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Défier l’orgueil du Président Poutine et tester sa paranoïa est une folie, par Simon Jenkins

Wednesday 6 August 2014 at 01:38

Sir Simon Jenkins est un journaliste anglais du Guardian, fait chevalier en 2004 pour “services rendus au journalisme”… Ce n’est donc pas un critique fanatique du système, ni un admirateur de Poutine… Cela rend son papier du 25 juillet particulièrement intéressant…

Le crash du vol MH17 était clairement un accident. Cette tragédie ne devrait pas être utilisée comme un prétexte pour punir la Russie.

Pourquoi la politique internationale régresse t-elle à un tel niveau de stupidité ? Dès que nous avons appris que l’avion de Malaysian Airlines avait été abattu au-dessus de l’Ukraine, nous savions qu’il s’agissait d’un accident. Quel que soit le commanditaire, il ne pouvait souhaiter une telle tragédie. Ce n’était pas un nouveau 11 septembre. C’était un gros raté, pas un complot.

Pourtant, la politique internationale adore les complots. Vladimir Poutine a rejeté la responsabilité sur le gouvernement ukrainien. L’Ukraine a accusé les rebelles pro-russes. L’ambassadeur américain des Nations Unies, Samantha Power “ne peut exclure” la responsabilité de Moscou. Londres a hurlé à l’assassin. Du sang a été versé. Il fallait qu’il y ait des accusations.

Ce qui s’est passé fut un accident effroyable dans un pays barbare, qui rend nécessaire la restauration de la dignité des victimes au plus vite. Pourtant, avant même que l’on ait rassemblé les corps, les politiciens se sont arrangés pour obtenir un durcissement des sanctions, la fin d’accords commerciaux, l’expulsion des oligarques et le gel de comptes bancaires. Rapidement ils en sont venus à se battre comme dans un panier de crabes. Barack Obama s’est comporté comme un froussard, François Hollande comme un conciliateur. David Cameron tint le rôle de l’hypocrite. Le philosophe Bernard-Henri Lévy lança ses foudres sur tout le monde “Ceci est l’esprit de Munich – la conciliation. Et c’est une honte.”

Ces moments sont dangereux. En 1914, le gouvernement autrichien déclara le meurtre insensé de l’archiduc Franz Ferdinand comme étant un “complot du gouvernement serbe” et partit en guerre. En 1983, les Russes abattirent un avion civil coréen qui s’était égaré au-dessus de la Siberie, tuant les 269 passagers à bord. C’était clairement un accident – le contrôle au sol des pilotes de chasse étant ivres et en état de panique. L’information fut passée sous silence et l’incident exploité pour susciter une des confrontations les plus effrayantes de la guerre froide.

Cinq ans plus tard ce fut au tour des États-Unis, lorsque le croiseur américain abattit un Airbus civil A300 iranien dans l’espace aérien iranien. La marine s’excusa maladroitement, tandis que l’Iran s’en saisit comme d’un crime d’agression injustifiée, aidée en cela par une Amérique qui récompensa ses marins par des médailles. Washington refusa d’admettre toute responsabilité légale, et mit huit ans à régler les 62 millions de dollars de dédommagement aux familles touchées.

Ce qui est terrifiant c’est de voir comment de tels incidents sont déformés dans la perspective d’une vengeance. Poutine s’est clairement montré imprudent sur la frontière ouest de la Russie en fournissant assez d’armements aux rebelles ukrainiens pour augmenter la probabilité d’accidents. Mais l’idée qu’il ait souhaité cette tragédie est aussi absurde que l’idée que Konstantin Tchernenko ait souhaité le massacre en Corée ou Ronald Reagan la descente d’un avion iranien.

Poutine a probablement été aussi horrifié que nous tous par le sort de l’appareil. Cela a perturbé les délicats jeux de pouvoir de la région et l’a contraint à une position défensive. Les renseignements provenant de Moscou suggèrent qu’il est blessé et en colère, s’en remettant au cercle de ses conseillers les plus offensifs et à leur rhétorique nationaliste. C’est le moment où Confucius nous exhorte à offrir à l’ennemi une voie de retraite. Au lieu de cela, les va-t-en-guerre de l’ouest prennent un malin plaisir à railler la paranoïa de Poutine comme pour le pousser à commettre quelque chose de pire encore.

Alors que je visitais la Russie dans les années 90 après sa défaite humiliante de la guerre froide, je trouvai ce territoire triste et dangereux, pas si différent de l’Allemagne en 1918. C’était alors comme si aucun diplomate occidental n’avait lu le Traité de Versailles, ou noté les avertissements de Keynes sur les conséquences de ce dernier. Beaucoup avait été fait afin de construire des liens entre l’ouest et l’est. L’énergie, les investissements et les contacts avaient été l’objet d’échanges dans les deux sens. Les entreprises occidentales avaient fricoté avec les oligarques et les kleptocrates. L’argent volé de la main du peuple russe s’était déversé dans les banques sans vergognes de Chypre et de Londres, ainsi que sur les marchés de l’immobilier suisse et britannique. Londres doit être classé parmi le plus gros receleur de tous les temps.

Jusqu’ici tout allait bien. Mais en même temps, l’OTAN et l’UE s’étendaient en Europe de l’Est vers la frontière russe, comme s’ils pointaient leurs canons aux portes de Moscou pour provoquer la Russie désormais vaincue. Les défenseurs de l’OTAN défendaient l’idée que tout pays, y compris la Lettonie, la Géorgie ou l’Ukraine, devait être libre de rejoindre le club de son choix (tout en refusant aux Criméens ce droit quand ils choisirent le camp opposé). Pourtant, il faut être idiot pour négliger la fierté russe et sa crainte de l’encerclement. Provoquer Poutine façon “post-guerre froide” était bon pour l’image des Occidentaux, mais c’était une politique exécrable.

On nous dit que l’Est de l’Ukraine ne représente que l’un des conflits que Poutine pourrait déclencher le long de la frontière russe, de la mer Baltique au Caucase. Partout, on trouve des minorités russes (voire des majorités) susceptibles de s’opposer aux autochtones non russes. Les responsables européens n’ont pas d’intérêt tangible à attiser de tels conflits – et pourtant c’est précisément ce qu’ils ont cherché à faire en Géorgie et en Ukraine.

Que la Grande-Bretagne — ou l’Amérique — essaie de dicter sa loi tout le long des frontières russes est complètement fou ; se servir d’un tragique accident aérien comme d’un casus belli l’est tout autant. Ce n’est pas autre chose qu’une agressivité primitive, un machisme de pauvre. Cela nous propulse, une fois encore, vers la solution confuse des sanctions économiques. Il est au-delà de toute hypocrisie de la part de l’Occident d’exiger des sanctions contre Moscou alors qu’il lui ne lui pose aucun problème d’acheter à la Russie du gaz et de lui vendre des armes, des navires, des appartements à Knightsbridge ou des places à Eton. Ce deux poids deux mesures est de notre fait. D’après la commission parlementaire sur les ventes d’armes, la Grande-Bretagne vend actuellement des armes pour une valeur de 12 à 27 milliards de Livres à des pays répertoriés par le Ministère des Affaires Etrangères comme « préoccupants au point de vue des droits de l’homme ». On ne renforcera pas la paix mondiale en augmentant les prix de l’énergie européenne, en rendant plus rares les prêts pour les entreprises russes ou Harrods moins accessible aux « copains de Poutine ». Poutine s’en moque éperdument.

Les sanctions économiques sont à la politique moderne ce que les régiments de cavalerie étaient à la guerre de tranchées : splendides mais inutiles. Leur continuel déploiement va à l’encontre des nombreuses études qui établissant qu’elles sont superficielles, cruelles voire contre-productives. Cependant combien de fois Cameron est-il sorti de son bunker Cobra pour menacer de « sanctions économiques plus sévères » quelque État voyou, sans que cela ait le moindre effet ? La rhétorique est toujours la même, il faut « envoyer un message », montrer sa détermination, faire payer un prix, ne pas laisser « le mal être impuni ». Comme si la Grande-Bretagne était une sorte de surveillant général désuet.

L’émergence à Moscou dans les années 90 d’un nationaliste, dur, philistin comme Poutine était presque une fatalité. Poutine est loin d’être un ange mais il dirige ce qui demeure une nation puissante. Il faut être fou pour envisager de blesser sa fierté ou de jouer avec sa paranoïa. Le seul pays qui sache cela et soit capable de garder la tête sur les épaules est dirigé par Angela Merkel. Dieu merci, l’Allemagne existe.

Simon Jenkins, The Guardian, 25 juillet 2014 – Traduction collective pour www.les-crises.fr 

Source: http://www.les-crises.fr/defier-l-orgueil-poutine/


La précipitation inconsidérée de l’Occident vers le déclenchement d’une guerre contre la Russie, par Chris Martenson

Tuesday 5 August 2014 at 02:06

Pour des raisons encore dénuées d’explications rationnelles, les États-Unis et l’Europe se sont lancés dans un plan concerté visant à diaboliser Vladimir Poutine, ostraciser la Russie et à rendre l’éclatement d’un conflit majeur dans le monde plus probable que jamais depuis la Guerre Froide, une époque que beaucoup d’élus de la génération actuelle ont tendance à oublier.
Dans les heures qui ont suivi la catastrophe du vol MH17, les États-Unis ont dirigé leurs accusations contre la Russie et particulièrement contre Vladimir Poutine. La propagande anti-Poutine (et s’il existait un terme plus fort, je l’utiliserais) a été impitoyable, presque comique dans ses excès (voir image ci-dessus et les images ci-dessous).
Le monde a beau avoir détourné son regard vers l’Israël et Gaza, cette semaine les bruits de bottes dans l’est de l’Ukraine se sont mués en événements plus incontrôlables de jour en jour. [...]
Pendant ce temps, l’ours russe, feignant l’innocence malgré le sang qui coule sur ses pattes, a commencé discrètement à redéployer ses forces à la frontière.
Il se pourrait que nous venions juste d’être les témoins du genre d’événement choquant qui survient lorsque des armes lourdes sont mises entre les mains de milices sans formation et désespérées.
Être en mesure de résoudre le pourquoi du comment d’un drame majeur, en l’absence de toute preuve ou enquête, constitue certainement un tour de force journalistique. Certains se demanderont sur quelles sources s’appuyait l’auteur pour développer l’argumentaire acerbe que les États-Unis et l’Europe reprennent maintenant dans le but d’exercer une pression grandissante sur la Russie.
Presque deux semaines plus tard, ni les États-Unis ni l’Europe n’ont fourni de preuve substantielle pour étayer leurs accusations contre les séparatistes ukrainiens et/ou la Russie dans l’origine de la catastrophe du MH-17. Il n’y a absolument rien.
Pendant ce temps, d’importantes questions entourant la destruction de l’avion ont été totalement ignorées par les officiels américains et les médias occidentaux.  Pourquoi ? Peut-être parce qu’elles soulèvent la possibilité qu’il pourrait y avoir une explication différente :
Jusqu’à présent, l’ensemble du dossier fourni par le Département d’Etat américain et l’administration Obama se réduit à quelques vidéos très douteuses provenant des réseaux sociaux rassemblées juste après l’incident, et à de vieilles photos satellitaires en basse résolution prises par une société privée (DigitalGlobe), accompagnées d’une pléthore de ”trust us” (faites-nous confiance).
Néanmoins, malgré le manque de preuves solides, vérifiées et convaincantes, cette version est désormais reprise telle quelle dans les medias, et presque tout le monde aux USA, au Royaume-Uni et dans la plupart des pays européens vous dira que Poutine ou la Russie est responsable.
De la même façon, en 2007, des années après que les faits ont été vérifiés et connus, à la question : ”Pensez-vous que le régime de Saddam Hussein en Irak ait été directement impliqué dans l’élaboration, le financement ou la réalisation des attaques terroristes du 11 septembre 2001 ?“, 41 % des Américains répondaient ‘oui’, alors que la réponse correcte était (et reste) ‘Absolument pas’.
C’est un fait de la vie moderne que la plupart des gens n’accordent pas suffisamment d’importance aux événements mondiaux. En raison de ce manque d’intérêt, même les mensonges les plus évidents peuvent être rapidement ancrés dans l’opinion publique comme vérité, s’ils sont relayés par les principaux médias.
Aujourd’hui, en juillet 2014, il y a une volonté de provoquer une guerre similaire à celles qui ont été conduites en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003. D’importantes questions ne sont pas soulevées par les médias, notre une-fois-de-plus-défaillant quatrième pouvoir, et des arguments politiques sans fondement ni vérification sont simplement repris comme des faits.
Mais, cette fois, la ferveur guerrière est dirigée contre une puissance nucléaire, non vers un pays délabré du Moyen-Orient. Et l’enjeu pourrait difficilement être plus élevé. Pour l’Europe, même si les choses ne vont pas plus loin, les dégâts économiques (nous n’en connaissons pas encore l’ampleur ou jusqu’à quel point ceux-ci pourraient empirer) ont déjà été portés à sa fragile reprise. Les peuples Européens devraient vraiment s’interroger sur ce qu’ils espèrent obtenir en mettant Poutine dos au mur.
Après tout, il se peut que cela ne soit pas même possible. Il jouit d‘un taux d’opinion favorable de 83 % en Russie, un niveau qui va au-delà des rêves les plus fous de la plupart des politiciens Occidentaux; de plus son pays fournit une grande partie du gaz naturel de l’Europe et une fraction considérable du pétrole mondial. La perte, même temporaire, d’une partie de ces ressources serait un coup douloureux pour l’Europe, pendant qu’un déficit soutenu d’exportation pétrolière handicaperait le monde entier.
Parmi les milliers de colonnes de journaux diabolisant Poutine que j’ai lues sur le déroulement des événements en Ukraine et le MH-17, je n’ai pas réussi à trouver une seule réponse convaincante à cette question: Quel intérêt vital américain est en jeu si la Russie garde la Crimée et aide à défendre les russophones le long de sa frontière ? À ma connaissance, personne au département d’Etat [américain] ou à la Maison Blanche n’a émis là-dessus le moindre mot.
À ce stade, la seule chose que nous savons est : l’Occident pense que la Russie est méchante, et que Poutine est pire. Mais, étant donné les enjeux, nous méritons tous d’en savoir plus. Beaucoup plus. Nous méritons d’avoir des réponses claires et complètes.
Il y a beaucoup de non-dits dans cette histoire, par exemple des promesses non tenues, d’alléchantes ressources naturelles, des enjeux de pouvoir, et un dangereux amateurisme diplomatique de la part de l’administration américaine.

Diplomatie et qualités d’Hommes d’État

Ma plus grande crainte lorsque je vois leur précipitation à juger avant que les faits n’aient été établis – ou pire, à se ruer vers la guerre – est que les personnes à la tête de cette mascarade à la Maison-Blanche et au Département d’État ne soient pas taillés de la même étoffe que les diplomates de la vieille école qui les ont précédés.
Après tout, de nombreux désaccords extrêmement dangereux ont émergé par le passé (la Crise des Missiles de Cuba, ça vous dit quelque chose ?). Pourtant, lors de ces incidents, une solution a toujours pu être trouvée par des négociations entre les parties, nous épargnant des conséquences funestes.
Dans ce sens, je trouve le récent article de Pat Buchanan – avec lequel j’ai pourtant eu mes désaccords par le passé – tout à fait pertinent.
A quel moment la question de savoir quel drapeau flottait au-dessus de Donetsk ou de la Crimée est-elle devenue assez importante pour que nous armions les Ukrainiens contre les rebelles soutenus par les Russes, et envisagions de garantir à Kiev une intervention militaire de l’OTAN, nous menant ainsi potentiellement vers un conflit avec une Russie dotée de l’arme nucléaire ?
Depuis Franklin D. Roosevelt, les présidents des États-Unis ont compris que l’Amérique ne pouvait se couper des maîtres de l’une des nations les plus importantes au monde. Ike Eisenhower invita Khrouchtchev à faire le tour des Etats Unis après que celui-ci eut noyé dans un bain de sang la révolution hongroise. Après que Khrouchtchev ait installé des missiles à Cuba, John Fitzgerald Kennedy en appela très rapidement à  une nouvelle Détente à l’Université Américaine.
Dans les semaines qui suivirent l’intervention des armées du pacte de Varsovie écrasant le printemps de Prague en Août 1968, Lyndon B. Johnson chercha à organiser une réunion avec Alexeï Kossyguine.
Après avoir durement condamné Moscou pour la destruction en vol du Kal 007 en 1983, ce vieux vétéran de la guerre froide  Ronald Reagan recherchait une rencontre au sommet.
Le fait est que chaque Président, de Roosevelt à Georges H. Bush, et ce même après un affrontement avec Moscou pour des raisons biens plus graves que le conflit ukrainien actuel, ont toujours cherché à renouer des liens avec les hommes du Kremlin.
Quoi que nous pensions alors des dictateurs soviétiques, entre le blocus de Berlin, l’Europe de l’est placée sous leur joug, la crise des missiles à Cuba, la fourniture d’armes aux Arabes pour attaquer Israël, Ike (NdT: Dwight D. Eisenhower), JFK, Lyndon Baines Johnson, Nixon, Ford, Carter, Reagan et Bush père ont toujours recherché l’apaisement avec les dirigeants russes.
Eviter une guerre catastrophique exigeait une volonté de dialogue.
Comment pouvons-nous expliquer les aboiements de la politique étrangère américaine cherchant à confronter, isoler et immobiliser la Russie et à faire de Poutine un pestiféré moral et politique avec qui des politiciens honorables ne pourraient jamais négocier ? (Source) 
Il s’agit d’un véritable chef-d’oeuvre de mise en abyme. Les anciens présidents américains ont réussi à maintenir le dialogue avec Staline, lui qui a tué des millions de personnes, et avec Khrouchtchev qui a directement menacé les États-Unis de ses missiles nucléaires.
Qu’a fait Poutine pour dépasser les excès de ses prédécesseurs russes/soviétiques?
Ce que les États-Unis appellent ”l’annexion illégale de la Crimée” était en fait le résultat d’un plébiscite massif. 97% des Criméens ont voté en faveur d’une intégration à la Russie.
Pour récapituler, la population criméenne a voté à une écrasante majorité la prise en main de son avenir de la manière qu’elle considère la mieux adaptée ; et on n’a déploré aucun mort au cours de l’annexion. Si vous me demandez mon avis, cela semble tout à fait pacifique et démocratique. Mais que préférerait la Maison Blanche ? Invalider ce référendum et unir de force les Criméens au reste de l’Ukraine ? Et dans quel but ? Pour éviter aux cartographes de devoir redessiner les frontières fluctuantes de l’Ukraine ? Il est plus probable (et c’est bien cela qui m’inquiète) que les individus actuellement au pouvoir à Washington ne vaillent pas les anciens. En effectuant une recherche, je suis tombé sur un entretien avec George Kennan, en date de 1998. Je l’ai trouvé à la fois éclairant et inquiétant :
La voix est certes un peu chevrotante, mais à 94 ans, son esprit est toujours aussi aiguisé. Aussi lorsque j’ai contacté George Kennan par téléphone pour recueillir sa réaction à la ratification par le Sénat de l’élargissement de l’OTAN, je ne fus pas surpris de constater que l’homme qui avait été l’instigateur de l’endiguement de l’Union Soviétique, et un des grands hommes d’État américains du XXe siècle avait une réponse toute prête.
Je pense que c’est le début d’une nouvelle guerre froide“, a dit M. Kennan de sa résidence de Princeton.
Je pense que les Russes réagiront graduellement et de façon négative et que cela aura des conséquences sur leur politique. Je pense que c’est une énorme erreur. Il n’y avait aucune espèce de raison à cela. Personne ne menaçait personne.          De telles velléités expansionnistes feraient se retourner dans leurs tombes les Pères fondateurs de notre nation. Nous nous sommes engagés à protéger tout un ensemble de pays bien que nous n’ayons ni la capacité ni l’intention de le faire de façon sérieuse. [L'expansion de l'OTAN] n’a été qu’une initiative prise à la légère par un Sénat peu intéressé par les affaires étrangères”.
Ce qui m‘ennuie c’est de voir à quel point tout le débat au Sénat a été superficiel et mal documenté” a ajouté M. Kennan, qui était présent à la création de l’OTAN et dont l’article anonyme de 1947 dans le journal des Affaires étrangères, signé “X”, a défini pendant quarante ans la politique américaine d”endiguement à l’époque de la guerre froide.
“J’ai  été particulièrement troublé par les références à la Russie comme pays mourant d’envie d’attaquer l’Europe occidentale. Les gens ne comprennent-ils pas ? Nos divergences lors de la guerre froide tenaient au régime communiste soviétique. Et maintenant, nous tournons précisément le dos au peuple qui a organisé la plus grande révolution pacifique de toute l’histoire pour éradiquer ce régime soviétique.
“Et  la démocratie de la Russie est aussi avancée, si ce n’est davantage, que celle de n’importe lequel de ces pays que nous venons de nous engager à défendre contre la Russie,” a dit M. Kennan, qui a rejoint le Département d’État en 1926 et fut l’Ambassadeur américain à Moscou en 1952.
“Cela montre un manque presque total de compréhension de l’histoire russe et de l’histoire soviétique. Bien évidemment, les Russes vont mal réagir, et [les expansionnistes de l'OTAN] pourront déclarer “nous vous avions bien dit que les Russes étaient comme ça” - mais cela sera totalement faux .”
Alors qu’il s’apprêtait à raccrocher, M. Kennan ajouta seulement une chose : “Tout ceci a été ma vie, et c’est une grande peine que de le voir fichu en l’air au final. (Source) (Traduction complète sur ce blog)
Voilà qui semble assez bien vu de la part de ce grand homme d’État. Les tentatives d’attirer la Russie dans notre giron ont été supplantées par un discours querelleur, fait de piques et de menaces à son encontre, qu’on hésite à appeler diplomatie. Et nous n’avons plus désormais droit qu’à d’incessantes répétitions sur le thème : “oh, vous savez, c’est dans les gènes des Russes“. À la place, nous pourrions aussi remarquer que le débat actuel n’a ni profondeur, ni base factuelle solide. Comme je l’ai écrit dans un article pour Ukraine Flashpoint, l’expansion de l’OTAN vers l’Est en direction de la Russie s’est faite alors même que les États-Unis s’étaient explicitement engagés à ne pas étendre l’alliance. “Pas d’un pouce“, voilà ce qu’ils avaient promis. Ce serment a été violé sciemment et de manière répétée. Alors qui est vraiment celui qui a de bonnes raisons de ne pas faire confiance à l’autre ?
Les Occidentaux ont eu l’occasion de nouer des relations de partenariat rapproché avec la Russie, ses capacités étendues et ses ressources. Mais pour une raison quelconque (le complexe militaro-industriel, peut-être, ou les contributions financières de celui-ci à certaines campagnes électorales ?), il a été au contraire décidé, sous Clinton, de violer l’accord concernant l’expansion de l’OTAN, et d’opérer un déplacement vers l’est.
Le dernier empiétement a amené l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, et a placé des millions de personnes de culture russe sous la férule des ultranationalistes ukrainiens. Certains de ces ultranationalistes ont été enregistrés alors qu’ils préconisaient “d’atomiser” les 8 millions de citoyens russophones d’Ukraine.
Peut-être était-ce une menace en l’air. Cependant, une des premières actions du nouveau gouvernement de Kiev, en février dernier, fut de révoquer l’usage officiel de la langue russe.
Peut-être la plus flagrante des erreurs du nouveau gouvernement de Kiev est-elle survenue la semaine dernière, quand des députés du parti nationaliste Svoboda, ou Liberté, ont abrogé une loi qui donnait un statut d’égalité aux langues minoritaires telles que le russe.
La loi précédente avait permis aux régions du pays d’utiliser des langues autres que la langue nationale officielle, l’ukrainien, sur des panneaux commerciaux, dans les écoles et dans les documents gouvernementaux. Quand elle avait été promulguée en 2012, elle avait été vue comme une victoire pour les zones où le russe était la langue majoritaire, particulièrement à l’est et au sud.
Inutile de dire qu’il y a une très longue liste de très bonnes raisons pour lesquelles les russophones à l’est de l’Ukraine pourraient vouloir échapper à la domination de l’Ukraine occidentale.

Propagande

La  propagande est de l’information conçue pour induire en erreur et provoquer une réponse émotionnelle. Les couvertures de journaux occidentaux et les magazines ont été absolument saturés de propagande anti-Poutine. Après un journalisme aussi racoleur et  mensonger, quel genre de dialogue, quel rapprochement peut-on proposer à Poutine ?
Est-ce qu’Obama (ou n’importe quel autre dirigeant) ne serait pas considéré comme ‘pactisant avec l’ennemi ‘ s’il engageait le dialogue avec Poutine après tout cela ?
Cette couverture de Newsweek avec ce visage sombre et ces champignons atomiques qui se reflètent dans ses lunettes est particulièrement sinistre. Quel est exactement le message présenté ? Eh bien, c’est facile. C’est Armageddon.
Avant que vous ne preniez les points de vue de Newsweek trop au sérieux, vous devez savoir que cette respectable publication a traversé quelques périodes difficiles, a cessé de publier  pendant quelque temps, a été rachetée et est maintenant dirigée par ces gens :
Samedi, des nouvelles jaillirent, annonçant qu’IBT Média, une entreprise qui publie le journal d’affaires en ligne (au moins, en théorie) International Business Timesavait racheté  Newsweek  à IAC. Ainsi IBT Média possède maintenant NewsweekMais qui contrôle IBT Média ?
Le site de la direction de l’entreprise IBT liste deux cofondateurs : Etienne Uzac, le PDG, et Jonathan Davis, son Responsable des contenus.
Mais certains disent que la société est en réalité contrôlée par - ou a minima est liée par des liens forts et non révélés à -  quelqu’un dont le nom n’apparaît nulle part sur le site : David Jang, un prédicateur chrétien coréen controversé qui a été accusé de s’appeler lui-même « lChrist Revenu ».
Avant qu’il ne fonde IBT, M. Davis était le directeur du département  Journalisme à l’Université Olivet de M. Jang. (Source)
De sorte que Newsweek peut ou pas avoir des projets plus vastes que de simplement  relayer des faits. C’est un autre de ces cas où la conscience de l’existence d’un biais éditorial aide à maintenir un sain scepticisme.
Mais au-delà de Newsweek, tout l’éventail des publications, du NYTimes au Washington Post en passant par le Financial Times, ainsi que tous les autres grands organes du quatrième pouvoir, reprend le slogan “Poutine responsable”.
Et, il faut le répéter, tout cela sans aucune preuve solide, aucune ! Avec, en plus, tout un catalogue de questions légitimes et sérieuses qui ne suscitent qu’une totale apathie pour leur étude dans les principaux médias, et un silence radio complet des agences gouvernementales alors que celles-ci devraient les examiner et les traiter.
Cette campagne de propagande implacable à l’encontre de la Russie (de manière générale) et de Poutine (en particulier) atteint désormais son paroxysme. Je conseillerais d’être extrêmement suspicieux à l’encontre de tous les médias choisissant de diffuser cette propagande. On peut peut-être faire confiance à leurs pages ”voyage et cuisine”, mais je préconiserais de lire leur première page avec beaucoup de scepticisme.

Énerver l’ours.

Dans ce contexte, nous pouvons maintenant comprendre à quel point la Russie doit être irritée par les sanctions dont elle fait l’objet, adressées contre certaines de ses industries et dans certains cas, contre des citoyens riches et influents.
Depuis l’attentat contre le MH-17 et la supposée implication de la Russie, ce pays a été accusé de tirs d’artillerie et de roquettes sur sa frontière ukrainienne. La seule ”preuve” fournie pour étayer cette accusation sont des photos satellite grossières provenant d’une entreprise privée.
On a ensuite (littéralement) dessiné des traits sur ces photos pour montrer des trajectoires *qu’auraient pu* suivre les missiles.
Puis ces images fantaisistes ont été répandues depuis le compte Twitter de Geoffrey Pyatt comme étant des faits objectifs. Si le nom ne vous est pas familier, il est ambassadeur des États-Unis d’Amérique en Ukraine ; celui-là même dont la conversation enregistrée avec Victoria Nuland (assistante du ministre des Affaires étrangères) évoquait le coup d’État imminent contre le Président ukrainien Viktor Ianoukovitch.
Par la suite, un tribunal occidental de La Haye a subitement décidé que l’État russe devait dédommager les anciens actionnaires du géant pétrolier russe Ioukos à la hauteur de 50 milliards de dollars. Quelle surprise!
Dans une réponse glaçante, un proche de Poutine aurait déclaré: « une guerre se prépare en Europe. Pensez-vous vraiment que tout cela ait une importance ? »  À la suite de quoi les États-Unis ont accusé la Russie de violer le traité de 1987 sur les armements nucléaires en testant des missiles au sol en… attendez voir… 2008. Je suis sûr que ce timing n’est en aucune façon lié au conflit ukrainien, bien sûr…
Plus récemment, les États-Unis et l’UE ont ajouté des sanctions supplémentaires contre la Russie et certains de ses concitoyens.
Obama se joint à l’Europe en étendant les sanctions contre la Russie   29 juillet 2014
WASHINGTON - Le président Obama a annoncé des sanctions étendues contre la Russie mardi, quelques heures seulement après que l’Union Européenne ait imposé des mesures plus radicales encore pour pénaliser Moscou de son soutien aux séparatistes dans l’Ukraine voisine.
Les dernières mesures américaines visent plusieurs banques russes et une grande firme industrielle darmement, mais elles sont aussi allées plus loin que les mesures précédentes en bloquant la vente de technologies petrolières afin d‘inhiber la capacité de la Russie à exploiter de nouvelles ressources.
Ces mesures étaient destinées à rejoindre celles dévoilées plus tôt dans la journée en Europe.
« Aujourd’hui, nous rappelons que les États-Unis pensent ce qu’ils disent et que nous allons rejoindre la communauté internationale pour soutenir les droits et la liberté des personnes à travers le monde » a déclaré M. Obama sur la pelouse sud de la Maison-Blanche. (Source)
On pourrait imaginer que les ”droits et la liberté des personnes” pourraient inclure la liberté de voter pour choisir son avenir, ainsi que le droit de ne pas être gouverné par des gens hostiles à sa langue et à ses coutumes, mais apparemment le Gouvernement Obama a d’autres idées pour les habitants de la Crimée et de l’Ukraine orientale.
Le dernier acte d’hostilité des États-Unis à l’encontre de la Russie que l’on doit souligner ici concerne un projet de loi du Sénat introduit par un membre du Comité des affaires étrangères, le sénateur Bob Corker. Le projet décrit ce qui se passerait si la Russie “n’obtempérait pas” et ne quittait pas la Crimée et l’Ukraine dans les sept jours suivant l’adoption de la loi.
Un ultimatum du GOP (Parti Républicain) à Vlad
Le projet de loi de Corker déclarerait la Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine “alliés majeurs non-OTAN” des EU, transporterait des forces de l’OTAN en Pologne, Lituanie, Lettonie et  Estonie, accélérerait la mise en place d’un système ABM (missiles antibalistiques) en Europe de l’Est, et autoriserait l’apport d’une aide US à l’armée ukrainienne, dans les domaines du militaire et du renseignement, pour sa guerre au Donbass contre les séparatistes soutenus par la Russie.
L’aide US comprendrait des armes antichars et antiaériennes
Le projet de loi sénatorial S. 2277 imposerait au secrétariat d’État un surcroît d’efforts pour renforcer les institutions démocratiques à l’intérieur de la Fédération de Russie, par exemple en sapant le gouvernement de Vladimir Poutine, dans la perspective d’un changement de régime.
Si Poutine n’a pas évacué la Crimée ni retiré son soutien aux séparatistes ukrainiens sept jours après la proclamation de l’ultimatum Corker, des sanctions radicales seraient imposées aux officiels russes, ainsi qu’aux banques et aux entreprises du secteur de l’énergie, Gazprom compris.
Les relations économiques seraient littéralement rompues.
En résumé, il s’agit d’un ultimatum à la Russie lui signifiant qu’elle devra affronter une nouvelle guerre froide si elle ne se retire pas d’Ukraine et de Crimée, et les USA déclareront désormais considérer trois ex-républiques soviétiques - la Moldavie, l’Ukraine et la Géorgie -, comme leurs alliées. (Source)
Malheureux George Kennan. Une nouvelle fois, le Sénat américain agit sans souci d’humilité ou de perspective historique.
Le peuple de Russie n’est pas disposé à se laisser harceler par le Sénat américain, tout comme le Sénat américain refuserait les diktats du parlement russe. C’est une simple question de bon sens.
Il est tout à fait évident que n’importe quelle loi de ce genre adoptée par le pouvoir législatif américain aurait pour conséquence d’éroder, si ce n’est de faire s’effondrer, les relations et les liens économiques entre la Russie et les États-Unis.
La principale conclusion à tirer de tout cela est que non seulement les États-Unis provoquent l’ours mais qu’ils le font à une fréquence accrue et en augmentant la mise à chaque fois.
Dans la seconde partie : Comment la confrontation à venir se déroulera, nous étudierons les scénarios les plus plausibles sur l’issue où peuvent mener les tensions actuelles entre l’Occident et la Russie. Quel que soit le chemin emprunté, il y aura au moins quelques expériences douloureuses pour l’Occident dont l’Europe souffrira en premier et au plus haut degré (cependant les États-Unis ne seront pas épargnés). Et, malheureusement, il n’est pas hasardeux de dire que ce conflit Est-Ouest ne fera qu’accélérer la correction imminente des marchés mondiaux soumis à l’instabilité, aux bulles et aux effets de levier abusifs.
Cliquer ici pour lire la seconde partie de ce rapport (le résumé opérationnel est gratuit, mais il est nécessaire de s’enregistrer pour y avoir librement accès)
Source : Chris Martenson  Traduction collective par les lecteurs du blog www.les-crises.fr
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Début de la partie 2
Sommaire
  • Les quatre scénarios les plus probables de réaction russe
  • L’Europe est plus vulnérable et ressentira plus rapidement les effets négatifs que les USA (bien qu’il y aient aussi des risques pour les USA)
  • Le risque pour l’économie mondiale et les marchés financiers
L’Europe sera la première à en payer le prix.
L’Europe est déjà au bord d’une contraction économique pure et simple et ne peut se permettre une guerre de sanction avec la Russie, partenaire commercial majeur. Alors que les sanctions imposées par l’Europe ont été très soigneusement façonnées pour causer un minimum de difficultés économiques pour elle-même, tout en imposant une pression maximale sur la Russie, un retour de bâton est inévitable.
30 juillet 2014
Les sanctions visant à imposer des difficultés économiques à la Russie à la suite du crash du vol MH17 vont toucher l’économie du Royaume-Uni, a prévenu le secrétaire aux Affaires étrangères Philip Hammond, ajoutant : ’on ne fait pas une omelette sans casser des oeufs’.
Hammond dit que les mesures ont été conçues pour maximiser l’impact sur la Russie et minimiser les effets sur les économies européennes.
Cela va affecter notre économie… mais on ne peut pas faire d’omelette sans casser des oeufs, si l’on veut imposer des difficultés économiques à la Russie pour essayer de l’encourager à se comporter correctement dans l’est de l’Ukraine et à ouvrir l’accès au site du crash, alors nous devons être prêts à prendre ces mesures,” a-t-il dit à Sky.
 Mercredi, le ministre russe des Affaires étrangères a critiqué le nouvel éventail des sanctions européennes, disant qu’il était décevant que l’Europe soit incapable d’agir indépendamment de Washington sur la scène internationale.
Nous avons honte de l’Union européenne qui, après avoir cherché pendant longtemps à parler d’une voix unie parle maintenant avec la voix de Washington et a pratiquement abandonné les valeurs de base de l’Europe, dont la présomption d’innocence“, a déclaré le ministre dans un communiqué. (Source)
En effet, il est facile d’imaginer à quel point la Russie peut être déçue qu’il traîne tellement de questions non résolues à propos du MH-17, et que malgré tout, l’Europe se précipite pour mettre en place des sanctions, malgré la longue et chaleureuse histoire d’échanges économiques qui lient ces pays.
Source et suite (si quelqu’un y a accès, merci de me l’envoyer…)) : Chris Martenson

Source: http://www.les-crises.fr/la-precipitation-inconsideree-de-loccident-vers-le-declenchement-dune-guerre-contre-la-russie/


Débat Europe 1 sur la crise avec la Russie

Tuesday 5 August 2014 at 00:01

J’étais invité le 31 juillet à un débat sur la Russie sur Europe 1 :

Sanctions contre la Russie : quel prix pour la France ?

- Galia Ackerman, historienne et journaliste (née en Russie) [OB : proche de Caroline Fourest]

- Olivier Berruyer, économiste, actuaire (rédacteur du site les-crises.fr)

- Yves Bourdillon, journaliste au service international des Echos

Source: http://www.les-crises.fr/debat-europe1-russie/


En faisant preuve de retenue, la Russie n’a fait que persuader Washington qu’elle était faible, par Paul Craig Roberts

Monday 4 August 2014 at 18:12

Un billet de Paul Craig Roberts… Je rappelle que cet économiste et journaliste paléoconservateur américain a été sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982), et est un des pères fondateurs des Reaganomics. Il a également été rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal. Sa vision décape, en général…

Paul Craig Roberts, 1er août 2014

Je viens juste d’entendre deux choses sur la radio publique nationale [NPR] qui ont complètement anéanti le peu de confiance qu’il me restait encore dans l’Administration américaine. J’en ai conclu que l’expression « un Américain intelligent » est un oxymore.

Les élites américaines ont décidé que les Américains n’étaient pas suffisamment menacés par la guerre et le chaos économique, aussi nous apportent-elles le virus Ebola en Amérique. La radio publique nationale [NPR] a annoncé que deux personnes infectées par le virus Ebola, qui est incurable et généralement mortel, ont été conduites à l’hôpital universitaire d’Emory à Atlanta, en Géorgie. Il suffit d’une toux, d’un éternuement, d’une goutte de salive, et le virus est relâché dans l’un des principaux centres du réseau de transport des États-Unis.

Une pandémie, ça vous tente ? Il y a peu de doutes que toute la planète ou presque pousserait un grand soupir de soulagement d’être débarrassé de Washington.

Les porteurs de l’Ebola seront prétendument mis en quarantaine dans des locaux spéciaux. Mais nous savons déjà que les hôpitaux américains ne sont même pas capables de contenir les infections nosocomiales [http://rt.com/usa/177408-nightmare-bacteria-antibiotic-southeast/]. Qu’advient-il des couverts, assiettes, bols et verres qu’utilisent les personnes infectées pour manger et boire? Et qui s’occupe de nettoyer les lits? Une bourde faite par une personne, une déchirure dans un gant en caoutchouc, et le virus est lâché dans la nature.

Si on ne meurt pas d’Ebola, on devra encore échapper à une guerre nucléaire.

J’ai écouté une partie de la conférence de presse d’Obama. Obama accuse Poutine de faire tout ce qu’Obama est le seul à faire. Si Obama croit ce qu’il a dit à la presse, il se laisse mener en bateau par ses conseillers. S’il ne croit pas en la propagande grossière dont il parle, il nous mène tout à fait consciemment vers une guerre avec la Russie, ce qui signifie probablement aussi la guerre avec la Chine et notre fin à tous.

Gardez à l’esprit qu’en huit ans, l’armée américaine a été incapable d’occuper l’Irak avec succès, et qu’en 13 ans, les États-Unis ont été incapables de venir à bout de quelques milliers de Talibans faiblement armés en Afghanistan.

La Russie et la Chine ne sont pas l’Irak, la Libye ou l’Afghanistan.

La guerre avec la Russie sera nucléaire. Washington s’y est préparé. Washington a abandonné le traité ABM, a créé ce qu’il pense être un « bouclier anti-missiles balistiques », et a changé sa doctrine de guerre pour permettre aux USA de lancer les premiers une attaque nucléaire . Tout ceci évidemment dirigé contre la Russie, ce que son gouvernement sait très bien. Combien de temps la Russie va-t-elle rester les bras croisés à attendre la première frappe de Washington ?

La Russie n’a rien fait d’autre que d’opposer des obstacles tardifs aux mensonges de Washington, ceux que Washington utilise pour déclencher des guerres. La Russie (et la Chine) se sont laissées berner par Washington et les armes de destruction massive irakiennes. La Russie (et la Chine) se sont laissées berner par Washington sur la soi-disant traque de 13 ans de Ben Laden, qui aurait nécessité la conquête et l’occupation de l’Afghanistan. La Russie (et la Chine) sont tombées dans le panneau lorsque Washington a affirmé que la résolution des Nations unies établissant une zone d’exclusion aérienne sur la Libye avait pour but d’empêcher l’armée de l’air de Kadhafi de bombarder son propre peuple. Avant de découvrir que Washington faisait un usage abusif de cette résolution en envoyant la force aérienne de l’OTAN renverser le gouvernement libyen.

Lorsque Washington a tracé une « ligne rouge » concernant l’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement syrien contre les forces extérieures – celles que Washington avait organisées et envoyées en Syrie pour renverser le gouvernement – ne cessant de prétendre que ces mercenaires islamistes étaient les vrais représentants de la démocratie en Syrie, la plus grande partie du monde a su que Washington était sur le point d’organiser une attaque chimique et d’accuser Assad. Quand l’attaque a eu lieu au moment prévu, cette fois la Russie et la Chine ne s’y sont pas laissé prendre. Pas plus que le Parlement britannique. Washington n’a pu produire la moindre preuve des accusations que Washington avait montées de toute pièce, et qui lui auraient au moins valu le concours des Britanniques pour un assaut militaire contre la Syrie. La Russie, en revanche, fut capable d’apporter des preuves, et celles-ci ont déjoué le complot de Washington à l’encontre de la Syrie.

Cette intervention de la Russie a provoqué la colère de Washington, tout comme celle qui avait déjoué les manigances de Washington en vue d’attaquer l’Iran. Washington, sans aucune preuve, et en contradiction avec les rapports des inspecteurs de l’Agence Internationale pour l’Énergie Atomique opérant sur le terrain, selon lesquels il n’y avait jamais eu de détournement d’uranium du programme nucléaire légal vers un programme d’armement, avait quand-même mis en place ce qu’il fallait pour une attaque de l’Iran. Celle-ci s’est retrouvée encerclée par une quarantaine de bases militaires américaines et menacé par deux des flottes de Washington au large de ses côtes.

Mais la Russie s’est interposée et a élaboré un plan que Washington a été obligé d’accepter : maintenir l’enrichissement d’uranium iranien à un niveau suffisant pour produire de l’énergie, mais bien trop bas pour servir à l’armement.

Deux mauvaises notes pour la Russie, dont le gouvernement a empêché des guerres que Washington voulait. La Russie (et la Chine) étaient censées avaliser les mensonges de Washington, à l’instar des États-pantins de l’Europe et autres pays lui ayant abandonné leur souveraineté depuis belle lurette : Canada, Australie, et Japon.

Malheureusement pour elle, en montrant qu’elle avait à présent suffisamment de pouvoir et d’influence pour bloquer les plans de guerre de Washington, la Russie a, de facto, déclenché la doctrine Wolfowitz à son encontre. J’ai déjà cité cette doctrine dans des articles récents, mais vous pouvez chercher sur Google et la découvrir par vous-même. Cette doctrine est la base de la politique étrangère de Washington. Elle affirme que l’objectif principal de Washington est d’empêcher la montée de tout pays qui pourrait faire obstacle à son hégémonie sur le monde. (La doctrine mentionne explicitement la Russie, mais elle s’applique aussi à la Chine.)

Washington est perturbé parce que la Russie a, par deux fois, déjoué ses intentions belliqueuses et parce que le Parlement du Royaume-Uni, État fantoche des US, a voté du côté des Russes.

Washington est aussi préoccupé par la montée des relations économiques et politiques entre ses marionnettes européennes et la Russie. Les pays européens, particulièrement l’Allemagne, ont des liens économiques nombreux et fructueux avec la Russie, et toute l’Europe est dépendante de la fourniture d’énergie russe.

Washington a donc conclu qu’il risquait de voir le contrôle de l’Europe lui échapper. Pendant que le gouvernement russe s’endormait aux commandes lors des Jeux olympiques, Washington a réussi son coup à Kiev.

Le néoconservatrice Victoria Nuland, appointée par Obama comme Sous-secrétaire d’Etat, a annoncé en conférence de presse en décembre dernier que Washington avait dépensé cinq milliards de dollars, achetant des ONG ukrainiennes pour former une “cinquième colonne” pouvant s’introduire dans des manifestations en vue de déstabiliser un gouvernement, manipulant et achetant des politiciens ukrainiens destinés à servir de larbins à Washington. Nuland,bien sûr, a présenté cet achat de l’Ukraine par Washington comme étant “une grande avancée” de la démocratie.

Le coup d’État de Washington contre un gouvernement démocratiquement élu a mis au pouvoir des extrémistes proclamant leur haine des Juifs et des Russes. Ces extrémistes ont détruit les mémoriaux russes commémorant la libération de l’Ukraine du Troisième Reich par la Russie, ont proscrit le russe comme langue officielle régionale, et s’en sont violemment pris physiquement aux russophones.

L’Ukraine a toujours été une zone aux frontières changeantes. Comme l’ont dit certains, « l’Ukraine est un pays à la recherche de frontières ». Quand l’Ukraine était une province soviétique, les dirigeants soviétiques rattachèrent, pour diverses raisons, des provinces traditionnellement russes à la République Socialiste Soviétique d’Ukraine. Après l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991, la pression de Washington sur une Russie affaiblie conduisit à séparer l’Ukraine de la Russie, y compris la Crimée qui faisait partie de la Russie depuis les années 1700 et constituait son accès aux mers chaudes.

Les populations russes des ex-territoires russes rattachés à l’Ukraine, de manière inconsidérée, par les dirigeants soviétiques ont été alarmées par l’extrême russophobie du gouvernement mis en place à Kiev par Washington. Les ex-territoires russes ont voté pour rejoindre leur pays d’origine et quitter l’Etat fantoche russophobe établi à Kiev par les États-Unis.

Le gouvernement russe a accepté la demande de la Crimée, mais a repoussé les demandes émanant d’autres ex-provinces russes afin de démontrer à l’Europe que la Russie ne faisait pas de provocation et n’était pas à l’origine de cette crise. Poutine a même fait annuler par la Douma son pouvoir d’intervenir en Ukraine pour protéger les provinces sécessionnistes. Cette retenue a gêné plus qu’aidé la position du gouvernement russe. Washington a usé de sa machine de propagande pour qualifier l’autodétermination des Criméens d’« invasion et annexion de la Crimée par la Russie ».

La retenue de la Russie à l’égard des demandes des autres anciennes provinces russes pour rejoindre la Russie a eu pour conséquence une attaque militaire déclenchée par le gouvernement fantoche de Kiev, encouragé par Washington, contre les provinces séparatistes, attaque que la Russie a refusé d’accepter. La propagande de Washington a ensuite réussi à accuser la Russie d’être responsable de la guerre que Washington a lancée sur les provinces séparatistes.

Washington n’a aucun intérêt pour la vérité. De ce fait, la Russie ne peut pas gagner la propagande de guerre lorsque Washington en contrôle la langue : l’anglais. Les médias occidentaux, quant à eux, sont des abrutis donnant les mains libres à Washington pour exterminer toute vie sur Terre.

Si le gouvernement russe avait accepté la demande des provinces séparatistes, il n’y aurait eu aucune guerre. Le gouvernement ukrainien est certes cinglé et contrôlé par Washington, mais pas au point d’attaquer les territoires reconnus par la Russie comme étant les siens.

En faisant preuve de retenue, la Russie n’a fait que persuader Washington qu’elle était faible, et Washington a augmenté la pression. La Russie a convaincu l’Europe qu’il ne lui en coûterait rien de se plier aux sanctions de Washington contre la Russie. En comptant sur la bonne volonté, la raison, la vérité et les preuves, la Russie s’est trompée sur Washington et ses serviles marionnettes européennes.

Ce qu’Obama voulait dire lors de sa conférence de presse à la Maison Blanche aujourd’hui (1er août) lorsqu’il a dit que Poutine devrait utiliser la diplomatie – ce que Poutine n’a cessé de faire en vain – c’est que Poutine devrait rendre la Crimée au gouvernement de pantins de Washington à Kiev, malgré l’opposition des habitants de Crimée et du peuple russe. Cela permettrait à Washington d’expulser la Russie de son port de mer chaude et de son accès à la mer Méditerranée et rendrait inutile la base navale de la Russie à Tartous, en Syrie. Obama veut aussi que Poutine envoie des forces militaires russes dans les zones séparatistes de l’Ukraine, régions qui faisaient traditionnellement partie de la Russie, pour soumettre ces territoires séparatistes au gouvernement de pantins de Washington à Kiev.

Telle est la position « diplomatique » de Washington. Seule une personne totalement démente pourrait considérer la position d’Obama comme réaliste.

En tant que personne considérée comme saine d’esprit par les médias mondiaux, et parvenant à des conclusions raisonnables malgré la propagande de Washington, je suis souvent interviewé par des médias étrangers ainsi que des médias américains indépendants. Dernièrement, les médias russes se sont tournés vers moi à de nombreuses occasions. Ce que j’ai appris est que l’hostilité de Washington envers la Russie rend perplexes les médias russes.

La Russie n’agit pas dans le vieux Sud Confédéré pour essayer de monter les États sudistes contre Washington du fait des vols, des meurtres et de la destruction de la culture sudiste commis par Washington. Mais Washington se permet d’agir dans le sud de la Russie en essayant de monter l’Ukraine, longtemps partie intégrante de la Russie, contre la Russie.

Comme les Russes, sauf peut-être au sein du gouvernement, ignorent l’existence de la doctrine Wolfowitz, ils ne savent pas que le but principal de Washington est d’empêcher l’avènement de toute autre puissance qui pourrait limiter son rôle de Moi-le-Pouvoir-Unique, d’Hegemon sur la Terre. Au lieu de comprendre la véritable nature de la menace, les médias russes me demandent si les finances russes peuvent se permettre de répondre aux sanctions de Washington et de l’UE en coupant les approvisionnements en énergie de l’Europe.

Je suis surpris à chaque fois que j’entends cette question. La Russie peut provoquer l’arrêt d’une grande partie de l’industrie européenne et priver les Européens de chauffage pendant l’hiver, et les médias russes me demandent si la Russie peut se le permettre ?!

La Russie peut-elle se permettre d’être diabolisée par des mensonges, ensevelie sous un tas de sanctions propagandistes qui affecteront l’Europe et certaines sociétés américaines, de montrer une image d’elle-même si faible et si démunie face aux sanctions occidentales qu’elle doive les accepter sans même en faire peser le coût sur l’Europe et les États-Unis ?

Les Russes, à leur tour, auraient-ils subi un lavage de cerveau de Washington ?

Je suis préoccupé par la crise que Washington a orchestrée, parce que je pense qu’elle va mener à la guerre, et qu’elle sera nucléaire. Êtes-vous prêts à être détruits suite aux mensonges de Washington concernant un avion de ligne malaisien ? Je suis convaincu que Washington est derrière la destruction du vol MH-17, car leur propagande était déjà prête et est entrée immédiatement en action. Que Washington soit responsable est la raison pour laquelle Washington ne veut pas publier les photos satellites de la zone au moment de la destruction de l’avion de ligne. Que Washington soit responsable est la raison pour laquelle Washington répond aux preuves factuelles de la Russie avec des mensonges et de la propagande. C’est Obama et ses larbins à Kiev qui refusent de négocier, pas la Russie.

La Russie a autant de têtes nucléaires que Washington, et le « bouclier ABM » de Washington n’est qu’une farce. Si ce gouvernement américain insensé engendre une crise menant à la guerre, que seul Washington aura causée, nous allons tous mourir, et pour quoi ? La réponse est : pour un MENSONGE de Washington.

Voulez-vous mourir pour un mensonge ? Un autre mensonge de Washington ?

Si vous ne voulez pas, vous feriez bien d’en faire part à Washington.

La Russie ne peut mettre fin à cette crise sans taper du poing sur la table. J’ai soutenu l’idée que la Russie devrait plaider son cas aux Nations Unies. Ou alors, le gouvernement russe doit poser à l’Europe deux questions. La première : l’Europe veut-elle que la Russie lui coupe ses approvisionnements en énergie, énergie que Washington, malgré ses mensonges, ne pourra remplacer avant 3 ans voire plus, si tant est qu’elle le puisse ? L’autre question est : l’Europe veut-elle la guerre avec la Russie et l’Europe pense-t-elle que ces pays idiots qui hébergent les missiles de Washington ne se retrouveront pas atomisés et exterminés ?

Cette crise en Ukraine continuera aux dépens de la Russie et de toute l’humanité jusqu’à ce que la Russie explique à l’Occident stupide, arrogant et empli d’hubris que les actions criminelles et agressives de l’Occident contre la Russie comportent un coût réel et que la Russie est prête à le faire payer.

Les Occidentaux qui subissent la propagande n’ont aucune idée du destin vers lequel leurs gouvernements déments les conduisent. Il faut que la Russie signifie clairement aux Occidentaux victimes de la propagande et du lavage de cerveau qu’elle ne sera pas le jouet de l’Occident et n’acceptera pas l’agression gratuite du fou de la Maison Blanche.

Si la Chine en faisait autant, cela pourrait contribuer à sauver la vie sur terre. Le plus tôt serait le mieux.

Si le monde ne freine pas les criminels déments de Washington, le monde a signé son propre arrêt de mort.

Source : Paul Craig Roberts, traduction collective par les lecteurs du blog www.les-crises.fr

Source: http://www.les-crises.fr/pcr-russie-faible/


Sauvetage de Banco Espirito Santo : quelques enseignements pour la zone euro, par Jean-Michel Naulot

Monday 4 August 2014 at 12:05

Nous avons déjà présenté M. Naulot ici, ancien banquier et ancien de l’AMF.

J’ai peu parlé de l’affaire BES, mais la 1ère banque portugaise qui fait faillite, c’est éloquent.

La “résolution” du problème est venue hier, extrait de Challenges :

Soucieux de freiner la contagion, l’Etat portugais s’est résolu dimanche 3 août à renflouer à hauteur de 4,4 milliards d’euros la banque en difficulté Espirito Santo (BES), tout en mettant fortement à contribution ses actionnaires.

Après avoir longtemps écarté ce scénario, le gouvernement puisera ainsi dans l’enveloppe de 12 milliards d’euros réservée aux banques dans le cadre du plan de sauvetage du Portugal négocié avec la troïka (UE-FMI-BCE), dont il restait 6,4 milliards d’euros. [...]

Après avoir publié une perte semestrielle record de 3,57 milliards d’euros, “Banco Espirito Santo présentait un risque de cessation de paiements qui aurait mis en danger le système financier national” [...]

Face à l’hécatombe du titre en Bourse, qui a été suspendu vendredi 1er août après avoir chuté de près de 75% en une semaine, les espoirs de voir la banque attirer de nouveaux investisseurs sans recourir à l’aide de l’Etat avaient été anéantis.

Pour arrêter l’hémorragie, les autorités portugaises ont décidé de scinder la banque en deux entités, afin de permettre de séparer les actifs toxiques des produits sans risque.

Les actifs toxiques, dont les titres de dette à haut risque de la famille Espirito Santo et les parts dans la filiale de BES en Angola, seront logés au sein d’une structure de défaisance (bad bank), chargée de les liquider.

L’ensemble des actifs sains seront regroupés au sein d’une nouvelle banque, baptisée Novo Banco, qui sera contrôlée par le Fonds de résolution des banques portugaises, créé en 2012 à la demande de la troïka afin de pouvoir faire face à des crises bancaires.

Quant à la “bad bank”, elle restera entre les mains des actuels actionnaires, qui risquent d’être lourdement pénalisés car ils seront amenés à en assumer les pertes, a prévenu le ministère des Finances.

Parmi les actionnaires figure, avec une part de 14,6%, le groupe français Crédit agricole, qui devra dévoiler l’ampleur des dégâts lors de la présentation de ses comptes mardi. [...]

“Cela fait un moment que des clients de BES retirent leur argent. Il n’y a aucune raison à cela, mais la panique n’a rien de raisonnable”, a commenté Joao Cesar das Neves, professeur d’économie à l’Université catholique de Lisbonne.

Le cas du Portugal est le premier test des nouvelles règles transitoires en vigueur en attendant la mise en place en 2016 de l’union bancaire européenne qui vise à éviter aux contribuables de payer pour les banques.

La solution trouvée pour Banco Espirito Santo “contribuera à rétablir la confiance dans la stabilité du système financier” du Portugal, a estimé la Commission européenne, qui a jugé le dispositif conforme aux nouvelles règles en vigueur. 

Sauvetage de Banco Espirito Santo : quelques enseignements pour la zone euro

L’annonce du plan de sauvetage de Banco Espirito Santo (BES) démontre à quel point les discours tenus par les dirigeants de la zone euro sont parfois éloignés des réalités financières. Le projet d’Union bancaire adopté par les gouvernements et les parlementaires européens en mars dernier vient ainsi de confirmer certains de ses dangers, alors même qu’il n’est que très partiellement en place.

En cas de défaillance d’un établissement bancaire systémique, ce projet prévoit de mettre à contribution non seulement les actionnaires et les créanciers subordonnés mais aussi les créanciers ordinaires et les déposants. Comme cela a été souligné lors de son adoption, ce projet qui s’inspire du modèle chypriote fait  craindre qu’en cas de rumeur sur un établissement tout le monde s’en aille dès le premier jour. C’est exactement ce qui vient de se passer avec la défaillance de BES où l’on a assisté à une vraie panique des créanciers ordinaires et des déposants qui ont anticipé sur les nouvelles règles en ne voulant pas prendre le risque de se faire piéger. Ils ont ainsi bien involontairement accéléré la chute de l’établissement et les risques de contagion, même si en définitive les autorités ont décidé de les protéger.

Lors de la présentation du projet d’Union bancaire, on nous avait également expliqué que le lien serait désormais coupé entre les banques systémiques et les Etats. Or, dans le cas de BES, dont les actifs représentent la moitié du PIB du Portugal, la démonstration vient une nouvelle fois d’être faite que lorsque le temps presse l’intervention de l’Etat est la seule manière de dissiper les doutes sur la solvabilité de l’établissement. L’injection de capitaux publics annoncée dimanche soir est la démonstration que les banques dites systémiques sont indissociablement liées à leurs Etats.

Autre enseignement de cette crise, l’empressement manifesté par les dirigeants européens à déclarer que le Portugal sortait du plan de sauvetage, à la veille des élections européennes,  apparaît rétroactivement assez puéril. Pour sauver BES, l’Etat portugais fait appel aux fonds d’aide à disposition de l’Etat portugais. La dette publique portugaise ne sera certes pas affectée puisqu’il reste un solde non utilisé mais les marchés vont prendre à nouveau conscience que la dette publique portugaise est considérable, représentant 133% du PIB au lieu de 93% en 2010. Une fois encore, il est démontré que la politique conduite par la zone euro pour réduire la dette publique a l’effet exactement inverse. Les politiques d’austérité et la menace de déflation font progresser la dette. La dette publique italienne atteint  138% du PIB, venant de 119% en 2010. Quant à la dette française, elle atteint 99% du PIB (Eurostat : 96,6% + 2,4% de prêts aux Etats en difficulté), venant de 81,7% en 2010.

Enfin, on aura une pensée pour les petits actionnaires de la banque qui ont été appelés à souscrire à une augmentation de capital il y a deux mois et qui viennent de perdre l’argent qu’ils avaient apporté. Ils vont en plus hériter de la seule « bad » banque. Ils seront en droit de s’interroger sur les règles de transparence qui s’appliquent à un établissement aussi important, sept ans après le déclenchement de la crise financière.

Jean-Michel Naulot, blog Mediapart, 4 aout 2014

Source: http://www.les-crises.fr/sauvetage-de-banco-espirito-santo-quelques-enseignements-pour-la-zone-euro-par-jean-michel-naulot/


Ukraine – En vrac (04-08) : “À moins de déclencher une guerre…”

Monday 4 August 2014 at 02:52

Ukraine: l’UE lève l’embargo sur les livraisons de matériel militaire (Moscou)

MOSCOU, 2 août – RIA Novosti

Les pays de l’Union européenne se sont entendus en toute discrétion sur la levée des restrictions frappant les livraisons à l’Ukraine de matériel militaire susceptible d’être utilisé dans le cadre de la répression, a déclaré samedi le ministère russe des Affaires étrangères.

“Nous avons remarqué qu’au cours d’une récente réunion du Conseil européen à Bruxelles, les leaders des pays membres se sont entendus en toute discrétion sur la levée des restrictions frappant l’exportation en Ukraine d’armements susceptibles d’être utilisés pour des répressions intérieures. Ils ont également autorisé l’exportation de technologies et d’équipement militaires”, lit-on dans un commentaire de la diplomatie russe publié samedi.

L’Ukraine a pilonné le territoire russe

Info insignifiante j’imagine… C’est juste dans le sens contraire que ça fait la une…

Neuf obus ukrainiens tirés, selon les données préliminaires, depuis le système lance-roquettes multiples Grad, ont explosé sur le territoire de la région de Rostov, a déclaré un représentant du Service russe des gardes-frontières.

L’incident n’a pas fait de blessés.
La région de Rostov est frontalière avec le Donbass ukrainien. Des combats entre les forces sécurité et les miliciens ont lieu dans cette zone. Les postes-frontières russes dans la région de Rostov ont été à plusieurs reprises pilonnés de la part de l’Ukraine.

Source : La Voix de la Russie

David Cameron appelle l’OTAN à revoir sa relation avec Moscou

Pour le premier ministre britannique, David Cameron, la crise actuelle entre les Occidentaux et la Russie, notamment due à la situation en Ukraine, doit amener l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) à « revoir sa relation à long terme » avec Moscou.

Dans une lettre écrite au secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, Anders Fogh Rasmussen, et aux dirigeants de ses 27 autres pays membres, M. Cameron estime ainsi nécessaire de devoir maintenir une présence défensive « robuste » en Europe de l’Est. La diffusion de ce texte, vendredi 1er août, intervient après la prise de nouvelles sanctions européennes et américaines contre la Russie, qui a promis des « conséquences » en retour.

« DES MESURES À LONG TERME »

C’est dans ce contexte que David Cameron écrit :

« En 2014, le monde est plus imprévisible que jamais et nous nous trouvons à un nouveau moment charnière de l’histoire de l’alliance. (…) A l’est, la Russie a piétiné les règles du jeu avec son annexion illégale de la Crimée et la déstabilisation agressive de l’Ukraine. »

L’OTAN devrait aussi, selon lui, renforcer ses troupes spéciales, au sol, dans les airs et la marine. « Il est clair que la Russie voit l’OTAN comme un adversaire », explique David Cameron, qui souhaite que l’organisation s’accorde sur « des mesures à long terme pour renforcer notre capacité à réagir rapidement aux menaces, pour rassurer nos alliés qui craignent pour leur propre sécurité et pour décourager toute agression russe ».

David Cameron espère également dans sa lettre que le sommet de l’OTAN, qui se déroulera à Newport au Pays de Galles dans un mois et demi, sera l’occasion d’adopter et d’afficher les contours de cette politique plus sévère à l’égard de Moscou.

Source : Le Monde

Les Américains veulent former la garde nationale ukrainienne

L’administration de Barack Obama a informé le Congrès de son intention de former et d’armer la Garde nationale ukrainienne à partir de 2015.

« Le département de la défense et le département d’Etat ont informé le Congrès de notre intention d’utiliser 19 millions de dollars (…) pour former et équiper quatre compagnies et un QG tactique de la garde nationale ukrainienne », a déclaré le porte-parole du Pentagone, vendredi 1er août.

La formation, si elle était approuvée par les élus du Congrès, aurait lieu sur un site en Ukraine qui accueille déjà des manœuvres militaires multilatérales. Les instructeurs seraient fournis par l’armée américaine en Europe et la garde nationale californienne.

Le porte-parole du Pentagone n’a établi aucun lien entre cette décision et l’aggravation des tensions entre l’Occident et Moscou à propos de la crise ukrainienne. Vendredi, Washington avait déjà promis 8 millions de dollars pour renforcer le corps des gardes-frontières ukrainiens.

L’administration Obama, qui accuse régulièrement la Russie de masser des troupes à la frontière ukrainienne et de fournir une aide importante aux rebelles pro-russes, offre déjà à Kiev une assistance militaire limitée à la livraison d’une aide non létale, casques ou équipement médical par exemple.

Source : Le Monde

“À moins de déclencher une guerre…”

Faut-il que nous soyons maudits pour avoir des dirigeants employant le mot “Russie” et “Guerre” dans la même phrase…

Barack Obama, 1er aout :

À moins de déclencher une guerre, il va y avoir des limites à ce que nous pouvons faire si le Président Poutine et la Russie décident d’ignorer ce que devraient être leurs intérêts à long-terme…”

“Short of going to war, there’re going to be some constraints in terms of what we can do if President Putin and Russia are ignoring what should be their long-term interests,” Obama said.

Heureusement que les États-Unis sont là pour expliquer à la Russie ses intérêts de long-terme… (ça marchait mieux avec Eltsine semble-t-il…)

Source : CNBC  

 

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-en-vrac-04-08/


Vladimir Boukovski, ancien dissident soviétique met en garde contre une dictature de l’UE

Monday 4 August 2014 at 01:51

Je vous propose aujourd’hui cette interview de 2006 du dissident soviétique Vladimir Boukovski. Il est le premier à dénoncer l’utilisation de l’emprisonnement psychiatrique contre les prisonniers politiques en Union soviétique.

Ses propos sont durs (je ne les approuve pas tous), mais intéressants, et alimentent la réflexion – je vous fais confiance pour séparer le bon grain de l’ivraie…

Il est sur une tendance assez libertarienne, de droite “musclée”, et soutient l’UKIP anglais. Mais je comprends qu’une “forte pensée libertaire” anime quelqu’un qui a passé 12 ans de sa vie emprisonné dans un hôpital psychiatrique en raison de ses opinions…

Du bureau de Paul Belien, lundi 27/02/2006
Vladimir Boukovski, un ancien dissident soviétique âgé de 63 ans, craint que l’Union Européenne ne soit en train de se transformer en une seconde Union Soviétique. Dans un discours prononcé à Bruxelles la semaine dernière, M. Boukovski a traité l’UE de “monstre” qui doit être détruit au plus vite, avant qu’il ne se développe en un état totalitaire à part entière.
M. Boukovski a rendu visite au Parlement européen ce jeudi à l’invitation du Fidesz, le Forum Civique Hongrois. Le Fidesz, membre du groupe ECD (chrétiens démocrates européens), avait invité l’ancien dissident soviétique depuis l’Angleterre où il réside, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’insurrection hongroise de 1956. Après sa réunion avec les Hongrois le matin, M. Boukovski a tenu un discours l’après-midi dans un restaurant polonais de la Tier straat, en face du Parlement Européen, à l’invitation du United Kingdom Independence Party (UKIP), dont il est un grand défenseur.
Dans son discours M. Boukovski fait référence à des documents confidentiels des services secrets soviétiques, qu’il a eu l’autorisation de lire en 1992.
Ces documents confirment l’existence d’une “conspiration” pour influer sur l’Union Européenne afin de la transformer en une organisation de type communiste.
J’ai assisté à la conférence et ai enregistré le discours. Une transcription ainsi qu’un enregistrement audio d’environ 15 minutes se trouvent ci-dessous.
J’ai également interviewé brièvement (4 minutes) M. Boukovski. La transcription et l’enregistrement audio se trouvent également ci-dessous.
L’interview à propos de l’Union Européenne a dû se terminer rapidement car M. Boukovski avait d’autres engagements, mais elle me rappela quelques souvenirs puisque j’avais interviewé Vladimir Boukovski il y a 20 ans. En 1986, quand L’Union Soviétique, le premier monstre qu’il a si vaillamment combattu, était toujours vivant et prospère.
M. Boukovski était l’un des héros du XXe siècle. Jeune homme il fit connaître l’utilisation de l’emprisonnement psychiatrique à l’encontre des prisonniers politiques dans l’ancienne Union Soviétique (Union des Républiques Socialistes Soviétiques, 1917 – 1991) et passa en tout 12 ans de sa vie (1964 – 1976), de sa 22e année à la 34e dans les prisons soviétiques, les camps de travail et les institutions psychiatriques.
En 1976, les soviétiques l’expulsèrent vers l’Ouest. En 1992, il fut invité par le gouvernement russe comme expert, témoignant au procès qui devait déterminer si le parti communiste soviétique était une institution criminelle.
Pour préparer son exposé M. Boukovski eut accès à un très grand nombre de documents des archives des services secrets soviétiques. Il est l’une des rares personnes à avoir jamais pu consulter ces documents parce qu’il sont toujours classés comme secrets. Utilisant un petit scanner à main et un ordinateur portable, il entreprit cependant de copier beaucoup d’entre eux (certains étant classés très sensibles), parmi lesquels des rapports du KGB au gouvernement soviétique.
Une interview de Vladimir Boukovski
Paul Belien: Vous étiez un célèbre dissident soviétique et maintenant vous faites le parallèle entre l’Union Européenne et l’Union Soviétique. Pouvez-vous expliquer cela ?
Vladimir Boukovski: Je fais référence à des structures, à certaines idéologies qui sont inculquées, à des projets, à sa direction et à son inévitable expansion, à l’affaiblissement des nations qui était aussi le but de l’Union Soviétique. La plupart des gens ne comprennent pas cela. Ils ne le savent pas, mais nous le savons parce que nous avons grandi en Union Soviétique où nous devions étudier l’idéologie soviétique à l’école et à l’université.
L’ultime but de l’Union Soviétique était de créer une nouvelle entité historique, le peuple soviétique, partout dans le monde.
C’est le but de l’UE aujourd’hui. Ils essayent de créer un nouveau peuple. Ils appellent ce peuple “les Européens” quoi que cela signifie.
Selon la doctrine communiste et selon plusieurs formes de pensée socialiste, l’Etat, l’Etat-nation doit disparaître.
En Russie, cependant, ils se passa le contraire. Au lieu de s’affaiblir, l’Etat soviétique devint très puissant mais les nationalités furent anihilées.
Mais lorsque l’URSS s’effondra, ces identités nationales revinrent comme des boomerangs et détruisirent presque le pays. Ce fut très effrayant.
PB : Pensez-vous qu’il puisse arriver la même chose lorsque l’Union Européenne s’effondrera ?
VB : Absolument, c’est comme un ressort : vous pouvez le contracter seulement jusqu’à un certain point, et vous savez que l’esprit humain est très résistant. Vous pouvez donc le contracter encore et encore, mais n’oubliez pas que pendant ce temps, il accumule de la force pour rebondir.
PB : Mais tous ces pays qui ont rejoint l’UE l’ont fait de leur plein gré.
VB : Non, ils ne l’ont pas fait volontairement. Prenons l’exemple du Danemark qui a voté à deux reprises contre le traité de Maastricht. Prenons celui de l’Irlande [qui a voté contre le traité de Nice]. De nombreux autres pays subissent une pression énorme. C’est presque du chantage. Les Suisses ont été contraints de voter cinq fois lors de référendums. A cinq reprises ils l’ont rejeté, mais qui sait ce qui arrivera la sixième fois, ou la septième ? C’est toujours la même chose. C’est un piège pour les idiots. Les peuples doivent voter par référendum jusqu’à ce qu’ils disent ce qu’on attend d’eux. Ensuite ils ne peuvent plus voter. Pourquoi arrêter ? Laissez nous continuer à voter. L’Union Européenne est ce que les Américains appelleraient un “shotgun marriage” [un mariage avec un pistolet sur la tempe, un mariage forcé - NdT].
PB: Que pensez-vous que les jeunes devraient faire à propos de l’Union Européenne? Sur quels points devraient-ils insister pour démocratiser l’institution, ou devraient-ils simplement y mettre un terme?
VB: Je pense que l’Union Européenne, comme l’URSS, ne peut pas se démocratiser. Gorbatchev avait essayé et il l’a faite exploser. Ce genre de structures ne peut pas se démocratiser.
PB: Mais nous disposons d’un Parlement européen élu par le peuple.
VB: Le Parlement européen est élu sur la base d’un scrutin à la proportionnelle [dans chaque pays], ce qui ne constitue pas une réelle représentation populaire. Et que vote-t-il ? Le pourcentage de graisse dans les yaourts ou ce genre de choses. C’est ridicule. Il lui a été donné la même tâche qu’au Soviet Suprême (parlement à l’époque de l’URSS NdT). En moyenne, les députés prennent la parole six minutes par an dans la chambre des députés. Ce n’est pas un réel Parlement.
Verbatim du discours de M. Boukovski à Bruxelles
En 1992, j’avais un accès sans précédent aux documents secrets du Politburo et du Comité Central, qui ont été classés comme secrets et le sont encore plus de 20 ans après. Ces documents montrent très clairement que l’idée de transformer le Marché commun européen en un Etat fédéral a été acceptée par les partis de gauche européens et Moscou comme un projet commun que [le leader soviétique] Gorbatchev appelait en 1988-89 notre “maison européenne commune”
L’idée était très simple. Elle est apparue en 1985-86, lorsque les communistes italiens rendirent visite à Gorbatchev, suivis des socio-démocrates allemands. Ils se sont tous plaints de ce que les changements dans le monde, en particulier après que [le Premier Ministre britannique Margaret] Thatcher ait introduit son programme de privatisation et libéralisation économique, menaçaient de détruire les conquêtes (pour reprendre leurs termes) de générations de socialistes et socio-démocrates – risquant de les renverser complètement. Par conséquent, la seule façon de résister à cet assaut de capitalisme déchaîné (comme ils l’appelaient) était d’introduire les mêmes objectifs socialistes dans tous les pays à la fois. Avant cela, les partis de gauche et l’Union Soviétique s’étaient opposés résolument à l’intégration européenne car ils la percevaient comme un moyen de bloquer leurs objectifs socialistes. A partir de 1985, ils changèrent complètement de vision. Les Soviétiques arrivèrent à une conclusion et un accord avec les partis de gauche sur le fait que s’ils oeuvraient ensemble ils pourraient prendre en otage le projet européen tout entier et le retourner. Au lieu d’un marché ouvert, ils en feraient un Etat fédéral.
D’après les documents [soviétiques secrets], c’ est en 1985-86 qu’eut lieu la période charnière. J’ai publié la plupart de ces documents. Vous pourriez même les trouver sur internet. Mais les conversations qu’ils contenaient sont très révélatrices. Pour la première fois, vous comprenez ce qu’est une conspiration – très facile à comprendre pour eux, qui essayaient de sauver leur peau politiquement. A l’Est, les Soviétiques avaient besoin d’un changement dans les relations avec l’Europe car ils étaient en train d’entrer dans une crise structurelle prolongée et très profonde ; à l’Ouest, les partis de gauche avaient peur d’être anéantis et de perdre leur influence et leur prestige. C’était donc bien une conspiration, assez ouvertement créée par eux, décidée et planifiée.
En janvier 1989, par exemple, une délégation de la Commission Trilatérale est venue voir Gorbatchev. Elle comprenait [l'ancien Premier Ministre japonais] Nakasone, [l'ancien Président] Giscard d’Estaing, [le banquier américain] Rockfeller et [l'ancien Secrétaire d'Etat US Henry] Kissinger. Ils eurent une conversation très aimable lorsqu’ils essayèrent d’expliquer à Gorbatchev que la Russie Soviétique devait s’intégrer aux institutions financières mondiales telles que le GATT, le FMI et la Banque Mondiale.
Au milieu de cette conversation, Giscard d’Estaing prit soudain la parole et dit: “Monsieur le Président, je ne peux pas vous dire exactement quand cela va avoir lieu – probablement au cours des 15 prochaines années – mais l’Europe va devenir un Etat fédéral et vous devez vous y préparer. Vous devez travailler avec nous, et les leaders européens sur la façon dont vous y réagirez, dont vous laisserez les autres pays d’Europe de l’Est interagir avec ou dont vous les laisserez y prendre part. Vous devez être prêt.
C’était janvier 1989, alors que le traité de Maastricht [de 1992] n’avait même pas été rédigé. Comment diable Giscard d’Estaing pouvait-il savoir ce qui allait se passer 15 ans plus tard? Et – surprise – comment est-il devenu l’auteur de la constitution européenne [en 2002-03] ? Très bonne question. Cela sent un peu la conspiration, n’est-ce pas?
Par chance pour nous, la composante soviétique de cette conspiration s’est effondrée plus tôt et n’a pas atteint le stade où Moscou a pu avoir une influence sur le cours des choses. Mais l’idée d’origine était d’avoir ce qu’ils appelaient une convergence, suivant laquelle l’Union Soviétique se serait quelque peu amollie en devenant plus sociale-démocrate tandis que l’Europe de l’Ouest serait devenue sociale-démocrate et socialiste. Alors il y aurait eu convergence. Les structures doivent être compatibles. C’est pourquoi les structures de l’Union Européenne ont été initialement construites afin de se marier aux structures soviétiques. C’est pourquoi elles sont si semblables dans leur fonctionnement et leur structure.
Ce n’est pas par hasard si le Parlement Européen, par exemple, me rappelle le Soviet Suprême. Il ressemble au Soviet Suprême parce qu’il a été conçu à son image. De la même manière, quand vous regardez la Commission Européenne, elle ressemble au Politburo. Je veux dire qu’elle y ressemble exactement, à l’exception du fait que la Commission a maintenant 25 membres alors que le Politburo avait normalement 13 ou 15 membres. Autrement les deux sont exactement identiques, ne rendant de comptes à personne, n’étant directement élus par absolument personne. Quand vous vous intéressez à toute l’activité étrange de l’Union Européenne avec ses 80 000 pages de règlements, elle ressemble au Gosplan. On avait une organisation qui planifiait toute l’économie, jusqu’à la dernière vis et au dernier boulon, cinq ans à l’avance. C’est exactement la même chose qui se produit dans l’UE. Quand vous regardez le type de corruption dans l’UE, c’est exactement le style de corruption soviétique, allant du haut vers le bas plutôt que du bas vers le haut.
Si vous passez en revue toutes les structures et les caractéristiques de ce monstre européen émergent, vous pourrez remarquer qu’il ressemble de plus en plus à l’Union Soviétique. Je vous prie de ne pas mal interpréter mes propos. Je ne dis pas que cette Union Européenne a un Goulag. Elle n’a pas de KGB -pas encore- mais j’observe de manière très attentive des structures comme l’Europol par exemple. Cela m’inquiète au plus haut point car cette organisation possédera certainement plus de pouvoirs que n’en avait le KGB. Ils auront l’immunité diplomatique. Pouvez-vous concevoir un KGB doté d’une immunité diplomatique ? Ils pourront nous poursuivre dans 32 types de crimes – deux d’entre eux étant particulièrement inquiétants, le racisme et la xénophobie. Aucune cour d’assises au monde ne définit quoi que ce soit de ce genre comme un crime [NdT : ce n'est pas entièrement vrai, par exemple la Belgique ou la France le fontt déjà]. Il s’agit donc d’un nouveau crime, à propos duquel nous avons déjà été mis en garde.Un membre du gouvernement britannique a déclaré que tous ceux qui désapprouvaient l’immigration incontrôlée en provenance du tiers-monde seraient considérés comme des racistes et que tous ceux qui s’opposaient à une expansion de l’intégration européenne seraient considérés comme xénophobes. Je pense que Patricia Hewitt l’a dit publiquement [Secrétaire d'Etat anglaise au commerce et à l'industrie entre 2001 et 2005 et Secrétaire d'Etat à la santé entre 2005 et 2007- NdT]
Nous voilà désormais prévenus. En attendant, ils introduisent toujours plus d’idéologie. L’Union Soviétique fut un Etat guidé par l’idéologie. Celle de l’Union Européenne d’aujourd’hui est sociale-démocrate, étatiste, et pour une bonne part également politiquement correcte. J’observe très attentivement comment le politiquement correct se propage et devient une idéologie répressive, sans parler du fait qu’elle interdise désormais de fumer pratiquement partout. Regardez la pression dont est victime la population, à l’instar de ce pasteur suédois qui fut persécuté des mois durant pour avoir dit que la Bible n’approuvait pas l’homosexualité. Et la France a justement adopté une loi réprimant les “discours de haine” envers les gays. La Grande-Bretagne est en train de faire la même chose au sujet des relations inter-raciales ainsi que des discours religieux, et ainsi de suite. Vous pourrez constater, avec du recul, que l’on assiste à une introduction systématique d’idéologies potentiellement amenées à imposer des mesures répressives. A croire qu’Europol n’a été conçu que pour cela. Autrement, pourquoi en aurait-on besoin ? Pour moi, Europol est une structure très suspecte. J’observe attentivement qui est persécuté, pour quoi et ce qu’il en advient, parce qu’il y a bien un domaine où je suis un expert : je sais comment les Goulags sortent de terre.
Il semble que nous vivions dans une période de démantèlement rapide, systématique et très soutenu de la démocratie. Regardez cette “Legislative and Regulatory Reform Bill” [loi de réforme législative et réglementaire]. Elle fait des ministres des législateurs qui peuvent introduire de nouvelles lois sans se soucier de le dire au Parlement ou à quiconque. Ma réaction immédiate est : pourquoi en avons-nous besoin? La Grande-Bretagne a survécu aux deux guerres mondiales, à la guerre avec Napoléon, à l’Armada espagnole, sans parler de la guerre froide, où on nous disait qu’une guerre nucléaire pourrait éclater à tout moment – sans qu’on ait besoin d’introduire ce genre de législation, sans qu’on ait besoin de suspendre nos libertés civiles et d’introduire un état d’urgence. Pourquoi en a-t-on besoin maintenant? Cela peut faire de votre pays une dictature en un rien de temps.
Aujourd’hui la situation est vraiment sinistre. Les principaux partis politiques ont été complètement capturés par ce nouveau projet européen. Aucun d’entre eux ne s’y oppose réellement. Ils sont devenus très corrompus. Qui va défendre nos libertés ? C’est comme si nous nous dirigions vers une sorte d’effondrement, une sorte de crise. L’issue la plus probable est qu’il va se produire un effondrement économique en Europe, ce qui arrivera en temps voulu avec l’augmentation des dépenses et des taxes. L’incapacité de créer un environnement économique compétitif, la réglementation excessive de l’économie, la bureaucratisation, va aboutir à un effondrement économique. En particulier l’introduction de l’euro a été une idée folle. La monnaie n’est pas censée être politique.
Je n’ai aucun doute à ce propos. L’Union européenne va s’effondrer, à peu près de la même façon que l’Union soviétique en son temps. Mais n’oubliez pas que lorsque des entités s’effondrent, elles laissent derrière elles des dévastations telles qu’une génération entière est nécessaire pour parvenir à un redressement. Pensez simplement à ce qu’il pourrait arriver en cas de crise économique. Les tensions entre les nations vont être gigantesques. Cela pourrait exploser. Regardez le nombre impressionnant d’immigrants venus du tiers-monde et qui vivent aujourd’hui en Europe. Cette immigration a été encouragée par l’Union Européenne. Que va-t-il se passer en cas d’effondrement économique ? Nous assisterons probablement, comme dans les dernières années de l’Union soviétique, à un développement inimaginable des conflits ethniques. Aucun pays n’a connu de tensions ethniques comparables à celles qui ont eu lieu en Union soviétique, à l’exception peut-être de la Yougoslavie. Et c’est exactement ce qu’il va se passer ici aussi. Nous devons nous préparer à cette situation. Le gigantesque édifice bureaucratique va s’effondrer sur nos têtes.
C’est pourquoi, et je le dis vraiment sincèrement, plus tôt nous en aurons fini avec l’Union Européenne, mieux ce sera. Plus tôt celle-ci s’effondrera, moins les conséquences que nous et les autres pays auront à subir seront importantes. Mais nous devons faire vite car les eurocrates, eux, agissent rapidement. Il sera difficile de les vaincre. Cela reste simple aujourd’hui. Si un million de personnes marchent sur Bruxelles, ces types s’enfuiront aussitôt aux Bahamas. Si demain la moitié de la population britannique refuse de payer ses impôts, il n’y aura aucune conséquence et personne n’ira en prison. Aujourd’hui nous avons encore la possibilité d’agir de cette manière. Mais je ne sais pas comment évoluera la situation demain avec l’émergence d’un Europol [organisme de coopération entre les polices de l'UE http://fr.wikipedia.org/wiki/Europol - NdT] entièrement réorganisé avec d’anciens membres de la Stasi [ancienne police politique d'Allemagne de l'Est - NdT] ou de la Securitate [ancienne police politique de la Roumanie pendant la période communiste - NdT]. Tout peut arriver.
Nous perdons du temps. Nous devons les vaincre. Nous devons nous asseoir et réfléchir, élaborer une stratégie aussi rapidement que possible pour obtenir un effet maximal. Sinon il sera trop tard. Comment je vois les choses ? Ma conclusion n’est pas optimiste. Jusqu’ici, malgré le fait que nous disposions de forces anti-UE dans presque tous les pays, cela n’est pas suffisant. Ils sont en train de nous battre et nous perdons du temps.
(Source)

Argumentaire de Boukovski
- L’URSS était gouvernée par 15 personnes non élues qui se cooptaient mutuellement et n’avaient à répondre à personne.

- L’UE est gouvernée par 2 douzaines de gens cooptés qui se réunissent à huit clos, ne répondent de leurs décisions à personne et ne sont pas limogeables.

- On pourrait dire que l’UE a un parlement élu, mais l’URSS avait aussi une espèce de parlement, le soviet suprême.

- Nous avalisions sans discussion les décisions du Poliburo tout comme le Parlement Européen où le temps de parole de chaque groupe est rationné et se limite souvent à une minute par intervenant.

- A l’UE, il y a des centaines de milliers d’eurocrates avec des émoluments énormes, leur personnel, leurs larbins, leurs bonus, leurs privilèges, leur immunité judiciaire à vie, simplement transférés d’un poste à un autre, quoiqu’ils fassent, bien ou mal. N’est-ce pas l’URSS toute crachée ?

- L’URSS fut crée par la contrainte, très souvent par l’occupation armée.

- On est en train de créer l’UE non pas par la force armée, mais par la contrainte et la terreur économique.

- Pour continuer d’exister, l’URSS s’est étendue toujours plus loin. Dès qu’elle a cessé de s’étendre, elle a commencé à s’écrouler.

- Je soupçonne qu’il en sera de même pour l’UE.

- On nous a dit que le but de l’URSS était de créer une nouvelle entité historique : le peuple Soviétique. Il fallait oublier nos nationalités, nos traditions et nos coutumes.

- Même chose avec l’UE semble t-il. Ils ne veulent pas que vous soyez anglais ou français, ils veulent faire de vous tous une nouvelle entité des européens, réprimer vos sentiments nationaux et vous forcer à vivre en communauté multinationale.

- 73 ans de ce système en URSS se sont soldés par plus de conflits ethniques que nulle part ailleurs au monde.

- Un des buts grandioses de l’URSS était de détruire les états-nations.

- C’est exactement ce que nous voyons en Europe aujourd’hui. Bruxelles a l’intention de phagocyter les états-nations pour qu’ils cessent d’exister.

- Le système soviétique était corrompu du haut jusqu’en bas.

- C’est la même chose pour l’UE.

- Les activités anti-démocratiques que nous avions vues en URSS fleurissent en Union Européenne.

- Ceux qui s’y opposent ou les dénoncent sont bâillonnés ou punis

- Rien n’a changé : en URSS nous avions le goulag. Je crois que nous l’avons aussi dans l’UE, un goulag intellectuel « politiquement correct ». Essayez de dire ce que vous pensez sur des questions de race ou de sexualité, et si vos opinions ne sont pas les bonnes, vous serez ostracisé. C’est le commencement du goulag, c’est le commencement de la perte de votre liberté.

- En URSS, on pensait que seul un état fédéral éviterait la guerre.

- On vous raconte exactement la même chose dans l’UE.

- Bref, c’est la même idéologie dans les deux systèmes. L’UE est le vieux modèle soviétique habillé à l’occidentale.

- Mais comme l’URSS, l’UE porte en elle les germes de sa propre perte. Hélas, quand elle s’écroulera, car elle s’écroulera, elle laissera derrière elle une immense destruction et de gigantesques problèmes économiques et ethniques.

- L’ancien système soviétique était irréformable. De même, l’UE.

Mais il y a une alternative à être gouvernés par deux douzaines de rond-de-cuir à Bruxelles L’INDÉPENDANCE. Vous n’êtes pas forcés d’accepter ce qu’ils vous réservent. On ne vous a jamais demandé si vous vouliez vous joindre à eux.

 

Source: http://www.les-crises.fr/un-ancien-dissident-sovietique-met-en-garde-contre-une-dictature-de-lue/


Draghi-Juncker-Schulz : vous n’aviez peut-être pas voté pour ça mais l’Europe fédérale est en marche, par Nicolas Goetzmann

Monday 4 August 2014 at 00:52

Photo de Kai Pfaffenbach, Reuters

Source : Atlantico

Que votre choix ait porté sur le PSE ou le PPE aux dernières élections européennes, ou que vous ayez voté pour un candidat extérieur à ces deux groupes, la marche de l’Union européenne est à sens unique, vers le mythe des États-Unis d’Europe. Pourtant de nombreux signes montrent qu’elle n’y est pas prête.

Les dernières élections européennes auront rapidement distillé leurs effets. En quelques semaines, une structure européenne basée sur un principe jusque-là majoritairement intergouvernemental est en passe de devenir une institution fédérale.

Le premier jalon de cette transformation fut la nomination de Jean-Claude Juncker à la tête de la commission européenne. Sa qualité de candidat officiel du parti majoritaire aux dernières élections, le PPE (parti populaire européen), lui aura permis de prétendre à ce rôle.

Et le Conseil européen, malgré quelques réticences, y aura finalement cédé. C’est donc bien l’idée d’une démocratie fondée sur la notion de peuple européen qui aura permis la nomination du Luxembourgeois à ce poste.

Et Jean-Claude Juncker est un fervent soutien au fédéralisme européen. Il a pu en faire la superbe démonstration en 2005, à la suite de l’infructueux référendum français sur la constitution européenne en déclarant :

Nous devons constater que dix pays ont ratifié le traité constitutionnel, tandis que deux autres, la France et les Pays Bas, l’ont rejeté. Nous avons pensé, non pas parce que nous serions des obstinés et des acharnés ou des aveugles, que le traité constitutionnel n’était pas la question, mais que le traité constitutionnel était la réponse aux problèmes que de très nombreux Européens peuvent rencontrer vis-à-vis de l’Union européenne. Par conséquent, nous avons décidé de poursuivre le processus de ratification.

L’argument est implacable. La majorité des Etats est favorable à la Constitution, ce qui permet d’exercer une contrainte sur ceux qui se retrouvent dans la position du contestataire. La seule discussion qui reste ouverte à ce stade est celle de la souveraineté. Pour Jean Claude Juncker, la souveraineté n’existe qu’au niveau européen et non pas à l’échelon national.

Vient alors le tour de Mario Draghi, Président de la Banque centrale européenne, qui dans un discours prononcé à Londres ce 9 juillet, rejoint cette vision fédéraliste européenne en déclarant :

Individuellement, les gouvernements nationaux  ne sont pas assez forts. Pour servir leurs intérêts, ils doivent apprendre à gouverner ensemble, ils doivent apprendre à être souverains ensemble pour répondre aux besoins de leurs citoyens. Aujourd’hui, ces besoins sont la croissance et l’emploi.

Voilà pourquoi je crois que le niveau de gouvernance communautaire ne devrait pas s’appliquer qu’à la politique fiscale ou à l’union bancaire, mais aussi aux réformes structurelles.

Ce que Mario Draghi annonce ici est une volonté de transférer à l’échelon communautaire ce qu’il reste du pouvoir économique “national”, ce qu’il reste aux pays européens de la maîtrise de leur destin. Pour ce faire, Mario Draghi se justifie en comparant l’Europe aux Etats-Unis :

Il existe de nombreuses unions politiques à travers le monde dont la cohésion est maintenue parce que les régions ou Etats bénéficient de transferts fiscaux récurrents provenant de leurs pairs, typiquement à travers les opérations d’un budget central. Il est alors possible pour ces régions plus fragiles de maintenir des déficits extérieurs récurrents alors que les régions les plus fortes fournissent des surplus permanents. C’est le cas des Etats-Unis, mais cela est également vrai de la plupart des pays européens.

Les Etats européens sont ici relégués au stade inférieur, ils ne sont plus que les régions d’un ensemble plus vaste. La comparaison avec les Etats-Unis n’en est que plus hasardeuse, car jusqu’à preuve du contraire, les Etats-Unis forment une nation.

Mais cette vision est également partagée par Martin Schulz, Président du Parlement européen, et membre du PSE (parti socialiste européen), qui scellait en octobre dernier un accord avec Angela Merkel. Comme le rapportait alors le quotidien allemand Der Spiegel, Martin Schulz et Wolfgang Schäuble, ministre des finances allemand, s’accordaient sur une même ligne :

Wolfgang Schäuble “a préconisé d’accélérer la coopération entre les pays de la zone euro en matière de politique économique et unemodification du traité de Lisbonne” (…) ; “Schäuble veut donner plus de pouvoirs à la Commission européenne, nommer un Ministre européen des finances, pour pouvoir intervenir dans les décisions budgétaires nationales.”

Le fédéralisme est bien en marche.

La démocratie à l’échelle européenne ou l’invention du concept de peuple multinational. Un concept qui suppose une virtualité politique ; la supériorité du lien qui unit deux Européens au lien qui unit deux nationaux. Alors que François Hollande a été élu sur la base d’une participation de plus de 80% et que les élections européennes n’en ont recueilli que 43%, c’est pourtant cette seconde dimension qui est en passe de prendre le dessus. La dimension nationale du vote ne compte plus, elle se dissout dans un ensemble communautaire, comme avait pu le souligner Jean-Claude Juncker. La recherche de la convergence des intérêts nationaux cède la place à l’ensemble. La défiance, la perte des repères, sont immenses mais le processus continue.

Un processus que le Philosophe allemand Jürgen Habermas, pourtant lui aussi fédéraliste, rejette également, mais pour une autre raison :

Le processus d’intégration européenne, qui s’est toujours fait sans consulter la population, est aujourd’hui arrivé dans une impasse”.  Les élites “se cachent la tête dans le sable” ; “Elles s’obstinent à poursuivre leur projet élitiste et à priver la population européenne de ses droits.

Car l’enjeu est bien double. D’une part les élites européennes agissent en faisant abstraction des votes dans leur dimension nationale et sacralisent cette nouvelle dimension européenne, ce qui est déjà en soi un sujet de discussion. Et d’autre part, comme le souligne Habermas, les élites européennes s’approprient une certaine idée de la démocratie représentative. En ce sens que les populations sont appelées à voter pour des représentants qui les gouvernent, mais dans un système qui entretient une “certaine distance” entre le peuple et ceux qui le gouvernent. C’est-à-dire une forme de démocratie “aristocratique”.

Le meilleur argument contre la démocratie est fourni par une conversation de cinq minutes avec l’électeur moyen

Si telle est la vision défendue en Europe aujourd’hui, il faudrait au moins en être à la hauteur.

La mise en place d’un mode de gouvernement supranational est une expérimentation sur laquelle s’empile cette approche aristocratique de la démocratie, et qui, ensemble, forment un vide. Un vide immense qui sépare l’électeur moyen de ses représentants. Un vide immense qui ne pourra être toléré par les populations que si la recherche du bien commun est perçue comme prioritaire.

Et pour le bien commun, les objectifs ne semblent pas tout à fait atteints. Le chômage au sein de la zone euro est aujourd’hui largement supérieur à son niveau antérieur à la création de la monnaie unique, les niveaux de dettes y sont supérieurs de 30% et la croissance n’existe tout simplement plus.

La réalité de l’Europe actuelle est que ses dirigeants ne sont pas à la hauteur de leur ambition élitiste et extensive du pouvoir.

Mais rien n’y fait, la course en avant reprend de plus belle.

Nicolas Goetzmann

Autres billets sur la crise de l’Union Européenne

Source: http://www.les-crises.fr/draghi-juncker-schulz-vous-naviez-peut-etre-pas-vote-pour-ca-mais-leurope-federale-est-en-marche-par-nicolas-goetzmann/


Il y a 100 ans : la guerre…

Sunday 3 August 2014 at 01:25

Journée de souvenir aujourd’hui…

P.S. Quand je pense que le 1er janvier
1/ je savais à peine où était l’Ukraine
2/ je me rappelle m’être dit “tiens, il faudra que je n’oublie pas de faire un billet sur la guerre début aout. Ben, du coup, je ne risquais pas d’oublier ! :(

1er aout


 










2 aout















3 aout










4 aout

(je l’aime bien celui-là, on sent qu’il peut facilement resservir ne plus…)

 


 










5 aout













Le bilan de la guerre

P.S. Merci à JPS pour son aide :)

Source: http://www.les-crises.fr/il-y-a-100-ans-la-guerre/


Revue de presse internationale du 03/08/2014

Sunday 3 August 2014 at 00:01

Tout va bien économiquement en Allemagne, en Europe et dans le monde, comme du côté du système financier ; le dollar se défend à coup d’amende et de campagne de presse ; plus quelques articles variés et même un en français oublié dans la revue d’hier.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-03-08-2014/