la suite de cette élection du 25 janvier « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens »[1]) ou M. Moscovici. Ajoutons que les récentes déclarations de M. Schäuble[2] vont parfaitement dans ce sens. On mesure que le mot « démocratie » n’est qu’un slogan sans contenu pour les dirigeants de l’Union européenne.

La question des remboursements

La Grèce doit de l’argent au FMI, à la BCE ainsi qu’aux différents fonds d’aides (MES et FESF). Les échéanciers des remboursements jusqu’au 19 juin sont les suivants :

Graphique 1

Echéanciers des remboursements

A - chart Detts

On constate qu’a part de petits remboursements à la BCE, l’essentiel, du moins jusqu’au 19 juin, sera les remboursements aux FMI (2,54 milliards d’euros). Or, le Fond Monétaire International s’est distingué pour l’instant par une attitude bien plus « souple » que celle de la BCE ou de l’Eurogroupe qui supervise les paiements à faire pour le MES et le FESF. Il n’est donc pas exclu que l’on trouve un arrangement sur ces 2,54 milliards d’Euros. Mais, un tel arrangement ne peut être que provisoire. La Grèce devra rembourser, entre le principal et les intérêts, environ 7 milliards aux diverses institutions européennes entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet. Le gouvernement Grec a dit, à de nombreuses reprises, qu’il ne ferait pas ces paiements car ces derniers prélèveraient l’ensemble des sommes (et au-delà) sur le (petit) excédent fiscal primaire qu’il réalise et qu’il souhaite affecter tant à des mesures de soutien à la population qu’a des mesures de relance de l’activité économique. On sait aussi que l’Eurogroupe, pour l’instant, refuse cette solution. L’Eurogroupe refuse de même de négocier sur la dette, et cherche à imposer des réformes qui, outre qu’elles sont à tout plein inutiles[3], sont refusées par le gouvernement grec et surtout pas ses électeurs. Nous sommes donc dans une impasse.

Il s’en déduit qu’un défaut de la Grèce peut survenir dans les semaines qui viennent, mais surviendra de toute manière entre la fin juin et le début du mois de juillet. Sauf si, d’un côté ou de l’autre, un changement de position survient.

La crise de liquidité

Pour chercher à faire céder la Grèce, et imposer une politique dont les électeurs grecs clairement ne veulent pas, l’Eurogroupe institue un rationnement dans l’offre de liquidité à l’économie grecque. La Banque Centrale Européenne a « déconseillé » aux banques grecques d’acheter des bons du trésor, elle a exclu de fait la Grèce du mécanisme d’aide d’urgence à la liquidité (ou ELA), et relève très lentement le plafond de ses offres de liquidités. Un auteur de la revue américaine Foreign Policy, qui ne peut être considérée comme d’extrême-gauche, va jusqu’à parler des « dirty tricks » soit des « sales magouilles » de la Commission de Bruxelles vis à vis de la Grèce[4]. Cette situation, couplée avec les retraits des banques grecques et les sorties de capitaux qui ont atteint un niveau très élevé en mars dernier confronte le pays avec le risque que son économie, affaiblie par les mesures d’austérité mises en place par le « protectorat » européen, ne s’effondre rapidement. C’est un autre problème que celui du défaut. Là où ces deux problèmes deviennent liés est que si la Grèce fait défaut sur ses remboursements extérieurs, la BCE ne pourra plus légalement financer les banques grecques. Le défaut provoquera la crise de liquidité.

Une solution pourrait consister en l’émission par le gouvernement grec de dettes au porteur, avec un pouvoir libératoire absolu, pouvant être utilisées par les individus et les entreprises comme une monnaie. Mais, il est clair qu’une telle mesure équivaudrait à la création d’une monnaie parallèle à l’Euro, monnaie qui se substituerait à l’Euro très rapidement dans les transactions. Un taux de change implicite se constituerait très rapidement, une reconnaissance de dette ne donnant accès qu’à 98%, puis 95% puis sans doute encore moins de sa valeur faciale en euros. De fait, la Grèce serait hors de la zone Euro, et elle devrait rapidement régler la question des comptes courants et à terme dans les banques et déterminer une circulation cette fois-ci scripturale et pas seulement fiduciaire de ces « titres de dette ».

L’idée d’une monnaie parallèle permettant à la Grèce de rester dans la zone Euro est une illusion. L’histoire, qui est remplie de cas ou des pays ont utilisé des monnaies en parallèle sur leur territoire nous apprend que ces systèmes sont hautement instables. Une monnaie parallèle, quel que soit son nom, reviendrait en fait à recréer la drachme. Mais, c’est en réalité la meilleure solution pour la Grèce dans la situation politique actuelle.

Le problème politique.

Le gouvernement grec a construit sa stratégie sur le fait que l’Eurogroupe aurait bien plus à perdre que la Grèce à une crise. En cas de défaut grec, les gouvernement de la zone Euro devraient expliquer à leurs populations qu’il faut recapitaliser d’urgence la BCE et couvrir les pertes du MES et du FESF. Par ailleurs, un défaut grec entrainerait l’activation des CDS (credit-defaut swaps) qui ont été émis. Enfin, psychologiquement, cette crise signifierait à tous les observateurs que l’Euro n’est pas irréversible mais aussi que les pays du « noyau » de la zone Euro ne sont pas prêts à assumer les conséquences du fonctionnement de la zone Euro. Il ne faudrait que quelques semaines pour que la crise se répercute dans les pays périphériques (Espagne, Portugal, Irlande et Italie). De proche en proche, on aboutirait à l’implosion de la zone Euro. C’est pourquoi le gouvernement grec ne veut pas céder. Ajoutons, et tout le monde le comprend, que s’il cède il perd immédiatement toute sa crédibilité et sa légitimité, et que Syriza, un parti passé en quelques années de 4% à 36% des sondages, serait condamné à disparaître.

Mais, là où le gouvernement grec erre, c’est qu’il pense que les décisions au niveau de l’Eurogroupe seront prises sur la base d’intérêts économiques. En fait, les gouvernements des pays de la zone Euro ont investi énormément dans la dimension politique et symbolique. L’Euro, comme le dit depuis des années le philosophe italien Diego Fusaro n’est pas une monnaie, c’est un projet politique et symbolique. Et, ce projet ne peut s’accommoder d’un compromis avec la Grèce. Car, en cas de compromis, validant la stratégie de Tsipras et de Syriza, c’est toute la politique d’austérité qui volerait en éclat (avec un encouragement très fort à Podemos en Espagne et au Sinn Fein en Irlande), non seulement au grand dam de l’Allemagne (et de ces alliés) mais aussi des hommes politiques qui, dans d’autres pays, ont construit leur carrière sur ce projet (comme François Hollande).

C’est pourquoi un compromis est en réalité une illusion. Il n’y a pas d’alternative à l’Eurogroupe que d’écraser ou périr. Il n’y a pas d’alternative pour le gouvernement grec que d’aller à l’affrontement ou périr.

L’impasse et la rupture

En fait, aucun des deux adversaires, que ce soit le gouvernement grec ou l’Eurogroupe, n’a de marge de négociation. Cette situation a été voulue par le Ministre des finances grec, Yannis Varoufakis, qui connaît bien la théorie des jeux, et qui a retourné la faiblesse apparente de son pays pour en faire une force. C’est ce que l’on appelle la « coercive deficiency ». Mais, la théorie des jeux ne fonctionne que face à un adversaire rationnel. Or, cela fait des années que les responsables européens sont sortis de tout cadre rationnel et ne sont plus guidés que par l’idéologie mais aussi l’hybris du projet européiste. Ce terme peut être traduit par ladémesure. Mais en réalité cela va bien plus loin. C’est un sentiment violent qui est inspiré par les passions, comme dans le cas européen, et plus particulièrement par l’orgueil, et en particulier par l’orgueil politique. Pour les Grecs anciens l’hybris était considérée comme un crime.

La stratégie de Varoufakis se heurte à l’hybris. C’est une figure qu’il doit bien connaître. Il sait, aussi, que face à elle, seule la rupture est possible.

[1] Naulot J-C., « Le défi Tsipras », Libération, 14/04/2015,http://www.liberation.fr/monde/2015/04/14/le-defi-tsipras_1241076

[2] http://www.lesechos.fr/monde/europe/02114542169-passe-darmes-entre-sapin-et-schauble-sur-la-france-1112348.php

[3] En particulier la « réforme » du marché du travail. Voir le World Economic Outlook d’avril 2015, publié par le FMI, et le Chapitre 3, rédigé par Patrick Blagrave, Mai Dao, Davide, Furceri (responsable du groupe), Roberto Garcia-Saltos, Sinem Kilic Celik, Annika Schnücker, Juan Ypez Albornoz, and Fan Zhang, avec l’assistance technique de Rachel Szymanski, disponible à partir du 16 avril sur www.imf.org

[4] Legrain P., « Greece Needs to Start Playing Hardball With Germany », Foreign Policy, 10 avril 2014,http://foreignpolicy.com/2015/04/10/greece-needs-to-start-playing-hardball-with-germany/

Source : Jacques Spir, pour son blog RussEurope, le 18 avril 2015.

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La Grèce, l’UE et l’hybris, par Philippe Grasset

Dans son commentaire du 18 avril 2015, avec le titre de «La Grèce face à l’hybris européenne» sur son site RussEurope, l’économiste Jacques Sapir développe les conditions de l’actuel face-à-face entre la Grèce et l’UE et juge que l’on est arrivé à la situation finale. («Il s’en déduit qu’un défaut de la Grèce peut survenir dans les semaines qui viennent, mais surviendra de toute manière entre la fin juin et le début du mois de juillet. Sauf si, d’un côté ou de l’autre, un changement de position survient.»)

Sapir examine les diverses possibilités, les réalités économiques, les conditions de l’affrontement. Il admet que la stratégie grecque, qui consiste à tenter de retourner contre l’UE sa propre puissance selon la “théorie des jeux” plus que selon la technique du “faire aïkido” qui est plus antagoniste, a du sens et du mérite à la fois, donc en théorie pourrait marcher et donner à la Grèce un compromis qui l’avantagerait. «Mais la théorie des jeux ne fonctionne que face à un adversaire rationnel», et l’UE n’est plus “rationnelle”, qu’elle soit adversaire ou partenaire, ou même objet d’admiration ou d’appréciation idolâtre. Alors, l’économiste se fait avec bonheur historien et psychologue, voire métahistorien en introduisant un facteur fondamental : l’hybris de l’UE, qui ôte à cette institution dans cette interprétation toute raison acceptable, – à moins de parler naturellement de raison-subvertie ; l’hybris, qui fait d’elle une entité évidemment déstructurante et dissolvante, une véritable créature autonome dotée d’une sorte de psychologie propre. Cela place la Grèce devant un dilemme dont les deux termes sont si extrêmes qu’ils interdisent évidemment et absolument le moindre compromis : se soumettre complètement ou rompre… Si elle veut survivre, la Grèce devra rompre.

«Le gouvernement grec a construit sa stratégie sur le fait que l’Eurogroupe aurait bien plus à perdre que la Grèce à une crise. En cas de défaut grec, les gouvernement de la zone Euro devraient expliquer à leurs populations qu’il faut recapitaliser d’urgence la BCE et couvrir les pertes du MES et du FESF. Par ailleurs, un défaut grec entraînerait l’activation des CDS (credit-defaut swaps) qui ont été émis. Enfin, psychologiquement, cette crise signifierait à tous les observateurs que l’Euro n’est pas irréversible mais aussi que les pays du “noyau” de la zone Euro ne sont pas prêts à assumer les conséquences du fonctionnement de la zone Euro. Il ne faudrait que quelques semaines pour que la crise se répercute dans les pays périphériques (Espagne, Portugal, Irlande et Italie). De proche en proche, on aboutirait à l’implosion de la zone Euro. C’est pourquoi le gouvernement grec ne veut pas céder. Ajoutons, et tout le monde le comprend, que s’il cède il perd immédiatement toute sa crédibilité et sa légitimité, et que Syriza, un parti passé en quelques années de 4% à 36% des sondages, serait condamné à disparaître.

»Mais là où le gouvernement grec erre, c’est qu’il pense que les décisions au niveau de l’Eurogroupe seront prises sur la base d’intérêts économiques. En fait, les gouvernements des pays de la zone Euro ont investi énormément dans la dimension politique et symbolique. L’Euro, comme le dit depuis des années le philosophe italien Diego Fusaro n’est pas une monnaie, c’est un projet politique et symbolique. Et, ce projet ne peut s’accommoder d’un compromis avec la Grèce. Car, en cas de compromis, validant la stratégie de Tsipras et de Syriza, c’est toute la politique d’austérité qui volerait en éclat (avec un encouragement très fort à Podemos en Espagne et au Sinn Fein en Irlande), non seulement au grand dam de l’Allemagne (et de ces alliés) mais aussi des hommes politiques qui, dans d’autres pays, ont construit leur carrière sur ce projet (comme François Hollande).

»C’est pourquoi un compromis est en réalité une illusion. Il n’y a pas d’alternative à l’Eurogroupe que d’écraser ou périr. Il n’y a pas d’alternative pour le gouvernement grec que d’aller à l’affrontement ou périr.

»En fait, aucun des deux adversaires, que ce soit le gouvernement grec ou l’Eurogroupe, n’a de marge de négociation. Cette situation a été voulue par le Ministre des finances grec, Yannis Varoufakis, qui connaît bien la théorie des jeux, et qui a retourné la faiblesse apparente de son pays pour en faire une force. C’est ce que l’on appelle la “coercive deficiency”. Mais la théorie des jeux ne fonctionne que face à un adversaire rationnel. Or, cela fait des années que les responsables européens sont sortis de tout cadre rationnel et ne sont plus guidés que par l’idéologie mais aussi l’hybris du projet européiste. Ce terme peut être traduit par “la démesure”. Mais en réalité cela va bien plus loin. C’est un sentiment violent qui est inspiré par les passions, comme dans le cas européen, et plus particulièrement par l’orgueil, et en particulier par l’orgueil politique. Pour les Grecs anciens l’hybris était considérée comme un crime.

»La stratégie de Varoufakis se heurte à l’hybris. C’est une figure qu’il doit bien connaître. Il sait, aussi, que face à elle, seule la rupture est possible.»

“Seule la rupture est possible”, – notre logique de l’antiSystème fait que nous ne pouvions qu’abonder dans ce sens, et que nous abondons … Cet accord est bien entendu la cause qui nous a fait retenir ce texte, mais plus encore, pour le symbole puissant et les références que ce terme suscite, l’idée de l’hybris de l’UE. Nous citons souvent l’hybris comme le trait dominant de la psychologie-Système, affectant les principales forces du bloc BAO, principalement les USA et l’UE. Effectivement, la démonstration est convaincante, et c’est sans doute l’une des grandes vertus de l’épisode Syriza, quoi qu’il arrive, d’avoir mis en évidence l’existence de ce péché mortel, de ce trait épouvantable de la psychologie, dans le cas de l’UE. Nous différerions peut-être (de Sapir) du point de vue de la chronologie, pour mieux mettre en lumière combien cette manifestation si évidente et si impudente, nous dirions presque désespérée à force d’impudence de l’hybris-UE, représente un signe évident de la crise de cette institution, et un signe non moins affirmé de la trajectoire de chute où elle est engagée.

Sapir écrit : «Or, cela fait des années que les responsables européens sont sortis de tout cadre rationnel et ne sont plus guidés que par l’idéologie mais aussi l’hybris du projet européiste.» Ce “des années” vaut certainement pour la “sortie de tout cadre rationnel” et pour l’affirmation idéologique extrémiste qui se sont réalisées de la façon péremptoire qu’on voit entre les années 1990 et les années 2004-2005 (du traité de Maastricht à l’euro, à l’élargissement à l’Est), mais moins certainement pour l’hybris. L’installation de cette passion funeste qui attendait son heure, certes conséquence du reste mais aussi transmutation du reste, s’est développée à partir de la formation du bloc BAO (automne 2008) et des aventures expansionnistes du bloc BAO à partir de 2010, et elle s’est installée brusquement, justement comme une transmutation psychologique presque d’une forme crisique, à l’occasion de la crise ukrainienne (novembre-2013-février 2014). Brusquement, en se transmutant, cette rupture de la psychologie a aussitôt imprimé une marque politique et stratégique dans l’affaire ukrainienne et face à la Russie. Depuis, l’on sent bien que l’UE est devenue une entité animée de penchants expansionnistes affirmé et qui abandonne tout velléité de s’en dissimuler, et de moins en moins préoccupée sinon plus du tout à se maquiller d’un vernis démocratique de simple convenance. (Ainsi, à notre sens, l’UE aurait eu face à la Grèce une position moins intransigeante s’il n’y avait eu entretemps l’aventure ukrainienne qui a dévoilé l’hybris sans la moindre retenue.)

Cette transmutation qui ne peut être précisée que sous la forme d’une “transmutation-Système”, c’est-à-dire un rapprochement décisif de ce qui est l’essentiel producteur d’une dynamique maléfique, produit l’habituel mélange que les bons auteurs identifient dans ce qu’on nommerait le Mal dans notre époque catastrophique ; c’est-à-dire, selon le schéma classique, cette dynamique de surpuissance qui se veut irrésistible et l’extrême stupidité qui l’accompagne et nous donne le ferme espoir que la susdite dynamique de surpuissance atteint le sommet d’elle-même en produisant parallèlement sa transformation (même pas besoin de transmuter) en autodestruction, tout en conservant une fidélité sans faille à l’essentielle dimension de la stupidité qui est sa marque indélébile comme celle du diable. (Selon cette observation de René Guénon que nous affectionnons : «On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s’empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature…») Les dirigeants européens, influencés par l’entité qu’ils croient diriger et dont ils ne font que subir l’influence, trop faible psychologiquement pour lui opposer une fermeté quelconque, se comportent effectivement à l’image de l’entité ainsi opérationnalisée : la déclaration (citée par Sapir dans son texte) de Juncker, président de la Commission, après les élections grecques du 25 janvier, rend compte de ce mariage de la surpuissance et de la stupidité, – «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens», déclara-t-il fameusement… Effectivement, il s’agit bien de l’hybris, disons d’une catégorie postmoderne, parfaitement en ligne avec celle des USA dont l’UE est aujourd’hui le “compagnon de route” presque à égalité et en toute complicité, bien plus que le vassal ou l’obligée.

Au reste, l’institution évolue au niveau interne dans le même sens, avec une montée draconienne des mesures de “sécurisation” interne de l’institution UE, impliquant une sorte de surveillance intensive et intrusive, soupçonneuse et tatillonne. Un nombre de plus en plus grand de sites internet, jugés “dissident”, et qui concernent plus encore les nouvelles non caviardées du Moyen-Orient ou de l’Ukraine, ont leur accès bloqué sur les circuits intérieurs par de mystérieuses décisions venues d’on ne sait quelle mystérieuse organisation de sécurité. Un fonctionnaire sollicitant une position particulière ou une bourse d’étude, peut se voir opposer un refus, non parce qu’il a répondu d’une façon incompétente à une interview d’évaluation, mais, par exemple, parce qu’il a eu une phrase malheureuse sur la Grèce (du type “les pauvre Grecs, leur sort est difficile”). L’hybris est donc bien là, omniprésente, aussi bien présente à l’intérieur des institutions, installant une tension constante, une suspicion à mesure, et de plus en plus souvent désarroi et confusion sur la raison d’être et l’orientation de l’institution.

Nous dirions que cet hybris correspond à une affirmation de puissance (surpuissance) dont la crise ukrainienne a été la génitrice incontestable. L’Ukraine a conduit l’UE “à sortir du bois”, à se découvrir pour ce qu’elle est, ou ce qu’elle est devenue dans son évolution souterraine peu importe, c’est-à-dire une institution parfaitement totalitaire. Ce faisant, elle a complètement tourné le dos à ce qu’elle présentait comme ses ambitions pacificatrices, comme modèle de “gouvernance apaisée” et comme modèle postmoderne de gouvernement idéal. Ainsi, en acquérant cette surpuissance que lui impose son hybris, comme juste retour des choses puisque l’hybris est née de cette surpuissance, elle se met paradoxalement dans une position d’extrême faiblesse. Elle est entraînée, – le cas ukrainien est exemplaire, – dans des voies de plus en plus douteuses, où la légitimité qu’elle prétendait avoir avec ses idéaux initiaux se dissout à très grande vitesse, remplacée par l’imposture, le simulacre, et l’enchaînement dramatique du déterminisme-narrativiste. L’hybris-Système dont l’UE est désormais la porteuse comme on l’est d’une peste épouvantable, est la marque du processus irrémédiable d’effondrement qui l’entraîne. Sera-ce la Grèce, sera-ce autre chose, qui nous montrera que le roi est nu ? Les occasions ne manquent pas et ne feront que se multiplier tant cette attitude engendre de contradiction,s conflictuelles, d’antagonismes furieux, notamment avec les Etats-Membres et avec leurs populations.

Source : DeDefensa, 20/04/2015

 

Mis en ligne le 20 avril 2015 à 05H34

Source: http://www.les-crises.fr/la-grece-face-a-lhybris-europeen/


[Reprise] Division à Charlie Hebdo sur l’argent du journal

Friday 24 April 2015 at 00:01

Deux mois après l’attentat qui a décimé Charlie hebdo, les survivants se divisent: onze salariés demandent que tous les collaborateurs deviennent actionnaires à parts égales du journal, qui a recueilli près de 30 millions d’euros depuis la tuerie.

Un site de construction tagué "Charlie Hebdo" à Rennes le 6 mars 2015
Un site de construction tagué “Charlie Hebdo” à Rennes le 6 mars 2015

Laurent Léger (journaliste de Charlie Hebdo, ndlr) a annoncé mercredi en conférence de rédaction avoir créé un collectif pour ouvrir des négociations sur une répartition égalitaire du capital“, a indiqué à l’AFP un des avocats du journal, représentant de la direction, qui n’a pas souhaité être nommé.

Dans un mail à la rédaction dont l’AFP a obtenu une copie, Laurent Léger précise que ce collectif réunit onze collaborateurs, dont l’urgentiste Patrick Pelloux et le dessinateur Luz. Ce collectif a engagé deux avocats, dont Antoine Comte, qui a notamment défendu Rue89, le Syndicat de la magistrature et Olivier Besancenot.

Charlie Hebdo est détenu actuellement à 40% par les parents de Charb, ex-directeur de la publication tué dans l’attaque du 7 janvier, à 40% par le dessinateur Riss, blessé à l’épaule, devenu le nouveau directeur du journal, et 20% par Eric Portheault, co-gérant.

Juste avant l’attentat jihadiste qui a tué douze personnes de l’équipe, le journal, au bord de la faillite, ne se vendait qu’à 30.000 exemplaires. Il a depuis vu affluer les dons et les abonnements, et vendu à plus de 7 millions d’exemplaires son “numéro des survivants” du 14 janvier. De nombreux collaborateurs vivent désormais sous protection policière.

Nous prenons acte des souhaits des salariés d’être associés à la vie du journal. Mais nous sommes encore très loin de la réflexion sur l’actionnariat“, a commenté l’avocat du journal, expliquant que les dirigeants étaient “navrés” de cette initiative.

Riss est encore à l’hôpital, les parts de Charb sont gelées par (sa) succession. Tout cet argent fait plus de mal que de bien. Cela fait penser à ces enterrements où on se bat déjà en revenant du cimetière pour les bijoux de la grand-mère“, a-t-il regretté.

Nous devons d’abord penser à sortir un journal tous les mercredis. Il faut aussi régler des problèmes fiscaux, puisque par exemple les dons sont taxés à 60%. Les dons iront aux familles des victimes. Le produit des ventes ira dans la caisse du journal. Il servira aussi à créer une fondation, notamment pour enseigner la liberté d’expression à l’école“, a expliqué l’avocat.

Pour le moment, on n’est pas associé aux choix. Il n’y a rien contre la direction actuelle, aucun conflit avec qui que ce soit, mais par rapport à ce qui s’est passé les salariés veulent être davantage acteurs de l’entreprise“, a déclaré pour sa part Patrick Pelloux, joint par l’AFP.

A partir du moment où une entreprise est décimée, vous vous sentez complétement liés à elle. Il ne s’agit pas de se partager le gâteau. L’argent ne nous intéresse pas“, assure-t-il.

Contacté par l’AFP, Laurent Léger a seulement répondu qu’il s’agissait de “discussions internes au journal“.

Dans son mail à la rédaction, il insiste sur son souhait d’un contrôle collectif des comptes.

Cette nouvelle répartition du capital permettra de rendre compte de la manière la plus transparente qui soit de l’utilisation de l’incroyable afflux de fonds dont le journal a été destinataire (…). Nous avons pris acte de l’engagement des actionnaires actuels de bloquer l’argent, mais plus le contrôle est large, plus les décisions de ce type sont prises collectivement et mieux c’est pour tout le monde“, ajoute-t-il. Il réclame aussi “un audit de la situation financière“.

L’initiative a provoqué jeudi un vif débat au sein de la rédaction. Dans un mail, un des dessinateurs, qui ne fait pas partie du collectif, a reproché aux membres du collectif de “parler de son argent (de Charb, ndlr)“, alors que “les asticots ont même pas fini de le bouffer“, même si “la question de l’actionnariat devra se poser“.

Les actions de Charb s’envoleront pas si c’est ça qui vous inquiète, Riss partira pas avec la caisse sous son bras (…) et Eric (Portheault, ndlr) a pas ouvert de compte en Suisse“, a-t-il ajouté, en soulignant les sacrifices financiers consentis par ces deux derniers pour le journal ces dernières années.

Source : l’Expansion/l’Express, le 19 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/cetait-attendu-division-a-charlie-hebdo-sur-largent-du-journal/


La Grèce va-t-elle faire défaut le 24 avril ?

Thursday 23 April 2015 at 04:57

A priori non, mais si les eurocrates continuent, ça va finir par arriver…

La Grèce va-t-elle finir par faire défaut ? C’est bien possible. Car le silence coupable de la France sur ce dossier et l’interlude marqué à l’occasion des fêtes de Pâques n’empêchent pas les choses de suivre leur cours et d’aller tranquillement…. dans le mur.

Prochaine étape : l’Eurogroupe qui doit se tenir le 24 avril à Riga. Évidemment, les « partenaires » de la Grèce vont l’y sommer une fois de plus de franchir ce que son gouvernement considère comme des « lignes rouges » : baisse des retraites et nouvelles encoches dans le droit du travail essentiellement. Tsipras ne semble pas prêt à céder là-dessus. Et l’Allemagne ne paraît pas disposée à lui faire quelque cadeau sur le sujet. Du coup, la situation pourrait demeurer bloquée. Le très souple et très conciliant ministre allemand des Finances Wolfgang Schauble a d’ailleurs eu ces mots récents : « personne ne dispose du moindre indice laissant espérer que nous parviendrons à un accord sur un programme ambitieux ». Bref, la Grèce ne semble pas prête de recevoir la tranche d’aide de 7 milliards d’euros qu’elle espère…

En attendant :

- Après la visite très commentée de Tsipras à Moscou, c’est au tour de Yanis Varoufakis de se rendre aux États-Unis. Il se dit qu’il y rencontrerait Barack Obama. Dans l’espoir que celui-ci mette un coup de pression amicale à son allié allemand ? On sait le Président américain attentif à l’évolution de la situation depuis le début. « On ne peut pas continuer à pressurer des pays qui sont en pleine dépression » avait-il affirmé dès le début du mois de février, faisant allusion à la Grèce.
- Hier, Standard and Poor’s a dégradé la Grèce. La note de sa dette a été abaissée d’un cran,  à CCC+ assortie d’une perspective négative.
- L’idée de mettre en circulation une « double monnaie » (voir explications ici) pour payer les traitements des fonctionnaires et les retraites, est de plus en plus souvent évoquée, que ce soit dans la presse grecque ou dans la presse britannique.
- Celle qu’un défaut partiel de la Grèce pourrait intervenir immédiatement après l’échec – prévisible – des négociations de Riga, fait elle aussi son chemin, tant le pays commence à être à sec. Ce défaut, d’ailleurs, n’entraînerait pas forcément une expulsion de la zone euro. Et pour cause : rien, dans les traités, ne rend cette exclusion possible. Les créanciers du pays – essentiellement des acteurs publics depuis que l’UE, en 2010, a généreusement aidé les banques françaises et allemandes à se dégager du bourbier et que le risque a été transféré vers les États-membres, le MES et la BCE – en seraient alors pour leurs frais. Et une crise politique majeure s’ouvrirait en Europe.

Bref, le calendrier est chargé. On attendant les prochaines péripéties, je mets à disposition ci-dessous la traduction d’un article de l’excellent Paul Mason, qui suit tout cela attentivement sur son blog de Channel 4.

Dans cet article, le journaliste anglais développe deux idées particulièrement intéressantes : celle d’un éventuel défaut, donc. Mais aussi celle d’une possible scission de Syriza et d’un recentrage de Tsipras, qui s’allierait alors avec To Potami et le nouveau parti fondé par Papandréou sur les ruines du PASOK. Évidemment, ce ne sont-là qu’hypothèses et supputations. Mais c’est dense et informé !

***

Ce texte est la traduction d’un article initialement paru ici

J’ai reçu un mail cette semaine, où on me prédit que la Grèce va faire face à une « rapture » (à un enlèvement, en fait. C’est un jeu de mots en anglais) avec la BCE dès le 24 Avril. En fait, mon informateur voulait dire «rupture», mais plus nous approchons de l’événement, plus je pense que le mot « rapture » décrit mieux ce qui peut désormais se produire.

Si le gouvernement de gauche radicale se retrouve effectivement dans une impasse avec ses créanciers à la fin du mois et que cela conduit à un défaut puis à une éjection éventuelle de la zone euro, alors la « rapture » telle que prévue par les fondamentalistes chrétiens – une journée apocalyptique durant laquelle la moitié du genre humain est brutalement propulsée vers les cieux – pourrait être une métaphore appropriée.

Pour une partie de Syriza, cela apparaîtrait comme une validation. Pour les autres, comme une damnation. Pour le peuple grec, dont 80 % veut rester dans l’euro à tout prix, cela pourrait ressembler à quelque chose comme la fin du monde tel qu’ils le connaissent.

Mais après trois semaines d’intenses négociations, le 24 avril commence à ressembler à une date limite. Nikos Theocharakis, responsable de la politique fiscale au ministère des Finances grec, aurait dit aux négociateurs de l’Eurogroupe que la Grèce se trouverait à court de liquidités après cette date.

Commençons par examiner les chiffres. La Grèce ne peut pas emprunter beaucoup d’argent sur les marchés, parce que sa dette de 320 M€ est considérée – à juste titre, je pense – comme insoutenable. Aucune politique d’austérité supportable par la société grecque ne suffirait à rembourser cette dette.

Donc, la Grèce essaie actuellement de survivre en dégageant un léger excédent budgétaire. Chaque année, le gouvernement tente d’être en excédent à hauteur de 1,5 % du PIB en dépensant moins qu’il ne perçoit en taxes.

Le principal problème est que ce résultat a été obtenu juste avant les élections. Or les chiffres affichés par le gouvernement conservateur précédent se sont avérés être inexacts.

Problème numéro deux : avec la fuite des capitaux générée par la fermeture de l’accès aux liquidités décidée par la BCE, l’activité économique est à l’arrêt, et le commerce extérieur s’effondre. Les recettes fiscales ont baissé en janvier-février, et bien qu’elles semblent être remontées en mars, cela tient principalement à un compromis : paiement rapide de traites sur les arriérés d’impôts et instauration d’une taxe forfaitaire par les banques. Mais semaine après semaine, l’État grec doit faire face au paiement des salaires et des pensions à partir d’un minuscule excédent de trésorerie. Il est contraint de faire main basse sur les réserves de trésorerie de divers organismes publics afin de se maintenir à flots.

Problème numéro trois : même s’il dégage un petit excédent chaque mois, l’État grec doit « faire rouler » près de 15 milliards de dette cette année, en grande partie sous la forme de bons à court terme que les banques du pays devraient en principe acheter. Mais leur capacité à le faire est plafonnée par la BCE .

Un terrain d’entente ?

Depuis le début, le temps a travaille en faveur des créanciers de la Grèce et des adversaires de Syriza.

Lorsque la BCE, en février, a fermé à la Grèce l’accès aux liquidités normales et plafonné celui aux liquidités d’urgence, il était évident que cela allait accélérer le bank run amorcé durant le dernier mois de règne du gouvernement précédent. Cela a en partie – mais en partie seulement – contraint le ministre des Finances Yanis Varoufakis à une reculade à l’occasion de l’Eurogroupe du 20 février.

Depuis lors, le principal objectif de Varoufakis est d’essayer de prouver qu’il existe une version de gauche et anti-austéritaire des « réformes structurelles » qui soit acceptable par les créanciers, et les convaincrait d’accorder les 7 Mds d’aide qu’ils bloquent actuellement. Mais même un déblocage de cette aide ne constituerait qu’une prémisse à d’autres négociations, portant  sur la manière dont pourrait être rééchelonnée une dette de 320 milliards. La dernière mouture des propositions grecques – un document de 26 pages en anglais – a été considérée comme passible d’un tel accord. Mais la question va bien au-delà de la crédibilité budgétaire d’Athènes.

La majorité pro-euro au sein de Syriza a, semble-t-il, mal calculé la force de l’opposition à laquelle elle serait confrontée au sein de la zone euro. Certes, elle a l’appui des États-Unis. Et la France et l’Italie émettent de petits gazouillis sympathiques. Mais tout cela est contrebalancé par une coalition de pays pro-austérité rangés derrière l’Allemagne, qui bloquent toute tentative de la Commission européenne de négocier un compromis. Dès lors, chaque fois qu’un accord semble se dessiner, l’Allemagne et un groupe d’alliés qui lui sont proches depuis la seconde guerre mondiale, bloquent toute avancée, que ce soit au sein de la BCE ou de l’Eurogroupe.

Impasse

La profondeur de l’attachement de Syriza à l’euro a été démontrée lorsque l’économiste-gourou du parti, Euclid Tsakalotos, s’est adressé aux députés à Westminster le mois dernier. Face aux encouragements à quitter l’euro venus de députés travaillistes de l’aile gauche, Tsakalotos est revenu sur les expériences tentées par les gauches britannique et française dans les années 1980, soldées par ce qu’il appelle « l’impasse » de solutions économiques nationales.

Ainsi, la direction de Syriza est marié à la zone euro, mais la zone euro est actuellement formatée pour écraser Syriza. Avec le ralentissement de la croissance et des recettes fiscales artificiellement soutenues par des taxes exceptionnelles, cela ne peut durer éternellement.

Les grandes entreprises, en Grèce, sont loin d’être aussi hostiles à Syriza qu’on pourrait le penser. Beaucoup d’hommes d’affaire voient ce parti aux « mains propres » comme le seul capable de s’attaquer au népotisme et à la corruption qui ont ruiné l’économie grecque pendant des décennies. Ajouté à cela, il y existe une frange de conservateurs grecs réunis autour de la dynastie Karamanlis qui serait, m’a assuré un ex-député proche d’eux, « prête à aider » Syriza.

Si vous ajoutez à cela le petit parti de centre-gauche Potami  et le nouveau parti formé par l’ancien Premier ministre George Papandreou, il y existe incontestablement une base pour un « gouvernement de centre-gauche » dirigé par Syriza, qui agirait comme un « gouvernement d’unité nationale », appliquerait un programme essentiellement dictée par Berlin, mais avec certains aménagements pour apaiser les membres et les électeurs de Syriza.

Ceci, en tout cas, constitue la nouvelle stratégie des milieux d’affaires vaguement de centre gauche – et leur souhait de la voir mettre en œuvre a été aiguisé par le fait que Syriza semble poussé vers une collaboration économique avec la Russie, l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Chine.

Encourager une scission

Mais la gauche de Syriza est forte. La Plateforme de gauche, dirigée par le ministre de l’énergie Lafazanis, est fortement anti-euro et se sent légitimée par les événements. Elle se compose essentiellement d’anciens du communisme traditionnel et constitue l’extrême-gauche à l’intérieur de Syriza. Mais elle a été rejointe lors du dernier vote interne au parti par une franche plus moderniste et par les tenants d’une gauche plus « horizontale », jusqu’à atteindre 41% des voix contre l’accord conclu par Varoufakis le 20 février.

Il existe donc une pression croissante, exercée de l’intérieur et de l’extérieur du parti, qui pousse vers une scission au sein Syriza et un départ de la Plateforme de gauche du groupe parlementaire. Tsipras serait alors contraint de s’appuyer sur de le centre-gauche et sur les conservateurs de l’aile Karamanlis au sein du Parlement grec. Toutefois, il y existe une troisième force que les éditorialistes des journaux financiers ont tendance à oublier cependant qu’ils contemplent une Grèce ballottée entre Berlin et Moscou : le peuple grec lui-même.

Jusqu’à présent, il a été très calme. Les « mouvements sociaux » – les syndicats, les groupes anti-fascistes, les banques alimentaires, les assemblées locales et autres – étaient, ainsi qu’un vieux militant me l’a expliqué, « épuisés » au moment où Syriza est arrivée au pouvoir. Ensuite, ils ont été comme fascinés par l’apparition soudaine d’une nouvelle pratique de la politique au sein du Parlement : la mise au jour de plus de 100 cas de corruption, la mise en place d’un comité chargé d’apprécier la légalité du plan de sauvetage de 2011, la disparition soudaine des gaz lacrymogènes de la panoplie de la police anti-émeutes, la libération progressive de migrants qui étaient retenus dans des camps de l’armée.

Frustration croissante

Les personnes auxquelles j’ai parlé ce mois-ci évoquent une frustration croissante des militants et sympathisants de Syriza face au le drame feutré qui se joue à Bruxelles. Pendant ce temps-là, dans les différents ministères, les dirigeants de Syriza ont encore du mal à asseoir leur autorité et même obtenir des informations précises.

Dans ces moments historiques, le choses se cristallisent parfois sur des individus. Varoufakis – orienté US, formés à l’ouest et même pas membre de Syriza – sera, comme son bras-droit me l’a dit en février, le « dernier à quitter l’euro ». Si arrive le moment où il doit passer de la conciliation à la simple survie, vous pouvez être sûrs que tous les moyens auront été épuisés. Cependant, ainsi qu’il me l’a dit juste avant les élections, il considère qu’un euro non réformé ne peut que s’effondrer dans les deux ans.

Publiquement, vis-à-vis de la zone euro, Varoufakis a adopté le ton non seulement de la conciliation, mais aussi de la reconstruction. En privé toutefois, ses conseillers – ce sont pourtant quelques-unes des personnes les plus centristes dans l’entourage de Syriza – se disent choqués par le niveau d’hostilité auquel ils se sont trouvés confrontés au sein de la zone euro.

Cette aile de Syriza, qui est essentiellement social-démocrate, était pourtant très fortement attachée à l’euro. Du coup, leur foi dans l’euro est ébranlée. Et le danger, pour la zone euro est évidemment qu’une telle évolution des mentalités puisse gagner le peuple entier si la preuve est administrée qu’on ne peut rien faire à l’intérieur de l’euro.

Poussé au bord du précipice – soit par l’échec d’un placement de dette à court terme soit par une simple pénurie recettes – Varoufakis n’aura aucun mal à justifier la mise en place d’un contrôle des capitaux, d’une fiscalité d’urgence sur les grandes entreprises, et l’inauguration d’une double monnaie.

Une économie dans la tourmente

À ce stade, il ne tient qu’à la zone euro de réagir. Mais si elle fait monter les enchères, il reste des armes puissantes dans l’arsenal de la Grèce : les 80 milliards qu’elle doit la zone euro via le système Target 2 qui, comme le souligne Ambrose Evans-Pritchard, ne sont pas protégés. Ensuite, les sommes qu’elle doit la BCE.

La Grèce tenterait, au début, de faire défaut sur sa dette sans avoir à quitter la zone euro. Mais le défaut plongerait l’Europe dans le chaos, politiquement et économiquement. La zone euro, déjà semi-stagnante, ferait face à une période de 12 à 18 mois  d’arrêt complet de son économie jusqu’à ce que son système bancaire ait absorbé le défaut grec.

Ainsi, au cours des deux prochaines semaines il y a un risque accru de « Grexident » – de défaut partiel causé non par calcul de la part de Syriza, mais par une mauvaise estimation, par la BCE du débit du filet d’oxygène financière indispensable aux banques grecques pour survivre, ou par une semaine de recettes trop faibles.

Les Grecs, ce week-end, ont afflué vers leurs églises pour célébrer la Pâques orthodoxe. Alexis Tsipras, dont la côte de popularité est toujours de 71 %, a saisi l’occasion pour parler de renaissance et de renouveau. Certains, en réponse à l’exclamation traditionnelle « le Christ est ressuscité », ont alors plaisanté : « Envoyez-le à Bruxelles pour négocier ! ».

Après la pause pour les fêtes de Pâques, pourtant, les négociations s’approchent d’un moment critique. Si la Grèce est contrainte à un défaut accidentel, le dommage causé au projet de l’euro et à l’image de l’UE sera profond. Surprise à contribuer à la faillite des banques qu’elle est censée superviser, suspecte de travailler à briser une union monétaire supposée être sa raison d’être, la BCE verrait sa réputation ternie pour une décennie.

Source : Coralie Delaume, pour son blog l’Arène Nue, le 16 avril 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/la-grece-va-t-elle-faire-defaut-le-24-avril/


All apologies

Thursday 23 April 2015 at 04:02

le 18 janvier 2015

Depuis les meurtres commis dans les locaux de Charlie Hebdo et ceux qui les ont suivis de près, un large mouvement d’opinion est né, interprétant notamment ces actes comme une attaque à la liberté d’expression largement utilisée par l’hebdomadaire satirique, qui constitue l’un des fondements d’une démocratie telle que la nôtre.

Pourtant, presque paradoxalement, depuis la commission de ces crimes, de nombreuses personnes ont été poursuivies, condamnées, voire incarcérées pour avoir usé de cette liberté d’expression dans des conditions permettant de retenir à leur égard l’infraction d’apologie ou menace d’actes de terrorisme. Le nombre de 70 à 100 procédures engagées depuis lors est avancé.

Cette situation est-elle juridiquement fondée ? Souvent. Les suites données et peines prononcées apparaissent-elles excessivement sévères ? Souvent aussi, à mes yeux.

La liberté d’expression est inscrite à l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi »).

De même, l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme précise que « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques (…). L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

Il a donc toujours été admis, depuis la Révolution, que certaines restrictions puissent être apportées à la liberté d’expression, afin d’éviter divers abus. C’est ainsi qu’à compter du XIXe siècle, le législateur est intervenu pour réglementer l’usage de cette liberté, protégeant ainsi l’honneur des individus, leur vie privée ou l’ordre public et créant les infractions de diffamation, d’injure, d’atteinte à la vie privée, de provocation au suicide, de provocation publique et directe à la commission d’un génocide ou de provocation directe incitant un mineur à faire usage de stupéfiants. L’objectif était de préserver l’ordre public qui comprend notamment la sécurité des personnes et des biens.

C’est le cas également des infractions d’apologie de certaines infractions (crimes d’atteintes à la vie, à l’intégrité, d’agressions sexuelles, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi) prévues par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse et de l’infraction d’apologie d’actes de terrorisme, définie par l’article 421-2-5 du code pénal, sanctionné par une peine de cinq années d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende (ces peines étant portées à sept années d’emprisonnement et de 100.000 € d’amende lorsqu’est utilisé “un service de communication au public en ligne”).

Cette dernière infraction se distingue toutefois des autres puisqu’elle est incorporée dans le code pénal (et non au sein de la loi sur la presse) et peut à ce titre poursuivie selon la procédure de comparution immédiate, permettant un jugement du prévenu dès l’issue de la garde à vue.

L’apologie se définit comme “l’éloge ou justification de quelqu’un ou quelque chose, présentés dans un discours”. Elle se trouve constituée, selon la Cour de cassation, lorsque “les propos incriminés constituent une justification desdits crimes”. L’infraction peut également prendre la forme de la mise en valeur de la mémoire d’une personne à raison de l’activité de celui-ci – la Cour s’est notamment prononcée sur le cas de la publication d’un ouvrage qui décrivait de manière positive Philippe Henriot, éditorialiste au cours de la seconde guerre mondiale, pour ses actions de combat contre la Résistance.

Dans ces conditions, l’apologie d’un acte de terrorisme sera constituée dès lors qu’une personne fera l’éloge ou justifiera un acte terroriste, ou saluera la mémoire d’un terroriste.

Cette prévention a été utilisée à de nombreuses reprises, ces jours derniers, devant diverses juridictions françaises pour poursuivre plusieurs dizaines de personnes ayant tenu des propos se rapportant à l’attentat de Charlie Hebdo, notamment dans le cadre de procédures de comparution immédiates.

Ainsi à Toulouse, un jeune homme qui s’est adressé aux contrôleurs d’un tramway en criant : « Les frères Kouachi, c’est que le début, j’aurais dû être avec eux pour tuer plus de monde » a été condamné à une peine de dix mois d’emprisonnement, à laquelle s’ajoute la révocation d’un sursis antérieur d’une durée de deux mois.

A Paris, un homme algérien a été condamné à une peine de 15 mois d’emprisonnement pour avoir notamment tenu les propos suivants à des policiers : « Fuck la police, fuck la France, police de pute (…) Les frères Kouachi et Coulibaly ont eu raison. Ce sont des gentils. Je suis un terroriste. Allahou Akbar. Je vais mettre une bombe sur les Champs Elysées ». Il avait en outre proféré des menaces de mort et propos antisémites à l’encontre d’un médecin de l’Hôtel-Dieu.

A Bourgoin-Jallieu, un homme de 28 ans visiblement atteint d’une déficience mentale légère a été condamné par le tribunal correctionnel à une peine de six mois d’emprisonnement.

La sévérité des sanctions prononcées interroge, s’agissant d’infractions commises le plus souvent par des personnes alcoolisées, sans publicité particulière. Par comparaison, les infractions d’apologie de crimes ou délits, voire d’actes de terrorisme commises par voie de presse ont le plus souvent été sanctionnées de peines d’amende. Certains crient à la justice d’exception, compte tenu de la disproportion des peines appliquées avec celles habituellement prononcées en droit de la presse.

On peut aussi se poser purement et simplement la question de la caractérisation de l’infraction d’apologie du terrorisme poursuivie à l’encontre d’une mineure nantaise de 14 ans qui, lors d’un contrôle dans un tramway, a déclaré aux agents “on est les soeurs Kouachi, on va sortir les kalachnikovs !”. Difficile en effet de reconnaître a priori dans ces termes l’éloge de la mémoire des deux tueurs ou de leurs actes, comme la justification de ces derniers. Le discours provocateur et menaçant de l’adolescente pourrait mieux correspondre au délit d’outrage à personne chargée d’une mission de service public prévu par l’article 433-5 du code pénal.

Il convient toutefois de relever que certaines juridictions se sont appliquées à appliquer strictement les textes légaux aux faits poursuivis devant elles : le tribunal correctionnel d’Ajaccio a ainsi relaxé deux individus qui avaient lancé « Allahou Akbar » à l’approche de policier, considérant avec raison que ce terme ne constituait pas l’apologie de quelque acte terroriste que ce soit.

La question de la définition de l’apologie se posera très certainement dans le cadre des poursuites engagées à l’encontre de Dieudonné, qui a été placé en garde à vue pour avoir publié sur son compte Facebook, peu après l’épilogue de la course aux meurtriers, qu’il se sentait “Charlie Coulibaly”, d’autant plus que le tribunal correctionnel de Montpellier a relaxé vendredi un jeune homme qui avait inscrit une formule identique sur un registre de condoléances tenu au commissariat. Le tribunal a considéré que le délit « d’’apologie directe et publique d’un acte de terrorisme n’était pas constitué », selon les propos de son avocat.

Pour stupides, provocateurs et volontairement choquants que soient les termes utilisés par Dieudonné, ils ne me paraissent pas relever d’une définition stricto sensu de l’apologie.

Alors certes, par sa circulaire du 12 janvier 2015, Mme Taubira, Garde des Sceaux, a enjoint aux Procureurs de la République placés sous son autorité de faire preuve d’une “grande réactivité dans la conduite de l’action publique”, en adressant une “réponse pénale systématique, adaptée et individualisée” aux faits commis en la matière, d’en poursuivre les auteurs « sous la qualification pénale la plus haute, en retenant systématiquement la circonstance aggravante (le caractère raciste ou antisémite) lorsqu’elle est établie ». Mais en cette période difficile où tout est prétexte à emballement médiatique, la justice doit garder la tête froide et se souvenir que la loi pénale est d’interprétation stricte, et que les poursuites doivent être exercées à l’encontre des délinquants sous la qualification correspondant le plus précisément aux faits. Bien davantage que de jolies statistiques, c’est la justice que nous devons rendre, chers collègues.

Source : http://blog.francetvinfo.fr/judge-marie

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Vers une dictature antiterroriste ? par Maître Damien Viguier

Le vendredi 9 janvier 2015, à 18h47, près d’une heure trente après que les frères Kouachi, soupçonnés de l’attentat du mercredi précédent à Charlie Hebdo, sont tombés dans une scène digne de Butch Cassidy et le Kid, Othman Dahouk, 16 ans, fait figurer sur son compte Facebook l’image « Je suis Kouachi ».

Mauvaise idée. Le mardi 13, il est entendu par un officier de police judiciaire. À ce dernier, qui l’invite à parler et qui lui dit qu’il est dans un pays libre où il peut s’exprimer, il répond :

« Je mets un truc sur Facebook, et je suis en garde à vue. Vous trouvez que je suis libre ? »

Le lendemain il est conduit, menotté et sous escorte, devant un juge des enfants, dans la perspective de sa mise en examen du chef d’apologie de terrorisme [1].

Il garde le silence. Son avocat prend la parole. Il en appelle à la raison, il rappelle au magistrat que dans le contexte de démence collective qui saisit une bonne partie de la population en France, démence dont sont saisies les plus hautes autorités de l’État, il est de son devoir, à lui, magistrat, dernier rempart des libertés, de rester serein et de prononcer ce qui naturellement s’impose devant pareil cas : une ordonnance de non-lieu.

Comment peut-on, dans le contexte malsain d’une idéologie hostile à l’islam, alors que gouvernement et médias nourrissent une psychose collective, « inculper » (comme jadis l’on disait) un gamin de 16 ans pour une pancarte « Je suis Kouachi » ? Alors que dans le même temps on prétend défendre la liberté d’expression, et en particulier le droit de moquer, de railler et de tourner en ridicule ? N’encourage-t-on pas, au contraire, à dire « Je suis Kouachi » ? N’a-t-on pas le droit de tourner en ridicule ce mouvement de foule et son slogan « Je suis Charlie » ?

Il semblerait que non.

Othman Dahouk, 16 ans, a été mis en examen pour apologie de terrorisme. Il encourt cinq ans d’emprisonnement pour une pancarte sur son Facebook (sept ans, même, si l’on tient compte de la circonstance aggravante). Et le magistrat l’a astreint à se soumettre, lui, à une obligation de soins psychologiques !

Sur quoi il convient de faire d’abord remarquer que si la loi doit être claire et précise de manière à ce que l’on puisse prévoir si ce que l’on s’apprête à faire est ou non punissable, cette loi qui incrimine « l’apologie de terrorisme » ne l’est guère, tout simplement parce qu’un élément de cette formule ne l’est pas.

« Apologie »

Le mot apologie, selon le dictionnaire Bloch et Warturg, est emprunté au latin ecclésiastique apologia et provient du grec apologia, qui signifie « défense », dérivé du mot apologos, qui au sens propre signifie « récit », « narration ». Il est vrai que toute défense, en droit pénal, commence par raconter ce qui s’est passé. Le Robert parle de « discours écrit visant à défendre, à justifier », c’est un plaidoyer.

Même si on pressent qu’il y a quelque abus à voir dans trois mots l’expression d’un plaidoyer (la plaidoirie la plus brève qu’il m’ait été donné de tenir jusqu’à présent en comportait quatre), le sens du terme est suffisamment précis pour répondre au principe de légalité.

« Terrorisme »

Il en va autrement avec le mot « terrorisme ». Notons d’abord que la même réalité peut recevoir des termes synonymes : partisan, résistant, guérillero, franc-tireur, rebelle, insurgé, membre d’un corps franc, milicien ou… terroriste. Tout dépend de l’endroit et du moment d’où l’on perçoit le phénomène. Le « terrorisme » n’est pas une infraction en soi, mais englobe de nombreuses choses qui peuvent être des infractions, lorsqu’elles ne sont pas légitimées par le pouvoir en place, ou même n’en être pas (comme de simplement parler, écrire, dessiner faire un geste, etc.).

Par exemple, on va prochainement (mai 2015) faire entrer au Panthéon, pour les donner en exemple à la Nation, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay, quatre « résistants » qui par leurs actes et mêmes leurs pensées étaient perçus comme des terroristes par les autorités et par la population de 1942 à 1944.

Et le Président Sarkozy n’avait-il pas ordonné que l’on lise à la jeunesse des écoles la lettre « d’adieu à ma petite maman », de Guy Môquet ? Et dans un autre registre, n’a-t-on pas fait de Che Guevarra une icône marketing ?

Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, n’a-t-il pas dit que le Front Al-Nosra faisait « du bon boulot » ? Il s’agit pourtant d’une organisation terroriste, qui opère en Syrie et qui s’y livre à des horreurs autrement plus graves que ce qui est arrivé à Paris le 7 janvier 2015. Le tribunal administratif de Paris a même reconnu que de tels propos relevaient de la politique internationale de la France.

Le phénomène est donc extrêmement difficile à appréhender. Combattant glorieux pour les uns, criminel odieux pour les autres, le terroriste n’est vraisemblablement ni l’un ni l’autre. Seulement il se trouve que le cadre juridique ne comprend que deux catégories, et qu’il faut bien l’y faire rentrer.

Sans faire de la sociologie juridique d’avant-garde à l’américaine, il est évident que la décision du juge va dépendre du pouvoir en place. Selon que vous êtes appréhendé sous un régime libéral et libertaire du genre de n’importe quel État occidental, ou que vous êtes arrêté pour les mêmes faits sous un califat dans le style État islamique, votre sort ne sera pas le même. Pour les uns vous êtes un criminel impardonnable ou un fou, tandis que pour les autres vous êtes le saint et le héros qui a exécuté la fatwa.

Tout dépend aussi de l’endroit où vous opérez. Sur sol syrien ou irakien vous pouvez décapiter, violer, torturer à loisir (à condition toutefois de ne pas toucher aux journalistes occidentaux). En France en revanche, c’est « tolérance zéro » : le voile pour les femmes, la barbe pour les hommes, suffisent à vous rendre suspects.

Et même sous un régime libéral et libertaire, tout va dépendre, à quelques jours, parfois à quelques heures près, des degrés de pression politique, de propagande et de mobilisation de l’opinion publique. En période de calme relatif il ne vous arrivera rien. Mais gare si vous n’avez pas senti le vent tourner, même si le vent tourne après, bien après que vous ayez dit ce que vous avez dit.

Par conséquent, il est extrêmement dangereux de faire figurer dans la loi pénale ce terme obscur et vague de « terrorisme ». C’est laisser à l’arbitraire du magistrat le choix de condamner ou de relaxer, sans que l’on puisse prévoir à l’avance sa réaction. Cela crée une atmosphère extrêmement malsaine. L’emploi du mot, en réalité, est le signal de la guerre civile. Il n’a pas à figurer dans la loi.

Source : Medialibre

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Source: http://www.les-crises.fr/all-apologies/


Quand Amnesty International et la LDH dénoncent la France…

Thursday 23 April 2015 at 01:48

Et là, on en entend quand même moins parler que quand ils dénoncent des choses en Russie ou Ukraine, non ?

Amnesty – France : la liberté d’expression à l’épreuve [15/01/2015]

© Jeff J Mitchell/Getty Images

Au moins 69 personnes ont été arrêtées et poursuivies depuis le 9 janvier 2015 pour « apologie du terrorisme », infraction dont la définition reste vague. Le risque est grand que ces arrestations violent la liberté d’expression.

Des dizaines de personnes ont été arrêtées et poursuivies pour « apologie du terrorisme ». Le risque est grand que ces arrestations violent la liberté d’expression.

Toutes ces arrestations ont été effectuées, visiblement, sur la base de propos tenus à la suite des attentats meurtriers commis à Paris contre le magazine Charlie Hebdo, un supermarché casher et des agents de la force publique, le mercredi 7 et le vendredi 9 janvier.

Au cours de la semaine qui vient de s’écouler, les dirigeants mondiaux ainsi que des millions de femmes et d’hommes du monde entier ont défendu la liberté d’expression d’une voix haute et forte.

« La façon dont les autorités françaises réagissent à la suite de ces assassinats constitue un test décisif de leur volonté de faire respecter les mêmes droits pour tous. »

AU NOM DE LA LOI CONTRE LE TERRORISME

Les arrestations et les procédures judiciaires sont les premières à se dérouler en vertu de la loi de novembre 2014 contre le terrorisme. Elles s’appuient sur un article du Code pénal en vertu duquel la « provocation » ou « l’apologie » d’actes terroristes sont désormais passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et d’une amende de 45 000 euros, la peine étant de sept ans maximum et l’amende s’élevant à 100 000 euros si l’infraction est commise sur « un service de communication au public en ligne ».

La « provocation » ou « l’apologie » d’un acte terroriste étaient déjà des infractions en France mais, depuis la loi de novembre 2014, ces faits ne sont plus réprimés par la loi sur la liberté de la presse, mais par le Code pénal. Cela permet aux autorités d’accélérer la procédure, ce qui s’est produit pour plusieurs des affaires récentes.

L’Etat est le premier garant du respect des droits et des libertés. Interpellez François Hollande.

Outre le cas très médiatique du comédien Dieudonné M’bala M’bala, on peut citer le cas d’un homme qui hurle en pleine rue « Je suis fier d’être musulman, je n’aime pas Charlie, ils ont eu raison de faire ça », ou bien celui d’un homme arrêté pour conduite en état d’ivresse qui aurait crié aux policiers « Il devrait y en avoir plus, des Kouachi. J’espère que vous serez les prochains ».

Un homme de 21 ans, interpellé dans un tramway pour défaut de titre de transport, aurait lancé aux contrôleurs « Les frères Kouachi, c’est que le début, j’aurais dû être avec eux pour tuer plus de monde ». Il a été condamné à 10 mois d’emprisonnement.

Nombre de poursuites ont déjà entraîné des condamnations, en vertu d’une procédure accélérée.

Les arrestations, les comparutions et les peines font suite à une circulaire émise le lundi 12 janvier par Christiane Taubira, la ministre de la Justice, et faisant savoir aux procureurs que « les propos ou agissements répréhensibles, haineux ou méprisants, proférés ou commis en raison de l’appartenance à une religion doivent être combattus et poursuivis avec la plus grande vigueur. »

LA LIBERTÉ D’EXPRESSION NE DOIT PAS ÊTRE RÉSERVÉE A CERTAINS

Les États sont tenus, en vertu du droit international relatif aux droits humains, d’interdire tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Mais les infractions définies de manière vague, comme « l’apologie du terrorisme », risquent de criminaliser des propos ou diverses formes d’expression qui, tout en étant indéniablement choquants pour de nombreuses personnes, ne vont pas jusqu’à constituer une incitation à la violence ou à la discrimination.

Les traités internationaux sur la prévention du terrorisme prévoient la criminalisation de l’incitation à commettre un acte terroriste. Cependant, une notion comme « l’apologie du terrorisme » risque d’être utilisée pour criminaliser des propos tenus sans l’élément intentionnel nécessaire à la définition d’une infraction et sans qu’ils soient directement susceptibles de provoquer des violences de ce type.

Certains des cas récemment signalés en France ont peut-être dépassé le seuil au-delà duquel il devient légitime d’engager des poursuites, en dépit de la liberté d’expression. Mais d’autres cas ne remplissent pas ces conditions, même si les paroles prononcées sont révoltantes.

« La liberté d’expression ne doit pas être réservée à certains. L’heure n’est pas à l’ouverture de procédures inspirées par des réactions à chaud, mais bien plutôt à la mise en place de mesures réfléchies qui protègent des vies et respectent les droits de tous »

Source : John Dalhuisen, Directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International, pour Amnesty International France


Amnesty – Protégeons nos libertés [16/01/2015]

Protégeons nos libertés

Après les attaques sanglantes de la semaine dernière, Amnesty  International vous invite à adresser un appel au Président de la République. 

Après les condamnations des attaques sanglantes de la semaine dernière, des millions de personnes ont témoigné leur indignation et leur solidarité, signe d’un très fort attachement aux libertés fondamentales.

Et pourtant, dans les jours qui ont suivi ces attaques, des dizaines d’actes violents et discriminatoires visant des personnes et des lieux de culte ont été signalés.

Amnesty International s’inquiète aujourd’hui de la recrudescence, dans le débat public, de propos remettant en cause les droits humains : propos haineux et stigmatisation de populations en raison de leurs origines ou religions, injonctions de réduire certaines libertés, appels à une surveillance de masse des communications…

L’Etat est le premier garant du respect des droits et des libertés. Interpellez François Hollande.

Les autorités doivent veiller au respect et à la protection des droits de toutes les personnes, quelles que soient leurs origines, leurs nationalités ou leurs religions.

Dans toute mesure de sécurité et de lutte contre le terrorisme qu’elles seraient amenées à prendre, elles doivent respecter les droits fondamentaux et les conventions internationales liant la France.

Toute restriction à la liberté d’expression doit être légitime, proportionnée et nécessaire au but visé.

Lire notre communiqué en anglais

Source : Amnesty International France (Communiqué)


LDH – Déjà 50 poursuites engagées au pénal pour apologie du terrorisme [14/01/2015]

La loi antiterroriste, adoptée le 4 novembre 2014, a supprimé de la loi sur la presse l’apologie du terrorisme pour la transférer dans le Code pénal. Lors du débat parlementaire, la Ligue des droits de l’Homme avait démontré qu’il s’agissait d’une décision inefficace pour la sécurité, dangereuse pour les libertés et, pour tout dire, néfaste pour la crédibilité de la justice.

Les récentes poursuites en rafale sur la base de cette nouvelle disposition, au motif d’une apologie du terrorisme, donnent lieu à des condamnations parfois importantes, et sont prononcées dans les conditions détestables qui sont celles des comparutions immédiates, alors que le plus souvent il s’agit d’actes d’ivrognes ou d’imbéciles sans même aucune publicité. Ces peines pour des faits grotesques montrent à l’évidence combien la LDH avait raison de mettre en garde contre la possibilité de dérives qui auraient des conséquences redoutables pour des personnes. Ainsi les auteurs de tels faits seront-ils passibles d’une inscription dans le futur fichier antiterroriste ?

Pour que l’incrimination d’apologie du terrorisme garde son sens et son efficacité, la LDH appelle à retrouver la raison et à réintégrer le délit en question dans la loi sur la presse pour redonner son intégrité à ses dispositions protectrices des libertés.

Source : Communiqué LDH (Ligue des Droits de l’Homme)

Source: http://www.les-crises.fr/quand-amnesty-international-et-la-ldh-denoncent-la-france/