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Ukraine : nouvelles sanctions de l’UE, « incohérentes » pour la Russie

Thursday 19 February 2015 at 00:10

Comme les pro-Russes sont signé l’accord de paix, on sanctionne la Russie – imparable !

Selon le président du Conseil européen Donald Tusk, l’Europe a une confiance limitée dans la bonne volonté de Vladimir Poutine.

Dans le Journal officiel de l’Union européenne est parue ce lundi 16 février une liste de personnes frappées par un nouveau train de sanctions à l’encontre de Russes et de séparatistes pro-russes d’Ukraine orientale. Des sanctions qui surviennent au lendemain de la première journée de cessez-feu et qui ont immédiatement été dénoncées comme absurdes par la Russie.

Avec notre bureau de Bruxelles,

Sur la liste figurent de nombreux prétendus ministres des républiques autoproclamées de Lougansk ou Donetsk, ainsi que des commandants de milices pro-russes. Au total, 151 personnes sont désormais sous le coup de sanctions européennes ainsi que 37 entités. En effet, ce nouveau train de sanctions touche également neuf unités paramilitaires, et notamment la garde nationale cosaque, le bataillon de la Mort, la brigade Prizrak et le bataillon Sparte.

Pour le ministère russe des Affaires étrangères, ces nouvelles sanctions européennes sont « incohérentes et illogiques » et la Russie accuse l’UE « d’introduire de nouvelles restrictions antirusses à chaque fois qu’il y a un espoir de régler la crise ukrainienne ». Parmi les 19 personnes interdites depuis ce lundi de visa pour l’UE et dont les avoirs en Europe sont gelés, figurent cinq russes accusés de soutenir les séparatistes ukrainiens, voire le déploiement de troupes. Parmi eux, deux vice-ministres de la Défense, un chef d’état-major et deux députés de la Douma.

Malgré la signature des accords de Minsk jeudi, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, avait affirmé que l’Europe avait une confiance limitée dans la bonne volonté de Vladimir Poutine. Les Européens ont donc décidé d’appliquer ces sanctions dont le principe avait été décidé après la mort de 30 civils il y a deux semaines dans les bombardements de Marioupol. Le but est de maintenir la pression de manière à pousser la Russie à mettre en œuvre les accords.

Source : RFI

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-nouvelles-sanctions-de-lue-incoherentes-pour-la-russie/


[On vit une époque formidable] Quand 7 sénateurs UMP veulent réintroduire les coupures d’eau…

Wednesday 18 February 2015 at 18:30

Dans l’indifférence générale en plus, personne n’en parle dans les médias mainstream

L’affaire

Coupures d’eau : Veolia et Suez vont-elles réécrire la loi ?

Depuis près de deux ans, les coupures d’eau sont interdites en France, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays. Cette simple mesure de respect de la dignité humaine risque aujourd’hui d’être remise en cause au Sénat, où le lobby français de l’eau a fait déposer un amendement autorisant à nouveau ces coupures.

C’est une disposition de la loi Brottes de 2013 (du nom du député socialiste de l’Isère François Brottes), qui consacre en France le principe du droit à l’eau reconnu par les Nations unies en 2010. Elle reste peu appliquée jusqu’à ce que deux associations, France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France, se saisissent de l’affaire (lire notre article). Elles lancent un appel à témoignages et identifient des dizaines de cas de coupures d’eau illégales, majoritairement du fait des grandes entreprises privées de l’eau, Veolia en tête. Elles assignent ensuite en justice Veolia, Suez environnement et la Saur (propriété de BNP Paribas et du groupe BPCE), ainsi que les régies publiques de l’eau qui s’adonnent à ce type de pratiques. Les juges donnent systématiquement raison aux plaignants.

Visiblement las d’accumuler les condamnations et les amendes, le lobby français de l’eau a décidé de réagir. Pour exercer leur influence au Sénat, les multinationales n’ont pas choisi la discrétion puisqu’elles ont recours à l’un de leurs relais favoris, Christian Cambon, le sénateur-maire UMP de Saint-Maurice (Val-de-Marne). Lui-même est le vice-président du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), principal contrat de Veolia en France. Son dauphin désigné à la mairie de Saint-Maurice n’est autre que le directeur des relations extérieures de la Lyonnaise des Eaux (Suez) et trésorier de Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E).

Christian Cambon a proposé un amendement au projet de loi sur la transition énergétique (sic) autorisant de nouveau les coupures d’eau, sauf pour les bénéficiaires d’aides sociales. Comme le soulignent les associations, cet amendement ignore la réalité des travailleurs pauvres et du non-recours massif aux aides sociales. Il cherche à réaffirmer la logique marchande en revenant sur l’inconditionnalité du droit à l’eau. Le vote doit avoir lieu mercredi : on saura alors qui fait vraiment la loi au Sénat.

Olivier Petitjean, Bastamag 17/02

Coupures d’eau : l’amendement scélérat du sénateur Cambon

Le rapport public annuel de la Cour des comptes vient de pointer, une fois de plus, le fiasco de la politique de préservation de l’eau en France, le manque de transparence et la mainmise des lobbies, conduisant à ce que « plus on pollue l’eau, moins on est taxé ». C’est le moment choisi par le sénateur (UMP) Christian Cambon, l’un des piliers de ce système (1), pour déposer un amendement scélérat visant à rétablir les coupures d’eau pour impayés, rendues illégales par la loi Brottes ! Fidèle à la règle de l’opacité, l’amendement a été déposé, en catimini, dans le projet de loi sur la transition énergétique…

La loi Brottes a interdit les coupures d’eau pour impayés dans les résidences principales, tout au long de l’année et pour tous. C’est sur cette disposition que voudrait revenir M. Cambon, en limitant la protection de la loi aux personnes connaissant des difficultés particulières, en pratique les bénéficiaires du FSL ou d’autres dispositifs sociaux, mais pas à tous les citoyens, pour ne pas encourager « les mauvais payeurs ».

Ce raisonnement est très loin des réalités. Les personnes en difficultés financières, passagères ou durables, ne se réduisent pas aux ménages aidés, loin s’en faut. D’abord, nombre de ceux qui pourraient prétendre à des aides, n’en bénéficient pas. C’est le phénomène du non-recours aux aides sociales, qui est massif (Cela représente 35% de ceux qui pourraient bénéficier du RSA socle, près de 70% pour le RSA activité,). Double peine, ceux-là qui ne touchent pas d’aide sociale, bien qu’ils y aient droit, pourraient se voir couper l’eau, grâce à M. Cambon !

Ensuite, des gens en réelles difficultés se trouvent aussi parmi les travailleurs pauvres qui n’ont pas droit aux aides sociales. Ceux-là aussi pourraient se voir couper l’eau, grâce à M. Cambon.

La seule façon de s’assurer que toutes les personnes en difficultés soient à l’abri d’une coupure d’eau, c’est qu’il n’y ait plus aucune coupure d’eau, comme le prévoit la loi Brottes. C’est le respect du droit à l’eau pour tous qui permet de garantir l’eau aux plus démunis.

On ne dira jamais assez la violence exercée par les coupures d’eau, l’atteinte à la dignité humaine que cela constitue. Les enfants qui ne vont plus à l’école. Les risques pour la santé des plus petits et des plus âgés. Les personnes qui sont isolées de ce fait. Et de l’autre côté, chez les distributeurs d’eau, les salariés qui sont malades de faire ce sale boulot, qui se cachent pour couper l’eau… Il faut en finir avec les coupures d’eau pour le bien de tous.

L’amendement de M. Cambon est une déclaration de guerre aux pauvres, pour préserver le business des coupures d’eau, pour accroître encore la puissance des plus forts. Mais il n’est pas dit que le « talon de fer » l’emporte : maintenant que l’amendement scélérat est révélé au grand jour, que des associations et des citoyens le dénoncent, les parlementaires peuvent s’y opposer et le rejeter.

Dans ce cas, on retiendra seulement que M. Cambon reconnaît que la loi Brottes interdit les coupures d’eau. Une réalité niée par les distributeurs qui continuent à couper l’eau. Et qui leur vaut des condamnations régulières par les tribunaux. A la prochaine audience contre les coupeurs d’eau, nous citerons donc M. Cambon. Qui, pour une fois, servira le droit à l’eau malgré lui….

(1) Christian Cambon est le plus ancien vice-président du SEDIF où il a assuré, aux côtés de M Santini, le renouvellement du contrat de délégation au bénéfice de Veolia ; il est maire de Saint Maurice ; son adjoint aux finances appelé à lui succéder, Igor Semo est directeur des relations extérieures de la Lyonnaise des Eaux (Suez) et trésorier de Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E). Proche à la fois de Veolia et de Suez, Christian Cambon est idéalement placé pour porter la voix du lobby de l’eau au sénat.

Source : http://eau-iledefrance.fr/

L’amendement Cambon

AMENDEMENT 146

présenté par

MM. CAMBON, REVET, P. LEROY, PIERRE et J. GAUTIER, Mme PROCACCIA et M. de NICOLAY

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 60

Après l’article 60

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est complétée par les mots : « à la résidence principale de toute personne ou famille mentionnée au premier alinéa du présent article ».

Objet

Le présent amendement corrige une erreur résultant des dispositions adoptées dans le cadre de la loi n° 2013312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, et qui contrevient à l’intention du législateur.

OB : Rappel législatif. Avant 2013, il y avait une trêve hivernale pour les coupures d’électricité, de gaz et de chaleur, et annuelle pour l’eau, réservée aux  très pauvres.

La proposition de loi Brottes a enlevé la limitation aux très pauvres en 2013 (art 8 ici). Je cite “La mesure tant attendue d’une trêve hivernale généralisée sera enfin instaurée. [...] L’article 8 prévoit l’extension de la trêve hivernale, qui concerne l’électricité, le gaz et la chaleur, à l’ensemble des consommateurs.”

Donc finalement, le choix clair de la majorité devient “une erreur” pour ces sénateurs…

Celui-ci entendait en effet étendre la trêve hivernale en matière de coupure de gaz naturel, d’électricité et de chaleur à l’ensemble des consommateurs, par la modification de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles.

La modification législative opérée a in fine conduit à interdire les coupures d’eau toute l’année pour l’ensemble des résidences principales, alors que cette interdiction était jusque-là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficié du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL).

OB : Ce qui tombe sous le sens : on voit mal du coup pourquoi on ne pourrait pas couper l’électricité à tout le monde en hiver, mais on pourrait couper l’eau pour les “moins pauvres”…

Il n’est donc désormais plus possible d’établir une différence de traitement entre les mauvais payeurs et ceux qui ne payent pas parce qu’ils n’en n’ont pas les moyens, ce qui pourrait encourager des comportements non-citoyens.

Ben voui, il faut lutter contre tous ces profiteurs à Neuilly qui désormais refusent de payer l’eau…

Je rappelle aussi que ce n’est pas parce qu’on ne coupe plus l’eau que les sommes dues ne sont plus exigibles : la compagnie peut toujours attaquer le client au tribunal…

Les impacts financiers pourraient être importants. En effet, les impayés représentent actuellement moins de 1 % des factures. Au Royaume-Uni, seul pays européen dans lequel l’interdiction des coupures d’eau aux habitations principales a été prise en 1999, cette mesure a conduit à une forte augmentation des impayés car certains abonnés ont retardé le paiement. Le montant des impayés a ainsi été multiplié par 5, ce qui a conduit à une augmentation globale du prix du service de l’eau (de l’ordre de 3 %) également supporté par les plus démunis.

Ah, si c’est pour aider les plus démunis qu’il faut leur couper l’eau alors…

Et puis 3 % de plus (si c’était vrai), ça ferait vite 10 € par an (dans mon cas, j’ai vérifié…) à cause de ses sales pauvres profiteurs !

Soit presque autant que le coût de l’arbitrage foireux Tapie (approuvé par l’UMP) par foyer (400 M /32 M = 12,5 €)…

Les services gérés en régie par les collectivités elles-mêmes risquent d’être particulièrement impactées, car elles disposent de moins de moyens que les grandes compagnies d’eau pour assurer le recouvrement des impayés.

Le présent amendement vise donc à modifier le 3ème alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles afin d’éviter un effet contre-productif de l’interdiction des coupures sur l’accès à l’eau, tout en prévoyant d’interdire les coupures d’eau pour les familles en difficulté tout au long de l’année.

Ce qu’il appelle “en difficulté” ici, c’est entre 500 000 et 1 million de français

Rappel : La France compte entre 5 et 8,6 millions de pauvres selon la définition adoptée. Depuis 2002, le nombre de personnes concernées a augmenté de 1,3 million.

L’expérimentation prévue par les dispositions de la loi du 15 avril 2013 susvisée visant à favoriser l’accès à l’eau et mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau permettra aux collectivités concernées de définir, de mettre en œuvre et d’évaluer des solutions adaptées à leur contexte local afin de rendre effectif, sur leur territoire, le droit à l’eau potable des personnes physiques.

Ah, donc pour rendre effectif le droit à l’eau potable, on va donc rétablir les coupures d’eau… C’est brillant un sénateur quand même !

A l’issue de cette expérimentation, le bilan des mesures mises en place doit permettre de dégager des solutions généralisables à l’ensemble des communes et de leurs groupements compétents en matière d’eau potable et d’assainissement, sans remettre en cause leur durabilité.

Agir !

L’amendement sera étudié demain ou le 3 mars…

Bon s’il passe, il finira surement retoqué à l’Assemblée, mais dans l’optique de 2017, ce serait bien qu’à l’UMP ils se rendent compte qu’on les a vus – et que cette initiative soit tuée dans l’oeuf…

Je vous ai donc mis le mail des sénateurs ici si vous avez été choqué et que vous voulez protester :

A commencer surtout par Christian Cambon, qui est l’auteur de l’amendement

puis les autres signataires :

Louis-Jean de Nicolaÿ (une publicité vivante pour 1789…)
Charles Revet
Philippe Leroy
Jackie Pierre
Jacques Gautier
Catherine Procaccia

MAIS le plus efficace reste un coup de fil rapide à leur secrétariat, via le standard du Sénat : 01 42 34 20 00

A suivre…

Source: http://www.les-crises.fr/quand-7-senateurs-ump-veulent-reintroduire-les-coupures-deau/


[Entraide + Question] Amateurs d’Histoire

Wednesday 18 February 2015 at 07:47

Bonjour

Entraide Histoire

Nous aurions besoin d’un peu d’aide pour des petites recherches sur Internet + rédaction de courtes synthèses, en lien avec l’Histoire et la Propagande de guerre.

Nous cherchons des personnes ayant la curiosité pour l(Histoire, de la rigueur, se débrouillant en recherches internet – voire en plus avec de bonnes qualités de rédaction (même si on peut segmenter le travail).

Rien de très compliqué non plus – ça restera de niveau Licence / Master… Profil Historien, Sciences Po, Journaliste, etc. bienvenu…

Et rien de très long non plus, la participation peut être unique sur un seul sujet si vous souhaitez…
Contactez-nous ici

Question

Nous réfléchissons à plusieurs billets sur des évènements importants du début du XXe siècle passés sous silence dans nos manuels scolaires (généralement car ils sont à notre détriment : meurtres, coups d’État etc.), pour la France ou des pays étrangers (USA…).

L’idée est d’avoir un autre regard sur l’Histoire, toujours dans une idée de contre-propagande, la propagande étant ici le silence

Afin que nous n’en oublions pas, pourriez-vous nous aider en nous indiquant en commentaire ceux qui vous paraitraient utiles de traiter, et en nous indiquant des livres que vous nous recommandez par rapport à la liste indiquée svp ?

Nous vous proposons ici de traiter de la fin du XIXe siècle à la fin de la 2e guerre mondiale. (on refera un appel pour la suite)

Nous avons identifié ceci :

Merci aussi pour vos idées de zooms à apporter sur des évènements méconnus de la première et de la seconde guerre mondiale (je rappelle que l’idée est d’avoir une vision d’évènements qui nous soient inconfortables (ou à nos alliés), pas juste des évènements importants oubliés)…

Merci d’avance !

Olivier Berruyer

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-amateur-d-histoire/


[Parabole] Mon voisin Charlie

Wednesday 18 February 2015 at 05:30

Parabole fictive…

Je m’appelle Youcef.

Je suis égyptien, et je suis arrivé en France il y a 10 ans.

J’habite au rez-de-chaussée d’une petite résidence.

Les 9 premières années, tout allait bien.

Jusqu’à ce qu’arrive il y a 1 an un nouveau voisin au dessus de chez moi, Charlie.

Au début, je l’ai trouvé très sympa, il rigolait souvent (un peu pipi-caca, mais bon…).

Mais un jour où on se croisait dans le couloir, on a papoté, et il m’a demandé pourquoi je laissais ouverts les volets de ma chambre la nuit.

Je lui ai alors expliqué que, copte, j’avais une religion assez rare, descendant des cultes égyptiens millénaires, vénérant le Dieu soleil Râ, et son prophète Akhenaton. Et que j’aimais être réveillé par sa lumière.

Charlie a paru très étonné – j’ai alors compris qu’il n’aimait pas les religions du tout – ce qui est bien son droit.

Mais comme ma religion condamne toute violence, je ne m’inquiétais pas trop, et je l’ai rassuré.

Il m’a alors demandé s’il y avait des contraintes. Je lui expliquais que nous n’en avions qu’une : ne jamais insulter Akhenaton, en respect de son message de paix et d’amour universels.

Charlie a beaucoup rigolé, et est parti.

La semaine d’après, un soir en rentrant de mon travail, j’ai eu la surprise de découvrir sur son balcon, tout du long, une grand pancarte avec écrit “EN FRANCE, ON ENCULE AKHENATON”, avec des dessins orduriers…

J’ai été choqué, je ne le comprenais pas : mais que lui avais-je fait pour mériter ça, lui qui ne connaissait pas Akhenaton avant que je lui en parle ?

Je lui ai demandé, et il m’a répondu : “mais c’est pour rigoler avec les copains, je suis chez moi je fais ce que je veux, tu n’as qu’à pas regarder”…

Je respecte vraiment sa liberté d’expression, mais je n’ai pas compris son action, qui attristait toute ma famille.

Comme au bout de 15 jours la pancarte était toujours là, je décidais alors de ne plus brider non plus ma liberté, et me suis mis à écouter ma musique un peu plus tard le soir.

Je me suis alors rendu compte qu’ils n’enlevaient plus leurs chaussures au-dessus.

Du coup, j’ai mis ma télé au volume que j’aimais bien - vive le Home cinéma !

Au bout de 6 mois, se croisant dans le couloir, on en est venu à se disputer, puis à se battre.

La vie dans l’immeuble est maintenant devenue très pénible, l’irrespect s’étant généralisé.

Et je me pose toujours cette question : mais qu’est-ce que j’avais bien pu faire à Charlie pour qu’il fasse cette pancarte ?

Source: http://www.les-crises.fr/parabole-mon-voisin-charlie/


Yanis Varoufakis : “Ce n’est pas l’heure pour les jeux en Europe”

Wednesday 18 February 2015 at 01:00

Intéressante tribune du ministre grec des finances… (on peut discuter de sa vision, mais dites donc, il doit faire tâche dans les réunions européennes lui qui sait vraiment de quoi il parle…)

Un mot sur la crise : je suis quand même très surpris de la naïveté des commentateurs sur les stratégies cachées des acteurs.

Et je pense surtout à un : l’Allemagne. On constate qu’elle est extrêmement rigide, mettant clairement en danger un accord.

MAIS je vois peu d’analystes se demander si ce n’est tout simplement car elle ne veut plus de l’euro : ça a été un système optimal pour elle, mais elle comprend bien qu’il n’est pas durable et que la transition entre ces 2 modes est proche, et qu’elle devra donc financer les autres pays bien plus qu’auparavant. Le tout dans un cadre où la BCE prend des décisions contraires à la vision et aux intérêts allemands (je rappelle que la Bundesbank a attaqué la BCE devant les tribunaux – une paille !!!).

Il serait donc tout à fait rationnel pour l’Allemagne de vouloir sortir de l’euro (pour le surcout futur du mark, eh bien oui, ce sera moins bien pour elle qu’aujourd’hui, mais pas très différent d’avant hier où le pays se portait fort bien).

Mais le poids de l’Histoire ne permet pas à l’Allemagne de tenir ce discours. Il lui faut donc rejeter la faute sur d’autres, et la Grèce est une occasion qui risque de ne pas se reproduire de sitôt.

Ainsi, il se peut bien que la question actuelle soit “L’Allemagne veut-elle encore de l’euro ou pas” – réponse d’ici la semaine prochaine…

P.S. c’est mal enclenché :

“Dialogue de sourds ou bras de fer tendu? Au lendemain de l’échec de la réunion de l’Eurogroupe au sujet de la Grèce, les Etats européens et l’Etat grec campent toujours sur leurs positions. Les premiers exigent d’Athènes le prolongement du programme de redressement, tandis que le gouvernement dirigé par Alexis Tsipras refuse de repartir sur les mêmes bases.

Mardi, une source gouvernementale a indiqué que la Grèce «n’acceptera pas d’ultimatum». «Le gouvernement grec est déterminé à honorer le mandat populaire et l’histoire de la démocratie en Europe», ajouté cette même source, qui assure que le texte présenté lundi soir lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro «comprenait des points qu’Athènes ne pouvait pas accepter, comme l’extension technique de six mois du programme actuel, qualifiée d’étape transitoire».

Selon cette source, le texte proposé par Athènes lors de cette réunion comprenait des «mesures visant à adopter un système d’imposition plus juste, à limiter les répercussions de la crise humanitaire ainsi que des mesures pour l’allégement de la dette». «Ces points, assure la source, sont les bases pour une extension de l’aide actuelle qui pourrait prendre la forme d’un programme intermédiaire de quatre mois, qui sera une phase transitoire vers un accord qui va conduire à la croissance en Grèce.»

De leur côté, l’Europe continue de se montrer inflexible. «Il n’y a pas de plan B» dans le cadre des négociations avec la Grèce, a notamment assuré mardi le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. «Le plan A, pour la Commission, c’est un accord à 19 [au sein de la zone euro]. C’est le seul sur la table», a renchéri le porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas. «Il faut passer de l’idéologie à la logique», a-t-il dit à l’adresse des Grecs, en reprenant une formule de Pierre Moscovici.

La Commission européenne s’est dite mardi «dans une recherche de solution à 19», et a promis de «jouer son rôle de facilitateur». Elle a toutefois démenti l’existence d’un document que les Grecs étaient à deux doigts de signer la veille, comme l’a affirmé le ministre des Finances, Yanis Varoufakis. «Il y a eu des documents élaborés, mais aucun document mis sur la table, et donc aucun document rejeté par la Grèce», a renchéri le Français, Michel Sapin.

Pour les Européens, la seule option viable est une extension du programme d’aide grec en cours, qui expire le 28 février. La zone euro a fixé un ultimatum à Athènes jusqu’à vendredi et souhaite qu’elle fasse une demande formelle par lettre, selon plusieurs sources proches du dossier. «Le seul terrain connu qui permette d’avoir un peu de temps, de tranquillité et de calme, c’est la prolongation du programme précédent. C’est un travail qui doit continuer pour aller jusqu’au bout dans les quelques heures qui restent», a averti Michel Sapin. Une extension du programme de redressement grec comporterait la «flexibilité que les règles comportent», a-t-il souligné.” Source

“Ce n’est pas l’heure pour les jeux en Europe”

Par Yanis Varoufakis. Article paru dans le New YorkTimes, le 17 février 2015: No Time for Games in Europe [traduction: JFG/OG-QuestionsCritiques]

ATHÈNES — J’écris cet article en marge d’une négociation cruciale avec les créanciers de mon pays – une négociation dont le résultat pourrait marquer toute une génération, et même s’avérer être le tournant décisif de l’expérience européenne d’une union monétaire. Les théoriciens des jeux analysent les négociations comme si elles étaient des jeux où des joueurs purement motivés par leur intérêt personnel se partagent un gâteau. Parce que j’ai passé de nombreuses années durant ma précédente vie en tant que chercheur universitaire à étudier la théorie des jeux, certains journalistes ont présumé hâtivement que, en tant que nouveau ministre des finances de la Grèce, j’élaborais activement des bluffs, des stratagèmes et des options de sortie, m’efforçant au mieux d’améliorer une mauvaise main.

Rien ne pourrait être plus loin de la vérité.

Mon expérience en matière de théorie des jeux m’a plutôt convaincu de la pure folie que ce serait d’imaginer que les délibérations actuelles entre la Grèce et nos partenaires sont un jeu de marchandage qui peut être gagné ou perdu au moyen de bluffs et de subterfuges tactiques.

Le problème avec la théorie des jeux, comme je le répète à mes étudiants, est qu’elle présume que les motivations des joueurs vont de soi. Au poker ou au black-jack cette supposition ne pose aucun problème. Mais dans les délibérations actuelles entre nos partenaires européens et le nouveau gouvernement de la Grèce, ce dont il s’agit est de changer les motivations des uns et des autres. De faire naître un nouvel état d’esprit qui soit capable de transcender les divisions nationales, d’abattre la distinction entre créancier et débiteur au profit d’une vision pan-européenne, de placer le bien commun européen au-dessus des considérations dogmatiques de la politique politicienne, toxiques si on ne leur tient pas la bride, et de rompre avec la vision manichéenne de la politique européenne.

La grande différence entre ce gouvernement et les gouvernements grecs précédents est double : nous sommes déterminés à entrer en conflit avec les puissants intérêts particuliers afin de permettre à la Grèce de redémarrer et de gagner la confiance de nos partenaires. Nous sommes également déterminés à ne pas nous laisser traiter comme une colonie fiscale à laquelle certains peuvent imposer comme bon leur semble toutes les souffrances qu’ils jugent nécessaires. Le principe qui demande l’imposition de l’austérité la plus sévère à l’économie la plus déprimée serait ridicule s’il n’était la cause d’autant de souffrance inutile.

On me demande souvent : et si la seule façon d’obtenir un financement est de franchir vos lignes jaunes et d’accepter des mesures que vous considérez comme faisant partie du problème, plutôt que partie de la solution ? Fidèle au principe selon lequel je n’ai pas le droit de bluffer, ma réponse est la suivante : les lignes que nous avons présentées comme étant jaunes ne seront pas franchies. Autrement, elles ne seraient pas vraiment des lignes jaunes, mais seulement du bluff.

Mais si cela devait amener encore plus de souffrance à votre peuple ? me demande-t-on. Vous devez certainement bluffer.

Le problème avec cet argument est qu’il présuppose, comme le fait la théorie des jeux, que nous vivons dans un monde où l’on est entravé par la peur des conséquences. Dans un monde où il n’existe aucune circonstance où nous devons faire ce qui est juste, non pas en tant que stratégie, mais simplement parce que c’est… juste.

Contre un tel cynisme, le nouveau gouvernement grec innovera. Nous mettrons un terme, quelles qu’en soient les conséquences, aux accords qui sont mauvais pour la Grèce et pour l’Europe. Le jeu « étendre et prétendre » [étendre les dettes et prétendre que tout va bien – NdT] qui a commencé après que la dette de la Grèce est devenue telle, en 2010, que notre pays ne pouvait plus l’honorer, s’arrêtera. Plus de prêts – pas tant que nous n’aurons pas un plan crédible pour faire repartir l’économie afin de rembourser ces prêts, aider la classe moyenne à se relever et régler cette effroyable crise humanitaire. Finis les programmes de « réformes » qui visent les retraités pauvres et les pharmacies familiales tout en laissant intacte la corruption à grande échelle.

Notre gouvernement ne demande pas à nos partenaires un procédé pour ne pas rembourser nos dettes. Nous demandons quelques mois de stabilité financière qui nous permettront de nous atteler aux réformes que la population grecque dans son ensemble peut faire siennes et soutenir, afin de faire revenir la croissance et mettre fin à notre incapacité de payer ce que l’on doit.

On pourrait penser que ce recul par rapport à la théorie des jeux est motivé par quelque radical programme gauchiste. Ce n’est pas le cas. La principale influence est Emmanuel Kant, le philosophe allemand qui nous a enseigné que les hommes rationnels et libres échappent à l’emprise de l’opportunisme en faisant ce qui est juste.

Comment savons-nous que notre modeste programme politique, qui constitue notre ligne jaune, est juste selon la formulation de Kant ? Nous le savons en regardant dans les yeux les gens affamés dans les rues de nos villes ou en contemplant notre classe moyenne à bout de souffle, ou en prenant en compte les intérêts de tous les hommes et femmes qui travaillent dur dans toutes les villes et villages de notre union monétaire européenne. Après tout, l’Europe ne retrouvera son âme que lorsqu’elle regagnera la confiance de son peuple en plaçant les intérêts de celui-ci avant toute autre considération.

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Varoufakis : « Nous allons détruire de système oligarchique grec » (23/01)

Yanis Varoufakis, donné comme nouveau ministre des Finances de Syriza, est interviewé à Athènes par Paul Mason de Channel4 (23 janvier 2015). (Transcription et traduction : JFG-QuestionsCritiques).

Voir la vidéo sur le site de Channel 4 : ICI

Aujourd’hui, Yanis Varoufakis est professeur d’économie ; à partir de lundi prochain il pourrait être le ministre des Finances de Syriza. L’auteur du « Minotaure planétaire » et de la « Modeste proposition pour résoudre la crise de l’euro » répond aux questions de Paul Mason, chef de la rubrique économie de Channel 4, la grande chaîne de télévision  indépendante britannique. 

Paul Mason : Que ferait un gouvernement Syriza dans les 100 premiers jours ?

Yanis Varoufakis : Trois mesures. Premièrement, nous devons nous occuper de la crise humanitaire. Il est grotesque qu’en 2015, nous ayons des gens qui avaient un travail, une maison – certains avaient une boutique, il y a encore quelques années – et qui dorment dans la rue, le ventre vide. Il est inacceptable que des écoliers fassent leurs devoirs à la lueur d’une bougie parce que l’électricité a été coupée du fait que l’Etat a été mal inspiré de décider de taxer la propriété à travers les factures d’électricité. Ce sont des choses qui coûtent très peu d’argent et qui ont un impact symbolique, social et moral majeur. C’est l’une des trois pièces [de notre politique]. La deuxième chose que nous devons faire dans ce pays est de le réformer. Réformer en profondeur et réformer d’une façon qui s’attaque à ce que l’on appelle le « triangle criminel ». En Grèce, le triangle criminel [ou « triangle des combines » – NdT] comprend la partie achats de l’Etat, où vous avez des fournisseurs de l’Etat à la recherche de profits indus qui lui font payer des fortunes – par exemple, une autoroute grecque coûte trois fois plus cher à construire qu’une autoroute française, ce qui est inacceptable. Deuxièmement, la deuxième partie du triangle est formée des banquiers sans scrupules qui extorquent le maximum d’argent. Et troisièmement, les mass media qui sont tout le temps en faillite. Il faut donc se poser les bonnes questions, comme se demander comment ils parviennent à joindre les deux bouts quand ils n’ont jamais montré le moindre bénéfice.

PM : On pourrait presque entendre les centristes européens s’écrier, « il y a là un parti de gauche qui touche à la liberté d’expression !»

YF : C’est le contraire. Nous sommes absolument attachés à la liberté d’expression, et la liberté d’expression en Grèce a été compromise par cette alliance contre nature entre des banquiers sans scrupules, des promoteurs et des propriétaires de médias qui deviennent la voix de ceux qui veulent parasiter les efforts productifs de tous les autres et vivre à leurs crochets.

PM : Que ferez-vous concrètement contre l’oligarchie ?

YF :  Nous allons détruire les fondations sur lesquelles ils ont construit, décennie après décennie, un système et un réseau qui sucent méchamment l’énergie et la force économique de tous les autres dans la société.

PM : Vous n’êtes pas seulement un économiste, vous connaissez l’histoire de ce pays. Vous savez ce qui c’est passé la dernière fois que quelqu’un a essayer de reprendre le pouvoir à l’oligarchie grecque…

YF : Un combat juste doit être mené sans se soucier de ce que cela peut nous en coûter.

PM : Et le coût pourrait être qu’un gouvernement Syriza s’aperçoive, à un certain moment, que la démocratie lui est ôtée.

YF : Il n’y a pas d’autre alternative que de rester inébranlable dans notre opposition à ces forces qui vident essentiellement la démocratie de sa substance.

Mais venons-en à la troisième pièce de notre politique. Résoudre la crise, réformer la Grèce, nous attaquer à l’oligarchie, abolir l’immunité fiscale. Parce que ce n’est pas tant un problème d’évasion fiscale que d’immunité fiscale. Et la chose à faire, bien sûr, est de renégocier les accords de prêts avec nos partenaires européens, lesquels ont été préjudiciables à l’Europe dans son ensemble.

PM : Vous avez été pendant des années à l’extérieur de la politique. Que ressent-on lorsque l’on se retrouve aux portes du pouvoir ?

YF : Effrayant. Un seul mot : effrayant. Mais d’un autre côté, après avoir dit ça, dans les universités où j’ai passé toute ma vie – en Grande-Bretagne et ailleurs – j’étais persuadé que tout collègue voulant devenir à tout prix chef de département devrait être immédiatement disqualifié, parce qu’on ne devrait le faire qu’à contrecœur en tant que service public. Donc nous sommes des candidats au pouvoir à contrecœur et, malheureusement, c’est l’Histoire et cette crise qui nous ont poussé au centre de la scène, et nous avons maintenant hérité du défi empoisonné de devoir faire des choses essentielles que même les partis bourgeois auraient dû faire et qu’ils n’ont pas fait.

PM : Et si avec l’un de vos collègues, vous vous rendez à l’Eurogroupe dans deux semaines, que leur direz-vous ?

YF : Il est temps de dire la vérité sur la responsabilité insoutenable du déni majeur avec lequel l’Europe à traité la faillite dans ses assemblées et sur l’architecture problèmatique du système de l’euro.

PM : Et selon vous, quelle est la probabilité que la Grèce soit chassée de la zone euro ?

YF : Zéro.

PM : Qu’arrivera-t-il à la zone euro si elle continue comme elle est ?

YF : Si nous ne réformons pas le système de l’euro, si nous ne créons pas d’amortisseurs et ce que j’appelle un mécanisme de recyclage des excédents au sein de la zone euro, celle-ci sera foutue dans quelques années.

PM : Pourquoi ?

YF : Parce que vous ne pouvez pas avoir une union monétaire qui prétend pouvoir survivre à une crise financière majeure simplement en prêtant plus d’argent aux pays en déficit à la condition qu’ils réduisent leurs revenus.

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Je vous rappelle que le dernier livre de Varoufakis Le Minotaure Planétaire vient tout juste d’être traduit en français, aux Éditions du cercle - je vous le recommande

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disponible en versions numériques (kindle et kobo) et brochée (PoD-amazon)

 

Voici un extrait de la préface de l’auteur à l’édition française :

Delors, Mitterrand, Kohl et leurs successeurs

En 1993, alors que ses efforts pour poser les fondations de la zone euro commençaient à porter leurs fruits, Jacques Delors eut un pressentiment : il fallait à l’union monétaire européenne un peu plus que les règles de Maastricht et une banque centrale calquée sur le modèle de la Bundesbank. Jacques Delors était correctement arrivé à la conclusion qu’une émission obligataire commune à la zone euro devait être créée pour qu’il soit possible de prévenir les chocs et être en mesure de se remettre d’aplomb après qu’ils ont frappé. À cette fin, dans un Livre Blanc présenté en décembre 1993, il recommandait que ces euro-obligations de fait soient intégrées en tant que rouage essentiel du mécanisme de la zone euro et, en outre, qu’un Fonds d’investissement européen soit lui-aussi institué.

Pour donner à sa recommandation élan politique et poids au niveau macroéconomique, Jacques Delors essaya de convaincre le Président Mitterrand que ces euro-obligations joueraient pour la zone euro un rôle similaire à celui que les Union Bonds avaient joué pour le New Deal de Franklin Roosevelt, où ils permirent le financement d’un vaste programme de redressement tiré par l’investissement, qui autorisa le déficit budgétaire fédéral des USA à se maintenir à un faible niveau, de 1933 jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale.

Mitterrand écouta avec la plus grande attention, mais répondit : « Jacques, vous avez raison. L’union monétaire européenne a besoin de ces instruments. Mais, nous ne les créerons pas. Helmut (Kohl) et moi-même n’avons pas la puissance politique suffisante pour cela. Nous avons le pouvoir de lier entre eux les pays sur le plan monétaire, de forger une monnaie commune. Mais nous n’avons pas le pouvoir d’établir une dette commune. Laissez-moi cepen-dant vous dire ceci : lorsque, dans 10 ou 15 ans, une grande crise financière viendra à frapper l’Europe, nos successeurs devront faire le choix suivant : soit mettre en œuvre votre idée, soit laisser l’union monétaire européenne s’effondrer ».[1]

François Mitterrand avait vu juste sur deux points : une crise mondiale majeure est bien survenue 15 ans plus tard, en 2008, et les dirigeants européens se trouvent bien devant un dilemme entre consolidation (d’un type similaire à l’union obligataire proposée par Jacques Delors) et éclatement. Là où François Mitterrand et Helmut Kohl se sont trompés est dans leur conviction (tacite) que leurs successeurs allaient choisir la consolidation. À ce jour, ceux-ci se précipitent, tels des somnambules, droit vers l’éclatement.

Ce livre fait la lumière non seulement sur les causes de cette crise que le Président Mitterrand avait anticipée de manière prophétique mais, aussi, sur les raisons pour lesquelles ses successeurs se comportent comme des lapins tétanisés par l’irrémédiable avancée des phares d’un camion dans la nuit.

Voici enfin un entretien du 13 février 2012 conduit par Philip Pilkington :

Philip Pilkington : Dans votre livre LE MINOTAURE PLANÉTAIRE : l’ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial vous exposez que la crise économique en cours a des racines très anciennes. Vous affirmez que si les nombreuses interprétations classiques – de la cupidité devenue exubérante à la mainmise sur la régulation – expliquent bien certaines caractéristiques de la crise actuelle, elles ne traitent pas de la véritable question sous-jacente, c’est-à-dire la façon dont l’économie mondiale est actuellement structurée. Pouvez-vous expliquer brièvement pourquoi ces interprétations classiques se révèlent-elles incomplètes ?

Yanis Varoufakis : Il est vrai qu’au cours des décennies qui ont précédé le Krach de 2008, la cupidité est devenue le nouveau credo. Les banques et les fonds spéculatifs faisaient plier les autorités régulatrices à leur volonté de fer ; les financiers croyaient en leur propre discours et étaient donc convaincus que leurs produits financiers représentaient un « risque sans risques ». Cependant, cet appel au phénomène de l’ère d’avant 2008 nous laisse avec le sentiment tenace que nous passons à côté de quelque chose d’important ; que toutes ces vérités séparées n’étaient que de simples symptômes, plutôt que les causes, du pouvoir destructeur qui se précipitait tête baissée vers le Krach de 2008. L’avidité était présente depuis des temps immémoriaux. Les banquiers ont toujours essayé de faire plier les règles. Les financiers étaient à la recherche de nouvelles formes de dettes trompeuses depuis l’époque des pharaons. Pourquoi l’ère qui a débuté après 1971 a-t-elle permis à la cupidité de dominer et au secteur financier de dicter ses conditions au reste de l’économie sociale de la planète ? Mon livre commence par mettre l’accent sur la cause plus profonde qui se cache derrière tous ces phénomènes distincts mais entremêlés.

PP : D’accord, ces tendances nécessitent d’être replacées dans leur contexte. Alors, quelles sont selon vous les racines de cette crise ?

YV : Elles sont à rechercher dans les principaux ingrédients de la deuxième phase de l’après-guerre qui a débuté en 1971 et dans la façon dont ces « ingrédients » ont créé une poussée majeure de croissance, fondée sur ce que Paul Volcker avait décrit, peu après être devenu le président de la Réserve fédérale, comme la « désagrégation contrôlée de l’économie mondiale ».[1]

Tout a commencé lorsque l’hégémonie américaine de l’après-guerre ne pouvait plus se baser sur l’habile recyclage des surplus des Etats-Unis vers l’Europe et l’Asie. Et pourquoi ne le pouvaient-ils plus ? Parce que leurs excédents, à partir de la fin des années 1960, s’étaient transformés en déficits – leurs fameux déficits jumeaux (budgétaire et de la balance commerciale). Aux alentours de 1971, les autorités américaines eurent l’idée de mettre au point une stratégie audacieuse : au lieu de s’attaquer au double déficit croissant de leur nation, les hauts responsables politiques américains décidèrent de faire le contraire : accroître les déficits. Et qui devrait payer la note ? Le reste du monde ! Comment ? Au moyen d’un transfert permanent de capitaux qui se précipiteraient sans cesse par-delà les deux grands océans afin de financer le double déficit des USA.

Ces déficits de l’économie américaine ont donc opéré pendant des décennies à la façon d’un aspirateur géant, absorbant les biens et les capitaux excédentaires des autres peuples. Tandis que cet « arrangement » incarnait le déséquilibre le plus colossal imaginable à l’échelle planétaire (souvenez-vous de l’expression appropriée de Paul Volcker), il a néanmoins donné naissance à quelque chose ressemblant à un équilibre mondial, un système international accélérant rapidement les flux asymétriques des échanges et des capitaux, capable d’exercer un semblant de stabilité et de croissance constante.

Propulsées par le double déficit des Etats-Unis, les économies excédentaires du monde (à savoir l’Allemagne, le Japon et, plus tard, la Chine) ne cessaient de produire en série les marchandises que les Etats-Unis absorbaient. Près de 70% des profits réalisés au niveau mondial par ces pays étaient transférés aux Etats-Unis, sous la forme de flux de capitaux vers Wall Street. Et que fit Wall Street de tout cet argent ? Il le transforma en injections de capital sous forme d’investissements directs, de prises de participation, de nouveaux instruments financiers, de prêts revêtant d’anciennes formes ou de nouvelles, etc.

C’est sous ce prisme que nous pouvons contextualiser la montée de la financiarisation, le triomphe de la cupidité, la démission des régulateurs, la domination du modèle de croissance anglo-saxon. Tous ces phénomènes qui caractérisent cette époque apparaissent soudainement comme de simple sous-produits des flux massifs de capitaux nécessaires pour alimenter les déficits jumeaux des Etats-Unis d’Amérique.

PP : Il semble que vous situiez ce tournant au moment où Richard Nixon a sorti les Etats-Unis de l’étalon-or et dissout le système de Bretton Woods. Pourquoi doit-on voir cela comme le tournant ? Quel effet a eu la désindexation du dollar sur l’or ?

YV : Ce fut un moment symbolique : l’annonce officielle que le Plan mondial conçu par la génération du New Deal était mort et enterré. En même temps, c’était une manœuvre très pragmatique. Car contrairement aux dirigeants européens, aujourd’hui, qui ont été extraordinairement aveugle quant à l’issue inéluctable (c.-à-d. que le système de l’euro, tel qu’il a été conçu dans les années 1990, n’a aucun avenir dans le monde après 2008), l’administration Nixon a eu le bon sens de reconnaître immédiatement que le Plan mondial appartenait au passé. Pourquoi ? Parce qu’il était fondé sur l’idée simple que l’économie mondiale serait gouvernée par (a) des taux de change fixes, et (b) un Mécanisme mondial de recyclage des excédents devant être administré par Washington et qui recyclerait vers l’Europe et l’Asie les surplus des Etats-Unis.

Ce que Nixon et son administration reconnurent était que, une fois que les Etats-Unis étaient devenus un pays déficitaire, ce mécanisme de recyclage ne pouvait plus fonctionner comme prévu. Paul Volcker, qui était la doublure de Henry Kissinger à ce moment-là (avant que ce dernier ne prennent ses fonctions au ministère des Affaires étrangères), avait identifié avec une immense lucidité le choix, à la fois nouveau et catégorique, auquel les Etats-Unis étaient confrontés : soit réduire leur portée économique et géopolitique (en adoptant des mesures d’austérité dans le but de maîtriser leur déficit commercial), soit chercher à maintenir leur hégémonie, en fait l’étendre, en accroissant leurs déficits et en créant immédiatement les circonstances qui permettraient aux Etats-Unis de rester le « recycleur » des surplus occidentaux. Sauf que cette fois-ci, ils recycleraient les excédents du reste du monde (Allemagne, Japon, pays producteurs de pétrole et, plus tard, la Chine).

La majestueuse déclaration du 15 août 1971 du Président Richard Nixon, et le message que le ministre américain des Finances, John Connally, allait bientôt délivrer aux dirigeants européens (« C’est notre monnaie mais c’est votre problème ») n’était certes pas un aveu d’échec. Au contraire, c’était le présage d’une nouvelle ère de l’hégémonie américaine, basée sur l’inversion des surplus de capitaux et de marchandises. C’est pour cette raison que je pense que la déclaration de Nixon symbolise un moment important de l’histoire du capitalisme de l’après-guerre.

PP : Le vieil adage bancaire, « Si vous devez des milliers à une banque, vous avez un problème ; si vous lui devez des millions, c’est elle qui a un problème », vient à l’esprit. Etait-ce alors la fin de l’hégémonie des Etats-Unis en tant que prêteurs et le commencement de l’hégémonie des Etats-Unis en tant qu’emprunteurs ? Et si c’est le cas, cela nous donne-t-il des indications sur la crise financière de 2008 ?

YV : Je suppose que la phrase de Connally, « C’est notre monnaie mais c’est votre problème », s’est avérée être la nouvelle version de ce vieil adage bancaire que vous mentionnez. Sauf qu’il y a une différence importante ici : dans le cas des banques, lorsqu’elles font faillite, il y a toujours la FED ou une autre banque centrale pour les soutenir. Dans le cas de l’Europe et du Japon en 1971, aucun soutien de ce type n’était disponible. Il ne faut pas oublier que le FMI est un organisme dont le but est de financer les pays (essentiellement de la périphérie) confrontés à des déficits de leur balance des paiements.

La phrase de Connally visait des pays qui avaient une balance des paiements excédentaire vis-à-vis des Etats-Unis. De plus, lorsqu’une personne ou une entité lourdement endettée dit à sa banque que c’est elle qui a un problème, et non le débiteur, c’est généralement une tactique de marchandage en vue d’obtenir de meilleures conditions de la banque, un effacement partiel de la dette, etc. Dans le cas du voyage de Connally en Europe, peu après la déclaration de Nixon, les Etats-Unis ne demandaient rien aux Européens. Il s’agissait simplement d’annoncer que la règle du jeu avait changé : le prix de l’énergie augmenterait plus vite en Europe et au Japon qu’aux Etats-Unis, et des taux d’intérêts nominaux relatifs joueraient un rôle majeur pour aider à donner forme aux afflux de capitaux vers les Etats-Unis.

Ainsi débutait donc la nouvelle hégémonie. L’hégémon recyclerait désormais les capitaux des autres peuples. Il accroîtrait son déficit commercial, qu’il financerait grâce aux afflux volontaires de capitaux vers New York, des afflux qui commencèrent pour de bon en particulier après que Paul Volcker eut poussé les taux d’intérêt américains vers des sommets.

PP : Et cette nouvelle hégémonie s’est développée structurellement à partir de la domination du dollar en tant que devise de réserve mondiale, laquelle s’est assise dans les années de l’après-guerre ? C’est bien cela ? Pouvez-vous en dire plus ?

YV : Le « privilège exorbitant » du dollar, grâce à son statut de réserve mondiale, fut l’un des facteurs qui permirent aux Etats-Unis de devenir le recycleur des capitaux des autres peuples (tandis que les Etats-Unis étendaient activement leurs déficits). Bien que crucial, ce ne fut pas le seul facteur. Un autre était la domination des Etats-Unis sur le secteur de l’énergie et leur puissance géopolitique. Pour attirer les unes après les autres des vagues de capitaux depuis l’Europe, le Japon et les pays producteurs de pétrole, les Etats-Unis devaient s’assurer que le retour des capitaux vers New York était supérieur aux capitaux se déplaçant vers Francfort, Paris ou Tokyo. Cela nécessitait quelques conditions préalables ; un taux d’inflation plus bas aux Etats-Unis, ainsi qu’une plus faible volatilité des prix, des coûts énergétiques moindres et une plus basse rémunération des travailleurs américains.

Le fait que le dollar était la devise de réserve mondiale signifiait que, en temps de crise, les capitaux se dirigeaient de toute façon vers New York – comme ils le feront à nouveau des années plus tard, malgré l’effondrement de Wall Street. Le volume des flux de capitaux qui avaient inondé Wall Street (afin de maintenir le financement de leur déficit commercial) ne se serait pas matérialisé sans la capacité des Etats-Unis à précipiter une envolée du prix du pétrole à un moment où (a) la dépendance des Etats-Unis vis-à-vis du pétrole était plus faible que celle du Japon ou de l’Allemagne, (b) la plupart des échanges pétroliers étaient canalisés à travers des multinationales américaines, (c) les Etats-Unis pouvaient juguler l’inflation en augmentant les taux d’intérêt à des niveaux qui détruiraient les industries allemandes et japonaises (sans massacrer totalement les entreprises américaines), et (d) les syndicats et les normes sociales qui empêchaient une compression sévère des salaires réels étaient bien plus « faibles » aux Etats-Unis qu’en Allemagne ou au Japon.

PP : Dans votre livre, vous écrivez que les responsables américains n’étaient en fait pas tant que ça préoccupés par le cours du pétrole dans les années 1970. Pourquoi dites-vous cela ? Et pensez-vous que les récentes pressions spéculatives sur le cours du pétrole et des denrées alimentaires – émanant de Wall Street – ont été largement tolérées par les autorités américaines pour des raisons similaires ?

YV : Cette question est résumée par cette vieille plaisanterie où un professeur d’économie en interroge un autre : « Comment va ta femme ? », et se voit répondre : « par rapport à quoi ? » La question, lorsqu’il s’agit d’attirer des capitaux et de gagner en compétitivité par rapport à une autre entreprise ou, en ce cas, un autre pays, est que ce qui importe n’est pas la différence absolue mais la différence relative des coûts et des prix. Oui, les autorités américaines étaient préoccupées par l’inflation et le cours du pétrole. Elles n’aimaient pas ces augmentations, d’autant plus qu’elles ne pouvaient totalement les contrôler. Mais il y avait une chose qu’elles craignaient encore plus : une incapacité de financer le déficit commercial croissant des États-Unis (qui se manifesterait si les rendements du capital n’étaient pas améliorés par rapport à des investissements similaires ailleurs). C’est dans ce contexte qu’ils ont considéré qu’une hausse des coûts de l’énergie, dans la mesure où elle augmenterait les coûts allemands et japonais plus que ceux des États-Unis, était leur choix optimal.

En ce qui concerne la comparaison avec la hausse du pétrole [en 2011-2012] et, surtout, des prix alimentaires, je pense que c’est tout à fait différent. D’une part, je ne vois pas quels intérêts américains seraient favorisés par la façon dont les ventes à terme sur le marché de Chicago poussent les prix alimentaires à un niveau tel qu’il met en péril la stratégie d’assouplissement quantitatif de la Fed, en raison des pressions inflationnistes que cela provoque. En outre, pour revenir au début des années 1970, le gouvernement américain contrôlait alors bien plus les flux financiers et spéculatifs que ce n’est le cas aujourd’hui. Ayant permis au génie de la financiarisation de sortir de la bouteille, les autorités américaines le voient faire des ravages en étant pratiquement impuissantes – en particulier compte tenu du caractère ingouvernable inhérent aux Etats-Unis, avec un Congrès et une Administration prisonniers d’un conflit perpétuel. À l’opposé, en 1971-73, le gouvernement américain jouissait d’une autorité beaucoup plus importante qu’aujourd’hui sur les marchés.

PP : Je voudrais aborder ce que je pense être le point clé de votre livre. Le reste du monde finance les déficits jumeaux des Etats-Unis – c’est à dire que le reste du monde finance à la fois le déficit de leur commerce extérieur et celui du gouvernement américain.

Lorsque les déficits jumeaux ont commencé à apparaître aux États-Unis, on assistait également à un changement fondamental dans la nature de l’économie américaine. Pourriez-vous en dire plus ?

YV : Ce changement a bouleversé l’économie sociale américaine. La stratégie consistant à laisser croître inexorablement les déficits a été accompagnée par une série de stratégies dont le but était tout simplement d’attirer vers les États-Unis les flux de capitaux du reste du monde, permettant ainsi de financer leurs déficits croissants. Dans mon livre, j’ai essayé de détailler quatre grandes stratégies qui se sont révélées cruciales dans la génération de ce « tsunami » de capitaux qui a permis de nourrir les déficits des Etats-Unis : (1) un coup de pouce sur les prix mondiaux de l’énergie qui aurait une incidence disproportionnée sur les industries japonaises et allemandes (par rapport aux entreprises américaines) ; (2) une hausse du taux d’intérêt réel (faisant ainsi de New York une destination plus attrayante pour les capitaux étrangers) ; (3) une baisse de la rémunération du travail, devenu en même temps bien plus productif ; et, (4) la direction prise par les capitaux vers la financiarisation de Wall Street, qui a offert des rendements encore plus élevés pour tous ceux qui les plaçaient à New York.

Ces stratégies ont eu un effet profond sur la société américaine, pour plusieurs raisons : pour maintenir les taux d’intérêt réels élevés, le taux d’intérêt nominal a été augmenté au moment où l’administration et la FED organisaient une compression des salaires ; la hausse des taux d’intérêt a détourné les capitaux des industries locales qui se sont dirigés vers des investissements directs à l’étranger et transféré une part des revenus des travailleurs vers les rentiers ; la baisse de la rémunération du travail a également nécessité une attaque d’envergure contre les syndicats, et les familles américaines ont dû travailler de plus longues journées pour des salaires inférieurs – et cette nouvelle réalité a conduit à l’éclatement de la cellule familiale, d’une façon jamais observée auparavant. Alors que la droite se drapait dans les valeurs familiales, elles étaient détruites dans les mains du Minotaure planétaire que cette même droite faisait prospérer.

La réduction de la part salariale signifie en outre que les familles ont dû compter davantage sur leur habitation, transformée en « vache à lait » (en l’utilisant comme garantie afin d’obtenir davantage de crédits), éloignant ainsi de l’épargne toute une génération qui s’est sur-endettée. Une nouvelle forme d’entreprise globalisée a été créée (le modèle WalMart), important tout de l’étranger, utilisant des salariés sous-payés dans des entrepôts-points de vente, et propageant une nouvelle idéologie du « bon marché ». Pendant ce temps là, Wall Street utilisait les capitaux provenant de l’étranger pour se lancer dans une frénésie de prises de contrôles et de fusions lucratives qui ont été le terreau de la financiarisation qui a suivi. En combinant l’appétit national pour le crédit (étant donné que la classe ouvrière, bien plus productive qu’auparavant, avait du mal à joindre les deux bouts, même en travaillant de plus longues heures), on a mis en relation les flux financiers (a) de l’immobilier des 60% les moins riches de la société et (b) des capitaux étrangers affluant à Wall Street. Lorsque ces deux torrents de capitaux ont fusionné, la puissance exercée par Wall Street sur les citoyens ordinaires a augmenté de façon exponentielle. Avec un travail perdant de sa valeur aussi vite que les autorités de régulation perdaient leur contrôle sur le secteur financier, les États-Unis se sont rapidement transformés, abandonnant valeurs et conventions sociales issues du New Deal. La plus grande nation du monde était prête pour l’Effondrement.

PP : Vous avez mentionné le modèle WalMart. Vous abordez largement cette question dans votre ouvrage. Pourriez-vous expliquer aux lecteurs pourquoi vous mettez l’accent sur ce point et quelle est l’importance de celui-ci pour l’ensemble de l’économie ?

YV : WalMart symbolise un changement important dans la nature du capital oligopolistique. Contrairement aux premières sociétés qui ont créé de grands secteurs entièrement nouveaux à la suite d’une invention (par exemple Edison avec l’ampoule à incandescence, Microsoft avec son logiciel Windows, Sony avec le Walkman, ou Apple avec la série iPod / iPhone / iTunes) ou à d’autres sociétés qui se sont concentrées sur le développement d’une marque (comme Coca-Cola ou Marlboro), WalMart a réalisé quelque chose à quoi personne n’avait jamais songé auparavant : cette entreprise a emballé une nouvelle idéologie du « bon marché » dans une marque destinée à plaire aux classes moyennes et inférieures américaines, financièrement stressées. En conjonction avec sa chasse impitoyable aux syndicats, elle est devenue le symbole des prix bas en procurant à ses clients de la classe ouvrière un sentiment de satisfaction, qui bénéficiaient ainsi de l’exploitation des producteurs (surtout étrangers) pour les marchandises mises dans leurs paniers.

En ce sens, l’importance de WalMart pour l’économie en général est qu’elle représente un nouveau type de société qui a évolué en réponse à des circonstances portées par le Minotaure planétaire. Elle a réifié le bon marché et profité de l’amplification des rétroactions entre la baisse des prix et celle du pouvoir d’achat de la classe ouvrière américaine. Elle a importé les biens du Tiers-monde dans les villes américaines et exporté les emplois vers le Tiers-monde (grâce à la délocalisation). Où que nous regardions, même dans les entreprises américaines les plus technologiquement avancées (comme Apple), nous ne pouvons manquer de reconnaître l’influence du modèle WalMart.

PP : Vers où pensez-vous que nous nous dirigeons aujourd’hui, alors que nous émergeons de cette période du Minotaure planétaire ?

YV : Le Minotaure est évidemment une métaphore pour le Mécanisme mondial de recyclage des excédents qui est né dans les années 1970 sur les cendres de Bretton Woods et a réussi à maintenir le capitalisme mondial dans un élan extatique ; jusqu’à ce qu’il s’effondre en 2008 sous le poids de sa démesure (et surtout de celle de Wall Street). Depuis 2008, l’économie mondiale titube, sans gouvernail, en l’absence d’un mécanisme de recyclage pour remplacer le Minotaure. La crise qui a commencé en 2008 a muté et se propage d’un secteur à l’autre, d’un continent à l’autre. Son héritage est celui d’une incertitude généralisée, d’une faiblesse de la demande mondiale, d’une incapacité à transférer l’épargne vers les investissements productifs et d’un échec de la coordination à tous les niveaux de la vie socio-économique.

Un monde sans le Minotaure, privé du fonctionnement de ce mécanisme mondial de recyclage des excédents mais qui est régi par les acolytes du Monstre, est devenu illogique, absurde. Et qui sont ces acolytes qui ont survécu au Minotaure ? Ce sont Wall Street, WalMart, le mercantilisme provincial de l’Allemagne, l’hypothèse absurde de l’Union européenne selon laquelle une union monétaire peut prospérer sans un mécanisme de recyclage des excédents, les inégalités croissantes au sein des États-Unis, en Europe, en Chine, etc., etc.

Le meilleur exemple de l’incapacité de notre monde à se réconcilier avec son énigme, est fourni par la façon dont le débat public aborde les déséquilibres dits globaux : l’excédent commercial systématiquement croissant de certains pays (l’Allemagne et la Chine sont de bons exemples), dont l’image se reflète dans l’augmentation des déficits commerciaux d’autres nations. Tous les commentateurs sont d’accord sur le fait que l’augmentation des déséquilibres mondiaux a des conséquences terribles. On pourrait, par conséquent, être tenté d’imaginer que la réduction de ces déséquilibres serait la bienvenue. Mais hélas, c’est le contraire qui est vrai ! Lorsque ces déséquilibres diminuent (par exemple quand la Chine réduit son excédent commercial), c’est le signe d’un problème, plutôt que d’une amélioration. La raison en est que la baisse du déséquilibre n’est pas due à un meilleur recyclage, plus productif, des excédents, mais correspond plutôt à une aggravation de la récession dans les pays qui fournissaient habituellement la demande absorbant les exportations nettes de quelqu’un d’autre. Nous nous trouvons donc dans la situation étrange de vouloir exorciser les déséquilibres mondiaux, tandis que dans le même temps nous souffrons de leur diminution.

L’Occident, pris dans la nasse toxique de la « faillitocratie », incapable de relever le défi du monde de l’après-2008, continuera de stagner, en perdant son emprise sur la réalité, à défaut de faire correspondre ses résultats à ses capacités ou d’être à même de créer des « réalités » nouvelles. En ce qui concerne les économies émergentes, bruissantes de gens prêts à dépasser les contraintes, à inventer de nouvelles « réalités », à élargir les horizons existants, elles seront prises au piège d’une demande mondiale chétive pour leurs produits. A moins qu’un nouveau mécanisme mondial de recyclage des excédents ne se matérialise bientôt, le futur de l’économie mondiale restera sombre. Que faudra-t-il pour façonner un tel mécanisme en repartant de zéro ? Une chose est certaine : les marchés ne le généreront pas spontanément. Un nouveau mécanisme de recyclage des excédents doit être le résultat d’une action politique concertée. Exactement comme le fut Bretton Woods.

Note :

[1] Cette célèbre phrase de Paul Volcker a systématiquement été malencontreusement traduite en français par « la désintégration contrôlée de l’économie mondiale ».

Source: http://www.les-crises.fr/yanis-varoufakis-ce-nest-pas-lheure-pour-les-jeux-en-europe/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Obama)

Wednesday 18 February 2015 at 00:55

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : Croissance européenne : “Arrêtons de rêver” – 16/02

Olivier Delamarche: Economie mondiale: “La dette tue la croissance !” (1/2) – 16/02

Olivier Delamarche: Croissance europénne: faut-il crier à la reprise ? (2/2) – 16/02

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : Ukraine : “Sanctions, propagande, mensonges : les Etats-Unis font tout pour que la situation s’envenime”

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (1/2): Comment interpréter l’évolution du dossier grec ? – 11/02

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (2/2): Fed: doit-on s’attendre à une hausse des taux en automne ? – 11/02

III. Jacques Sapir

Jacques Sapir: Grèce: désaccord sur le programme d’aide – 17/02

IV. Obama

L’Europe est sur le point de s’effondrer. La Russie, l’Ukraine, la Syrie, l’Irak, l’Arabie Saoudite sont autant de points chauds géopolitiques. les banques centrales sont sur le point d’une perte totale de contrôle et sont en train de lancer non seulement un QE mais aussi un programme de taux négatif, en poussant les marchés boursiers du monde entier à des niveaux records alors que la contraction de l’économie mondiale s’accélère.

Et pendant ce temps là, à la Maison Blanche …


 

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-obama/


Actu Ukraine 17/02

Wednesday 18 February 2015 at 00:01

Actu’Ukraine – Semaine du 9 au 15 février 2015

 Lundi 9 février 2015 (MINSK J-3)

• Le ministre des affaires étrangères lituanien Linas Linkevičius déclare  ” Nous avons besoin de soutenir l’Ukraine non seulement financièrement et économiquement,  mais aussi militairement… non pas avec des soldats – Ce n’est pas sujet à discussion – mais au moins en soutenant leurs troupes avec des armes pour se défendre” (RT).

Joseph LeGasse, un “expert” américain de la sécurité et ex conseiller spécial de la Maison Blanche, déclare sur un site ukrainien qu‘ “il n’y a pas de raison de donner plus d’armes à l’Ukraine corrompue, cela ne conduirait qu’à des milliers de morts en plus” . Le titre de l’article a changé entre temps de “No reason to give corrupt Ukraine more arms, it will only lead to thousands of more deaths” à “How to best support Ukraine”. Cependant, l’ancien titre est toujours présent dans l’adresse http (Kyiv Post).

Pour info, voila comment le journal KyivPost présente Joseph LeGasse  : Joseph LeGasse is a U.S. security expert and former  special adviser with the White House. He spoke at the 2014 Tiger  Conference panel on security issues confronting Ukraine. LeGasse is a  private adviser for executives, political leaders and senior military  officials. Among his key clients have been government agencies,  transnational companies in energy, technology, banking etc. During his  work for the U.S. government, he completed a number of  counter-insurgency and intelligence assignments with the White House,  International Security Assistance Force in Afghanistan, U.S. Embassy in  Baghdad, Iraq and multinational force in Iraq. He is a graduate of  Harvard Business School and West Point Military Academy.  

“Ne mettez pas en colère l’ours russe !” Vidéo de propagande novorusse à visionner pour comprendre le conflit du point de vue des novorusses. Attention, quelques images sont dures (Youtube). Pour la propagande ukrainienne, il suffit de suivre les médias français…

Selon un responsable militaire de la  république autoproclamée de Donetsk, on entend quatre langues étrangères dans les communications radio interceptées dans la poche de Debaltsevo: “l’anglais, le polonais, le  français et probablement le flamand” (Sputnik News)

Lors d’une interview donnée à Vox (Youtube), Barack Obama déclare : “Nous devons, de temps à autre, tordre le bras de pays qui ne veulent pas faire ce que nous avons besoin qu’ils fassent…” (“we occasionally have to twist the arms of countries that wouldn’t do what we need them to do if it weren’t for the various economic or diplomatic or, in some cases, military leverage that we had — if we didn’t have that dose of realism, we wouldn’t get anything done, either.”)  (RT).

Mardi 10 février 2015 (MINSK J-2)

•  Après d’intenses combats le 9 février, les forces novorusses conjointes (Donetsk et Lougansk) terminent l’encerclement de  la poche de Debaltsevo en prenant le village de Logvinova situé sur le  cours de l’autoroute M-103 allant de Debaltsevo à Artemovsk (Fort Russ, Colonel Cassad, Colonel Cassad, Colonel Cassad).

la poche de Debaltsevo le 10 février 2015

la poche de Debaltsevo le 10 février 2015

Bombardement à Kramatosk, sur l’arrière de la ligne de front, côté ukrainien. Les Ukrainiens accusent les Novorusses, les Novorusses accusent les Ukrainiens. Des personnes innocentes, résidentes de l’Oblast de Donesk, meurent. La nouveauté est que cela ne déclenche pas le concert de protestations habituel des occidentaux. Tous semblent concentrer sur les pourparlers de Minsk 2 qui doivent se dérouler le jeudi 12 février 2015 (Colonel Cassad., Youtube).

Mercredi 11 février 2015  (MINSK J-1)

•  Les premières analyses balistiques des roquettes ayant touchées Kramatosk indiqueraient un point de départ en territoire ukrainien (Colonel Cassad). Faut-il y voir une provocation ukrainienne ? un épisode de la guerre larvée entre l’armée ukrainienne et les bataillons de volontaires ukrainiens (la zone visée abriterait un QG de l’armée) ?  Porochenko se rend sur place accompagné de BLH (Les Crises).

Les USA déploient 12 avions d’attaque au sol A10 accompagnés de 300 hommes de soutien en Allemagne dans le cadre de l’opération “Atlantic Resolve” (CNN, RT).

 Jeudi 12 février 2015  (MINSK J0)

Accords de Minsk 2. Cette actualité a été couverte par un long billet paru  sur ce blog  ( Les Crises) ainsi qu’une analyse de Colonel Cassad (Colonel Cassad). Ce qui est intéressant est ce qui n’est pas mentionné dans l’accord : la Crimée et la poche de Debaltsevo dont Porochenko nie l’encerclement pourtant manifeste. Le fait que des milliers de soldats ukrainiens soient encerclés en territoire novorusse porte en soi le germe d’un échec des accords de Minsk 2. D’ailleurs les Ukrainiens vont essayer jusqu’au dernier moment avant le cessez-le-feu, le 15 février à minuit, de rompre cet encerclement sans y parvenir.

Déclaration des chefs des deux républiques de Novorussie à Minsk (Youtube).

Dmitry Yarosh, le leader du mouvement Pravy Sektor (Secteur Droit) indique avoir fédéré autour de lui 17 bataillons de volontaires ukrainiens (FortRuss)

Selon Novorossia, la salaire moyen en Ukraine serait de 130 euros, 2,5 fois plus bas que le plus bas salaire moyen dans l’UE : la Bulgarie avec 330 euros. (Nnovorossia Today)

La Rada a adopté une résolution visant à supprimer l’accréditation des journalistes russes auprès des organismes officiels ukrainiens. La liste des journalistes concernés sera préparée par le SBU, le service de sécurité ukrainien (LB.ua).

Vendredi 13 février 2015  (MINSK J+1)

Echec d’une offensive ukrainienne pour rompre l’encerclement de Debalstevo (Fort Russ, Fort Russ).

Survol de la zone d’encerclement par un drone novorusse (Youtube, Colonel Cassad)

Reportage sur la ligne de front, côté novorusse (Youtube)

La dernière brillante idée de Kiev ! Le futur ex président Porochenko en train de perdre une guerre civile en 2015 nomme comme conseiller spécial le géorgien Saakashvili, un ex président ayant perdu une guerre civile en 2008. Son rôle officiel serait de coordonner les livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine (President.gov.ua, Sputnik News). Saakashvili avait déclaré une semaine plus tôt qu’ “une Ukraine armée par les USA pourrait conquérir toute la Russie” (Sputnik News). Devant les protestations de la Géorgie (Saakachvili est en “délicatesse” avec la justice de son pays), l’ambassadeur d’Ukraine en Géorgie a justifié la nomination de Saakachvili par son “expérience pour moderniser l’armée  géorgienne” (VZ ). Lors de la guerre de 2008 contre la province géorgienne sécessionniste d’Ossétie du sud, l’armée géorgienne “modernisée” a fait illusion pendant une journée avant de s’écrouler totalement après l’arrivée des renforts russes. Durée totale de la guerre de Saakachvili : 5 jours (du 8 au 12 août 2008)… Finalement, ce n’est pas une si mauvaise idée cette nomination si cette guerre d’Ukraine pouvait se terminer en 5 jours !

• Yarosh et ses 17 bataillons rejettent les accords de Minsk 2 (Fort Russ)

Les bombardements sur les villes novorusses continuent. 3 enfants d’une même famille sont tués chez eux à Gorlovka (Fort Russ).

Cacophonie européenne :  La Croatie indique que des croates se battent au côté des troupes de Kiev. Le président de l’UE, Donald Tusk, réfute ce fait (RT).

Cacophonie otanienne : L’OTAN réaffirme avoir des preuves de la présence de troupes russes en Novorussie, l’OSCE dit le contraire…  (ZeroHedge)

• Cacophonie américaine : La délégation ukrainienne en visite aux Etats-Unis en décembre dernier, composée entre autres de MM. Semenshenko et Bereza, députés et commandants de bataillons, avait remis au Sénat alors des photos soi-disant prouvant l’invasion russe dans le Donbass. Parmi elles, il s’est avéré que plusieurs avaient faite en 2008, lors du conflit russo-géorgien. Cependant, James Inhofe, sénateur républicain, qui occupait alors un poste important à la commission des affaires militaires a expliqué : “J’étais très en colère quand j’ai appris qu’une des photos présentées est en fait une falsification d’une photo de l’AP prise en 2008. Mais cela ne change pas le fait qu’il y a de nombreuses preuves que la Russie soit entrée en Ukraine avec des tanks T-72 et que les séparatistes pro-russes ont tué des Ukrainiens de sang-froid.” (Korrespondent).

2008-2015 même photo

Samedi 14 février 2015  (MINSK J+2)

Des volontaires de Pravy Sektor sont pris en flagrant délit de pillage par la police. Leur bataillon encercle le poste de police avec 100 hommes, mitrailleuses, mortiers et snipers pour exiger leur libération (Fort Russ). Pillages, viols et exactions sont régulièrement signalés dans la partie occupée des Oblast de Donetsk et Lougansk sans faire l’objet de prévention, de répression ou même de couverture médiatique.

Après les accords de Minsk 2, le Porochenko bashing s’installe. Sa firme chocolatière Roshen a multiplié ses profits par 9… (Fort Russ). Que cela soit vrai ou non, peu importe. Porochenko est de facto accusé de profiter de la guerre pour s’enrichir…

Le Royaume-Uni confirme la livraison de véhicules blindés Saxon (Wikipedia) à l’Ukraine via une compagnie privée (Sputnik News).  Cette livraison fait suite à un accord passé avec le précédent gouvernement ukrainien en 2013, donc avant Maidan et le coup-d’état. il s’agit d’une cinquantaine de véhicules dont 20 ont déjà été livrés et dont certains sont déjà mis en vente (RT)…

Conférence de presse d’Alexandr Zakharchenko suite aux accords de Minsk 2 (Youtube). Le point central est que les accords de Minsk 2 sont vagues et donc sujet à interprétation de part et d’autre. Par exemple : le contrôle de la frontière avec la Russie, les élections et le statut de Debaltsevo. Sur ce point précis, les autorités novorusses indiquent que la poche de Debaltsevo n’est pas concernée par le cessez-le-feu car étant en territoire novorusse et non sur la ligne de front.

 

Dimanche 15 février 2015  (MINSK J+3 – Jour du cessez-le-feu)

Le cessez-le-feu est brisé par des tirs de mortier provenant de la poche de Debaltsevo (Youtube), ce qui entraine une réplique des novorusses. Sur le reste du front la trêve est globalement respectée (Sputnik News, RT).

Les Novorusses (DNR) propose à l’armée ukrainienne de quitter Debaltsevo sans ses armes et équipements (VZ). Cela ferait sans doute des milliers de morts en moins et, mieux encore,  des milliers d’ukrainiens qui ne seraient pas pressés d’y retourner…

Fallait juste y penser… Une autre super idée géniale d’un député Ukrainien. Tous les déboires de l’Ukraine sont dus… à l’ordre des couleur sur le drapeau ! il suffirait de mettre le bleu (symbole du matérialise) en bas et le jaune (symbole des valeurs spirituelles) en haut pour tout changer… (Lenta, VZ) A ce niveau là, c’est soit du grand art, soit c’est la panique totale !

Autre avantage, il suffit d’inverser le drapeau actuel, donc cela ne coûterait rien…

le drapeau officiel de l’Ukraine (un champ de blé/tournesol sous un ciel bleu)

Drapeau officiel

Le drapeau proposé (les valeurs spirituelles au-dessus des valeurs matérielles)…

Drapeau alternatif

Pour mémoire, le drapeau “alternatif” était le drapeau non officiel de l’éphémère république ukrainienne en 1917.

Le monde enchanté de la politique ukrainienne. Ce dimanche, le Premier Ministre ukrainien, M. Yatseniuk, a annoncé que Kiev pourrait réclamer des compensations à la Russie pour la destruction du Donbass (112, Sharij) : “En ce qui concerne la reconstruction du Donbass, je pense qu’il est légitime de poser la question des réparations de la part de la Fédération de Russie (…). Ils ont détruit le Donbass. Et la Russie doit payer pour la reconstruction de Donetsk et Lougansk. Ils ont détruit notre économie, ils nous ont agressé militairement, et ils doivent en porter la responsabilité.”

Il a ajouté que l’Ukraine ne renoncera pas à son intégrité territoriale et à son indépendance et, dans le futur, fera tout pour la paix. Selon certaines sources, en septembre de l’année dernière, les destructions des infrastructures suite aux combats s’élevaient déjà à 440 millions de dollars. D’autres sources donnent des montants bien plus importants : 1 milliard de dollars, voire plusieurs milliards de dollars…

Infographie des dommages infligés aux républiques de Donetsk et Lugansk ( Russia Insider)

Dégats dans le Donbass

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-1702/


[Euro] L’Europe pose un ultimatum à la Grèce

Tuesday 17 February 2015 at 20:05

Grèce : et si c’était une partie de poker menteur ?

L’essentiel

L’Eurogroupe du lundi 16 février, à Bruxelles, a-t-il été une réunion où chacun – les Grecs d’un côté, les autres pays de la zone euro de l’autre – a surjoué l’affrontement, afin de ne pas perdre la face et mieux faire passer un futur accord, qui n’interviendra qu’à la dernière extrémité ? Ou a t-on assisté à un réel dialogue de sourds, sans issue ?

« Je ne joue pas, je n’ai pas de plan B », a juré le ministre grec des finances, Yanis Varoufakis, à la sortie de ce nouvel Eurogroupe, qualifié « de la dernière chance » et consacré à l’énorme dette d’Athènes – elle s’établit à 320 milliards d’euros, soit 175 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. « J’espère qu’on était en pleine dramaturgie ce soir, mais je n’en sais rien », avouait, de son côté, une source bruxelloise. « Il y a encore du travail de compréhension », glissait, sobrement, une autre source, proche des négociations.

Ce qui est sûr, c’est que, après le fiasco du 11 février, première réunion au sommet entre M. Varoufakis et les dix-huit autres grands argentiers de la zone euro, le rendez-vous de lundi a tourné au « clash ». Il n’y a pas d’accord, a constaté en début de soirée, Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, qui a donné « jusqu’à la fin de cette semaine, pas plus » aux Grecs pour accepter les conditions des Européens. « Je n’ai aucun doute que dans les prochaines 48 heures, l’Europe va réussir à nous soumettre [un document] afin que nous commencions le vrai travail et mettions sur pied un nouveau contrat », a répondu, un peu plus tard, M. Varoufakis.

« On n’a pas avancé d’un iota »

Au bout d’à peine trois heures de réunion, la délégation grecque était descendue en salle de presse du Conseil européen, où se tenaient les discussions des ministres, brandissant un « draft » de conclusions de l’Eurogroupe, qu’elle a qualifié d’« inacceptable ». Selon ce document, les Grecs devaient s’engager à « accepter de conclure avec succès le plan d’aide ». Les Européens, eux, s’engageaient à » utiliser toutes les flexibilités que recèle le programme actuel ».

« Ce n’était pas du tout ce dont nous avions discuté avant l’Eurogroupe avec Pierre Moscovici [le commissaire européen à l’économie], avec qui nous avons eu un échange très constructif », a assuré une source gouvernementale grecque. Cette version des faits est toutefois contestée tant à la Commission qu’à l’Eurogroupe, où l’on prétend qu’il n’a même pas été question de discuter sur un texte d’accord, lundi, les positions ayant divergé tout de suite. « On en est au même point que la semaine dernière, on n’a pas avancé d’un iota », soupirait un proche des négociations, du côté des Européens, lundi soir.

De fait, les termes du débat restent les mêmes. Arrivé au pouvoir il y a à peine trois semaines, le premier ministre grec, Alexis Tsipras, leader du parti de la gauche radicale Syriza, a promis de mettre en œuvre son programme anti-austérité : mesures d’urgence pour les foyers les plus pauvres, relèvement du salaire minimum à 751 euros, remise en cause des privatisations et des mesures de libéralisation du marché du travail imposées par la « troïka » des créanciers (Commission et Banque centrale européennes, Fonds monétaire international). Il demande à l’Europe un « moratoire », ou un « plan relais » de trois ou quatre mois, le temps de négocier cette nouvelle donne.

Utiliser « toutes les flexibilités »

De leur côté, les Européens, unanimes depuis le début des négociations, estiment qu’ils ne peuvent pas donner au gouvernement grec un chèque en blanc, ni le laisser mettre à terre cinq ans de travail de la troïka, alors que celui-ci commence juste à porter ses fruits, le pays ayant dégagé un petit excédent primaire, en 2014.

D’où leur exigence : Athènes doit accepter de « terminer » le deuxième plan d’aide internationale, quitte à en utiliser « toutes les flexibilités ». Ce plan, 130 milliards d’euros au total, lancé en 2012, est assorti de conditions, c’est-à-dire de réformes, qui visent à restaurer l’équilibre des finances publiques, la stabilité du système financier et la compétitivité des entreprises grecques, mais qui n’ont pas encore toutes été mises en place.

Aux yeux des Européens, le plus « logique », au vu des délais – le plan d’aide s’achève théoriquement le 28 février –, serait que les Grecs sollicitent sa prolongation pour six mois. Cette prolongation devant ensuite être approuvée par les parlements nationaux d’au moins quatre pays (Allemagne, Pays-Bas, Finlande, Estonie).

Ce schéma serait tenable d’ici à la fin de ce mois, si le « signal » d’Athènes arrive dans les jours qui viennent, assure-t-on à Bruxelles. Au-delà, sans « programme », la Grèce, qui doit faire face à d’importantes échéances de remboursement (en mars, en juin-juillet, puis en septembre) et ne peut se financer sur les marchés qu’au compte-gouttes et à un taux prohibitif, risque le défaut de paiement.

On ne parle plus de « troïka »

Mais pour M. Varoufakis, il n’est pas question, à ce stade, de se contenter des « flexibilités » promises par les Européens. Et pour M.Tsipras, il apparaît difficile, voire impossible d’accepter de travailler dans le cadre du deuxième plan d’aide : cela reviendrait à endosser politiquement un contrat signé par son prédécesseur, le conservateur Antonis Samaras.

Il y a quelque jours, certains à Bruxelles, avaient évoqué la possibilité, plus conforme au souhait des Grecs, de se lancer dans une discussion sur un troisième plan d’aide. Cette voie a pour l’instant été mise de côté. La proposition de ne plus utiliser le terme « troïka », abhorré des Grecs, a en revanche été adoptée.

A part cette concession minime, pour l’instant, c’est la ligne « dure » des Allemands qui prévaut. « Ils sont vraiment exaspérés », soulignait une source européenne, lundi soir. Les attaques de la presse grecque présentant le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, en nazi, et les demandes répétées de M. Tsipras de récupérer une « dette de guerre » allemande n’arrangent rien.

Source : Cécile Ducourtieux, pour Le Monde


L’Europe pose un ultimatum à la Grèce

Hier, la réunion de l’Eurogroupe s’est achevée sur un clash. Bruxelles donne une semaine à Athènes pour accepter ses conditions. Un accord reste possible.

Bruxelles (Belgique), hier Le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis (photo de gauche), s’est dit confiant sur la capacité des deux parties à trouver un accord dans les 48 heures, alors que Pierre Moscovici (au centre), commissaire européen aux Affaires économiques, et Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe (à droite), ont affiché leur fermeté. 

Les négociations entre l’Europe et la Grèce ont tourné court hier à Bruxelles. Plutôt qu’un assouplissement des conditions de remboursement de la dette grecque, l’Europe est restée ferme et a lancé au pays un ultimatum. Le nouveau gouvernement hellénique de la gauche radicale, dirigé par Alexis Tsipras, a une semaine pour accepter une extension de son programme actuel d’aide financière, qui doit en principe se terminer à la fin du mois.

Le deal proposé par les 18 autres pays de l’Eurogroupe aux Grecs est simple : acceptez d’abord nos exigences et discutons ensuite des possibilités d’assouplissement. « Le gouvernement grec doit s’engager sur le fait qu’il accepte les principaux éléments du programme », a prévenu Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe. Une proposition vigoureusement refusée par Athènes, qui a jugé cette exigence absurde et inacceptable. « Nous ne demanderons aucune extension, nous avons un mandat du peuple pour aller jusqu’au bout, écrit sur son compte Twitter Panos Kammenos, le ministre de la Défense et dirigeant du parti des Grecs indépendants. Les Grecs tous ensemble disent non. On ne nous fera pas de chantage. »

Yanis Varoufakis joue l’apaisement

Résultat, c’est l’impasse, aux conséquences potentiellement dramatiques. Sans accord, en effet, la Grèce se prive de 240 MdsEUR de prêts indispensables pour éviter la faillite. « Je suis de plus en plus inquiet, reconnaît Philippe Gudin, chef économiste de la Barclays. Le gouvernement grec est pris au piège par les engagements qu’il a pris auprès de son peuple, et l’Europe reste intraitable. Même si ce scénario est catastrophique, nous sommes à deux doigts d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Avec le risque que cela crée un précédent pour d’autres pays. »

Une hypothèse à laquelle Dimitri Uzunidis, professeur d’économie à l’université du Littoral-Côte d’Opale, ne croit pas : « Chacun essaie de gagner du temps. On est dans la posture politique. Une sortie de la Grèce est toujours possible, mais le gouvernement grec connaît les risques d’une telle issue pour son pays comme pour toute l’Europe. Un ultimatum, c’est fait pour être prolongé… »

De fait, tard dans la soirée, le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, a joué l’apaisement. Il s’est dit confiant sur la capacité des deux parties à trouver un accord dans les 48 heures. « L’Europe va nous soumettre un document afin que nous commencions le vrai travail et mettions sur pied un nouveau contrat. »

Des déclarations qui, selon un spécialiste, « prouvent que le gouvernement grec, pour s’en sortir politiquement, est obligé de souffler le chaud et le froid ». De toute façon, a prévenu Pierre Moscovici, le commissaire européen aux Affaires économiques : « Il n’y a pas d’alternative à la prolongation du programme. » Visiblement serein, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a indiqué que les discussions se poursuivaient. Tout en précisant que le prochain pas doit venir des autorités grecques. « Au vu du calendrier, on peut utiliser cette semaine, mais c’est à peu près tout », a-t-il prévenu.

Ainsi, si la Grèce accepte d’ici la fin de la semaine une extension de son programme d’aide financière, une nouvelle réunion de l’Eurogroupe pourrait se tenir vendredi.

Source : Vincent Vérier, pour Le Parisien

Source: http://www.les-crises.fr/leurope-pose-un-ultimatum-a-la-grece/


Nigeria : le massacre le plus meurtrier de l’histoire de Boko Haram (2 000 morts ?)

Tuesday 17 February 2015 at 03:05

“Je n’ai pas arrêté de marcher sur des cadavres” : Boko Haram plonge le nord-est du Nigeria dans l’horreur

Des centaines voire des milliers de personnes ont été tuées par les islamistes la semaine dernière. Les témoignages affluent pour raconter leurs exactions.

Après plusieurs jours de fuite éperdue, les survivants de ce qui serait la pire attaque de Boko Haram racontent l’horreur qu’ils ont vécue sur les rives du lac Tchad, dans l’extrême nord-est du Nigeria. De la ville de Baga et une quinzaine d’autres localités dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, il ne reste presque rien. Elles ont été incendiées, rasées, et les populations qui n’ont pas pu fuir ont été massacrées.

Les attaques ont débuté le 3 janvier et ont duré plusieurs jours. Aucun bilan précis n’est donné pour le moment, mais Amnesty International avance le chiffre de 2 000 morts, quand d’autres, plus prudents, parlent de plusieurs centaines de victimes. Francetv info revient sur ces attaques sans précédent.

Une position stratégique

Baga, 10 000 habitants, s’est développée autour de son marché aux poissons et de sa communauté de pêcheurs. Aujourd’hui, le lac Tchad a reculé, mais la ville est restée le grand carrefour agricole et commercial du nord-est du Nigeria. Elle abritait aussi une caserne de la force sous-régionale supposée protéger les populations contre ce type d’attaques. Mais, depuis plus d’un mois, les troupes nigériennes et tchadiennes s’étaient retirées. Il ne restait que des Nigérians.

Samedi 3 janvier, des dizaines de véhicules chargés de plusieurs centaines de combattants islamistes de Boko Haram déferlent sur cette base militaire. L’attaque, venue simultanément du Nigeria et du Tchad, est coordonnée, affirme le chef de district, Alhaji Baba Abba Hassan, au Daily Trust (en anglais). Les troupes nigérianes sont submergées. Elles prennent la fuite.

“C’est le chaos total”

Les assaillants s’en prennent alors à la ville et aux villages environnants. Cela dure plusieurs jours. “C’est le chaos total”, déclare le lendemain de l’attaque, à RFI, un sénateur de l’Etat du Borno, Maina Ma’aji Lawan. “Les gens ne savent plus dans quelle direction fuir ni vers qui se tourner pour être protégés.”

Cinq jours après l’attaque, le chef de district affirme que “depuis le jour de l’attaque, ils [les combattants de Boko Haram] n’ont pas bougé d’un pouce. Ils sont dans Baga et ils vont de maison en maison, cherchant les gens et tuant ceux qui n’ont pas de chance.” Les habitations sont rasées. Des centaines de corps jonchent les rues de la ville, selon des témoignages recueillis par le site Sahara Reporters (en anglais). Parmi eux, des femmes, des enfants. Personne n’ose les enterrer. Un habitant, parvenu à entrer dans la ville pour aller chercher ses économies, confie à l’AFP, lundi 12 janvier, que “toute la ville empeste l’odeur des cadavres en décomposition”. Dans une édition locale de la BBC, un responsable local constate : “Baga est anéantie. Ils ont brûlé entièrement Baga.”

La fuite par le lac

Membre d’une milice d’autodéfense, un survivant rencontré par le Premium Times (en anglais) se souvient : “Boko Haram a surgi dans Baga de tous les côtés, tirant, tuant. Nous n’avions pas d’autre choix que de fuir avec les autres.” Acculés sur les rives du lac, des centaines d’habitants tentent de s’échapper en bateau, en pirogue, vers les îles du lac. “Nous avons vu un grand bateau qui transportait 25 personnes. Toutes avaient été abattues.”

Un autre survivant explique que les assaillants se “couchaient en embuscade dans l’eau et quand une embarcation arrivait avec des habitants tentant de fuir, ils les attaquaient et les abattaient tous.” Isolés sur des îles infestées de moustiques, sans nourriture, des rescapés meurent. Ce survivant dit avoir vu beaucoup de corps sur les îles du lac Tchad : “De nombreuses personnes ont été tuées là-bas comme des insectes.” Il ajoute que “les tueries n’ont pas duré un jour, mais le premier jour, elles étaient massives, les soldats et les habitants étaient tués. Même après [que les combattants de Boko Haram] eurent pris Baga, ils ont continué à attaquer des villages voisins.”

Tenter sa chance en brousse

Quand ils ne fuient pas par le lac, d’autres tentent leur chance en brousse. Les transports sont coupés, les routes dangereuses. Un témoin dit à l’AFP être resté tapi entre un mur et la maison de son voisin, écoutant les massacres autour de lui, sortant la nuit pour “avaler rapidement des graines de manioc, boire de l’eau”.

Trois nuits après le début de l’attaque, Boko Haram commence à brûler la ville. L’étau s’est un peu desserré. Le témoin cité par l’AFP en profite, se glisse dans la nuit, en direction opposée des bruits des islamistes, et découvre l’horreur : “Sur cinq kilomètres, je n’ai pas arrêté de marcher sur des cadavres, jusqu’à ce que j’arrive au village de Malam Karanti, qui était également désert et brûlé.” Il doit la vie à un vieux berger peul qui lui indique la direction à prendre pour éviter les bandes islamistes. Marchant, courant, il arrive le lendemain à 65 km de son point de départ, avant de prendre un bus pour Maiduguri, à 200 km de Baga.

D’autres, poursuivis en brousse, ont eu moins de chance. Le milicien rencontré par le Premium Times affirme avoir croisé “de nombreux corps, certains en groupes, d’autres seuls, dans la brousse. J’ai vu des enfants et des femmes morts, et même une femme enceinte avec le ventre ouvert.”

De nouveaux enjeux

Désormais, Boko Haram, en plus d’avoir remporté une victoire symbolique sur les puissances de la sous-région, contrôle toute une zone stratégique aux frontières de plusieurs pays. Comme le résume le sénateur de l’Etat du Borno : “Vous n’avez qu’à tendre le bras et vous êtes au Niger, vous faites un pas dans une autre direction et vous êtes au Tchad.” Quant au Cameroun, Boko Haram a menacé personnellement son président, Paul Biya, le mois dernier. En clair, toute la région risque désormais l’embrasement.

De plus, en prenant possession  d’un territoire ayant accès au lac Tchad, l’organisation terroriste s’est dégagée une nouvelle voie de ravitaillement. Des armes en provenance de Libye transiteraient déjà par le lac et Boko Haram dispose désormais d’un point d’atterrissage.

Enfin, cette nouvelle attaque coïncide avec le lancement de la campagne pour les élections législatives et présidentielle de février. Le scrutin ne pourra pas se dérouler dans l’état du Borno, à cause de l’insécurité. Et, pour la première fois depuis le retour de la démocratie en 1999, le Parti démocratique populaire, le PDP, n’est pas assuré de remporter la victoire. Le président Goodluck Jonathan est vivement critiqué pour son incapacité à contenir la menace de Boko Haram, alors que le conflit a fait plus de 10 000 morts en 2014. Il pourrait être battu par Muhammadu Buhari, un ancien général. Un homme qui a la réputation d’être un dirigeant à la poigne de fer.

Source : FranceTVInfo

Le rapport Amnesty

Alors que le gouvernement nigérian tente de minimiser le bilan du massacre de Baga, au Nigéria, le 3 janvier, plusieurs sources locales avancent le chiffre de 2 000 morts. Les captures d’images satellitaires confirment le massacre de masse.

[15/01/2015]

Des images satellite rendues publiques par Amnesty International jeudi 15 janvier fournissent des éléments de preuve irréfutables et choquants sur l’ampleur de l’attaque menée la semaine dernière par les extrémistes de Boko Haram contre les villes de Baga et Doron Baga.

Des images de ces deux villes voisines, Baga (située à 160 km de Maiduguri) et Doro Baga (également connue sous le nom de Doro Gowon, à 2,5 km de Baga), prises avant et après les faits, les 2 et 7 janvier, montrent l’effet dévastateur de ces attaques, qui ont endommagé voire totalement détruit plus de 3 700 structures. D’autres villes et villages des alentours ont eux aussi été attaqués à ce moment-là.

« Ces images détaillées donnent à voir une destruction d’une ampleur catastrophique dans deux villes, dont l’une a quasiment été rayée de la carte en l’espace de quatre jours », a déclaré Daniel Eyre, spécialiste du Nigeria à Amnesty International.

« Sur toutes les attaques de Boko Haram analysées par Amnesty International, celle-ci est la plus massive et la plus destructrice à ce jour. Il s’agit de violences délibérées contre des civils, dont les maisons, centres médicaux et écoles sont désormais des ruines calcinées. »

L’analyse ne porte que sur deux des nombreux villages et villes qui ont été victimes de la série d’attaques menées par Boko Haram depuis le 3 janvier 2015.

À Baga, ville densément peuplée dont la superficie est inférieure à 2 km², quelque 620 structures ont été endommagées ou complètement détruites par le feu.

À Doron Baga, plus de 3 100 structures ont été abîmées ou annihilées par le feu, ce qui représente la majeure partie de cette ville d’une superficie de 4 km². Un grand nombre des bateaux de pêche en bois visibles le long du rivage sur les images du 2 janvier ne sont plus présents sur celles du 7 janvier, ce qui confirme les témoignages selon lesquels des résidents ont fui en bateau de l’autre côté du lac Tchad.

Des milliers de personnes ont fui les violences en se rendant au Tchad et dans d’autres zones du Nigeria, notamment Maiduguri, la capitale de l’État de Borno. Ces personnes viennent rejoindre les centaines de milliers de personnes déplacées et de réfugiés, afflux mettant déjà à rude épreuve les capacités d’accueil de leurs hôtes et des autorités gouvernementales. Amnesty International demande aux gouvernements nigérian et tchadien de veiller à ce que ces personnes déplacées soient protégées et reçoivent une assistance humanitaire digne de ce nom.

La destruction visible sur les images correspond aux terribles témoignages qu’Amnesty International a recueillis. Les déclarations des témoins, des représentants des autorités sur place et des militants locaux des droits humains semblent indiquer que les extrémistes de Boko Haram ont tiré sur des centaines de civils.

Un homme d’une cinquantaine d’années a expliqué à Amnesty International ce qui s’est passé à Baga durant l’attaque : « Ils ont tué énormément de gens. J’ai vu peut-être 100 personnes se faire tuer à Baga à ce moment-là. J’ai couru vers la brousse. Ils continuaient à tirer et à tuer alors que nous courions. » Il s’est caché dans la brousse, et a plus tard été découvert par des combattants de Boko Haram, qui l’ont retenu à Doron Baga pendant quatre jours.

Ceux qui ont fui disent avoir vu beaucoup d’autres corps dans la brousse. « Je ne sais pas combien il y en avait, mais nous étions entourés de cadavres, à perte de vue », a dit une femme à Amnesty International.

Un autre témoin a déclaré que les hommes de Boko Haram tiraient à l’aveugle, tuant même des enfants en bas âge et une femme en train d’accoucher. « [L]e petit était à moitié sorti et elle est morte comme ça », a-t-il expliqué.

Les combattants de Boko Haram s’en sont pris de manière répétée à des populations qu’ils soupçonnent de collaborer avec les forces de sécurité. Les villes ayant constitué des milices soutenues par l’État, telles que la Force d’intervention civile conjointe (CJTF), ont été visées par des attaques particulièrement brutales. Des groupes de la CJTF étaient actifs à Baga et un responsable militaire a confirmé en toute confidentialité à Amnesty International que l’armée faisait parfois participer des membres de ceux-ci à des opérations visant les positions de Boko Haram. Un témoin a déclaré à Amnesty International que lors de l’attaque contre Baga, il avait entendu des combattants de Boko Haram dire qu’ils recherchaient les membres des CJTF tandis qu’ils se rendaient de maison en maison, abattant les hommes en âge de se battre.

Après l’attaque à Baga, des témoins ont expliqué que les hommes de Boko Haram se sont rendus dans la brousse en voiture pour rassembler les femmes, les enfants et les personnes âgées qui s’étaient échappés. Selon une femme qu’ils ont privée de liberté pendant quatre jours, « les hommes de Boko Haram ont pris environ 300 femmes et nous ont gardées dans une école à Baga. Ils ont laissé partir les femmes plus âgées, les mères et la plupart des enfants au bout de quatre jours mais les femmes les plus jeunes y sont encore. »

Amnesty International demande à Boko Haram de mettre un terme à l’ensemble des attaques contre les civils. L’homicide délibéré de civils et la destruction de leurs biens par Boko Haram sont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, et doivent faire l’objet d’enquêtes.

Le gouvernement doit prendre toutes les mesures légales en son pouvoir afin de rétablir la sécurité dans le nord-est et de garantir la protection des civils.

« Compte tenu de l’isolement des habitants de Baga, et du fait que Boko Haram conserve le contrôle de cette zone, il a été très difficile jusqu’à présent de confirmer ce qui s’est passé sur place. Les résidents n’ont pas été en mesure de revenir enterrer les morts, ni, à plus forte raison, de les compter. Les images satellite et certains témoignages très explicites nous donnent cependant une image de plus en plus nette de ce qui est certainement l’attaque la plus meurtrière qu’ait menée Boko Haram », a déclaré Daniel Eyre.

« Cette semaine, le directeur de la communication en matière de défense au Nigeria a déclaré que le nombre de morts à Baga, y compris les combattants de Boko Haram, “ne dépasse pour l’instant pas 150 personnes”. Ces images, associées aux récits de ceux qui ont survécu à l’attaque, semblent indiquer que le nombre final de victimes pourrait être beaucoup plus élevé. »

Pour accéder aux images satellite, rendez-vous à l’adresse suivante : https://adam.amnesty.org/asset-bank/action/search?attribute_603=Nigeria+Satellite+Images+January+2015

NOTES :

Baga et Doron Baga sont deux villes situées au bord du lac Tchad, dans le nord-est de l’État de Borno, au Nigeria. La frontière entre le Nigeria et le Tchad passe par le lac. Baga et Doron Baga dépendent de la zone de gouvernement local de Kukawa, où vivent 203 864 habitants, d’après le recensement de 2006.

Après avoir pris connaissance des premières informations relatives à l’attaque, Amnesty International a commandé des données satellite concernant cette zone à l’opérateur privé DigitalGlobe.

Le nombre réel de structures endommagées ou détruites à Doron Baga est sans doute plus élevé que les 3 100 identifiées, mais il s’est avéré difficile de délimiter et de confirmer l’emplacement de certaines structures individuelles dans les zones densément peuplées et sous les arbres.

Les extrémistes de Boko Haram ont attaqué Baga et des villes et villages des environs samedi 3 janvier. À 6 heures du matin, ils ont pris pour cible la base militaire de la force multinationale conjointe à Baga. Après avoir écrasé les soldats postés à la base, les combattants de Boko Haram s’en sont pris à Baga, Doron Baga et à d’autres villages de la zone.

Vendredi 9 janvier, Amnesty International a indiqué dans un flash que « si les informations indiquant que la ville a été en grande partie rasée et que des centaines de civils (peut-être même 2 000) ont été tués sont exactes, nous sommes en présence d’une escalade sanglante très inquiétante des actions de Boko Haram contre la population civile. »

Depuis 2009, Boko Haram prend délibérément pour cibles les civils lors de raids, d’enlèvements et d’attentats à la bombe, et les attaques se multiplient et s’intensifient. Les effets sur la population civile sont dévastateurs, des milliers de personnes ayant été tuées, des centaines enlevées et des centaines de milliers d’autres forcées à fuir de chez elles.

Amnesty International a déploré à plusieurs reprises que les forces de sécurité n’en fassent pas plus pour protéger les civils des violations des droits humains commises par Boko Haram. Rares sont les enquêtes dignes de ce nom qui ont été effectuées et les membres de Boko Haram qui ont été poursuivis pour des crimes de droit international.

L’assaut mené contre Baga montre à quel point le conflit s’est intensifié ces 12 derniers mois. Les recherches effectuées par Amnesty International indiquent qu’en 2014, plus de 4 000 civils ont été tués par Boko Haram.

Médecins sans Frontières a signalé mercredi 14 janvier que 5 000 rescapés de l’attaque contre Baga se trouvent actuellement dans un camp à Maiduguri. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a indiqué le 9 janvier que quelque 7 300 réfugiés nigérians étaient arrivés dans l’ouest du Tchad.

Amnesty International,
15 janvier 2015

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21/01/2015

Le chef du groupe armé Boko Haram a revendiqué l’attaque de la ville de Baga, qui a fait des centaines de morts début janvier, et menacé le Niger, le Tchad et le Cameroun, dans une vidéo mise en ligne mardi soir.

«Nous avons tué le peuple de Baga. Nous les avons en effet tués, comme notre Dieu nous a demandé de le faire dans Son Livre», déclare Abubakar Shekau dans une vidéo de 35 minutes publiée sur YouTube.

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Massacres de Boko Haram: des survivants racontent

La plaie est toujours profonde. Allongé sur le côté, Moussa Zira montre l’impact de balle qu’il a reçue dans la cuisse la nuit où les islamistes de Boko Haram ont massacré 12 personnes dans son village du nord-est du Nigeria, début janvier.

Grièvement blessé, il s’est fait passer pour mort avant de s’enfuir en pirogue au Tchad voisin, jusqu’au camp de réfugiés de Baga Sola, sur l’autre rive du lac. La douleur est encore vive, Moussa Zira boîte, mais il se sait «miraculé».

«Les Boko Haram sont arrivés à quatre heures du matin et sont entrés dans chaque case, ils cherchaient les hommes. Ils nous ont salués puis nous ont dit de les suivre en brousse, qu’ils nous expliqueraient ensuite», raconte-il en haoussa.

Les islamistes ont pris 14 personnes en tout, «un homme par maison», dans les envions de la ville nigériane de Baga. «Il y avait un vieux parmi nous et ils lui ont dit de partir. Nous avons marché jusqu’au champ et ils ont dit à tout le monde de se coucher, face contre terre».

«Après avoir tiré en l’air une fois, ils se sont mis à nous tirer dessus» à bout portant, poursuit-il. Là, Moussa Zira a cru que tout était fini. «Peu après, j’ai compris que la balle n’avait pas touché ma tête, mais le bras et l’arrière de la cuisse. Autour de moi, ils étaient tous morts».

Pour éviter d’être «achevé», il est resté tapi au milieu des cadavres en attendant que les hommes de Boko Haram partent, puis a rampé dans les hautes herbes pendant des heures avant de croiser une moto qui l’a aidé à fuir vers du lac.

Le pasteur Yacubu Moussa, 43 ans, est l’un des rares chrétiens rescapés de l’attaque de Baga. La nuit du 3 janvier, lorsque Boko Haram est arrivé par surprise, la ville dormait.

«Ils se sont mis à tirer sur tout le monde sans distinction, hommes, femmes, petits enfants, et même vieillards», raconte-il.

Interrogé sur le nombre d’assaillants, il hésite, parle «de milliers d’hommes». Chiffre invérifiable. Mais le pasteur est sûr d’une chose: «il y avait des cadavres partout dans les rues» lorsqu’il s’est enfui.

Deux jours plus tard, Yacubu Moussa a tenté de revenir chez lui récupérer quelques affaires. Caché dans la brousse, il a vu «des corps flotter sur l’eau». «L’odeur était tellement forte qu’on la sentait de très loin».

De la ville, affirme-t-il , ne restait que des cendres: «ils avaient tout brûlé, nos maisons, nos magasins, les motos aussi».

Au camp de réfugiés, le pasteur dit se sentir bien seul, à l’heure de la prière, où les musulmans s’agenouillent tout autour de lui par dizaines. «Ici je n’ai rien à faire, je n’ai pas de fidèles, pas de lieu de culte, je n’ai même pas de bible».

Depuis début janvier, plus de 14.000 personnes ont traversé la frontière pour fuir les attaques sanglantes autour de Baga, selon Mamadou Dian Balde, représentant adjoint du Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR) au Tchad.

«Ils arrivent avec des histoires trop dures à entendre. L’autre jour, un homme est arrivé pour se faire enregistrer, il n’écoutait rien de ce que je lui disais, il ne faisait que pleurer: les Boko Haram ont jeté une grenade dans sa maison, sa femme et ses trois enfants sont morts sur le coup», raconte Idriss Dezeh, de la Commission nationale d’accueil, de réinsertion des réfugiés et des rapatriés.

Certains ont eu la chance d’arriver au camp avec toute leur famille… Assise devant une tente blanche, Aisha Aladji Garb, la poitrine opulente, allaite un minuscule nourrisson. Il y a deux semaines, elle lui a donné naissance dans la pirogue à bord de laquelle elle fuyait, raconte-elle.

En débarquant au Tchad, elle est tombée sur une patrouille de soldats tchadiens. «Ils ont pris soin de moi, ils m’ont fait monter dans leur camion et m’ont directement emmenée au camp où j’ai reçu de l’aide».

«C’est grâce à eux si mon bébé est en vie», dit-elle avec un large sourire. «Alors je l’ai appelé +Idriss Déby+», le nom du président tchadien…

Source

Baga : le témoignage d’un survivant des massacres de Boko Haram

Un témoin, qui a survécu samedi 3 janvier à une attaque de Boko Haram près du lac Tchad, témoigne de la violence du groupe islamiste.
Des tirs, des hurlements, puis une fuite nocturne à travers la brousse jonchée de cadavres. Yanaye Grema est resté terré trois jours pendant que les combattants de Boko Haram ravageaient sa ville de Baga, sur les rives nigérianes du lac Tchad. Samedi 3 janvier, la milice d’autodéfense de ce pêcheur de 38 ans venait d’être défaite par la puissance de feu du groupe islamiste, lancé dans une vaste et sanglante offensive contre plusieurs localités de l’extrême nord-est du Nigeria.
Caché entre un mur et la maison de son voisin, protégé par le feuillage d’un margousier, Yanaye Grema écoutait le massacre se dérouler autour de lui. «Tout ce que j’entendais c’était des tirs d’armes à feu, des explosions, des hurlements, et les “Allah Akbar” des combattants de Boko Haram», raconte-t-il à l’AFP par téléphone depuis Maiduguri. «Chaque nuit j’escaladais la palissade de ma maison pour avaler rapidement des graines de manioc, boire de l’eau, et ensuite je retournais dans ma cachette.»
«Certains hommes de Boko Haram campaient près du marché principal de Baga, à quelque 700 mètres à peine de ma cachette», explique-t-il. «La nuit je pouvais voir la lumière de leur générateur. J’entendais aussi des acclamations et des rires.»
Evasion
Lundi, le nombre de combattants en patrouille a diminué. La ville n’était plus aussi quadrillée, offrant au pêcheur une fenêtre d’évasion. «Mardi, ils ont commencé à piller le marché et toutes les maisons de la ville. Vers 18h, ils ont mis le feu au marché et ont commencé à incendier des maisons. J’ai décidé qu’il était temps de partir avant qu’ils ne se dirigent dans ma direction. Vers 19h30, je me suis hasardé hors de ma cachette et j’ai commencé à partir dans la direction opposée au bruit des islamistes. Il faisait sombre, donc personne ne pouvait me voir.»
Ce n’est qu’en quittant sa cachette que le pêcheur réalise l’ampleur de l’offensive, qui pourrait s’avérer l’une des plus meurtrières de Boko Haram en six années d’insurrection. «Sur cinq kilomètres, je n’ai pas arrêté de marcher sur des cadavres, jusqu’à ce que j’arrive au village de Malam Karanti, qui était également désert et brûlé.»
Dans la brousse, Yanaye rencontre un vieux berger peul, qui lui conseille de se diriger vers l’ouest afin d’éviter les bandes de Boko Haram. Accélérant le rythme, il rattrape vite un groupe de quatre femmes, fuyardes également. L’une d’elles transporte sur son dos un bébé. «Elles m’ont dit qu’elles avaient fait partie de centaines de femmes arrêtées par Boko Haram et retenues dans la maison d’un chef de district, que Boko Haram avait converti en centre de détention pour femmes.» Trois de ces femmes avaient été séparées de leurs enfants, selon lui.
Les femmes étant «trop lentes», il a donc continué seul. Marchant et courant durant toute la nuit, il arrive le mercredi matin au village de Kekeno, à quelque 65 km de son point de départ. Le lendemain, il prend un bus jusqu’à la ville de Maiduguri. «Je serai toujours reconnaissant à ce vieux Peul, son conseil m’a sauvé la vie», dit-il.
Au moins 16 localités rasées
Des officiels ont affirmé cette semaine que l’attaque avait forcé près de 20 000 personnes de Baga et des localités près du lac Tchad à prendre la fuite, certains traversant même la frontière tchadienne. Ce n’était pas la première à viser Baga. Près de 200 personnes y avaient été tuées en avril 2013. Des combattants de Boko Haram avaient attaqué la ville, l’incendiant en grande partie, ce qui avait provoqué une violente confrontation avec l’armée nigériane.
Samedi, les islamistes ont rencontré moins de résistance et sont parvenus à prendre le contrôle de la ville ainsi que de la base de la Force multinationale (MNJTF), censée regrouper des soldats nigérians, nigériens et tchadiens dans la lutte contre Boko Haram, mais où ne se trouvaient que des troupes nigérianes au moment de l’attaque. Au moins 16 villes et villages de la zone ont été rasés. Les analystes estiment que l’offensive du week-end visait les milices d’autodéfense assistant l’armée dans sa contre-insurrection.
 Source

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Source: http://www.les-crises.fr/nigeria-le-massacre-le-plus-meurtrier-de-lhistoire-de-boko-haram-2-000-morts/


[Baga, "hameau du monde"] Si tous les gens bien pensants sont unis contre le terrorisme, où sont les bannières ‘Je suis Nigeria’ ?, par Patrick Cockburn

Tuesday 17 February 2015 at 02:00

“Naaaaaoooon, mais là, c’est pas pareil, en fait….”

Des djihadistes type Al-Qaïda ont tué 2 000 personnes en quelques jours, ce que le monde a largement ignoré

Le président Obama est critiqué pour ne pas avoir rejoint les 40 autres chef d’état lors de la manifestation de masse à Paris à la suite du massacre de Charlie Hebdo. Cependant, en faisant profil bas plutôt que de faire face aux assassinats terroristes, Obama a peut être fait preuve de plus de prudence que les dirigeants présents, dans sa manière de gérer de telles attaques, aussi atroces soient-elles.

Que des gouvernements et des personnes veuillent montrer leur solidarité contre le terrorisme, cela peut se comprendre. Mais à bien des égards, le nombre gargantuesque et l’exagération des réactions verbales répondant aux meurtres de dix-sept personnes par trois terroristes, traitant l’affaire comme s’il s’agissait de Pearl Harbour ou du 11 septembre, revient à faire le jeu d’Al-Qaïda et de ses clones.

Les trois terroristes, Chérif et Saïd Kouachi ainsi qu’Amedy Coulibaly, étaient plutôt de pitoyables individus avant le 7 janvier, mais ils ont maintenant acquis un statut diabolique. Leur action a jeté des millions de personnes dans les rues, a amené la plupart des dirigeants du monde à Paris et mobilisé des dizaines de milliers de soldats et de policiers. Ces trois hommes auraient été fiers d’avoir provoqué une telle réponse à partir d’un attentat plutôt banal selon les critères du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

Cette réaction excessive des médias dans leur couverture en continu pourrait se révéler contre-productive. La raison est identifiée avec éloquence par un commentateur israélien, Uri Avnery, qui écrit : “Pour d’autres terroristes potentiels à travers l’Europe et l’Amérique, cette sur-réaction ressemble à une belle victoire. C’est une invitation pour des individus et de petits groupes à faire de même, partout.”

“Le terrorisme veut dire frapper de terreur. Ces trois là, dans Paris, ont vraiment réussi. Ils ont terrorisé la population française. Et si trois jeunes sans qualification peuvent le faire, imaginez ce que pourraient faire 30 personnes ou 300 !”

La concentration excessive sur les événements de Paris nous détourne des attaques bien plus violentes qui ont été menées ailleurs dans le monde par des mouvements de type Al-Qaïda. Ils sont aujourd’hui en mesure d’agir librement dans au moins sept pays du Moyen-Orient et d’Afrique du nord où se déroulent des guerres civiles – Afghanistan, Irak, Syrie, Yémen, Libye, Somalie et le nord-est du Nigeria – et qui ont presque tous subi depuis le début de l’année des actes de terrorisme ayant fait plus de victimes qu’à Paris.

Même s’il ne s’agissait que de leur propre intérêt, les français, les britanniques et les américains devraient porter plus d’intérêt à ce qui se passe là-bas, dans la mesure où ce sont les terreaux physiques et idéologiques de mouvements de type Al-Qaïda, dont les activités affectent de plus en plus l’Europe occidentale.

La pire atrocité commise cette année par un mouvement extrémiste islamiste a été de loin le massacre de plus de 2 000 personnes, perpétré la semaine dernière par Boko Haram au nord-est du Nigeria. Les images satellite diffusées par Amnesty International montrent deux villes, Baga et Doron Baga, complètement dévastées, avec 3 700 structures endommagées ou détruites.

Le président du Nigeria, Goodluck Jonathan, s'adressant aux troupes.

Le président du Nigeria, Goodluck Jonathan, s’adressant aux troupes lors d’une visite à Maiduguri, la capitale de l’état du Borno ; la plus grande partie de la région a été envahie par Boko Haram
(AFP/Getty)

Ce massacre a eu une faible médiatisation jusqu’à ce que la consternation des événements de Paris ne retombe, et pourtant les tueurs au Nigeria et en France avaient des croyances et des méthodes similaires. Mais vous noterez la différence dans les réactions internationales à ces deux atrocités. Mon ami et ancien collègue Richard Dowden, directeur de la Royal African Society, a écrit que si tous les gens bien-pensants sont unis contre le terrorisme, on se demande “où est le mouvement ‘je suis Nigeria’ ?”

Il y a certainement des explications et des excuses au fait que l’attention se soit focalisée sur les événements de France plutôt que sur ceux au Nigeria. Les meurtres de Charlie Hebdo ont eu lieu dans l’un des centres médiatiques mondiaux, tandis que le lointain nord-est du Nigeria, à la limite du Sahara, est l’un des endroits les moins visités, les plus appauvris et dangereux de la planète. Le gouvernement nigérian du président Goodluck Jonathan a fait preuve d’ une incompétence et d’une force d’inertie exceptionnelles dans sa lutte contre Boko Haram.

L’armée nigériane a prouvé son incapacité à arrêter les colonnes de combattants motorisés de Boko Haram qui opèrent avec la même efficacité meurtrière que leurs homologues de l’Etat Islamique d’Irak et du Levant (EIIL), en Irak et en Syrie. Dans les deux cas, les atrocités ont pour but de causer terreur, panique et démoralisation des opposants, avant même que ne commence la vraie bataille.

En 2004, j’ai comparé l’Irak au Nigeria, en disant que le gouvernement de Bagdad risquait de devenir comme celui du Nigeria : un pays pétrolier qui non seulement était corrompu, mais constituait une kleptocratie institutionnalisée dans laquelle tout était volé et rien n’était construit. Puis lorsque Nouri al-Maliki, en tant que premier ministre irakien, a conduit le pays à la ruine, j’ai pensé que la comparaison était injuste vis-à-vis du Nigeria. Mais finalement, j’avais tort. L’incapacité et le vol du revenu du pétrole à grande échelle, par tous ceux qui sont liés au gouvernement dans les deux pays, ont beaucoup en commun.

Ce qui se passe dans des villages tels que Baga et Doron Baga dans l’état de Borno, dont la plupart ont été envahis par Boko Haram, peut donner l’impression que ce qui se passe ensuite à Londres et Paris n’a rien à voir. Mais c’est dans ces mêmes endroits du monde – rudes, isolés et frappés par la pauvreté – que des mouvements comme Al-Qaïda trouvent les terres les plus fertiles pour se développer sans attirer l’attention, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour les arrêter. Ce qui était le cas pour les déserts de l’ouest de l’Irak, l’est de la Syrie et le sud du Yémen. Là, ils pouvaient fuir ou battre les armées gouvernementales gangrenées par la corruption, dont la brutalité contre les communautés locales garantissait aux djihadistes la sympathie et de nouvelles recrues.

La défense de la France, du Royaume-Uni et d’autres pays, contre les attaques terroristes, comme celle contre Charlie Hebdo, dépend de la capacité à trouver des solutions pour les sept autres guerres civiles ayant lieu du Pakistan au Nigeria. Ce sont les endroits où la violence fanatique sunnite prospère, celle qui a maintenant touché l’Europe occidentale. Les mesures de sécurité et les décisions politiques doivent être coordonnées et, tant qu’elles ne le seront pas, la marche de 40 chefs d’état à Paris restera une vaine gesticulation.

À l’élaboration de politiques efficaces dans la lutte contre Al-Qaïda, ces mêmes 40 chefs d’état devraient penser à ces sept guerres mentionnées plus haut comme étant autant de marais où des moustiques porteurs de malaria se multiplient. Il devrait être possible d’empêcher ces moustiques d’Al-Qaïda d’atteindre l’Europe et d’autres endroits du monde. Certains moustiques pourraient être identifiés et éliminés à leur arrivée. Mais quelles que soient les mesures prises, quelques-uns de ces moustiques – qui ont de nos jours tant d’environnements propices – passeront et s’en prendront aux gens, avec des résultats mortels.

S’opposer au terrorisme ou soutenir la liberté d’expression, c’est comme être en faveur de la maternité ou contre le péché. Le problème avec les manifestations de Paris et d’ailleurs est qu’elles risquent d’être un substitut à des décisions politiques difficiles. Beaucoup d’entre elles, comme par exemple fermer la frontière entre la Turquie et la Syrie, ou mettre la pression sur l’Arabie Saoudite pour contrôler les médias pro-djihadistes, seraient difficiles à mettre en œuvre. Mais sans de telles actions, tout le reste n’est que grandiloquence. Peut être que le président Obama a eu raison de rester à l’écart.

Source : Patrick CockBurn, The Indepedent, le 18/01/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/baga-hameau-du-monde-si-tous-les-gens-bien-pensants-sont-unis-contre-le-terrorisme-ou-sont-les-bannieres-je-suis-nigeria-par-patrick-cockburn/