les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

[Recommandé] Crises et Dévoilement, par Jacques Sapir (+ bonus)

Sunday 5 July 2015 at 03:30

Alexis_Tsipras_in_Moscow_4

Nul ne peut prévoir le résultat du référendum qui se tiendra en Grèce le 5 juillet prochain. Les électeurs grecs sont soumis à une pression tant économique que médiatique sans précédents pour les convaincre de voter « oui ». Les exemples ici abondent, depuis les déclarations des hiérarques de l’Union européenne (les Juncker, Schulz et autres) jusqu’aux pressions faites par les entreprises grecques, en passant bien entendu par la pression la plus importante, et la plus significative, celle de la Banque Centrale européenne qui a coupé l’accès au compte Target2 des entreprises grecques, les empêchant de commercer avec l’étranger. On est en train d’étrangler la Grèce, en la privant de liquidités, et ce au moment même ou le FMI reconnaît le bien-fondé des positions défendues par le gouvernement d’Alexis Tsipras. L’ampleur de l’ingérence européenne est sans égale ; elle constitue un scandale inouï et un déni de démocratie immense. Elle jette un doute sur l’honnêteté du résultat si le « oui » devait l’emporter.

Mais, ce référendum a permis en quelques jours d’opérer un dévoilement important de l’attitude tant de l’Eurogroupe que de l’Union européenne. Ce dévoilement de la nature réelle des institutions européennes est un fait important pour l’ensemble des peuples qui vivent sous ce qu’il nous faut bien aujourd’hui appeler la coupe de l’UE. Il faut donc ici faire le bilan de ce que nous avons appris à la fois dans les mois qui nous séparent de l’élection de janvier dernier et surtout dans les jours qui ont suivi l’annonce du référendum.

La position, tant de l’Eurogroupe que de la Commission européenne, ou du Conseil européen, vis-à-vis du gouvernement grec n’a nullement été fondée sur un constat économique mais elle a toujours procédé d’un parti-pris politique. En effet, il était clair que les demandes de restructurations que le gouvernement grec a présenté sans relâche depuis le mois de février dernier de la dette étaient fondées. De nombreux économistes l’ont écrit[1]. Même le FMI l’a récemment reconnu[2]. Il est aujourd’hui évident que cette restructuration devra avoir lieu, et que le plus tôt sera le mieux. Les rejets multiples et répétés de ces propositions par l’Eurogroupe n’ont eu pour seul objectif que d’aboutir soit à la capitulation du gouvernement grec soit à sa démission. La déclaration de Martin Schulz, Président du Parlement européen le confirme[3]. Il est donc désormais bien établi que les institutions européennes n’ont eu de cesse que d’obtenir le départ d’un gouvernement démocratiquement élu. Ceci en dit long sur la notion de « démocratie » dont on se gargarise tant à Bruxelles qu’à Strasbourg. Ces « institutions » ont donc mené une guerre sans relâche contre le gouvernement grec, n’hésitant devant aucune manœuvre pour le déstabiliser. On en a eu une confirmation avec les méthodes odieuses qui sont utilisées contre lui depuis qu’il a décidé de recourir au référendum.

L’Eurogroupe, qui est l’instance assurant le pilotage de l’Union Economique et Monétaire, que l’on appelle la « zone Euro » n’a pas hésité à violer les règles tacites de fonctionnement établies depuis maintenant des décennies que ce soit du temps du « Marché Commun » ou de celui de l’Union européenne. En décidant de tenir une réunion dont le ministre Grec, M. Varoufakis, serait exclu, l’Eurogroupe, et en particulier son Président M. Dijssenbloem ne se sont pas seulement comportés de manière illégale, mais surtout de manière contraire aux principes qui sont censés être respectés entre les différents pays de l’UE. Il s’agit, ici encore, d’un abus de pouvoir inouï. Il n’a de parallèle que la décision de la Banque Centrale Européenne de couper les comptes Target2 (ou système électronique de transferts intra-zone) des entreprises grecques, organisant une pénurie artificielle de liquidités en Grèce, pénurie qui pèse de manière dramatique sur la situation de la population et qui compromet la tenue du référendum. C’est la première fois que, dans l’Histoire, une Banque Centrale organise une crise financière au sein de la zone dont elle a la responsabilité, non par incompétence mais à dessein. A nouveau, nous sommes confrontés à un abus de pouvoir inouï. Cet abus de pouvoir signifie en réalité que, sans le dire, la BCE a exclu la Grèce de la zone Euro. Si tel n’était pas le cas, la BCE aurait dû continuer à respecter les comptes Target2 des entreprises. Cela signifie que tant l’Eurogroupe que la BCE ne respectent pas la souveraineté de la nation grecque. Nous sommes revenus à la situation des années 1960 quand Leonid Brejnev affirmait la doctrine de « souveraineté limitée » des pays de l’Est vis-à-vis de l’Union soviétique. Ce qu’on fait l’Eurogroupe et la BCE est l’équivalent financier de l’intervention soviétique à Prague en août 1968. Nous sommes donc bien confronté à une tyrannie. Il faut en mesurer soigneusement toutes les conséquences.

On peut en déduire que l’Euro n’est pas une monnaie, ni même un projet économique, mais qu’il est un mode de gouvernement qui vise à imposer les règles du néo-libéralisme contre l’avis des peuples. Telle est la conclusion logique des dénis de démocratie que l’on a décrits et que le gouvernement grec, avec beaucoup de courage et un grand discernement, ont permis de dévoiler. Le maintien de l’Euro ne se justifie pas par des arguments économiques, mais essentiellement par la volonté politique de domination qui aujourd’hui s’incarne dans l’Allemagne, mais qui s’étend, que l’on parle ici de « collaboration » ou de « syndrome de Stockholm » n’a que peu d’importance, aux élites politiques de l’Espagne, de la France et de l’Italie. De ce point de vue, l’absence de politique française, ou plus précisément la servilité compassionnelle dont elle fait preuve face à l’Allemagne sur la question de la Grèce est des plus instructives. On ne peut que s’indigner de la passivité du Ministre des Finances, M. Michel Sapin quand, le samedi 27 juin, M. Varoufakis a été exclu de la réunion de l’Eurogroupe. Mais reconnaissons que cette passivité est dans la logique de l’attitude française depuis le début. Rappelons ici qu’avant son élection M. Alexis Tsipras n’avait pas été reçu par les membres du gouvernement et du P « S »…

Ces comportements signifient la fin des illusions en ce qui concerne la possibilité d’aboutir à un « autre Euro » ou de « changer l’UE ». Il faut sur ce point être très clair. De nombreuses forces se sont bercées d’illusions sur ce point, que ce soit en Grèce, et c’est l’une des contradictions de Syriza, ou en France, avec l’attitude du PCF et du Parti de Gauche. Toute bataille menée de l’intérieur du système est appelée à rencontrer des obstacles tellement formidables que l’on peut douter de son succès. James Galbraith, après beaucoup d’autres, a écrit que seul le vote « non » au référendum du 5 juillet pourrait encore sauver l’Euro[4]. Ce qui est sûr est que, paradoxalement, le « oui » va accélérer la fin de l’Euro en mettant au jour la nature réelle de la zone Euro. Le voile de la soi-disant « rationalité » économique désormais déchiré, réduit à un mécanisme de domination, l’Euro se révèle dans sa nature la plus odieuse[5]. Vouloir « changer » l’Euro n’est plus aujourd’hui une simple erreur ; cela devient au vu de l’action de la zone Euro envers la Grèce une stupidité criminelle. Il faudra d’urgence que les différents partis qui ont joué avec cette idée se mettent rapidement au clair sur cette question ou qu’ils assument de n’être que l’aile compassionnelle de la tyrannie européiste.

Les erreurs stratégiques de Syriza pèsent alors lourd, même si la manière dont la négociation a été menée est digne d’éloge. Il convient de s’inspirer du combat mené mais de ne pas en répéter les erreurs. Ne s’étant jamais mis au clair sur cette question, le gouvernement grec n’a pu apporter au coup d’Etat financier organisé par Bruxelles qu’une réponse bien incomplète. A partir du moment où la clôture des comptesTarget2 des entreprises grecques était constatée il devait réquisitionner la Banque Centrale de Grèce pour que le pays ne se trouve pas à court de liquidité, ou émettre des certificats de paiement (garantis par le Ministère des finances). On rétorquera que cela aurait été interprété par l’Eurogroupe comme une rupture définitive. Mais l’action de la BCE était bien l’équivalent de cette rupture. Il n’est aujourd’hui pas dit que le « oui » l’emporte. Mais, s’il devait l’emporter, ce serait bien parce que le gouvernement grec n’a pas voulu aller jusqu’au bout de la logique dans sa lutte pour la démocratie.

Les leçons que l’on doit tirer de ce qui se passe actuellement en Grèce, que ce soit en France ou ailleurs, sont extrêmement importantes. Un gouvernement qui entrerait en conflit avec l’Eurogroupe et avec l’UE sait désormais à quoi s’attendre. Les risques de déstabilisation de la société sont immenses dès lors que l’arme financière est utilisée sans restriction par la BCE. Devant ces risques, du moins en France, nous avons une procédure d’exception qui est prévue par la constitution : c’est l’article 16. Le précédent de la Grèce montre que les pressions financières peuvent empêcher un fonctionnement normal des institutions. Le pouvoir exécutif serait alors en droit d’user de l’article 16 pour gouverner par décret dans la période de crise et pour répliquer, du tac au tac, aux actions venant de Bruxelles et de Francfort.

* * *

[1] Voir Stiglitz J, « Europe’s attack on Greek democracy », le 29 juin 2015,http://www.project-syndicate.org/commentary/greece-referendum-troika-eurozone-by-joseph-e–stiglitz-2015-06

[2] Voir The Guardian du 2 juillet, http://www.theguardian.com/business/2015/jul/02/imf-greece-needs-extra-50bn-euros?CMP=share_btn_tw

[3] « Un gouvernement de technocrates pour en finir avec l’ère Syriza », déclaration de Martin Schulz, 2 juillet 2015,http://fr.sputniknews.com/international/20150702/1016824871.html

[4] Galbraith J., « Greece: Only the ‘No’ Can Save the Euro », 1er juillet 2015,http://www.prospect.org/article/greece-only-no-can-save-euro

[5] Lordon F., La Malfaçon, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2014

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 3 juillet 2015.

====================================================

Grèce : les Européens ont cherché à bloquer le rapport du FMI

Les pays de la zone euro ont tenté en vain d’empêcher la publication jeudi d’un rapport du Fonds monétaire international (FMI) appelant à une restructuration de la dette grecque.

Dans ce rapport publié à Washington, le Fonds monétaire estime que la dette de la Grèce ne sera pas viable si elle n’est pas considérablement allégée, éventuellement via une annulation de prêts accordés par ses partenaires de la zone euro.

Le FMI ajoute que la Grèce aura besoin de 50 milliards d’euros d’aide supplémentaire au cours des trois prochaines années pour couvrir ses besoins de financement.

Dans une allocution télévisée vendredi, Alexis Tsipras a invoqué ce rapport “d’une importance politique majeure” pour exhorter les Grecs à voter “non” dimanche lors du référendum portant sur des projets de réformes proposés par les créanciers de la Grèce en échange de leur aide financière.

Source : Le Figaro, le 3 juillet

====================================================
Bonus :

Un point très important : un sondage avec le oui (bleu) et le non (rouge) au coude à coude, mais, et c’est le point, par age (18-24 ans, … 65 ans et plus etc) :

comme en Ecosse, ce sont les vieux qui vont faire pencher l’élection, ce qui va finir par poser un gros problème aux actifs…

Sinon :

Du grand Minc…

Sinon, Libé a rencontré LeMonde : tout va bien ! :

(il doit parler des démocrates je pense)

Quatremer, de Libé, a une bonne vision de ce qu’est une négociation :

Et, très important à mon sens, on a ceci :

=> entre la fierté et la prospérité (donc l’argent), on doit choisir l’argent (qu’ils n’ont pourtant pas bien vu en Grèce). Bref, valeur de la fierté et de l’honneur de sa nation = 0 € ou presque… Comme pour les chiens de garde eux-mêmes en somme…

Sans commentaire sinon :

Sinon, l’insulte ultime par M. Lisbonne :

(il n’a pas démissionné lui en 2005 pourtant, non ?)

Et spécial “le président du Parlement européen” (vous savez le truc qui va sauver le démocratie, un jour…) :

Commentaire de Sapir :

Sinon, la Une de l’Obs ce soir :

Les plus partagés :

Et des infos plus importantes :

Et bien entendu, le petit moment Not’Bon’Minist’ :

a

 

Source: http://www.les-crises.fr/recommande-crises-et-devoilement-par-jacques-sapir/


Grèce : Grèce : les scénarios de l’après-référendum, par Romaric Godin

Sunday 5 July 2015 at 02:30

Grece : un référendum sous la pression de l’asphyxie économique

Le référendum grec se déroule dans une atmosphère délétère.

Le référendum grec se déroule dans une atmosphère délétère.

Le “oui” progresse dans les sondages avant le référendum de dimanche. Une évolution logique au regard de l’accélération de la dégradation économique cette semaine.

Le référendum du dimanche 5 juillet en Grèce sur les propositions des créanciers du 25 juin et leur proposition de soutenabilité de la dette va se tenir dans des conditions désastreuses sur le plan économique. Mais ce vote aura lieu dans une situation bien particulière. Le refus de l’Eurogroupe le 27 juin de prolonger le programme d’un mois, comme le demandait Athènes et la décision de la BCE dimanche 28 juin de ne pas relever le plafond des liquidités d’urgence disponibles pour le secteur financier grec, ont conduit à une asphyxie complète de l’économie. Lundi, le gouvernement grec a décidé de fermer les banques, de limiter les retraits à 60 euros quotidiens par carte et d’imposer un contrôle des capitaux. La Grèce est depuis dans un état d’asphyxie économique.

Un référendum hors standard ?

De nombreux observateurs se sont émus des conditions dans lesquelles ce référendum a été organisé. On a estimé que les huit jours de campagne ont été insuffisants et que les documents sur lesquels les Grecs devaient se prononcer n’étaient pas disponibles. Le Conseil de l’Europe a considéré que ce référendum ne remplissait pas les « standards européens » du vote. Le Conseil d’Etat grec doit se prononcer sur sa constitutionnalité ce vendredi. Mais derrière ces éléments juridiques, on oublie que les créanciers ont fait campagne en Grèce en faveur du « oui » à leurs propositions avec des moyens autrement plus puissants.

Un désastre économique

Le premier moyen est donc l’accès à l’aide à la liquidité d’urgence, le programme ELA de la BCE. Cette dernière n’entend pas provoquer un Grexit. Elle a donc maintenu l’accès à l’ELA sans le couper. Une attitude confirmée mercredi 1er juillet au soir. Mais ce gel est un moyen de pression formidable sur la population. L’asphyxie de l’économie grecque est chaque jour plus évidente. Les entreprises grecques ont été exclues du système électronique de transferts intra-zone euro Target 2. Ceci conduit à une impossibilité quasi-totale d’importer. Des pénuries de nourriture, d’essence et de médicaments ont été signalées, notamment dans les îles. Dans les banques, on commence à manquer de billets pour alimenter les automates. Retirer les 60 euros autorisés devient difficile. Selon le Daily Telegraph, il ne resterait que 500 millions d’euros de liquidités disponibles dans les banques grecques. L’économie grecque s’effondre. Selon Paul Mason, envoyé spécial de Channel 4 en Grèce, le chiffre d’affaires dans le commerce de détail non alimentaire a reculé de 30 % à 50 % en cinq jours.

Pour beaucoup d’électeurs, la question n’est donc pas de voter pour ou contre les propositions, mais pour ou contre le retour à la normale en apaisant la fureur des créanciers et de la BCE. Le « oui » ne peut donc que profiter de cette asphyxie économique organisée.

Des entreprises favorables au « oui »

Dans cette situation, beaucoup d’entreprises font plus ou moins ouvertement campagne pour le « oui » afin d’obtenir ce retour à la normale. Selon la chaîne publique ERT, certains chefs d’entreprises inciteraient ouvertement leurs employés à voter « oui », d’autres feraient dépendre le paiement des salaires ou le maintien des emplois d’un vote positif. Rien d’étonnant à cela : sans rétablissement rapide de la liquidité dans l’économie et de la capacité d’importer, ces entreprises pourraient rapidement disparaître. D’autant que la situation économique du pays était déjà dégradée. Dès lors, l’argument du « non » pour rejeter l’austérité devient naturellement fragile. Mieux vaut sans doute pour beaucoup une nouvelle cure d’austérité à un arrêt total de l’économie.

Des médias privés très engagés pour le « oui »

Le deuxième moyen de pression est plus classique. Les médias grecs privés se sont quasiment tous lancés dans une campagne pour le « oui. » Des statistiques récentes montraient que le temps accordé sur les chaînes privés aux manifestations du « non » le 29 juin était anecdotique : 8 minutes contre 47 minutes pour celle du « oui » le 30 juin. Ces médias sont prêts à toutes les manipulations.

Le tabloïd Press Star a ainsi utilisé en une jeudi 2 juillet la photo d’un vieil homme portant quelques pains pour illustrer le malheur des retraités grecs. Une photo qui s’est révélé être celle d’un survivant du… tremblement de terre turc de 1999.

L’enjeu défini par les institutions

Un jeu sur la peur que les créanciers n’hésitent pas à utiliser, eux aussi. La BCE a ainsi ouvertement fait du référendum un vote pour ou contre l’euro. Outre son action sur l’ELA, les déclarations mardi 30 juin au matin de Benoît Cœuré, membre français du directoire de la BCE, a mis fin par une simple reconnaissance de la possibilité du Grexit à l’irréversibilité officielle de l’euro. Dès lors, les électeurs grecs, favorables, selon les derniers sondages, à 81 % au maintien dans la zone euro sont prévenus. Le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a abondé dans ce sens, tandis que le président du parlement européen Martin Schulz a promis un nouveau départ pour la Grèce « une fois l’ère Syriza terminée. » Autrement dit, les électeurs sont prévenus : un « non » signifierait le maintien de l’asphyxie économique, la sortie de l’euro et la mise au ban de l’Europe. Le refus des créanciers de poursuivre les négociations comme Alexis Tsipras l’avait proposé a encore augmenté la pression sur les électeurs en leur laissant entendre qu’il ne pourrait pas y avoir de nouvelles négociations en cas de « non. »

Le « non » en position de faiblesse

En face, le camp du « non » a bien peu d’arguments à faire valoir : Alexis Tsipras lundi 29 juin et Yanis Varoufakis jeudi 2 juillet ont mis leur mandat dans la balance. On tente aussi de glorifier le « non » en rappelant le fameux « non » du général Metaxas à l’ambassadeur d’Italie le 28 octobre 1940 qui est devenu une fête nationale en Grèce. Un moyen d’en appeler à la dignité du peuple grec face aux pressions. Mais c’est en réalité bien peu au regard de la situation et l’argument d’une position plus forte pour négocier en cas de « non » perd de la crédibilité face aux conditions matérielles. Même dans le camp gouvernemental, l’unité est mise à mal. Quatre députés des Grecs indépendants ont ainsi choisi de voter « oui » et, selon la presse grecque, la droite de Syriza commence à douter. Le choix des Grecs semble être désormais celui-ci : conserver l’actuel gouvernement élu pour rejeter le système traditionnel de partis clientélistes et se diriger vers le chaos économique ou rétablir la normalité économique en sacrifiant Alexis Tsipras. Nul ne peut blâmer des Grecs déjà lassés par cinq ans de souffrances de faire le second choix. Mais il convient de ne pas oublier que ce choix se fait avec un pistolet sur la tempe dont on entend déjà le cliquetis.

Le oui a le vent en poupe

Et de fait, la stratégie des créanciers fonctionne. Le « oui » a clairement le vent en poupe et progresse. Un sondage réalisé par Alco et publié ce vendredi donne le « oui » gagnat d’une courte tête avec 44,8 % des intentions de vote contre 43,4 % pour le « non » et 11,8 % d’indécis. Un autre, réalisé par l’Université de Macédoine, donne encore le « non » en tête à 43 % contre 42,5 % pour le « oui » et 14,5 % d’indécis. L’écart est donc minime, mais la dégradation économique est si forte que le besoin de retour à la normale va sans doute peser très lourd dimanche. Reste une matière à réflexion pour l’Europe. Comment est-il possible d’appliquer de tels moyens de pression sur un vote dans un pays de l’Union européenne ? Comment justifier que tous les moyens soient bons pour arracher un vote “acceptable” alors que la solution, une renégociation de la dette, est à portée de main ? L’Europe risque de rester durablement marquée par ce précédent.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 3 juillet 2015.

=============================================

Grèce : les scénarios de l’après-référendum

Les partisans du “oui” et du “non” ont manifesté vendredi soir à Athènes. Mais que risque-t-il de se passer lundi une fois le résultat connu ? Tentative de réponses.

Une place Syntagma, au centre d’Athènes, noire de monde. Une foule qui s’étend dans les avenues et les rues environnantes et qui a été estimée à 25.000 personnes par l’AFP, mais à plus de 50.000 par Reuters. Vendredi 3 juillet au soir, la manifestation pour le « non » au référendum organisé ce dimanche en Grèce sur les propositions des créanciers du 25 juin dernier a fait le plein. Alexis Tsipras, le premier ministre hellénique, a prononcé un discours (que l’on peut lire ici traduit en français) pour donner confiance au partisans du « non. » « Nous célébrons aujourd’hui la victoire de la démocratie. Nous sommes déjà victorieux, quelle que soit l’issue du scrutin de dimanche, car la Grèce a envoyé un message de dignité, un message de fierté », a-t-il déclaré. Il a également présenté l’enjeu du scrutin de dimanche : «  nous ne laisserons pas l’Europe entre les mains de ceux qui souhaitent soustraire l’Europe à sa tradition démocratique, à ses conquêtes démocratiques, à ses principes fondateurs, aux principes de démocratie, de solidarité et de respect mutuel. »

A moins d’un kilomètre de là, dans le stade des Panathénées, les partisans du « oui » s’étaient aussi réunis. Ils étaient, selon l’AFP 22.000. La vedette de ce rassemblement a été le présentateur de télévision franco-grec Nikos Aliagas, arrivé de Paris, qui a déclaré que « le oui donnera un meilleur avenir à nos enfants. » Les partisans du « oui », qui se présentent volontiers comme des partisans de l’Europe et de l’euro, étaient certes moins nombreux vendredi soir mais ils ont actuellement le vent en poupe dans les sondages, aidé par la dégradation rapide de la situation économique et le ralliement quasiment complet des médias privés grecs. Dans les derniers sondages, le oui et le non sont donnés au coude-à-coude.

Les scénarios : la réunion cruciale de la BCE lundi

Quels sont les scénarios possibles après ce référendum ? Dès lundi 6 juillet, le Conseil des Gouverneurs de la BCE se réunira pour examiner l’accès du système bancaire grec au programme d’aide à la liquidité d’urgence (ELA). C’est une réunion très importante. Les banques grecques ont reconnu n’avoir de la liquidité que jusqu’à lundi midi. Si le « oui » l’emporte, la BCE devrait considérer qu’un accord est possible entre la Grèce et ses créanciers puisque le peuple grec a validé le plan des créanciers. Elle devrait alors relever le plafond de l’ELA disponible pour les banques grecques et permettre ainsi rapidement la réouverture des banques fermées depuis lundi. En cas de « non », la BCE pourrait considérer qu’aucun accord n’est en vue. Elle pourrait alors estimer que les garanties déposées par les banques grecques pour son accès à l’ELA ont une valeur moindre. Sans relever le plafond, elle pourrait réduire la valeur de ces garanties et donc en demander davantage. Dans ce cas, les banques grecques ne seraient plus en mesure de fournir des liquidités à l’économie grecque. Elles resteraient fermées et l’accès à l’argent liquide et aux comptes bancaires deviendraient pratiquement impossible.

En prenant une telle décision, la BCE prendrait donc le risque d’expulser de fait la Grèce de la zone euro. On voit déjà que sa décision du 29 juin de ne pas relever le plafond de l’ELA qui a conduit le gouvernement à imposer des restrictions d’accès aux comptes et un contrôle des capitaux a poussé la Grèce à la limite de la zone euro : les entreprises grecques n’ont plus accès au système de transfert électronique interne à la zone euro. Nul ne sait réellement jusqu’où ira la détermination de la BCE, mais, cette semaine, deux membres du directoire, Benoît Cœuré et Vitor Constancio, ont, pour la premier fois, estimé que le « Grexit » était possible. L’irréversibilité de l’euro n’existe donc plus et l’expulsion de la Grèce est une option. Etait-ce du bluff pour effrayer les électeurs grecs ? Etait-ce une vraie détermination ? On ne le saura que lundi 6 juillet en cas de « non. »

Les scénarios : le « oui » l’emporte, un accord ?

Le lendemain, mardi 7 juillet, l’Eurogroupe se réunit. La zone euro refuse toujours de traiter avec la Grèce, quel que soit le résultat, au niveau des chefs d’Etats et de gouvernements. La Grèce demeure un « problème technique » laissée aux techniciens. En cas de « oui », l’Eurogroupe sera sans doute ravi de signer un accord avec la partie grecque sur la base du texte validé par les électeurs. Mais ce ne sera pas pour autant la fin de l’histoire. D’abord, il faut tout reprendre depuis le début. Le programme de 2012 n’existe plus. Il faut refonder un programme avec le MES, dans un nouveau cadre. Bref, rédiger un troisième mémorandum qui reprennne les propositions du 25 juin. Il y aura donc nécessairement des négociations. Mais avec qui signer ? Avec qui négocier ? Sur qui s’appuyer pour l’appliquer ?

L’avenir d’Alexis Tsipras

En cas de victoire du « oui », en effet, la question du maintien au pouvoir d’Alexis Tsipras, qui s’est engagé pour le « non », se posera immédiatement. S’il reste au pouvoir, les créanciers n’auront eu qu’une victoire partielle. Depuis une semaine, ils ne cessent en effet de fustiger l’attitude du chef du gouvernement hellénique et affirment avoir perdu confiance en lui. Martin Schulz, le président du parlement européen, a ainsi prétendu dans le Handelsblatt du vendredi 3 juillet, que la Grèce devait « mettre fin à l’ère Syriza. » Accepteront-ils alors de traiter avec Alexis Tsipras ? Rien n’est moins sûr. Mais il n’est pas davantage sûr qu’Alexis Tsipras puisse se maintenir au pouvoir. Son parti acceptera-t-il en effet, malgré le verdict populaire, d’approuver au parlement, les accords et d’accompagner leur application ? Rapidement, la position du gouvernement risque d’être intenable. Sans compter que ledit gouvernement risque de se déliter rapidement. Le ministre des Finances Yanis Varoufakis a annoncé qu’il démissionnerait en cas de « oui » et il ne sera sans doute pas le seul.

Quel gouvernement ?

Il est plutôt probable donc qu’Alexis Tsipras démissionne en cas de « oui. » Mais alors, qui pour le remplacer ? Martin Schulz a proposé un gouvernement technique et chacun, en Grèce, sait que le président de la Banque centrale, Yannis Stournaras, brûle d’envie d’entrer à Maximou, le Matignon grec. Mais avec quelle majorité ? Compte tenu de l’opposition radicale des Communistes du KKE et des néo-nazis d’Aube Dorée à tout gouvernement, la majorité ne peut se faire pour ce gouvernement technique qu’avec un ralliement d’une grande partie des députés de Syriza. Tout dépendra donc des réactions de ces derniers à la démission d’Alexis Tsipras et de la décision du premier ministre de rester ou non à la tête de Syriza après sa démission. L’équation est donc très complexe. D’autant plus que ce gouvernement technique ne pourra sans doute pas tenir longtemps sans appeler à de nouvelles élections.

Crise politique

Or, l’issue de telles élections est très incertaine. Il n’y a pas en réalité dans le paysage politique grec d’alternatives à Syriza aujourd’hui. Le parti pro-européen To Potami, poulain de Bruxelles, peut sans doute profiter d’un « oui », mais son implantation reste très faible dans la population et les liens de son leader Stavros Theodorakis avec l’oligarchie et les anciennes élites politiques n’en font pas une vraie option. Les électeurs ont choisi Syriza en janvier aussi et surtout parce que ce parti représentait une chance de se débarrasser des partis traditionnels et de leur système clientéliste. Dans de nouvelles élections, et malgré un « oui », ils pourraient renouveler ce choix. D’autant que ces élections se feront dans des conditions moins extrêmes que le référendum et sous des pressions économiques moins fortes. Enfin, l’opposition « pro-troïka » est très divisée entre le Pasok, To Potami et Nouvelle Démocratie. Or, en Grèce, le parti arrivé en tête glane 50 des 300 députés de la Vouli, le parlement. Bref, les créanciers risquent de devoir, même avec un « oui », compter encore avec Syriza. Et comme les propositions soumises au peuple ce dimanche ne concernent que les années 2015 et 2016, la tension risque rapidement de revenir, compte tenu des besoins énormes de financement du pays et de la volonté d’un gouvernement Syriza à reprendre la main une fois le plan validé par le peuple arrivé à échéance. Surtout si, comme c’est probable, ce plan est encore un échec en termes d’objectifs chiffrés comme l’ont été tous les plans de la troïka depuis 2010…

Les scénarios : en cas de « non », blocage ou accord ?

Et en cas de « non » ? Alexis Tsipras sortira évidemment renforcé. Il a assuré que, dans ce cas, la position grecque sera plus forte dans les négociations et qu’il pourrait signer un accord dès mardi. C’est sans doute fort optimiste, mais il est vrai que l’accord avec les créanciers est en réalité assez proche. Le gouvernement grec a accepté l’essentiel des mesures d’austérité exigées par les créanciers, sauf la fin du rabais de TVA dans les îles et la suppression de la retraite complémentaire EKAS pour les plus fragiles en 2018 (il propose 2019). Le vrai point de désaccord, c’est la dette. Athènes ne veut pas d’une vague promesse sur la restructuration de la dette, mais un vrai calendrier engageant. Les créanciers refusent. Un « non » les fera-t-il fléchir ? Pas sûr. D’autant que, comme on l’a vu, la BCE pourrait rapidement remettre la pression sur le gouvernement grec en réduisant l’accès à l’ELA. Alexis Tsipras devra donc rapidement faire son choix entre une poursuite incertaine des négociations et un Grexit. Il a cependant toujours rejeté cette option, et ce n’est pas une posture. Syriza est fondamentalement et historiquement un parti pro-européen. Mais nécessité fait parfois loi.

Il ne faut cependant pas oublier qu’un « non » serait un désaveu du peuple grec envers l’attitude des créanciers. Il leur sera alors difficile de ne pas tenir compte de ce vote. Eux aussi, avec la BCE, seront confrontés à un choix grave. Nier le « non » en refusant de négocier davantage et en coupant encore la Grèce de la zone euro serait désastreux à terme pour l’image de l’Europe et on ignore si la BCE est réellement prête à prendre le risque d’un Grexit.

Le scénario le plus « acceptable » semble donc être celle d’un « non » suivie d’un attentisme de la BCE, d’une courte négociation où les Grecs accepteraient un plan légèrement modifié des créanciers et accompagné d’un engagement à ouvrir des discussions sur la dette. Dans ce cas, on éviterait la crise politique en Grèce et chacune des parties sortirait la tête haute. L’économie grecque pourrait alors retrouver un fonctionnement normal, nonobstant les effets des mesures annoncées. Mais ce scénario n’est pas aujourd’hui le plus probable.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 4 juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/grece-grece-les-scenarios-de-lapres-referendum-par-romaric-godin/


“Ingérences grossières” : Déclaration de la Présidente du Parlement Grec, Zoe Kostantopoulou

Sunday 5 July 2015 at 01:22

al15400_us84_20150206130238_kwnsta646

Déclarations de la Présidente du Parlement au sujet des ingérences grossières dans le processus du référendum et la tentative d’en changer la question.

« Ces derniers jours et ces dernières heures on a enregistré un déluge d’ingérences grossières dans le processus démocratique du référendum, proclamé pour la première fois en 41 ans depuis la fin de la dictature des colonels, à l’instigation du Premier ministre, puis sur proposition du gouvernement et décision du Parlement.

Les représentants d’hier, les co-responsables de la destruction du pays et du peuple, et leurs partenaires nationaux et étrangers, ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour empêcher l’expression de la volonté populaire.

Pour empêcher ou annuler le référendum.

Et maintenant, puisqu’ils ont échoué dans cette tentative,

ils font tout ce qu’ils peuvent pour en modifier le résultat, rendre floue et dénaturer la question très claire, en adressant au peuple un nouveau chantage:

Que soi-disant, si les citoyens disent « non », nous devrons quitter l’Union Européenne ou la zone euro

Que si’ls disent « non », il n’y aura aucune nouvelle négociation

Que si ils disent « non », cela signifiera qu’ils « ne veulent pas d’aide ».

Certains, chefs d’État mais aussi représentants de la Commission et d’autres institutions et organismes, n’hésitent pas à interférer grossièrement dans les affaires internes du pays et à suggérer au peuple ce qu’il doit voter au référendum, en modifiant la vraie question.

Ce qui est important c’est non seulement ce qu’ils disent, mais qui le dit.

Le disent les représentants des gouvernements qui se sont alliés aux gouvernements qui ont détruit le pays et ont fait des échanges avec eux.

Le disent les représentants d’organisations internationales qui ont participé à des programmes catastrophiques qui ont décomposé la société et causé d’ indicibles malheurs.

Le disent des dignitaires, qui ont admis s’être trompés dans le cas de la Grèce, encore et encore.

Mais le disent aussi les représentants du système politique corrompu des anciens partis, de la corruption et des combines, ceux qui ont créé une dette illégale, honteuse et insoutenable et qui veulent la mettre sur le dos du peuple, de la jeunesse et des générations futures, sans rendre de comptes.

Le oui ne signifie pas oui à l’Europe.

Il signifie oui à l’ultimatum adressé par la Troïka au gouvernement grec.

Le oui signifie oui aux mémorandums, à la soumission et à la servitude.

Oui à des diminitutions suplémentaires des salaires et des retraites,

Oui au chômage et à la précarité de l’emploi,

Il signifie oui à l’abandon de la souveraineté et de la démocratie,

au bradage des biens publics,

à de lourds impôts sans fin.

Il signifie aussi oui à la dégradation de la Grèce de pays membre à part égale de l’UE en pays paria et en colonie de la dette.

Le non signifie non aux tactiques et pratiques antidémocratiques

Non aux chantages anti-européens et aux ultimatums

Non aux blocages artificiels

Non à l’asphyxie du peuple, avec les banques fermées

Non à l’asservissement d’États-membres par d’autres États-membres

Non à la soumission économique et politique.

Le Gouvernement s’est redressé.

Il n’a pas cédé, il n’a pas capitulé en trahissant la confiance des citoyens.

Le Parlement en 2015 a été à sa hauteur.

Il n’a pas fait loi d’État les mesures qui ont condamné de nombreuses générations à un esclavage mémorandaire.

Pour la première fois le peuple peut réellement décider de son avenir.

Pour la première fois il peut repousser lui-même, par son vote, le dernier chantage.

Pour la première fois, le peuple peut lever la tête et avec son vote, avec le non, secouer le joug des mémorandums.

Qu’il vote et se batte pour sa dignité et son avenir.

Et qu’il défende le seul gouvernement qui lui a fait confiance et lui a rendu le pouvoir qui lui appartient et qu’il défende le Parlement qu’il a lui-même élu et qui lui a rendu le pouvoir qu’il en tire et exerce en sa faveur.

Qu’il ne permette pas le renversement du gouvernement par ceux qui, depuis des mois élaborent des scénarios de déstabilisation et de détournement, pour remettre le pays et le peuple aux forces de la corruption, des combines et de la tromperie, qui ont tirer profit des mémorandums sur le dos de la société.

Et qu’il envoie le message retentissant et optimiste aussi aux autres peuples d’Europe, que la démocratie est l’affaire des hommes et des peuples, non des banques, des banquiers et des marchés.

Les « non » du peuple grec ont, dans l’Histoire, rendus fiers non seulement les Grecs, mais l’humanité toute entière.

Un tel « non » rendra fières les générations futures et défendra la véritable âme de l’Europe, qui ne se base pas sur des ultimatums et des chantages, mais sur une coexistence égalitaire, la démocratie et la solidarité. «

Source : Frédérique Bouvier, pour Syriza France, le 2 juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/ingerences-grossieres-declaration-de-la-presidente-du-parlement-grec-zoe-kostantopoulou/


La gauche française et le référendum de république bananière de Tsipras, par Bruno Roger-Petit

Sunday 5 July 2015 at 00:53

Un autre billet ignoble, pour archive…

Une partie de la gauche française soutient l’opération montée par Alexis Tsipras. Derrière ce soutien au nom du souverainisme, le populisme et le complotisme ?

Alexis Tsipras ANGELOS TZORTZINIS / AFP

Alexis Tsipras

Il parait que le référendum promis par Alexis Tsipras est un modèle de démocratie moderne. Le chœur des souverainistes de tous bords est unanime : Seul en Europe, tu n’es pas antique O Alexis ! Toi qui en appelles au peuple au sein d’une Europe où les Etats souverains ont abdiqué leur nation en échange de la BCE et du FMI, institutions au service de la destruction du peuple. Mais, toi Alexis, tu sauves l’idéal démocratique, toi qui rends la parole au peuple, d’un dimanche à l’autre, malgré les sarcasmes méprisants des européistes aux ordres !

On exagère à peine l’ode à Alexis Tsipras qu’entonnent à l’unisson, les Fronts français, le “national” des Le Pen et le “de gauche” de Mélenchon, tous deux rejoints par cette partie de la famille socialiste qui ne désespère jamais de la Nation, quitte à flirter, pour certains de ses membres à la dérive, avec des idées un peu moisies.

Il faut lire, par exemple, ce qu’écrit l’économiste Frédéric Lordon dans sa dernière livraison sur le site du Monde diplomatique (et célébré ce vendredi par Natacha Polony, une amie de la famille souverainiste post-chevènementiste, dans sa revue de presse d’Europe 1) : “Forcément, ça leur a coupé la chique. Qu’on puisse jouer la carte de la démocratie, c’est la chose qui est maintenant tellement hors de leur entendement qu’elle les laisse toujours sidérés, pantois et démunis. Vraiment, à cet instant, on aurait voulu voir leurs têtes, mâchoires décrochées comme des tiroirs de commodes fraîchement cambriolées : Sapin, Hollande, Moscovici, leurs experts organiques, leurs journalistes de propagande, tous ceux qui n’ayant que la “modernité” à la bouche se sont si constamment efforcés d’en finir avec le peuple, pénible démos, et pénible démocratie quand il lui vient à l’idée de ne pas se contenter de valider ce qui a été décidé pour elle”.

Une certaine idée de la haine

Le billet de Lordon a le mérite de concentrer l’essentiel de l’argumentaire des souverainistes de gauche hostiles à l’Union européenne confrontée au referendum promis par Tsipras. Il s’en dégage une certaine idée de la haine. Lordon fait dans le populisme et le complotisme, marques de l’époque, qui voit un ensemble de forces occultes manipuler l’Europe au service des intérêts de qui vous savez. Car Lordon connaît les coupables: “l’oligarchie” et ses complices, les journalistes et les hauts-fonctionnaires proches du PS français, et il les dénonce façon années 30.

Quand Lordon s’en prend à l’oligarchie, c’est le grand Thorez revenant de Moscou : “Tsipras peut s’enorgueillir des tombereaux d’injures que lui réserve une oligarchie d’un autre type, le ramassis des supplétifs d’une époque finissante, et qui connaitront le même destin qu’elle, la honte de l’histoire”.

Les journalistes ne sont pas mieux traités, surtout le spécialiste des questions européennes de Libération, éternel Saint Sébastien bruxellois des souverainistes français : “La première chose que Jean Quatremer a cru bon de tweeter consiste en photos de queues devant les distributeurs à billets. Et d’annoncer avec une joie mauvaise : “La Grèce sera donc en faillite mardi à minuit. Accrochez-vous !”

Les hauts-fonctionnaires socialistes français enfin, sont également vilipendés, notamment ceux du groupe social-libéral Les Gracques, notamment Denis Olivennes, patron d’Europe 1 et du JDD :  “la racaille Gracque, en effet la vraie racaille dans la société française – pas celle de Sarkozy –, ces ‘anciens hauts fonctionnaires socialistes’ comme ils aiment à se présenter eux-mêmes, et qui en disent assez long sur l’état réel du ‘socialisme’ français – pour ceux qui ne s’en seraient pas encore aperçus” (on notera que Denis Olivennes, bien que qualifié de “pure racaille”, a les idées larges, puisqu’il laisse la responsable de la revue de presse de la radio qu’il dirige citer abondamment les propos de Frédéric Lordon, licence libérale qui contredit sa représentation d’une caste de “journalistes de propagande”).

Une manipulation du peuple grec

Il n’est pas question ici de nier le déficit démocratique européen, ni les conséquences qu’il emporte avec lui. Face à la Grèce, l’Union européenne mérite sans aucun doute bien des critiques. La BCE tout autant. Le FMI, et sa directrice générale, qui confond son rôle avec celui d’une dame de charité peu charitable, idem. Il est vrai, aussi, qu’après le précédent du rejet français de 2005 (par référendum) du projet de constitution européenne, la mise en application, via le traité de Lisbonne, de ce qui avait été rejeté a constitué, et constitue encore, un déni démocratique. En 2015, la France est loin de participer à l’élaboration du projet européen porté par François Mitterrand durant ses deux septennats.

Pour autant, le référendum de Tsipras est-il la réponse appropriée à cette crise démocratique européenne ?

A l’heure où ces lignes sont écrites, soit à quatre jours de la tenue du scrutin prévu dimanche prochain, on ne sait quelle sera la question posée, éventuellement, au peuple grec souverain. On ne sait même pas si ce référendum aura lieu, puisque Alexis Tsipras dit tout et son contraire d’une heure à l’autre. Si les Grecs votent effectivement dimanche, dans de telles conditions, sans que se soit déroulée une campagne électorale digne de ce nom, sans vraiment connaitre l’objet du vote, sans en mesurer réellement les enjeux, y aurait-il de quoi célébrer une telle opération politique, qui s’apparente plus à de la manipulation d’un peuple qu’à l’exercice libre et éclairé de sa souveraineté ?

Est-ce bien cela la démocratie rêvée par Lordon et la gauche souverainiste à la française, tous alignés, pour le coup, sur la ligne du Front national de Marine Le Pen et Florian Philippot ?

Que diraient Lordon et ses camarades, tous entichés de Tsipras, si François Hollande, David Cameron ou Angela Merkel organisaient un référendum en moins d’une semaine sur la question européenne, sans campagne et sans question connue dès l’origine ? Ils protesteraient de ce que l’on méprise le peuple français. Ils dénonceraient le populisme de l’affaire. Et ils auraient bien raison.

En vérité, à célébrer Tsipras et son référendum de dictature bananière, Lordon et les autres manifestent bien peu de considération pour le peuple grec, traité comme un enfant. que les Grecs votent, oui, mais pas de cette façon là ! Hélas, visiblement, tout cela pèse peu au regard du besoin irrépressible de délivrer une vision populiste et complotiste de l’Europe et de ses élites. Populisme et complotisme ne sont pas les mamelles de la démocratie. On n’est pas à l’aise quand on lit Lordon et les autres. Cette gauche-là m’inquiète.

Source : Bruno Roger-Petit, pour Challenges, le 1er juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/la-gauche-francaise-et-le-referendum-de-republique-bananiere-de-tsipras-par-bruno-roger-petit/


[Entraide] Économistes, Recherches, Modération, Wiki, Aix en Provence

Saturday 4 July 2015 at 06:36

Bonjour – plusieurs appels à l’entraide aujourd’hui

Recherches économiques

Merci à ceux qui ont répondu pour les taux d’intérêts de la Grèce !

Passant à BFM lundi matin :) j’aurais bien besoin d’aide ce we.

Il me faudrait des volontaires pour chercher (mettre en forme sous excel ou autre si possible) :

Modération

On a bien besoin de volontaires pour la modération cet été !

Wiki

Si vous êtes un roi de la programmation pour améliorer un wiki…

Aix en Provence

Je serai à Aix ce samedi 4 après midi, si vous avez envie de papoter un peu en terrasse…

RV disons à 17h00 Place des Martyrs de la Résistance

Contact

Contactez-moi ici en indiquant en objet le sujet sur lequel vous vous proposez…

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-07-15/


“L’Europe a déclaré la guerre à la Grèce”

Saturday 4 July 2015 at 01:41

Pour Stathis Kouvelakis, membre du comité central de Syriza, le déroulement de la crise grecque “signe la fin d’une certaine idée de l’Europe”, dont il dénonce le caractère “antidémocratique”.

Stathis Kouvelakis, membre du comité central de Syriza et professeur de philosophie critique au King's College de Londres. (Stefania Mizara pour L'Obs)

Stathis Kouvelakis, membre du comité central de Syriza et professeur de philosophie critique au King’s College de Londres. (Stefania Mizara pour L’Obs)

Pourquoi le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a-t-il décidé un référendum ?

- Alors qu’il avait signé de sa propre main les dernières propositions présentées aux institutions européennes, celles-ci ont voulu le soumettre à un exercice d’humiliation en lui demandant d’aller encore plus loin, au-delà de ce qui était politiquement gérable par lui : il était devenu clair que son propre parti, sa majorité parlementaire et une partie croissante de la société n’étaient pas prêts à faire davantage de concessions.

Comment en est-on arrivé là ?

– Il n’y a pas eu de négociations. Le terme est inadéquat pour décrire ce qui s’est passé. Les institutions européennes ont gardé la même ligne depuis le début : imposer à Tsipras un plan d’austérité, le forcer à rester dans un cadre identique à celui de ses prédécesseurs et montrer ainsi que les élections en Europe, a fortiori quand c’est un parti de gauche radicale anti-austérité qui gagne, ne changent rien aux politiques qui sont suivies.

Ce qu’on appelle des négociations n’a été qu’un piège mortel qui s’est refermé sur Tsipras. Son erreur, c’est de ne pas l’avoir compris à temps. Il pensait qu’en poussant les discussions le plus loin possible les Européens finiraient par se résoudre au compromis plutôt que de prendre le risque d’une rupture. Mais ils n’ont rien cédé, alors même que lui a perdu beaucoup : il a fait d’énormes concessions, l’opinion publique s’est habituée à l’idée qu’un accord était possible, les caisses publiques sont vides.

N’a-t-il pas aussi fait l’erreur de croire qu’il pouvait obtenir moins d’austérité tout en restant dans l’euro ?

– Je fais partie de la tendance, au sein de Syriza, qui pense depuis le début que vouloir concilier le rejet de l’austérité et le maintien dans la zone euro est contradictoire. Or on a vu, dès que la Banque centrale européenne a décidé en février de couper le principal moyen de financement des banques grecques, que ce n’était pas possible. L’arme monétaire a servi de moyen de pression sur la Grèce afin de la forcer à renoncer à sa politique anti-austérité.

Le dernier épisode de ce chantage, c’est lorsque l’Eurogroupe, en refusant de prolonger le programme actuel, a contraint Tsipras à fermer les banques cette semaine. Le but est politique : en prenant les Grecs en otage et en créant une situation de panique, notamment dans les classes moyennes et aisées, il s’agit soit de forcer le gouvernement à ne pas aller jusqu’au référendum, soit de dicter les conditions de son déroulement et de favoriser le camp du oui. L’Europe a déclaré la guerre à la Grèce.

La société grecque semble très divisée…

– Oui, deux tendances s’affrontent. Le camp du non s’appuie sur une partie de la population très affectée par l’austérité, qui perçoit les exigences de la troïka comme une volonté d’humilier la Grèce. Mais le camp du oui, renforcé par la peur que suscite la fermeture des banques, est aussi en train de se structurer. Nul doute que ce référendum est un acte politique courageux. Les décisions importantes sont toujours risquées. On avait fini par oublier au fil du temps que la politique s’est rapetissée en Europe.

“La fin d’une illusion sur l’Europe”

Quels sont les scénarios possibles à l’issue du référendum ?

– Une victoire du oui serait une défaite majeure pour Tsipras et le contraindrait sans doute à organiser de nouvelles élections. Mais une victoire du non renforcerait sa détermination face aux institutions européennes en lui donnant un mandat différent de celui du 25 janvier : il s’agirait désormais de rompre avec l’austérité, quelles qu’en soient les conséquences – y compris si cela signifie sortir du cadre européen. Lorsqu’il a annoncé la tenue du référendum, c’était la première fois que le mot “euro” ne figurait pas dans son discours. Ce n’est pas un hasard.

Est-ce l’acte de décès de l’Europe ?

– Tout le déroulement de la crise grecque signe la fin d’une certaine idée, ou plutôt d’une illusion entretenue au sujet de l’Europe. Son caractère antidémocratique qui ne respecte que la loi du plus fort, son néolibéralisme qui méprise tout contrôle démocratique sont perceptibles par tous désormais. Tous ont pu se rendre compte que, même si Syriza n’a cherché qu’une rupture partielle avec les politiques d’austérité, une rupture modérée, pragmatique, et sans remettre en question les fondamentaux du cadre européen, l’affrontement a été ultraviolent. Simplement parce que ce gouvernement n’était pas prêt à capituler face au diktat néolibéral.

Même si l’Europe parvient à vaincre la résistance des Grecs, elle paiera, je crois, un prix très lourd pour son attitude. Car la Grèce n’est que la pointe avancée de la crise européenne : le projet communautaire est de moins en moins soutenu par les opinions publiques.

Source : Sarah Halifa-Legrand, pour L’Obs, le 2 juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/leurope-a-declare-la-guerre-a-la-grece/


[El Pais] Et si Varoufakis avait raison ?

Saturday 4 July 2015 at 00:45

Yanis Varoufakis, le 11 juin dernier à Athènes. / ALKIS KONSTANTINIDIS (REUTERS)

“La Grèce est le pays qui a mené le plus de réformes pendant la crise.” L’auteur de cette phrase n’est pas le ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, mais une banque allemande, Berenberg, qui depuis quelques années étudie l’état des réformes – ce mot magique – dans la zone euro. Les institutions connues auparavant sous le nom de troïka et les associés européens insistent sur le fait que, malgré cela, le pays a besoin de plus de réformes. Et c’est vrai. Mais la dernière proposition des créanciers pour éviter un défaut de paiement exige de la Grèce, en plus d’un excédent budgétaire de 1% du PIB cette année, une coupe budgétaire de quelques 3 milliards de plus. Pas un seul mot sur la restructuration de la dette. Une dizaine d’économistes de premier plan s’accordent à dire que ce plan est une erreur.

Le premier ministre, Alexis Tsipras, a remporté les élections avec un programme fondé sur une stratégie exactement à l’inverse : mettre fin à l’austérité et obtenir un allègement de la dette. Tout l’argumentaire du controversé Varoufakis s’articule autour de ces deux pivots. Les experts consultés ne sont pas d’accord avec le style du ministre, mais estiment que ce point de vue est incontestable. « La dette grecque est insoutenable. L’Europe doit enfin le reconnaître et accepter une restructuration en échange de réformes », a déclaré Marcel Fratzscher, directeur du think tank allemand DIW. « Nous pouvons continuer à faire semblant de croire que la Grèce va tout payer, mais c’est une erreur de continuer à nier la réalité et lui faire la morale, en pensant que la Grèce doit être punie », ajoute le libéral Paul De Grauwe de la London School. « La restructuration est essentielle et elle arrivera », explique Barry Eichengreen, de l’Université Berkeley. Ken Rogoff, de l’Université Harvard, avance pour sa part que « le jour où cela sera admis n’est qu’une question de temps ».

Cinq ans après la découverte du péché originel – les Grecs ont menti comme des arracheurs de dents sur leurs comptes publics -, la zone euro semble prête à répéter de vieilles erreurs. Ses dernières propositions « semblent mieux conçues pour éviter un problème politique à Berlin ou Madrid que pour résoudre les difficultés de la Grèce », remarque Athanasios Orphanides, ancien gouverneur de la Banque de Chypre. Il se plaint que « la saga grecque soit la constatation du fait que la confiance dans le projet européen ait disparu à cause d’une combinaison d’intérêts nationaux, de jugements moraux et de la résurgence de stéréotypes ».

Excédent inatteignable

Les économistes sont non seulement d’accord sur la nécessité de restructurer la dette, mais aussi sur le fait de critiquer les objectifs budgétaires fixés. « La Grèce ne peut tout simplement pas parvenir à un excédent budgétaire de 1% cette année. Au milieu d’une récession, demander plus d’austérité est contre-productif : après la catastrophe de ces dernières années, il est incroyable que nous continuions sur cette voie », explique Simon Wren-Lewis, d’Oxford. Pour Charles Wyplosz, de l’Institut universitaire, « l’imposition de coupes budgétaires supplémentaires montre à quel point les gouvernements européens sont loin d’assumer leur responsabilité dans les graves erreurs commises dans le passé. » « Une autre vague de réductions budgétaires aggravera les choses. Nous ne retenons pas les leçons : il ne s’agit plus d’un débat économique, mais politique et plein de tabous », dit Wyplosz. « Il serait plus logique de demander un budget équilibré cette année, avec des objectifs plus ambitieux plus tard. Et d’accompagner cette concession de la promesse d’une restructuration avec la condition de mettre en place des réformes. Cela est facile à dire, mais moins facile à faire pour les ministres de l’euro », selon Angel Ubide, de l’Université Peterson.

La fin des négociations approche. La tension est de retour, et avec elle la possibilité d’une sortie de la Grèce de l’euro. « Si les créanciers étaient raisonnables sur les objectifs en matière fiscale et la restructuration de la dette, on ne parlerait plus de Grexit ; nous n’aurions pas perdu tout ce temps », critique Kevin O’Rourke, du Trinity College. Lorenzo Bini Smaghi, ex-conseiller à la BCE, pense qu’une sortie de la Grèce « pourrait renforcer l’euro à moyen terme, mais la transition serait problématique et nécessiterait des mesures courageuses en matière d’intégration et surtout une BCE très active. » « Le Grexit aurait des conséquences limitées à court terme, mais à moyen terme cela suppose une révolution copernicienne : cela reviendrait à dire aux marchés que la zone euro est un arrangement provisoire, et que quand la prochaine récession frappera les rivages de l’Europe ils pourront commencer à chercher le candidat suivant pour en sortir », conclut de Grauwe.

Source : El Pais, le 16/06/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

 

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/el-pais-et-si-varoufakis-avait-raison/


16 chiffres qui montrent qui paye la crise grecque

Saturday 4 July 2015 at 00:33

Poverty in Greece

Sur le blog économique Macropolis, Nick Malkoutzis, rédacteur en chef adjoint du journal grec Kathimerini, communique deschiffres qui témoignent des ravages que la crise de la dette a occasionnés dans son pays.

Vu de l’extérieur, les quelques Athéniens décontractés qui dégustent leur tasse de café en terrasse, ou les îliens qui s’attardent à l’apéritif peinent à décrire les conséquences bien concrètes de cette crise pour l’homme de la rue. Et comme nous ne sommes pas confrontés à ce qui se passe dans les salons, bureaux, bâtiments d’usine et les hôpitaux, nous ne pouvons pas voir l’impact réel et dérangeant de la crise grecque. Les indicateurs suivants nous rappellent cependant comment ce pays de l’UE a été catapulté au siècle dernier:

✔ 34,6% de la population vit dans la pauvreté ou dans l’exclusion sociale, ou est susceptible d’y glisser (chiffres 2012).

✔ Depuis le début de la crise, le revenu disponible des ménages a chuté de 30%.

✔ 34,8% des ménages grecs ont des arriérés à l’égard de l’Etat, des banques, de la sécurité sociale ou d’autres services publics.

✔ Plus de 40% pensent qu’il ne seront pas en mesure de remplir leurs obligations financières cette année.

✔ Le Service public de fourniture d’électricité coupe l’approvisionnement électrique de près de 30.000 familles et entreprises chaque mois en raison de factures impayées.

✔ Depuis le début de la crise, le chômage a augmenté de 160%. Près de 3,5 millions d’employés travaillent pour soutenir 4,7 millions de chômeurs et d’inactifs.

✔ Les chômeurs reçoivent une indemnité de chômage de 360 euros pendant les 12 premiers mois de leur chômage. En conséquence, seulement 15% des 1,4 millions de chômeurs reçoivent des prestations. Les travailleurs indépendants (25% du nombre total de personnes actives) n’ont pas droit à ces prestations.

✔ Les transferts sociaux devraient être réduits de 18% cette année. Le budget de la santé a été réduit de 11,1% entre 2009 et 2011. Aucun pays de l’OCDE n’a réalisé une coupe aussi importante sur ce budget.

✔ La pension moyenne de base se monte à moins de 700 euros, et depuis 2010, elle a été réduite d’un quart. Il est prévu que ce montant soit encore réduit de moitié sur les prochaines années.

✔ Pour 48,6% des ménages, la pension est la principale source de revenus.

✔ Selon une étude de l’Université d’Athènes, 12,3% des Grecs souffrent de dépression clinique. Ils n’étaient que 3,3% en 2008.

✔ Environ 800 000 personnes vivent sans accès aux soins de santé et dans certaines régions, des organisations humanitaires telles que Médecins du Monde ont dû se substituer au système de santé national pour fournir des soins et des médicaments aux personnes les plus vulnérables.

✔ La réduction du nombre de seringues et de condoms disponibles pour les toxicomanes a provoqué une forte hausse des cas d’infection au VIH, les faisant passer de 15 en 2009 à 484 en 2012.

✔ Les chercheurs notent également une augmentation de 21% du nombre d’enfants mort-nés, qu’ils ont attribuée aux restrictions d’accès aux soins prénatals.

✔ La mortalité infantile a augmenté de 43% entre 2008 et 2010.

✔ Enfin, le taux de suicide est également en hausse, et alors qu’on en avait compté 400 en 2008, on a dénombré 500 cas de suicides en 2011.

Source : Audrey Duperron, pour Express.be, le 18 mars 2014.

Source: http://www.les-crises.fr/16-chiffres-qui-montrent-qui-paye-la-crise-grecque/


Grèce : Ruth Elkrief, représentante de la Troïka, questionne Jacques Sapir

Saturday 4 July 2015 at 00:02

Le lundi 29 juin au soir, Ruth Elkrief recevait, sur le plateau de BFMTV, l’économiste Jacques Sapir. Ce dernier, connu pour ses positions hétérodoxes, entre autres et notamment sur la question de la construction européenne et de l’Euro, a pu faire entendre un autre son de cloche que celui auquel nous avons été accoutumés ces derniers jours. Tant mieux pour le pluralisme.

Mais, et quand bien même il ne s’agit pas ici de juger du bien-fondé des opinions de Jacques Sapir, force est de constater que les questions posées par Ruth Elkrief ne ressemblaient guère à celles d’une intervieweuse, mais plutôt à celles d’une avocate des institutions européennes. Un cas exemplaire de ces interviews « made in Troïka », dont la motivation principale ne semble pas être celle d’informer, mais plutôt de défendre un point de vue anti-Tsipras sous couvert de « questions » largement inspirées par les aficionados de l’eurocratie.

Peut-être dira-t-on que Ruth Elkrief se fait l’avocate du diable. Mais la ressemblance avec une procureure ne laisse planer aucun doute : elle se comporte en attachée de presse de la Troïka. Démonstration avec une transcription intégrale des questions qu’elle a posées à Jacques Sapir [1].

- Ruth Elkrief : « Bonsoir Jacques Sapir, merci d’être l’invité de BFM TV, vous êtes directeur d’études à l’École des Hautes Études, et vous approuvez l’initiative d’Alexis Tsipras de faire ce référendum prévu dimanche sur la proposition européenne sur laquelle on va revenir. Est-ce qu’Alexis Tsipras est courageux ou irresponsable ? »

Une belle entrée en matière.

Et la suite est encore plus savoureuse :

- Ruth Elkrief : « Est-ce que ce n’est pas un aveu de faiblesse [de Tsipras] ? C’est Jean-Dominique Giuliani de la Fondation Robert Schuman qui dit “ça n’a rien à voir avec la démocratie c’est un aveu de faiblesse, qui emprunte tout aux techniques de rupture dont Tsipras est issu, qui laisse à penser que, parvenu au pouvoir sur les décombres d’un système politique à bout de souffle, il ne veut pas l’exercer. Il prend le peuple grec en otage en lui demandant de se prononcer sur un texte qui n’existe pas, faute d’avoir été capable de conclure une négociation sérieuseavec ses créanciers” ».

Remercions « Jean-Dominique Giuliani de la Fondation Robert Schuman », qui a permis à Ruth Elkrief de poser une question des plus innocentes, destinée de toute évidence à informer, en toute objectivité, les téléspectateurs de BFMTV.

- Jacques Sapir : « (…) Les Grecs sont abreuvés d’informations depuis maintenant cinq mois, et ils vont pouvoir donner leur avis… ».

- Ruth Elkrief : « Et ils auront peut-être un gouvernement qui va faire une campagne en cinq jours contre l’accord ».

Un gouvernement qui prend partie dans une campagne référendaire ? Voilà qui ne pourrait guère se produire dans nos contrées.

- Jacques Sapir : « (…) S’il y avait eu de vraies négociations on n’en serait peut-être pas arrivés là, mais ça, ça n’a pas dépendu ni de Tsipras ni de Varoufakis ».

- Ruth Elkrief : « Alors Jean-Claude Juncker dit l’inverse évidemment, il s’estime trahi, lâché et, on l’a entendu avec Michel Sapin tout à l’heure, Michel Sapin dit “on a fait beaucoup d’efforts, on a proposé que la retraite soit au même âge, que le départ à la retraite soit au même âge que dans de nombreux autres pays, qu’on augmente la TVA parce qu’elle est inférieure dans certaines parties de la Grèce à ce qu’on paye en France, et on allait parler de la dette, on allait parler de la restructuration de la dette, c’était sur la table“. Donc il nous a joué un tour, enfin il ne l’a pas dit, mais je pense qu’il le pensait (sic), il est parti de la table des négociations alors que tout était là  ».

Notons que Ruth Elkrief se réfugie de nouveau derrière deux témoins des négociations en cours, dont les positions éclairent, sans aucun parti pris, les enjeux du débat. Notons aussi, et surtout, que l’intervieweuse, à force de ne pas assumer ses propres positions, en arrive à « penser ce que pense » Michel Sapin, sans craindre de frôler le ridicule.

- Jacques Sapir : « (…) D’une certaine manière, quand Monsieur Tsipras et Monsieur Varoufakis ont proposé un plan fiscal qui allait au-delà des demandes… »

- Ruth Elkrief (l’interrompt) : « Non mais là-dessus, là-dessus, vous savez ce qu’ils [J-C. Juncker et M. Sapin ?] disent : allez-y, mettez au point ce plan fiscal, ça fait quatre mois et demi, les armateurs, l’Église, y’a rien qui est… enfin c’est ça, on n’a rien vu venir ! »

« On » ?

- Ruth Elkrief : « Mais comment est-ce que l’Eurogroupe peut avoir confiance dans une réforme fiscale qui ne prend… »

- Jacques Sapir (l’interrompt) : « Comment les Grecs pourraient-ils avoir dans ce cas-là confiance dans le parole de l’Eurogroupe ? C’est exactement le même problème. »

- Ruth Elkrief : « Enfin, c’est différent mais, si vous voulez, bien sûr. Mais en tout cas le sentiment est que depuis que Tsipras est arrivé tout était à l’arrêt, que les banques sont au bord du dépôt de bilan, que les ménages grecs ne remboursent plus leurs crédits puisque Syriza a annoncé qu’il empêcherait les saisies, et donc qu’il y a une sorte de laxisme dans l’État qui suscite la méfiance ».

Rien à voir avec une sorte de laxisme journalistique, qui ne peut que susciter la confiance.

- Jacques Sapir : « (…) Peut-être que l’Eurogroupe peut ne pas avoir confiance dans le plan fiscal proposé par Alexis Tsipras, mais comment voulez-vous que Monsieur Alexis Tsipras et Monsieur Yanis Varoufakis aient la moindre confiance dans des proclamations sur “oui on va…” »

- Ruth Elkrief (l’interrompt) : « Bah tout simplement parce que l’Eurogroupe allonge l’argent. Tout simplement ! »

Nous y voilà. Tout simplement.

- Jacques Sapir  : « (…) Si on a traité la question de la dette, la Grèce n’a plus besoin d’argent puisqu’elle est en excédent primaire, vous voyez, ce qui veut dire aussi que la Grèce a bien fait un effort considérable ! Combien y a-t-il de pays qui sont en excédent primaire dans l’Union européenne ? »

- Ruth Elkrief : « Pas la France en tout cas. Mais Jacques Sapir, ce qu’on entend aussi d’un certain nombre d’économistes favorables au plan de l’Eurogroupe, aux Européens (sic), c’est qu’aujourd’hui on pourrait restructurer la dette, éventuellement on pourrait en discuter, mais si les réformes de l’Eurogroupe ne sont pas faites, alors on crée la dette de demain, et donc on ne règle rien, on continue à creuser cette dette pour les cinquante prochaines années ».

Remercions « un certain nombre d’économistes favorables au plan de l’Eurogroupe », qui ont permis à Ruth Elkrief de poser, de nouveau, une question des plus innocentes, destinée de toute évidence à informer, en toute objectivité, les téléspectateurs de BFMTV.

- Ruth Elkrief : « Jacques Sapir, si dimanche les Grecs votent non, le pays sort de la zone Euro ».

- Jacques Sapir : « Pas nécessairement ».

- Ruth Elkrief : « En tout cas, c’est comme ça que ça se pose, c’est-à-dire qu’on a entendu y compris François Hollande dire tout à l’heure… »

- Jacques Sapir : « Ce sera une décision de l’Eurogroupe, ça ne sera pas la décision des Grecs ».

- Ruth Elkrief : « Ça sera interprété comme une décision de sortie de l’Euro ».

Interprété par qui ?

- Jacques Sapir : « À ce moment-là si vous voulez l’Eurogroupe peut faire toutes les interprétations qu’il veut, ce n’est pas la question posée, et le gouvernement grec continue de dire, je ne suis pas d’accord d’ailleurs avec lui là-dessus, mais il continue de dire qu’il entend rester dans la zone Euro. Il faut l’écouter ».

- Ruth Elkrief : « Ça voudrait dire quand même qu’il y a un risque de revenir à la drachme, qui est bien plus faible, qui serait bien plus faible que l’euro, et donc il y a un risque d’appauvrissement des Grecs ».

Grecs qui, il est vrai, se sont largement enrichis ces dernières années.

- Ruth Elkrief : « C’est aussi une vraie menace sur un certain nombre d’autres pays fragiles, alors pas la France, puisque les taux ont baissé aujourd’hui, mais l’Espagne, le Portugal, qui sont visés, qui sont ciblés. Et donc il y a aussi, peut-être, de la part d’Alexis Tsipras, une irresponsabilité dans ce domaine-là, c’est-à-dire de rejeter un peu le mistigri sur les autres pays ».

On en revient ainsi à la première question, avec la confirmation que celle-ci n’en était pas une : Alexis Tsipras est « irresponsable ».

- Ruth Elkrief  : « Merci beaucoup Jacques Sapir, merci pour toutes ces explications ».

Merci beaucoup à la Troïka, merci pour cette interview.

Notes
[1] Nous n’avons conservé les réponses de Jacques Sapir que lorsqu’elles permettaient de comprendre les questions de l’intervieweuse.

Source : Julien Salingue, pour Acrimed, le 2 juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/grece-ruth-elkrief-representante-de-la-troika-questionne-jacques-sapir/


Revue de presse du 04/07/2015

Saturday 4 July 2015 at 00:01

Une première cette semaine avec un (très bon) article de Causeur ! Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-04072015/