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C’est donc comme ça que débutent les guerres ? Par Vinvin

Wednesday 25 November 2015 at 05:00

Source : Rue89.nouvelobs, Vinvin, 22-11-2015

Voilà, nous sommes en guerre. Et depuis le 13 novembre, tout le monde a l’air d’accord. Le blogueur Vinvin est tétanisé par l’union sacrée. Il voudrait que l’on doute, un peu.

En étudiant l’histoire, à l’école puis à la fac, je me suis toujours demandé comment il était possible d’entrer en guerre. J’ai toujours été effondré par l’idée que des gens sympas, normaux avec des vies distraites et une bonne convivialité, pouvaient soudainement se placer dans la guerre, s’armer et bombarder, exterminer des civils, des gens sympas, normaux, avec des vies distraites eux aussi et une bonne convivialité la plupart du temps.

J’ai été marqué par le conflit en Yougoslavie, m’interrogeant sur ces massacres entre soi, de tous ces gens qui vivaient si proches les uns des autres la minute d’avant, et se violaient, s’exterminaient la minute d’après, alors qu’ils avaient la modernité, la technologie, des championnats de foot et des popcorns au cinéma. Ça n’allait pas ensemble, ce confort, ces distractions familiales et ces tueries.

Globalement je déteste la guerre, comme Miss France. Et je sais que vous aussi, vous détestez la guerre. Tout le monde déteste la guerre, c’est normal, ça pique et ça tue ; sans parler du fait que ce n’est pas très moral, et bien souvent inutile. «  Quel gâchis !  » entend-on souvent si l’on tend l’oreille, ou encore «  tout ça pour ça…  » ou «  quelle absurdité !  ».

Et pourtant, il a suffi d’un soir, d’un massacre d’innocents comme nous, d’un seul coup et avec des méthodes dignes des pires cauchemars, pour lancer la France dans la guerre.

En deux jours

J’ai compris donc pour la première fois comment les choses arrivaient dans l’Histoire. J’ai compris que le progrès, les Lumières, l’expérience du passé, l’humanisme revendiqué, l’esprit des anciens, na valaient pas tripette face au consensus sanguinaire. Le besoin de vengeance, animal, est bien plus fort que tous les raisonnements. Il est reptilien, immédiat, naturel. L’exigence de sécurité et le besoin de vengeance sont des instincts primaires, on ne peut pas lutter. Le temps court pulvérise le temps long. L’émotion désintègre la raison. Nous avons eu notre Pearl Harbour…

J’ai critiqué le congrès de Versailles pendant qu’il se tenait. J’ai détesté cette séquence. Tout mon corps, toute mon âme, savaient que nous allions plonger dans la guerre d’un seul tenant, avec des grands mots et des airs obscurs. C’est arrivé. Ils en ont appelé à l’union sacrée. Si tu critiques, tu es un traître. Si tu doutes, tu es un hippie. L’union sacrée, c’est l’expression massue, imposée par ceux qui pour la deuxième fois de leur mandat peuvent espérer une ébauche d’unité. Je ne dis pas qu’ils se réjouissent, ne soyons pas cynique, mais en tout cas ça tombe bien.

Et soudain je me souviens de cette expression que disait mon grand-père pour s’amuser, «  ce qu’il nous faudrait c’est une bonne guerre !  ». Une «  bonne  » guerre, c’est un élan collectif, un ennemi commun, des usines qui tournent, une énergie nouvelle qui remet du baume au cœur… Mais embaume les corps. Parce que merde à la fin ! On parle quand même d’aller exercer la peine de mort à grande échelle. C’est ça la guerre. (Notons donc au passage que plein de gens que je connais sont contre la peine de mort, mais pour la guerre. C’est savoureux… Mais bon, je sais, c’est pas pareil, c’est reptilien…)

Affiche de mobilisation générale en France du 2 août 1914 - Wikimedia Commons

Un ami m’a dit «  Tu ferais moins le philosophe si cela avait été ta femme, ou ta fille, au Bataclan !  ». C’est exact. Je pense que si cela avait été ma femme ou ma fille je serais déjà en guerre partout en train de combattre avec plus de kalachnikovs sur moi que dans tout le Moyen-Orient. Mais c’est pour protéger l’humanité de cela que nous avons créé un tas d’institutions, des lois, des protections collectives. Pour nous éviter ces pulsions de mort, cet instinct animal de vengeance. Nous protéger de nous-mêmes.

Prendre du recul est possible, non ?

Alors quand soudain je vois qu’en moins de deux jours tombent toutes les barrières, je m’effraie. Quand je vois que seulement six députés ont voté contre la loi sur l’état d’urgence, je suis tétanisé. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas la signer, mais s’interroger n’est pas un crime. Prendre du recul est possible. Mais là : non. L’esprit de meute est bien là, le sang au bout des crocs est unanime, et quiconque s’y opposera se prendra une fatwa républicaine.

Depuis tout petit je me méfie des groupes et des consensus ; on me l’a souvent reproché, de rester dans mon coin. Je n’y peux rien, c’est plus fort que moi. Le consensus m’angoisse, surtout quand il est spontané, soudain et trempé dans l’émotion et le sang. (Et cerise sur le gâteau, savoir que Balkany chante la Marseillaise dans un grand élan d’union nationale a tout pour m’émouvoir, c’est vrai. Pardon. Non mais c’est bien que des soldats français risquent leur vie pendant qu’il bronze dans son riad payé par le contribuable. Tout va bien. Mais je m’égare. Union sacrée, pardonnez-moi.)

«  OK donc t’es contre l’état d’urgence et la fermeté ?  »

Alors voilà, nous sommes en guerre. C’est ainsi. Là-bas, à côté des barbares dans les camps poussiéreux, des enfants, des femmes et d’autres innocents s’en prennent plein la gueule (les bombes choisissent mal leurs cibles), nourrissant souffrances et esprit de vengeance pour des décennies. Echec général de l’humain, de la raison et de l’Histoire. Le massacre continue, à la violence on rajoute la violence. C’est acté, c’est signé, c’est populaire. Et cette guerre là-bas, loin, dans le désert, porte le même nom que cette guerre ici, là, dans les cités, mais aussi dans nos libertés. Un seul mot pour tout compter, tout justifier. Du Rafale qui bombarde en Syrie, à la loi de renseignement qui surveille ici, il en reste un petit peu je vous le mets quand même ? Tu prends tout, tu fermes ta gueule et tu serres les fesses, c’est l’union sacrée mec…

«  OK donc t’es contre l’état d’urgence et la fermeté ?  » (on me l’a dit)

Pas du tout. Je rappelle au passage que j’ai fait mon service dans l’Infanterie de marine, que j’ai adoré cette période de ma vie, que j’y ai brassé la France, et que je pense que la suppression du service militaire a été la plus belle connerie de ces dernières décennies. J’ai d’autre part toujours été sensible à la notion de défense et de self-défense, que je pratique d’ailleurs toujours aujourd’hui. Je crois aussi qu’il fallait effectivement mener cette gigantesque campagne d’arrestations et de perquisitions qui se continue aujourd’hui (il y a huit mois ça aurait été bien mais bon, un truc m’échappe.)…

Mais je ne crois pas qu’il fallait foncer tête baissée dans la guerre là-bas, en le clamant, tel un croisé, l’œil ému et le bras tremblant. Cette croisade en Syrie est un autre dossier, un merdier capitalistico-pétroléo-stratégico-mafieux de grande envergure, qui n’a pas grand chose à voir avec notre unité nationale. Le combat ici, oui, plus fort, plus intelligent, concentré, financé, argumenté, accompagné, expliqué. La guerre là-bas ? Au minimum un débat. Une concertation du peuple. Un temps de recul avant de se la jouer Bush. N’a-t-on donc rien retenu des vingt dernières années ?

Et l’amour ?

Et puis j’aurais rêvé que cette campagne ici se fasse au service d’un message plus puissant que simplement «  la guerre  ». J’aurais rêvé que cette contre-offensive soit le bras armé et imparable de «  l’amour  ». C’est possible. On aurait pu agir de la même façon sans employer les mots qui fâchent tout de suite. On aurait pu envoyer les mêmes troupes dans les cités sans exacerber cette pulsion de vocabulaire sanguinaire. On aurait pu renouveler notre amour, notre tolérance et notre dignité, comme l’avait fait le ministre danois en son temps. On aurait pu évoquer l’idée de remettre en cause nos accords commerciaux avec des pays chelous (l’Allemagne vient de le faire, avant nous bien sûr), clairement, sans ambiguïté. On aurait pu s’exprimer main dans la main avec des musulmans de France, comme cette vieille dame l’a dit, donnant l’espace d’un instant un sourire à tout le monde. On aurait dû remettre l’éducation, l’intégration, le partage, les investissements pour l’avenir, en priorité, pour ensuite, dans un deuxième temps, parler de forces de police, d’engagement militaire, etc. Dans cet ordre, le discours aurait tout changé. On serait passé d’un pays qui pense et agit ensuite, à un pays qui dégaine et finit par regretter, façon Bush.

Nous avons perdu notre sang-froid et avons foncé dans l’Histoire des guerres avec si peu de recul que j’en suis terrifié. Je vous invite à ne pas m’insulter si vous n’êtes pas d’accord : c’est là tout l’enjeu de ce texte.

Source : Rue89.nouvelobs, Vinvin, 22-11-2015

Source: http://www.les-crises.fr/cest-donc-comme-ca-que-debutent-les-guerres-par-vinvin/


Poutine : Daesh est financé par 40 pays, y compris par des pays-membres du G20

Wednesday 25 November 2015 at 04:02

C’est dommage que nos services de renseignement n”arrivent pas à faire la même chose, Hollande pourrait agir…

Source : RT France, 16-11-2015

Au sommet du G20, qui s’est tenu du 14 au 16 novembre en Turquie, le président russe a souligné que la Russie avait présenté des exemples de financement des terroristes par des personnes physiques venant de 40 pays, y compris des pays-membres du G20.

Lors du sommet «j’ai donné des exemples basées sur nos données du financement de Daesh par des individus privés. Cet argent vient de 40 pays, parmi lesquels participent des pays-membres du G20», a précisé Vladimir Poutine.

Vladimir Poutine a aussi évoqué la nécessité urgente d’empêcher la vente illégale de pétrole.

«J’ai montré à nos partenaires de nombreuses photos prises depuis l’espace et depuis les aéronefs sur lesquelles on voit clairement le volume que représente la vente illégale pétrolière effectuée par Daesh».

Lire aussi : Le G20 veut une résolution sur la Syrie pour surmonter les problèmes du Moyen-Orient

Le président russe a aussi précisé que ce n’était pas le moment de rechercher quel pays était le plus efficace dans la lutte contre Daesh. «Il vaut mieux unir les efforts internationaux pour combattre ce groupe terroriste», a déclaré Vladimir Poutine.

«Nous avons besoin du soutien des Etats-Unis, des pays européens, de l’Arabie saoudite, de la Turquie et de l’Iran», a-t-il poursuivi.

A propos des relations avec les Etats-Unis, le président Poutine a mis en évidence que la position de Washington avait changé après les attentats de Paris.

«Nous avons besoin d’organiser un travail qui se concertera sur la prévention des attaques des terroristes à l’échelle globale. Nous avons proposé d’unir nos efforts avec les Etats-Unis dans la lutte contre Daesh. Malheureusement, nos partenaires américains ont refusé. Ils nous ont envoyé une note écrite qui dit : “Nous rejetons votre proposition”. Mais la vie change toujours assez vite, en nous donnant des leçons. Et je crois que maintenant tout le monde commence à comprendre qu’on ne peut combattre effectivement Daesh qu’ensemble», a précisé le président russe.

Compte tenu des différences d’approche dans la lutte contre l’EI, Vladimir Poutine a précisé qu’avant tout, il était important de définir quelles étaient les organisations qui peuvent être considérées comme terroristes et celles qui font légitimement partie de l’armée d’opposition syrienne. «Nos efforts doivent être concentrés sur la lutte contre des organisations terroristes», a insisté le président russe.

Après que le gouvernement russe a entamé une campagne de bombardements militaires en Syrie depuis le 30 septembre, la Russie a été largement critiquée par les pays occidentaux mais Vladimir Poutine a répondu aujourd’hui.

«Il est vraiment difficile de nous critiquer. Ils ont peur de nous donner des informations sur les territoires que nous ne devons pas frapper, craignant que cela devienne l’endroit exact de nos frappes futures et que nous allons les trahir. Il est évident que ce point de vue est basé sur leur propre conception de la décence humaine», a déclaré le président russe.

 Source : RT France, 16-11-2015
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LISTE DES MEMBRES DU G20

  • Afrique du Sud
  • Allemagne
  • Arabie saoudite
  • Argentine
  • Australie
  • Brésil
  • Canada
  • Chine
  • Corée du Sud
  • États-Unis
  • France
  • Inde
  • Indonésie
  • Italie
  • Japon
  • Mexique
  • Royaume-Uni
  • Russie
  • Turquie
  • Union européenne

L’Espagne bénéficie par ailleurs du statut d’invité permanent au G20.

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-daesh-est-finance-par-40-pays-y-compris-par-des-pays-membres-du-g20/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Vergès)

Wednesday 25 November 2015 at 01:10

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: “Plus ça se passe mal, plus ça monte” – 23/11

Olivier Delamarche VS Marc Riez (1/2): Le comportement des marchés actuels reflète-t-il la réalité macroéconomique mondiale ? – 23/11

Olivier Delamarche VS Marc Riez (2/2): Quelle stratégie faut-il adopter pour optimiser son rendement sur les marchés actions ? – 23/11

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: “Plus ça va mal plus les banques…” – 18/11

Philippe Béchade VS Julien Nebenzahl (1/2): L’action des banques centrales peut-elle contribuer au rebond des marchés ? – 18/11

Philippe Béchade VS Julien Nebenzahl (2/2): Quels seront les impacts de la hausse des taux de la FED sur les marchés ? – 18/11

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir: Marché pétrolier: “On est dans… instable” – 24/11

Jacques Sapir VS Bruno Fine (1/2): L’économie américaine est-elle suffisamment solide pour encaisser la remontée des taux ? – 24/11

Jacques Sapir VS Bruno Fine (2/2): Comment les marchés peuvent-ils réagir face à deux politiques totalement divergentes entre la BCE et la FED ? – 24/11

IV. Jacques Vergès

Jacques Verges contre G W Bush Chez Ardisson Partie 2 / 2


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…


 


 

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-verges-lois/


Poutine : Nous avons reçu un coup de poignard dans le dos par la Turquie, complice des terroristes !

Tuesday 24 November 2015 at 17:30

P.S. : pour les mal-comprenants : le fait de citer Poutine ne dit pas qu’il a raison (enfin, si, en l’espèce, la Turquie est complice des terroristes, en général. Pour l’avion, je ne sais pas, il n’y a pas écrit NSA ici). Cela signifie simplement que le propos est très grave, et ne peut rester sans conséquence politique vis-à-vis de la population russe qui vient d’être frappée par le terrorisme, comme nous. Si Hollande vient nous dire “la Turquie aide les terroristes”, on réagir comment ? 400 € d’amende ?

DÉLIRANT. Un avion russe bombardant des rebelles syriens (dans le but de fermer la frontière avec la Turquie pour mettre Daech à genoux) a été abattu ce matin par la chasse turque (en Syrie dit Moscou) parce qu’il aurait survolé quelques secondes la Turquie (à vérifier ; et encore la souveraineté de la Turquie sur cette zone de Hatay (Antioche) n’a jamais été reconnue par la Syrie, en raison des magouilles de la France il y a un siècle (vieille tradition…) mais passons).

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Il s’est crashé en Syrie, où un des pilotes aurait été exécuté par la rébellion et l’autre capturé ou abattu.

(Source)

Beaucoup de conditionnel, la Turquie dit que les 2 sont vivants – à voir, croisons les doigts pour que ce soit vrai.

Voici en tous cas la réaction des “rebelles modérés soutenus par l’Occident“, écoutez-les… :

(ça dit apparemment en Turc : “ne tirez pas, prenons-les en otage”)

Il semble aussi que les rebelles de l’Armée Syrien en Libre aient abattu un hélicoptère russe venu leur porter secours. #Afghanistan  - à voir, croisons les doigts pour que ce soit faux.

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Au passage, carte de la situation pour y comprendre quelque chose en terme de stratégie :

Les troupes au sol qui combattent l’État islamique (en noir) sont uniquement celles d’Assad (en rouge), et les Kurdes (en jaune en haut, mais ils tiennent simplement le terrain), les verts sont al-Qaïda, l’Armée islamique et les deux pelés de l’Armée Syrienne Libre qui est souvent alliée avec les précédents. Toute la frontière nord est avec la Turquie.

Bien. Pour gagner, il faut briser les reins à l’EI, et pour cela un point important consiste à le couper de la Turquie, son alliée et la nôtre (sic.). Il faut donc que le bout noir au Nord entre les deux bouts jaunes disparaisse.

Ça progresse bien depuis que les Russes bombardent :

Sinon, vous voyez où sont les rouges, qui sont d’ailleurs bien fatigués. Ils ne peuvent attaquer l’EI qu’à partir d’Alep, mais c’est impossible d’attaquer l’EI à droite, s’ils ont des islamistes qui les combattent à gauche.

Donc il est clair que la priorité des Russes (et de la logique) consiste à bombarder d’abord surtout les verts et les camions-citernes des noirs. Quand vous les détruisez et reprenez Alep, vous poursuivez ALORS contre l’EI au Nord jusqu’aux jaunes, et fermez la frontière, ce qui pourrait bien changer les choses…

En tous cas, c’est une interprétation, nous ne sommes pas dans le secret des Dieux….

Et ce soir, les Russes aiment bien bien bien les jaunes, Kurdes, ennemis des Turcs…

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Bref :

Je tiens à présenter mes plates excuses à l’Obs, que j’avais moqué il y a 2 mois pour sensationnalisme :

Je n’aurais pas dû.

Rappel : la Turquie est dirigée par un gouvernement d’islamistes “modérés”, est complice de Daech, est gravement accusée par Assad (qui connait au moins son ennemi), est en négociation avec l’UE pour l’intégrer, et membre de l’OTAN.

Si je résume très grossièrement, on voit bien qu’il y clairement un conflit entre la Russie et le terrorisme musulman sunnite. À un moment, il faut choisir son camp. Je mettrai donc la réaction américaine et française quand je l’aurai, on va “rire”…

Bon, j’espère que l’hiver ne sera pas trop rude en Turquie niveau besoin en gaz, et les Kurdes virement d’avoir un nouveau sponsor, l’équipement neuf devrait bientôt suivre. (parce qu’il est gentil Poutine, mais à moment, la population ne va pas accepter que ses avions soient confondus avec des moustiques)

Tout roule… Et donc à suivre !

L’analyse à chaud de Jacques Sapir

(je rappelle que Sapir en plus d’être un très grand économiste, est un expert dans le domaine de la Défense – ah, ces génies….)

La destruction d’un appareil russe, dont l’équipage semble avoir été tué, par des avions de chasse turcs constitue un incident extrêmement sérieux, dont les conséquences peuvent être incalculables. L’attitude du gouvernement turc apparaît ici comme profondément irresponsable et provocatrice. Le fait que le gouvernement turc ait demandé une réunion de l’OTAN, comme si il avait été la puissance agressée, est un autre sujet de préoccupation.

  1. La destruction d’un chasseur bombardier russe de type SU-24 à la frontière Syro-Turque est un incident d’une extrême gravité. Le gouvernement turc affirme que l’avion avait violé les frontières de la Turquie. Compte tenu de la configuration du terrain, il est effectivement possible que l’avion ait survolé une petite langue de territoire turc. Mais, ce survol, s’il a eu lieu, a été de très courte durée, au plus une dizaine de secondes. [OB. : un avion comme ça vole à 20 à 40 km par minute]. Or, le gouvernement turc prétend que ses avions de chasse avaient prévenu l’avion russe de sa soi-disant incursion depuis au moins 5 de minutes avant d’ouvrir le feu (avec un missile). Ceci ne correspond pas à ce que l’on peut connaître de la situation locale. A la vitesse de croisière d’un SU-24 (environ 15 km/min), cela impliquerait que l’avion ait pénétré de 30 à 37 km à l’intérieur du territoire turc. Or, ceci est contredit par la carte radar publiée par les autorités turque à l’appui de leurs dires.

Carte fournie par le gouvernement turc

Via CNN-Turquie

OB : il aurait survolé le petit bout de Turquie en noir, selon les Turcs

On a fait 2 cartes pour mieux voir :

La Turquie est en rouge en haut, on retrouve bien la pointe :

 

On a donc l’air d’avoir un survol de 3 km, soit en effet 10 à 20 secondes de survol, si ça confirme – attendons d’en savoir plus.

 

Mais, il y a une autre explication possible. Cela implique implicitement, si cette information est vraie, que la Turquie entendait faire régner une « zone d’exclusion aérienne » au-dessus de la Syrie, et ceci sans mandat ni délégation des Nations-Unies. Les avions turcs auraient ainsi tiré depuis une position juridiquement illégale.

  1. Le gouvernement russe prétend que l’avion n’a jamais pénétré l’espace aérien turc. Il se fait que l’appareil s’est écrasé en territoire syrien. Cela implique, au minimum, qu’il volait vers la Syrie au moment où il a été touché par un missile (sans doute un missile air-air tiré depuis un F-16 de l’aviation turque). On ne peut pas exclure, au vu de la zone où l’appareil s’est écrasé, qu’il ait été atteint alors qu’il volait au dessus du territoire syrien. Si cela est vrai, nous sommes devant une seconde illégalité commise par la Turquie.
  2. L’aviation turque est connue pour violer, de manière régulière depuis des années l’espace aérien de la Grèce mais aussi de Chypre. On s’interroge donc sur la soudaine sensibilité de la Turquie à la défense de ses frontières, elle qui fait preuve de la plus grande insouciance quant il s’agit des frontières d’autrui. A l’illégalité de l’action vient alors s’ajouter l’impudence d’une puissance qui se considère, dans cette zone frontalière, en pays conquis.
  3. Au delà de cette situation, l’attitude du gouvernement turc autour de la crise syrienne et de DAESH soulève de nombreux problèmes:
    1. Le gouvernement turc, sous prétexte d’intervenir contre les forces islamistes bombarde en réalité les combattants kurdes qui, eux, se battent bien contre DAESH. On a eu d’autres exemples de cette attitude hypocrite lors du siège de Kobané.
    2. Le gouvernement turc tolère, et c’est le moins que l’on puisse en dire, la contrebande de pétrole qui est l’une des sources de financement de DAESH. On sait aussi que si le gouvernement turc fermait ses frontières avec la Syrie, DAESH serait rapidement étouffé financièrement[1]. On sait, enfin, que les avions russes (et américains) s’attaquaient systématiquement à ce trafic en bombardant les colonnes de camions de DAESH qui transportent le pétrole jusqu’à la frontière turque.
    3. Des journalistes indépendants qui enquêtaient sur les collusions possibles entre l’appareil d’Etat turc et DAESH, et en particulier sur de possibles livraisons d’armes, ont été emprisonnés ou tués.
    4. Quant à la crise des réfugiés, que l’Europe connaît depuis l’été 2015, elle apparaît comme fortement liée à la volonté du gouvernement turc de faire pression sur l’Union européenne. Ce gouvernement avait d’ailleurs obtenu une forme de reconnaissance de l’importance de son action pour la gestion de cette crise.
  4. Dans ces conditions, quand Vladimir Poutine parle d’un « coup de poignard dans le dos », il a entièrement raison[2]. Ce coup de poignard ne vise pas que la Russie mais l’ensemble des forces internationales qui luttent contre DAESH. Mais, si la Turquie a pu se permettre de donner ce coup de poignard, c’est aussi parce qu’elle est un pays membre de l’OTAN et qu’elle sait que la Russie n’exercera pas de représailles militaires contre elle. Dès lors, il convient de s’interroger sur le jeupolitique joué tant pas la Turquie que par les Etats-Unis, qui prétendent pourtant lutter contre DAESH. On attend, avec un intérêt, de voir quelle sera la réaction américaine à cet incident, et si les Etats-Unis exerceront alors les pressions qui s’imposent pour ramener le gouvernement d’Erdogan à de meilleures dispositions.
  5. Pourtant, les relations économiques sont étroites entre la Russie et la Turquie,du gazoduc reliant la Russie à la Turquie via la Mer Noire, aux nombreuses entreprises turques qui travaillent en Russie, et en passant par les touristes russes, nombreux, qui vont passer leurs vacances en Turquie. Dès lors, on ne peut que s’interroger sur l’attitude du gouvernement turc. Estime-t-il que, protégé par l’OTAN mais aussi par ses liens économiques multiples avec la Russie, il peut tout se permettre ? Est-on en présence d’une lutte de clans au sein de la grande-bourgeoisie turque, et le clan qui soutient Erdogan règle-t-il ainsi ses comptes avec d’autres factions qui pourraient être liées au commerce avec la Russie ? Enfin Erdogan, dont la position politique reste fragile en dépit de sa victoire lors des récentes élections, a-t-il décidé de jouer sur la carte nationaliste en réveillant la vieille inimitié entre la Russie et la Turquie ?
  6. Une leçon de ces événements s’impose. Plus que jamais, le gouvernement français doit prendre ses distances à la fois vis-à-vis de la Turquie mais aussi vis-à-vis de l’organisation militaire de l’OTAN, dont on voit aujourd’hui qu’elle pourrait être utilisée comme paravent par un gouvernement irresponsable.

[2] https://www.rt.com/news/323262-putin-downing-plane-syria/

Source : Le Blog de Jacques Sapir, 24/11/2015

[Edit] La Lettre de la Turquie

La Turquie a reconnu les faits à l’ONU :

L’avion n’a pas obéi aux alertes (?) pour se dérouter au Sud 5 minutes avant, dit la Turquie, et est donc resté 17 secondes en Turquie (pas mal mon estimation :) ), ayant pénétré dans un carré de 2 km sur 2 en gros, avant d’en ressortir. Je rappelle que l’avion russe avançait donc environ à 20 km par minute au dessus d’une zone plutôt montagneuse…

Et donc ils abattent l’avion qui n’est en rien menaçant et se dirige vers la frontière du pays.

Rien que leur version est déjà énorme…

Surtout que…

Le 22 juin 2012, la Syrie abat un avion turc…

Le 22 juin 2012, la Syrie abat (sans sommation ?) un avion turc ayant violé sa frontière :

Assad s’est excusé, disant qu’ils pensaient que c’était un avion israélien (ce qui est plausible) :

Les réactions ont été vives, Hitler tout ça, tout ça…

 

(Source)

Bon, ils sont paranos les Syriens… :

mais bon… :

(Source : Le Point) qui précise – à prendre au conditionnel – mais important :

En tous cas pour Erdogan :

Une brève violation de la frontière ne peut-être un prétexte pour une attaque.” [M. Erdogan, 26/06/2012]

(Source : BBC)

Mais tout de même, le pompon revient à l’OTAN :

Le même pour la Turquie ?  (Source)

Ah non (Source)

Eh non, amigo, l’ennemi, c’est tout ce qui est salafiste violent, et tout ce qui les aide et finance, et en premier lieu, les États…

En tous cas, reconnaissons que la Turquie a prévenu :

Mais c’est irresponsable d’avoir fait ça dans le contexte explosif actuel – il n’y avait évidemment aucun danger de sécurité à la frontière…

Surtout venant d’un pays qui, dans le seul mois de janvier 2014, a violé l’espace aérien de la Grèce 1017 fois

 

Au secours, on est dans l’OTAN avec des gens comme ça…

Ce que disait Assad la semaine passée

On prend bien entendu ses propos avec prudence et recul, mais bon, ça m’intéresse d’avoir sa vision de son ennemi…

Nous avons parlé du Qatar et de l’Arabie Saoudite, mais nous n’avons pas évoqué la Turquie, qui permet à des centaines de milliers de réfugiés de franchir ses frontières. Il semble même qu’elle permette le passage des djihadistes vers la Syrie. Comment voyez-vous donc le rôle de la Turquie ?

Bachar al-Assad : C’est le rôle le plus dangereux dans la situation, car la Turquie a offert toutes sortes de soutien à ces terroristes et à toutes leurs variantes. Certains pays soutiennent le Front al-Nosra, lié à al-Qaïda. D’autres soutiennent Dae’ch. La Turquie, elle, soutient les deux organisations, ainsi que d’autres en même temps. Elle leur fournit des ressources humaines en recrutant des combattants, un soutien logistique, financier, des armements et une surveillance.

Même les manœuvres menées par l’armée turque sur les frontières durant les combats en Syrie avaient cet objectif. Les Turcs leur fournissent même l’argent collecté de partout dans le monde, à travers la Turquie. Dae’ch vend également le pétrole en Turquie. Il est donc clair que ce pays joue le pire des rôles dans notre crise. Cela est directement lié à Erdogan en personne, de même qu’à Ahmet Davutoglu, son premier ministre, les deux étant le reflet de leur véritable idéologie, celle des Frères musulmans.

Vous pensez qu’il est membre de la confrérie des Frères musulmans ?

Bachar al-Assad : Il n’appartient pas nécessairement à l’organisation, mais son épouse l’est à 100%. Il s’intéresse beaucoup à l’islam politique, un islam opportuniste qui n’a rien du vrai islam. C’est comme ça que nous voyons les choses, car il ne faut pas politiser la religion. C’est donc directement lié à lui et à son désir de voir les Frères musulmans gouverner le monde arabe tout entier, de manière à ce qu’il puisse le contrôler comme étant son grand sultan, ou plutôt son imam. Tel est le rôle que joue la Turquie.

Source : Valeurs Actuelles, 20/11/2015

“Si la Turquie ferme sa frontière, Daech s’écroule”

Source : LaLibre.be, 24/11/2015

Taxes, rançons, ventes d’œuvres d’art,… : l’Etat islamique se finance de plusieurs manières. Mais ses revenus les plus réguliers restent ceux de la vente du pétrole que Daech extrait sur les territoires conquis en Irak et en Syrie. “Si on veut mettre fin à Daech, il faut frapper ses installations pétrolières”, dit Pierre Terzian, directeur de Pétrostratégies, qui dénonce une “complicité” turque avec les djihadistes.

1. Que gagne Daech avec le pétrole ? Malgré qu’ils restent importants, les revenus pétroliers sont “en chute libre” pour l’Etat islamique. “Cela ne constitue sans doute plus leurs revenus principaux”, explique Francis Perrin, le président de Stratégies et politiques énergétiques. “Cette rente pétrolière est passée en un peu plus d’un an de 100 millions de dollars par mois à 20 millions de dollars actuellement”, complète Pierre Terzian. Plusieurs facteurs expliquent ce déclin, selon M. Perrin. Les prix internationaux ont tout d’abord chuté de près de 60 % depuis l’été 2014. “Et Daech vend un pétrole illégitime, et donc avec une décote importante. On évoque un baril à moitié prix, soit aux alentours de 20 dollars actuellement.” Ensuite, les frappes aériennes de la Coalition sur ces cibles jugées “faciles car souvent situées en plein désert” portent leurs effets. Selon Pierre Terzian, Daech est passé de 90 000 barils extraits par jour à 25 000 actuellement.

2. Comment les djihadistes arrivent-ils à extraire ce pétrole ? Selon nos experts, aucune compagnie pétrolière saoudienne, voire occidentale n’aide les djihadistes à extraire le pétrole en Syrie ou en Irak. “Ce sont des conneries tout cela”, selon M. Terzian. Mais Daech peut compter sur la collaboration “forcée ou volontaire” d’un petit millier de techniciens et ingénieurs qui travaillaient sur ces champs pétroliers avant l’invasion djihadiste.

3. Où est raffiné ce pétrole ? D’après M. Terzian, des centaines de camions citernes partent tous les jours de ces gisements vers le centre de la Turquie où le pétrole est raffiné, puis commercialisé. “Daech n’a rien inventé. Ils ont repris le système de contrebande mis en place, dans les années 90, par l’ex-dictateur irakien Saddam Hussein pour contourner les sanctions internationales. Quand Daech est arrivé en Irak, cela a été très vite : les camions étaient là, les routes existaient, les raffineurs turcs étaient partants…”

4. Pourquoi les Turcs laissent-ils faire ? Toujours selon Pierre Terzian, tout le monde est au courant de ce trafic, “à commencer par le gouvernement turc qui laisse faire. Il faut être clair : si la Turquie ferme hermétiquement sa frontière avec les zones occupées par Daech, l’Etat islamique s’écroule en l’espace de quelques mois faute de revenus, mais aussi d’hommes et d’armes,…” D’après l’expert, la Turquie a, jusqu’ici, été un “allié objectif” de Daech. Le gouvernement Erdogan exercerait ainsi un “chantage constant” envers les Américains et les Européens, auxquels il reproche d’armer son ennemi numéro un, les Kurdes. “Les Occidentaux sont au courant de ce trafic, mais ils ont tous la trouille (sic) de la Turquie”, dit l’expert.

5. Du pétrole de Daech en Europe ? “Malheureusement, des Etats membres de l’UE achètent ce pétrole”(de Daech). La phrase, prononcée à l’été 2014, par l’ambassadrice de l’Union européenne en Irak, Jana Hybaskova, avait provoqué pas mal de remous. “C’est faux. On ne finance pas Daech en faisant son plein, en Belgique ou en France à la pompe à essence, explique Francis Perrin. Je ne sais pas pourquoi elle a affirmé cela sans aucun début de preuve.” D’après l’expert, le pétrole de Daech est vendu exclusivement en Syrie, en Irak ou en Turquie. Parfois même aux ennemis de Daech, mais en “quantité infime”, selon Pierre Terzian. “On sait que l’Etat islamique vend parfois, de manière indirecte, de toutes petites quantités de pétrole aux Kurdes et aux autres forces armées syriennes. Parfois ce pétrole est même transporté à dos d’âne.” Selon M. Terzian, il y a peut-être eu “un volume de pétrole symbolique” de Daech qui est arrivé dans “un ou deux pays européens”“Mais ce n’est certainement plus le cas actuellement.”

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OB : Pour info

Alors du coup, comme les Russes font le boulot, et coupent les vivres du trafic en Turquie et chez EI ça énerve, hein…

“L’aviation russe a détruit en cinq jours plus de 1.000 camions-citernes transportant du pétrole brut vers les usines contrôlées par l’EI”, a annoncé lundi le porte-parole officiel du ministère russe de la Défense, le général Igor Konachenkov.” (Source)

Réaction  de Poutine

Source : RT

Un coup de poignard dans le dos” (ce qui est bien relevé chez nous, sauf la référence historique…), mais pas la fin : “par les complices des terroristes“. “Ce crime ne restera pas impuni“.

La Turquie “complices des terroristes”. (ce qui est vrai)

Quand vous dites ça en tant que chef d’État, avec 250 morts le mois dernier, il y a des conséquences, le retour en arrière n’est plus possible.

Ca va bien finir tout ça… (pour ceux qui me demandaient pourquoi j’avais appelé ce site “Les Crises”…)

Bonus Asselineau

Asselineau sur l’Otan (pas de prosélytisme incessant en commentaire, merci)

Non mais le niveau de Léa Salamé, qui intervient sur une grosse audience de France 2, ça en dit long sur notre époque – et donc sur la situation dans laquelle on se trouve…

Sinon, oui, il faut se barrer de l’Otan vu les fous qu’il y a dedans désormais, à l’Est et au Sud-Est…

(Merci de signaler les coquilles)

EDIT : Déclaration ce soir : à l’évidence, on a un Président qui a totalement perdu pied avec la réalité (syndrome post-traumatique ?), et qui demande le départ du Président (certes très discutable, mais on verra après) de l’État qui combat depuis 4 ans al-Qaïda et Daech, leur résistant au prix de 90 000 soldats morts, et qui se propose de nous aider dans notre lutte anti-terroriste :

(Source)

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-nous-avons-recu-un-coup-de-poignard-dans-le-dos-par-la-turquie-complice-des-terroristes/


[C'EST L'ARTICLE À LIRE SUR LES ATTENTATS] “Daesh : autopsie d’un monstre” (France Inter)

Tuesday 24 November 2015 at 04:01

Si’il n’y avait qu’un billet à lire sur les racines des attentats, c’est celui-ci, tout y est.

Mathieu Aron, Benoit Collombat et Jacques Monin, l’Honneur du journalisme français, chapeau bas !

Merci à tous ceux qui ont aidé à préparer ce billet INDISPENSABLE…

Source : France Inter, Matthieu Aron, 20/11/2015

L’émission Daesh : autopsie d’un monstre

Matthieu Aron : Ce soir, enquête sur la fabrication du monstre Daesh, quelle a été l’implication de pays comme l’Arabie Saoudite et le Qatar ? Nous allons voir dans une enquête signée Jacques Monin et Benoît Collombat que l’enjeu pétrolier a pu jouer un rôle considérable.

extrait Hocham Daoud : “Tout le monde a joué avec Daesh. Tout le monde voulait jouer à travers Daesh pour s’imposer. En fait, on a créé Frankestein, aujourd’hui tout le monde essaye de trouver un moyen pour l’arrêter. Oui, il y a des moyens, s’il y a une volonté politique.”

Matthieu Aron : Pour commencer cette émission, je vous propose d’écouter cet extrait d’interview :

extrait Marc Trévidic : Si l’Émir du Katiba en Syrie de l’EI demande à main levée a ses recrues “Qui veut aller faire un attentat en France ?” vous allez avoir 200 bras qui vont se lever en une demi-seconde.

Matthieu Aron : 200 candidats au martyre. C’est le chiffre effrayant donné par le juge Marc Trévidic. Vous suivez l’enquête sur les attentats. Et ce qui nous a tous frappés, c’est ces opérations kamikazes qui se sont déroulées pour la première fois en France.

Élodie Guéguen : Oui, encore qu’il soit plus juste de parler d’attentats suicides. Pour être très précis, le terme Kamikaze désignait ces pilotes japonais qui s’écrasaient volontairement sur des cibles militaires. Là, il s’agit d’autre chose. D’ailleurs Daesh a conceptualisé ce type d’attaques dès le début de la guerre en Syrie. Daesh a même créé un terme spécifique (inghimassi), il désigne des combattants qui, les armes à la main, se rapprochent de la foule ou de leur cible et qui déclenchent leur ceinture explosive. Soit quand ils sont encerclés soit lorsqu’ils n’ont plus de munitions. C’est donc précisément le scénario de vendredi dernier.

Matthieu Aron : Et le juge Marc Trévidic, qui dans son cabinet d’instruction, a entendu des dizaines de terroristes, nous dit “il y a pléthore de candidats” et il n’est pas le seul à le dire…

Elodie Guéguen : Non, il s’agit malheureusement d’une réalité, ça semble presque inconcevable mais selon les experts, les candidats au martyre seraient même trop nombreux, c’est ce qu’a observé le chercheur Romain Caillet. L’un des meilleurs spécialistes des milieux djihadistes.

extrait Romain Caillet : “C’est pas seulement de la propagande, c’est une réalité. Il y a même des listes d’attente. En tout cas, en Syrie et en Irak, il y a des listes d’attente de gens qui sont prêts à faire des opérations martyre, des attentats suicides, aussi bien des jeunes qui viennent de quartiers sensibles en France ou des gens de bonne famille, des ressortissants du Golfe qui sont fortunés ou des Tunisiens issus de régions déshéritées du sud de la Tunisie”.

Élodie Guéguen : Les origines, les profils, sont variés, vous l’avez entendu. Mais ces kamikazes de l’EI ont un point commun, ils sont volontaires. Ce choix, ils le manifestent dès leur arrivée dans les camps d’entrainement. Deux filières existent et Daesh demande aux combattants de choisir leur filière, explique le journaliste David Thomson, auteur du livre “Les Français Djihadistes”.

extrait David Thomson : “Dès qu’on arrive en Syrie, on pose la question aux combattants au sein de l’EI : Est-ce que vous voulez être un combattant “normal” ou un combattant “inghimassi”, ça veut dire combattant, candidat, pour une opération kamikaze. Et ensuite ils suivent une sélection particulière parce que l’EI ne peut pas se permettre de voir au dernier moment un kamikaze flancher, c’est une question de crédibilité aussi pour eux.”

Matthieu Aron : Ils suivent une formation particulière, dit David Thomson, ça signifie quoi ?

Élodie Guéguen : Eh bien ça veut dire qu’ils vont être isolés du reste du groupe, ils vont être placés dans un camp d’entrainement spécifique. Comme les autres, ils recevront une formation religieuse, théologique, ils suivront aussi un entraînement militaire, mais ils seront mieux encadrés psychologiquement, mieux encadrés ou plus endoctrinés.

Matthieu Aron : Est-ce qu’on sait en quoi consistent précisément ces techniques, parce qu’il faut les appeler comme ça, de lavage de cerveau ?

Élodie Guéguen : Alors ça dans les détails, malheureusement on l’ignore. Il n’existe pas à notre connaissance de témoignages de djihadistes de Daesh qui seraient passés par ces camps de kamikazes, qui auraient ensuite renoncé à commettre une attaque suicide, puis qui auraient raconté leur expérience. À l’image de ce qu’ont fait certains repentis, comme on les appelle.

Matthieu Aron : Alors ce que l’on sait en revanche, c’est que ces candidats aux attaques suicides sont très très bien traités par les cadres de l’EI.

Élodie Guéguen : Oui, c’est d’ailleurs une des raisons qui motivent certains djihadistes à se porter candidat pour commettre une action kamikaze, selon le chercheur Roman Caillet.

extrait Roman Caillet : “Ils sont traités avec beaucoup plus d’égards que les autres combattants, ce qui fait que peut-être psychologiquement ils ont une dette envers ceux qui les ont accueillis dans ces centres. Et puis une certaine culpabilité, ils pensent ne pas avoir fait assez donc ils veulent se rattraper en faisant une grosse opération. On peut aussi penser, que certains veulent passer à la postérité. Être finalement, celui qui a permis de remporter la bataille, de prendre telle ou telle ville.”

Matthieu Aron : Vouloir passer à la postérité en se suicidant, pourtant le suicide, à ma connaissance, il est interdit par l’Islam.

Elodie Guéguen : Eh bien pas dans l’esprit de ceux qui commettent ces actes au nom de Daesh. C’est ce que nous explique Fethi Benslama, il est professeur de psychopathologie à l’université Paris Diderot.

extrait Fethi Benslama : “Pour eux ce n’est pas un suicide, c’est un auto-sacrifice. Comme le dit le communiqué qui revendique les attentats. Il utilise le mot “divorcé du monde d’ici-bas”. Divorcé du monde d’ici-bas pour se marier avec l’autre monde. Dans l’autre monde, ils vivent, ils jouissent, et même ils sont une jouissance absolue, extrême, ce qui est le processus interne par lequel quelqu’un accepte d’aller jusqu’au bout de cet acte-là.”

Matthieu Aron : En conclusion, que sait-on ce soir sur ceux qui sont morts en martyrs vendredi à Paris et ensuite à Saint Denis ?

Elodie Guéguen : Alors tous ou presque, on le sait, sont passés par des camps d’entrainement en Syrie. Maintenant il y a deux hypothèses. Soit c’est un groupe de terroristes dont les membres se connaissaient, qui se sont formés et entraînés ensemble pour mener cette attaque. Soit, et c’est une hypothèse privilégiée, soit ils ont été soigneusement sélectionnés, “castés” les uns après les autres par Daesh, ce qui montrerait un degré de préparation encore plus sophistiqué.

extrait François Hollande : “Notre ennemi en Syrie, c’est Daesh. Il ne s’agit donc pas de contenir, mais de détruire cette organisation. La Syrie est devenue la plus grande fabrique de terroristes que le monde ait connu et la communauté internationale est divisée et incohérente.”

Matthieu Aron : Face au terrorisme, une communauté divisée et incohérente, dit François Hollande. Eh bien nous allons revenir ce soir sur la fabrication du monstre Daesh. A-t-on fermé les yeux sur la montée en puissance de ce groupe terroriste ? Quelle est l’implication de l’Arabie Saoudite et du Qatar et quel rôle a joué la diplomatie française ? Avec Benoit Collombat, vous avez donc enquêté et pour bien comprendre il faut revenir au début de l’histoire. Tout part de la guerre en Irak.

Jacques Monin : Oui, de la chute de Saddam Hussein parce que lorsqu’ils le renversent, les Américains commettent deux erreurs. D’abord, ils mentent sur les armes de destruction massive et sur les liens supposés entre Saddam Hussein et al-Qaïda. Mais surtout ils marginalisent les Sunnites pour mettre les Chiites au pouvoir et Paul Bremer, qui est alors le gouverneur américain à Bagdad, commet une faute qui va jeter des dizaines de milliers de soldats aguerris dans les bras du futur EI. Cette faute, un des hommes les mieux informés de France, Alain Juillet, l’ex-patron du renseignement de la DGSE, nous la raconte.

extrait Alain Juillet : “Bremer a fait une erreur colossale. C’est qu’il donne l’ordre de licencier tous les militaires de l’armée irakienne. On envoie, je ne sais plus combien ils étaient, 200 000 ou 300 000 gens, qui vivaient avec une solde de l’armée. Ils partent avec leurs armes, ils n’ont plus rien. Et comme ils sont Sunnites et qu’on fait la chasse aux Sunnites, il va y avoir impossibilité pour eux de retrouver des emplois et autres. Donc ça va créer un ressentiment, une frustration, une haine terrible envers l’occupant et envers les Occidentaux.”

Matthieu Aron : Les Américains produisent donc un terrain de haine et un terreau sur lequel va se développer l’EI.

Jacques Monin : Oui. D’autant plus facilement qu’il n’y a plus de véritable État, les services publics n’existent plus, l’économie est moribonde, la corruption est devenue la norme. C’est donc effectivement sur ces cendres que le groupe EI va prendre racine et pour Myriam Benraad, qui est docteur en science politique et spécialiste de l’Irak, c’est un peu comme dans la jungle, ce sont les plus forts qui émergent dans ce chaos.

extrait Myriam Benraad : “Il y aura un certain nombre de groupes qui vont pulluler, les milices, les djihadistes, la tendance al-Qaïda, c’est une nébuleuse d’acteurs mais le fait est que les combattants d’al-Qaïda Irak qui deviendra l’EI sont les plus zélés, les plus déterminés. Donc l’État Islamique va faire le vide, va coopter un certain nombre de chefs de tribus, qui de fait parfois même quittent leur tribu pour rejoindre l’organisation. Donc d’une mouvance hétéroclite on a un processus d’unification et ils ont fait à mon avis fortune, bâti beaucoup de leur succès, sur cette unité qu’ils ont su construire dans un terrain qui était par ailleurs très divisé, très morcelé.”

Jacques Monin : Et sur ce terrain, une personnalité va émerger, c’est Abou Bakr al-Baghdadi qui règne toujours d’ailleurs aujourd’hui en maitre sur Daesh. L’autre groupe djihadiste dominant dans la région, c’est al-Nosra, qui est plus proche d’al-Qaïda.

Matthieu Aron : Et ces groupes qui montent en puissance, on les voit dans un premier temps plutôt d’un bon oeil chez les voisins de la Syrie et notamment en Arabie Saoudite.

Jacques Monin : Oui, parce que l’Arabie Saoudite est sunnite, elle a donc très mal vécu l’arrivée au pouvoir des chiites en Irak et l’avènement des groupes djihadistes, c’est un peu à ses yeux une manière de freiner un axe chiite (Liban Syrie, Irak, Iran) qui commence à prendre un peu trop d’espace à son goût. C’est ce qu’analyse Alain Chouet, un autre ex-patron du renseignement de la DGSE.

extrait Alain Chouet : “L’Arabie Saoudite essaye de s’opposer à la création de ce que l’on appelle le croissant chiite au Moyen-Orient et de maintenir un axe sunnite à travers l’Arabie, la Jordanie et la Turquie. Ces mouvements salafistes, sunnites, sont le seul moyen actuellement pour l’Arabie de s’opposer à la création d’un vaste ensemble chiite qui lui serait évidemment hostile.

Il y a aussi l’enjeu pour l’Arabie Saoudite de s’opposer à toutes possibilités de dérives démocratiques et nationalistes dans les pays arabes. L’État Islamique l’a dit x fois, la démocratie est une abomination.”

Matthieu Aron : Voilà donc pour le contexte géopolitique, mais ce qu’il faut préciser c’est que derrière cette toile de fond, il y a aussi des enjeux économiques absolument considérables.

Jacques Monin : C’est un aspect qui était assez peu évoqué jusqu’ici mais il y a effectivement en arrière-plan le pétrole et le gaz, parce que jusqu’ici l’Arabie Saoudite domine la production de pétrole et le Qatar celle du Gaz. Or ces deux pays apprennent que l’Iran, leur plus farouche rival, projette de construire un pipeline qui traverserait l’Irak et la Syrie pour s’assurer un débouché vers la Méditerranée, alors ça redistribuait totalement les cartes du marché du pétrole et du gaz, et pour Alain Juillet c’est un des éléments qui vont pousser ces deux pays à déstabiliser Bachar el-Assad.

extrait Alain Juillet :” L’Arabie Saoudite et le Qatar prennent très mal l’idée d’un pipeline qui pourrait aller depuis l’Iran jusqu’à la Méditerranée et qui pourrait donc concurrencer leurs livraisons de pétrole. Ils vont dire “mais dans le fond, le problème c’est Bachar. Bachar est en train de signer un accord qu’il ne devrait pas signer avec l’Iran, donc c’est un personnage extrêmement dangereux, donc il faut renverser Bachar. “

Jacques Monin : Et preuve qu’un mouvement se met en route, le prince qui dirige les services de renseignements saoudiens va alors voir Vladimir Poutine, chez lui en Russie, pour lui demander de ne plus soutenir Bachar el-Assad, vous comprenez qu’il sera éconduit sans ménagement.

Matthieu Aron : Avec ou sans l’appui des Russes, une opération de déstabilisation de Bachar el-Assad est donc lancée pour des raisons économiques liées à l’acheminement du pétrole, ça on l’a compris, mais pas uniquement.

Jacques Monin : Non, l’Arabie Saoudite et le Qatar financent aussi les rebelles pour faire tomber le régime laïc de la Syrie et pour y instaurer un régime islamique extrêmement sévère, explique encore Alain Juillet.

extrait Alain Juillet : “Les opposants religieux, c’est-à-dire les Frères Musulmans – dont le Qatar est un des supports reconnus -, et les Saoudiens ne vont pas hésiter à financer des gens pour réinstaller dans ce pays laïc la vraie religion, la religion vue par les salafistes en définitive. Et c’est ça qui va se passer, donc on va voir le Qatar financer des mouvements, Jabhat al-Nosra en particulier, qui est proche d’al-Qaïda et qui va se battre au niveau religieux, en disant “il faut imposer l’islam”. Et puis il y a Daesh, là encore au départ c’est un groupement qui reçoit beaucoup d’argent, de la part, on le sait bien, de la part des Saoudiens et des Qataris. Mais qui n’a pas encore pris l’ampleur qu’il a pris, mais qui démarre.

Jacques Monin : Oui vous avez donc compris, on a deux mouvements terroristes principaux, Daesh et al-Nosra, qui sont financés par le Qatar et par l’Arabie Saoudite, et ça a d’ailleurs encore été relevé très récemment, c’était en mai 2015 dans un rapport du Congrès américain.

Matthieu Aron : Cela dit, le souci, Jacques Monin, c’est que ce financement, tout le monde en parle, mais que personne jusqu’ici n’a réussi à en apporter la preuve.

Jacques Monin : Alors plus ou moins, mais c’est très difficile parce que les circuits financiers sont compliqués à établir. Mais Pierre Conesa, qui lui est un ex haut-fonctionnaire du Quai d’Orsay, et donc un spécialiste de l’islam, croit savoir comment cet argent sort des comptes des haut dignitaires du Golfe pour arriver jusqu’aux groupes djihadistes.

extrait Pierre Conesa : “L’Arabie Saoudite est poreuse, en terme financier, parce que l’argent public et l’argent privé n’existent pas, la distinction n’existe pas. Quand il manque de l’argent dans la caisse publique, c’est le roi qui verse. Et quand il y en a trop, c’est lui qui ramasse. Et donc toutes les familles des 10 000 princes qui tournent autour, c’est exactement pareil. Et pourquoi c’est poreux ? Parce que si vous voulez, l’Arabie Saoudite, c’est une espèce de Disney World de l’islam, c’est-à-dire que tout est faux. Vous croyez que les gens sont religieux etc., en fait c’est une espèce de ghetto dans lequel il n’y a aucun cinéma, aucun théâtre. Et quand les Saoudiens sortent à l’étranger à ce moment-là ils s’éclatent, évidemment ils font tout ce qui est interdit là-bas. Et quand ils reviennent, comme ils se sentent coupables, ils achètent des indulgences. Et ces indulgences, ils ne disent pas “cet argent doit aller à al-Nosra” ou “il doit aller à Daesh”. Simplement cet argent va de fait vers ces groupes islamistes.

Jacques Monin : Vous avez compris, des indulgences. C’est en fait de l’argent qu’on donne à des fondations, des ONG saoudiennes, dont les objectifs sont parfois plus que discutables.

Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite et le Qatar ont donc aidé des groupes djihadistes. Mais au même moment, nous aussi, la France, nous avons aidé des groupes rebelles.

Jacques Monin : Oui. L’ASL l’Armée Syrienne Libre, qu’on décrit alors à Paris comme une alternative démocratique possible, crédible, à Bachar el-Assad. Mais en fait, dès le départ, la France prend fait et cause pour les rebelles, contre le dictateur syrien. Rappelez-vous “le départ de Bachar el-Assad ce n’est qu’une question de semaines”, expliquait Laurent Fabius. Et en aout 2012, lors d’un déplacement sur la frontière turque, le ministre des affaires étrangères français prononce ces phrases désormais célèbres.

extrait Laurent Fabius : “Les personnes que je viens de voir, qui sont des syriens d’un village qui a été bombardé juste de l’autre côté de la frontière. Euh… Ces témoignages sont absolument bouleversants, j’ai dit à mes interlocuteurs que quand on entend ça, et je suis conscient de la force que je suis en train de dire. Monsieur Bachar el-Assad ne méritait pas d’être sur la Terre.

Matthieu Aron : “Ne méritait pas d’être sur la Terre.” Les mots sont terribles et ça justifie que l’on arme les rebelles.

[Olivier Berruyer : Je me permets de rappeler que c'est totalement illégal au regard du Droit International, qu'on est censé défendre en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU...]

Jacques Monin : Effectivement, c’est ce qu’on pense à ce moment-là. Alors officiellement on livre des gilets pare-balles, des outils de cryptage pour les communications, des masques contre les armes chimiques, ou des lunettes de vue nocturne, mais en fait ce sont bien des canons de 20mm, des mitrailleuses, des lance-roquettes et des missiles anti-char que nous avons livrés à ces groupes.

[OB : 90 000 morts à ce jour dans l'armée syrienne (évidement non exempte de reproches) et les milices, à savoir des appelés du contingent et des civils volontaires...]

Matthieu Aron : Ces armes, officiellement destinées à l’Armée Syrienne Libre, et pourtant dans les faits, on ne sait pas trop dans quelles mains elles sont tombées.

OB : Un islamiste de la brigade salafiste Ahrar al-Sham

avec un missile Milan français

Jacques Monin : Bah non. On le réalise aujourd’hui. L’ASL ne pesait rien. Ce qu’on appelle les rebelles, c’est une nébuleuse illisible. Certaines de ces armes sont donc effectivement passées dans les mains d’al-Nosra, le groupe proche d’al-Qaïda, et c’est ce qui fait dire à l’ex-patron du renseignement extérieur de la France, Alain Juillet, qu’on s’est planté sur toute la ligne.

OB : Robert Baer, l’ancien chef de région de la CIA au Moyen-Orient (dont le rôle est tenu par Clooney dans le film Syriana) a indiqué “Les États-Unis ont été incapables d’identifier le moindre groupe syrien dit « modéré » lorsque la guerre civile a débuté.” (Source : L’Humanité).

extrait dialogue Alain Juillet et Jacques Monin :

Alain Juillet : Moi je pense qu’il y a eu une faillite des services de renseignements dans ce domaine. Et ça se comprend, puisqu’une des premières réactions qu’on a faite, ça a été de couper les ponts, fermer l’ambassade. Une première réaction c’est de fermer l’ambassade en Syrie et de ne plus avoir de contact avec les services syriens. Mais dans ce genre de choses, il faut avoir des contacts en permanence.

Jacques Monin : On a livré des armes aux rebelles ?

Alain Juillet : Bien sûr.

Jacques Monin : La France a livré des armes à al-Qaïda ? À l’État Islamique ?

Alain Juillet : Les Américains ont livré des armes pour empêcher la progression de l’armée de Bachar contre Jabhat al-Nosra et Daesh. Les Américains ont livré des missiles anti-char encore récemment. La question, c’est qu’on entendait à ce moment-là “Nous soutenons les Syriens libres”. Mais quand on regarde sur le terrain ce que c’est que les Syriens libres, c’est rien du tout.

OB : Je rappelle que François Hollande a avoué en 2014

Matthieu Aron : La France se serait donc totalement trompée dans son évaluation de la situation. On a quand même du mal à le comprendre. Comment, au sommet de l’État français, on ait été aussi mal informé ? Comment on a pu croire que l’ASL pouvait peser face à ces groupes djihadistes ?

Jacques Monin : Alors, il y a plusieurs aspects dans cette question. D’abord, pour Pierre Conesa, qui connait bien les rouages du quai d’Orsay. C’est tout l’appareil diplomatique qui s’est laissé aveugler. C’est donc un système, un fonctionnement, le fonctionnement même du Ministère des Affaires Étrangères, qui dit-il, est à revoir.

extrait Pierre Conesa : “D’abord il y a eu un axe diplomatique qui a été dès le début extrêmement insistant sur le thème “notre ennemi c’est Assad”. À partir de ce moment-là, l’analyse de la crise a été monologique. Ça allait dans le sens de ce qu’avait décidé Fabius, et pas en fonction de ce qu’était la réalité du terrain. C’était “qu’est-ce que dit notre chef ?” et on va effectivement conforter ce que dit notre chef. C’est-à-dire “c’est Assad, il faut se battre contre Assad”. Et donc pour ne pas subventionner les groupes islamistes, c’était “on va subventionner l’ASL”. Mais c’est vrai que c’est une faillite terrible.”

Matthieu Aron : Et cette faillite elle a peut-être aussi d’autres explications.

Jacques Monin : Oui. Économiques par exemple. Là aussi, l’Arabie Saoudite et le Qatar, ce sont des partenaires économiques de la France. Et face à eux la Syrie ne pèse pas lourd. Alain Chouet, l’ancien patron du renseignement de la DGSE, qui s’est rendu plusieurs fois en Syrie, se souvient de ce qu’on lui répondait au début de la crise lorsqu’il alertait les autorités françaises sur la réalité de la situation sur le terrain.

extrait Alain Chouet : “La réaction que j’avais en général, en rentrant de Syrie, où je venais un peu raconter ce que j’avais vu, ce que j’avais entendu, les messages qu’on avait essayé de me faire passer. La réaction, une fois, la plus caricaturale, a été “écoute tu ne vas pas nous embêter avec la Syrie, c’est même pas le PNB de la Slovénie, alors on a mieux à faire avec nos amis Qataris et Saoudiens !”

Matthieu Aron : Bon, sans commentaire… Et en plus Jacques Monin, ce n’est pas la première fois qu’on se trompe.

Jacques Monin : Non. Rappelez-vous, au moment de l’intervention en Libye. On a commis le même type d’erreur de jugement (sic.). Écoutez ce que raconte à ce sujet Patrick Haimzadeh, qui est un ancien diplomate à Tripoli [Patrick Haimzadeh a travaillé à l’ambassade de France à Tripoli durant de nombreuses années. Cet ancien officier de l’Armée de l’air française est un parfait connaisseur de la Libye], qui a rencontré Benoit Collombat. À l’époque, Paris s’engage contre Kadhafi, on s’en souvient. Mais c’est le Qatar qui tire les ficelles en s’appuyant sur sa chaine de télévision Al Jazeera.

extrait dialogue Patrick Haimzadeh et Benoit Collombat :

Patrick Haimzadeh : Dès le départ, l’objectif c’était effectivement de faire sauter Kadhafi. Al Jazeera avait dès le départ mis en place une cellule de désinformation, en tout cas pour relayer les paroles de libyens qui étaient en fait dans les studios d’Al Jazeera à Doha et qui ont évoqué notamment l’histoire des bombardements. Qui a été centrale, parce que l’histoire des bombardements c’est ce qui a été repris par Nicolas Sarkozy le 21 février, 4 jours après le début de l’insurrection, à Bruxelles, pour déclarer la logique de guerre contre Kadhafi. Mais les bombardements, il n’y en a jamais eu.

Benoit Collombat : Des bombardements de populations civiles imputés aux kadhafistes ?

Patrick Haimzadeh : oui. Donc ça c’est le premier volet de l’intervention qatari, c’est l’intervention médiatique. La deuxième intervention, c’est le soutien à une certaine frange de l’insurrection, à certains courants islamistes, qui ne sont pas tous maintenant des gens qui se reconnaissent dans l’État Islamique, mais qui sont des gens qui ont été soutenus par le Qatar. Des livraisons d’armes, françaises d’ailleurs, par le Qatar, ça s’est fait.

Benoit Collombat : Est-ce que la France savait, selon vous, le jeu que jouait le Qatar ?

Patrick Haimzadeh : Bien sûr. On avait des hommes sur le terrain, on savait très bien. Il fallait que ça aille vite et l’objectif militaire premier c’était la chute de Kadhafi, donc à ce moment-là personne ne voulait voir ce qui commençait à se dessiner en Libye.

Matthieu Aron : Voilà pour la Libye donc. Retour maintenant en Syrie. On a un groupe, l’État Islamique, qui monte en puissance grâce à l’argent des Qataris et des Saoudiens, mais cette aide va peu à peu s’interrompre.

Jacques Monin : Oui parce que le groupe État Islamique devient de plus en plus dangereux, il va s’approcher des frontières saoudiennes, il devient si incontrôlable que ses alliés vont finir par couper effectivement les ponts avec lui. Et selon Alain Chouet, l’ex-patron du renseignement de la DGSE, à la mi-2013, les Saoudiens prennent en fait conscience que ces rebelles, les rebelles qu’ils ont aidés, peuvent se retourner contre eux.

extrait Alain Chouet : “À l’été 2013, le cabinet royal saoudien a coupé les vivres complètement aux frères d’Égypte, mais aussi aux mouvements violents qui agissaient aussi bien dans le nord de l’Irak qu’en Syrie. C’est là qu’apparait d’ailleurs l’État Islamique, parce que jusque-là, il n’existe pas l’État Islamique. Il y a un État Islamique en Irak, mais il n’y a pas d’État Islamique en Irak et au Levant. C’est important de le comprendre parce qu’à partir du moment où l’Arabie et le Qatar coupent les vivres au mouvement, il est obligé de sortir du bois. Et on le voit sortir du bois, sa première action, ça a été d’aller piller la banque centrale de Mossoul. Ils ont raflé 500 millions de dollars en billets et en lingots d’or avec lesquels ils se sont payés des chefs de tribus du nord de l’Irak. Qui paie, commande. N’étant plus payé par l’Arabie Saoudite, l’État Islamique échappe à son créateur et reprend la stratégie classique des Frères Musulmans, qui est de condamner la famille Saoud. Le monstre a échappé à ses créateurs.

Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite prend donc conscience qu’elle a enfanté un monstre, et cette analyse, Jacques Monin, ce n’est pas simplement celle d’anciens patrons du renseignement français.

Jacques Monin : Non. À ce moment-là, même les plus hauts dignitaires d’Arabie Saoudite reconnaissent qu’ils ont commis des erreurs. Prenez par exemple le prince et homme d’affaires saoudien al-Walid Ben Talal. C’est l’un des plus grands investisseurs saoudiens en France, c’est la vingtième fortune du monde, il possède entre autres le George V à Paris et plusieurs hôtels de DisneyLand. Écoutez ce qu’il répond en octobre 2014 à une journaliste de CNN lorsqu’elle l’interroge sur le sujet.

extrait journaliste de CNN et Al-Walid Ben Talal

journaliste de CNN : Qu’en est-il du financement du terrorisme par des grandes fortunes saoudiennes ? Est-ce qu’il est autorisé ? Est-ce qu’on réprime le financement des groupes terroristes quels qu’ils soient ?

Al-Walid Ben Talal : Très honnêtement, je dois vous dire que oui, on avait une faiblesse de ce côté-là. Malheureusement quelques éléments extrémistes en Arabie Saoudite ont financé des éléments extrémistes en Syrie mais l’Arabie Saoudite a pris des mesures très sévères pour y mettre fin. Et maintenant tout ça c’est terminé.

Matthieu Aron : “C’est terminé.” Explique ce prince saoudien. Les choses sont peut-être un peu plus complexes.

Jacques Monin : Oui parce que comme souvent, il y a ce que l’on dit et ce que l’on fait, ou plutôt en l’occurrence ce que l’on ne fait pas. Parce que si les Saoudiens ne font plus rien pour aider le groupe État Islamique, ils ne font plus rien non plus pour lutter contre lui. Et c’est ce que remarque l’ancien haut-fonctionnaire du quai d’Orsay Pierre Conesa

extrait Pierre Conesa : “L’Arabie Saoudite ne combat pas Daesh. En fait ce sont des pays de l’OTAN qui vont battre Daesh. Il y a 12 pays de l’OTAN, y compris l’Australie, plus 5 pays arabes. En fait surtout la Jordanie plus quelques pays du Golfe. Mais en fait quand on regarde la composition des forces aériennes, on s’aperçoit que l’Arabie Saoudite met autant d’avions que la Hollande et le Danemark additionnés. Mais par contre elle met 5 fois plus d’avions pour se battre au Yémen contre les Houthis, c’est-à-dire contre les chiites. Donc l’Arabie Saoudite fait la même politique que Daesh, c’est-à-dire la persécution des chiites, mais il n’y a aucune raison de se battre entre eux. La société saoudienne ne comprendrait pas pourquoi on va essayer de faire disparaitre une société qui leur ressemble autant, celle-là même qui décapite, qui crucifie, qui coupe les mains des voleurs, qui opprime les femmes et qui interdit les autres religions.

Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite ne fait donc rien pour intervenir véritablement et en coulisses son rôle pourrait être encore plus trouble ?

[OB : Mais qui aurait pu s'en douter ? :

« Le rapport [de la Commission parlementaire que j'ai présidée sur les services de renseignement durant le 11 septembre] montre la participation directe du gouvernement saoudien dans le financement du 11 septembre. Nous savons au moins que plusieurs des 19 kamikazes ont reçu le soutien financier de plusieurs entités saoudiennes, y compris du gouvernement. Le fait de savoir si les autres ont aussi été soutenus par l’Arabie saoudite n’est pas clair, car cette information a été cachée au peuple américain. On nous dit que cela ne peut être fait pour des raisons de sécurité nationale, mais c’est exactement le contraire. Publier est important précisément pour notre sécurité nationale.

Les Saoudiens savent ce qu’ils ont fait, ils savent que nous savons. La vraie question est la manière dont ils interprètent notre réponse. Pour moi, nous avons montré que quoi qu’ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à soutenir Al-Qaïda, puis plus récemment dans l’appui économique et idéologique à l’État islamique. C’est notre refus de regarder en face la vérité qui a créé la nouvelle vague d’extrémisme qui a frappé Paris. » [Sénateur Bob Graham, ancien Président de la Commission du Renseignement du Sénat américain, Le Figaro, 02/02/2015]

Jacques Monin : Si l’on en croit des sources bien informées, comme on dit, l’Arabie Saoudite continuerait indirectement de financer Daesh en achetant son pétrole au marché noir avec la complicité de la Turquie. C’est ce que soutient en tout cas un fin connaisseur du sujet, l’ancien patron d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent, qui a lui-même longtemps travaillé en Irak et en Syrie.

extrait Loïk Le Floch-Prigent et Benoit Collombat

Loïk Le Floch-Prigent : Le pétrole de Daesh ne peut sortir, ne peut être payé, que par des gens qui sont prêts à le payer et à étouffer son existence. C’est forcément un mélange de Turcs et de Saoudiens. Il n’y a pas d’autres solutions. C’est-à-dire que c’est les deux pays qui sont en contact et qui ont la possibilité de le faire.

Jacques Monin : Qu’est-ce qu’ils en font les Saoudiens de ce pétrole ? Ils le blanchissent ?

Loïk Le Floch-Prigent : Oh, ils l’utilisent forcément, ils ne peuvent pas le blanchir. Je vous rappelle qu’un pétrole a un ADN et par conséquent on sait d’où il vient si jamais il est sur le marché. Si jamais ils exportaient ce pétrole, ce serait su. Ce pétrole ne vient jamais sur le marché donc ils l’utilisent, c’est tout. La laverie s’appelle une raffinerie.

Matthieu Aron : Voilà donc pour les éléments qui jettent le doute sur l’implication du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Et pourtant la France continue d’entretenir les meilleurs rapports avec ces pays.

Jacques Monin : Rappelez-vous, François Hollande s’est rendu dans le Golfe, c’était en mai dernier. Il signe avec le Qatar un contrat qui porte sur la vente de 24 Rafales. Et puis il y a un mois, il y a un mois à peine, en octobre dernier, Manuel Valls se rend à son tour à Ryad pour signer des promesses de contrats et voilà d’ailleurs ce qu’il lance devant un parterre de dignitaires saoudiens.

extrait Manuels Valls : Avec l’Arabie Saoudite nous avançons en confiance, nous approfondissons une relation économique que nous tournons résolument vers l’avenir. Venez investir dans notre pays au coeur de l’Europe, c’est le moment, plus que jamais.”

Matthieu Aron : À ce stade de votre enquête, Jacques Monin, ce que l’on peut retenir c’est qu’en Syrie de très nombreux pays ont joué avec le feu.

Jacques Monin : Les États-Unis qui ont déstabilisé l’Irak, les pays du Golfe qui ont financé des mouvements djihadistes, la France qui a joué les rebelles contre le pouvoir syrien sans voir qui elle avait véritablement en face d’elle et la Turquie qui laisse prospérer les trafics sur son territoire. Bref, pour Hocham Daoud qui est anthropologue au CNRS, les responsabilités sont multiples.

extrait Hocham Daoud : “Tout le monde a joué avec Daesh. Tout le monde voulait jouer à travers Daesh pour s’imposer. En fait, on a créé Frankestein, aujourd’hui tout le monde essaye de trouver un moyen pour l’arrêter. Oui il y a des moyens, on peut avoir des forces de coordinations pour venir à bout de Daesh s’il y a une volonté politique.”

Matthieu Aron : Une réponse politique, sans doute, mais en attendant c’est une réponse militaire qui est apportée.

Jacques Monin : C’est d’abord un signe adressé à l’opinion française, c’est un signe de fermeté et de détermination. Mais sur le terrain l’efficacité des frappes est limitée et rien ne dit d’ailleurs qu’elles n’auront pas des effets pervers. Écoutez ce que pense à ce sujet, l’ancien colonel de marine Michel Goya, toujours interrogé par Benoit Collombat.

extrait Michel Goya et Benoit Collombat :

Michel Goya : Vous savez, les frappes françaises c’est 3 % du total de toutes les frappes de la coalition qui n’a pas détruit l’État Islamique. Des 200 et quelques frappes que nous avons réalisées, en réalité c’est un petit coup porté à l’État Islamique, donc on peut imaginer d’augmenter les doses je dirais, mais fondamentalement ça ne va pas changer grand-chose.

Benoit Collombat : Et est-ce que ça n’alimente pas le terrorisme encore un peu plus ?

Michel Goya : Oui, cette campagne de frappes c’est un sergent recruteur remarquable pour l’État I’Islamique. La campagne aérienne, la coalition dans son ensemble a peut-être tué 400 civils. Donc tout ça, ça alimente globalement le ressentiment sur place, ça alimente l’idée que ce sont toujours les arabes sunnites qui se prennent des bombes dessus. Le bilan de la coalition, on a tué 10 000 combattants, c’est un chiffre invérifiable en réalité. 10 000 combattants mais elle en a recruté aussi un certain nombre.

Matthieu Aron : Voilà, c’est ce que l’on appelle un cercle infernal, mais comment faire autrement ? Aucune solution simple ne semble, au moins à court terme, se dégager. Reste l’autre question, qu’il est peut-être aussi temps de poser. C’est celle de nos alliances, avec Jacques Monin, notamment le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Jacques Monin : Oui, peut-on adopter une posture morale lorsqu’il s’agit de Damas et fermer les yeux sur ce que font Doha et Riyad ? Comment peut-on être crédible si l’on fait du commerce avec des pays qui soutiennent ce que l’on dénonce par ailleurs. Là-dessus le spécialiste du renseignement Alain Chouet est catégorique.

extrait Alain Chouet : “On ne pourra pas continuer éternellement dans une politique schizophrène qui consiste à vouloir imposer la démocratie dans certains pays en maintenant une alliance entre nos démocraties et la démocratie qui est la plus grande du monde, et les états théocratiques les plus réactionnaires de la région. On a fermé les yeux sur l’idéologie prônée par ces pays, parce qu’on ne la voyait pas, parce qu’on n’en voyait pas les effets. On n’en mesurait pas les effets parce que rien ne se passait chez nous, où s’il se passait des choses on ne les voyait pas, eh bien maintenant on les voit.

Jacques Monin : Oui, alors question. La France va-t-elle évoluer de ce côté-là ? Rien n’est moins sûr, pour l’instant Matignon affiche un embarras prudent et préfère insister sur l’évolution de ses alliés, plutôt que sur ses turpitudes.

Matthieu Aron : Merci Jacques Monin pour cette enquête réalisée en collaboration avec Benoit Collombat. Enquête à retrouver sur notre site internet franceinter.fr et la page Facebook de Secret d’Infos.

Source : France Inter, Matthieu Aron, 20/11/2015

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Annexe : on le savait, c’était dans la presse

En conclusion, je complète par quelques articles du Canard Enchaîné – Claude Angéli ayant toujours courageusement tenu son rôle de grand journaliste.

(Source)

(Source)

(Source)

Les réactions après les attentats

23/11 dans El Watan, un article parmi d’autres…

Dès le 17 novembre, Hollande a agi :

(Source)

 

L’opposition au moins ?

(Source) Sérieusement ?

“Ces investissements par les dirigeants du Qatar sont faits pour acheter, acheter !, les dirigeants français. Et ça commence avec Nicolas Sarkozy qu’ils ont acheté de toutes pièces.” [Ziad Takieddine, ancien proche de Nicolas Sarkoy, France 24, 12/04/2013]

“Un jour, Nicolas, seul à seul, me glisse avec fierté en déjeunant :

- J’aime cet homme, mon ami le Nasser [al-Khelaïfi, propriétaire du PSG]. Je te confie un secret : il m’appelle “mon frère”.

Je réponds pour le mettre en garde :

- Le Qatar en finance pas que le PSG. Ne t’es-tu jamais interrogé sur d’éventuels liens avec le terrorisme ?

Mais il est fidèle en amitié, et ne changera pas ses habitudes de conférencier exotique.” [Philippe de Villiers, Le moment est venu de dire ce que j'ai vu, 2015]

“Plus largement, la France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite . Nous savons très bien que ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table.” [Marc Trevidic, juge antiterroriste français, 15/11/2015]

 

Mais bon,en 2015, il est impossible pour un État d’avoir un comportement respectable, question de RealPolitik… Non ?

Alors du coup…

Populistes, va !

P.S. plaisanterie à part, rien de poujadiste dans mon propos. Il y a une époque où la probité guidait la gauche comme la droite… Signe des temps, c’est tout.

Ça reviendra très probablement – après le désastre. À ceux qui me lisent et qui ont des “relations”, merci de les alerter : vous voyez bien qu’on a une sévère crise qui s’approfondit gravement, par cliquet, sans jamais de retour en arrière, et qui risque fort d’amener au désastre à terme.

Source: http://www.les-crises.fr/france-inter-daesh-autopsie-dun-monstre/


Le Front al-Nosra soutient les attentats de Paris, malgré son opposition avec l’État islamique, par Alex MacDonald

Tuesday 24 November 2015 at 01:37

Sympas les amis (des amis) de Fabius

Sinon, je cherche un abonné au journal papier Sud Ouest, me contacter svp.

Source : middleeasteye, 17/11/2015

Si principal groupe de rebelles syriens a condamné les attentats de Paris, le Front al-Nosra, groupe affilié à al-Qaïda, a exprimé pour sa part son soutien.

Des combattants du Front al-Nosra brandissant une bannière sur laquelle il est inscrit : « Nous combattons en Syrie … et nos yeux sont rivés sur Jérusalem » (AFP)

Le Front al-Nosra, affilié à al-Qaïda en Syrie, s’est distingué des autres groupes d’opposition syriens en exprimant son soutien suite aux attaques sanglantes, survenues vendredi à Paris, malgré l’hostilité ouverte du groupe envers l’État islamique.

« Nous sommes heureux de constater qu’une secte déviante a été capable de mettre en œuvre une opération, couronnée de succès, à l’encontre des Kufaar (infidèles). » Tels sont les mots figurant dans une déclaration publiée par le groupe (depuis un compte Twitter désormais supprimé) au cours du week-end, ajoutant que le Front al-Nosra aurait préféré être le groupe à l’origine desdites attaques.

« Des érudits, comme Ibn Taymiyya, ont mis en lumière le principe suivant : nous choisissons le camp le mieux avisé des deux. »

Un autre porte-parole d’al-Nosra a également salué les attaques, perpétrées quelques jours plus tôt à Beyrouth, tout en précisant que cela n’était en aucun cas une marque de soutien à l’État islamique.

« Je continue d’affirmer que l’État islamique d’Irak et de Syrie est un groupe composé de tyrans s’apparentant aux chiens des enfers », a écrit Sheikh Abu Mariyah al-Qahtani, porte-parole, lundi en utilisant un acronyme alternatif, ISIS, pour désigner l’État islamique.

« Et, ils sont ceux qui ont détruit le djihad en Irak et en Syrie. Ils sont également ceux qui ont tué les Sunnites. Mais je me réjouis de leurs frappes contre Hizbou Shaytaan », a-t-il dit, en faisant référence au Hezbollah – dont les membres sont basés dans le district de Beyrouth qui fut bombardé jeudi – en utilisant le mot arabe signifiant Satan.

Les remarques contrastaient fortement avec les déclarations émanant d’autres groupes rebelles importants combattant en Syrie, Ahrar al-Sham et Jaish al-Islam, qui ont tous deux condamné les attentats de vendredi, qui ont coûté la vie à 132 personnes.

« La seule réaction possible aux actes méprisables de terreur ayant ravagé Paris est la condamnation absolue et sans réserve », a écrit Labib Alnahhas, porte-parole des affaires étrangères du groupe Ahrar al-Sham.

Entre-temps, le groupe Jaish al-Islam a condamné les attentats « dans les termes les plus durs possibles ».

Les deux groupes, Jaish al-Islam et Ahrar al-Sham, ont combattu aux côtés d’al-Nosra en Syrie, dans le cadre de la puissante coalition Jaish al-Fatah qui s’est emparé de la province du nord d’Idleb en juillet.

Ahmed Shaheed, un combattant du Front al-Nosra, a dit à Middle East Eye que les attaques à Paris étaient prévisibles suite aux bombardements français contre l’État islamique en Syrie.

« Ce que vous avez vu à Paris, c’est une vengeance », a-t-il dit à MEE par le biais d’une application de messagerie sur mobile. « Alors, vous n’avez aucune raison d’être tristes. Si un pays décide d’en bombarder un autre, il doit s’attendre à des représailles. Rien de plus simple ».

Ahmed Shaheed, d’origine australienne, est, semble-t-il, basé à Alep, bien que cela n’ait pas été formellement vérifié.

Malgré la rivalité, de longue date, entre le Front al-Nosra et l’État islamique (IS), il a dit qu’ils pourraient unir leurs forces contre les « tyrans ».

« Voyez-vous, l’État islamique est engagé dans une guerre, depuis 10 ans. Malgré l’invasion américaine, le groupe continue de résister et ce, peu importe le nombre de bombes et d’attaques réussies, ou de tentatives. Que l’État islamique soit affaibli ou fort, il y aura toujours une menace si l’Occident ne met pas un terme aux agressions », a-t-il écrit.

« Vous avez désormais deux groupes qui s’affrontent pour savoir lequel des deux causera le plus de préjudices à l’Occident. Haha. »

En général, al-Qaïda est vu comme le groupe souhaitant le plus organiser des attaques dont les cibles sont situées en Occident, contrairement à l’État islamique dont la principale mission était de mettre en place les fondements du pouvoir en Irak et en Syrie.

Les attaques de janvier contre le magazine Charlie Hebdo à Paris ont été perpétrées par des militants ayant des liens avec al-Qaïda basé au Yémen dans la péninsule arabique.

En réponse aux questions relatives à d’autres attaques similaires éventuelles organisées par al-Nosra contre les pays occidentaux, Ahmed Shaheed a répondu qu’il était un « simple soldat ».

« Je ne connais pas les plans d’al-Nosra – je sais une chose, néanmoins. Si l’Occident continue de soutenir des dictateurs contre les musulmans et continue de les bombarder alors attendez-vous aux mêmes événements, sinon pires », a-t-il dit à MEE.

L’apparente divergence entre le Front al-Nosra et les autres groupes est devenue plus flagrante lorsque les groupes Ahrar al-Sham et Jaish al-Islam ont mis en œuvre des mesures visant à modérer leur image et à tendre la main aux pays occidentaux ayant eu peur par le passé que leurs idéologies – portant l’étiquette de « djihad salafiste » qui caractérise le Front al-Nosra – faisant d’eux des alliés inacceptables.

En 2013, Zahran Alloush, le leader charismatique du groupe Jaish al-Islam, a exprimé son désir de « nettoyer la saleté des Rafida et du Rafidisme » en Syrie, en utilisant des termes désobligeants pour parler des chiites et des alaouites.

Dans un autre discours de janvier 2014, il a également déclaré que le groupe Jaish al-Islam « dénonce clairement la démocratie ».

Néanmoins, dans un entretien de mai 2015 avec le journal McClatchy implanté aux États-Unis, il semblait avoir changé radicalement de point de vue, précisant qu’il souhaitait seulement créer un État dépourvu de « discrimination sectaire » à l’encontre des sunnites de Syrie.

« Nous souhaitons créer un État dans lequel nos droits sont respectés », a-t-il dit. « Après cela, les gens devront choisir l’État dans lequel ils souhaitent vivre. »

Mais, plus important encore, il a déclaré que les alaouites faisaient partie « du peuple syrien » et que seuls ceux qui ont du sang sur les mains devaient être punis.

« Comme lors de la coexistence avec les minorités, cela a été la situation en Syrie depuis des centaines d’années », a-t-il dit au journal.

« Nous ne souhaitons pas imposer nos idées aux minorités ou pratiquer l’oppression à leur encontre. »

« Un groupe islamique sunnite dominant »

La position du groupe Ahrar al-Sham comme étant potentiellement la force rebelle la plus importante en Syrie signifie que son ouverture sur le monde occidental a été minutieusement suivie par des analystes y portant le plus grand intérêt.

Le groupe Ahrar al-Sham est allé jusqu’à publier un éditorial dans le Washington Post dans lequel il critiquait la classification globale des groupes d’opposition syriens en tant que groupes « modérés » ou « extrémistes ».

« Nous nous considérons comme un groupe islamique sunnite dominant dirigé par des Syriens et des combattants en Syrie » a écrit Labib AlNahhas.

« Nous combattons au nom de la justice pour le peuple syrien. Nous avons néanmoins été accusés à tort d’avoir des liens organisationnels avec al-Qaïda et d’avoir adopté l’idéologie d’al-Qaïda ».

Malgré la référence à al-Qaïda, le groupe Front al-Nosra n’a pas été nommé précisément, et les groupes ont continué de combattre côte à côté et ce, malgré les rapports faisant état de tensions nuisant à leur relation.

À ce jour, il semble qu’un accord mutuel ait été mis en place par les deux groupes visant à écarter les différends en matière d’idéologie.

« Nous n’approuvons en aucun cas le projet du groupe Ahrar al-Sham », a dit Ahmed Shaheed. « Car ils se bercent d’illusions dans la mesure où ils pensent pouvoir atteindre leur but en agissant avec diplomatie avec les kuffars [infidèles], alors que nous pensons que nous devons soumettre les infidèles avant qu’un quelconque processus politique puisse être mis en place. »

Il a reconnu, néanmoins, que les différences idéologiques devaient être mises de côté vu la conjoncture actuelle.

« Tant que nous aurons un ennemi commun, la guerre entre nos deux groupes sera suspendue » a-t-il dit, sans oublier d’ajouter que les objectifs divergents finiraient un jour par « poser problème ».

Traduction de l’anglais (original) par STiiL.

Source : middleeasteye, 17/11/2015

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Courageux et pertinent Myard sur ce point là…

Soutien au Front al-Nosra (Syrie) : question du député Jacques Myard à Laurent Fabius

Source : france-irak-actualite, 19-06-2015

Questions au gouvernement (17 juin 2015)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe les Républicains.

M. Jacques Myard. D’abord, vous n’avez pas le monopole de la vie associative et nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous en matière d’aides, monsieur le ministre de la ville ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Nous savons que l’Orient est compliqué, monsieur le ministre des affaires étrangères, et il est parfois difficile de lire et comprendre les tenants et aboutissants de l’imbroglio géopolitique et diplomatique qui y règne. Mais il semble aussi difficile de lire et comprendre votre politique étrangère dans cette région explosive ! Vouloir la chute du régime de Damas est une chose mais il faut s’interroger sur les conséquences du changement de régime pour la Syrie, les Syriens et le Liban. Il faut surtout s’interroger sur les alliances que l’on noue à cette fin. Vous présentiez jusqu’à présent l’armée syrienne libre comme la seule force démocratique opposée à Damas. Il est vrai que l’ASL est davantage représentée dans les salons des hôtels internationaux que sur le terrain !

Or depuis quelques semaines, emboîtant le pas aux Américains, à l’Arabie saoudite, au Qatar et à la Turquie, la France a choisi, afin de faire tomber le régime de Damas et lutter contre l’État islamique, de soutenir al-Nosra, mouvement terroriste affilié à Al-Qaïda. Il est vrai que ce mouvement, afin de se refaire une virginité, a changé de nom et s’appelle désormais Jaysh al-Fateh, l’armée de la conquête ! Son chef, Mohamed al-Joulani, affirme sur Al Jazeera qu’il appliquera la charia en Syrie après la victoire. Voilà une annonce qui comblera de joie toutes les minorités religieuses, dont les chrétiens d’Orient ! Hier, une roquette est tombée sur le lycée français où les enfants passaient les épreuves du brevet ! La politique que vous menez, monsieur le ministre, dont l’obsession est de faire tomber Damas, aura pour conséquence d’y installer Al-Qaïda, ce qui traduit à l’évidence une habileté diplomatique consommée ! Quand cesserez-vous de suivre ces génies de la géopolitique que sont les Américains et les Saoudiens qui jouent les apprentis sorciers et mettent le feu au Proche Orient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Tout d’abord, je vous remercie de votre question qui comme d’habitude est tout en nuances, monsieur le député Myard ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.) Quant au fond, vous professez depuis déjà plusieurs mois qu’il faut soutenir le régime de M. Bachar el-Assad si l’on veut trouver une solution en Syrie. Cela serait d’abord une infamie d’un point de vue moral, comme nous nous en sommes déjà expliqués, car ce n’est pas parce que l’on reçoit des journalistes en costume cravate qu’on élimine le sang qu’on a sur les mains ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste.) Et même si l’on s’en tient à la seule efficacité, il faut bien comprendre que M. Bachar al-Assad et les terroristes que vous évoquez sont l’avers et le revers d’une même médaille.

Il n’y a qu’une solution, la recherche de la paix, et celle-ci passe par une solution politique. Cela signifie d’une part soutenir l’opposition, non pas l’opposition terroriste mais celle qui accepte la présence en Syrie de toutes les communautés, et d’autre part promouvoir une solution unissant l’opposition et certains éléments du régime à l’exclusion de M. Bachar el-Assad. Voilà ce dont nous discutons avec les Arabes, les Américains et aussi les Russes, ce qui devrait vous faire plaisir, monsieur Myard ! C’est la seule façon d’avancer. Vous critiquez la politique de la France mais elle n’a qu’un objectif, rechercher la paix et la recherche de la paix n’est jamais une erreur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

UN COMMENTAIRE S’IMPOSE (Jacques Myard) :
Laurent Fabius se garde bien de répondre sur le fond de ma question , il ne dit mot du soutien apporté à AL NOSRA qui est directement lié à AL QAIDA . Cette politique de soutien est conduite par l’ARABIE SAOUDITE avec le QATAR et le soutien de la TURQUIE ! La position des ETATS-UNIS est ambiguë
 .

Pour être clair nous accompagnons des mouvements terroristes dont l’objectif est tout simplement le règne de l’intégrisme islamique dans la région ! C’est une faute sans appel que nous allons payer très cher !

Plusieurs députés de gauche partagent ma position !

A suivre !

Photo: Jacques Myard (député-maire de Maisons-Lafitte – groupe Les Républicains)

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C’est pas bien, je sais, mais comme ils m’ont énervé sur ce coup, petite interview d’un des commandants d’al Nosra par leur journaliste maison – bêtement interrompue par l’armée de Bachar al-Assad

(1 700 000 vues quand même…)

 

Le Monde dira-t-il ? : “L’armée du dictateur sanguinaire fou Bachar al-Assad, responsable de la mort de 2 Syriens, dont un journaliste œuvrant à la liberté d’information.”

Source: http://www.les-crises.fr/le-front-al-nosra-soutient-les-attentats-de-paris-malgre-son-opposition-avec-letat-islamique-par-alex-macdonald/


Lettre à ma génération : moi, je n’irai pas qu’en terrasse, par Sarah Roubato

Monday 23 November 2015 at 23:02

Une belle plume du pays, que j’espère promise à un bel avenir sur le web…

Source : Sarah Rubato, 20-11-2015

Salut

On se connaît pas mais je voulais quand même t’écrire. Il paraît qu’on devrait se comprendre, puisqu’on est de la même génération. Je suis française, je n’ai pas trente ans. Paris, c’est ma ville. J’ai grandi dans une école internationale où on était plus de quatre-vingt nationalités. J’ai beaucoup voyagé et je parle plusieurs langues. J’ai « des origines » comme on dit maghrébines. Je suis auteur compositeur interprète, artiste, et même un peu anthropologue.

J’ai toujours adoré les terrasses. La dernière fois que j’étais à Paris j’y ai passé des heures, dans les cafés des 10e 11e et 18e arrondissements. J’y ai écrit un livre qui s’appelle Chroniques de terrasse. Il est maintenant quelque part dans la pile de manuscrits de plusieurs maisons d’édition. Ça fait drôle d’y penser maintenant. J’aurais envie de rajouter quelques pages. Pourtant aujourd’hui, ce n’est pas en terrasse que j’ai envie d’aller.

Depuis plusieurs jours, on m’explique que c’est la liberté, la mixité et la légèreté de cette jeunesse qui a été attaquée, et que pour résister, il faut tous aller se boire des bières en terrasse. C’est joli comme symbole, c’est même plutôt cool comme mode de résistance. Je ne suis pas sûre que si les attentats prévus à la Défense avaient eu lieu, on aurait lancé des groupes facebook « TOUS EN COSTAR AU PIED DES GRATTE-CIELS ! » ni qu’on aurait crié notre fierté d’être un peuple d’employés et de patrons fiers de participer au capitalisme mondial, pas toi ?

On nous raconte qu’on a été attaqués parce qu’on est le grand modèle de la liberté et de la tolérance. De quoi se gargariser et mettre un pansement avec des coeurs sur la blessure de notre crise identitaire. Sauf qu’il existe beaucoup d’autres pays et de villes où la jeunesse est mixte, libre et festive. Vas donc voir les terrasses des cafés de Berlin, d’Amsterdam, de Barcelone, de Toronto, de Shanghai, d’Istanbul, de New York !

On a été attaqués parce que la France est une ancienne puissance coloniale du Moyen-Orient, parce que la France a bombardé certains pays en plongeant une main généreuse dans leurs ressources, parce que la France est accessible géographiquement, parce que la France est proche de la Belgique et qu’il est facile aux djihadistes belges et français de communiquer grâce à la langue, parce que la France est un terreau fertile pour recruter des djihadistes.

Oui je sais, la réalité est moins sexy que notre fantasme. Mais quand on y pense, c’est tant mieux, car si on a été attaqué pour ce qu’on est, alors on ne peut pas changer grand chose. Mais si on a été attaqué pour ce qu’on fait, alors on a des leviers d’action :

– S’engager dans la recherche pour trouver des énergies renouvelables, car quand le pétrole ne sera plus le baromètre de toute la géopolitique, le Moyen-Orient ne sera plus au centre de nos attentions. Et d’un coup le sort des Tibétains et des Congolais nous importera autant que celui des Palestiniens et des Syriens.

– S’engager pour trouver de nouveaux modèles politiques afin de ne plus déléguer les actions de nos pays à des hommes et des femmes formés en école d’administration qui décident que larguer des bombes, parfois c’est bien, ou qu’on peut commercer avec un pays qui n’est finalement qu’un Daesh qui a réussi.

– Les journalistes ont montré que les attentats ont éveillé des vocations de policiers chez beaucoup de jeunes. Tant mieux. Mais où sont les vocations d’éducateurs, d’enseignants, d’intervenants sociaux, de ceux qui empêchent de planter la graine djihadiste dans le terreau fertile qu’est la France ?

Si la seule réponse de la jeunesse française à ce qui deviendra une menace permanente est d’aller se boire des verres en terrasse et d’aller écouter es concerts, je ne suis pas sûre qu’on soit à la hauteur du symbole qu’on prétend être. L’attention que le monde nous porte en ce moment mériterait que l’on sorte de la jouissance de nos petits plaisirs personnels.

Ma mixité

Qu’on soit maghrébin, français, malien, chinois, kurde, musulman, juif, athée, bi homo ou hétéro, nous sommes tous les mêmes dès lors qu’on devient de bons petits soldats du néo-libéralisme et de la surconsommation. On aime le Nutella qui détruit des milliers d’hectares de forêt et décime les populations amazoniennes, on achète le dernier iphone et on grandit un peu plus les déchets avec les carcasses de nos anciens téléphones, on préfère les fringues pas chères teintes par des enfants du Bengladesh et de Chine, on dépense des centaines d’euros en maquillage testé sur les animaux et détruisant ce qu’il reste de ressources naturelles.

Ma mixité, ce sera d’aller à la rencontre de gens vraiment différents de moi. Des gens qui vivent à huit dans un deux pièces, peu importe leur origine et leur religion. Des enfants dans les hôpitaux, des détenus dans les prisons. Des vieilles femmes qui vivent seules. De ce gamin de douze ans à l’écart d’un groupe d’amis, toujours rejeté parce qu’il joue mal au foot, qui se renferme déjà sur lui-même. Des ados dans les banlieues qui ne sont jamais allés voir une pièce de théâtre. Ceux qui vivent dans des petits villages reculés où il n’y a plus aucun travail. Les petits caïds de carton qui s’insultent et en viennent aux mains parce que l’un n’a pas payé son cornet de frites au McDo. D’habitude quand ça arrive, qu’est-ce que tu fais ? Tu tournes la tête, tu ris, tu te rassures avec un petit « Et ben ça chauffe ! » et tu retournes à ta conversation. Si tous ceux qui ont répondu à l’appel Tous en terrasse ! décidaient de consacrer quelques heures par semaine à ce type d’échange… il me semble que ça irait déjà mieux. Ça apportera à l’humanité sans doute un peu plus que la bière que tu bois en terrasse.

Ma liberté

Je ne vois pas en quoi faire partie du troupeau qui se rend chaque semaine aux messes festives du weekend est une marque de liberté. Ma liberté sera de prendre un autre chemin que celui qui passe par l’hyperconsommation. D’avoir un autre horizon que celui de la maison, de la voiture, des grands écrans, des vacances au soleil et du shopping.

Ma liberté sera celle de prendre le temps quand j’en ai envie, de ne pas m’affaler devant la télé en rentrant du boulot, d’avoir un travail qui ne me permet pas de savoir à quoi ressemblera ma journée.

Ma liberté, c’est de savoir que lorsque je voyage dans un pays étranger je ne suis pas en train de le défigurer un peu plus. C’est vivre quelque part où le ciel a encore ses étoiles la nuit. C’est flâner dans ma ville au hasard des rues. C’est avoir pu approcher une autre espèce que la mienne dans son environnement naturel.

Ma liberté, ce sera de savoir jouir et d’être plein, tout le contraire des plaisirs de la consommation qui créent un manque et le besoin de toujours plus. Ma liberté, ce sera d’avoir essayé de m’occuper de la beauté du monde. « Pour que l’on puisse écrire à la fin de la fête que quelque chose a changé pendant que nous passions » (Claude Lemesle).

Ma fête

Ma fête ne se trouve pas dans l’industrie du spectacle. Ma fête c’est quand j’encourage les petites salles de concert, les bars où le musicien joue pour rien, les petits théâtres de campagne construits dans une grange, les associations culturelles. Passer une journée avec un vieux qui vit tout seul, c’est une fête. Offrir un samedi de babysitting gratuit à une mère qui galère toute seule avec ses enfants, c’est une fête. Organiser des rencontres entre familles des quartiers défavorisés et familles plus aisées, et écouter l’histoire de chacun, c’est une fête.

La fête c’est ce qui sort du quotidien. Et si mon quotidien est de la consommation bruyante et lumineuse, chaque fois que je cultiverai une parole sans écran et une activité dont le but n’est pas de consommer, je serai dans la fête. Préparer un bon gueuleton, jouer de la gratte, aller marcher en forêt, lire des nouvelles et des contes à des jeunes qui sentent qu’ils ne font pas partie de notre société, quelle belle teuf !

N’allez pas me dire que je fais le jeu des djihadistes qui disent que nous sommes des décadents capitalistes… s’il vous plaît ! Ils n’ont pas le monopole de la critique de l’hyper-consommation, et de toute façon, ils boivent aux mêmes sources que les pays les plus capitalistes : le pétrole et le trafic d’armes.

Voilà. Je ne sais pas si on se croisera sur les mêmes terrasses ni dans les mêmes fêtes. Mais je voulais juste te dire que tu as le droit de te construire autrement que l’image que les médias te renvoient. Bien sûr qu’il faut continuer à aller en terrasse, mais qu’on ne prenne pas ce geste pour autre chose qu’une résistance symbolique qui n’aura que l’effet de nous rassurer, et sûrement pas d’impressionner les djihadistes (apparemment ils n’ont pas été très impressionnés par la marche du 11 janvier), et encore moins d’arrêter ceux qui sont en train de naître.

Ce qu’on est en train de vivre mérite que chacun se pose un instant à la terrasse de lui-même, et lève la tête pour regarder la société où il vit. Et qu isait… peut-être qu’un peu plus loin, dans un lambeau de ciel blanc accroché aux immeubles, il apercevra la société qu’il espère.

Source : Sarah Rubato, 20-11-2015

Source: http://www.les-crises.fr/lettre-a-ma-generation-moi-je-nirai-pas-quen-terrasse-par-sarah-roubato/


« Il ne nous reste qu’une seule solution : la démocratie directe », par Michel Houellebecq

Monday 23 November 2015 at 21:15

C’est loin d’être mon auteur favori, et je ne partage pas du tout ses visions sur l’islam, mais le propos ici est intéressant. Mais pourquoi tant d’autres se taisent ?

Sinon, j’espère bien qu’on ne s’habituera pas aux attentats – la sécurité est un Droit, qu’on obtient par des actions Politiques !

J’approuve en tous cas sans réserve la conclusion.

Tribune de Michel Houellebecq, dans le journal italien Il Corriere della Sera 19/11/2015

«Attentats de Paris : j’accuse Hollande et défends les Français.

Au lendemain des attentats du 7 janvier, j’ai passé deux jours cloué devant les chaînes d’info, sans réussir à détourner le regard.  Au lendemain des attentats du 13 novembre, je crois ne même pas avoir allumé la télévision. Je me suis limité à appeler des amis et des connaissances qui habitent dans les quartiers touchés (et il s’agit de plusieurs personnes). On s’habitue, même aux attentats. En 1986, Paris a été visée par une série d’attaques à la bombe, dans différents lieux publics (il s’agissait du Hezbollah libanais, je crois, qui à l’époque en revendiqua la responsabilité).

Il y eut quatre ou cinq attentats, à quelques jours d’intervalle, parfois d’une semaine, je ne me rappelle pas bien. Mais ce dont je me souviens très bien c’était l’atmosphère que l’on respirait, dans le métro, les jours suivants. Le silence, dans les couloirs souterrains, était total, et les passagers croisaient des regards plein de méfiance. Cela, la première semaine. Puis, assez rapidement, les conversations ont repris et l’atmosphère est redevenue normale. L’idée d’une explosion imminente était restée dans l’air, pesait dans les esprits de tous, mais déjà elle était passée au second plan. On s’habitue, même aux attentats. La France va résister. Les Français sauront résister, même sans étaler un héroïsme exceptionnel, sans même avoir besoin d’un «déclic» collectif de fierté nationale.

Ils résisteront parce qu’on ne peut pas faire autrement, et parce qu’on s’habitue à tout. Et aucune émotion humaine, même la peur, est forte comme l’habitude. Keep calm and carry out. Gardez le calme et tenez bon. D’accord, on ferra vraiment ainsi (même si, hélas, nous n’avons pas Churchill pour gouverner le pays). Contrairement à ce qu’on pense, les Français sont plutôt dociles et se laissent gouverner facilement, mais cela ne veut pas dire que ce sont des complets imbéciles. Leur défaut principal pourrait se définir une sorte de superficialité incline à oublier, et cela signifie qu’il faut périodiquement leur rafraîchir la mémoire. La situation déplorable dans laquelle nous nous trouvons est à attribuer à des responsabilités politiques précises ; et ces responsabilités politiques devront, tôt ou tard, être passées au crible. Il est très improbable que l’insignifiant opportuniste qui occupe le fauteuil de chef de l’État, tout comme l’attardé congénital qui occupe la fonction de Premier ministre, pour ne pas mentionner ensuite les «ténors de l’opposition» (LOL), sortent avec les honneurs de cet examen.

Qui a décidé des coupes budgétaires dans les forces de police, jusqu’à les réduire à l’exaspération, les rendant presque incapables de mener à bien leurs missions? Qui a enseigné pendant de nombreuses années, que les frontières sont une vieille absurdité, symbole d’un nationalisme dépassé et nauséabond ? Il est évident que ces responsabilités ont été largement partagées. Quels leaders politiques ont empêtré la France dans des opérations absurdes et coûteuses, dont le principal résultat a été de faire basculer dans le chaos d’abord l’Irak, puis la Libye ? Et quels gouvernements étaient près, jusqu’à peu, à faire la même chose en Syrie ? (J’oubliais, il est vrai que nous n’avons pas été en Irak, pas la deuxième fois. Mais il en a fallu de peu, et il apparaît presque certain que Dominique de Villepin passera à la postérité uniquement pour cela, ce qui n’est pas peu : avoir empêché que la France, pour une fois, la seule et unique fois de son histoire récente, participe à une intervention militaire criminelle – et en plus idiote).

La conclusion inévitable est malheureusement très grave : les gouvernements qui se sont succédé au cours des dix (vingt? trente?) dernières années ont lamentablement échoué, systématiquement, lourdement dans leur mission fondamentale, c’est-à-dire protéger le peuple français confié à leur responsabilité.

La population, de son côté, n’a failli en rien. Au fond, on ne sait pas exactement ce que pense la population, étant donné que les gouvernements successifs se sont bien gardés de faire un référendum (sauf un, en 2005, mais ils ont préféré ne pas tenir compte du résultat). Les sondages d’opinion, au contraire, sont toujours autorisés et – pour ce qu’ils valent – révèlent grosso modo les choses suivantes : la population française a toujours gardé confiance et solidarité vis-à-vis de l’armée et des forces de police ; elle a accueilli avec mépris les discours de la « gauche morale » (morale?) sur l’accueil des réfugiés et des migrants et elle n’a jamais accepté sans méfiance les aventures militaires extérieures dans laquelle ses gouvernants l’ont entraînée.

On pourrait multiplier à l’infini les exemples de la fracture, aujourd’hui abyssale, qui s’est créée entre les citoyens et ceux qui devraient les représenter. Le discrédit qui frappe aujourd’hui en France l’ensemble de la classe politique est non seulement répandu, mais aussi légitime. Et il me semble que la seule solution qu’il nous reste serait celle de se diriger lentement vers l’unique forme de démocratie réelle, j’entends par là la démocratie directe. »

Source: http://www.les-crises.fr/l-ne-nous-reste-dune-seule-solution-la-democratie-directe-par-michel-houellebecq/


SCANDALE D’ÉTAT CONFIRMÉ et amplifié : Le gouvernement est-il prêt à nous sacrifier par idéologie ?

Monday 23 November 2015 at 09:10

Dimanche midi ; nous suivons sur ce blog depuis jeudi soir un des grands scandales de la Ve République, qui n’intéresse presque personne.

En effet, le gouvernement a refusé la liste des djihadistes français ayant opéré en Syrie proposée par le gouvernement syrien – celui-ci demandant qu’on arrête d’appeler à l’assassinat de Bachar-al-Assad, et qu’on rouvre notre ambassade à Damas (comme le font beaucoup d’autres pays de l’Union Européenne…).

Rappel Épisode 1

En fait, je viens de voir que tout a commencé dès le 16 novembre, sur Radio Classique, où l’ancien chef de la DST/DCRI balance sévèrement :

2’53 : Squarcini : Surtout, surtout, nous n’avons plus aucun contact avec les services secrets syriens, où tout se passe !

Durand : C’est ça la faille ?

Squarcini : Ben, il y a un problème opérationnel ! Vous ne pouvez pas connaitre le nom des Français qui sont en Syrie si vous ne discutez pas avec vos homologues syriens !

Durand : Donc ce qui fait que cette affaire n’a pas pu être empêchée, c’est l’absence d’informations à la source ?

Squarcini : Je pense qu’il a une faille au niveau de la source. […] il a manqué beaucoup d’éléments […]

Durand : Mais quand on entend ce qui a été dit aux jeunes gens au Bataclan, on a clairement entendu « C’est à cause de l’intervention française en Syrie que vous allez tous mourir ! »

Squarcini : C’est aussi dans le communiqué [de revendication de Daech], où le Président est ciblé nommément, et nos frappes également. Mais lorsqu’on va faire la guerre à l’extérieur, on rassure d’abord et on met des sacs de sable d’un certain niveau sur notre territoire national pour que les Français puissent vivre au quotidien sans aucun problème !

Traduction : “Sombre idiot, quand tu vas bombarder des terroristes, que ça va fâcher, assure-toi d’avoir mis toutes les chances du côté de ta population en récoltant le maximum de renseignements ! As-tu compris maintenant ce que j’ai longuement essayé de t’expliquer il y a deux ans ?”

J’imagine que Squarcini s’est attendu à une polémique, et/ou, vu le choix du lieu assez confidentiel (423 vues pour la vidéo… Mais bon, on s’intéresse plutôt ) et la mesure de ses propos, à avoir rapidement des signes d’une évolution de l’exécutif, façon “je préviens gentiment, mais bougez vite”.

Je rappelle enfin que si Squarcini a été nommé par Sarkozy, s’il y a bien une personne qui a intérêt à ce qu’il n’y ait pas une commission d’enquête, c’est Sarkozy, qui a ruiné la Libye, qui a rompu les relations avec Assad et fermé notre ambassade, et qui palpe l’argent du Qatar. Fin des théories conspirationistes envers Squarcini (c’est lourd), ou alors avec des preuves solides, merci.

(PS : au passage, soutien total à nos as du renseignement, hélas guidés par des aveugles…)

Rappel Épisode 2

On comprend avec le recul que le gouvernement a dû refuser toute évolution la semaine passée, d’où le fait que Squarcini ait sorti la sulfateuse jeudi dans Valeurs actuelles :

Vous avez proposé à votre ancien service il y a deux ans de lui transmettre une liste des Français qui combattent en Syrie. Pourquoi a-t-il refusé ?

Il y a déjà deux ans, les services syriens m’avaient effectivement proposé une liste des Français combattant en Syrie. j’en avais parlé à mon ancien service qui en a rendu compte à Manuel Valls. La condition des Syriens était que la France accepte de coopérer à nouveau avec leurs services de renseignements. On m’a opposé un refus pour des raisons idéologiques.

C’est dommage car la proposition était une bonne amorce pour renouer nos relations et surtout, pour connaître, identifier et surveiller tous ces Français qui transitent entre notre pays et la Syrie. Résultat : on ne sait rien d’eux et on perd beaucoup de temps en demandant des informations aux agences allemandes, qui sont toujours restées sur place, mais aussi jordaniennes, russes, américaines et turques. On n’est absolument plus dans le concret.

Accusations gravissimes confirmées par un ancien ponte de la DGSE (ces gens là essayant de nous protéger, eux, que voulez-vous…).

Précision : des indiscrétions laissent à penser (et c’est logique), que Valls a d’abord accepté, mais que finalement, c’est Ayrault qui, forte sur pression de Fabius, a refusé, obligeant Valls a refuser. C’est Fabius qui depuis le début tient ces positions talibanesques délirantes – ce type n’a rien à faire au Quai d’Orsay, où il est évidemment largement “déploré”. Hollande est dans cette histoire comme habitude, insignifiant.

Rien d’étonnant sur le fond, c’était fièrement proclamé par Fabius, si on sait lire entre les lignes :

Mais sommes-nous tous d’accord ?

(d’autant que M. Fabius semble surtout avoir choisi les deux quand il copine les dictatures de l’Arabie ou du Qatar qui soutiennent le terrorisme…).

.

Lire : L’Arabie ? Un Daech qui a réussi

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Le Drian : la décence, c’était avant…

Je vais passer très vite sur la panne de décence du fait que, non content de ne pas avoir démissionné après le naufrage historique de la semaine passée (pour que même Slate le dise… Mais comme je le dis, la propagande, la fabrication du consentement c’est bien gentil, mais encore faut-il ne pas mourir sur le chemin du journal…)…

… le ministre de la Défense vient nous expliquer que, bien entendu, il reste candidat aux régionales (faut pas abuser, on ne va pas se laisser détourner de ses objectifs vitaux par une petite guerre), et que surtout, aucun souci, s’il gagne, eh bien il restera au ministère en cumul des mandats (si Hollande le veut – inch’Hollande)

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Le Scandale d’État non seulement confirmé mais amplifié !

Mais le vrai sujet est la suite du scandale d’État.

Eh bien, trèèèèèèèèèèèèèèèès timidement un journaliste du Monde a posé une petite question à M. Le Drian (il n’allait quand même pas mettre sur la table les accusations des pontes de la DST et DGSE, le Monde on a dit…) qui dans une interview lamentable a montré qu’il n’a toujours rien compris à la situation, sur plusieurs sujets, le principal étant sans doute celui-ci :

7’53 Le Drian : dans cette affaire de la lutte contre cette armée de l’ombre [OB : mais comment on peut être aussi con ?], tout le monde a besoin de tout le monde

8’40 Le Drian : la nouveauté par rapport aux États-Unis, c’est qu’il y a eu une accélération de la transparence dans le renseignement militaire

9’15 Le Drian : le renseignement c’est aussi un outil de souveraineté

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9’45 Journaliste : Est-ce que vos services reparlent avec les services du gouvernement syrien, de Bachar al-Assad ?

Le Drian : Ce n’est pas à l’ordre du jour.

Elkabach : Est-ce que ça pourrait le devenir ?

Le Drian : Pas pour l’instant.

(fin du passage, ils partent sur  un délire sur la Russie qui changé de position (sic.)…)

Sidérant…

Bref, on aura facilement la liste des djihadistes français qui sont allés combattre… aux États-Unis.

Je vous rappelle les paroles de Bachar al-Assad, à propos de la politique “Donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure” de Hollande :

« Comment voulez-vous qu’il y ait coopération à partir du moment où vous refusez tout autre contact, où il n’est pas question de rouvrir votre ambassade et encore moins de faire une déclaration reconnaissant l’actuel régime syrien comme légitime ? À partir du moment où Hollande et Fabius font de mon élimination une condition sine qua non, ils ne peuvent pas me demander d’échanger avec eux. En fait, leur contradiction profonde, c’est qu’ils combattent le terrorisme d’une main et le soutiennent d’une autre, en fournissant armes et matériel à une opposition qui n’a strictement rien de modéré et encore moins de laïc. Nous avons actuellement en Syrie 20 000 djihadistes étrangers qui combattent au sein de Dae’ch, d’Al-Nosra ou autre, et vous savez parfaitement bien qui les finance. » [...]

L’Occident a combattu de toutes ses forces la nation arabe : aujourd’hui, elle a en face d’elle l’islamisme wahhabite et nous en payons tous le prix.»

 

Si j’insistais autant depuis 3 jours, c’est que, connaissant bien les mentalités de ces gens-là, je craignais bien qu’il soient assez fous pour s’entêter, et ne pas renouer des contacts au plus vite avec la Syrie, pour tenter de déjouer tout nouvel attentat.

Je pense au fond de moi qu’ils n’en sont tout simplement psychologiquement pas capables. Cela implique de n’avoir aucun afect, mais que de la raison – or ces gens, c’est le contraire, signe de notre époque. Faites d’ailleurs le ratio émotion / raison dans les médias, c’est éloquent.

Certes peut-être que des contacts se nouent en ce moment, mais aucun geste apparent n’a été fait par Hollande.

Si on voulait renouer, Hollande n’avait qu’à prétexter que, “bien qu’aucune faute n’ait été commise” (heum heum), la situation exige un renouveau politique. Je remplace M. Fabius par M. Védrine, et nous rouvrons notre ambassade à Damas, pour rejoindre beaucoup d’autres pays de l’Union. La France maintien son souhait d’un processus démocratique à la fin de la guerre, où les Syriens décideront librement et par eux-mêmes de leur avenir, blablabla”.

Ce n’est pas fait, ils semblent donc persister à nous mettre en risque par idéologie, à ne pas écouter.

Bien sûr, rien ne dit qu’avoir des renseignements syriens empêcherait le prochain attentat, mais rien ne dit non plus le contraire, et, personnellement, j’apprécierais qu’on ne prenne aucun risque avec ma sécurité. Comment dit-on déjà ? Ah oui, “Tout le monde a besoin de tout le monde.”

 

Si vous voulez comprendre les racines de la crise syrienne, pour bien comprendre quelles peuvent en être les issues, lisez ici l’analyse de cet ancien ponte de la DGSE.

 

Première réaction ce matin de Jacques Raillane , alias “Abou Djaffar”, ancien analyste de la DGSE, spécialiste du renseignement et de la lutte contre le terrorisme :

Journalistes, pourquoi rester complices de ce silence ? Cela mérite enquête et débat !

Il y a un moment où le silence devient criminel. Pensez aux victimes et à leurs familles !

On ne parle pas Politique, on parle Sécurité, de nous tous, et Construction de notre avenir

Bonus

11’30 Le Drian Jusqu’où va l’évolution des Russes ? Il faudra le vérifier avec M. Poutine. Car si nous sommes dans une coordination, cela veut dire que la Russie frappera Daech, et ne frappera plus l’Armée Syrienne Libre !

Selon l’universitaire Frédéric Pichon (docteur en Histoire contemporaine. Ancien élève de l’IEP de Paris) :

“L’Armée Syrienne Libre a été une franchise commode. Elle était composée des mêmes combattants qui aujourd’hui sont dans le Front islamique, financé par les Saoudiens, ou des combattants du Front al-Nosra ou des groupes affiliés à Al-Qaida. Il y a toujours eu une grande porosité entre ces groupes de combattants. On a essayé de nous vendre une fiction de « modérés » au sein de l’ASL, à laquelle de nombreux experts n’ont jamais cru. Je comprends que pour un certain discours, il fallait dire que l’on soutenait des nationalistes, mais on ne les a jamais trouvés. Il y avait des Syriens, des hommes libres qui se revendiquaient de l’ASL. Ils allaient du salafiste bon teint au djihadiste, en passant par des gens qui défendaient leur quartier ou leur village.”

Un commandant de “l’Armée Syrienne Libre” :

Merci pour ce moment M. Le Drian… Je me sens en sécurité grâce à vous, renvoyez 10 militaires de plus patrouiller dans les couloirs du RER, c’est super utile.

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Médias

Hier, chez Ardisson, on a parlé (enfin, on l’a effleuré) du scandale (ben, s’il ne reste qu’Ardisson pour s’informer…).

23’55 : le journaliste de Valeurs Actuelles sort la bombe.

Réaction d’Ardisson : “Alors, on continue, bla bla bla”

On a eu aussi le Figaro

Source : Tristan Quinault Maupoil, pour Le Figaro, le 20 novembre 2015.

LE SCAN POLITIQUE – Selon l’ancien directeur central du renseignement entre 2008 et 2012, Manuel Valls a refusé une liste de djihadistes proposée par la Syrie. Des députés demandent des explications.

Par opposition au régime de Bachar el-Assad, la France a-t-elle refusé une liste de djihadistes Français qui combattent en Syrie? C’est ce qu’assure Bernard Squarcini, l’ancien directeur central du renseignement entre 2008 et 2012. Il explique à Valeurs Actuelles: «Il y a déjà deux ans, les services syriens m’avaient effectivement proposé une liste des Français combattant en Syrie. J’en avais parlé à mon ancien service qui en a rendu compte à Manuel Valls. La condition des Syriens était que la France accepte de coopérer à nouveau avec leurs services de renseignements».

«On m’a opposé un refus pour des raisons idéologiques. C’est dommage car la proposition était une bonne amorce pour renouer nos relations et surtout, pour connaître, identifier et surveiller tous ces Français qui transitent entre notre pays et la Syrie», regrette l’ex-haut fonctionnaire. «Résultat: on ne sait rien d’eux et on perd beaucoup de temps en demandant des informations aux agences allemandes, qui sont toujours restées sur place, mais aussi jordaniennes, russes, américaines et turques. On n’est absolument plus dans le concret», ajoute encore Bernard Squarcini alors que certains des terroristes impliqués dans les attentats de la semaine dernière avaient justement transités par la Syrie. Une déclaration qui a été aussitôt relayée par Jean-Frédéric Poisson (LR) et Gilbert Collard (FN). Dans deux questions écrites distinctes adressées à Manuel Valls, les députés demandent des explications. Légalement, le premier ministre a deux mois pour y répondre.

«Caractère sensible et grave de cette allégation»

«Le caractère extrêmement sensible et grave de cette allégation réclame des réponses: cette allégation est-elle fondée? Ce refus a-t-il eu des conséquences sur la capacité de la France à connaître plus précisément les connexions entre les français partis en Syrie et les réseaux islamistes présents sur notre territoire?», demande ainsi Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien démocrate, militant d’un rapprochement de la France avec Bachar el-Assad. Ce dernier a d’ailleursrencontré deux fois le raïs syrien en 2015. Dans le même texte, le député des Yvelines demande au gouvernement de réouvrir son ambassade à Damas, fermée après le début de la révolution syrienne.

Auprès de Paris Match, le député Olivier Marleix (LR) parle d’un «refus d’une extrême gravité». «Quoi qu’on pense de Bachar el-Assad, puisque nous sommes en guerre, on ne refuse pas des informations aussi vitales! Nos services se sont privés de contact indirect avec les services syriens», complète l’élu de l’Eure-et-Loir qui justifie donc de réclamer une commission d’enquête parlementaire.

À suivre (?)

Source: http://www.les-crises.fr/le-gvnmt-est-il-pret-a-nous-sacrifier-par-ideologie/


Daech, partenaire financier de la Haute finance internationale ?

Monday 23 November 2015 at 04:05

Source : Liliane Held-Khawam, pour Arrêt sur Info, le 20 novembre 2015.

Le Figaro vient de publier un inventaire des principales sources de financement de Daech. Il en conclut qu’elle est « l’organisation terroriste la plus riche de l’histoire et a réussi à se forger une indépendance financière.« 

cart-ei-2015

Le territoire de l’Etat islamique, grand comme le Royaume-Uni, regorgerait de multiples ressources naturelles (pétrole, gaz, phosphate, blé et orge).

Des impôts/taxes/pénalités frapperaient les 10 millions d’habitants (industrie, commerce, banques) qui sont sous son contrôle.

Son patrimoine s’élèverait à 2260 milliards d’euros avec un revenu annuel en 2015 de 2,6 milliards d’euros, selon les toutes dernières estimations que Jean-Charles Brisard, expert en financement du terrorisme et président du Centre d’analyse du terrorisme.

Cette richesse non négligeable permet d’ »armer, nourrir et payer les quelques 30.000 combattants environ 300 dollars par mois, verser des pensions aux familles des militants tués, entretenir les bases militaires, administrer les territoires nouvellement occupés,réaliser des clips de propagandes à la manière de Hollywood, «rééduquer» les enseignants avant de rouvrir les écoles, et embaucher des ingénieurs et des traders pour faire tourner leurs sites pétroliers et gaziers ».

Selon M Brisard, le calcul du patrimoine de 2 ,26 trillions de dollars représente les installations pétrolières et gazières, des mines de phosphates, des terres agricoles, des sites culturels etc. situés sur le territoire contrôlé par l’État islamique.

Grâce à ses nouvelles conquêtes, Le patrimoine de Daëch aurait progressé de 217 milliards en une année seulement…

M Brisard constate une baisse des revenus entre 2014 et 2015. les recettes de Daech provenant du pétrole (et autres ressources naturelles) diminuent tandis que celles provenant des taxes et des confiscations grimpent.

60% des recettes de l’État islamique proviennent ainsi en 2015 des ressources naturelles exploitées sur le territoire.Les revenus du pétrole représentent le quart des rentrées financières…

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Exportation des ressources naturelles à prix cassés

On constate sur les graphiques ci-dessus que Daëch dispose de beaucoup de ressources naturelles et archéologiques. Cela signifie que ces produits ont des clients. beaucoup de clients.

Or on peut difficilement imaginer que les peuples syriens et irakiens, restés sur place, puissent générer un chiffre d’affaires de plus de 2.6 milliards de dollars.

L’article du Figaro précise que Daech est autonome pour sa consommation d’hydrocarbures et arrive même à en vendre dans le reste de la Syrie et de l’Irak (à l’opposition!). De plus l’organisation peut semble-t-il exporter sa production via la frontière poreuse Nord syro-turque…

Alors qui sont les clients d’une organisation supposée terroriste? Est-il pensable que les pays qui dénoncent Daëch bénéficient directement de cette manne inattendue qui casserait littéralement les coûts de production et améliorerait les marges bénéficiaires des entreprises?

En tout cas, le Figaro constate que si le pétrole s’échangeait en 2014 autour de 100 dollars le baril, il se traite actuellement à moins de 50 dollars. Mais l’EI offre un discount redoutable qui passe de 25 dollars le baril l’année dernière à 15 dollars actuellement environ assure Jean-Charles Brisard.

Transactions financières sur le circuit de la haute finance internationale

Qui dit exportation, dit transaction financière.

Or, chaque transaction financière est scrutée par les autorités des marchés financiers. On se souvient tous que la Suisse par exemple a dû renoncer au secret bancaire au nom de la « Weissgelg » disait la ministre des finances du pays. Cette promotion de la stratégie de l’argent propre devrait répondre à l’exigence de transparence des standards internationaux.

D’ailleurs, un couple suisse qui voulait envoyer quelques centaines de dollars au Liban pour raison humanitaire s’est vu devoir détailler le pourquoi du comment de l’envoi.

Un autre exemple se passe cette fois en Belgique. Ca donne l’échange téléphonique suivant:

« Bonjour Madame, BNP Paribas au téléphone. Le service de sécurité s’interroge sur l’une de vos transactions. Pourriez-vous passer au plus vite à notre agence? » – « euh… De quoi s’agit-il? Depuis quand doit-on justifier ses transactions? » – « Il semble que vous ayez réservé des billets Thalys il y a 15 jours. Nous voudrions savoir la raison de votre déplacement… » – « C’est une blague ou quoi? »

Alors. comment des transactions financières issues d’exportations, elles-mêmes supposées illégales, peuvent-elles se faire quand même? En cash? Difficile de penser 30 secondes que des sommes pareilles circulent physiquement.

Et voilà que  Jean-Charles Brisard confirme dans cette vidéo que 24 banques qui sont sous le contrôle de l’Etat Islamique opèrent toujours sur la scène financière internationale.

TOUT EST DIT.

Côté hypocrisie des autorités financières nationales et internationales, nous rappellerons tout simplement la légalisation de la finance de l’ombre (shadow banking) depuis la crise des subprimes de 2007. Et voici ce qu’en disait récemment un journal belge:

« Le système bancaire parallèle, dit « shadow banking », a continué de croître l’an passé pour peser quelque 80.000 milliards de dollars, selon un rapport du Conseil de stabilité financière (FSB) publié jeudi en amont du sommet du G20 à Antalya. »

Ces sommes ne sont évidemment pas comptabilisées dans les bilans des grandes banques pour lesquelles les peuples se saignent quotidiennement pour les renflouer…Elles sont le fruit des activités méprisables du casino géant mondial.

On pourrait supposer que le casino mondial n’a pas peur de la clientèle du genre « Etat islamique » qui possède son marché aux esclaves… Souvenons-nous des multiples scandales des firmes transnationales qui appartiennent à la Haute finance internationale et qui font travailler loin des regards des enfants-esclaves… Force est de constater que les frontières morales sont elles aussi poreuses…

Source: http://www.les-crises.fr/daech-partenaire-financier-de-la-haute-finance-internationale/